chapitre 30

capitulum XXX

Guiscard répudie sa femme Auberée et épouse Sikelgaite ; Roger et Guiscard se réconcilient

Guiscardus, uxorem Alberadam repudians, Sigelgaitam ducit et Rogerius et Guiscardus reconciliantur

Après quoi, comme Robert Guiscard avait pour épouse une femme de son peuple, nommée Auberée1Auberée était la tante de Girard de Buonalbergo, comte d’Ariano (voir Cuozzo 1998, 172-173) : selon Aimé III, 11, Girard apporta à Robert le renfort de deux cents chevaliers, quand ce dernier était encore extrêmement pauvre, et lui accorda la main de sa tante avant 1050 ; Leo Ost. III, 15, p. 377, l. 22-24. Le nom d’Auberée (Alberada) est bien attesté en Normandie, à la même époque (voir, par exemple, Orderic Vital, HE, vol. III, p. 132 et p. 242). La première épouse de Guiscard est enterrée dans l’église de la Sainte-Trinité à Venosa ; le tombeau présente l’épitaphe : Guiscardi conjux Aberada hac conditur arca. / Si genitum quaeres, hunc Canusinus habet. Auberée aurait donc survécu à son fils Bohémond, mort le 7 mars 1111 (à propos de cette épitaphe, voir Dosdat 1994, 261-262). Nous n’avons pas d’autres informations claires sur Auberée (voir encore Dalena 1990, 167-168)., honorable et de naissance illustre, dont il avait un fils nommé Marc, qui était appelé d’un autre nom, Bohémond2Marc, surnommé Bohémond, est le fils d’Auberée et de Guiscard. Aux livres III et IV, Malaterra rapporte ses hauts faits en Romania aux côtés de son père, puis ses démêlés avec son cadet Roger Borsa au sujet de l’héritage du duché de Pouille. Pour une bibliographie complète du personnage, voir les deux ouvrages complémentaires de Flori 2007 et Russo 2009., mais ne voulait pas, quand fut allégué un lien de consanguinité, contrevenir aux prescriptions canoniques, il fit annuler le mariage3La répudiation d’Auberée pour cause de consanguinité est attestée par les autres chroniqueurs. Voir Aimé IV, 18 ; Leo. Ost. III, 15, p. 378, l. 3-6 ; Guil. Ap. II, 417-429. Après environ dix ans de mariage, la découverte soudaine de cette consanguinité paraît pour le moins suspecte : tandis qu’Aimé IV, 18, y voit la maturation de la conscience religieuse de Robert renforcée par les rapports plus étroits qu’il entretient avec le pape, Guillaume de Pouille (II, 416-417) laisse entendre que le motif était aussi politique. En effet, la nullité du premier mariage arrive à point nommé pour Guiscard, qui, en 1057, a consolidé son pouvoir, en usurpant les biens de son neveu, fils d’Onfroi, et en assujettissant une partie de la Calabre (voir Dalena 1990, 165 ; Taviani-Carozzi 1991, 940-945). et épousa la fille de Guaimar, prince de Salerne, nommée Sikelgaite4En épousant la princesse Sikelgaite, fille de Guaimar V et sœur de Gisolf, Robert suit l’exemple de Guillaume Bras de fer et de Dreux. Ce dernier avait épousé une autre fille de Guaimar de Salerne. Pour une étude des liens familiaux qui unissaient les Normands à la famille princière de Salerne, voir Taviani-Carozzi 1991, 933-936 ; voir aussi Drell 2002, 134-135 et 156-158. Après la mort d’Étienne IX, hostile aux Normands, le prince de Salerne, Gisolf, qui avait espéré le soutien du pape contre eux, se voit contraint de changer de politique et de se rapprocher de Robert. Ainsi, ayant une première fois refusé de lui accorder la main de sa sœur, Gisolf accepte finalement de renouveler les liens qui unissaient déjà les deux familles (Guil. Ap. II, 424-428)..

Post haec Robertus Guiscardus, uxorem habens suae gentis honestam et praeclari generis [+] [post generis add. natam Pontieri. [-]] generisgenerisgenerisgeneris natam, Alberadam nomine, ex qua habebat filium nomine Marcum, quem [+] [quem C B : quae Z. [-]] quemquemquemquae alio nomine dicebant [+] [dicebant C ZBx : duc- B. [-]] dicebantdicebantdicebant [+] [Bx : dicebant [-]] ducebant Boamundum [+] [boamundum edd. : boamnun- Z buamun- C beatmun- B. [-]] BoamundumBoamnundumBuamundumBeatmundum, consanguinitate adnumerata, canonicis [+] [canonicis C Z : canonacis B. [-]] canoniciscanoniciscanoniciscanonacis sanctionibus contrarius esse nolens [+] [nolens C Z2B : volens Z. [-]] nolensnolensnolens [+] [Z2 : nolens [-]] volens, conjugium solvit filiamque Gaimari [+] [gaimari edd. : gauma- ZB gavima- C. [-]] GaimariGaumariGavimari, Salernitani [+] [salernitani ZB : -tanensis C. [-]] SalernitaniSalernitaniSalernitaniSalernitanensisa'On ne peut qu’hésiter sur la leçon à adopter ici. Salernitanensis de C serait un hapax dans le récit de Malaterra, et les attestations de cet adjectif en -ensis ne semblent apparaître qu’à une époque plus tardive : aucune occurrence de ce terme n’est recensée par les bases de données de Brepolis et des AASS, qui contiennent en revanche de très nombreuses entrées pour Salernitanus. principis, Sigelgaitam [+] [sigelgaitam ZB : silgelgatram C sigelgaytam edd. [-]] SigelgaitamSigelgatramSigelgaytam nomine, sibi in [+] [in om. B. [-]] ininin[om.] matrimonium copulavit.

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1Auberée était la tante de Girard de Buonalbergo, comte d’Ariano (voir Cuozzo 1998, 172-173) : selon Aimé III, 11, Girard apporta à Robert le renfort de deux cents chevaliers, quand ce dernier était encore extrêmement pauvre, et lui accorda la main de sa tante avant 1050 ; Leo Ost. III, 15, p. 377, l. 22-24. Le nom d’Auberée (Alberada) est bien attesté en Normandie, à la même époque (voir, par exemple, Orderic Vital, HE, vol. III, p. 132 et p. 242). La première épouse de Guiscard est enterrée dans l’église de la Sainte-Trinité à Venosa ; le tombeau présente l’épitaphe : Guiscardi conjux Aberada hac conditur arca. / Si genitum quaeres, hunc Canusinus habet. Auberée aurait donc survécu à son fils Bohémond, mort le 7 mars 1111 (à propos de cette épitaphe, voir Dosdat 1994, 261-262). Nous n’avons pas d’autres informations claires sur Auberée (voir encore Dalena 1990, 167-168).

2Marc, surnommé Bohémond, est le fils d’Auberée et de Guiscard. Aux livres III et IV, Malaterra rapporte ses hauts faits en Romania aux côtés de son père, puis ses démêlés avec son cadet Roger Borsa au sujet de l’héritage du duché de Pouille. Pour une bibliographie complète du personnage, voir les deux ouvrages complémentaires de Flori 2007 et Russo 2009.

3La répudiation d’Auberée pour cause de consanguinité est attestée par les autres chroniqueurs. Voir Aimé IV, 18 ; Leo. Ost. III, 15, p. 378, l. 3-6 ; Guil. Ap. II, 417-429. Après environ dix ans de mariage, la découverte soudaine de cette consanguinité paraît pour le moins suspecte : tandis qu’Aimé IV, 18, y voit la maturation de la conscience religieuse de Robert renforcée par les rapports plus étroits qu’il entretient avec le pape, Guillaume de Pouille (II, 416-417) laisse entendre que le motif était aussi politique. En effet, la nullité du premier mariage arrive à point nommé pour Guiscard, qui, en 1057, a consolidé son pouvoir, en usurpant les biens de son neveu, fils d’Onfroi, et en assujettissant une partie de la Calabre (voir Dalena 1990, 165 ; Taviani-Carozzi 1991, 940-945).

4En épousant la princesse Sikelgaite, fille de Guaimar V et sœur de Gisolf, Robert suit l’exemple de Guillaume Bras de fer et de Dreux. Ce dernier avait épousé une autre fille de Guaimar de Salerne. Pour une étude des liens familiaux qui unissaient les Normands à la famille princière de Salerne, voir Taviani-Carozzi 1991, 933-936 ; voir aussi Drell 2002, 134-135 et 156-158. Après la mort d’Étienne IX, hostile aux Normands, le prince de Salerne, Gisolf, qui avait espéré le soutien du pape contre eux, se voit contraint de changer de politique et de se rapprocher de Robert. Ainsi, ayant une première fois refusé de lui accorder la main de sa sœur, Gisolf accepte finalement de renouveler les liens qui unissaient déjà les deux familles (Guil. Ap. II, 424-428).

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a'On ne peut qu’hésiter sur la leçon à adopter ici. Salernitanensis de C serait un hapax dans le récit de Malaterra, et les attestations de cet adjectif en -ensis ne semblent apparaître qu’à une époque plus tardive : aucune occurrence de ce terme n’est recensée par les bases de données de Brepolis et des AASS, qui contiennent en revanche de très nombreuses entrées pour Salernitanus.