chapitre 17

capitulum XVII

Robert Guiscard et Pierre de Tyr

De Roberto Guiscardo et Petro de Tirra

<1> On ne saurait passer sous silence le stratagème qu’il employa pour se saisir de Pierre de Tyr1Pierre de Tyr est probablement, comme l’a montré Noyé 1998, 113, l’un de ces notables qui sont d’« anciens fonctionnaires grecs ou l’un de leurs descendants » et « agissent désormais de manière autonome ». Commentant le syntagme ditissimus civis, Noyé (ibid., n. 161) ajoute qu’à Bisignano « existent au Xe siècle des commerçants hébraïques et un marché (Élie le Jeune [Vita di Sant’Elia il Giovane, G. Rossi Taibbi (éd. et trad.), Palerme, Istituto siciliano di studi bizantini e neoellenici (Testi ; 7), 1962], p. 116) ». Voir encore Tramontana 2003, 18, à propos des grandes familles aristocratiques et militaires ou civiles, détentrices de larges domaines et de pouvoirs publics, et qui contrôlaient des territoires ou villes au nom du basileus, tout en gagnant progressivement une large autonomie., qui résidait à Bisignano2Bisignano (prov. Cosenza) se trouve à l’est de San Marco Argentano, sur les hauteurs qui surplombent la rive droite du Crati.. Pierre était l’habitant le plus fortuné de Bisignano et, comme il dépassait tous les autres en intelligence et en mérite, il avait autorité sur tous. Or, l’usage s’était instauré entre Robert Guiscard et lui de se rencontrer fréquemment, comme s’ils tenaient un plaid, à propos des nombreux litiges qui opposaient leurs gens. Mais Guiscard, qui savait que Pierre disposait de richesses colossales et que c’était lui qui, plus que tout autre, exerçait le pouvoir dans la place, se mit à réfléchir à la manière dont il pourrait se servir de lui pour à la fois s’emparer de la place et lui extorquer les richesses qu’il détenait. <2> Il tourna et retourna ce projet longtemps dans son esprit, quand, à la fin, à la suite d’un conseil tenu avec ses gens, un jour que, sans être liés par aucune convention, Pierre et lui s’étaient rencontrés hors de la forteresse de Bisignano, dans la plaine où leurs entretiens se tenaient ordinairement, Guiscard, voyant que Pierre était venu accompagné d’une foule très nombreuse, dépêcha un messager pour signifier qu’il n’entendait pas se mêler à une telle foule, de peur qu’un incident ne vînt à provoquer des troubles entre eux : mais chaque camp ayant demandé à ses partisans de reculer significativement, ils se rencontreraient eux deux pour leur entretien, à égale distance des uns des autres. Cependant, Guiscard avait prévenu les siens de ce qu’il projetait de faire et il les avait avertis de lui venir en aide au plus vite en cas de nécessité. Pierre accède donc aux exigences de Guiscard, sans pourvoir à sa propre sécurité et, ayant renvoyé ses compagnons au loin, il se presse d’aller rejoindre Guiscard à mi-distance des deux camps. <3> Ils s’assirent donc et restèrent un long moment à s’entretenir ; puis, à l’instant où ils se levaient pour se quitter, Guiscard, qui avait apprécié la stature de géant et l’énorme masse de son interlocuteur, ne doutant pas de sa propre force – de fait, il manifestait en toute occasion une assurance extraordinaire et s’engageait avec une audace infinie dans de grandes opérations –, saisit Pierre à la taille, le hissa sur ses épaules et entreprit de le transporter dans son camp. Alors, tandis que les compagnons de chacun accouraient, ceux de Bisignano, pour délivrer Pierre, les Normands, pour prêter main-forte à leur seigneur, Guiscard amena Pierre, qui se défendait mollement, dans son camp, tantôt le portant, tantôt le roulant, tantôt le traînant3Sur le comique de cette scène, voir « Introduction » de la version imprimée, p. 66.. <4> Les Calabrais, ayant alors perdu l’espoir de délivrer Pierre et ne se risquant pas à combattre les Normands pour le sauver, se replient en fuyant dans la forteresse de Bisignano. Quant aux Normands, joyeux comme après un triomphe, ils emmènent Pierre avec eux à la forteresse de San Marco. Il y fut retenu prisonnier un assez long temps, puis il versa une somme exorbitante pour racheter sa liberté et sortir de prison ; mais, devant le refus de ses concitoyens, il ne put livrer la forteresse4On trouve un autre récit de l’enlèvement de Pierre de Tyr chez Aimé III, 10, qui insiste sur la relation qui unit Robert à Pierre (« Robert fist covenance avuec cestui : lo prist pour pere et Pierre l’avoit pris pour filz ») et rapporte le discours que Robert tint à Pierre, une fois ce dernier fait prisonnier, afin, semble-t-il, de susciter chez le lecteur une certaine sympathie pour le chef normand, contraint de piller, mais pénitent (« Puiz Robert va agenoillié, et ploia les bras, et requist misericorde. Et confessa qu’il avoit fait pechié, mes la richesce de Pierre et la povreté soe lui avoit fait constraindre a ce faire : “Mes tu es pere : mes que tu me es pere, covient que aide a lo fils povre.” Cesti comanda la loi de lo roy, ceste cose que lo pere qui est riche en toutes chozes [doit] aidier a la povreté de son filz. Et Pierre promet de emplir la promission, et XX mille solde de or paia Pierre. Et ensi s’en ala, et sain et salve fu delivré de la prison »). Au contraire, Malaterra fait un portrait de Robert tout à fait parallèle à celui des Normands dressé en I, 3 : il est énergique et courageux, mais aussi extrêmement habile, fourbe et sûr de sa valeur. Quant à Pierre, il présente toutes les caractéristiques du « Grec type » chez Malaterra : faible, imprudent, extrêmement craintif et donc impuissant, voire ridicule. Voir aussi Leo Ost. III, 15, p. 377, l. 18-21. Dans l’Alexiade d’Anne Comnène (I, 11), la victime de Robert a pour nom Guillaume Mascabelle. On peut encore comparer ces récits à celui que Guillaume de Pouille consacre à la prise par Guiscard de sa première forteresse (II, 332-354).. <5> Quand ils eurent pris connaissance de cette ruse de Guiscard et d’autres semblables, les Calabrais, peuple d’une pusillanimité sans pareille, se mirent tous à trembler devant lui : c’est que, disaient-ils, on ne pouvait lui opposer personne ni pour les armes, ni pour l’intelligence, ni pour la force non plus. <6> Ayant ainsi acquis des sommes considérables, Guiscard récompensa ses hommes généreusement, renforçant leur fidélité envers lui et nourrissant l’hostilité des Calabrais. Comme il harcela chaque jour par ses raids5Les attaques de plus grande envergure que peut désormais mener Guiscard s’expliquent par la prise de Bisignano, mais aussi par son mariage avec Auberée, tante de Girard de Buonalbergo (voir infra, I, 30) : celui-ci s’est rangé à ses côtés et lui apporte le renfort de trente chevaliers (voir Aimé III, 11 ; Leo Ost. III, 15, p. 377, l. 22-25). les habitants de Bisignano, de Cosenza, de Martirano6Guiscard suit le tracé de l’ancienne Via Popilia. Sur les étapes de la conquête de la Calabre, voir Noyé 1998, 113 ; Hervé-Commereuc 1994, en particulier 79, carte 1, « Étapes de la conquête normande en Calabre » ; Givigliano 2003, 24. Les forteresses de Bisignano, Cosenza et Martirano (prov. Catanzaro) sont prises en 1056. Ces trois « kastra du Crati se caractérisent par une enceinte qui enclôt un espace bien distinct du plat pays, où la population, peu nombreuse, est en revanche très dispersée. Dépourvus de garnison, ils commandent chacun un territoire qui porte leur nom » (Noyé 1998, 113). Grâce à la prise de ces trois forteresses, Guiscard contrôle toute la vallée du Crati, l’accès depuis la mer Ionienne par Bisignano et depuis le sud par Cosenza et Martirano. et du pays environnant, il les accula à conclure avec lui un traité, stipulant qu’ils gardaient la possession de leur forteresse et devaient s’acquitter seulement du service et d’un tribut. Et ils en prirent l’engagement sous la foi du serment et en livrant des otages.

<1> [EP/p.16-17] Qualiter vero Petrum de Tirra [+] [tirra A : turra Z ed. pr. tira B Pontieri. [-]] TurraTira, qui apud Bisinianum [+] [bisinianum A Z : bisanum B. [-]] BisinianumBisinianumBisinianumBisanum morabatur, acceperit [+] [acceperit ZB : -rat A. [-]] acceperitacceperitacceperitacceperata'Nous avons donné raison à ZB contre A, même si l’indicatif n’est pas impossible dans une proposition interrogative indirecte (voir II, 24, 4 : si dux de vita desperavit mirandum non est ; ou encore les exemples fournis par le sommaire, dans lequel l’indicatif et le subjonctif alternent – l’emploi de l’indicatif dans ce type de proposition subordonnée, fréquent chez Plaute et Térence, s’est maintenu dans le sermo cotidianus aux dépens du subjonctif, puisqu’il resurgit en latin tardif ; voir Mellet et al. 1994, 196). Il faudrait encore justifier l’emploi du plus-que-parfait aux dépens du parfait. La substitution n’est certes pas impossible (voir Ernout & Thomas 1953, 225), mais elle ne semble pas conforme aux habitudes de Malaterra. On peut citer, à titre d’exemple, les propositions du même type introduites par qualiter, dans lesquelles on trouvera systématiquement le subjonctif parfait pour exprimer l’antériorité, dans un contexte passé ou présent ; outre le sommaire, voir Epist. 2, 3 : qualiter […] subjugaverit ; I, 11, 2 : qualiter […] egerint (egerint AC B : -runt Z ed. pr.) ; I, 20, 1 : qualiter egerit ; I, 40, 6 : qualiterve […] subjugata sit. Le livre II ne contient qu’un seul exemple au présent (II, 44, 4 : qualiter […] habeat). Les livres III et IV ne présentent pas d’exemple d’interrogative indirecte introduite par qualiter ou quomodo., silentio praetereundum [+] [praetereundum A : -termittendum ZB ed. pr. [-]] praetereundumpraetermittendum non est. Erat quippe idem [+] [quippe idem A Z : quidem ipse B. [-]] quippe idemquippe idemquippe idemquidem ipse Petrus ditissimus civis [+] [civis A Zx : cives Z om. B. [-]] civiscivis [+] [Zx : civis [-]] cives[om.] Bisinianensis [+] [bisinianensis A B : bisiniensis Z. [-]] BisinianensisBisinianensisBisinianensisBisiniensis, sed et [+] [et A Z : in B. [-]] etetetin consilio et virtute ceteris praepollens [+] [praepollens A B : pol- Z ed. pr. perpol- Pontieri. [-]] praepollenspollensperpollens omnibus principabatur. Soliti autem erant multotiens convenire [+] [convenire om. B. [-]] convenireconvenireconvenire[om.] hic et Robertus [+] [robertus om. B. [-]] RobertusRobertusRobertus[om.] Guiscardus quasi ad placitum de pluribus controversiis quae inter suos eveniebant. Porro Guiscardus, cum sciret eum [+] [post eum add. cum A. [-]] eumeumeumeum cum maxima pecunia abundare et prae ceteris castro [+] [castro A Z : castrum B. [-]] castrocastrocastrocastrum dominari, coepit animo tractare [+] [tractare om. B. [-]] tractaretractaretractare[om.] qualiter per eum et [+] [per eum et om. B Pontieri. [-]] per eum etper eum et[om.] castro potiri [+] [castro potiri A Z : castrum obtinere B Pontieri post posset transf. [-]] possetcastro potiri possetcastro potiri possetposset castrum obtinere et pecuniam quam possidebat abstrahere [+] [abstrahere A B : -heret Z ed. pr. [-]] abstrahereabstrahereabstraheret. <2> Quod secum diu revolvens, tandem consilio [+] [consilio om. B. [-]] consilioconsilioconsilio[om.] cum suis habito, quadam [+] [quadam A Z : quandam B. [-]] quadamquadamquadamquandam die, nullo foedere interposito [+] [post interposito usque ad I, 33, 1 Gauf[redo def. A. [-]] extraextraextraextra... castrum Bisinianense [+] [bisinianense edd. : besi- Z bisinianensem B. [-]] BisinianenseBesinianenseBisinianensem in campo in quo colloqui consueverant cum venissent [+] [cum venissent ed. pr. : convenissent Z Be ante ]enissent B2 non legitur om. B cum convenissent Pontieri. [-]] convenissent[om.] [+] [B2 : [non legitur]enissent [-]] cum convenissentb'Nous avons repris le texte que Zurita avait tiré de Z. La lecture est confirmée par une correction marginale de B, partiellement rognée lors de la reliure, si bien qu’on ne peut lire que -enissent, mais c’est convenissent que Be a inséré dans le corps du texte à l’endroit signalé par son modèle. La postposition de cum aux compléments du verbe de la proposition qu’il introduit n’est pas courante dans le récit de Malaterra, mais on peut la comparer à celle de dum en I, 7, 7. En outre, on est amené à faire une conjecture du même type, en tirant cum de con-, en III, 27 (Pontieri, p. 74, l. 6-10) : qui versus ecclesiam sancti Nicolai […] vitae asylum expetentes, dum alii, quantum capacitas permittebat, subintrant, alii tanta multitudine tecta superscandunt ut, pondere ipsa tecta dissoluta cum subruuntur, illos qui subintraverant opprimentes, collisi pariter suffocarentur (cum subruuntur ego : ? subruunt C consubruuntur Z consubiciuntur B consubruantur edd.)., Guiscardus, videns maximam [+] [maximam om. B. [-]] maximammaximam[om.] multitudinem [+] [multitudinem… multitudini B : multidinem… multidum Z ut vid. [-]] multitudinemmultitudinemmultidinem*multidinem ut vid. cum Petro venisse, nuntio [Z/f.12v-13r] praemisso mandat se illi multitudinimultitudinimultitudinimultidum*multidum ut vid. intermisceri [+] [intermisceri Z : introm- B. [-]] intermisceriintermisceriintromisceri nolle, ne forte inter ipsos tumultus [+] [tumultus Z : -tium B. [-]] tumultustumultustumultium ex aliqua re fieret, sed, longius promotis [+] [promotis Z : praem- B. [-]] promotispromotispraemotis utriusque partis sociis, ipsi duo in medium [+] [medium Z : medio B. [-]] mediummediummedio collocuturi convenirent [+] [convenirent Z : convenerunt B Pontieri. [-]] convenirentconvenerunt. Praedixerat tamen suis quid facere [+] [facere ZBx : -ret B. [-]] facerefacere [+] [Bx : facere [-]] faceret disponebat et [+] [et ZB : ut Pontieri. [-]] etetut, cum necesse foret, sibi citius [+] [citius Z : accius B. [-]] citiuscitiusaccius auxiliaturi occurrerent [+] [auxiliaturi occurrerent Z : auxilium praeberent B Pontieri. [-]] auxiliaturi occurrerentauxilium praeberent. Assentiente itaque Petro his quae a Guiscardo mandata sunt, sibi minus [+] [minus Z2B : ninis Z. [-]] minusminus [+] [Z2 : minus [-]] ninis prospiciens, sociis a longe dimissis, ipse medio loco Guiscardo obviare [+] [obviare D : -ari ZB -anti edd. [-]] obviariobviantic'La correction des éditeurs précédents, obvianti, n’est pas convaincante. Flobert 1975, 221, relève bien quelques emplois du déponent obviari, mais il s’agit sans doute ici d’une « graphie fautive » pour obviare, déjà redressée par D et comparable à celle indiquée par Desbordes 2005, 125-126, n. 36 (violari / violare), qui relève en outre plusieurs exemples de la confusion i/e dans C. Les autres occurrences du verbe dans la chronique sont conjuguées à l’actif (I, 39, 1 ; III, 36 [Pontieri, p. 79, l. 9]) ou sous la forme d’un participe (IV, 4 [Pontieri, p. 87, l. 13] ; IV, 17 [Pontieri, p. 96, l. 17] ; IV, 22 [Pontieri, p. 100, l. 34]) – sauf en III, 37 (Pontieri, p. 80, l. 6), où il semble qu’on ait affaire à un passif (dura frons durae fronti obviatur ; mais la constitution de ce morceau de phrase pose des problèmes particuliers). accelerat. <3> Considentes [+] [considentes Z : -derantes B Pontieri. [-]] ConsidentesConsiderantes ergo [+] [ergo Z : igitur B Pontieri. [-]] ergoigitur et diu sibi ad [+] [ad om. B. [-]] adad[om.] invicem loquentes [+] [loquentes Z : collo- B Pontieri. [-]] loquentescolloquentes, cum jam discessuri assurgerent, Guiscardus, enormitate et mole corporis [+] [corporis post illius transt. B. [-]] illiuscorporis illiuscorporis illiusillius corporis inspecta, viribus suis minus [+] [minus Z2B : minis Z. [-]] minusminus [+] [Z2 : minus [-]] minis diffidens – erat enim in omnibus praesumptuosissimus et magnarum rerum audacissimus attemptatord'L’expression in omnibus praesumptuosissimus et magnarum rerum audacissimus attemptator, presque à l’identique, qualifie Roger en II, 10, 2, lors de la traversée difficile du Faro : ut semper militia praesumptuosus et magnarum rerum attentator. Le sens de praesumptuosus, dans le récit de Malaterra, se déduit des emplois nombreux de praesumo, qui, complété le plus souvent par un infinitif, signifie « avoir l’audace de » ; voir aussi, par exemple, II, 4, 2 : militia sua plus necessario praesumens. Le substantif attemptator est d’attestation tardive : absent du TLL et du Lexique de Parisse 2006, il est en revanche enregistré dans le Mittellateinisches Wörterbuch bis zum ausgehenden 13. Jahrhundert, t. I, A-B, Munich, C. H. Beck, 1967, qui relève trois occurrences apparaissant dans des œuvres postérieures à Malaterra (nous n’en relèverons qu’une, qui présente l’intérêt d’être complétée par le substantif praesumptio, dans Vita Annonis archiepiscopi Coloniensis, R. Koepke (éd.), MGH SS, t. XI, Hanovre, Hahn, 1854, p. 485b, l. 8-9, datée d’avant 1183 : praesumptionis huius vanissimus attemptator). L’interrogation de la base de données des AASS ne donne aucune occurrence, celle de Brepolis, quatre : trois dans les MGH et une dans LLT-A, chez Philippe de Harveng, auteur du XIIe siècle, dans le De silentio clericorum, in De Institutione clericorum tractatus sex, PL, t. CCIII, 1855, chap. 88, col. 1125, l. 25-27 (si quis alius mihi quidem contrarius esse praesumpserit attentator dum esse uult sui iuris, aliorum inuenitur reprehensibilis usurpator). Adtemptator, formé sur le verbe adtemptare, « entreprendre », a pu aisément apparaître à côté d’attemptatio, « tentative », attesté dès la fin du IVe siècle dans la correspondance de Symmaque. –, Petrum medium [+] [ante medium add. per B Pontieri. [-]] mediumper medium corripiens, collo superpositum [+] [superpositum prop. Desbordes : suppositum Z edd. -to B def. Resta. [-]] suppositumsupposito*supposito def. Resta, versus suos asportare coepit. Accurrentibus itaque [+] [itaque om. B. [-]] itaqueitaque[om.] utriusque sociis, Bisinianensibus [+] [bisinianensibus Z : bisia- B. [-]] BisinianensibusBisinianensibusBisianensibus ut Petrum eruerent, Normannis [+] [normannis Z : -ni B. [-]] NormannisNormannisNormanni vero ut dominum suum [+] [dominum suum Z : guiscardum B. [-]] dominum suumdominum suumGuiscardum juvarent [+] [juvarent Z : adju- B. [-]] juvarentjuvarentadjuvarent, Guiscardus Petrum enerviter [+] [enerviter Z : enormiter B. [-]] enerviterenerviterenormiter reluctantem interdum portando, interdum volutando [+] [volutando Z : voluntando B. [-]] volutandovolutandovoluntando, interdum trahendo usque ad suos perduxit. <4> Calabrenses vero, de Petro jam desperantes et [+] [et om. B. [-]] etet[om.] pro ipso cum Normannis [+] [cum normannis post minime transt. B. [-]] minimecum Normannis minimecum Normannis minimeminime cum Normannis certare [+] [certare om. B. [-]] certarecertare[om.] praesumentes [+] [praesumentes B : praemusentes Z praenitentes Z2 edd. [-]] praemusentespraenitentes [+] [Z2 : praenitentes [-]] , fugiendo sese in castrum Bisinianense [+] [bisinianense Z : -anensem B. [-]] BisinianenseBisinianensebisinianensem recipiunt [+] [recipiunt ZB : receperunt ed. pr. [-]] recipiuntrecipiuntreceperunt. Normanni vero, gaudentes quasi de triumpho, usque ad castrum Sancti Marci Petrum secum adducunt ; ubi, aliquandiu in captione detentus, pecuniam mirabilem persolvens seipsum a captione liberavit ; sed, civibus non assentientibus [+] [assentientibus Z : assistentibus B. [-]] assentientibusassentientibusassistentibus, castrum minime reddere potuit. <5> Tali [+] [tali Z : tale B. [-]] TaliTaliTale calliditate et huic similibus Calabrenses [+] [calabrenses Z : -sibus B. [-]] CalabrensesCalabrensescalabrensibus de Guiscardo compertis, genus formidolosissimum [+] [formidolosissimum Z2B : -dolissimum Z. [-]] formidolosissimumformidolosissimum [+] [Z2 : formidolosissimum [-]] formidolissimum, omnes ante eum tremebant : quippe cui neminem assimilari posse armis et ingenio, sed neque [+] [sed neque Z : nec B. [-]] sed nequesed nequenec viribus dicebant. <6> * A tanta itaque pecunia incipit capitulum XVIII in Z.* A tanta itaque pecunia usque ad spoponderunt distinxit B.
Cf. conventions d’édition
Tanta itaque pecunia Guiscardus accepta, suos abundanter remunerando in sui fidelitate roborat [+] [roborat B : robarat Z. [-]] roboratroboratrobarat, Calabrensesque [+] [calabrensesque Z : -ses B. [-]] CalabrensesqueCalabrensesqueCalabrenses infestiores reddit. Cotidiano [+] [ante cotidiano add. in B. [-]] CotidianoCotidianoIn cotidiano impetu lacessens [+] [lacessens Z : lacessenses B. [-]] lacessenslacessenslacessenses, Bisinianenses [+] [bisinianenses Z2B : visinacenses Z. [-]] BisinianensesBisinianenses [+] [Z2 : Bisinianenses [-]] visinacenses et Cusentinos [+] [cusentinos B : consentivos Z consentinos ed. pr. [-]] Cusentinosconsentivosconsentinos et [+] [et om. Z ed. pr. [-]] et[om.] Marturanenses [+] [marturanenses B : -rinenses Z -rianenses ed. pr. [-]] MarturanensesMarturinensesMarturianenses et his adjacentem provinciam secum foedus inire coegit, tali videlicet pacto ut castra sua retinentes, servitium tantummodo et tributum [+] [tributum Z : -ta B Pontieri. [-]] tributumtributa persolverent [+] [persolverent ZxB : sol- Z. [-]] persolverentpersolverent [+] [Zx : persolverent [-]] solverent : et hoc sacramentis et obsidibus sponderunt [+] [sponderunt Z : spoponderunt B edd. [-]] spoponderunte'Adams 1976, 30, a montré que le latin tardif tendait à éliminer les formes de parfait à redoublement. Il cite en exemple le verbe spondeo. Cette forme de parfait a pu s’imposer chez Malaterra, notamment grâce aux traductions latines de la Bible : voir Blaise & Chirat 1993, s.v., qui signale les formes spondisti (Sacrae Scripturae Prouerbia Salomonis, 6, 3 Codex Floriacensis), sponderis (Ecclesiasticus, 6, 16 Codex Amiatinus), sponderat (Pseudo-Tertullien, Carmen aduersus Marcionitas, 3, 133). Les deux seules autres occurrences de spondere dans le récit de Malaterra présentent cependant un parfait à redoublement (voir II, 45, 5spoponderunt ego : -dunt (sponpondunt- C) C Z edd. spoponderent B ; III, 28 [Pontieri, p. 74, l. 31])..

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1Pierre de Tyr est probablement, comme l’a montré Noyé 1998, 113, l’un de ces notables qui sont d’« anciens fonctionnaires grecs ou l’un de leurs descendants » et « agissent désormais de manière autonome ». Commentant le syntagme ditissimus civis, Noyé (ibid., n. 161) ajoute qu’à Bisignano « existent au Xe siècle des commerçants hébraïques et un marché (Élie le Jeune [Vita di Sant’Elia il Giovane, G. Rossi Taibbi (éd. et trad.), Palerme, Istituto siciliano di studi bizantini e neoellenici (Testi ; 7), 1962], p. 116) ». Voir encore Tramontana 2003, 18, à propos des grandes familles aristocratiques et militaires ou civiles, détentrices de larges domaines et de pouvoirs publics, et qui contrôlaient des territoires ou villes au nom du basileus, tout en gagnant progressivement une large autonomie.

2Bisignano (prov. Cosenza) se trouve à l’est de San Marco Argentano, sur les hauteurs qui surplombent la rive droite du Crati.

3Sur le comique de cette scène, voir « Introduction » de la version imprimée, p. 66.

4On trouve un autre récit de l’enlèvement de Pierre de Tyr chez Aimé III, 10, qui insiste sur la relation qui unit Robert à Pierre (« Robert fist covenance avuec cestui : lo prist pour pere et Pierre l’avoit pris pour filz ») et rapporte le discours que Robert tint à Pierre, une fois ce dernier fait prisonnier, afin, semble-t-il, de susciter chez le lecteur une certaine sympathie pour le chef normand, contraint de piller, mais pénitent (« Puiz Robert va agenoillié, et ploia les bras, et requist misericorde. Et confessa qu’il avoit fait pechié, mes la richesce de Pierre et la povreté soe lui avoit fait constraindre a ce faire : “Mes tu es pere : mes que tu me es pere, covient que aide a lo fils povre.” Cesti comanda la loi de lo roy, ceste cose que lo pere qui est riche en toutes chozes [doit] aidier a la povreté de son filz. Et Pierre promet de emplir la promission, et XX mille solde de or paia Pierre. Et ensi s’en ala, et sain et salve fu delivré de la prison »). Au contraire, Malaterra fait un portrait de Robert tout à fait parallèle à celui des Normands dressé en I, 3 : il est énergique et courageux, mais aussi extrêmement habile, fourbe et sûr de sa valeur. Quant à Pierre, il présente toutes les caractéristiques du « Grec type » chez Malaterra : faible, imprudent, extrêmement craintif et donc impuissant, voire ridicule. Voir aussi Leo Ost. III, 15, p. 377, l. 18-21. Dans l’Alexiade d’Anne Comnène (I, 11), la victime de Robert a pour nom Guillaume Mascabelle. On peut encore comparer ces récits à celui que Guillaume de Pouille consacre à la prise par Guiscard de sa première forteresse (II, 332-354).

5Les attaques de plus grande envergure que peut désormais mener Guiscard s’expliquent par la prise de Bisignano, mais aussi par son mariage avec Auberée, tante de Girard de Buonalbergo (voir infra, I, 30) : celui-ci s’est rangé à ses côtés et lui apporte le renfort de trente chevaliers (voir Aimé III, 11 ; Leo Ost. III, 15, p. 377, l. 22-25).

6Guiscard suit le tracé de l’ancienne Via Popilia. Sur les étapes de la conquête de la Calabre, voir Noyé 1998, 113 ; Hervé-Commereuc 1994, en particulier 79, carte 1, « Étapes de la conquête normande en Calabre » ; Givigliano 2003, 24. Les forteresses de Bisignano, Cosenza et Martirano (prov. Catanzaro) sont prises en 1056. Ces trois « kastra du Crati se caractérisent par une enceinte qui enclôt un espace bien distinct du plat pays, où la population, peu nombreuse, est en revanche très dispersée. Dépourvus de garnison, ils commandent chacun un territoire qui porte leur nom » (Noyé 1998, 113). Grâce à la prise de ces trois forteresses, Guiscard contrôle toute la vallée du Crati, l’accès depuis la mer Ionienne par Bisignano et depuis le sud par Cosenza et Martirano.

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a'Nous avons donné raison à ZB contre A, même si l’indicatif n’est pas impossible dans une proposition interrogative indirecte (voir II, 24, 4 : si dux de vita desperavit mirandum non est ; ou encore les exemples fournis par le sommaire, dans lequel l’indicatif et le subjonctif alternent – l’emploi de l’indicatif dans ce type de proposition subordonnée, fréquent chez Plaute et Térence, s’est maintenu dans le sermo cotidianus aux dépens du subjonctif, puisqu’il resurgit en latin tardif ; voir Mellet et al. 1994, 196). Il faudrait encore justifier l’emploi du plus-que-parfait aux dépens du parfait. La substitution n’est certes pas impossible (voir Ernout & Thomas 1953, 225), mais elle ne semble pas conforme aux habitudes de Malaterra. On peut citer, à titre d’exemple, les propositions du même type introduites par qualiter, dans lesquelles on trouvera systématiquement le subjonctif parfait pour exprimer l’antériorité, dans un contexte passé ou présent ; outre le sommaire, voir Epist. 2, 3 : qualiter […] subjugaverit ; I, 11, 2 : qualiter […] egerint (egerint AC B : -runt Z ed. pr.) ; I, 20, 1 : qualiter egerit ; I, 40, 6 : qualiterve […] subjugata sit. Le livre II ne contient qu’un seul exemple au présent (II, 44, 4 : qualiter […] habeat). Les livres III et IV ne présentent pas d’exemple d’interrogative indirecte introduite par qualiter ou quomodo.

b'Nous avons repris le texte que Zurita avait tiré de Z. La lecture est confirmée par une correction marginale de B, partiellement rognée lors de la reliure, si bien qu’on ne peut lire que -enissent, mais c’est convenissent que Be a inséré dans le corps du texte à l’endroit signalé par son modèle. La postposition de cum aux compléments du verbe de la proposition qu’il introduit n’est pas courante dans le récit de Malaterra, mais on peut la comparer à celle de dum en I, 7, 7. En outre, on est amené à faire une conjecture du même type, en tirant cum de con-, en III, 27 (Pontieri, p. 74, l. 6-10) : qui versus ecclesiam sancti Nicolai […] vitae asylum expetentes, dum alii, quantum capacitas permittebat, subintrant, alii tanta multitudine tecta superscandunt ut, pondere ipsa tecta dissoluta cum subruuntur, illos qui subintraverant opprimentes, collisi pariter suffocarentur (cum subruuntur ego : ? subruunt C consubruuntur Z consubiciuntur B consubruantur edd.).

c'La correction des éditeurs précédents, obvianti, n’est pas convaincante. Flobert 1975, 221, relève bien quelques emplois du déponent obviari, mais il s’agit sans doute ici d’une « graphie fautive » pour obviare, déjà redressée par D et comparable à celle indiquée par Desbordes 2005, 125-126, n. 36 (violari / violare), qui relève en outre plusieurs exemples de la confusion i/e dans C. Les autres occurrences du verbe dans la chronique sont conjuguées à l’actif (I, 39, 1 ; III, 36 [Pontieri, p. 79, l. 9]) ou sous la forme d’un participe (IV, 4 [Pontieri, p. 87, l. 13] ; IV, 17 [Pontieri, p. 96, l. 17] ; IV, 22 [Pontieri, p. 100, l. 34]) – sauf en III, 37 (Pontieri, p. 80, l. 6), où il semble qu’on ait affaire à un passif (dura frons durae fronti obviatur ; mais la constitution de ce morceau de phrase pose des problèmes particuliers).

d'L’expression in omnibus praesumptuosissimus et magnarum rerum audacissimus attemptator, presque à l’identique, qualifie Roger en II, 10, 2, lors de la traversée difficile du Faro : ut semper militia praesumptuosus et magnarum rerum attentator. Le sens de praesumptuosus, dans le récit de Malaterra, se déduit des emplois nombreux de praesumo, qui, complété le plus souvent par un infinitif, signifie « avoir l’audace de » ; voir aussi, par exemple, II, 4, 2 : militia sua plus necessario praesumens. Le substantif attemptator est d’attestation tardive : absent du TLL et du Lexique de Parisse 2006, il est en revanche enregistré dans le Mittellateinisches Wörterbuch bis zum ausgehenden 13. Jahrhundert, t. I, A-B, Munich, C. H. Beck, 1967, qui relève trois occurrences apparaissant dans des œuvres postérieures à Malaterra (nous n’en relèverons qu’une, qui présente l’intérêt d’être complétée par le substantif praesumptio, dans Vita Annonis archiepiscopi Coloniensis, R. Koepke (éd.), MGH SS, t. XI, Hanovre, Hahn, 1854, p. 485b, l. 8-9, datée d’avant 1183 : praesumptionis huius vanissimus attemptator). L’interrogation de la base de données des AASS ne donne aucune occurrence, celle de Brepolis, quatre : trois dans les MGH et une dans LLT-A, chez Philippe de Harveng, auteur du XIIe siècle, dans le De silentio clericorum, in De Institutione clericorum tractatus sex, PL, t. CCIII, 1855, chap. 88, col. 1125, l. 25-27 (si quis alius mihi quidem contrarius esse praesumpserit attentator dum esse uult sui iuris, aliorum inuenitur reprehensibilis usurpator). Adtemptator, formé sur le verbe adtemptare, « entreprendre », a pu aisément apparaître à côté d’attemptatio, « tentative », attesté dès la fin du IVe siècle dans la correspondance de Symmaque.

e'Adams 1976, 30, a montré que le latin tardif tendait à éliminer les formes de parfait à redoublement. Il cite en exemple le verbe spondeo. Cette forme de parfait a pu s’imposer chez Malaterra, notamment grâce aux traductions latines de la Bible : voir Blaise & Chirat 1993, s.v., qui signale les formes spondisti (Sacrae Scripturae Prouerbia Salomonis, 6, 3 Codex Floriacensis), sponderis (Ecclesiasticus, 6, 16 Codex Amiatinus), sponderat (Pseudo-Tertullien, Carmen aduersus Marcionitas, 3, 133). Les deux seules autres occurrences de spondere dans le récit de Malaterra présentent cependant un parfait à redoublement (voir II, 45, 5spoponderunt ego : -dunt (sponpondunt- C) C Z edd. spoponderent B ; III, 28 [Pontieri, p. 74, l. 31]).