chapitre 45

capitulum XLV

Prise de Palerme

Panormum capitur

<1> Quand donc les approvisionnements et tous les autres préparatifs de l’expédition furent achevés1Selon Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1071, ce sont cinquante-huit navires qui gagnèrent la Sicile au mois de juillet. Aimé VI, 14, en revanche, dénombre « X gat et XL autres nez », qui accompagnèrent la « galee » sur laquelle Robert s’était embarqué., le duc rejoint son frère, parti devant à sa demande, et se rend à Catane2Catane avait été perdue par les Normands à la mort d’Ibn al-Thumna (II, 22). Selon Aimé VI, 14, Roger mit quatre jours à reprendre la ville, où il laissa une garnison de quarante hommes. On peut s’étonner que Malaterra n’ait rien dit de la manière dont Roger s’en empara. Le comte avait probablement gagné Catane par mer, car la région comprise entre Taormine et le nord de l’île ne fut prise qu’en 1079 (Loud 2000, 159)., où le comte l’attendait, laissant entendre qu’il allait soumettre Malte, comme s’il doutait de leur réussite devant Palerme3Malaterra est le seul témoin de cette feinte. Loud 2000, 160, fait justement remarquer que, si l’intention du duc était réellement de tromper l’adversaire, il devait avoir pour cibles non seulement les Palermitains, mais aussi les Zīrides, qui continuaient de fournir des renforts à la flotte sicilienne (voir Guil. Ap. III, 225-226).. Mais, devant les protestations de son frère, il appareille et se présente devant Palerme avec une cavalerie ainsi que des forces navales et des troupes à pied considérables4Roger fit la route par voie de terre, passant par Troina (Aimé VI, 14). Robert se réserva donc sans doute la conduite de la flotte.. Assiégeant la ville par la mer avec sa flotte, plaçant sur un côté le comte, son frère, avec les hommes attachés à son service, lui-même entoure les murs sur la partie opposée avec les Calabrais et les Apuliens5Palerme est entièrement close de murs, quand les Normands posent le siège devant la ville : cette nouvelle fortification date des environs de 1020, d’après le témoignage du Kitāb Garā’ib al-funūn wa-mulah al-’uyūn ou Le Livre des curiosités des sciences et des merveilles pour les yeux. Ce texte d’un auteur anonyme, étudié par Johns 2004, donne des informations qui permettent d’appréhender l’évolution de la configuration de la ville pendant les cinquante ans qui ont suivi le voyage de l’Irakien Ibn Ḥawqal, en 973 : celui-ci avait fait une description de la cité, déjà considérable, dans sa géographie, L’Image du monde (Sūrat al-arḍ), commentée en détails par Maurici 1992, 55-59 ; voir aussi De Simone 1993. Parmi les cinq quartiers de la ville, il évoquait notamment les deux forteresses : le noyau ancien de Palerme-Balarm entouré d’une muraille, de forme oblongue, qui avait pris le nom de Qasr, et la seconde, la nouvelle, la Kalsa (Khalisah, l’« Élue »), qui abritait le siège du pouvoir kalbite et allait jouer un rôle stratégique dans la prise de la ville par les Normands. Avant l’étude du manuscrit arabe du Kitāb par J. Johns, les chroniques latines de la conquête, et en particulier celle de Geoffroi Malaterra, étaient les seules sources qui permettaient de dater l’édification de l’enceinte palermitaine de la première moitié du XIe siècle (voir Maurici 1992, 60-62 ; 339). Voir encore infra, II, 45, 4.. <2> Et ainsi, cinq mois durant, tandis que les ennemis s’appliquaient à défendre leur ville avec une extrême vigilance6Malaterra ne dit rien des diverses batailles que les Palermitains livrèrent aux Normands pour défendre leur ville. Guil. Ap. III, 207-250, donne au contraire de nombreux détails hauts en couleur. Le premier affrontement a lieu hors des murs, après que les Palermitains sont sortis par les portes de la ville. La défaite musulmane est suivie d’une autre bataille sur mer, où les Sarrasins pensaient remporter la victoire plus facilement que sur terre. Mais les Normands opposent une vive résistance., Robert, assisté de son frère, s’acharnant à ne jamais laisser les assiégés en repos, ne fut pas moins attentif à prendre la ville d’assaut. Les deux hommes, brûlant de la même ardeur, faisaient le tour des positions, disposaient leurs troupes, organisaient tout, menaçaient les ennemis, se montraient très généreux envers leurs hommes, leur promettaient plus encore, se plaçaient constamment en première ligne et ne laissaient rien qui n’eût été tenté. <3> C’est pourquoi, muni des machines de guerre et des échelles qu’il avait fait assembler avec un très grand art pour franchir les murs, le duc, s’étant subrepticement introduit dans les jardins7Il est difficile de situer précisément ces jardins, qui ne sont pas protégés par des remparts : des jardins étaient en effet dispersés à la fois dans la ville et dans ses environs, de même que des potagers et des vergers (Pirrone 1993). avec trois cents chevaliers, avait donné pour consigne à l’armée navale d’attaquer la ville de l’autre côté – c’est-à-dire celui où elle se trouvait –, et à son frère d’agir de même du côté où celui-ci était. Au signal donné, prompts à accomplir les ordres reçus, ils s’élancent dans un vacarme retentissant. <4> La ville tout entière, épouvantée par les cris et l’agitation des assaillants, se ruant sur les armes, se place en hâte aux postes de défense ; le côté le moins bien gardé est laissé imprudemment vacant. Les compagnons de Guiscard, ayant posé les échelles, franchissent le mur8Ce récit très bref de la prise des murs de Palerme par Malaterra contraste avec les récits composés par Aimé VI, 19 et Guil. Ap. III, 305-319, chantant la bravoure des Normands qui parvinrent non sans difficulté à entrer dans la ville et à en ouvrir les portes. ; ils prennent la ville extérieure9Le syntagme urbs exterior désigne la ville protégée par le mur édifié tout autour d’elle au début du XIe siècle (voir II, 45, 1), par opposition aux deux forteresses défendues par un mur qui leur est propre. Tandis que Malaterra précise que les Palermitains, quittant cette « ville extérieure », trouvent refuge dans la « ville intérieure », Aimé VI, 19, indique qu’il reste aux Normands à prendre « la antique Palerme », « la vieille ville (veteri… urbe) », selon Guil. Ap. III, 320. ; ils forcent les portes de leurs épées pour faire entrer leurs compagnons. Le duc et le comte s’établissent à l’intérieur des murs avec toute l’armée. Les Palermitains, ainsi trompés, voyant que les ennemis étaient arrivés dans leurs murs par-derrière, se replient dans la ville intérieure, pour y trouver refuge. La nuit interrompit le tumulte. <5> Le lendemain matin, les dirigeants de la ville, ayant conclu un accord, avancent pour parler aux deux frères : ils n’entendaient en aucune manière violer leur loi ni l’abandonner, mais, s’ils étaient assurés qu’on ne leur imposerait rien qui fût contraire à leur foi et qu’ils ne seraient pas assujettis à de nouvelles lois10Bien que le nouveau pouvoir normand ait soin d’affirmer d’emblée son autorité, exigeant le paiement du tribut et rétablissant l’archevêque, les Siciliens purent pratiquer encore longtemps leur culte et rendre la justice selon leurs lois. Citons deux sources, qui témoignent du respect envers les vaincus : la première, qui date du lendemain de la prise de Palerme, est le tari d’or, sur lequel n’apparaissait aucun signe chrétien, mais figuraient les noms et titres de Robert et Roger en arabe, l’année de l’Hégire 464, ainsi que la profession de foi islamique avec le verset IX, 33, du Coran (Travaini 2001, 105) ; la seconde est donnée par le voyageur arabe Ibn Djubayr, de passage en Sicile durant l’hiver 1184-1185, qui s’étonne de voir à Palerme un qādī qui juge les procès des musulmans et une mosquée où ils se réunissent pour prier. Il ajoute encore : « Les autres mosquées sont si nombreuses qu’on ne saurait les compter, et la plupart servent d’écoles aux précepteurs du Coran » (trad. Taviani-Carozzi 1996a, 381). Voir encore Aziz 1975, en particulier, chap. 7 et 8., puisque la fortune présente l’exigeait, ils remettraient la ville entre leurs mains11Selon Aimé VI, 19, les Sarrasins ont livré Palerme dès le lendemain de l’entrée des Normands dans la ville, et sans condition ; de même, selon Guil. Ap. III, 321-331, qui s’attarde sur la clémence de Robert envers les vaincus, comme après la prise de Bari : « […] En se rendant, ils obtinrent par leurs prières la faveur et la clémence du duc. Il leur promet sa grâce et la vie. Il veille à ne proscrire personne et, fidèle à sa promesse, prend soin de ne nuire à aucun d’entre eux, bien qu’ils fussent païens. Il traite tous ses sujets avec équité » (trad. Mathieu 1961, 181 et 183, retouchée)., les serviraient fidèlement, paieraient les tributs ; et ils promirent solennellement de confirmer cet engagement par un serment sur leur loi. <6> Le duc et le comte, très heureux de ce qu’on leur offrait, l’acceptent volontiers et, devenus les maîtres de la ville en l’an 107112Le siège a duré cinq mois, d’août à Noël 1071, indique Aimé VI, 22. Cependant, les Normands n’entrèrent probablement dans la ville qu’au début de l’année suivante, après les négociations. Aimé VI, 19, précise que Roger entra le premier dans la ville, et y mit de l’ordre avant que son frère n’y fît sa première apparition, quatre jours plus tard. Ce délai explique peut-être les différences entre les sources, car c’est la date du 10 janvier, donnée par Anon. Bar. et Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1072, qui est traditionnellement admise. de l’incarnation du Seigneur, tout d’abord, imitant fidèlement l’Écriture qui dit : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et tout vous sera donné par surcroît », ils reconsacrent avec une grande dévotion, conformément à la foi catholique, l’église de la sainte mère de Dieu, où se trouvait autrefois le siège d’un archiépiscopat, mais <qui>, dès lors qu’elle avait été profanée par les Sarrasins impies, était devenue le temple de leur superstition, et ils l’enrichissent de biens et d’ornements religieux13De même, Aimé VI, 19, et Guil. Ap. III, 332-336, rendent compte de la restauration de la cathédrale de Palerme.. Ils rappellent et rétablissent l’archevêque14Il s’agit de Nicodème ; voir R. Pirri, Sicilia sacra disquisitionibus et notitiis illustrata, p. 53-54, d’après le diplôme de Calixte II daté de 1122 (dignitatem quoque et quae a predecessoribus nostris Sanctae memoriae Alexandro II Gregorio VII et Paschali II Rom. Eccl. Pontificibus praedecessoribus tuis Panormitanis Archiepiscopis Nicodemo et Alcherio et per eos Panormitanae Ecclesiae concessa dignoscuntur confirmamus). Le témoignage de Malaterra est d’une grande importance pour l’histoire du culte grec en Sicile à l’époque musulmane. Il est possible que les Normands aient rencontré d’autres membres du clergé grec qui continuaient d’exercer leurs fonctions, mais l’encadrement épiscopal avait probablement reculé dans des proportions comparables à celles de l’Afrique (Bresc & Nef 1998, 138), et dans la partie occidentale de l’île, les chrétiens étaient peu nombreux. L’archevêque fut confirmé par le pape Alexandre II, mais il n’y eut plus ensuite en Sicile que des évêques latins, alors qu’en Calabre subsistèrent quelques évêques grecs. Après Troina en 1080, c’est en 1083 qu’est nommé un premier évêque latin à Palerme en la personne d’Alcherius (voir supra, R. Pirri, Sicilia sacra disquisitionibus et notitiis illustrata ; Fodale 1991, 57)., qui, après avoir été chassé par les impies, continuait, bien que timoré en Grec qu’il était, de pratiquer le culte de la religion chrétienne, selon ses moyens, dans la pauvre église Saint-Cyriaque. <7> Ensuite, après avoir édifié un château15Le sens de castello firmato chez Malaterra est équivoque : peut-être faut-il comprendre « ayant fortifié la place » (voir trad. Dunbar & Loud 2004, 159, n. 45), mais on peut comparer l’extrait à Guil. Ap. III, 337-339 : « [Robert] fit munir des châteaux de solides murailles, pour que son armée pût y demeurer à l’abri des Siciliens ; il les fournit de puits et des vivres nécessaires » (trad. Mathieu 1961, 183, retouchée). Le lieu de l’édification de ce château n’est pas sûr, indique Taviani-Carozzi 1996a, 367, qui estime que Robert a probablement choisi un lieu approprié pour « contrôler le Qasr aussi bien que le port ». et organisé la ville à sa convenance, le duc, conservant celle-ci ainsi que le Val Demone comme son bien propre, concéda à son frère tout le reste de la Sicile déjà conquise et à conquérir avec son aide16L’accord de C et Z sur la présence de et après retinens invite à revoir les termes du partage des terres siciliennes entre les deux frères : contrairement à ce qu’avaient établi précédemment les éditeurs de Malaterra, Robert garde pour lui non seulement Palerme, mais aussi le Val Demone. En revanche, l’accord est présenté en ces termes par Aimé VI, 21 : « Et adont lo duc donna a son frere lo conte Rogier toute la Sycille, se non que pour lui reserva la meitié de Palerme et la meitié de Messine et la moitié de [Val] Demede. Et li conferma la part de Calabre laquelle avoit avant que Sycille ». Le témoignage de ce dernier, qui atteste que le condominium conclu entre les deux frères à propos de la Calabre a été étendu à une partie de la Sicile, est confirmé par un extrait du Chronicon de Falcon de Bénévent (Chronicon Beneventanum : città e feudi nell’Italia dei Normanni, E. D’Angelo (éd.), Florence, Sismel Edizioni del Galluzzo (Per verba ; 9), 1998, p. 69, ad an. 1122), où l’on apprend que le duc Roger Borsa concède à son oncle sa moitié de Palerme, de Messine et de la Calabre. En outre, la leçon panhormitanae donnée par C et Ca en IV, 17 (mentionnée mais rejetée par Pontieri, p. 96, l. 38 et n. 1) amène à ne pas écarter trop vite la pensée que c’est peut-être la moitié de Palerme et non de Cosenza que Roger Borsa concède à son oncle en 1091, en remerciement des services rendus (medietatem Cusentiae urbis assignat [cusentiae Z2B Pontieri : panhormitanae C Ca pausemitanae Z ed. pr.]) ; à propos du condominium, voir I, 29 et II, 28. – il en faisait la promesse et il s’y tint –, pour qu’il les tienne de lui17Par le tour de se habendam, Malaterra exprime sans équivoque que Roger est uni à Robert dans une relation hiérarchique, et que la suite de la conquête est placée sous l’autorité de ce dernier, ce que confirme Aimé VI, 23 : « Puis que lo conte Rogier fus mis en possession de toute la Sycille par la main de son frere, s’esforsa par lo commandement de lo duc de prendre autre cités ». Les monnaies frappées à Palerme au lendemain de la conquête témoignent aussi, par l’emploi des termes al-dūqah pour dux et al-qūmis pour comes, de la nature de la relation entre les deux frères (voir Travaini 2001, 105 : « Roberto era il commandante in capo delle forze allora unite, e suo fratello il conte Ruggero era suo signore feudale »). Sur ce point, voir aussi Fodale 2001..

<1> Dux igitur [+] [igitur ZB : sibi C. [-]] igiturigiturigitursibi, commeatibus [+] [commeatibus C ZBx : commentibus B. [-]] commeatibuscommeatibuscommeatibus [+] [Bx : commeatibus [-]] commentibus et ceteris quae expeditioni congruebant apparatis, fratrem, quem praemiserat [+] [praemiserat C Z : prom- B. [-]] praemiseratpraemiseratpraemiseratpromiserat, subsecutus, apud CathaniamCathaniamCathaniamCathaniamCatanam, ubi comes erat [+] [comes erat ZB : comiserat C. [-]] comes eratcomes eratcomes eratcomiserat, venit, fingens se Maltam debellatum ire, quasi de PanormoPanormoPanormoPanormoPanhormo diffidens [+] [diffidens C Z : non curans B Pontieri. [-]] diffidensdiffidensnon curans. Sed a fratre dehortatus [+] [dehortatus C : cohar- ZB cohor- ed. pr. [-]] dehortatuscohartatuscohortatus, magno equitatu cum navalibus [+] [navalibus Pontieri : navil- ZB ed. pr. manual- C. [-]] navilibusmanualibus peditumque copiis abinde progrediens, PanormumPanormumPanormumPanormumPanhormum venit. Ab oceano urbem navibus [+] [navibus ZB : manibus C. [-]] navibusnavibusnavibusmanibus obsidens fratremque [+] [fratremque C B : fretumque Z. [-]] fratremquefratremquefratremquefretumque comitem cum [+] [cum — inserviebant om. ed. pr. [-]] cumcumcum...  his [+] [his C : hiis ZB iis Pontieri. [-]] hiisiis qui ejus famulatui [+] [famulatui C ZB : -tu Me. [-]] famulatuifamulatuifamulatuifamulatu inserviebantinserviebantinserviebantinserviebant ab [+] [ab ZB : ad C. [-]] abababad uno latere statuens, ipse ab altero cornu [+] [cornu C B : cernu Z. [-]] cornucornucornucernu Calabrensibus [+] [ante calabrensibus add. cum B Pontieri. [-]] CalabrensibusCalabrensibuscum Calabrensibusa'Sur l’inutilité de cum, ajouté par B, devant ces « instruments passifs », voir Desbordes 2005, 127, n. 38. et Apulis muros [+] [muros C ZBx : moros B. [-]] murosmurosmuros [+] [Bx : muros [-]] moros ambit. <2> Sicque quinque mensium curriculo [+] [curriculo C : circulo ZB edd. [-]] circulo hostes [+] [hostes C Z : hostis B. [-]] hosteshosteshosteshostis urbis defensioni [+] [defensioni C B : -onis Z edd. [-]] defensionidefensionis attentissime [+] [ante attentissime add. fuerant B Pontieri. [-]] attentissimeattentissimefuerant attentissime pervigiles [+] [pervigiles C Z : vig- B. [-]] pervigilespervigilespervigilesvigiles, ipse nihilominus impugnationi [+] [impugnationi C : -one Z ab impugnatione B. [-]] impugnationiimpugnationiimpugnationeab impugnatione cum fratre intentus [+] [intentus C Z : intratus B. [-]] intentusintentusintentusintratus, inquietare [+] [post inquietare add. ipsam B Pontieri. [-]] inquietareinquietareinquietare ipsam perstuduit. Utrique [+] [utrique B : utique Z uterque C. [-]] UtriqueUtriqueUtiqueUterqueb'C’est la seule occurrence où C donne uterque plutôt qu’utrique. Les neuf occurrences de ce pronom au nominatif se trouvent dans les livres I (trois occurrences) et II (six occurrences), dont deux, en plus de celle-ci, présentent des variantes (II, 14, 2 utrique AC Z : uterque B utique ed. pr. ; II, 46, 1 utrique C : uterque ZB edd.). Notre choix s’est donc porté sur utrique, considérant d’une part que le participe inflammati lui est apposé, d’autre part que cette unique occurrence d’uterque dans la branche AC résultait d’une mélecture du signe suscrit. Ce choix est sujet à caution cependant, d’abord parce que Malaterra pratique la prolepse de nombre (voir Desbordes 2005, 127) ; ensuite parce que le relevé des formes du pronom aux autres cas que le nominatif montre que le chroniqueur l’employait parfois au singulier, certes le plus souvent avec pars, exercitus, ripa, litus, mais aussi pour désigner deux hommes (I, 17, 3 ; III, 42 [Pontieri, p. 82, l. 23] : fratribus Rogerio et Boamundo, utroque ducatum appetente, inter se dissidentibus). Voici la liste des autres occurrences : utrumque (IV, 11 [Pontieri, p. 92, l. 3] ; IV, 26 [Pontieri, p. 105, l. 33]) ; utriusque (III, 22 [Pontieri, p. 70, l. 21] ; III, 26 [Pontieri, p. 73, l. 23]) ; utroque (III, 11 [Pontieri, p. 63, l. 15] ; III, 20 [Pontieri, p. 69, l. 18] ; IV, 10 [Pontieri, p. 91, l. 15] ; IV, 26 [Pontieri, p. 105, l. 31]) ; utraque (I, 1, 3 ; II, 23, 2 ; II, 37, 2 ; II, 39, 2 et II, 40, 2), à côté des pluriels utrasque (III, 20 [Pontieri, p. 69, l. 31]) ; utrorumque (II, 46, 1 ; IV, 10 [Pontieri, p. 91, l. 30]) ; utrisque (I, 3, 5 ; II, 26, 6 ; II, 45, 5 ; III, 22 [Pontieri, p. 70, l. 14] ; III, 28 [Pontieri, p. 74, l. 32] ; IV, 10 [Pontieri, p. 91, l. 24] ; IV, 22 [Pontieri, p. 99, l. 39] ; IV, 23 [Pontieri, p. 101, l. 31] ; IV, 27 [Pontieri, p. 106, l. 10])., pari ardore inflammati [+] [inflammati C Z : -manti B. [-]] inflammatiinflammatiinflammatiinflammanti, omnia [+] [ante omnia add. non cessant B Pontieri. [-]] omniaomnianon cessant omnia circumvenire [+] [circumvenire C : circumire Z edd. circuire B. [-]] circumirecircuire, suos instruere, omnia ordinare, hostibus interminare [+] [interminare C ZB : -nari edd. [-]] interminareinterminareinterminari, suis plura [+] [plura C Z : plurima B Pontieri. [-]] plurapluraplurima largiri, ampliora promittere [+] [promittere ZB : -tire C. [-]] promitterepromitterepromitterepromittire, primus [+] [primus C Z : primis B. [-]] primusprimusprimusprimis et frequentior adesse, nihil intentatum [+] [intentatum C Z : incertatum B. [-]] intentatumintentatumintentatumincertatum relinquere. <3> Machinamentis itaque et scalis ad muros transcendendos artificiosissime compaginatis, dux hortos cum trecentis militibus latenter ingressus, ex altera parte, qua videlicet navalis exercitus [+] [exercitus C ZBx : -tum B. [-]] exercitusexercitusexercitus [+] [Bx : exercitus [-]] exercitum adjacebat, urbem infestare fratremque [EP/p.48-49] a parte qua erat haud [+] [haud Z2 : aud C aut ZB. [-]] haud [+] [Z2 : haud [-]] audaut secus agere perdocuerat. Illi, signo dato, quod [+] [quod Desbordes : quo C ZB Pontieri quae ed. pr. [-]] quoquae edocti [+] [edocti C Z : perdocti B. [-]] edoctiedoctiedoctiperdocti erant haud [+] [haud C Z2 : aut B hanc Z ut vid. [-]] haudhaud [+] [Z2 : haud [-]] authanc*hanc ut vid. perficere [+] [perficere C Z2B : -fecere Z profecti dubitanter Z2. [-]] perficereperficereperficereperfecere [+] [Z2 : profecti aut perficere dubitanter [-]]  segnes [+] [segnes C Z : signo B. [-]] segnessegnessegnessigno, magno sonitu irruunt. <4> Urbs [+] [urbs ZB : urbis C. [-]] UrbsUrbsUrbsUrbis tota [+] [tota C Z : totam B. [-]] totatotatotatotam, in arma [+] [arma C ZB : armis Me. [-]] armaarmaarmaarmaarmis ruens, quam [+] [quam Me : quae C ZB edd. [-]] quaec'Nous avons considéré quam, donné par Me, comme l’authentique leçon de A, car il confirme la validité de C pour la suite de la proposition. La confusion quam vs quae dans C se rencontre ailleurs au livre II : 35, 5 quae acciderant Z : quam acciderat C et quod acciderat B ; ou inversement 36, 3 quaevis C B : quamvis Z. strepitus [+] [strepitus C Me : -tu ZB edd. [-]] strepitusstrepitu tumultuantium [+] [tumultuantium C B : -antiam Z. [-]] tumultuantiumtumultuantiumtumultuantiumtumultuantiam deterrebat [+] [deterrebat C Me : -batur Bx -bantur B decorrebat Z accurrebat Z2 ed. pr. [-]] deterrebatdeterrebat [+] [Bx : deterrebatur [-]] deterrebanturdecorrebataccurrebat [+] [Z2 : accurrebat [-]] , defensioni [+] [defensioni C Z : de frasione B defensionis Me. [-]] defensionidefensionidefensionide frasionedefensionis accelerando [+] [accelerando C ZB Me : -ranter ed. pr. [-]] accelerandoaccelerandoaccelerandoaccelerandoacceleranter grassatur [+] [grassatur C Z Me : -tus B. [-]] grassaturgrassaturgrassaturgrassaturgrassatus ; a parte qua minus cavebant, incaute [+] [incaute om. ed. pr. [-]] incauteincauteincaute[om.] vacuatur [+] [vacuatur C Me : -tus B vacil(l)atur Z ed. pr. [-]] vacuaturvacuaturvacuatusvacillatur. A Guiscardensibus, scalis appositis, murus transcenditur ; urbs exterior capitur ; portae ferro [+] [ferro C Z : ferre Bx ferret B. [-]] ferroferroferro [+] [Bx : ferre [-]] ferret sociis ad ingrediendum [+] [ingrediendum C Z : eg- B. [-]] ingrediendumingrediendumingrediendumegrediendum aperiuntur. Dux et [C/f.24v-25r] comes cum omni exercitu infra muros [+] [muros C ZBx : muro B. [-]] murosmurosmuros [+] [Bx : muros [-]] muro hospitantur. PanormitaniPanormitaniPanormitaniPanormitaniPanhormitani delusi, hostes a tergo [+] [a tergo om. B. [-]] a tergoa tergoa tergo[om.] infra muros [+] [post muros add. esse B Pontieri. [-]] murosmurosmuros esse cognoscentes, in [+] [in om. Z ed. pr. [-]] inin[om.] interiori urbe refugium petendo [+] [petendo ZB : patendo C. [-]] petendopetendopetendopatendo sese recipiunt. Nox tumultum diremit [+] [diremit C Z : dirimit B. [-]] diremitdiremitdiremitdirimit. <5> Proximo mane priores [+] [priores C ZB : primores Z2 edd. [-]] prioresprioresprimores [+] [Z2 : primores [-]] , foedere interposito, utrisque fratribus locutum accedunt, legem suam nullatenus [+] [nullatenus se C Zx : se nullatenus B se nullatenus se Z. [-]] senullatenus senullatenus se [+] [Zx : nullatenus se [-]] se nullatenusse nullatenus se violare [+] [violare Desbordes : -ri C ZB edd. [-]] violari vel relinquere velle dicentes, sed [+] [sed C B : scilicet Z edd. [-]] sedscilicet, si certi sunt [+] [sunt C Z : sint B edd. [-]] suntsint quod non cogantur ullis [+] [ullis C def. Desbordes : vel ZB edd. [-]] ullisvel injustis et novis [Z/f.33v-34r] legibus non atterantur [+] [atterantur C Z : arceantur B post atterantur interp. Pontieri. [-]] atteranturatteranturarceanturatterantur., quandoquidem, quandoquidem, quandoquidem, quandoquidemQuandoquidem fortuna praesenti [+] [praesenti post hortabantur transt. B. [-]] sic hortabantur [+] [hortabantur ZB : -batur C. [-]] praesenti sic hortabanturpraesenti sic hortabanturpraesenti sic hortabatursic hortabantur praesentid'Sur l’emploi passif de hortari, voir I, 6, 5, note philologique attachée à hortabatur., urbis deditionem [+] [deditionem C Z : -ne B. [-]] deditionemdeditionemdeditionemdeditione facere, se in famulando [+] [famulando C Z : familiando B. [-]] famulandofamulandofamulandofamiliando fideles persistere [+] [persistere C Z : existere B. [-]] persisterepersisterepersistereexistere, tributa solvere [+] [solvere C Z : perso- B. [-]] solveresolveresolverepersolvere et hoc juramento legis suae firmare spoponderunt [+] [spoponderunt ego : -dunt (sponpondunt C) C Z edd. -derent B. [-]] spoponduntsponponduntspoponderent. <6> Dux comesque gaudentes quod offerebatur libenter suscipiunt, urbemque [+] [urbemque C : urbem B2 om. ZB edd. [-]] [+] [B2 : urbem [-]] [om.] anno dominicae [+] [dominicae C Z : -ni B. [-]] dominicaedominicaedominicaedomini incarnationis [+] [incarnationis om. B. [-]] incarnationisincarnationisincarnationis[om.] MLXXI [+] [post MLXXI interp. edd. [-]] adepti [+] [post adepti interp. Me. [-]] MLXXI adeptiMLXXI adeptiMLXXI. Adepti, primo omnium [+] [primo omnium C Z : prius illius B Pontieri. [-]] primo omniumprimo omniumprius illius, Scripturae fideles imitatores dicentis [+] [dicentis C Z : indicentis Bx indicentes B. [-]] dicentisdicentisdicentis [+] [Bx : indicentis [-]] indicentes : « Primum [+] [primum C Z : primo B. [-]] PrimumPrimumPrimumPrimo quaerite regnum Dei, et omnia adjicientur vobis [+] [omnia — vobis om. B. [-]] omnia adjicientur vobisomnia adjicientur vobisomnia adjicientur vobis[om.] »αMat. 6, 33 : Quaerite autem primum regnum Dei et iustitiam eius, et omnia haec adicientur vobis ; ou Luc. 12, 31 : Verumtamen quaerite regnum Dei et haec omnia adicientur vobis., ecclesiam sanctae [+] [sanctae C B : -tissimae Z edd. [-]] sanctaesanctissimae Dei Genitricis [+] [genitricis C : g. mariae Z edd. genetricis mariae B. [-]] Genitricis MariaeGenetricis Mariae, ubi [+] [ubi C : ut B et Z quae edd. [-]] utetquae antiquitus archiepiscopatus fuerat, sed <quae> [+] [quae addidi. [-]] e'L’édition princeps a substitué quae au et de Z, là où C donne ubi et B ut. Mais rien n’autorisait Pontieri à écarter la leçon de C. L’omission inconditionnée d’un « petit mot » comme quae, abrégé par un q surmonté d’un tilde, s’explique plus aisément que la faute qui consiste à écrire ubi à la place de quae., tunc ab impiis Sarracenis [+] [sarracenis ZB : -cinis C. [-]] SarracenisSarracenisSarracenisSarracinis violata, templum superstitionis eorum facta erat, cum magna devotione [+] [devotione ZB : div- C. [-]] devotionedevotionedevotionedivotione catholice reconciliatam [+] [reconciliatam ZB : -ta C. [-]] reconciliatamreconciliatamreconciliatamreconciliata, dote [+] [dote om. C. [-]] dotedotedote[om.] et ornamentis ecclesiasticis augent [+] [augent om. B. [-]] augentaugentaugent[om.]. Archiepiscopum, qui ab impiis dejectus [+] [dejectus Z : -tu B derectus C. [-]] dejectusdejectusdejectuderectus in paupere ecclesia Sancti [+] [sancti ZB : sibi C. [-]] SanctiSanctiSanctisibi Cyriaci [+] [cyriaci edd. : cir- C Z quir- B. [-]] CyriaciCiriaciQuiriaci – quamvis timidus natione [+] [ante natione add. et B Pontieri. [-]] nationenationeet natione Graecus – cultum christianae religionis [+] [religionis C Z : -ne B. [-]] religionisreligionisreligionisreligione pro posse exequebatur, revocantes restituunt. <7> Deinde vero, castello firmato [+] [castello firmato C ZB : del. B2. [-]] castello firmatocastello firmatocastello firmatocastello firmato [+] [B2 : del. [-]] et urbe pro velle suo ordinata [+] [ordinata C : om. ZB ed. pr. disposita Pontieri praeeunte D. [-]] [om.]disposita*disposita Pontieri praeeunte D, dux, eam [+] [eam C Z : tam B. [-]] eameameamtam in suam proprietatem [+] [suam proprietatem C Z : sua -tate B. [-]] suam proprietatemsuam proprietatemsuam proprietatemsua proprietate retinens et [+] [et om. B edd. [-]] et[om.] vallem Demiae [+] [demiae C Z : deminae B edd. [-]] DemiaeDeminaeceteram [+] [ceteram C : ceteramque ZB edd. [-]] ceteramque omnem [+] [omnem Z : omnes C om. B. [-]] omnemomnemomnes[om.] Siciliam adquisitam et [+] [et om. B. [-]] etetet[om.] in [+] [in om. ZB edd. [-]] [om.]f'La préposition in a ici une valeur instrumentale (voir autres exemples en II, 37, 4, note philologique attachée à in sua virtute). Ailleurs, cependant, adjutorio est employé sans préposition. suo adjutorio, ut promittebat nec falso, adquirendam fratri de se habendam concessit.

II, 22, 4 (post erant) – II, 46 desunt in A

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1Selon Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1071, ce sont cinquante-huit navires qui gagnèrent la Sicile au mois de juillet. Aimé VI, 14, en revanche, dénombre « X gat et XL autres nez », qui accompagnèrent la « galee » sur laquelle Robert s’était embarqué.

2Catane avait été perdue par les Normands à la mort d’Ibn al-Thumna (II, 22). Selon Aimé VI, 14, Roger mit quatre jours à reprendre la ville, où il laissa une garnison de quarante hommes. On peut s’étonner que Malaterra n’ait rien dit de la manière dont Roger s’en empara. Le comte avait probablement gagné Catane par mer, car la région comprise entre Taormine et le nord de l’île ne fut prise qu’en 1079 (Loud 2000, 159).

3Malaterra est le seul témoin de cette feinte. Loud 2000, 160, fait justement remarquer que, si l’intention du duc était réellement de tromper l’adversaire, il devait avoir pour cibles non seulement les Palermitains, mais aussi les Zīrides, qui continuaient de fournir des renforts à la flotte sicilienne (voir Guil. Ap. III, 225-226).

4Roger fit la route par voie de terre, passant par Troina (Aimé VI, 14). Robert se réserva donc sans doute la conduite de la flotte.

5Palerme est entièrement close de murs, quand les Normands posent le siège devant la ville : cette nouvelle fortification date des environs de 1020, d’après le témoignage du Kitāb Garā’ib al-funūn wa-mulah al-’uyūn ou Le Livre des curiosités des sciences et des merveilles pour les yeux. Ce texte d’un auteur anonyme, étudié par Johns 2004, donne des informations qui permettent d’appréhender l’évolution de la configuration de la ville pendant les cinquante ans qui ont suivi le voyage de l’Irakien Ibn Ḥawqal, en 973 : celui-ci avait fait une description de la cité, déjà considérable, dans sa géographie, L’Image du monde (Sūrat al-arḍ), commentée en détails par Maurici 1992, 55-59 ; voir aussi De Simone 1993. Parmi les cinq quartiers de la ville, il évoquait notamment les deux forteresses : le noyau ancien de Palerme-Balarm entouré d’une muraille, de forme oblongue, qui avait pris le nom de Qasr, et la seconde, la nouvelle, la Kalsa (Khalisah, l’« Élue »), qui abritait le siège du pouvoir kalbite et allait jouer un rôle stratégique dans la prise de la ville par les Normands. Avant l’étude du manuscrit arabe du Kitāb par J. Johns, les chroniques latines de la conquête, et en particulier celle de Geoffroi Malaterra, étaient les seules sources qui permettaient de dater l’édification de l’enceinte palermitaine de la première moitié du XIe siècle (voir Maurici 1992, 60-62 ; 339). Voir encore infra, II, 45, 4.

6Malaterra ne dit rien des diverses batailles que les Palermitains livrèrent aux Normands pour défendre leur ville. Guil. Ap. III, 207-250, donne au contraire de nombreux détails hauts en couleur. Le premier affrontement a lieu hors des murs, après que les Palermitains sont sortis par les portes de la ville. La défaite musulmane est suivie d’une autre bataille sur mer, où les Sarrasins pensaient remporter la victoire plus facilement que sur terre. Mais les Normands opposent une vive résistance.

7Il est difficile de situer précisément ces jardins, qui ne sont pas protégés par des remparts : des jardins étaient en effet dispersés à la fois dans la ville et dans ses environs, de même que des potagers et des vergers (Pirrone 1993).

8Ce récit très bref de la prise des murs de Palerme par Malaterra contraste avec les récits composés par Aimé VI, 19 et Guil. Ap. III, 305-319, chantant la bravoure des Normands qui parvinrent non sans difficulté à entrer dans la ville et à en ouvrir les portes.

9Le syntagme urbs exterior désigne la ville protégée par le mur édifié tout autour d’elle au début du XIe siècle (voir II, 45, 1), par opposition aux deux forteresses défendues par un mur qui leur est propre. Tandis que Malaterra précise que les Palermitains, quittant cette « ville extérieure », trouvent refuge dans la « ville intérieure », Aimé VI, 19, indique qu’il reste aux Normands à prendre « la antique Palerme », « la vieille ville (veteri… urbe) », selon Guil. Ap. III, 320.

10Bien que le nouveau pouvoir normand ait soin d’affirmer d’emblée son autorité, exigeant le paiement du tribut et rétablissant l’archevêque, les Siciliens purent pratiquer encore longtemps leur culte et rendre la justice selon leurs lois. Citons deux sources, qui témoignent du respect envers les vaincus : la première, qui date du lendemain de la prise de Palerme, est le tari d’or, sur lequel n’apparaissait aucun signe chrétien, mais figuraient les noms et titres de Robert et Roger en arabe, l’année de l’Hégire 464, ainsi que la profession de foi islamique avec le verset IX, 33, du Coran (Travaini 2001, 105) ; la seconde est donnée par le voyageur arabe Ibn Djubayr, de passage en Sicile durant l’hiver 1184-1185, qui s’étonne de voir à Palerme un qādī qui juge les procès des musulmans et une mosquée où ils se réunissent pour prier. Il ajoute encore : « Les autres mosquées sont si nombreuses qu’on ne saurait les compter, et la plupart servent d’écoles aux précepteurs du Coran » (trad. Taviani-Carozzi 1996a, 381). Voir encore Aziz 1975, en particulier, chap. 7 et 8.

11Selon Aimé VI, 19, les Sarrasins ont livré Palerme dès le lendemain de l’entrée des Normands dans la ville, et sans condition ; de même, selon Guil. Ap. III, 321-331, qui s’attarde sur la clémence de Robert envers les vaincus, comme après la prise de Bari : « […] En se rendant, ils obtinrent par leurs prières la faveur et la clémence du duc. Il leur promet sa grâce et la vie. Il veille à ne proscrire personne et, fidèle à sa promesse, prend soin de ne nuire à aucun d’entre eux, bien qu’ils fussent païens. Il traite tous ses sujets avec équité » (trad. Mathieu 1961, 181 et 183, retouchée).

12Le siège a duré cinq mois, d’août à Noël 1071, indique Aimé VI, 22. Cependant, les Normands n’entrèrent probablement dans la ville qu’au début de l’année suivante, après les négociations. Aimé VI, 19, précise que Roger entra le premier dans la ville, et y mit de l’ordre avant que son frère n’y fît sa première apparition, quatre jours plus tard. Ce délai explique peut-être les différences entre les sources, car c’est la date du 10 janvier, donnée par Anon. Bar. et Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1072, qui est traditionnellement admise.

13De même, Aimé VI, 19, et Guil. Ap. III, 332-336, rendent compte de la restauration de la cathédrale de Palerme.

14Il s’agit de Nicodème ; voir R. Pirri, Sicilia sacra disquisitionibus et notitiis illustrata, p. 53-54, d’après le diplôme de Calixte II daté de 1122 (dignitatem quoque et quae a predecessoribus nostris Sanctae memoriae Alexandro II Gregorio VII et Paschali II Rom. Eccl. Pontificibus praedecessoribus tuis Panormitanis Archiepiscopis Nicodemo et Alcherio et per eos Panormitanae Ecclesiae concessa dignoscuntur confirmamus). Le témoignage de Malaterra est d’une grande importance pour l’histoire du culte grec en Sicile à l’époque musulmane. Il est possible que les Normands aient rencontré d’autres membres du clergé grec qui continuaient d’exercer leurs fonctions, mais l’encadrement épiscopal avait probablement reculé dans des proportions comparables à celles de l’Afrique (Bresc & Nef 1998, 138), et dans la partie occidentale de l’île, les chrétiens étaient peu nombreux. L’archevêque fut confirmé par le pape Alexandre II, mais il n’y eut plus ensuite en Sicile que des évêques latins, alors qu’en Calabre subsistèrent quelques évêques grecs. Après Troina en 1080, c’est en 1083 qu’est nommé un premier évêque latin à Palerme en la personne d’Alcherius (voir supra, R. Pirri, Sicilia sacra disquisitionibus et notitiis illustrata ; Fodale 1991, 57).

15Le sens de castello firmato chez Malaterra est équivoque : peut-être faut-il comprendre « ayant fortifié la place » (voir trad. Dunbar & Loud 2004, 159, n. 45), mais on peut comparer l’extrait à Guil. Ap. III, 337-339 : « [Robert] fit munir des châteaux de solides murailles, pour que son armée pût y demeurer à l’abri des Siciliens ; il les fournit de puits et des vivres nécessaires » (trad. Mathieu 1961, 183, retouchée). Le lieu de l’édification de ce château n’est pas sûr, indique Taviani-Carozzi 1996a, 367, qui estime que Robert a probablement choisi un lieu approprié pour « contrôler le Qasr aussi bien que le port ».

16L’accord de C et Z sur la présence de et après retinens invite à revoir les termes du partage des terres siciliennes entre les deux frères : contrairement à ce qu’avaient établi précédemment les éditeurs de Malaterra, Robert garde pour lui non seulement Palerme, mais aussi le Val Demone. En revanche, l’accord est présenté en ces termes par Aimé VI, 21 : « Et adont lo duc donna a son frere lo conte Rogier toute la Sycille, se non que pour lui reserva la meitié de Palerme et la meitié de Messine et la moitié de [Val] Demede. Et li conferma la part de Calabre laquelle avoit avant que Sycille ». Le témoignage de ce dernier, qui atteste que le condominium conclu entre les deux frères à propos de la Calabre a été étendu à une partie de la Sicile, est confirmé par un extrait du Chronicon de Falcon de Bénévent (Chronicon Beneventanum : città e feudi nell’Italia dei Normanni, E. D’Angelo (éd.), Florence, Sismel Edizioni del Galluzzo (Per verba ; 9), 1998, p. 69, ad an. 1122), où l’on apprend que le duc Roger Borsa concède à son oncle sa moitié de Palerme, de Messine et de la Calabre. En outre, la leçon panhormitanae donnée par C et Ca en IV, 17 (mentionnée mais rejetée par Pontieri, p. 96, l. 38 et n. 1) amène à ne pas écarter trop vite la pensée que c’est peut-être la moitié de Palerme et non de Cosenza que Roger Borsa concède à son oncle en 1091, en remerciement des services rendus (medietatem Cusentiae urbis assignat [cusentiae Z2B Pontieri : panhormitanae C Ca pausemitanae Z ed. pr.]) ; à propos du condominium, voir I, 29 et II, 28.

17Par le tour de se habendam, Malaterra exprime sans équivoque que Roger est uni à Robert dans une relation hiérarchique, et que la suite de la conquête est placée sous l’autorité de ce dernier, ce que confirme Aimé VI, 23 : « Puis que lo conte Rogier fus mis en possession de toute la Sycille par la main de son frere, s’esforsa par lo commandement de lo duc de prendre autre cités ». Les monnaies frappées à Palerme au lendemain de la conquête témoignent aussi, par l’emploi des termes al-dūqah pour dux et al-qūmis pour comes, de la nature de la relation entre les deux frères (voir Travaini 2001, 105 : « Roberto era il commandante in capo delle forze allora unite, e suo fratello il conte Ruggero era suo signore feudale »). Sur ce point, voir aussi Fodale 2001.

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a'Sur l’inutilité de cum, ajouté par B, devant ces « instruments passifs », voir Desbordes 2005, 127, n. 38.

b'C’est la seule occurrence où C donne uterque plutôt qu’utrique. Les neuf occurrences de ce pronom au nominatif se trouvent dans les livres I (trois occurrences) et II (six occurrences), dont deux, en plus de celle-ci, présentent des variantes (II, 14, 2 utrique AC Z : uterque B utique ed. pr. ; II, 46, 1 utrique C : uterque ZB edd.). Notre choix s’est donc porté sur utrique, considérant d’une part que le participe inflammati lui est apposé, d’autre part que cette unique occurrence d’uterque dans la branche AC résultait d’une mélecture du signe suscrit. Ce choix est sujet à caution cependant, d’abord parce que Malaterra pratique la prolepse de nombre (voir Desbordes 2005, 127) ; ensuite parce que le relevé des formes du pronom aux autres cas que le nominatif montre que le chroniqueur l’employait parfois au singulier, certes le plus souvent avec pars, exercitus, ripa, litus, mais aussi pour désigner deux hommes (I, 17, 3 ; III, 42 [Pontieri, p. 82, l. 23] : fratribus Rogerio et Boamundo, utroque ducatum appetente, inter se dissidentibus). Voici la liste des autres occurrences : utrumque (IV, 11 [Pontieri, p. 92, l. 3] ; IV, 26 [Pontieri, p. 105, l. 33]) ; utriusque (III, 22 [Pontieri, p. 70, l. 21] ; III, 26 [Pontieri, p. 73, l. 23]) ; utroque (III, 11 [Pontieri, p. 63, l. 15] ; III, 20 [Pontieri, p. 69, l. 18] ; IV, 10 [Pontieri, p. 91, l. 15] ; IV, 26 [Pontieri, p. 105, l. 31]) ; utraque (I, 1, 3 ; II, 23, 2 ; II, 37, 2 ; II, 39, 2 et II, 40, 2), à côté des pluriels utrasque (III, 20 [Pontieri, p. 69, l. 31]) ; utrorumque (II, 46, 1 ; IV, 10 [Pontieri, p. 91, l. 30]) ; utrisque (I, 3, 5 ; II, 26, 6 ; II, 45, 5 ; III, 22 [Pontieri, p. 70, l. 14] ; III, 28 [Pontieri, p. 74, l. 32] ; IV, 10 [Pontieri, p. 91, l. 24] ; IV, 22 [Pontieri, p. 99, l. 39] ; IV, 23 [Pontieri, p. 101, l. 31] ; IV, 27 [Pontieri, p. 106, l. 10]).

c'Nous avons considéré quam, donné par Me, comme l’authentique leçon de A, car il confirme la validité de C pour la suite de la proposition. La confusion quam vs quae dans C se rencontre ailleurs au livre II : 35, 5 quae acciderant Z : quam acciderat C et quod acciderat B ; ou inversement 36, 3 quaevis C B : quamvis Z.

d'Sur l’emploi passif de hortari, voir I, 6, 5, note philologique attachée à hortabatur.

e'L’édition princeps a substitué quae au et de Z, là où C donne ubi et B ut. Mais rien n’autorisait Pontieri à écarter la leçon de C. L’omission inconditionnée d’un « petit mot » comme quae, abrégé par un q surmonté d’un tilde, s’explique plus aisément que la faute qui consiste à écrire ubi à la place de quae.

f'La préposition in a ici une valeur instrumentale (voir autres exemples en II, 37, 4, note philologique attachée à in sua virtute). Ailleurs, cependant, adjutorio est employé sans préposition.

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αMat. 6, 33 : Quaerite autem primum regnum Dei et iustitiam eius, et omnia haec adicientur vobis ; ou Luc. 12, 31 : Verumtamen quaerite regnum Dei et haec omnia adicientur vobis.