chapitre 14

capitulum XIV

Comment le pape Léon fut fait prisonnier par les Normands

De Leone apostolico, qualiter a Normannis captus sit

<1> Cependant, les Apuliens, qui n’étaient pas encore à court de traîtrises1Malaterra, voyant dans la fourberie des Lombards la cause première des événements, ne dit rien des pillages incessants des Normands, qui ont incité les Lombards à faire appel au pape. Guillaume de Pouille (II, 66-70) les signale sans en reconnaître tout à fait la réalité : « Lorsque les habitants de Pouille apprennent l’arrivée d’un si grand pape, ils lui présentent de multiples doléances et accusent les Normands de toutes sortes de crimes, mêlant le faux au vrai » (trad. Mathieu 1961, 135-136, retouchée). Le Chronicon d’Hermann de Reichenau (ad an. 1053), en revanche, et les Vitae de Léon IX mettent l’accent sur la cruauté des Normands (sur le « dossier hagiographique de Léon IX », voir Planta 2006 ; pour une présentation des sources qui rapportent les circonstances de la coalition anti-normande, voir Taviani-Carozzi 1996b, 186-192). Ainsi, dans la Vita du Pseudo-Wibert (Vie du pape Léon IX : Brunon, évêque de Toul, M. Parisse (éd.), M. Goullet (trad.), Paris, Les Belles Lettres (Les classiques de l’histoire au Moyen Âge), 1997, II, 20, p. 110), l’auteur évoque « l’affliction inouïe du peuple d’Apulie » et la « sanglante attaque des Normands » (trad. p. 111), avant de citer la lettre envoyée par Léon IX à l’empereur de Constantinople, dans laquelle le pape dénonce, par exemple, « l’impiété plus que païenne » des Normands., dépêchent en secret des ambassadeurs auprès du pape Léon IX2Léon IX est le nom que prit Brunon, évêque de Toul. Il fut consacré le 12 février 1049 et occupa le siège de Rome jusqu’en 1054. Sur les rapports de Léon IX avec les Normands, voir, en particulier, Taviani-Carozzi 2006. pour l’inviter à se rendre en Pouille avec une armée : la Pouille lui revenait de droit et, au temps de ses prédécesseurs, elle avait relevé de la juridiction de l’Église de Rome3Si l’on en croit l’argument prêté aux Apuliens par Malaterra, qui ne dit rien de l’autorité exercée par le pape à Bénévent depuis 1051, le droit de l’évêque de Rome s’étend à toute l’Apulia, ce qui peut rappeler la Donation apocryphe de Constantin au pape Sylvestre Ier (voir Guyotjeannin 1994) ou plutôt la promissio Carisiaca du 14 avril 754, qui « envisageait de soumettre au pape une grande partie de l’Italie, notamment les duchés de Spolète […] et de Bénévent […] » (Martin 2012, 161). La promesse, reprise par Charlemagne le 6 avril 774, modifiée en 787 par le roi des Francs et des Lombards, ne fut jamais appliquée. Quant aux empereurs germaniques du Xe et du début du XIe siècle, ils confirmèrent la promesse tout en investissant Pandolf IV de la principauté de Capoue, Guaimar V de celle de Salerne ou Rainolf du comté d’Aversa (voir encore Martin 2012, 161, et Deér 1972, 130). Cf. le Chronicon d’Hermann de Reichenau, ad an. 1053, où il est question des Normands « qui occupaient par la force contre la volonté [du pape] les biens de Saint-Pierre (res sancti Petri) » (cité d’après Taviani-Carozzi 2006, 313 ; voir aussi 322-325). ; ils lui apporteraient leur appui ; les Normands étaient incapables de combattre, dépourvus d’énergie et en infériorité numérique. Et le pape, comme cela se produit, aveuglé par l’ambition4Là encore, Malaterra se contente de lier à un trait de caractère du personnage les causes des événements, tandis qu’on trouve d’abondantes informations dans les œuvres d’Aimé (III, 15-25 ; 37) et de Guillaume de Pouille (II, 67-84) sur la politique active que mena Léon IX entre 1050 et 1053 avec Guaimar et Dreux, avant leur assassinat., bien qu’il soit très circonspect, ayant reçu de l’empereur le renfort d’une armée d’Allemands5Léon IX passa la Noël 1052 avec Henri III à Worms, où il signa un traité relatif à Bénévent, et revint à Rome, sans le secours militaire qu’il espérait obtenir de l’empereur, mais avec un contingent de mercenaires. Selon Hermann de Reichenau (Herimanni Augiensis Chronicon, G. H. Pertz (éd.), MGH SS, t. V, Hanovre, Hahn, 1844, ad an. 1053, p. 132, l. 19-21), on trouvait parmi eux de nombreux aventuriers en quête de richesses. Ces mercenaires étaient trois cents, selon Aimé III, 37, cinq cents, selon Leo Ost. II, 81, p. 329, l. 4-5, « innombrables », selon Guil. Ap. II, 82-84, qui plus loin (II, 152-154), compte sept cents Teutons et Souabes, placés sous les ordres de Guarnier et d’Albert., entre en Pouille6Le pape est au Mont-Cassin le 29 mai, se rend ensuite à Bénévent, puis gagne la Pouille, où il espère rejoindre l’armée d’Argyros., comptant fermement sur l’assistance des Lombards7Aimé du Mont-Cassin, Guillaume de Pouille et Malaterra s’accordent à dire que les Lombards ne furent d’aucun secours dans la bataille, et l’énumération des forces italiennes par Guillaume de Pouille (II, 164-176) cache ce que Taviani-Carozzi 1996a, 204, appelle « une coalition de fortune ». Mais rien ne permet d’affirmer que le pape en avait conscience au moment de son entrée en Pouille.. <2> Mais le comte Onfroi, considérant qu’il était plus honorable de perdre la vie avec honneur que de continuer de vivre dépossédé ignominieusement de la dignité qu’il avait revêtue, ayant levé une armée, marche hardiment contre l’ennemi8Comme pour les Lombards et le pape, Malaterra attribue au Normand un trait de caractère qui explique les motifs de son action. Il ne dit rien des tentatives de négociation ni de la famine qui incita les Normands à engager le conflit le 18 juin 1053. ; il range ses troupes en ordre de bataille9On sait que l’armée normande fut en fait divisée en trois corps d’armée, dont l’un fut dirigé par Onfroi. Richard, comte d’Aversa, et Robert Guiscard commandaient aux deux autres ; voir Aimé, III, 40 ; Leo Ost. II, 84, p. 332, l. 31-33 ; Guil. Ap. II, 183-191., engage le combat et, selon son habitude, se bat vigoureusement dès le premier choc. Les Lombards, épouvantés, cherchent à se sauver en fuyant10D’après la Vita éditée par Poncelet, la fuite des Lombards s’explique par la trahison du comte Madelfrid dit de Rofreda, qui alla trouver les Normands (voir trad. Parisse & Goullet 1997, 151-152). Les chroniqueurs « normands » témoignent, comme Malaterra, de la fuite immédiate des Lombards. Voir Aimé III, 40 : « Et li Thodeschi se reguardent derriere pour veoir lor compaingnie, mes nul Longobart venoit aprés eauz, quar tuit s’en estoient foui » ; Guil. Ap. II, 196-209 : « Richard, le premier, engage le combat contre les Italiens et les affronte hardiment. Ils ne soutinrent pas le choc, leurs forces firent volte-face ; la terreur les saisit tous ; et, se précipitant dans la fuite, ils se dispersent par monts et par vaux, à la débandade. […] » (trad. Mathieu 1961, 143, retouchée)., abandonnant les Allemands sur le champ de bataille. Et ceux-ci, malgré leur vigueur dans le corps-à-corps, n’ayant d’autre échappatoire que de se battre, tombèrent presque tous sous les coups victorieux des Normands11La résistance et le massacre des Allemands sont attestés par les autres sources « normandes ». Chez Guillaume de Pouille (II, 210-256), c’est l’occasion de vanter les premiers faits d’armes de Guiscard. Voir également Aimé III, 40, et Leo Ost. II, 84, p. 332, l. 34-36. De même aussi le Chronicon d’Hermann de Reichenau ; la Vita de Poncelet (« Quant aux Allemands, ils combattirent vaillamment, firent beaucoup de victimes dans les rangs ennemis, mais moururent tous pour leur fidélité au Christ et rendirent l’âme en martyrs » ; trad. Parisse & Goullet 1997, 152) ; les Annales de Lampert de Hersfeld, ad an. 1053.. <3> Le pape, cherchant dans la fuite le moyen de sauver sa vie, trouva refuge, au terme de sa fuite, dans la ville de la province de Capitanate qu’on appelle Civitate12La bataille eut lieu près de Civitate, dans la plaine située entre les communes de San Paolo di Civitate et Serracapriola (prov. Foggia). Sur la ville et son emplacement, voir Martin & Noyé 1991a, 88 et fig. 7 et 11 ; Martin & Noyé 1991b, en particulier 36, n. 39 ; 40 ; 46-47, fig. 5. Guillaume de Pouille (II, 257-258) rapporte, comme Malaterra, que le pape se réfugia dans cette ville après la défaite de son armée, et de même, la Vita de Poncelet (voir trad. Parisse & Goullet 1997, 152). En revanche, selon Aimé III, 40, le pape se trouvait déjà dans la ville, d’où il harangua ses troupes. Quant au Pseudo-Wibert (Vie du pape Léon IX…, II, 21, p. 112), il rapporte que le pape attendit l’issue de la bataille à l’intérieur de la ville, « ignorant ce qui s’était passé » (trad. p. 113).. Les ennemis, qui s’étaient lancés à sa poursuite, installent leurs hommes pour investir la place : ils apportent les matériaux pour édifier des terrasses, installent les machines13Voir encore Settia 2006, 139. destinées à prendre la ville, répandent l’épouvante parmi les habitants en les menaçant, pour qu’ils leur livrent le pape. Ces derniers alors, faisant comme toujours preuve d’une très grande perfidie, sans chercher à conclure un arrangement qui respecte les intérêts du pape, mais pour garantir leur propre sécurité, le chassent par les portes hors de la ville14La Vita de Poncelet affirme, comme Malaterra, que le pape fut chassé de Civitate et livré aux Normands par les habitants (voir trad. Parisse & Goullet 1997, 152), Guillaume de Pouille (II, 259), qu’il ne fut pas reçu convenablement (sed cives papam non excepere decenter). Aimé III, 40, rapporte qu’il fut même dépouillé de ses biens : « La masserie de lo pape et de tout li soi et li tresor de la chapelle soe lui fu levé de ceus de la cité ». Au contraire, la Vita de Borgia précise que les habitants de Civitate renoncèrent à livrer le pape, suite à un miracle (voir Chalandon 1907, 138) ; ils n’opposèrent cependant aucune résistance aux Normands.. <4> Il est accueilli par les ennemis, qui, par déférence pour le Saint-Siège de Rome, se prosternent à ses pieds avec un profond respect, en implorant son pardon et sa bénédiction15Les signes de respect et d’humilité sont aussi signalés par Guillaume de Pouille (II, 261-263) : « s’étant agenouillés devant le pape, les Normands lui demandent respectueusement pardon. Le pape reçoit avec bienveillance ces hommes qui se sont prosternés devant lui ; tous ensemble, ils lui baisent les pieds » (trad. Mathieu 1961, 147, retouchée). Voir aussi les Annales Romani : « […] presque tous les princes normands furent frappés d’affliction : ils vinrent en pleurant et gémissant auprès du pape, se jetèrent à ses pieds en implorant son pardon et sa miséricorde » (trad. Parisse & Goullet 1997, 145), et la Vita de Poncelet : « Mais les Normands se conformèrent à l’enseignement de l’Écriture : tout homme qui s’humilie sera élevé ; aussi mirent-ils pied à terre et se jetèrent-ils humblement [aux] pieds [du pape], en lui demandant pardon et indulgence » (trad. Parisse & Goullet 1997, 152).. Et ils s’employèrent à le servir en toute humilité, jusqu’à l’endroit où l’armée avait établi son campement et ses tentes. <5> Le pape accueillit volontiers ces marques traditionnelles de bienveillance à son égard ; il leur accorda le pardon de leurs offenses et sa bénédiction16De même Guil. Ap. II, 264 : Vocibus ille piis hos admonet ac benedicit. La Vita éditée par Borgia témoigne aussi de cette bénédiction, mais l’auteur insiste au préalable sur la faute commise par les ennemis du pape et rapporte que ce dernier invita les Normands à faire pénitence. Alors « le pape leur accorda sa bénédiction, et en retour les Normands lui promirent de lui être fidèles et de remplacer auprès de lui les soldats qu’il avait perdus » (voir Chalandon 1907, 138). et il leur concéda, ainsi qu’à leurs héritiers, le droit de posséder, au nom de saint Pierre, en fief héréditaire17Les termes choisis ici par Malaterra sont tout à fait comparables à ceux qu’il avait employés en I, 2 et I, 4, pour définir la concession faite à Rollon du territoire normand et la nouvelle relation qui l’unissait au roi. Ainsi, Malaterra, sans rien dire de la captivité du pape à Bénévent (23 juin 1053-12 mars 1054), durant laquelle il souffrit de privations (selon les Annales de Lampert de Hersfeld, ad an. 1053) et tenta d’obtenir des renforts des deux empereurs (voir la lettre qu’il fit parvenir à Constantin IX Monomaque au début de 1054 ; trad. Parisse & Goullet 1997, 142), anticipe sur la concession accordée en 1059 par Nicolas II au Concile de Melfi et présente les Normands comme les nouveaux vassaux du pape dès le lendemain de Civitate ; voir aussi l’étude comparée des termes employés par les historiens et les auteurs des Vitae par Taviani-Carozzi 2006, 312-318 : elle a montré que les chroniqueurs favorables aux Normands utilisaient un vocabulaire juridique impliquant non une « soumission », comme chez Hermann de Reichenau, mais une « fidélité conditionnelle, contractuelle » (voir aussi Cowdrey 1983, 112-113)., tout le territoire qu’ils avaient envahi et qu’ils pourraient conquérir à l’avenir en Calabre et en Sicile18 Après la victoire normande, Malaterra, puis l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 753) sont les seuls à témoigner d’une concession territoriale. Celle-ci est définie en ces termes par l’Anonyme du Vatican : totam Apuliam atque Calabriam a finibus Guarnerii usque ad Farum comiti Humfredo et suis successoribus, nequaquam coactus in aliquo, sed sola spontanea voluntate et suorum communi consilio cardinalium regendas semperque possidendas permisit, « il permit au comte Onfroi et à ses successeurs, sans y être en rien forcé mais spontanément, de son propre chef, et sur le conseil unanime de ses cardinaux, de gouverner et de posséder toujours toute la Pouille et toute la Calabre depuis le Gargan jusqu’au Faro ». L’Anonyme du Vatican ne dit donc rien de la Sicile. Chalandon 1907, 142, a supposé que le pape accorda aux Normands une partie des terres de la principauté de Bénévent, et qu’il racheta ainsi sa liberté..

<1> Apulienses vero, necdum [+] [necdum C : nedum ZB. [-]] necdumnecdumnedum traditionibus [+] [traditionibus C Z : prod- B. [-]] traditionibustraditionibustraditionibusproditionibus exhausti, per occultos legatos nonum LeonemLeonemLeonemLeonem [+] [B1 : Leonem [-]] leonum apostolicum ut [+] [ut om. B. [-]] ututut[om.] in Apulia [+] [apulia C Z : -am B edd. [-]] ApuliaApuliam cum exercitu veniat invitant [+] [invitant ZB : invitat C. [-]] invitantinvitantinvitantinvitat, dicentes Apuliam sibi jure competere et praedecessorum suorum temporibus juris Ecclesiae Romanae fuisse ; se illi auxilium laturos ; Normannos imbelles [+] [imbelles C Z2B : in bellis Zx in Z. [-]] imbellesimbellesimbelles [+] [Z2 : imbelles [-]] [+] [Zx : in bellis [-]] in, viribus [+] [viribus C Z : viros B. [-]] viribusviribusviribusviros enervos [+] [enervos C Z : -ves Z2 edd. inermes B. [-]] enervosenerves [+] [Z2 : enerves [-]] inermes, numero paucos. Ille, ut assolet [+] [assolet C Z : -lute B. [-]] assoletassoletassoletassolute, quamvis prudentissimus esset, ambitione captus [+] [captus C Z : capta B. [-]] captuscaptuscaptuscapta, Alamannorum [+] [alamannorum ZB : alem- C alamanorum ed. pr. [-]] AlamannorumAlamannorumAlemannorumAlamanorum exercitu ab Imperatore sibi in adjutorio [+] [sibi in adjutorio om. B. [-]] sibi in adjutoriosibi in adjutoriosibi in adjutorio[om.] accepto [+] [accepto C ZB : rec- ed. pr. [-]] acceptoacceptoacceptoreccepto, confidens in auxilio Longobardorum [+] [longobardorum C Z : longub- B. [-]] LongobardorumLongobardorumLongobardorumlongubardorum, Apuliam [+] [apuliam C Z : -ae terras B. [-]] ApuliamApuliamApuliamapuliae terras intrat. <2> Comes vero Hunfredus [+] [hunfredus C : umfridus B om. Z ed. pr. humfredus Pontieri. [-]] Umfridus[om.]Humfredus, honestius ducens [+] [honestius ducens C : honestus d. Z d. potius B sibi honestius d. potius Pontieri. [-]] honestius ducenshonestus ducensducens potiussibi honestius ducens potius cum honore vitam finire quam cum dedecore vita comite suscepto honore [+] [vita comite suscepto honore C ZB def. Desbordes : del. Pontieri. [-]] vita comite suscepto honorevita comite suscepto honorevita comite suscepto honorevita comite suscepto honore[del.] privaria'Desbordes 2006, 205-207, a proposé une traduction de la phrase après avoir rétabli l’expression vita comite d’après Gen. 18, 10 et Gen. 18, 14. La formule est devenue d’un emploi fréquent dès le haut Moyen Âge. On en trouve plusieurs exemples chez Alcuin (Epistolae, E. Dümmler (éd.), MGH Epp., t. IV, Berlin, Weidmann, 1895, Epist. 141, p. 223, l. 16 ; Epist. 160, p. 259, l. 18 ; Epist. 195, p. 323, l. 7)., commoto exercitu, audacter hostibus [+] [hostibus ZB : hones- C. [-]] hostibushostibushostibushonestibus occurrit [+] [occurrit C Z : ac- B. [-]] occurritoccurritoccurritaccurrit, ordinataque acie suorum, certamen iniens, cum primo congressu fortiter, ut solitus erat [+] [erat C Z : esset B. [-]] eraterateratesset, agere coepisset, Longobardi territi fuga [+] [fuga… nituntur C Z : cum fuga… cepissent B. [-]] seipsos [+] [seipsos C Z : se B. [-]] tueri nitunturfuga seipsos tueri nitunturfuga seipsos tueri nitunturfuga seipsos tueri nitunturcum fuga se tueri cepissent, Alamannis [+] [alamannis ZB : alem- C. [-]] AlamannisAlamannisAlamannisAlemannis in proelio relictis. Qui, cum fortiter dimicarent, nullum refugium nisi [+] [nisi om. B. [-]] nisinisinisi[om.] in armis habentes [+] [habentes om. B. [-]] habenteshabenteshabentes[om.], Normannis vincentibus, paene omnes occubuerunt. <3> Apostolicus, fuga vitae asylum [+] [asylum C Z : auxilium B. [-]] asylumasylumasylumauxilium expetens [+] [expetens C B : expectans Z. [-]] expetensexpetensexpetensexpectans, intra [+] [intra ZB : inter C. [-]] intraintraintrainter urbem provinciae Capitinatae [+] [capitinatae C Z B : capitanatae Pontieri praeeunte D. [-]] CapitinataeCapitinataeCapitinataeCapitanatae*capitanatae Pontieri praeeunte D quae Civitata [+] [civitata C : cimitata Z ed. pr. civitas B. [-]] CimitataCivitas dicitur sese profugus recepit [+] [recepit C Z : recipit B. [-]] recepitrecepitrecepitrecipit. Quem hostes insequentes armato milite obsident [+] [obsident C Z : insi- B. [-]] obsidentobsidentobsidentinsident : aggeres [+] [aggeres ZB : agere C. [-]] aggeresaggeresaggeresagere portant, machinamentamachinamentamachinamentamachinamentamachinamenta... ad [+] [ab ad denuo inc. A. [-]] urbem capiendam parant, incolas minis [+] [minis C ZB : muris A. [-]] minisminisminisminismuris terrent ut Apostolicum reddant. Illi vero, ut [+] [ut om. B ed. pr. [-]] ututut[om.] semper perfidissimi, nulla [+] [nulla om. A. [-]] nullanullanullanulla[om.] pactione [+] [pactione C ZB : pacticione A. [-]] pactionepactionepactionepactionepacticione ad utilitatem Apostolici nisi ut se ipsos tuerentur exquisita [+] [exquisita AC Z1B : adquis- Z ed. pr. [-]] exquisitaexquisitaexquisita [+] [Z1 : exquisita [-]] adquisita, eum [+] [eum C ZB : cum A. [-]] eumeumeumeumcum per portas ejiciunt. <4> Quem hostes suscipientes, ob reverentiam sanctae Romanae Sedis [+] [sedis AC : om. Z ecclesiae Zx ed. pr. ante sedis add. ecclesiae vel B. [-]] SedisSedis[om.]Ecclesiae [+] [Zx : Ecclesiae [-]] Ecclesiae vel Sedis cum magna devotione ejus provolvuntur [+] [provolvuntur C Z : -lumutur A devolvuntur B. [-]] provolvunturprovolvunturprovolvunturprovolumuturdevolvuntur pedibus, veniam et benedictionem ejus postulantes. Sed et [+] [sed et A Z : sed C om. B. [-]] Sed etSed etSed etSed[om.] usque ad loca quo [+] [quo AC Z : quibus B Pontieri. [-]] quoquoquoquibus exercitus [+] [ante exercitus add. ex C. [-]] exercitusexercitusexercitusexercitusex exercitus castra et tentoria [+] [tentoria A ZB : territoria C. [-]] tentoriatentoriatentoriatentoriaterritoria fixerat cum omni [+] [omni AC Z : magna B. [-]] omniomniomniomnimagna humilitate [+] [humilitate AC ZBx : utili- B ut vid. [-]] humilitatehumilitatehumilitatehumilitate [+] [Bx : humilitate [-]] utilitate*utilitate ut vid. illi servire exsecuti sunt. <5> Quorum legitimam [+] [legitimam om. B. [-]] legitimamlegitimamlegitimamlegitimam[om.] benivolentiam vir apostolicus gratanter suscipiens, de offensis indulgentiam et benedictionem contulit, et [+] [et AC Z : in B. [-]] etetetetin omnem terram quam pervaserant et quam ulterius versus Calabriam [+] [calabriam… siciliam AC Z : siciliam… calabriam B. [-]] et SiciliamCalabriam et SiciliamCalabriam et SiciliamCalabriam et SiciliamCalabriam et SiciliamSiciliam et Calabriam lucrari possent, de sancto Petro [+] [sancto petro AC Z : sancti petri B Pontieri. [-]] sancto Petrosancto Petrosancto Petrosancti Petri hereditali [+] [hereditali AC Z : -talibus B. [-]] hereditalihereditalihereditalihereditalihereditalibus feudo [+] [feudo C ZB : fedo A. [-]] feudofeudofeudofeudofedob'Pontieri avait adopté les lectures de B, donnant probablement à la préposition de une valeur instrumentale « en guise de, sous la forme de ». Si l’on revient au texte de AC Z, c’est l’ablatif seul qui a cette valeur, tandis qu’on donne à la préposition de la valeur d’origine qu’elle a très fréquemment en latin médiéval dans les expressions tenere feudum / beneficium de aliquo, « détenir un fief / bénéfice de quelqu’un ». Nous n’avons pas trouvé d’autre exemple du tour de sancto Petro possidere ; il semble comparable à l’expression ex parte sancti Petri possidere présente dans le Registrum de Grégoire VII (E. Caspar (éd.), MGH Epp. sel., t. II, 1, Berlin, Weidmann, 1920, p. 11, l. 27 - p. 12, l. 3) : Itaque comes Evulus de Roceio […] terram illam, ad honorem sancti Petri ingredi et a paganorum manibus eripere cupiens hanc concessionem ab apostolica sede obtinuit ut partem illam unde paganos […] expellere posset, sub conditione inter nos factae pactionis ex parte sancti Petri possideret. Le sens général est donc le même : la papauté reconnaît les Normands comme ses vassaux directs et héréditaires (voir Deér 1972, 100-101). sibi et heredibus [+] [heredibus (heribus Z) post suis transt. B. [-]] suisheredibus suisheredibus suisheredibus suisheribus suissuis heredibus possidendam concessit [+] [post concessit add. circa annos MLII (MLIII Pontieri) Z edd. [-]] concessitconcessitconcessit circa annos MLIIconcessit circa annos MLIII.

~

1Malaterra, voyant dans la fourberie des Lombards la cause première des événements, ne dit rien des pillages incessants des Normands, qui ont incité les Lombards à faire appel au pape. Guillaume de Pouille (II, 66-70) les signale sans en reconnaître tout à fait la réalité : « Lorsque les habitants de Pouille apprennent l’arrivée d’un si grand pape, ils lui présentent de multiples doléances et accusent les Normands de toutes sortes de crimes, mêlant le faux au vrai » (trad. Mathieu 1961, 135-136, retouchée). Le Chronicon d’Hermann de Reichenau (ad an. 1053), en revanche, et les Vitae de Léon IX mettent l’accent sur la cruauté des Normands (sur le « dossier hagiographique de Léon IX », voir Planta 2006 ; pour une présentation des sources qui rapportent les circonstances de la coalition anti-normande, voir Taviani-Carozzi 1996b, 186-192). Ainsi, dans la Vita du Pseudo-Wibert (Vie du pape Léon IX : Brunon, évêque de Toul, M. Parisse (éd.), M. Goullet (trad.), Paris, Les Belles Lettres (Les classiques de l’histoire au Moyen Âge), 1997, II, 20, p. 110), l’auteur évoque « l’affliction inouïe du peuple d’Apulie » et la « sanglante attaque des Normands » (trad. p. 111), avant de citer la lettre envoyée par Léon IX à l’empereur de Constantinople, dans laquelle le pape dénonce, par exemple, « l’impiété plus que païenne » des Normands.

2Léon IX est le nom que prit Brunon, évêque de Toul. Il fut consacré le 12 février 1049 et occupa le siège de Rome jusqu’en 1054. Sur les rapports de Léon IX avec les Normands, voir, en particulier, Taviani-Carozzi 2006.

3Si l’on en croit l’argument prêté aux Apuliens par Malaterra, qui ne dit rien de l’autorité exercée par le pape à Bénévent depuis 1051, le droit de l’évêque de Rome s’étend à toute l’Apulia, ce qui peut rappeler la Donation apocryphe de Constantin au pape Sylvestre Ier (voir Guyotjeannin 1994) ou plutôt la promissio Carisiaca du 14 avril 754, qui « envisageait de soumettre au pape une grande partie de l’Italie, notamment les duchés de Spolète […] et de Bénévent […] » (Martin 2012, 161). La promesse, reprise par Charlemagne le 6 avril 774, modifiée en 787 par le roi des Francs et des Lombards, ne fut jamais appliquée. Quant aux empereurs germaniques du Xe et du début du XIe siècle, ils confirmèrent la promesse tout en investissant Pandolf IV de la principauté de Capoue, Guaimar V de celle de Salerne ou Rainolf du comté d’Aversa (voir encore Martin 2012, 161, et Deér 1972, 130). Cf. le Chronicon d’Hermann de Reichenau, ad an. 1053, où il est question des Normands « qui occupaient par la force contre la volonté [du pape] les biens de Saint-Pierre (res sancti Petri) » (cité d’après Taviani-Carozzi 2006, 313 ; voir aussi 322-325).

4Là encore, Malaterra se contente de lier à un trait de caractère du personnage les causes des événements, tandis qu’on trouve d’abondantes informations dans les œuvres d’Aimé (III, 15-25 ; 37) et de Guillaume de Pouille (II, 67-84) sur la politique active que mena Léon IX entre 1050 et 1053 avec Guaimar et Dreux, avant leur assassinat.

5Léon IX passa la Noël 1052 avec Henri III à Worms, où il signa un traité relatif à Bénévent, et revint à Rome, sans le secours militaire qu’il espérait obtenir de l’empereur, mais avec un contingent de mercenaires. Selon Hermann de Reichenau (Herimanni Augiensis Chronicon, G. H. Pertz (éd.), MGH SS, t. V, Hanovre, Hahn, 1844, ad an. 1053, p. 132, l. 19-21), on trouvait parmi eux de nombreux aventuriers en quête de richesses. Ces mercenaires étaient trois cents, selon Aimé III, 37, cinq cents, selon Leo Ost. II, 81, p. 329, l. 4-5, « innombrables », selon Guil. Ap. II, 82-84, qui plus loin (II, 152-154), compte sept cents Teutons et Souabes, placés sous les ordres de Guarnier et d’Albert.

6Le pape est au Mont-Cassin le 29 mai, se rend ensuite à Bénévent, puis gagne la Pouille, où il espère rejoindre l’armée d’Argyros.

7Aimé du Mont-Cassin, Guillaume de Pouille et Malaterra s’accordent à dire que les Lombards ne furent d’aucun secours dans la bataille, et l’énumération des forces italiennes par Guillaume de Pouille (II, 164-176) cache ce que Taviani-Carozzi 1996a, 204, appelle « une coalition de fortune ». Mais rien ne permet d’affirmer que le pape en avait conscience au moment de son entrée en Pouille.

8Comme pour les Lombards et le pape, Malaterra attribue au Normand un trait de caractère qui explique les motifs de son action. Il ne dit rien des tentatives de négociation ni de la famine qui incita les Normands à engager le conflit le 18 juin 1053.

9On sait que l’armée normande fut en fait divisée en trois corps d’armée, dont l’un fut dirigé par Onfroi. Richard, comte d’Aversa, et Robert Guiscard commandaient aux deux autres ; voir Aimé, III, 40 ; Leo Ost. II, 84, p. 332, l. 31-33 ; Guil. Ap. II, 183-191.

10D’après la Vita éditée par Poncelet, la fuite des Lombards s’explique par la trahison du comte Madelfrid dit de Rofreda, qui alla trouver les Normands (voir trad. Parisse & Goullet 1997, 151-152). Les chroniqueurs « normands » témoignent, comme Malaterra, de la fuite immédiate des Lombards. Voir Aimé III, 40 : « Et li Thodeschi se reguardent derriere pour veoir lor compaingnie, mes nul Longobart venoit aprés eauz, quar tuit s’en estoient foui » ; Guil. Ap. II, 196-209 : « Richard, le premier, engage le combat contre les Italiens et les affronte hardiment. Ils ne soutinrent pas le choc, leurs forces firent volte-face ; la terreur les saisit tous ; et, se précipitant dans la fuite, ils se dispersent par monts et par vaux, à la débandade. […] » (trad. Mathieu 1961, 143, retouchée).

11La résistance et le massacre des Allemands sont attestés par les autres sources « normandes ». Chez Guillaume de Pouille (II, 210-256), c’est l’occasion de vanter les premiers faits d’armes de Guiscard. Voir également Aimé III, 40, et Leo Ost. II, 84, p. 332, l. 34-36. De même aussi le Chronicon d’Hermann de Reichenau ; la Vita de Poncelet (« Quant aux Allemands, ils combattirent vaillamment, firent beaucoup de victimes dans les rangs ennemis, mais moururent tous pour leur fidélité au Christ et rendirent l’âme en martyrs » ; trad. Parisse & Goullet 1997, 152) ; les Annales de Lampert de Hersfeld, ad an. 1053.

12La bataille eut lieu près de Civitate, dans la plaine située entre les communes de San Paolo di Civitate et Serracapriola (prov. Foggia). Sur la ville et son emplacement, voir Martin & Noyé 1991a, 88 et fig. 7 et 11 ; Martin & Noyé 1991b, en particulier 36, n. 39 ; 40 ; 46-47, fig. 5. Guillaume de Pouille (II, 257-258) rapporte, comme Malaterra, que le pape se réfugia dans cette ville après la défaite de son armée, et de même, la Vita de Poncelet (voir trad. Parisse & Goullet 1997, 152). En revanche, selon Aimé III, 40, le pape se trouvait déjà dans la ville, d’où il harangua ses troupes. Quant au Pseudo-Wibert (Vie du pape Léon IX…, II, 21, p. 112), il rapporte que le pape attendit l’issue de la bataille à l’intérieur de la ville, « ignorant ce qui s’était passé » (trad. p. 113).

13Voir encore Settia 2006, 139.

14La Vita de Poncelet affirme, comme Malaterra, que le pape fut chassé de Civitate et livré aux Normands par les habitants (voir trad. Parisse & Goullet 1997, 152), Guillaume de Pouille (II, 259), qu’il ne fut pas reçu convenablement (sed cives papam non excepere decenter). Aimé III, 40, rapporte qu’il fut même dépouillé de ses biens : « La masserie de lo pape et de tout li soi et li tresor de la chapelle soe lui fu levé de ceus de la cité ». Au contraire, la Vita de Borgia précise que les habitants de Civitate renoncèrent à livrer le pape, suite à un miracle (voir Chalandon 1907, 138) ; ils n’opposèrent cependant aucune résistance aux Normands.

15Les signes de respect et d’humilité sont aussi signalés par Guillaume de Pouille (II, 261-263) : « s’étant agenouillés devant le pape, les Normands lui demandent respectueusement pardon. Le pape reçoit avec bienveillance ces hommes qui se sont prosternés devant lui ; tous ensemble, ils lui baisent les pieds » (trad. Mathieu 1961, 147, retouchée). Voir aussi les Annales Romani : « […] presque tous les princes normands furent frappés d’affliction : ils vinrent en pleurant et gémissant auprès du pape, se jetèrent à ses pieds en implorant son pardon et sa miséricorde » (trad. Parisse & Goullet 1997, 145), et la Vita de Poncelet : « Mais les Normands se conformèrent à l’enseignement de l’Écriture : tout homme qui s’humilie sera élevé ; aussi mirent-ils pied à terre et se jetèrent-ils humblement [aux] pieds [du pape], en lui demandant pardon et indulgence » (trad. Parisse & Goullet 1997, 152).

16De même Guil. Ap. II, 264 : Vocibus ille piis hos admonet ac benedicit. La Vita éditée par Borgia témoigne aussi de cette bénédiction, mais l’auteur insiste au préalable sur la faute commise par les ennemis du pape et rapporte que ce dernier invita les Normands à faire pénitence. Alors « le pape leur accorda sa bénédiction, et en retour les Normands lui promirent de lui être fidèles et de remplacer auprès de lui les soldats qu’il avait perdus » (voir Chalandon 1907, 138).

17Les termes choisis ici par Malaterra sont tout à fait comparables à ceux qu’il avait employés en I, 2 et I, 4, pour définir la concession faite à Rollon du territoire normand et la nouvelle relation qui l’unissait au roi. Ainsi, Malaterra, sans rien dire de la captivité du pape à Bénévent (23 juin 1053-12 mars 1054), durant laquelle il souffrit de privations (selon les Annales de Lampert de Hersfeld, ad an. 1053) et tenta d’obtenir des renforts des deux empereurs (voir la lettre qu’il fit parvenir à Constantin IX Monomaque au début de 1054 ; trad. Parisse & Goullet 1997, 142), anticipe sur la concession accordée en 1059 par Nicolas II au Concile de Melfi et présente les Normands comme les nouveaux vassaux du pape dès le lendemain de Civitate ; voir aussi l’étude comparée des termes employés par les historiens et les auteurs des Vitae par Taviani-Carozzi 2006, 312-318 : elle a montré que les chroniqueurs favorables aux Normands utilisaient un vocabulaire juridique impliquant non une « soumission », comme chez Hermann de Reichenau, mais une « fidélité conditionnelle, contractuelle » (voir aussi Cowdrey 1983, 112-113).

18 Après la victoire normande, Malaterra, puis l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 753) sont les seuls à témoigner d’une concession territoriale. Celle-ci est définie en ces termes par l’Anonyme du Vatican : totam Apuliam atque Calabriam a finibus Guarnerii usque ad Farum comiti Humfredo et suis successoribus, nequaquam coactus in aliquo, sed sola spontanea voluntate et suorum communi consilio cardinalium regendas semperque possidendas permisit, « il permit au comte Onfroi et à ses successeurs, sans y être en rien forcé mais spontanément, de son propre chef, et sur le conseil unanime de ses cardinaux, de gouverner et de posséder toujours toute la Pouille et toute la Calabre depuis le Gargan jusqu’au Faro ». L’Anonyme du Vatican ne dit donc rien de la Sicile. Chalandon 1907, 142, a supposé que le pape accorda aux Normands une partie des terres de la principauté de Bénévent, et qu’il racheta ainsi sa liberté.

~

a'Desbordes 2006, 205-207, a proposé une traduction de la phrase après avoir rétabli l’expression vita comite d’après Gen. 18, 10 et Gen. 18, 14. La formule est devenue d’un emploi fréquent dès le haut Moyen Âge. On en trouve plusieurs exemples chez Alcuin (Epistolae, E. Dümmler (éd.), MGH Epp., t. IV, Berlin, Weidmann, 1895, Epist. 141, p. 223, l. 16 ; Epist. 160, p. 259, l. 18 ; Epist. 195, p. 323, l. 7).

b'Pontieri avait adopté les lectures de B, donnant probablement à la préposition de une valeur instrumentale « en guise de, sous la forme de ». Si l’on revient au texte de AC Z, c’est l’ablatif seul qui a cette valeur, tandis qu’on donne à la préposition de la valeur d’origine qu’elle a très fréquemment en latin médiéval dans les expressions tenere feudum / beneficium de aliquo, « détenir un fief / bénéfice de quelqu’un ». Nous n’avons pas trouvé d’autre exemple du tour de sancto Petro possidere ; il semble comparable à l’expression ex parte sancti Petri possidere présente dans le Registrum de Grégoire VII (E. Caspar (éd.), MGH Epp. sel., t. II, 1, Berlin, Weidmann, 1920, p. 11, l. 27 - p. 12, l. 3) : Itaque comes Evulus de Roceio […] terram illam, ad honorem sancti Petri ingredi et a paganorum manibus eripere cupiens hanc concessionem ab apostolica sede obtinuit ut partem illam unde paganos […] expellere posset, sub conditione inter nos factae pactionis ex parte sancti Petri possideret. Le sens général est donc le même : la papauté reconnaît les Normands comme ses vassaux directs et héréditaires (voir Deér 1972, 100-101).