chapitre 14

capitulum XIV

Les chrétiens du Val Demone offrent des présents au comte et au duc

Christiani de valle Demiae comiti et duci munera offerunt

<1> Quittant cet endroit en se réjouissant fort de leur succès et montrant plus d’ardeur, à présent qu’ils connaissaient la faiblesse de ce peuple, ils prirent leurs quartiers près de Scabatripoli1Scabatripoli désigne l’actuelle Tripi (prov. Messine). Pour l’origine du nom, voir Amari 1933-1937, III/1, 73, n. 2. Idrīsī (La Première Géographie de l’Occident, H. Bresc, P.-A.-É.-P. Jaubert (trad.), A. Nef (éd., présentation, notes et révision de la trad.), Paris, Flammarion, 1999, p. 337) précise que cette localité se trouve à vingt milles vers l’ouest de Monteforte, lui-même à quatre milles au sud de Rometta. Il ajoute que « Tripi [B.r.b.l.s.] est une forteresse bien construite et spacieuse, dont les habitants sont riches et vivent à l’aise ».. De là, ils parvinrent le lendemain à Frazzanò2Frazzanò (prov. Messine) est distante de Tripi d’une trentaine de kilomètres. Les Normands ont pu passer par Montalbano, puis prendre la direction de Galati Mamertino et pousser jusqu’à Frazzanò. Aimé V, 21, indique que les chevaliers de Robert font étape à « False, à lo pié de lo grant mont et menachant Mongibello ». Mongibello étant un autre nom pour l’Etna, l’identification du nom False n’est pas sûre (voir Guéret-Laferté 2011, 401 et 564)., et de Frazzanò à la plaine de Maniace3Maniace (prov. Catane) se trouve dans une plaine, comme l’indiquent Malaterra (par l’emploi du syntagme pratum Maniaci) et Idrīsī (La Première Géographie de l’Occident, p. 336), entre les monts Nébrodes et l’Etna. On peut penser que Roger, depuis Frazzanò, a contourné les monts Nébrodes par la route aujourd’hui tracée par la N 116, qui rejoint la N 120 à Randazzo, puis qu’après Maniace il a pris la direction du sud, en suivant probablement le cours du Simeto, qui descend jusqu’à la plaine située entre Adrano et Centuripe.. <2> En cet endroit, les chrétiens4C’est dans le Val Demone que les chrétiens étaient les plus nombreux en Sicile. À propos de l’arabisation des chrétiens de Sicile, voir Bresc & Nef 1998. Même arabisés, ils étaient restés fidèles à l’empereur, dont ils avaient accueilli les troupes avec bonheur (par exemple, celles conduites par Maniakès en 1038), espérant une restauration. Comme les juifs, ils étaient soumis à un tribut annuel, la ğizya, en échange de la protection et de la liberté de culte (voir aussi Johns 2002, 37 ; Metcalfe 2003, 34-35). qui demeuraient dans le Val Demone étaient astreints par les Sarrasins au paiement d’un impôt. Heureux de l’arrivée de chrétiens, ils accoururent à leur rencontre et leur offrirent beaucoup de présents et de dons5Même témoignage chez Aimé V, 21. Les nouveaux arrivants en retour leur garantissent aide et protection., prenant pour excuse que leur conduite vis-à-vis des Sarrasins n’était pas dictée par l’amitié, mais visait à assurer leur propre sécurité et celle de leurs biens ; en revanche ils témoigneraient à l’égard des nôtres une fidélité sans faille. Les deux frères, les ayant reçus avec une extrême bienveillance, promettent de les combler de bienfaits si le pays leur est concédé par Dieu. Ainsi, les laissant partir en paix, ils avancent jusqu’à Centuripe6Centuripe (prov. Enna). Les faits sont évoqués semblablement par Aimé V, 21 : suite à la rencontre avec les chrétiens, les Normands marchent vers la place forte de Centuripe (ou Centorbi). Ils empruntent la route qui progresse dans la vallée du Simeto, selon un axe nord-sud, qui marque la frontière entre les territoires d’Ibn al-Thumna et Ibn al-Hawwās..

<1> * Hic capitulum non distinxit C.
Cf. conventions d’édition
Inde de prospero eventu cum maxima laetitia recedentes et jam [+] [et jam Desbordes : etiam AC ZB et edd. [-]] etiamet debilitate gentis cognita audaciores [+] [audaciores AC Z : audactores B. [-]] audacioresaudacioresaudacioresaudacioresaudactores sub Scabatripoli [+] [scabatripoli Z : scalat- AC scalatapi B. [-]] ScabatripoliScabatripoliScalatripoliScalatapi hospitium sumunt. Inde [+] [ante inde add. tamen B. [-]] IndeIndeIndeIndeTamen inde in [+] [in C ZB : ad A. [-]] ininininad crastinum ad Fraxinos pervenerunt [+] [pervenerunt AC Z1B : om. Z perveniunt edd. [-]] perveneruntpervenerunt [+] [Z1 : pervenerunt [-]] [om.]perveniunt, et a [+] [et a Pontieri : ad e AC ab Z ed. pr. et de B. [-]] ad eabet de Fraxinis ad Maniaci [+] [maniaci AC : maniachi Bx maniachum B manici Z. [-]] ManiaciManiaciManiaci [+] [Bx : Maniachi [-]] ManiachumManicia'Pour la graphie possible avec h, voir Maurici 2001, 169. pratum [+] [pratum AC B : p(ar)atum Z. [-]] pratumpratumpratumpratump(ar)atum.
<2> Hic christiani in valle [+] [valle AC Z : -li B. [-]] vallevallevallevallevalli Demia [+] [demia AC Z : deminae B Pontieri demina ed. pr. [-]] DemiaDemiaDeminaeDemina manentes sub Sarracenis [+] [sarracenis AC ZBx : -ni B. [-]] SarracenisSarracenisSarracenisSarracenis [+] [Bx : Sarracenis [-]] Sarraceni tributarii [+] [tributarii C ZB : tribunarii A. [-]] tributariitributariitributariitributariitribunarii erant. [C/f.13v-14r] De [+] [de AC Z : sub B. [-]] [C/f.13v-14r] De [C/f.13v-14r] De [C/f.13v-14r] De [C/f.13v-14r] DeSub christianorum adventu gavisi, illis occurrerunt multaque exenia [+] [exenia A ZB : enxe- C ed. pr.. [-]] exeniaexeniaexeniaexeniaenxenia et donaria [+] [donaria AC Z : denarios B. [-]] donariadonariadonariadonariadenarios obtulerunt, hoc excusationis [+] [hoc excusationis AC Z : hanc excusationem B Pontieri. [-]] hoc excusationishoc excusationishoc excusationishanc excusationem contra Sarracenos assumentes, quod [+] [quod post non transt. Z ed. pr. [-]] nonquod nonquod nonquod nonnon quod causa [+] [causa AC Z : tam B. [-]] causacausacausacausatam amoris sed ut seipsos et [+] [et om. B. [-]] etetetet[om.] quae sua erant tuerentur hoc facerent [+] [post facerent add. et A. [-]] facerentfacerentfacerentfacerentfacerent et, fidelitatem vero suam illis [+] [illis om. B. [-]] illisillisillisillis[om.] inviolabilem se [+] [se om. B. [-]] sesesese[om.] servaturos [+] [servaturos AC Z : observantes B. [-]] servaturosservaturosservaturosservaturosobservantes. Fratres vero [+] [vero AC ZxB : om. Z. [-]] veroveroverovero [+] [Zx : vero [-]] [om.] utrique [+] [utrique AC Z : uterque B utique ed. pr. [-]] utriqueutriqueutriqueuterqueutique, eos cum maxima dulcedine suscipientes, multa beneficia se illis [+] [illis C ZB : illos A. [-]] illisillisillisillisillos collaturos, si terra sibi [+] [sibi post deo transt. Z ed. pr. [-]] a Deosibi a Deosibi a Deosibi a Deoa Deo sibi concedatur, promittunt. Sic in pace dimissis [+] [dimissis A Z : demissis C dimittunt et B. [-]] dimissisdimissisdimissisdemissisdimittunt etb'Demissus pour dimissus dans C se retrouve en II, 42, 1. Voir Desbordes 2005, 125-126, n. 36, qui cite des exemples de confusion i/e, parmi lesquels figurent ceux-ci. En III, 12 (Pontieri, p. 64, l. 17-18), en revanche, C a bien fait de noter demissa (fune ab alto demissa), leçon graphiée dimissa par Z et B, suivis par les éditeurs précédents., ipsi [+] [ipsi C ZB : ipsis A. [-]] ipsiipsiipsiipsiipsis Centurbium usque [+] [usque om. B. [-]] usqueusqueusqueusque[om.] pertendunt [+] [pertendunt ed. pr. : protendunt AC Z pervenerunt B. [-]] pertenduntprotenduntperveneruntc'A, C et Z s’accordent sur protendunt, qui n’a pas de sens ici ; B a corrigé en pervenerunt, tandis que Zurita, puis Pontieri, supposant une confusion ancienne des abréviations per- / pro-, ont opté pour pertendunt, dont le sens de déplacement est bien attesté à l’époque impériale. Cette hypothèse est étayée par d’autres exemples d’une telle confusion, y compris dans la branche AC : voir, pour le livre II uniquement, 1, 1 ; 2, 2 ; 9, 2 ; 10, 2 ; 17, 2 ; 24, 5 ; 24, 6 ; 32, 5 ; 33, 1 ; 33, 4 ; 37, 3 ; 44, 6. Il s’agit cependant d’un hapax chez Malaterra..

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1Scabatripoli désigne l’actuelle Tripi (prov. Messine). Pour l’origine du nom, voir Amari 1933-1937, III/1, 73, n. 2. Idrīsī (La Première Géographie de l’Occident, H. Bresc, P.-A.-É.-P. Jaubert (trad.), A. Nef (éd., présentation, notes et révision de la trad.), Paris, Flammarion, 1999, p. 337) précise que cette localité se trouve à vingt milles vers l’ouest de Monteforte, lui-même à quatre milles au sud de Rometta. Il ajoute que « Tripi [B.r.b.l.s.] est une forteresse bien construite et spacieuse, dont les habitants sont riches et vivent à l’aise ».

2Frazzanò (prov. Messine) est distante de Tripi d’une trentaine de kilomètres. Les Normands ont pu passer par Montalbano, puis prendre la direction de Galati Mamertino et pousser jusqu’à Frazzanò. Aimé V, 21, indique que les chevaliers de Robert font étape à « False, à lo pié de lo grant mont et menachant Mongibello ». Mongibello étant un autre nom pour l’Etna, l’identification du nom False n’est pas sûre (voir Guéret-Laferté 2011, 401 et 564).

3Maniace (prov. Catane) se trouve dans une plaine, comme l’indiquent Malaterra (par l’emploi du syntagme pratum Maniaci) et Idrīsī (La Première Géographie de l’Occident, p. 336), entre les monts Nébrodes et l’Etna. On peut penser que Roger, depuis Frazzanò, a contourné les monts Nébrodes par la route aujourd’hui tracée par la N 116, qui rejoint la N 120 à Randazzo, puis qu’après Maniace il a pris la direction du sud, en suivant probablement le cours du Simeto, qui descend jusqu’à la plaine située entre Adrano et Centuripe.

4C’est dans le Val Demone que les chrétiens étaient les plus nombreux en Sicile. À propos de l’arabisation des chrétiens de Sicile, voir Bresc & Nef 1998. Même arabisés, ils étaient restés fidèles à l’empereur, dont ils avaient accueilli les troupes avec bonheur (par exemple, celles conduites par Maniakès en 1038), espérant une restauration. Comme les juifs, ils étaient soumis à un tribut annuel, la ğizya, en échange de la protection et de la liberté de culte (voir aussi Johns 2002, 37 ; Metcalfe 2003, 34-35).

5Même témoignage chez Aimé V, 21. Les nouveaux arrivants en retour leur garantissent aide et protection.

6Centuripe (prov. Enna). Les faits sont évoqués semblablement par Aimé V, 21 : suite à la rencontre avec les chrétiens, les Normands marchent vers la place forte de Centuripe (ou Centorbi). Ils empruntent la route qui progresse dans la vallée du Simeto, selon un axe nord-sud, qui marque la frontière entre les territoires d’Ibn al-Thumna et Ibn al-Hawwās.

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a'Pour la graphie possible avec h, voir Maurici 2001, 169.

b'Demissus pour dimissus dans C se retrouve en II, 42, 1. Voir Desbordes 2005, 125-126, n. 36, qui cite des exemples de confusion i/e, parmi lesquels figurent ceux-ci. En III, 12 (Pontieri, p. 64, l. 17-18), en revanche, C a bien fait de noter demissa (fune ab alto demissa), leçon graphiée dimissa par Z et B, suivis par les éditeurs précédents.

c'A, C et Z s’accordent sur protendunt, qui n’a pas de sens ici ; B a corrigé en pervenerunt, tandis que Zurita, puis Pontieri, supposant une confusion ancienne des abréviations per- / pro-, ont opté pour pertendunt, dont le sens de déplacement est bien attesté à l’époque impériale. Cette hypothèse est étayée par d’autres exemples d’une telle confusion, y compris dans la branche AC : voir, pour le livre II uniquement, 1, 1 ; 2, 2 ; 9, 2 ; 10, 2 ; 17, 2 ; 24, 5 ; 24, 6 ; 32, 5 ; 33, 1 ; 33, 4 ; 37, 3 ; 44, 6. Il s’agit cependant d’un hapax chez Malaterra.