chapitre 6

capitulum VI

Le comte Roger obtient par un vœu que la mer agitée s’apaise

Mare turbatum sedari comes Rogerius voto obtinuit

<1> Tandis que les habitants de Messine pleuraient leurs morts, le comte, passant devant la cité, va établir son campement non loin de la ville, sur « l’Île de San Giacinto »1« L’île de San Giacinto » correspond à la péninsule de San Raineri, actuel Braccio del Salvatore, bras de terre en forme de croissant qui ferme le port de Messine. La présence d’ermites est attestée avant même la conquête arabe. L’église San Giacinto dépendait de l’évêque de Catane. Le nom actuel vient du monastère grec du Saint-Sauveur in Lingua Phari, que Roger II fit élever sur le site, après que son père eut commandé un sanctuaire pour le même saint en 1090 (voir Foti 1989, 10-12 ; Scaduto 1982, 180). C’est à l’archimandrite de ce monastère que Roger II soumit les monastères grecs de Sicile et de Calabre. ; et, à la pointe du jour, il part assiéger Messine, pensant qu’elle était privée de forces. <2> Cependant, les habitants de Messine, si peu nombreux que fussent les hommes encore vivants, assistés des femmes elles-mêmes qui avaient pris les armes, rivalisaient d’ardeur pour défendre les tours, les fortifications et eux-mêmes, car il y allait de leur vie ; aussi le comte, craignant qu’une telle résistance n’incitât la Sicile à venir l’attaquer, regagna son campement et se mit à organiser la traversée vers Reggio. <3> Or, comme l’agitation des flots rendait manifestement la traversée dangereuse, le comte, suivant un conseil avisé, avait résolu d’offrir tout le butin qu’il avait pris à saint Andronic2Comme Andronius n’apparaît ni dans la Bibliotheca Sanctorum, ni dans la Bibliotheca hagiographica Latina, ni dans la Bibliotheca hagiographica Graeca, tandis qu’on connaît plusieurs saints du nom d’Andronic (Andronic, époux de Junia, compagnon de Paul de Tarse ; Andronic, martyr à Anazarbe, en Cilicie vers 304 ; Andronic d’Antioche, VIe siècle), il nous a semblé préférable de corriger la leçon sur laquelle s’accordent C et Z. Nous n’avons pas trouvé d’église dédiée à ce saint dans la région de Reggio di Calabria. pour rebâtir son église près de Reggio, car elle venait d’être détruite3Selon Aimé V, 10, les Normands, en raison de l’agitation des flots, étaient sur le point d’abandonner leur butin pour traverser plus facilement, mais changent d’idée sur le conseil de Geoffroi Ridel, qui refusait de rentrer les mains vides. Le butin, considérable et composé notamment de bétail, servit à la reconstruction d’une église, mais le chroniqueur ne précise pas le nom du saint auquel elle était dédiée, ni ne présente ce don comme l’accomplissement d’un vœu.. Et ainsi, grâce aux mérites de ce saint – à ce que nous croyons –, une brise favorable se mit à souffler, et la mer, apaisée, devenue navigable, permit au comte de traverser sans dommage.

<1> Messanensibus suorum funera [+] [funera C B Ca : vulnera Z ed. pr. [-]] funerafuneravulnera flentibus, comes penes civitatem transiens, in insulam [+] [insulam C : -la ZB edd. [-]] insula Sancti Jacinti [+] [jacinti B : jacincti Z jacenti C hiacinthi ed. pr. jacynti Pontieri. [-]] JacinctiJacentiHiacinthiJacynti haud [+] [haud C Z2 : aut ZB. [-]] haudhaud [+] [Z2 : haud [-]] aut longe ab urbe hospitatum vadit ; summoque diluculo Messanam quasi viribus exhaustam oppugnare [+] [oppugnare post vadit transt. C. [-]] vaditoppugnare vaditoppugnare vaditoppugnare vaditvadit oppugnarea'Pour la place d’oppugnare, nous avons donné raison à ZB contre C : quand le verbe vadere, très fréquent dans le récit, est complété par une forme nominale du verbe – un supin le plus souvent (voir II, 6, 1 : hospitatum vadit), mais l’infinitif se rencontre aussi –, celle-ci est toujours placée juste devant lui (voir, par exemple, II, 5, 1 : invadere vadunt ; II, 24, 3 : extrahere vadunt).. <2> Sed Messanensibus, quamvis paucis qui [+] [qui C Z : quae B. [-]] quiquiquiquae adhuc supererant, cum ipsis mulieribus armatis turres et propugnacula seseque certatim ut [+] [ut om. B. [-]] ututut[om.] pro vita defendentibus, comes, ne Sicilia [+] [ne sicilia om. B. [-]] ne Siciliane Siciliane Sicilia[om.] tali facto excitata super eum irruat, ad tentoria sua rediens, [Z/f.19v-20r] de transitu versus RegiumRegiumRegiumRegiumRhegium tractare [+] [tractare C Z : temptare B. [-]] tractaretractaretractaretemptare coepit. <3> Mare vero turbatum cum periculosum transitum ostentaret, comes, sapienti usus consilio [+] [consilio C B : concilio Z. [-]] consilioconsilioconsilioconcilio, totam praedam quam acceperat [+] [acceperat C : ceperat B edd. ceperant Z. [-]] ceperatceperant sancto Andronico [+] [andronico ego : andronio C Z edd. adriano B1 adriana B ut vid. [-]] Andronio [+] [B1 : Adriano [-]] Adriana*adriana ut vid. ad ecclesiam suam reaedificandam juxta RegiumRegiumRegiumRegiumRhegium dandam proposuerat [+] [proposuerat Z : -runt C voverat B. [-]] proposueratproposueratproposueruntvoverat : destructa [+] [destructa C Z : dis- B. [-]] destructadestructadestructadistructa quippe erat noviter. Sicque meritis ejusdem sancti, ut credimus, aura prospera [+] [prospera (prospa C Z) C ZB : -re edd. [-]] prospaprospere flante, mare sedatum sese transmeabile [+] [transmeabile C Z : -mirabile B. [-]] transmeabiletransmeabiletransmeabiletransmirabile praebens impune [+] [impune C B : impugne Z. [-]] impuneimpuneimpuneimpugne transire permisit.

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1« L’île de San Giacinto » correspond à la péninsule de San Raineri, actuel Braccio del Salvatore, bras de terre en forme de croissant qui ferme le port de Messine. La présence d’ermites est attestée avant même la conquête arabe. L’église San Giacinto dépendait de l’évêque de Catane. Le nom actuel vient du monastère grec du Saint-Sauveur in Lingua Phari, que Roger II fit élever sur le site, après que son père eut commandé un sanctuaire pour le même saint en 1090 (voir Foti 1989, 10-12 ; Scaduto 1982, 180). C’est à l’archimandrite de ce monastère que Roger II soumit les monastères grecs de Sicile et de Calabre.

2Comme Andronius n’apparaît ni dans la Bibliotheca Sanctorum, ni dans la Bibliotheca hagiographica Latina, ni dans la Bibliotheca hagiographica Graeca, tandis qu’on connaît plusieurs saints du nom d’Andronic (Andronic, époux de Junia, compagnon de Paul de Tarse ; Andronic, martyr à Anazarbe, en Cilicie vers 304 ; Andronic d’Antioche, VIe siècle), il nous a semblé préférable de corriger la leçon sur laquelle s’accordent C et Z. Nous n’avons pas trouvé d’église dédiée à ce saint dans la région de Reggio di Calabria.

3Selon Aimé V, 10, les Normands, en raison de l’agitation des flots, étaient sur le point d’abandonner leur butin pour traverser plus facilement, mais changent d’idée sur le conseil de Geoffroi Ridel, qui refusait de rentrer les mains vides. Le butin, considérable et composé notamment de bétail, servit à la reconstruction d’une église, mais le chroniqueur ne précise pas le nom du saint auquel elle était dédiée, ni ne présente ce don comme l’accomplissement d’un vœu.

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a'Pour la place d’oppugnare, nous avons donné raison à ZB contre C : quand le verbe vadere, très fréquent dans le récit, est complété par une forme nominale du verbe – un supin le plus souvent (voir II, 6, 1 : hospitatum vadit), mais l’infinitif se rencontre aussi –, celle-ci est toujours placée juste devant lui (voir, par exemple, II, 5, 1 : invadere vadunt ; II, 24, 3 : extrahere vadunt).