chapitre 11

capitulum XI

Départ des plus jeunes fils de Tancrède, qui, après leurs frères, gagnèrent la Pouille

De junioribus filiis Tancredi qui praecedentes fratres in Apuliam subsecuti sunt

<1> Cependant, lorsque les frères cadets, que leur jeune âge avait contraints de rester jusqu’alors chez eux, apprirent par la renommée que leurs aînés, partis avant eux, avaient accédé, par leurs exploits en Pouille, au faîte des honneurs et du pouvoir, ils se mirent à les suivre eux aussi, dès que leur âge le leur permit1On apprend en I, 12, 3, que deux de ces juniores fratres sont Onfroi Abélard et Robert Guiscard. Onfroi dut arriver entre 1043 et 1045, car il n’est pas nommé lors du partage à Melfi ; mais il est déjà installé quand l’empereur Henri III gagna le sud de l’Italie en 1047 (voir Aimé II, 43)., ne laissant que deux d’entre eux dans le domaine paternel2D’après la suite du récit, sont au moins restés en Normandie Serlon, dont les exploits sont évoqués en I, 38-39, et Roger, qui n’arrivera en Italie que plus tard (I, 19). Mais, d’après l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 751), ce sont les deux plus jeunes, Tancrède et Roger, qui gardent le domaine paternel : « Guillaume avait appelé tous ses frères à venir le rejoindre en Pouille, à l’exception de deux d’entre eux, trop jeunes encore pour faire la guerre (duobus relictis, quorum aetas militiae nondum conveniens erat) »., afin que leur famille ne fût pas dépossédée de l’héritage qui lui revenait. Ceux qui partaient eurent bien du mal à convaincre leurs frères de rester, mais ils y parvinrent en promettant de faire bénéficier leurs héritiers, s’ils les suivaient, des biens qu’ils allaient <eux-mêmes> acquérir. <2> Cependant, parce qu’il serait bien trop long d’insérer dans cette œuvre le détail de leurs entreprises en Pouille, contentons-nous de dire sommairement – comme les faits l’attestent aussi –, qu’ayant conquis par les armes tout le pays, ils le soumirent à leur autorité3Les événements des années 1041-1046 sont complexes. Signalons seulement qu’après l’éviction d’Aténolf au profit d’Argyros, puis l’élection de Guillaume Bras de fer en septembre 1042 (Aimé II, 28) et le mariage de celui-ci avec la nièce de Guaimar V de Salerne, les territoires conquis aux dépens des Byzantins furent répartis entre les douze chefs normands, sous le patronage du prince de Salerne, qui prit, en janvier 1043, le titre de dux Apuliae et Calabriae, et de Rainolf d’Aversa. Sur le titre de dux pris par Guaimar, voir Martin 2006a, 312-313. Parmi les douze pairs sont cités Guillaume et Dreux : le premier est investi du comté d’Ascoli, le second de celui de Venosa. Guillaume devient le premier « comte » des Normands de Pouille. Sur la question épineuse d’une possible suprématie et de sa nature, exercée par Guillaume de Hauteville sur les autres Normands de Pouille, voir Mor 1991, 234-235 ; D’Alessandro 1978, 108 ; Tramontana 1986, 39-41 ; Taviani-Carozzi 1996a, 167-168. Sur la nature du pouvoir détenu par les comtes normands en Pouille, voir en particulier Cuozzo 2006, 294-295.. <3> En effet, comme une foule immense composée de leurs parents et de leurs compatriotes, mais aussi d’hommes venus des autres régions voisines les avait suivis avec l’espoir de s’enrichir, faisant preuve envers eux d’une extrême générosité et les accueillant comme des frères, ils leur offraient sans compter chevaux, armes, vêtements et cadeaux divers4La capacité des Normands établis en Italie méridionale à s’entourer d’hommes sûrs et fidèles est évoquée par Guillaume de Pouille (I, 165-168) en des termes qui marquent fortement l’unité de la nouvelle gens formée autour d’hommes nouveaux : « Si quelque malfaiteur du voisinage cherchait refuge auprès d’eux, ils le recevaient avec joie. Ils façonnaient à leurs coutumes et à leur langue tous ceux qu’ils voyaient venir, afin de ne former qu’un seul peuple (gens efficiatur ut una) » (trad. Mathieu 1961, 109, retouchée). Voir, sur ce point, Lucas-Avenel 2008b, en particulier 255-256.. À certains même ils accordaient très généreusement une terre, préférant à toutes les richesses de ce monde le soutien de chevaliers valeureux : aussi menaient-ils à bien toutes leurs entreprises. <4> Ainsi se vérifie avec eux cette parole de l’Évangile, où il est dit : « Donnez, et il vous sera donné » ; en effet, plus ils étaient généreux, plus ils s’enrichissaient.

<1> Juniores vero fratres, quos aetasaetasaetasaetasaetas [+] [Z1 : aetas [-]] [om.] adhuc domi immorari [+] [immorari AC Z : mo- B. [-]] immorariimmorariimmorariimmorarimorari cogebat, praecedentes et [+] [et om. Z ed. pr. [-]] etetet[om.] seniores fratres apud Apuliam fortiter agendo altioris culmen honoris et dominationis [+] [et dominationis om. B. [-]] et dominationiset dominationiset dominationiset dominationis[om.] ascendisse, fama referente [+] [referente C ZB : -tes A. [-]] referentereferentereferentereferentereferentes, cognoscentes, quam cito aetas permisit, ipsi [+] [ipsi AC Z : ipsos B. [-]] ipsiipsiipsiipsiipsos  [Z/f.10v-11r] quoque subsecuti sunt [+] [sunt om. Z ed. pr. [-]] suntsuntsunt[om.], duobus tantum [+] [tantum AC Z : tamen B. [-]] tantumtantumtantumtantumtamen in patria relictis, ne hereditas illis [+] [illis AC B : vel Z ed. pr. [-]] illisillisillisvel competenscompetenscompetens [+] [C1 : competens [-]] competatis*competatis ut vid. a [+] [a om. Z ed. pr. [-]] aaa[om.] stirpe alienaretur. Abeuntes [+] [abeuntes AC Z2B : abentes Z [-]] AbeuntesAbeuntesAbeuntesAbeuntes [+] [Z2 : Abeuntes [-]] Abentes vero remanentibus ut remanerent [+] [ut remanerent post persuaserunt transt. B. [-]] vix persuaseruntut remanerent vix persuaseruntut remanerent vix persuaseruntut remanerent vix persuaseruntut remanerent vix persuaseruntvix persuaserunt ut remanerent, sed in hoc potius praevaluerunt, quod heredibus eorum, si se subsequerentur [+] [subsequerentur AC B : sequer- Z ed. pr. [-]] subsequerentursubsequerentursubsequerentursequerentur, de his quae acquisituri erant sese benefacturos polliciti sunt. <2> Sed quia [+] [quia om. ZB ed. pr. [-]] quiaquia[om.] perlongum est huic operi [+] [post operi add. sed B del. Bx. [-]] operioperioperioperi [+] [Bx : operi [-]] operi sed per singula perstringendo inserere qualiter apud Apuliam [+] [apud apuliam AC Z : in -a B Pontieri. [-]] apud Apuliamapud Apuliamapud Apuliamin Apulia egerint [+] [egerint AC B : -runt Z ed. pr. [-]] egerintegerintegerintegerunt, hoc [+] [hoc AC ZB : haec Pontieri. [-]] hochochochochaec tantum summatim [+] [summatim AC Z : submittam B. [-]] summatimsummatimsummatimsummatimsubmittam non solum nos, sed etiam res ipsa testatur, quod omnem patriam armis domantes sibi subjugaverunt. <3> Subsequente enim se suorum et parentum et compatriotarum, sed et [+] [et A Z : etiam C om. B. [-]] etetetetiam[om.] reliquarum circumadjacentium regionum spe quaestus maxima multitudine, ipsi impigri largitores quasi fratres suscipientes equis, armis et vestibus et [+] [et A1C B : ac Z edd. om. A. [-]] et [+] [A1 : et [-]] ac[om.] diversis muneribus ditabant. Quibusdam etiam terram [+] [terram AC : terrarum B terrarum loca Z ed. pr. terras Pontieri. [-]] terramterrarumterrarum locaterras largissime impertiebantur, omnibus divitiis hujus mundi auxilia fortium militum praeponentes ; quamobrem nihil incepti incassum illis [+] [illis A ZB : illi C. [-]] illisillisillisillisilli praeteribat. <4> Unde et [+] [et om. B. [-]] etetetet[om.] illud evangelicum illis provenit, ubi dicitur : « Date, et dabitur vobis »αLuc. 6, 38. ; quanto enim ampliora largiebantur, tanto majora lucrabantur.

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1On apprend en I, 12, 3, que deux de ces juniores fratres sont Onfroi Abélard et Robert Guiscard. Onfroi dut arriver entre 1043 et 1045, car il n’est pas nommé lors du partage à Melfi ; mais il est déjà installé quand l’empereur Henri III gagna le sud de l’Italie en 1047 (voir Aimé II, 43).

2D’après la suite du récit, sont au moins restés en Normandie Serlon, dont les exploits sont évoqués en I, 38-39, et Roger, qui n’arrivera en Italie que plus tard (I, 19). Mais, d’après l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 751), ce sont les deux plus jeunes, Tancrède et Roger, qui gardent le domaine paternel : « Guillaume avait appelé tous ses frères à venir le rejoindre en Pouille, à l’exception de deux d’entre eux, trop jeunes encore pour faire la guerre (duobus relictis, quorum aetas militiae nondum conveniens erat) ».

3Les événements des années 1041-1046 sont complexes. Signalons seulement qu’après l’éviction d’Aténolf au profit d’Argyros, puis l’élection de Guillaume Bras de fer en septembre 1042 (Aimé II, 28) et le mariage de celui-ci avec la nièce de Guaimar V de Salerne, les territoires conquis aux dépens des Byzantins furent répartis entre les douze chefs normands, sous le patronage du prince de Salerne, qui prit, en janvier 1043, le titre de dux Apuliae et Calabriae, et de Rainolf d’Aversa. Sur le titre de dux pris par Guaimar, voir Martin 2006a, 312-313. Parmi les douze pairs sont cités Guillaume et Dreux : le premier est investi du comté d’Ascoli, le second de celui de Venosa. Guillaume devient le premier « comte » des Normands de Pouille. Sur la question épineuse d’une possible suprématie et de sa nature, exercée par Guillaume de Hauteville sur les autres Normands de Pouille, voir Mor 1991, 234-235 ; D’Alessandro 1978, 108 ; Tramontana 1986, 39-41 ; Taviani-Carozzi 1996a, 167-168. Sur la nature du pouvoir détenu par les comtes normands en Pouille, voir en particulier Cuozzo 2006, 294-295.

4La capacité des Normands établis en Italie méridionale à s’entourer d’hommes sûrs et fidèles est évoquée par Guillaume de Pouille (I, 165-168) en des termes qui marquent fortement l’unité de la nouvelle gens formée autour d’hommes nouveaux : « Si quelque malfaiteur du voisinage cherchait refuge auprès d’eux, ils le recevaient avec joie. Ils façonnaient à leurs coutumes et à leur langue tous ceux qu’ils voyaient venir, afin de ne former qu’un seul peuple (gens efficiatur ut una) » (trad. Mathieu 1961, 109, retouchée). Voir, sur ce point, Lucas-Avenel 2008b, en particulier 255-256.

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αLuc. 6, 38.