Chaque année, le concours Têtes Chercheuses met à l’honneur les démarches innovantes de médiation scientifique ainsi que les projets de recherche participative en Normandie. Pour cette édition 2025, le Prix Unicaen « Science & Société », doté de 10 000 euros, a été décerné à l’unité de recherche Neuropsychologie et Imagerie de la Mémoire Humaine (NIMH) pour son projet de rééducation post-AVC en réalité virtuelle auditive, co-construit avec les patients, les cliniciens, les ingénieurs, les citoyens et les chercheurs.
Une recherche née d’un besoin clinique
Le projet s’attaque à un trouble encore méconnu mais fréquent : la négligence spatiale unilatérale. Ce syndrome, souvent présent après un AVC, rend le patient incapable de s’orienter, d’agir ou réagir envers une moitié de l’espace, sans qu’il en ait conscience. C’est un déficit invisible qui pèse lourdement sur l’autonomie, la sécurité, et la qualité de vie de ces patients.
Face à l’absence de solutions efficaces et adaptées aux contraintes du terrain, l’équipe a fait le choix d’un projet profondément participatif impliquant dès le départ, patients, cliniciens, chercheurs, ingénieurs et citoyens dans la co-construction d’un outil innovant. C’est dans ce cadre qu’est menée la thèse de Clémence Lelaumier, doctorante en neuropsychologie au laboratoire NIMH, en convention cifre avec Wivy : « Il n’y avait pas de méthode à la fois efficace à long terme, bénéfique pour la vie quotidienne et réellement utilisable en pratique clinique. Il fallait faire autrement », précise-t-elle.
Une rééducation auditive et immersive
Le dispositif imaginé s’appuie sur une réalité virtuelle auditive où les patients, équipés d’un casque audio, évoluent dans des environnements sonores spatialisés en 3D, avec lequel ils peuvent interagir grâce à une caméra de capture des mouvements. En sollicitant la perception auditive pour réapprivoiser l’espace, l’intervention cherche à stimuler la réorganisation cérébrale dans les jours suivant l’AVC. Pour renforcer la motivation des patients, l’outil intègre une gamification progressive, pensée avec Affordance Studio, spécialiste canadien du serious game. L’ingénierie sonore et l’environnement immersif sont développés avec Wivy, entreprise spécialisée dans les technologies de soin, en partenariat avec Antoine Petroff, ingénieur du son.
« Il faut que les patients et patientes aient envie de continuer l’intervention. Qu’ils aient du défi et qu’ils prennent du plaisir pour qu’ils n’abandonnent pas », indique Diana Zidarov, professeure d’université associée à l’université de Montréal. « Les patients n’ont pas souvent conscience de leur trouble, souligne Clémence Lelaumier. L’intérêt du grand public, c’est qu’ils aident à trouver des idées globalement motivantes, pour que les patients n’aient pas l’impression de juste faire de la rééducation. »
Une aventure interdisciplinaire
Au cœur du projet, une conviction partagée : une solution utile ne peut être conçue que collectivement. Cliniciens, game designers, chercheurs, citoyens, patients… tous apportent leur expertise dans les choix techniques, esthétiques et pratiques. Cette dynamique se traduit concrètement par une série d’ateliers de co-construction, organisés avec des groupes distincts de patients post-AVC, de cliniciens spécialisés en rééducation et de membres du grand public. Chaque atelier, structuré autour d’un thème (mécaniques de jeu, aspects cognitifs et physiques, fonctionnalités techniques), permet d’ajuster les choix de conception en temps réel grâce à des prototypes interactifs. L’objectif est de faire émerger un outil pertinent, motivant et adapté aux contraintes du terrain. « La recherche participative, ce n’est pas un concept, » indique Hervé Platel, professeur d’université et directeur du NIMH. « C’est une méthode rigoureuse, exigeante, ce n’est pas de l’improvisation. » Pour Loïc Fruleux, président de Wivy, « c’était plus long au départ (la recherche participative), mais à la fin, on gagne du temps. Le produit développé arrive plus vite sur le marché car on avance ensemble. »
Une première série d’ateliers est prévue pour l’été 2025, avec des tests cliniques en centres de rééducation et des ateliers citoyens.

Clémence Lelaumier reçoit officiellement le prix UNICAEN Science Société à l’occasion du Forum Cogito, le jeudi 12 juin 2025 ©Le_Dome
Porté par le laboratoire NIMH, le projet réunit
- Un panel scientifique : Clémence Lelaumier (porteuse du projet et doctorante au NIMH), Hervé Platel (professeur à l’université de Caen Normandie), Diana Zidarov (professeure associée à l’université de Montréal) et Hadrien Ceyte (enseignant-Chercheur à l’université d’Aix-Marseille).
- Un panel clinicien : Clémentine Piet (neuropsychologue), Solenn Bocoyran (orthophoniste) et Alexis Ruet (médecin).
- Un panel ingénieur : Baptiste Fruleux (développeur chez Wivy), Loïc Fruleux (président de Wivy) et Antoine Petroff (ingénieur du son chez Cosmos Acoustique).
- Un panel jeux vidéo : Jamie Dorval (game designer chez Studio Affordance), Virginie Lesiège (game designer chez Studio Affordance) et Angéline Rondeau (game designer chez Studio Affordance).