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8° région des plaines du Centre ou des bruyères

Si la région des Montagnes du Centre est très-accidentée et sillonnée de vallées étroites et souvent très-profondes, la région des Plaines du Centre n’est mouvementée que sur ses limites occidentales et nord-ouest, ailleurs, elle a l’aspect d’une immense plaine entrecoupée par des vallons et quelques collines ou mamelons qui la rendent moins monotone.

L’Orléanais, comme le Bourbonnais et la Touraine, est traversé par la Loire, l’un de nos plus beaux fleuves. Le val de la Loire est réputé pour sa productivité et la manière dont il est cultivé. Il rivalise, sous tous les rapports, avec les grandes vallées du Rhône, de la Seine, du Rhin et de la Garonne. Mais, si ces belles vallées sont les localités les plus productives et de véritables séjours de bonheur pour ceux qui les cultivent, elles ont parfois de bien graves inconvénients. Ici, la grêle et les orages, dont le voisinage des hautes montagnes ou des grandes étendues forestières détermine la formation, anéantissent parfois en quelques heures des richesses obtenues à l’aide de travaux rudes et opiniâtres. Là, .les pluies ravinent les coteaux, entraînent des masses énormes de terre sur les cultures et les prairies qui font l’ornement de ces vallées. Plus loin, les pluies abondantes ont grossi les ruisseaux, et ceux-ci ont forcé les fleuves à rompre les digues qui limitent leurs lits et à épancher leurs eaux rugissantes et limoneuses dans la vallée et sur des plaines étendues. Bientôt, il est vrai, cette mer éphémère rentre dans ses limites naturelles, mais, hélas ! les eaux ont laissé des traces profondes de leur rapide passage et de leur crue intempestive. Elles ont occasionné d’immenses calamités en détruisant les cultures, en déracinant les arbres, en  renversant les habitations, en couvrant les terres arables de sable pur et de graviers, en transformant, enfin, ces vallées naguère si florissantes en une contrée presque stérile.

Le Berry occupe le centre de la région. On y rencontre des terres productives, des sols couverts de brandes, des marécages, des contrées bocagères, de grandes forêts, des collines tapissées de pampres et dominées par des bois sombres. Le Nivernais et le Bourbonnais ont à peu près le même aspect ; partout les haies divisent et subdivisent les héritages, et partout aussi les herbages ou les prairies qu’on y remarque, et qui sont très-productives dans la jolie vallée de Germigny, servent à l’élevage et à l’entretien de la belle race charollaise, cette rivale de la race durham. La vallée à pâturages, située dans le canton accidenté de Châtillon-en-Bazois, est très-verdoyante. La petite Suisse, située dans l’arrondissement de la Palisse, la belle plaine de Gannat, la pittoresque vallée de la Sioule, la Limagne du Bourbonnais, formée par les alluvions de l’Allier, dans laquelle on admire de belles récoltes de blé, de fèves, de chanvre et de trèfle, la magnifique forêt du Tronçais, la vallée du Cher avec ses collines rougies par les fleurs de la bruyère ou décorées par les pampres de la vigne ou de beaux rochers à angles vifs, les terres sablonneuses dites chambonnages des environs de Moulins, la Sologne bourbonnaise, où l’agriculture fait chaque année d’importants progrès, méritent d’être visitées. Les sables du Gâtinais sont en grande partie occupés par la forêt d’Orléans. Le Morvan, avec ses magnifiques forêts, son aspect sauvage, sa teinte mélancolique, son climat souvent très-froid et sa race bovine très-travailleuse, est une contrée agricole secondaire. Il en est de même de la Sologne et du Berry, considérés sous un point de vue général. L’une et l’autre présentent encore d’immenses étendues de terres incultes et de nombreux étangs qui les rendent peu salubres. Toutefois, si le sol de la Brenne, ou pays des étangs, est souvent rebelle à l’intelligence et aux capitaux du cultivateur, la Champagne, plateau calcaire qui rappelle les grandes plaines de la Beauce, et le Boischaud, pays bocager, rivalisent, par leurs productions et les animaux qu’ils possèdent, avec les meilleures parties de l’Orléanais et du Bourbonnais. Le Sancerrois, si remarquable par ses charmants coteaux, ses riantes vallées et ses beautés agrestes, est connu depuis longtemps pour la bonne qualité de ses terres arables; les Varennes ou alluvions sablonneuses qui s’étendent dans la Touraine sur la rive droite de la Loire, et le Véron, pays situé dans la même province entre la Loire, la Vienne et l’Indre, sont aussi productifs. C’est dans la Champagne, le Boischaud et le Sancerrois qu’on rencontre les meilleurs moutons berrichons et la race de Crevant. La race ovine berrichonne est aujourd’hui très-recherchée, parce qu’on la croise très-heureusement avec la race southdown, qui est répandue dans la région, ou avec la race de la Charmoise, créée par Malingié.

Le département de la Nièvre n’est pas partout aussi mélancolique que dans l’arrondissement de Clamecy ; la partie qu’on nomme la Suisse nivernaise, et qui comprend l’arrondissement de Château-Chinon, renferme d’agréables vallons, de profonds ravins, des collines couronnées de noires forêts et des paysages variés et très-pittoresques.

La Sologne est la contrée la plus agreste de la région, et son sol est aussi ingrat que les terres caillouteuses ou gâtines du Nivernais ; mais les semis de pins maritimes, qu’on observe dans la Sologne blésoise et la Sologne orléanaise, et qui ont été faits sur des plaines d’ajoncs et de bruyères, qui, jadis, étaient vouées à une éternelle stérilité, lui donnent un aspect moins triste et moins pauvre. Les voies ferrées qui la traversent et les routes agricoles qu’on y a créées ont permis d’y importer de la marne et de la chaux, de dessécher un certain nombre d’étangs, d’opérer des drainages, d’étendre la culture des plantes fourragères et de substituer, sur divers points, le froment auseigle et l’avoine au sarrasin. C’est dans les brandes que vit généralement la race ovine solognote, si remarquable par sa rusticité et sa sobriété. Cette race est remplacée, dans la Beauce orléanaise, par la race mérinos. C’est près de Nogent-sur-Vernisson qu’est située l’intéressante école forestière des Barres, créée par Vilmorin.

C’est dans le Sancerrois que commencent les vignobles, qui s’étendent de la Loire jusque dans la Touraine et le Vendômois. Les vins du Cher, produits par les vignes situées sur les coteaux baignés par le Cher, sont remarquables par leur couleur foncée, 

mais ils n’ont pas la qualité que possèdent les vins du Sancerrois. L’Orléanais et le Gâtinais ont aussi des vignes ; les vins qu’on y récolte, quoique d’une belle couleur et d’un goût franc et assez agréable, sont moins recherchés que le vin de Beaugency et les vins de Joué et Saint-Nicolas de Bourgueil. Les vins blancs de Chavignol et les vins blancs de Cléry ne possèdent ni le bouquet des vins de Pouilly, ni la saveur des vins de Vouvray. C’est à Naveil, près de Vendôme, qu’est situé le clos appelé Prépatour, qui fournissait à Henri IV le vin de Suren. Les vins blancs de Saint-Pourçain avaient aussi autrefois une grande réputation.

Ces divers vins ont pour complément des produits spéciaux à la région : le vinaigre d’Orléans, les chanvres de la Loire, les noix qu’on récolte dans le Berry et le Bourbonnais, les pruneaux de Tours, l’anis et la réglisse de Bourgueil, le safran du Gâtinais, l’excellent fromage d’Olivet, le .fromage de Monlmarault, les fruits des nombreux châtaigniers qui avoisinent les bords de la Creuse, non loin de Château-Meillant, qui décorent les coteaux d’Huriel ou qui ombragent des collines dans le Sancerrois, le miel du Gâtinais et les fruits des riants vergers qui sont la richesse du canton de Saint-Martin-d’Auxigny.

Le Perche et le Maine terminent la région à l’ouest. Le Perche,à cause des haies vives qui entourent les champs, a l’aspect d’un pays boisé. Il est très-accidenté et limité à l’est par les méandres infinis du Loir. Si les vallées qu’il renferme offrent de verdoyantes prairies, qui assurent l’existence de la race chevaline percheronne, les ravins, au fond desquels circulent souvent des eaux torrentueuses, sont dominés par des rochers escarpés, des coteaux abrupts ou des élévations sablonneuses couvertes de bruyères ou de pins maritimes. Malgré cela, la verdure des haies, la couleur dorée des fleurs du genêt, les pommiers qui ornent les terres labourables, les fleurs qui émaillent les prairies, les pâturages et les mille accidents du sol rendent le Perche très-pittoresque et en font un séjour agréable. Le Maine, où vit la race bovine mancelle, pure ou 

alliée à la race durham, présente les mêmes caractères dans sa partie septentrionale, qui est traversée par la Sarthe et la Baisse. La contrée située entre le Mans et le Loir, qui est bordé de charmants coteaux et de beaux vignobles, et qui se distingue par les verdoyantes prairies qui décorent ses rives et ses îles, rappelle très-exactement la Sologne. On y rencontre des terres sablonneuses occupées en grande partie par le pin maritime. Cet arbre résineux, les produits des belles forêts de Perseigne, de Jupilles, de Vibraye, etc., le chanvre, les poules de la Flèche, les poularles du Mans et la citrouille, sont les principales productions de la contrée, après les bêtes à corne et les bêtes chevalines.

Toutes choses égales d’ailleurs, la région est favorisée quant au climat. Elle est exempte des extrêmes d’humidité, si favorables à la Normandie et si nuisibles à la Bretagne, des extrêmes de chaleur, que redoute la région du Sud, des extrêmes de froid, si pernicieux à la région de l’Est et si utiles à celle du Nord-Est. Hélas ! pourquoi faut-il qu’en face de tous ces avantages, son sol manque de calcaire sur de grandes surfaces, et qu’on n’y observe pas çà et là les canaux d’irrigation qui ornent et enrichissent à la fois le Dauphiné, la Provence, le Roussillon et le Béarn, et des faluns semblables à ceux à l’aide desquels les cultivateurs de la Touraine augmentent la puissance des terres qu’ils exploitent ! L’absence de ces moyens de fertilisation permet de dire, malgré les semis considérables de pins maritimes qu’on fait chaque année, que la bruyère, la sombre couleur des landes, le vert foncé des ajoncs donnent à la région des teintes qui s’effaceront très-lentement de sa surface, malgré l’intelligence et le dévouement des hommes qui se sont imposé la noble mission de la rendre productive et riche.

lien: 
oui
nom ouvrage: 
La France agricole