Jean-Baptiste Philibert WILLAUMEZ

Jean-Baptise-Philibert Willaumez fait partie de ces grands marins qui ont marqué l’histoire de France. Auteur d’un célèbre dictionnaire de marine, il sait parfaitement de quoi il parle. Osons dire qu’il a la mer dans le sang… Willaumez est né à Belle-Île-en-Mer, au Palais en 1761 (la rue du Four de la ville du Palais est devenue le rue Willaumez par ordonnance du 25 mai 1843). Ayant perdu son père lors de la défense de Belle-Île contre les Anglais, il s’engage à treize ans pour la pêche à la sardine puis comme mousse sur le Bien-Aimé, navire commandé par Bougainville. Il navigue ensuite dans l’Océan Indien et, de retour en France en 1781, il appareille pour les États-Unis sur l’Amazone où il participe à plusieurs combats de la guerre d’indépendance et devient, à vingt ans, le premier pilote. Par la suite, il effectue des observations astronomiques dans l’Océan Indien avant de partir à la recherche des frégates de La Pérouse disparues en 1788. À la fin de cette campagne, il est nommé Lieutenant de Vaisseau et Chevalier de l’Ordre de Saint-Louis puis Capitaine de Vaisseau en 1795. Le 2 septembre 1802, il reçoit à Saint-Domingue le commandement de la frégate la Poursuivante avec laquelle il combat le navire anglais l’Hercule le 21 juin 1803. Promu contre-Amiral en 1805 et vice-amiral en 1819, il poursuit sa carrière sous l’Empire rédigeant parallèlement quelques traités de marine. Familier de la famille d’Orléans, il devient Président de la Commission des Travaux de la Marine en 1834 et inspire sans doute au Prince de Joinville sa vocation de marin. Grand-Croix de la Légion d’Honneur, Pair de France, Comte, l’Amiral Willaumez meurt à Suresnes en 1845 et est inhumé au pied du Mont-Valérien. Voilà donc une vie de marin bien remplie !

La grande œuvre de Willaumez est incontestablement son Dictionnaire de marine, publié en 1820 et qui connaît un grand succès. Le 22 mai 1825, il fait hommage de son œuvre au roi Louis-Philippe ainsi qu’au duc et à la duchesse d’Angoulême. La seconde édition, qui paraît en 1831, est à nouveau dédiée au roi et offerte au prince de Joinville. Willaumez signale que cette seconde édition a bénéficié de la relecture attentive d’une commission composée d’officiers de marine, de tout grade, « recommandables par leurs talents et leurs expériences ». Willaumez a donc eu à cœur de réaliser un ouvrage de référence, qui fasse autorité. Son dictionnaire se distingue par la richesse, la variété et l’originalité de sa nomenclature. On peut aussi bien y trouver aussi des termes charpenterie, de corderie ou de pêche que des termes dialectaux issus des diverses régions maritimes de France comme des mots « exotiques » de Hollande, de Malaisie ou des Moluques. Willaumez n’a pas fait que rassembler les termes de la grande Marine, il s’est aussi particulièrement intéressé aux différentes embarcations des côtes de France. La « petite » Marine a donc toute sa place dans ce dictionnaire qui met bien en valeur le patrimoine des pêcheurs locaux : les noms des petits bateaux et des filets de pêche y figurent au même titre que la terminologie des grands vaisseaux. Une autre particularité distingue le dictionnaire de Willaumez : les ordres donnés à bord y sont mentionnés et expliqués ainsi que des « cris » ou chants pour accompagner un effort ou signaler un changement. « Amure ! », par exemple, est un commandement qui ordonne d’amurer les basses voiles ; « Bon quart ! » est un cri que les marins de quart poussent la nuit sur le gaillard d’avant toutes les demi-heures. Le lecteur appréciera également que des termes du « parler matelot » soient cités. Enfin, on peut trouver des mots rares ou vieilli. Le Dictionnaire de marine de Jean-Baptiste Willaumez est donc un dictionnaire très complet, que ce soit dans les thématiques et les catégories langagières abordées que la chronologie et la géographie couvertes par la nomenclature. Ayant été un marin lui-même, Willaumez n’oublie jamais les gens de mer, qu’ils soient marins, pêcheurs ou travailleurs des ports, et leur rend en quelque sorte hommage en se référant régulièrement à eux : « Les marins disent… », « Nom donné par les pêcheurs…», « On donne ce nom dans les ports… » sont des expressions qui reviennent souvent au cours de son dictionnaire. Celui-ci n’est pas seulement une œuvre intellectuelle : derrière la nomenclature alphabétique, on perçoit l’œuvre de terrain, fondée sur des expériences personnelles et des rencontres professionnelles. Ainsi, le Dictionnaire de marine de Jean-Baptiste Willaumez est une œuvre « vivante », quasi ethnologique, où l’on pourrait se prendre à entendre parler les gens de mer.

Élisabeth Ridel-Granger avec la collaboration de Geneviève Tinchant, Conservatrice du Musée de la Citadelle de Belle-Île-en-Mer

Orientation bibliographique : M. DUPONT, L’Amiral Willaumez, Paris, Tallandier, 1987, 427 p. ; É. TAILLEMITE, Dictionnaire des marins français, Paris, Tallandier, 2002, p. 537-538.