chapitre 34

capitulum XXXIV

Les Pisans invitent le comte à venir assiéger Palerme

Pisani comitem ut Panormum obsessum vadat invitant

<1> Des marchands de Pise1L’attaque de Palerme par les Pisans est rapportée par les Annales Pisani de Bernardo Maragone en vingt-cinq vers (Gli Annales Pisani di Bernardo Maragone, M. Lupo Gentile (éd.), in RIS2, t. VI, 2, 1930, p. 5-6), qui ne disent rien d’une ambassade envoyée aux Normands, mais chantent la gloire des Pisans. Le poème figure sur le Duomo de Pise, construit grâce au butin ; voir Scalia 1963, 263-264. Les Annales précisent que la victoire pisane eut lieu le jour de saint Agapet. Cette date correspond au 18 août 1063 (saint Agapet de Palestrina) d’après Pontieri 1927-1928, 45, n. 3 et Loud 2000, 157-158. Amari 1933-1937, III/1, 105-106, n. 3, avait daté l’événement du 20 septembre (saint Agapet, martyr de Rome), d’après Novati 1910, 17-20, et exprimait ses doutes sur la chronologie de Malaterra, étant donné que celui-ci rapporte la tentative pisane avant les raids menés par Roger au début de l’été. Pour dater l’événement, on ne peut pas s’appuyer sur le témoignage d’Aimé du Mont-Cassin (V, 28), qui associe cet épisode à la tentative de Robert contre Palerme l’année suivante (trad. Dunbar & Loud 2004, 146, et n. 54)., habitués à venir souvent à Palerme tirer profit du commerce maritime et désireux de se venger de certains outrages que les Palermitains leur avaient fait subir2Malaterra emploie la même expression (quasdam injurias… passi), sans donner plus de précisions, en IV, 3 (Pontieri, p. 86, l. 32-33), à propos des Pisans désireux de se venger de « certains torts » infligés par les hommes de Tamīm. Ayant pris la capitale royale, les Pisans proposent à Roger de lui laisser la ville, mais le comte refuse., rassemblèrent une armée navale de toutes parts et, confiant leurs voiles aux vents à travers la mer, débarquèrent en Sicile dans un port du Val Demone3Les Pisans pouvaient accoster en cinq lieux différents dans le Val Demone, précise Amari 1933-1937, III/1, 104, n. 4. Il nomme quatre ports recensés par Idrīsī : le premier est Messine, mais l’historien écarte cette possibilité, considérant, sans doute à juste titre, que Malaterra en aurait donné le nom ; les trois autres, en partant de l’ouest sont Caronia, situé à proximité de l’embouchure du cours d’eau qui porte le même nom ; Oliveri se trouve dans le golfe de Patti, près de l’embouchure de l’Elicona ; le troisième est Milazzo. Amari mentionne enfin la plage de San Marco, entre Caronia et Oliveri, où l’on construisait des navires.. Puis, ayant envoyé un représentant au comte à Troina, où il résidait alors, ils lui demandent de venir les rejoindre à Palerme avec sa cavalerie : « ils l’aideront à prendre la ville, sans attendre d’autre récompense que celle de tirer vengeance de l’outrage qu’on leur a infligé ». <2> Mais le comte, retenu par certaines tâches4La proposition des Pisans est-elle authentique ? Roger ne disposait pas alors des forces nécessaires à la prise de la ville, surtout en l’absence de Robert, qui n’allait revenir en Sicile que l’année suivante (voir Loud 2000, 158)., remit l’expédition sur le moment, leur demandant d’attendre quelque temps, jusqu’à ce qu’il eût expédié les affaires qui l’occupaient alors. Les Pisans plus accoutumés à faire du profit par le commerce qu’à s’adonner aux exercices de la guerre, refusent d’attendre, pour ne pas être privés plus longtemps des gains habituels, et, se préparant à attaquer Palerme par leurs propres moyens – ce fut en vain –, ils mettent le cap sur le port de cette ville. <3> Cependant, ils furent épouvantés dans ces conditions par l’immense multitude d’ennemis et, pour cette raison, ils n’osèrent pas quitter leurs navires5Les Annales Pisani de Bernardo Maragone évoquent au contraire la double victoire des Pisans, qui triomphèrent d’abord sur la mer, s’emparant de navires remplis de richesses, puis sur terre, écrasant les adversaires devant les portes de Palerme. De même Aimé V, 28 : « Part de li Pisain estoient en terre et part en remainrent as nefs, a ce que par terre et par mer feissent brigue a la cité »., si bien qu’ils se contentèrent de briser la chaîne qui fermait le port d’une rive à l’autre6Dans les Annales Pisani, Bernardo Maragone confirme que les Pisans brisèrent la chaîne qui fermait le port (rupta portum pugnando catena) ; de même, Aimé V, 28 : « li Pisen […] rompirent la chainne laquelle desfendoit lo intrer et lo issir des nefs de li anemis »., en un geste qu’ils tinrent, selon l’habitude de leur peuple, pour un véritable exploit, puis ils retournèrent à Pise.

<1> Pisani igitur [+] [igitur C ZB : ergo edd. [-]] igiturigiturergo mercatores, qui saepius navali commercio [+] [commercio C Z : mercatione B. [-]] commerciocommerciocommerciomercatione Panormi [+] [pan(h)ormi C Z : -mum B edd. [-]] PanhormiPanormumPanhormuma'Le locatif est peu fréquent chez Malaterra : on le trouve ailleurs pour domi (I, 11, 1 ; II, 42, 1). Ce chapitre cependant en contient trois pour des noms de ville : voir Trainae en II, 34, 1, et à nouveau Panormi (ibid.). Leur emploi avec un verbe impliquant le mouvement est à relier à celui de l’ablatif dans un contexte similaire. lucratum venire soliti erant, quasdam injurias ab ipsis PanormitanisPanormitanisPanormitanisPanhormitanis passi, vindicare [+] [vindicare C : -ri Z edd. vendicari B. [-]] vindicarivendicari cupientes, navali exercitu [+] [exercitu C Z : bello B. [-]] exercituexercituexercitubello undique conflato, vela per mare ventis committentes [+] [committentes ZB : -tens C. [-]] committentescommittentescommittentescommittens, apud SiciliamSiciliamSiciliamSiciliamSciciliam in portum [+] [portum C B : -tu Z edd. [-]] portumportu vallis Demiae [+] [demiae C : deminae ZB edd. [-]] Deminae applicuerunt. Legatumque comiti Traynae [+] [traynae C ZB : traynam Pontieri trainam ed. pr. [-]] TraynaeTraynaeTraynamTrainam, ubi tunc morabatur, mittentes, mandant ut equestri exercitu Panormi [+] [panormi C : -mum Z ut vid. B Pontieri. [-]] PanhormiPanormum*panormum ut vid. illis occurrat [+] [occurrat ZB : -rant C. [-]] occurratoccurratoccurratoccurrant, se illi [+] [illi C Z : illis B. [-]] illiilliilliillis in urbe capienda auxilium laturos [+] [laturos C Z : -rum B. [-]] laturoslaturoslaturoslaturum, nihil [+] [nihil C B : vi talis Z ed. pr. [-]] nihilnihilvi talis praemii excepta*excepta ut vid. [+] [excepta C ut vid. B : accepta Z acceptam ed. pr. [-]] excepta*excepta ut vid.excepta*excepta ut vid.acceptaacceptam vindicta [+] [vindicta C ZB : vindictam ed. pr. [-]] vindictavindictavindictavindictam illatae [+] [illatae… injuriae C Z : de illata… injuria B Pontieri. [-]] sibi injuriaeillatae sibi injuriaeillatae sibi injuriaede illata sibi injuria expetentes [+] [expetentes C ZBx : expectentes B. [-]] expetentesexpetentesexpetentes [+] [Bx : expetentes [-]] expectentes. <2> Comes vero, quibusdam negotiis [+] [ante negotiis add. de B. [-]] negotiisnegotiisnegotiisde negotiis se detinentibus, ad praesens ire distulit, mandans illis ut modicum temporis sustinerent, donec haec quibus ad praesens [+] [ad praesens post erat transt. B. [-]] intentus eratad praesens intentus eratad praesens intentus eratad praesens intentus eratintentus erat ad praesens expedirentur. Porro illi, commercialibus [+] [commercialibus C Z2B : comeracia- Z. [-]] commercialibuscommercialibuscommercialibus [+] [Z2 : commercialibus [-]] comeracialibus lucris plus quam bellicis exercitiis [+] [exercitiis om. B. [-]] exercitiisexercitiisexercitiis[om.] ex consuetudine dediti [+] [dediti C Z : -tis B. [-]] deditideditideditideditis, sustinere, ne lucris assuetis diutius privarentur, nolentes [+] [nolentes ZB : vo- C. [-]] nolentesnolentesnolentesvolentes PanormumquePanormumquePanormumquePanhormumque per se – incassum – aggredi disponentes, vela in portu [+] [portu C Z : -tum B edd. fort. recte. [-]] portuportum*portum fort. recte ejusdem urbis dirigunt. <3> Sed sic [+] [sic om. ZB edd. [-]] [om.] plurimam multitudinem hostium exhorrentes et ob hoc a navibus progredi [+] [progredi C Z : pregredi B. [-]] progrediprogrediprogredipregredi minime praesumentes, catena [+] [catena C B : -nam Z ed. pr. [-]] catenacatenacathenamcatenam tantummodo quae [+] [tantummodo quae ZB : -doque C. [-]] tantummodo quaetantummodo quaetantummodo quaetantummodoque portum [+] [portum Z : portu C om. B. [-]] portumportumportu[om.] ab [+] [ab om. B. [-]] ababab[om.] una ripa [+] [ripa C B Ca : parte Z ed. pr. [-]] ripariparipaparte in [+] [in C Z Ca : ad B Pontieri. [-]] inininad aliam [+] [aliam ZB : alia C Ca alteram edd. [-]] aliamaliaalteram claudebat abscissa et [+] [et om. B Pontieri. [-]] etet[om.] hoc sibi more suae gentis pro maximo [+] [maximo C B Ca : proximo Z ed. pr. praemio dubitanter Z2. [-]] maximomaximoproximo [+] [Z2 : praemio dubitanter [-]] reputantes, Pisam reversi sunt.

II, 22, 4 (post erant) – II, 46 desunt in A

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1L’attaque de Palerme par les Pisans est rapportée par les Annales Pisani de Bernardo Maragone en vingt-cinq vers (Gli Annales Pisani di Bernardo Maragone, M. Lupo Gentile (éd.), in RIS2, t. VI, 2, 1930, p. 5-6), qui ne disent rien d’une ambassade envoyée aux Normands, mais chantent la gloire des Pisans. Le poème figure sur le Duomo de Pise, construit grâce au butin ; voir Scalia 1963, 263-264. Les Annales précisent que la victoire pisane eut lieu le jour de saint Agapet. Cette date correspond au 18 août 1063 (saint Agapet de Palestrina) d’après Pontieri 1927-1928, 45, n. 3 et Loud 2000, 157-158. Amari 1933-1937, III/1, 105-106, n. 3, avait daté l’événement du 20 septembre (saint Agapet, martyr de Rome), d’après Novati 1910, 17-20, et exprimait ses doutes sur la chronologie de Malaterra, étant donné que celui-ci rapporte la tentative pisane avant les raids menés par Roger au début de l’été. Pour dater l’événement, on ne peut pas s’appuyer sur le témoignage d’Aimé du Mont-Cassin (V, 28), qui associe cet épisode à la tentative de Robert contre Palerme l’année suivante (trad. Dunbar & Loud 2004, 146, et n. 54).

2Malaterra emploie la même expression (quasdam injurias… passi), sans donner plus de précisions, en IV, 3 (Pontieri, p. 86, l. 32-33), à propos des Pisans désireux de se venger de « certains torts » infligés par les hommes de Tamīm. Ayant pris la capitale royale, les Pisans proposent à Roger de lui laisser la ville, mais le comte refuse.

3Les Pisans pouvaient accoster en cinq lieux différents dans le Val Demone, précise Amari 1933-1937, III/1, 104, n. 4. Il nomme quatre ports recensés par Idrīsī : le premier est Messine, mais l’historien écarte cette possibilité, considérant, sans doute à juste titre, que Malaterra en aurait donné le nom ; les trois autres, en partant de l’ouest sont Caronia, situé à proximité de l’embouchure du cours d’eau qui porte le même nom ; Oliveri se trouve dans le golfe de Patti, près de l’embouchure de l’Elicona ; le troisième est Milazzo. Amari mentionne enfin la plage de San Marco, entre Caronia et Oliveri, où l’on construisait des navires.

4La proposition des Pisans est-elle authentique ? Roger ne disposait pas alors des forces nécessaires à la prise de la ville, surtout en l’absence de Robert, qui n’allait revenir en Sicile que l’année suivante (voir Loud 2000, 158).

5Les Annales Pisani de Bernardo Maragone évoquent au contraire la double victoire des Pisans, qui triomphèrent d’abord sur la mer, s’emparant de navires remplis de richesses, puis sur terre, écrasant les adversaires devant les portes de Palerme. De même Aimé V, 28 : « Part de li Pisain estoient en terre et part en remainrent as nefs, a ce que par terre et par mer feissent brigue a la cité ».

6Dans les Annales Pisani, Bernardo Maragone confirme que les Pisans brisèrent la chaîne qui fermait le port (rupta portum pugnando catena) ; de même, Aimé V, 28 : « li Pisen […] rompirent la chainne laquelle desfendoit lo intrer et lo issir des nefs de li anemis ».

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a'Le locatif est peu fréquent chez Malaterra : on le trouve ailleurs pour domi (I, 11, 1 ; II, 42, 1). Ce chapitre cependant en contient trois pour des noms de ville : voir Trainae en II, 34, 1, et à nouveau Panormi (ibid.). Leur emploi avec un verbe impliquant le mouvement est à relier à celui de l’ablatif dans un contexte similaire.