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9° région des plaines du Nord ou du Mérinos

La région des Plaines du Nord a aussi l’aspect d’un immense plateau sillonné par la vallée de la Seine et la vallée de la Marne. Elle s’étend, d’une part, du Maine à la Lorraine, et de l’autre, du Morvan à la Normandie.

La Beauce est privée de sources, ne possède aucun bois silencieux, aucun buisson à l’ombre duquel on puisse se reposer. Cette plaine est parfois bien monotone. Vers la fin de l’été et pendant l’automne et l’hiver, alors que la nature est inactive sur cet immense plateau et qu’elle y apparaît avec toute son uniformité, le voyageur n’a devant lui pour reposer ses regards qu’une terre inculte ou des champs préparés par les instruments aratoires. Les choses changent d’aspect pendant la belle saison, lorsque la nature est vivante. Ainsi, au mois de juin, la vue se repose avec plaisir sur de vastes tapis de verdure, sur les beaux troupeaux mérinos qui paissent sur les prairies artificielles, et c’est avec la plus vive satisfaction que l’on admire des blés, encore des blés et toujours des blés ! Le spectacle qu’offre la plaine pendant l’été est d’une richesse plus grande encore. Lorsque la chaleur solaire fait jaunir les céréales, les moissons, sur toute l’immensité de la plaine, ondulent comme les vagues sous le vent et forment à la surface du sol, sous un ciel d’azur, un véritable tapis d’or.

Les fermes dans cette vaste plaine ne sont pas isolées. Elles font partie le plus souvent des villages, qui sont éloignés les uns des autres, mais qu’on aperçoit de fort loin, parce que les chemins sont ordinairement sans bordures, sans arbres fruitiers et forestiers.

Le Gâtinais français, voisin des plaines de la Beauce, est bocager et possède de nombreux arbres à cidre dans les vastes plateaux appelés gâtines. La Puisaye est plus pittoresque ; elle est traversée par la vallée du Loing et renferme de très-beaux arbres. Les marnages y sont très-bien compris. L’Auxois, qui confine avec elle, présente des collines agrestes et de charmantes vallées. La race bovine morvandelle y est répandue. Le Sénonais est plus pittoresque encore. La vallée de l’Yonne est fort belle. On y admire de riches récoltes et des collines couvertes de vignobles. Le paysage est des plus séduisants, et les peupliers qui s’élancent majestueusement délassent les yeux et font rêver l’abondance.

L’Auxerrois,territoire fertile sous les Romains, est une belle contrée. Ici, les prairies ornent les vallées de verdure et de fleurs; plus loin, les élévations présentent une source continuelle de richesses infinies, de beautés de toute espèce, environnées de tertres arides blanchâtres ou rougeâtres ; ailleurs, les collines disparaissent sous de beaux bocages ; enfin, sur une multitude de points, la vigne, associée aux arbres fruitiers, étend ses pampres sur les coteaux qui présentent, vers la fin de l’été, un admirable panorama.

L’Auxerrois, n’est pas, à proprement dire, une contrée très-agricole, mais il produit des vins renommés à juste titre, quoique ces vins soient moins pourvus de spiritueux et de bouquet que les vins de la haute Bourgogne. Les plus recherchés sont les vins du clos de la Chaînette, du coteau de Migraine, de la grande côte d’Auxerre ; ces vins rouges sont corsés et ont beaucoup de finesse. Viennent ensuite les vins de la côte Pitoy, d’Irancy, de Coulange-la-Vineuse, de la côte de Saint-Jacques, qu’on récolte dans le Tonnerrois et le Sénonais. Les vins de Chablis sont aussi très-estimés, parce qu’ils ont de la finesse et du parfum. Les vins mousseux de Tonnerre sont assez agréables, mais ils sont loin d’avoir la réputation des grands vins mousseux de Champagne qu’on fabrique à Sillery, Reims, Cramant, Épernay et Avize. Ces derniers vins, plutôt aimables que généreux, et les vins rouges de Bouzy, si remarquables par leur délicatesse et leur bouquet, ont rendu célèbre la Champagne dans toutes les parties du monde.

Mais cette ancienne province n’est pas connue seulement par les vins mousseux qu’elle produit; on sait partout en France qu’elle renferme entre Sézanne, Châlons et Troyes, une immense surface de terres crayeuses arides et incultes, à laquelle on a donné le nom de Champagne pouilleuse. Celte vaste plaine, dans laquelle on ne voyait autrefois aucun arbre, semble appelée à une destination nouvelle. Le pin d’Écosse ou pin sylvestre et le pin noir d’Autriche, qu’on plante dans les pâturages appelés savarts,forment un curieux: et agréable contraste, par leur nuance sombre, avec l’aridité et la couleur blanchâtre des terres incultes ; le sainfoin qu’on y cultive de plus en plus modifiera les propriétés physiques de la craie fendillée ou compacte des plateaux, et il permettra de quadrupler le nombre des bêtes à laine qu’on y élève et qu’on y entretient. Ces animaux sont les seuls que le degré de fécondité de la terre permette d’y posséder. Déjà plusieurs agriculteurs ont des troupeaux mérinos dignes de figurer dans les premières bergeries de la Beauce et du Châtillonnais, contrées où cette race s’est conservée avec toutes ses qualités originelles.

Les vallées de la haute et de la basse Champagne sont plus ou moins étroites et encaissées, mais elles sont souvent très-remarquables par les vertes prairies, les récoltes plantureuses et les magnifiques peupliers qu’on y admire. Le Vallage est une contrée très-riante. On y remarque de belles forêts et de nombreux vignobles. C’est dans une vallée pittoresque, autrefois silencieuse, qu’est située l’ancienne et célèbre abbaye de Clairvaux. Le Bassigny est aussi fertile en grains, en vins et en bois. Enfin, le comté de Bar-sur-Seine renferme les vignobles des Riceys, qui produisent des vins rouges ayant un joli bouquet et beaucoup de séve. Troyes possède des pépinières très-importantes, et Balnot-sur-Laignes, de belles et nombreuses cerisaies. C’est sur les coteaux de Bar-sur-Aube qu’on récolte le chasselas doré, qui s’expédie jusqu’en Angleterre.

La Brie, si renommée autrefois pour ses troupeaux, touche à la Champagne, mais son agriculture y est plus productive. Il devait en être ainsi pour deux motifs : d’abord, les terres de cette ancienne province sont de bonne qualité; ensuite les fermiers qui les exploitent peuvent y consacrer de grands capitaux. La culture qu’on y suit constitue le système appelé agriculture libre, qui consiste à accorder une plus ou moins grande extension à la culture du blé ou du colza, suivant le prix de vente des graines que ces plantes produisent ; la Brie est aussi renommée pour ses fromages et la surface qu’elle a assainie avec le drainage.

La Beauce élève le cheval percheron ou cheval de trait léger dans la partie bocagère à laquelle on a donné le nom de grand Perche, et qui occupe tout l’arrondissement de Nogent-le-Rotrou, contrée entrecoupée de charmantes vallées dans lesquelles la fraîcheur maintenue par de limpides et paisibles cours d’eau favorise la croissance de l’herbe, de riants coteaux, de vertes collines, et qui offre sans cesse la poésie qu’on aime à trouver dans les pays accidentés. Elle possède aussi de beaux et nombreux troupeaux; mais, quoiqu’elle soit très-riche en bêtes à laine, elle a fait peu de progrès depuis un demi-siècle, parce qu’elle persiste à conserver l’assolement triennal, soutenu uniquement par des prairies artificielles à longue durée.

lien: 
oui
nom ouvrage: 
La France agricole