Diplômée en histoire à l’université de Caen Normandie, Aline Laignel est aujourd’hui danseuse, chorégraphe, chercheuse et professeure d’histoire de la danse. Son parcours, entre transmission et création, l’a menée à co-chorégraphier la Parade Opératique créée à l’occasion du Millénaire de Caen. Retour sur son parcours.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours artistique et académique ?
J’ai débuté mon parcours par une école de formation professionnelle en danse à Paris que j’ai été contrainte d’arrêter pour des raisons de santé. Ayant toujours adoré l’histoire, j’ai décidé de m’inscrire en licence d’Histoire à l’université de Caen Normandie. J’ai poursuivi mon parcours en master 1 recherche où j’ai amorcé ma spécialisation en histoire de la danse, en m’intéressant à la réception des œuvres et du geste dansé. Je me suis ensuite orientée vers un M2 professionnel, le master Histoire parcours Gestion et mise en valeur Ressources Patrimoniales. Dans ce cadre, j’ai effectué un stage de 4 mois au Centre National de la Danse. Je m’occupais notamment du traitement de fonds d’archives d’artistes chorégraphiques. J’ai poursuivi mon parcours universitaire à Paris 8 où a commencé mon travail de recherche sur l’histoire et l’esthétique des danses africaines américaines en France, et plus spécifiquement les danses jazz.
Durant mon parcours universitaire, j’ai toujours dansé. J’ai été inscrite au SUAPS de l’université de Caen Normandie avec le statut d’élite universitaire (dans le cadre de pratiques sportives de bon et haut niveau). J’ai participé à des concours interrégionaux du SUAPS, et j’ai également animé des ateliers de danse. En parallèle, j’ai préparé les examens d’aptitude technique (EAT) pour accéder à la formation pédagogique en danse. Aujourd’hui, j’enseigne à la fois la danse et l’histoire de la danse dans des établissements d’enseignement supérieur.
Quels souvenirs gardez-vous de vos études à l’université de Caen Normandie ?
J’en garde de merveilleux souvenirs ! Ces années ont été fondatrices, à la fois humainement et en termes de formation. Je le mesure tous les jours dans ma vie professionnelle. J’ai acquis les bases de la discipline historique qui m’ont permis de développer mon travail, notamment en histoire de la danse et en culture chorégraphique. J’ai à cœur que la danse soit traitée comme un objet d’histoire à part entière avec tout l’appareil théorique de la discipline. Ma formation en histoire a donc été fondatrice de mon travail réflexif et critique : j’y reviens régulièrement.
Justement, comment vos études en histoire nourrissent-elles votre pratique artistique ?
Ce lien n’est pas toujours évident de prime abord, mais il me semble absolument essentiel. Mon parcours en histoire nourrit ma pratique artistique, notamment dans les danses jazz et afro-américaines, qui sont ancrées dans un contexte historique et territorial précis. Elles véhiculent un certain nombre de traditions qui font écho à l’histoire du peuple noir américain. Les pratiquer sans en connaître les origines reviendrait, selon moi, à les vider de leur sens. Quand j’enseigne l’histoire de la danse jazz, j’attire toujours l’attention sur ses fondements. Connaître son histoire est une manière de respecter cette culture et la communauté qui l’a portée.
Vous avez participé à l’organisation de la Parade Opératique du Millénaire. Quel a été votre rôle ? Que représente pour vous le fait de participer aux célébrations du Millénaire en tant qu’historienne ?
J’ai eu la chance de co-chorégraphier la Parade Opératique du Millénaire aux côtés de trois autres chorégraphes. Mon rôle a été d’écrire les chorégraphies de la déambulation en respectant la direction artistique et la vision poétique d’Amélie Clément. Ce projet m’a tout de suite intéressée car il m’a permis d’exercer à la fois mon regard d’historienne et de danseuse : il a synthétisé plusieurs aspects de mon parcours.
J’ai pris en charge la brigade 4 qui incarnait la société d’après-guerre. Les chorégraphies de cette brigade poétique rendaient hommage au cinéma français et à la comédie musicale, des univers que j’affectionne particulièrement. Ce fut un magnifique espace d’expression pour moi. J’ai donc animé une troupe de 70 danseurs et danseuses au SUAPS qui mêlait étudiants, étudiantes, membres du personnel universitaire et autres participantes et participants extérieurs de tous âges, donc des profils très divers, y compris des personnes n’ayant jamais dansé. Leur transmettre cette matière chorégraphique exigeante a représenté un vrai défi pédagogique !
L’un des chars a défilé sur l’Esplanade de la Paix, un lieu symbolique puisque c’est aussi celui de vos études. Qu’avez-vous ressenti en y revenant, cette fois en tant que professionnelle ?
Cette soirée a été très émouvante. Au-delà du 9 mai, ce projet a généré une véritable émulation et des liens humains forts. À mes yeux, la force du Millénaire réside précisément ici, dans sa capacité à rassembler. Il s’agit d’un véritable atout pour le territoire. À l’université, toutes les composantes se sont croisées dans ce projet à travers les profils des danseurs. J’ai eu le sentiment de mettre en lumière une certaine dimension de mon parcours : ma formation universitaire a rejoint ma formation artistique.
Quel conseil donneriez-vous aux étudiants et étudiantes qui viennent de faire leur rentrée en licence histoire ou en danse ?
Une formation en histoire peut ouvrir à plusieurs domaines : la culture, l’enseignement, l’édition, le journalisme… Elle nécessite de la rigueur et une ouverture d’esprit constante. Il est important de rester curieux et d’ouvrir ses champs réflexifs. Pour les étudiants et étudiantes en danse, il est essentiel de clarifier ses objectifs. Souhaitent-ils être chorégraphes, enseignants ou enseignantes, intégrer une compagnie, travailler dans l’événementiel ? C’est un milieu concurrentiel où il faut souvent multiplier les casquettes. Il faut faire preuve d’audace et prendre le temps d’une formation initiale solide. En danse plus qu’ailleurs, il faut inventer son métier et savoir le réinventer.
Aussi, nous avons la chance d’avoir une vie culturelle riche à Caen ! Je leur recommande évidemment le Centre Chorégraphique National pour la danse contemporaine, mais aussi le Cargö pour les musiques actuelles, le Théâtre de Caen, ou encore l’IMEC pour la valorisation du patrimoine et de l’édition.