Description de la côte de Guinée

Descrittione della costa della Guinea

La Guinée est une partie de l’Afrique contiguë à la Barbarie. Elle commence au cap Vert1, qui est à presque 5 degrés de longitude orientale et à 14,5 degrés de latitude septentrionale. Là est la basse Éthiopiea, où il y a de nombreuses langues différentes2 et de nombreux rois, qui sont obéis de leurs peuples comme le sont ici nos rois et nos princes. Ils sont tous idolâtres3. Leurs vêtements sont faits en coton de diverses façons, de sorte qu’ils sont tous différents les uns des autres. Du cap Vert jusqu’au grand fleuve de Manicongo4, il n’y a ni château, ni fort, à l’exception de celui qui est nommé le château de la Mine5, où le roi du Portugal maintient vingt-cinq ou trente personnes pour trafiquer et marchander avec les noirs. Ceux-ci viennent de la haute terre et n’apportent que de l’or, qu’ils apportent aussi sur la côte de la Malaguette6 à la rivière ou rio di Cesti7, où se fait le plus grand commerce de la malaguette. Mais au-delà de ce fleuve du côté des Portugais, il n’y a aucun fort ni aucune habitation qui se tienne pour eux plutôt que pour les Français. Si ils se procurentb des marchandises en ces endroits, comme la malaguettec, l’ivoire, les cuirsd ou d’autres marchandises, ils sont obligés de les acheter à ceux du pays et d’en payer les droits aux rois et aux princes du pays. Ici on troque une marchandise contre une autre, car ils n’ont pas de monnaie, et les seigneurs de ces lieux sont très contents quand les Français y viennent8.

La Guinea è parte dell’Africa contigua colla Barbarla & comincia à Capo verde ilquale ha di longitudine orientale quasi gradi cinque, & di latitudine Settentrionale gradi .14, è mezzo : & è la Ethiopia bassa doue sono molti Re, & molte lingue differenti, quali sono obediti da gli suoi popoli come sono qua li nostri Re, & principi, & tutti sono idolatri. Li vestimenti loro sono di bambagio in diuerse foggie, imperoche non vi è alcuno che non sia differente dall’altro. & da Capo verde fin alla fiumara di Manicongo non vi è ne castello, ne fortezza, saluo vno ilqual è detto il castello della Mina, doue il Re di Portogallo tiene venticinque ouer trenta persone per trafficar & mercadantar con li negri, i quali vengono dalla terra alta, & portano solamente dell’oro qual portano similmente nella costa delle Meleghette alla fiumara ò rio di Cesti doue si fa il maggior traffico della detta Meleghetta. Ma sopra detta fiumara dalla banda de Portoghesi non v’e alcun luogo forte, ò altra habitatione che si tenga per loro piu che per li Francesi. & se essi leuano mercantie di quelli luoghi, come Meleghetta, auorio, corami, ó altre mercantie, bisogna che le comprino da quelli del paese & che ne paghino datii alli Re, & principi del paese & quiui barattano vna mercantia con laltra, & non hanno moneta, & sono molto contenti gli Signori di quei luoghi quando li Francesi vi vanno.

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1. Presqu’île située sur la côte atlantique du Sénégal, où se trouve la capitale, Dakar.
2. C’est une donnée rarement signalée mais qui démontre que les navigateurs normands connaissaient très bien les peuples de la côte de Guinée.
3. tutti sono idolatri. L’auteur sous-entend-il ici une éventuelle évangélisation ? Rappelons qu’il qualifie les populations du Brésil de « très dociles » (f° 426v).
4. Le fleuve Congo.
5. castello della Mina. Le fort de Saint-Georges de la Mine fut fondé par les Portugais en 1482. C’est aujourd’hui le port d’Elmina, au Ghana. On s’étonne que ne soit pas cité ici le fort de San Antonio, construit en 1515 par les Portugais à Achim (Axem / Axim), sur la côte du Ghana, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Saint-Georges de la Mine.
6. costa delle Meleghette. L’étymologie du terme « malaguette » n’est pas très bien assurée. On considère qu’il viendrait de l’italien meleguétta, qui serait un diminutif de melega : sorgho ou millet. La malaguette serait alors la « toute petite graine ». Il s’agit d’une plante africaine (Aframomum melegueta) qui produit une gousse brune contenant de nombreuses petites graines ayant un goût poivré, utilisées comme condiment. Elle est appelée aussi maniguette, « faux poivre », graine de paradis, poivre de Guinée ou poivre du paradis. Elle a donné son nom à partir du XIVe siècle à la Côte de la Malaguette, ou Côte du Poivre ou Côte des Graines, où les Européens venaient se la procurer, sur les côtes actuelles de la Sierra Leone et du Liberia. De la même manière, en allant vers l’Est, on trouvait la Côte des Dents ou de l’Ivoire, la Côte de l’Or, puis la Côte des Esclaves, sur les côtes actuelles de la Côte-d’Ivoire, du Ghana, du Togo, du Bénin, du Nigeria, et plus loin encore.
7. Plus bas, on trouve deux occurrences orthographiées Rio di Ceste. La Cestos River, au Liberia, nommée aussi Nuon ou Nipoué River. Elle forme en partie la frontière avec la Côte-d’Ivoire, puis se jette dans le golfe de Guinée au niveau de la ville de River Cess.
8. C’est la seule véritable mention de la présence des Français en « Guinée ». On comprend qu’ils fréquentent assez régulièrement ces côtes, sans plus de précision. Pour les Normands par exemple, ce voyage était sûrement banal, même s’il n’existe pas de trace officielle. Notons qu’il n’est fait aucune mention d’une quelconque opposition de la part des Portugais. Voir l'étude historique, ainsi que J. Boulègue, Les royaumes wolof dans l’espace sénégambien (XIIIe-XVIIIe siècle), Paris, Karthala, 2013, chap. II « L’ouverture atlantique », p. 97-142.

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a. la Ethiopa bassa. Nothnagle traduit par « l’Éthiopie inférieure » (p. 104).
b. & se essi leuano mercantie di quelli luoghi. Nothnagle omet le « se » : « Et si ceux-ci procurent » (p. 106) ; Estancelin traduit par « exportent » (p. 233).
c. Meleghetta. Estancelin traduit ici par « poivre » (p. 233).
d. corami. Hoffman traduit de manière erronée par « coral » / corail (p. 26).