chapitre 8

capitulum VIII

Comment Arduin fut frappé par Maniakès

Qualiter Harduinus a Maniaco caesus sit

<1> Lorsque les nôtres, revenus de leur poursuite, en eurent connaissance, ils y virent un outrage et, se servant de l’entremise d’Arduin1Malaterra présente Arduin comme un interprète des Normands, tandis que les autres sources nous apprennent qu’il était le chef de leur contingent dans l’armée byzantine. Aimé II, 14, repris par Leo Ost. II, 66, p. 298, l. 25, précise que le Lombard avait été au service de l’archevêque de Milan. D’autres sources encore mentionnent son nom et s’accordent à dire qu’il était lombard (Guil. Ap. I, 194 : Is Lambardus erat ; Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1041 : Arduinus Lombardus). Arduin était sans doute un membre de cette noblesse lombarde exilée avant la Constitution des Fiefs promulguée en 1037, qui avait fait le choix de partir pour le sud de l’Italie (voir Tramontana 1970, 152-153, n. 80 ; Tramontana 1986, 32 ; Taviani-Carozzi 1996a, 156-157). – un Italien, qui était des nôtres –, parce qu’il avait la maîtrise de la langue grecque, ils demandent des comptes à Maniakès, afin de savoir si c’était fortuitement ou de propos délibéré qu’il avait réparti le butin2Toutes les sources témoignent qu’Arduin et les Normands n’eurent pas part au butin, mais elles divergent sur les détails. Selon Aimé II, 14, repris par Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 1-5, Arduin se serait octroyé le cheval du Sarrasin qu’il avait tué, mais que Maniakès réclamait pour lui-même. Pour Guillaume de Pouille (I, 206-209), Skylitzès (cité note suivante) et Michel Attaliate (Michaelis Attaliotae Historia opus a Wladimiro Bruneto de Presle,… inventum, descriptum, correctum ; recognovit Immanuel Bekkerus, W. Brunet de Presle, I. Bekker (éd.), Bonn, E. Weber (Corpus scriptorum historiae Byzantinae), 1853, p. 8, l. 18 - p. 9, l. 15), ce n’est pas Maniakès, mais Dokeianos qui, à Reggio, dépouilla les Normands de leur butin. Loud 2000, 79, montre qu’il ne peut s’agir que de Maniakès, étant donné le titre de topotérète (chef de garnison) de Melfi, que reçut Arduin à son retour de Sicile (voir infra).. Or, furieux de voir qu’ils osaient contester son autorité, alors qu’il pouvait agir à sa guise à propos de ce butin, il donna l’ordre, pour faire honte à notre peuple, de le traiter de façon infamante en lui infligeant la bastonnade par tout le camp3Toutes les sources s’accordent à dire que les Normands envoyèrent Arduin réclamer leur part de butin et que celui-ci, provoquant la colère du chef byzantin – Maniakès pour les uns, Dokeianos pour les autres –, fut châtié à coups de fouet ou de bâton. Voir Aimé II, 14 ; Guil. Ap. I, 213-215 : « Michel, irrité de ces insultes, ordonna qu’il fût dépouillé de ses vêtements pour être battu selon l’usage des Grecs, afin qu’une fois frappé à coups de fouet il eût honte d’avoir commis une faute si grave » (trad. Mathieu 1961, 111, retouchée) ; Skylitzès, Joannis Scylitzae Synopsis historiarum, p. 426, l. 18-23 : « […] à ce qu’on dit, alors que leur chef [Michel] était venu le trouver pour lui demander de traiter convenablement les soldats et de ne pas les priver du salaire de leurs travaux, il l’avait insulté et fait fouetter de façon déshonorante, ne laissant ainsi à ces hommes d’autre issue que de se révolter » (trad. Flusin & Cheynet 2003, 354).. <2> Lorsqu’à son retour Arduin rapporte de tels agissements, les nôtres, accablés, décident de s’insurger contre les Grecs. Mais Arduin, les retenant à grand-peine, leur donna un avis plus utile : tandis qu’ils dissimuleraient leur colère, lui se présenterait à Maniakès avec de superbes vêtements, jusqu’à ce que, sans susciter les soupçons des Grecs, il obtînt, au prix d’une ruse, du notaire de Maniakès4L’entente d’Arduin avec le notaire de Maniakès à l’insu du général byzantin témoigne des tractations de palais engagées pour affaiblir l’autorité de Maniakès. La disgrâce du général byzantin est contemporaine de sa brouille avec les Normands, et les mercenaires scandinaves se détournent aussi de lui. Arduin a dû jouer un rôle dans cette machination, qui visait à affaiblir Maniakès, car, à son retour de Pouille, il se rend en toute impunité auprès du catépan, qui lui offre la charge de topotérète (Aimé II, 16 ; Tramontana 1970, 153-154). qui l’avait en amitié, un laissez-passer qui leur permettrait de traverser librement le Faro5Le Faro est l’ancien nom du détroit de Messine (Stretto di Messina), bras de mer qui sépare la Calabre de la Sicile. C’est aussi le nom donné au promontoire sicilien qui ferme le détroit au nord : Punta del Faro (voir II, 4, 4 et II, 36, 2).. <3> Comme il préparait ainsi sa machination, Maniakès, qui ignorait ce qui se tramait, louait le dévouement du soldat, lui promettait des présents, mais riait en privé en se moquant de lui. <4> Dès qu’Arduin eut reçu du notaire le document stipulant qu’il avait quelque affaire à traiter en Calabre, les nôtres, qui s’étaient avancés de nuit sans se faire voir jusqu’à Messine, traversent le Faro sans encombre. Et, prenant la direction de la Pouille, ils dévastent sur leur trajet6Les Normands ont probablement emprunté l’ancienne Via Popilia, qui reliait Reggio à Capoue et leur offrait le trajet le plus rapide (voir Givigliano 2003, 24). la Calabre et toutes les terres qui, à leur connaissance, étaient sous l’autorité des Grecs. Et, continuant ainsi, ils parvinrent en Pouille7On sait par Aimé et Guillaume de Pouille que les Normands allèrent d’abord à Aversa. Arduin vint les y trouver pour les convaincre de le soutenir dans sa lutte contre les Byzantins. Voir Aimé II, 17 ; Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 7-10 et Guil. Ap. I, 222-225 : « Arduin gagne en hâte Aversa, raconte aux Normands tout ce qui lui était arrivé et il les blâme vivement de laisser la Pouille, quand cette terre offre tant d’avantages, aux mains des Grecs efféminés […] » (trad. Mathieu 1961, 111, retouchée). Les chroniqueurs expliquent les raisons du revirement d’Arduin par sa volonté de vengeance contre Maniakès. Sans doute les Normands profitent-ils de l’instabilité politique de la cour byzantine et de la faiblesse du pouvoir local amputé d’une partie de son armée envoyée en Sicile, et aux prises avec des insurrections menées par les Lombards et notamment par Argyros, fils de Mélès (voir Loud 2000, 79-80). Trois cents Normands acceptent de suivre Arduin et jurent de lui céder la moitié des biens qu’ils acquerront. Aimé II, 18, repris par Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 13-16, rapporte que Rainolf nomma parmi eux douze comtes, chargés de les conduire et de répartir équitablement entre eux le butin (voir aussi Guil. Ap. I, 232-240). C’est alors qu’ils se rendent en Pouille.. <5> Mais, connaissant la fourberie du prince Guaimar, ils se gardèrent de se rendre auprès de lui ; en revanche, ravageant la province, ils décident de la soumettre à leur autorité.

<1> Quod cum nostri, a persequendo hostes redeuntes, cognovissent [+] [cognovissent A ZB : -viscentes C. [-]] cognovissentcognovissentcognovissentcognovissentcognoviscentes, injuriam rati, per Harduinum [+] [harduinum AC : ardoynum B arduum Z arduinum ed. pr. [-]] HarduinumHarduinumArdoynumArduumArduinum quendam, Italum [+] [italum AC : -lium Z -licum B. [-]] ItalumItalumItalumItaliumItalicum, qui ex nostris [Z/f.9v-10r] erat, quia graeci [+] [graeci AC ZBx : -cis B. [-]] graecigraecigraecigraeci [+] [Bx : graeci [-]] graecis sermonis peritiam habebat, Maniacum [+] [maniacum AC Z : -chium B. [-]] ManiacumManiacumManiacumManiacummaniachium utrum [+] [utrum AC B : utrumque Z utique ed. pr. [-]] utrumutrumutrumutrumqueutique improvise an ex deliberatione [+] [deliberatione C ZB : debilita- A. [-]] deliberationedeliberationedeliberationedeliberationedebilitatione industriae spolia diviserit [+] [diviserit A Z : dimis- B om. C. [-]] diviseritdiviseritdiviseritdimiserit... ad [+] [ad — spatia om. C. [-]] rationem ponunt. Porro ille indignatus quasi potestati suae contradicere praesumpserint, cum [+] [cum ZB : quin A. [-]] cumcumcumquina'Nous avons adopté, comme les éditeurs précédents, la leçon de ZB : cum, pensons-nous, s’accorde mieux pour le sens que quin avec liceat. Quin peut venir, d’une part, d’une mélecture de quu(m) / qum et, d’autre part, de l’idée négative contenue dans contradicere. Il n’en reste pas moins que la leçon de A est peut-être la lectio difficilior. liceat de eisdem spoliis [+] [de eisdem spoliis post sibi transt. B Pontieri. [-]] sibide eisdem spoliis sibide eisdem spoliis sibisibi de eisdem spoliis pro libitu [+] [libitu A : -to ZB edd. [-]] libitob'Le nom libitus, us, entre dans une expression très fréquente chez Malaterra : pro libitu suo. Par confusion avec libitum, i, n., on relève, pour quelques-unes de ses occurrences, une variante, qui est toujours la même. Le relevé permet de vérifier que la leçon libitu est généralement préférée par la branche AC (I, 20, 1 libitu C : -to ZB edd. ; II, sommaire, 13 libitu B : libito Z edd. C ; II, 20, 2 libitu A B : -to C Z edd. ; II, 29, 7 libitu C B : -to Z edd. ; II, 37, 4 libitu suo C Z : suo libito B ; III, 9 [Pontieri, p. 61, l. 14] libitu C Be edd. : -to Z ; III, 36 [Pontieri, p. 79, l. 7] libitu ZB : -to C ; III, 37 [Pontieri, p. 80, l. 18] libitu C B : -to Z edd.). suo agere, per spatiaspatiaspatiaspatiaspatia castrorum fustibus caedendo ad ignominiam gentis nostrae contumeliis affici praecepit. <2> Harduinus [+] [harduinus A Z : ar- B ed. pr. arduynus C. [-]] HarduinusHarduinusArduinusArduynus rediens cum talia nuntiat, nostri grave ferentes in Graecos insurgere deliberant. Sed Harduinus [+] [harduinus A Z : ar- C ed. pr. ardoynus B. [-]] HarduinusHarduinusArduinusArdoynus, vix eos compescens, utilius consilium dedit : scilicet ut, ira dissimulata, ipse cultioribus [+] [cultioribus AC Z : cum vilioribus B vilioribus Pontieri. [-]] cultioribuscultioribuscultioribuscum vilioribusvilioribus vestibus in praesentia [+] [praesentia AC ZB : -tiam edd. [-]] praesentiapraesentiapraesentiapraesentiamc'Le tour in et l’ablatif avec un verbe de mouvement se trouve ailleurs chez Malaterra. Cette construction, d’origine populaire, est attestée chez Pétrone (Satyrica, 49, 4) et se développe en latin tardif et chez les auteurs chrétiens à partir de Tertullien ; voir García de la Fuente 1994, 306. Pontieri, s’inspirant de la princeps et / ou de la leçon de B, avait presque systématiquement remplacé l’ablatif par l’accusatif. Pour d’autres occurrences dans les deux premiers livres de Malaterra, voir I, 1, 1 (in portu… appulsus est) ; I, 14, 1 (in Apulia… veniat) ; I, 21, 2 (in valle Salinarum ventum est) ; I, 33, 1 (in terra… veniret) ; I, 34, 4 (in castro… receperunt) ; II, 19, 3 (Veniensque in valle Salinarum) ; II, 28, 3 (in valle Gratensi fratrem sibi accersiens) ; II, 33, 1 (in cacumine cujusdam montis… ascendit) ; II, 34, 2 (vela in portu ejusdem urbis dirigunt) ; II, 40, 2 (in mari porrigitur) mais II, 40, 2 (longius in mare… porrexit). Maniaci [+] [maniaci AC Z : -chi B. [-]] ManiaciManiaciManiaciManiaciManiachi procedat, donec, illis [+] [illis AC Z : ipsis B. [-]] illisillisillisillisipsis minus suspicantibus, ipse a notario [+] [notario AC Z : noto B. [-]] notarionotarionotarionotarionoto Maniaci [+] [maniaci AC Z : -chii B. [-]] ManiaciManiaciManiaciManiaciManiachii, cujus [+] [post cujus add. ipse B. [-]] cujuscujuscujuscujuscujus ipse amicitia [+] [amicitia A B : -am Z amitia C. [-]] amicitiaamicitiaamicitiaamicitiamamitia fruebatur, chirographum quo liberius transeant [+] [transeant AC Z : -seat B. [-]] transeanttranseanttranseanttranseanttranseat Farum [+] [farum A : pharum C ed. pr. ut semper farrum Z om. B. [-]] PharumFarrum[om.] quovis astu accipiat [+] [accipiat B : -ant AC Z ed. pr. [-]] accipiataccipiant. <3> Quod cum sic [+] [sic AC Z : sit B. [-]] sicsicsicsicsit machinatur [+] [machinatur om. B. [-]] machinaturmachinaturmachinaturmachinatur[om.], Maniacus [+] [maniacus AC : -chus Z -chius B. [-]] ManiacusManiacusManiacusManiachusManiachius, his [+] [his AC Z : eorum B. [-]] hishishishiseorumd'La comparaison avec les autres occurrences d’ignarus montre que Malaterra emploie toujours le génitif pour compléter cet adjectif (I, 36 ; II, 44, 5 ; III, 26 [Pontieri, p. 73, l. 8] : doli ignarus ; IV, 8 [Pontieri, p. 90, l. 13] : fraudis […] ignarus). Cet hapax peut cependant être conservé contrairement à ce qu’a pensé le scribe de B : l’ablatif seul est attesté à partir du début du Ve siècle chez Jean Cassien, puis au VIe, chez Venance Fortunat (voir TLL VII, 1, s.v., col. 274, l. 18-21). quae agebantur ignarus, benivolentiam militis laudare [+] [laudare AC Z : laudabiliter B. [-]] laudarelaudarelaudarelaudarelaudabiliter, munera promittere, subsannando tamen cum suis ridere [+] [ridere A Z : reddere C ridere incepit B Pontieri. [-]] ridereriderereddereridere incepit. <4> Ut [+] [ut… accepit AC Z : cum… accepisset B Pontieri. [-]] UtUtUtCum autem cartulam a notario [+] [notario AC Z : notis B. [-]] notarionotarionotarionotarionotis, quasi aliquod negotium versus Calabriam habens, Harduinus [+] [harduinus AC : ar- Z ed. pr. ardoynus B. [-]] HarduinusHarduinusArduinusArdoynus accepitaccepitaccepitaccepitaccepisset, nostri clam de nocte Messanam usque progressi, Farum [+] [farum AC B : fratrum Z pharum ed. pr. [-]] FarumFarumFarumfratrumPharum impune [+] [impune C B : impugne A Z ut saepe. [-]] impuneimpuneimpuneimpugne transeunt. Sicque [+] [sicque A ZB : sic quod C. [-]] SicqueSicqueSicqueSicquesic quod versus Apuliam tendentes, Calabriam [+] [calabriam — vastantes om. A. [-]] CalabriamCalabriamCalabriamCalabriam... et quaecumque Graecorum juris esse sciebant [+] [sciebant C Z : scientes B. [-]] sciebantsciebantsciebantscientes vastantes [+] [vastantes C B : vastant Z ed. pr. [-]] vastantesvastantesvastant percurrunt [+] [percurrunt AC B : percurrentes Z ed. pr. [-]] percurruntpercurruntpercurruntpercurrentes. Sicque [+] [sicque A ZB : sic quod C. [-]] SicqueSicqueSicqueSicquesic quod faciendo usque in Apuliam pervenerunt. <5> Sed dolositatem Gaimari [+] [gaimari (gaym- B) AC B : -rii Z edd. [-]] GaimariGaymariGaimarii principis cognoscentes, ad ipsum minime transierunt ; verum [+] [verum AC Z : totam B Pontieri. [-]] verumverumverumtotam provinciam infestando [+] [infestando A B : -tan C invastando Z ed. pr. [-]] infestandoinfestandoinfestaninvastando, sibi eam [+] [eam AC Z2B : etiam Z. [-]] eameameameam [+] [Z2 : eam [-]] etiam subjugandi consilium [+] [consilium AC B : concilium Z ut saepe. [-]] consiliumconsiliumconsiliumconsiliumconcilium capiunt [+] [capiunt AC B : accipiunt Z ed. pr. [-]] capiuntcapiuntcapiuntaccipiunt.

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1Malaterra présente Arduin comme un interprète des Normands, tandis que les autres sources nous apprennent qu’il était le chef de leur contingent dans l’armée byzantine. Aimé II, 14, repris par Leo Ost. II, 66, p. 298, l. 25, précise que le Lombard avait été au service de l’archevêque de Milan. D’autres sources encore mentionnent son nom et s’accordent à dire qu’il était lombard (Guil. Ap. I, 194 : Is Lambardus erat ; Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1041 : Arduinus Lombardus). Arduin était sans doute un membre de cette noblesse lombarde exilée avant la Constitution des Fiefs promulguée en 1037, qui avait fait le choix de partir pour le sud de l’Italie (voir Tramontana 1970, 152-153, n. 80 ; Tramontana 1986, 32 ; Taviani-Carozzi 1996a, 156-157).

2Toutes les sources témoignent qu’Arduin et les Normands n’eurent pas part au butin, mais elles divergent sur les détails. Selon Aimé II, 14, repris par Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 1-5, Arduin se serait octroyé le cheval du Sarrasin qu’il avait tué, mais que Maniakès réclamait pour lui-même. Pour Guillaume de Pouille (I, 206-209), Skylitzès (cité note suivante) et Michel Attaliate (Michaelis Attaliotae Historia opus a Wladimiro Bruneto de Presle,… inventum, descriptum, correctum ; recognovit Immanuel Bekkerus, W. Brunet de Presle, I. Bekker (éd.), Bonn, E. Weber (Corpus scriptorum historiae Byzantinae), 1853, p. 8, l. 18 - p. 9, l. 15), ce n’est pas Maniakès, mais Dokeianos qui, à Reggio, dépouilla les Normands de leur butin. Loud 2000, 79, montre qu’il ne peut s’agir que de Maniakès, étant donné le titre de topotérète (chef de garnison) de Melfi, que reçut Arduin à son retour de Sicile (voir infra).

3Toutes les sources s’accordent à dire que les Normands envoyèrent Arduin réclamer leur part de butin et que celui-ci, provoquant la colère du chef byzantin – Maniakès pour les uns, Dokeianos pour les autres –, fut châtié à coups de fouet ou de bâton. Voir Aimé II, 14 ; Guil. Ap. I, 213-215 : « Michel, irrité de ces insultes, ordonna qu’il fût dépouillé de ses vêtements pour être battu selon l’usage des Grecs, afin qu’une fois frappé à coups de fouet il eût honte d’avoir commis une faute si grave » (trad. Mathieu 1961, 111, retouchée) ; Skylitzès, Joannis Scylitzae Synopsis historiarum, p. 426, l. 18-23 : « […] à ce qu’on dit, alors que leur chef [Michel] était venu le trouver pour lui demander de traiter convenablement les soldats et de ne pas les priver du salaire de leurs travaux, il l’avait insulté et fait fouetter de façon déshonorante, ne laissant ainsi à ces hommes d’autre issue que de se révolter » (trad. Flusin & Cheynet 2003, 354).

4L’entente d’Arduin avec le notaire de Maniakès à l’insu du général byzantin témoigne des tractations de palais engagées pour affaiblir l’autorité de Maniakès. La disgrâce du général byzantin est contemporaine de sa brouille avec les Normands, et les mercenaires scandinaves se détournent aussi de lui. Arduin a dû jouer un rôle dans cette machination, qui visait à affaiblir Maniakès, car, à son retour de Pouille, il se rend en toute impunité auprès du catépan, qui lui offre la charge de topotérète (Aimé II, 16 ; Tramontana 1970, 153-154).

5Le Faro est l’ancien nom du détroit de Messine (Stretto di Messina), bras de mer qui sépare la Calabre de la Sicile. C’est aussi le nom donné au promontoire sicilien qui ferme le détroit au nord : Punta del Faro (voir II, 4, 4 et II, 36, 2).

6Les Normands ont probablement emprunté l’ancienne Via Popilia, qui reliait Reggio à Capoue et leur offrait le trajet le plus rapide (voir Givigliano 2003, 24).

7On sait par Aimé et Guillaume de Pouille que les Normands allèrent d’abord à Aversa. Arduin vint les y trouver pour les convaincre de le soutenir dans sa lutte contre les Byzantins. Voir Aimé II, 17 ; Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 7-10 et Guil. Ap. I, 222-225 : « Arduin gagne en hâte Aversa, raconte aux Normands tout ce qui lui était arrivé et il les blâme vivement de laisser la Pouille, quand cette terre offre tant d’avantages, aux mains des Grecs efféminés […] » (trad. Mathieu 1961, 111, retouchée). Les chroniqueurs expliquent les raisons du revirement d’Arduin par sa volonté de vengeance contre Maniakès. Sans doute les Normands profitent-ils de l’instabilité politique de la cour byzantine et de la faiblesse du pouvoir local amputé d’une partie de son armée envoyée en Sicile, et aux prises avec des insurrections menées par les Lombards et notamment par Argyros, fils de Mélès (voir Loud 2000, 79-80). Trois cents Normands acceptent de suivre Arduin et jurent de lui céder la moitié des biens qu’ils acquerront. Aimé II, 18, repris par Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 13-16, rapporte que Rainolf nomma parmi eux douze comtes, chargés de les conduire et de répartir équitablement entre eux le butin (voir aussi Guil. Ap. I, 232-240). C’est alors qu’ils se rendent en Pouille.

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a'Nous avons adopté, comme les éditeurs précédents, la leçon de ZB : cum, pensons-nous, s’accorde mieux pour le sens que quin avec liceat. Quin peut venir, d’une part, d’une mélecture de quu(m) / qum et, d’autre part, de l’idée négative contenue dans contradicere. Il n’en reste pas moins que la leçon de A est peut-être la lectio difficilior.

b'Le nom libitus, us, entre dans une expression très fréquente chez Malaterra : pro libitu suo. Par confusion avec libitum, i, n., on relève, pour quelques-unes de ses occurrences, une variante, qui est toujours la même. Le relevé permet de vérifier que la leçon libitu est généralement préférée par la branche AC (I, 20, 1 libitu C : -to ZB edd. ; II, sommaire, 13 libitu B : libito Z edd. C ; II, 20, 2 libitu A B : -to C Z edd. ; II, 29, 7 libitu C B : -to Z edd. ; II, 37, 4 libitu suo C Z : suo libito B ; III, 9 [Pontieri, p. 61, l. 14] libitu C Be edd. : -to Z ; III, 36 [Pontieri, p. 79, l. 7] libitu ZB : -to C ; III, 37 [Pontieri, p. 80, l. 18] libitu C B : -to Z edd.).

c'Le tour in et l’ablatif avec un verbe de mouvement se trouve ailleurs chez Malaterra. Cette construction, d’origine populaire, est attestée chez Pétrone (Satyrica, 49, 4) et se développe en latin tardif et chez les auteurs chrétiens à partir de Tertullien ; voir García de la Fuente 1994, 306. Pontieri, s’inspirant de la princeps et / ou de la leçon de B, avait presque systématiquement remplacé l’ablatif par l’accusatif. Pour d’autres occurrences dans les deux premiers livres de Malaterra, voir I, 1, 1 (in portu… appulsus est) ; I, 14, 1 (in Apulia… veniat) ; I, 21, 2 (in valle Salinarum ventum est) ; I, 33, 1 (in terra… veniret) ; I, 34, 4 (in castro… receperunt) ; II, 19, 3 (Veniensque in valle Salinarum) ; II, 28, 3 (in valle Gratensi fratrem sibi accersiens) ; II, 33, 1 (in cacumine cujusdam montis… ascendit) ; II, 34, 2 (vela in portu ejusdem urbis dirigunt) ; II, 40, 2 (in mari porrigitur) mais II, 40, 2 (longius in mare… porrexit).

d'La comparaison avec les autres occurrences d’ignarus montre que Malaterra emploie toujours le génitif pour compléter cet adjectif (I, 36 ; II, 44, 5 ; III, 26 [Pontieri, p. 73, l. 8] : doli ignarus ; IV, 8 [Pontieri, p. 90, l. 13] : fraudis […] ignarus). Cet hapax peut cependant être conservé contrairement à ce qu’a pensé le scribe de B : l’ablatif seul est attesté à partir du début du Ve siècle chez Jean Cassien, puis au VIe, chez Venance Fortunat (voir TLL VII, 1, s.v., col. 274, l. 18-21).