Nicolas DESROCHES

Auteur du premier dictionnaire complet des termes de marine comportant environ 2 500 entrées et publié à Paris en 1687, Nicolas Desroches est un marin d’État. Malheureusement, nous savons très peu de choses de sa vie si ce n’est qu’il était « Officier des Vaisseaux du Roy ». Nommé lieutenant de vaisseau en 1671, il fut capitaine en 1693. Néanmoins, le fait qu’il serve la Marine royale donne une coloration particulière au choix de la nomenclature de son Dictionnaire des termes propres de marine. Son objectif éditorial est également influencé par sa position socio-professionnelle. Desroches ne s’adresse pas forcément au grand public, même s’il reconnaît que son ouvrage peut être « tres - nécessaire à ceux qui veulent apprendre le mêtier de la Mer ». Il souhaite offrir au jeune comte de Toulouse, amiral de France, auquel il dédicace son ouvrage, les « principes de ce qu’un homme de mer est indispensablement obligé de savoir », car il entend travailler « à l’instruction d’un jeune Prince, qui doit faire un jour l’ornement, & la gloire de la Marine ». Pour ce faire, Desroche n’a pas cherché à recueillir les mots en usage dans les différents ports et régions de France « dans le commun des matelots », comme il l’indique au lecteur, mais à rassembler les termes « dont on se sert dans les armées & sur les vaisseaux du Roy ».

Parce qu’il est le premier dictionnaire entièrement dévolu aux termes de marine, parce qu’il se distingue nettement de ses prédécesseurs par le volume de sa nomenclature (répertoire de Cleirac, glossaire de Fournier) et par la rigueur de son classement alphabétique et de ses définitions, l’ouvrage de Desroches inaugure véritablement un genre nouveau au sein de la lexicographie française : le dictionnaire de marine, qui ne cessera d’évoluer jusqu’au XXe siècle. Parce que sa nomenclature est restreinte à une catégorie socio-professionnelle précise – les officiers de la Marine royale –, parce qu’il s’adresse à ces mêmes officiers afin de participer à leur formation d’« hommes de mer », le Dictionnaire des termes propres de marine correspond bien aux objectifs pédagogiques du programme de Colbert qui, dans les années 1660, entend structurer et codifier la Marine, en rationalisant la construction navale et en formant les constructeurs et officiers. Les premières écoles de construction voient le jour en 1680. Les officiers y reçoivent une solide formation aux théories de la construction navale dispensée par les meilleurs charpentiers. La Marine devient une science, or toute science doit se doter d’une terminologie. C’est là un pari parfaitement réussi par Desroches, dont l’ouvrage connaîtra un bel avenir puisqu’il servira longtemps de référence au point que les dictionnaires qui lui ont succédé l’ont largement recopié.

Élisabeth Ridel-Granger

Orientation bibliographique : D. DESSERT, La Royale. Vaisseaux et marins du Roi-Soleil, Paris, Fayard, 1996, 393 p.