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La coque : petit mollusque, grands bénéfices

Les populations de coques sont en déclin dans certains rivages européens. C’est pour répondre à ce constat alarmant que la coque est au cœur d’un projet européen, ambitieux tant par la diversité des acteurs mobilisés que par la multiplicité des questions posées. Rencontre avec Francis Orvain, maître de conférences en biologie marine (BOREA · FRE 2030).

La coque est-elle une espèce menacée ?

L’Espagne a vu, ces dernières années, ses gisements de coques s’effondrer. C’est toute une filière économique qui est ainsi touchée, du producteur au consommateur. En cause : une maladie, la marteiliose, qui décime les populations, et le réchauffement climatique, qui pourrait jouer un rôle important dans la prolifération des parasites. La mortalité des coques n’est pas aussi forte dans le nord de l’Europe. En Normandie, on trouve des gisements importants dans l’estuaire de la Seine, dans la baie des Veys, et sur tout le littoral du Calvados et de la Manche. Pour autant, les coques normandes ne sont pas, elles non plus, épargnées par les parasites, qui les malmènent et les rendent malades. Face aux difficultés rencontrées par les professionnels à travers l’Europe, le laboratoire BOREA s’est associé au projet COCKLES pour faire un état des lieux global de la situation. La coque n’est pas une espèce en danger. Mais les maladies et la gestion parfois inefficace de la ressource constituent une menace pour l’avenir des populations de coque… et pour l’équilibre de nos écosystèmes.

Quels sont les enjeux du projet COCKLES ?

Le projet COCKLES réunit 22 partenaires espagnols, portugais, britanniques, irlandais et français. Les gisements de coques vont être étudiées à l’échelle européenne selon différents angles : cycle de reproduction, croissance, efficacité du système immunitaire, déplacements, aire de répartition des populations, diversité génétique des populations… Sur ce dernier point, les analyses génétiques ont notamment mis en évidence les différences entre les coques de l’Atlantique, et les coques de la mer du Nord et de la Manche. Le projet COCKLES compte, en réalité, pas moins de huit volets distincts. L’un d’eux est consacré à la restauration et l’exploitation de la ressource dans les régions touchées par la marteiliose, avec pour objectifs de rechercher des lignées résistantes et de développer l’aquaculture. De notre côté, nous intervenons dans le huitième volet — celui dédié aux services écosystémiques rendus par la coque. Nous effectuons des études de terrain et menons des expériences en laboratoire pour évaluer l’influence des coques sur leur environnement et quantifier les bénéfices pour l’ensemble de la biodiversité marine. La coque est une espèce qu’on appelle « ingénieur » : grâce aux mouvements réguliers de ces valves, elle structure intégralement son milieu. La baie des Veys, à titre d’exemple, est occupée à 90% par des coques : leur comportement, à micro-échelle, impacte donc plus largement tout l’écosystème de l’estuaire. Sur la base des données obtenues, nous effectuons des modélisations pour obtenir des projections sur les années à venir.

Quel rôle joue la coque dans l’équilibre des écosystèmes côtiers ?

De prime abord, on ne mesure pas l’importance de ce petit mollusque de trois centimètres, bien caché dans le sable à marée basse ! Et pourtant, la coque joue un rôle essentiel. Elle bouge, elle se déplace, elle fait des traces, elle s’enfouit, elle creuse des galeries… Ces mouvements contribuent à l’érosion des sédiments et à l’apparition de microalgues. Résultat : moins de vase et plus de sable fin ! Les coques assurent un brassage comparable à l’effet d’un minuscule bulldozer, favorisant ainsi l’oxygénation des sédiments et la remontée des sels nutritifs vers la surface, qui vont constituer une source de nourriture pour d’autres espèces. La coque filtre également l’eau de mer pour capter les particules nécessaires à son alimentation, ce qui contribue à diminuer les pathogènes circulant dans l’eau. Grâce à cette action de filtration, la coque peut-elle sauver les huîtres face à des virus comme l’Ostreid Herpès Virus 1, particulièrement virulent ? Ou, à l’inverse, a-t-elle un effet néfaste ? Ce sont des hypothèses que nous cherchons actuellement à vérifier. La coque est un modèle de restauration écologique car elle influence considérablement son milieu en créant les conditions propices à son propre développement.
Nous avons également évalué comment une contamination par un parasite peut changer la façon dont les coques changent de comportement en étant plus inactives et moins capables de s’enfouir. Ces modifications de comportement se traduisent par un changement de leurs influences sur la stabilité sédimentaire (encore appelé l’érodabilité). Les coques parasitées rendent ainsi moins de services écosystémiques à l’Homme. Elles sont par exemple moins capables de faciliter l’érosion des vases et de favoriser un flux sédimentaire dynamique.

Le projet COCKLES a été sélectionné dans le cadre du Programme européen de coopération transnationale INTERREG V B Espace Atlantique cofinancé par le Fonds européen de développement régional.

Publication récente :
Annabelle Dairain, Olivier Maire, Guillaume Meynard, Francis Orvain “Does parasitism influence sediment stability? Evaluation of trait-mediated effects of the trematode Bucephalus minimus on the key role of cockles Cerastoderma edule in sediment erosion dynamics” Science of The Total Environment, Volume 733, 1 September 2020.
https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2020.139307