chapitre 6

capitulum VI

Comment, s’étant d’abord mis au service du prince de Capoue, les premiers fils de Tancrède passèrent ensuite à celui du prince de Salerne

Qualiter, primum principi Capuano servientes, ab ipso ad Salernitanum transierunt

<1> Et, comme ils apprirent que deux princes très célèbres – celui de Capoue1Le prince de Capoue est Pandolf IV. Celui-ci règne à trois reprises : 1016-1022, 1026-1038, 1047-1049. Les événements rapportés dans ce chapitre interviennent au cours de son deuxième règne : Rainolf Drengot s’était offert à lui comme mercenaire, puis était passé au service de son ennemi, Serge IV de Naples, qui lui avait concédé le comté d’Aversa en 1030, en même temps que la main de sa sœur, afin d’assurer la protection de son duché contre l’ambition du prince de Capoue. Cependant, à la mort de son épouse, Rainolf contracte une alliance avec le Capouan, qui lui offre après 1034 d’épouser l’une de ses nièces (voir Chalandon 1907, 81). et celui de Salerne2Le prince de Salerne est Guaimar V (1027-1052), fils de Guaimar IV de Salerne (989-1027) et de Gaitelgrima. Il est aussi le neveu de Pandolf IV. –, engagés dans certaines querelles, éprouvaient une très vive inimitié l’un envers l’autre3Le morcellement du territoire de la partie occidentale de l’Italie méridionale – principautés lombardes de Salerne, Capoue et Bénévent et duchés tyrrhéniens (d’origine byzantine) de Naples, Gaète et Amalfi – entretenait fatalement des conflits perpétuels entre les princes ou ducs. Mais Taviani-Carozzi 1996a, 92-116, a montré qu’il ne fallait pas pour autant conclure à une situation chaotique dans cette région, où les diverses entités politiques savaient conserver leur domination et leur indépendance vis-à-vis de l’extérieur. Guillaume de Pouille (I, 148-150) évoque en quelques vers ces luttes lombardes, en des termes empreints de la pensée augustinienne : Illis principibus dominandi magna libido / Bella ministrabat. Vult quisque potentior esse, / Alter et alterius molitur iura subire., afin de gagner quelque argent par le métier des armes, ils offrirent leurs services au prince de Capoue, parce que la route4On ne sait rien de la route qu’empruntèrent les Hauteville pour parvenir en Italie méridionale, mais, avant d’arriver à Capoue, ils firent assurément étape à Rome, comme l’avaient fait les pèlerins et premiers mercenaires normands (voir Aimé I, 20 ; Guil. Ap. I, 41-42). Leurs témoignages concordent sur ce point avec les récits composés quelques décennies auparavant par Adémar de Chabannes (Chronicon, III, 55), puis Raoul Glaber (Historiae, livre III, 1, p. 144), selon lesquels le Normand Raoul, s’étant entretenu avec le pape Benoît VIII, avait été encouragé à combattre les Byzantins aux côtés des Bénéventains. Pour ceux qui poursuivent vers le sud, la cité de Capoue apparaît comme la porte de la Campanie. Comme les anciennes voies romaines sont restées les axes majeurs de communication, les Normands ont probablement fait route par la Via Appia, qui reliait Rome à Capoue et se prolongeait jusqu’à Bénévent. par laquelle ils arrivaient les conduisit d’abord à lui5Ni Malaterra ni les autres sources ne fournissent des informations précises sur la date d’arrivée de Guillaume et Dreux en Campanie. Le récit de leurs alliances rapporté par Malaterra conduit à penser qu’ils avaient rejoint Rainolf, dont ils suivent les choix. Peut-être sont-ils venus en réponse à l’appel de leur compatriote, nouvellement établi dans son comté d’Aversa (Guil. Ap. I, 181-184).. Ils restèrent à ses côtés quelque temps, mais quand, ayant reçu le salaire de leurs nombreux exploits, ils reconnurent l’avarice du Capouan, pleins de mépris pour cet homme, ils passèrent au service de Guaimar6Guillaume et Dreux suivent encore les choix de Rainolf : celui-ci accepte de s’allier à Guaimar V, autour duquel se réunissent tous les ennemis du prince de Capoue. Guillaume de Pouille (I, 142-143 ; 160-161) évoque ces alliances temporaires avec aussi peu d’exactitude que Malaterra, mais c’est pour lui l’occasion de vanter ce qu’il considère comme une stratégie très habile des Normands : Nunc hoc nunc illo contempto, plus tribuenti / Semper adhaerebant […] / Decipit Ausonios prudentia Gallica ; nullum / Plena lance capi permittit ab hoste triumphum. Sur le prétexte qui causa la rupture entre Pandolf IV et Guaimar V, sans doute vers 1036 ou peu après, et sur le changement d’alliance des Normands, voir Aimé II, 3 ; Chalandon 1907, 81., prince de Salerne. <2> Ce dernier les accueillit avec honneur à cause de leurs mérites à la guerre, qui leur avaient déjà valu dans toute la Pouille une immense notoriété, et surtout parce qu’ils étaient passés à son service après avoir rompu avec le prince qui lui était hostile, et il suscita en eux, par de nombreux présents, une vive ardeur à lui être fidèles, si bien que, lançant contre les Capouans des raids variés et répétés, ils écrasèrent toute la région, tel un terrible fléau qui éclate. <3> Tirant encore vengeance dans toutes les directions et indistinctement des dommages infligés au prince de Salerne, ils poursuivirent leurs attaques sans jamais se lasser et châtièrent si bien ceux qui auparavant refusaient de se soumettre au prince que, une fois pacifiée, la contrée tout alentour resta silencieuse. <4> Mais le peuple des Lombards, particulièrement jaloux7C’est une habitude chez Malaterra de dénigrer les ennemis des Normands par l’emploi d’un superlatif en caractérisant tout un peuple à partir d’un, ou de quelques-uns, de ses membres (voir « Introduction » de la version imprimée, p. 43). Par la suite, c’est l’adjectif perfidissimus qui sert à qualifier les Lombards, les Calabrais ou les « Grecs » de Troina (voir I, 13, 1 ; I, 14, 3 ; I, 28 ; II, 29, 2). Cf. Raoul Glaber, Historiae, livre III, 1, p. 140 : Longobardorum gens consueta fraude. et tenant toujours en suspicion tous les hommes loyaux, les dénigrait secrètement auprès de ce prince en les déchirant à belles dents, lui conseillant de s’en séparer : sinon, un peuple doté d’une si grande habileté, d’une si grande vaillance – ils ajoutaient même, en parlant selon le trop-plein de leur cœur, d’une si grande perfidie – arriverait aisément à déposséder le prince de son héritage et à s’en emparer grâce à sa fourberie. <5> Ainsi, le cœur du prince, imbu des mêmes vices, se laissa aisément entraîner dans la voie du mal. Mais, si le prince, approuvant les mauvais conseils de ses gens, s’apprêtait à agir selon leurs recommandations, cependant, redoutant la vaillance de ces hommes, il n’osait découvrir au grand jour ce qu’il tramait en secret.

<1> Audientes itaque inter duos famosissimos [+] [famosissimos AC Z : fortissimos B. [-]] famosissimosfamosissimosfamosissimosfamosissimosfortisissimos principes – Capuanum videlicet [+] [videlicet om. B. [-]] videlicetvidelicetvidelicetvidelicet[om.] et Salernitanum –, quibusdam controversiis insurgentibus, inimicitias efferbuisse, causa militariter [+] [militariter AC : -aliter Z -ante B. [-]] militaritermilitaritermilitaritermilitalitermilitante aliquid lucrandi, quia [+] [post quia add. capuanum B Pontieri. [-]] quiaquiaquiaquia Capuanum viciniorem [+] [viciniorem AC Z : juniorem B. [-]] vicinioremvicinioremvicinioremvicinioremjuniorem qua veniebant via [+] [qua… via AC : via qua… viam Z ed. pr. via qua B Pontieri. [-]] invenerunt [+] [veniebant… invenerunt AC Z : venerunt inveniebant B venerant invenierunt Pontieri. [-]] qua veniebant via inveneruntvia qua veniebant viam inveneruntvia qua venerunt inveniebantvia qua venerant invenierunt, Capuano sese obtulerunt. Ubi aliquantisper commorati [+] [commorati AC Z2B : -ta Z. [-]] commoraticommoraticommoraticommorati [+] [Z2 : commorati [-]] commorata, cum [+] [cum AC Z : ubi B. [-]] cumcumcumcumubi multa [+] [multa AC Z : nulla B. [-]] multamultamultamultanulla strenue, remuneratione accepta [+] [accepta ZB : -to AC. [-]] acceptaacceptaacceptaaccepto, peregissent, tenacitate Capuani [+] [capuani A ZB : capuam C. [-]] CapuaniCapuaniCapuaniCapuaniCapuam cognita, illo spreto, ad Gaimarum [+] [gaimarum AC : -rium Z gagia B gaimarii ed. pr. gagiam Pontieri. [-]] GaimarumGaimariumGagiaGaimariiGagiam Salerni principem [+] [salerni principem AC Z : -nitani -pis B Pontieri. [-]] Salerni principemSalerni principemSalerni principemSalernitani principis transierunt. <2> A quo decenter suscepti propter militarem [+] [militarem C ZB : -re A. [-]] militaremmilitaremmilitaremmilitaremmilitare laudem, quae jam ipsos per universam Apuliam famosissimos [+] [famosissimos AC B : famossimos Z. [-]] famosissimosfamosissimosfamosissimosfamosissimosfamossimos effecerat, et maxime quia ab inimicante sibi principe ad se transierant [+] [transierant AC Z : -runt B. [-]] transieranttransieranttransieranttransieranttransierunt, multis donariis [+] [donariis AC Z : den- B. [-]] donariisdonariisdonariisdonariisdenariis ad fidelitatem ejus inflammati [+] [inflammati AC Z : -mare B. [-]] inflammatiinflammatiinflammatiinflammatiinflammare, diversis [+] [diversis AC B : -si Z. [-]] diversisdiversisdiversisdiversisdiversi et crebris [+] [crebris C B : crebis A Z ut saepe. [-]] crebriscrebriscrebriscrebis incursionibus Capuanos [+] [capuanos C ZB : capitanos A. [-]] CapuanosCapuanosCapuanosCapuanosCapitanos lacessentes [+] [post lacessentes add. per C. [-]] lacessenteslacessenteslacessenteslacessenteslacessentes per totam provinciam, ac si pestilens calamitas detonaret, attriverunt [+] [attriverunt A : adteruerunt Z acterruerunt B a cum esset C terruerunt Pontieri. [-]] attriveruntadterueruntacterruerunta cum essetterruerunt. <3> Circumquaque [+] [circumquaque A ZB : -quacumque C. [-]] CircumquaqueCircumquaqueCircumquaqueCircumquaqueCircumquacumque etiam [+] [etiam A ZB : et C edd. [-]] etiametiamet Salernitani passim injurias [+] [injurias AC Z : -riis B. [-]] injuriasinjuriasinjuriasinjuriasinjuriis principis ulciscentes, indefessi [+] [indefessi edd. : -fensi AC ZB. [-]] indefessiindefensi idem facere addiderunt [+] [addiderunt AC B : adive- Z ed. pr. [-]] addideruntaddideruntaddideruntaddiveruntadiverunt, in tantumque rebellantes [+] [rebellantes AC Z : deb- B. [-]] rebellantesrebellantesrebellantesrebellantesdebellantes antea principi compescuerunt ut omnia circumquaque [+] [circumquaque A ZB : -quacumque C. [-]] circumquaquecircumquaquecircumquaquecircumquaquecircumquacumque se [+] [se om. C del. Pontieri. [-]] sesese[om.][del.]a'Sans doute le pronom se n’est-il pas le complément de silere : Flobert 1975, 219, ne signale pas d’emploi pronominal pour ce verbe, mais une forme déponente sileor (voir Ps. 49, 3, in Bibliorum sacrorum Latinae versiones antiquae seu Vetus Italica…, P. Sabatier (éd.), Reims, R. Florentain, 1743, t. II, p. 100 : non silebitur). En outre, les autres occurrences de ce verbe chez Malaterra témoignent d’un emploi intransitif (I, 37, 2 ; III, 24 [Pontieri, p. 71, l. 21-23] : Nam quantae audaciae cujusve militaris strenuitatis dux iste fuerit, […] etiam si reliqua omnia sileant, ex hoc potissimum indubitanter annotari potest ; III, 34 [Pontieri, p. 78, l. 4-6] : Sed per universam Apuliam sive Calabriam seditiones […] in conspectu ejus, ac si numquam fuissent, siluerunt). Nous proposons de reconnaître dans circumquaque non pas l’adverbe indéfini mais une préposition synonyme de circum. À l’appui de cette hypothèse, on peut citer IV, 9 (Pontieri, p. 90, l. 30-32) : Mihera vero, filius Hugonis Falloc, […] vicinos circumquaque se praedis et diversis incursionibus lacessendo appetere coepit. Dans cette phrase, circumquaque se, contrairement à ce qu’on lit dans l’apparat critique de Pontieri, se trouve bien dans C. Pour un exemple externe du même tour, voir R. Wilmans, Die Kaiserurkunden der Provinz Westfalen 777-1313, vol. I, 777-900, Münster, Regensberg, 1867, p. 65, nº 20 : quia ante annos aliquod concessimus cuidam fideli nostro vocabulo Gerulfo quasdam res proprietatis nostrae, quae sunt in ducatu Frisiae, in pago Westracha, in villa Cammingehunderi et in aliis villis circumquaque se positis (http://books.google.fr/books?id=zpMOAAAAYAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false). pacata [+] [pacata AC Z : plac- B. [-]] pacatapacatapacatapacataplacata silerent. <4> Longobardorum vero gens invidiosissima [+] [invidiosissima AC Z : -dissima B Pontieri. [-]] invidiosissimainvidiosissimainvidiosissimainvidissima et semper quemque [+] [quemque AC : quemcumque ZB ed. pr. [-]] quemquequemquequemcumque probum suspectum habens, ipsos apud eundem principem, inimico dente rodentes [+] [rodentes corr. Desbordes : -te AC B Pontieri mordente Z ed. pr. [-]] rodentemordente, occulte [+] [occulte AC : -to ZB edd. [-]] occulteocculto detrahebantb'Comparer inimico dente rodentes, occulte detrahebant avec Epist. 2, 6 : incursus detrahentium et inimico dente aliorum dicta vel facta rodere conantium., suggerentes quatenus [+] [quatenus C ZB : quatinus A. [-]] quatenusquatenusquatenusquatenusquatinus eos [+] [eos om. A. [-]] eoseoseoseos[om.] a [+] [a C ZB : ad A. [-]] aaaaad se repelleret ut vid. [+] [repelleret AC2 ut vid. ZB : -rent C. [-]] repelleret ut vid.repelleret ut vid.repelleret ut vid.repelleret ut vid. [+] [C2 : repelleret ut vid. [-]] repellerent : ni faciat [+] [ni faciat A def. Desbordes : ne faciant B quod nisi faceret Z alias si rifaciat id faciat C quod ni faceret ed. pr. ne faceret Pontieri. [-]] ni faciatne faciantquod nisi faceretalias si rifaciat id faciatquod ni faceretne faceret, facile futurum [+] [post futurum add. scelus B Pontieri. [-]] futurumfuturumfuturumfuturum scelus ut gens [+] [gens A ZB : geni C. [-]] gensgensgensgensgeni tantae astutiae, tantae [+] [tantae AC Z : tantaeque B Pontieri. [-]] tantaetantaetantaetantaeque strenuitatis [+] [strenuitatis C ZB : -ates A. [-]] strenuitatisstrenuitatisstrenuitatisstrenuitatisstrenuitates – addentes etiam ex [+] [ex C ZB : et A. [-]] exexexexet sui cordis abundantia [+] [abundantia AC ZB def. Desbordes : malitia edd. [-]] abundantiaabundantiaabundantiaabundantiamalitiac'Desbordes 2005, 122, a rétabli à juste titre la leçon abundantia des manuscrits aux dépens de la conjecture de Zurita, d’après Mat. 12, 34, ou Luc. 6, 45 : ex abundantia enim cordis hoc loquitur. tantae perfidiae [+] [tantae perfidiae (persi- C) AC Z : tantam perfidiam B. [-]] tantae perfidiaetantae perfidiaetantae perfidiaetantae persidiaetantam perfidiam – ut, principe exheredato [+] [exheredato AC Z : -ditato B. [-]] exheredatoexheredatoexheredatoexheredatoexhereditato, ipsi sua calliditate hereditate [+] [hereditate om. C. [-]] hereditatehereditatehereditatehereditate[om.] ejus [+] [ejus AC ZB : principis Pontieri. [-]] ejusejusejusejusprincipis potirentur. <5> Unde et cor principis eisdem [+] [eisdem AC B : ejusdem Z. [-]] eisdemeisdemeisdemeisdemejusdem artibus [A/f.5v-6r] imbutum facile in deterius proclive pervertunt [+] [pervertunt A ZB : -tivit C. [-]] pervertuntpervertuntpervertuntpervertuntpervertivit. Sed princeps, quamvis pravis consiliis suorum assentiens quod hortabatur [+] [hortabatur AC ZB : -bantur D edd. [-]] hortabaturhortabaturhortabaturhortabanturd'L’emploi passif de hortari n’est pas isolé dans le récit de Malaterra ; voir II, 45, 5 : hortabantur et IV, 7 (Pontieri, p. 89, l. 13-14) : quippe cujus doctrina et exemplo ad meliora semper hortabantur. Flobert 1975, 355, donne plusieurs exemples de la construction passive de ce verbe. La même remarque vaut pour dehortari en II, 45, 1, et ne ab ipsis […] dehortaretur en III, 13 (Pontieri, p. 65, l. 21). facere moliretur, tamen strenuitatem eorum [+] [eorum A : ipsorum C illorum ZB ed. pr. [-]] eorumipsorumillorum timens quod animo occulte agebat minus [+] [minus AC Z2B : nimis Z. [-]] minusminusminusminus [+] [Z2 : minus [-]] nimis in propatulopropatulopropatulopropatulopropatuloprobatulo aperire [+] [aperire om. B. [-]] aperireaperireaperireaperire[om.] praesumebat.

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1Le prince de Capoue est Pandolf IV. Celui-ci règne à trois reprises : 1016-1022, 1026-1038, 1047-1049. Les événements rapportés dans ce chapitre interviennent au cours de son deuxième règne : Rainolf Drengot s’était offert à lui comme mercenaire, puis était passé au service de son ennemi, Serge IV de Naples, qui lui avait concédé le comté d’Aversa en 1030, en même temps que la main de sa sœur, afin d’assurer la protection de son duché contre l’ambition du prince de Capoue. Cependant, à la mort de son épouse, Rainolf contracte une alliance avec le Capouan, qui lui offre après 1034 d’épouser l’une de ses nièces (voir Chalandon 1907, 81).

2Le prince de Salerne est Guaimar V (1027-1052), fils de Guaimar IV de Salerne (989-1027) et de Gaitelgrima. Il est aussi le neveu de Pandolf IV.

3Le morcellement du territoire de la partie occidentale de l’Italie méridionale – principautés lombardes de Salerne, Capoue et Bénévent et duchés tyrrhéniens (d’origine byzantine) de Naples, Gaète et Amalfi – entretenait fatalement des conflits perpétuels entre les princes ou ducs. Mais Taviani-Carozzi 1996a, 92-116, a montré qu’il ne fallait pas pour autant conclure à une situation chaotique dans cette région, où les diverses entités politiques savaient conserver leur domination et leur indépendance vis-à-vis de l’extérieur. Guillaume de Pouille (I, 148-150) évoque en quelques vers ces luttes lombardes, en des termes empreints de la pensée augustinienne : Illis principibus dominandi magna libido / Bella ministrabat. Vult quisque potentior esse, / Alter et alterius molitur iura subire.

4On ne sait rien de la route qu’empruntèrent les Hauteville pour parvenir en Italie méridionale, mais, avant d’arriver à Capoue, ils firent assurément étape à Rome, comme l’avaient fait les pèlerins et premiers mercenaires normands (voir Aimé I, 20 ; Guil. Ap. I, 41-42). Leurs témoignages concordent sur ce point avec les récits composés quelques décennies auparavant par Adémar de Chabannes (Chronicon, III, 55), puis Raoul Glaber (Historiae, livre III, 1, p. 144), selon lesquels le Normand Raoul, s’étant entretenu avec le pape Benoît VIII, avait été encouragé à combattre les Byzantins aux côtés des Bénéventains. Pour ceux qui poursuivent vers le sud, la cité de Capoue apparaît comme la porte de la Campanie. Comme les anciennes voies romaines sont restées les axes majeurs de communication, les Normands ont probablement fait route par la Via Appia, qui reliait Rome à Capoue et se prolongeait jusqu’à Bénévent.

5Ni Malaterra ni les autres sources ne fournissent des informations précises sur la date d’arrivée de Guillaume et Dreux en Campanie. Le récit de leurs alliances rapporté par Malaterra conduit à penser qu’ils avaient rejoint Rainolf, dont ils suivent les choix. Peut-être sont-ils venus en réponse à l’appel de leur compatriote, nouvellement établi dans son comté d’Aversa (Guil. Ap. I, 181-184).

6Guillaume et Dreux suivent encore les choix de Rainolf : celui-ci accepte de s’allier à Guaimar V, autour duquel se réunissent tous les ennemis du prince de Capoue. Guillaume de Pouille (I, 142-143 ; 160-161) évoque ces alliances temporaires avec aussi peu d’exactitude que Malaterra, mais c’est pour lui l’occasion de vanter ce qu’il considère comme une stratégie très habile des Normands : Nunc hoc nunc illo contempto, plus tribuenti / Semper adhaerebant […] / Decipit Ausonios prudentia Gallica ; nullum / Plena lance capi permittit ab hoste triumphum. Sur le prétexte qui causa la rupture entre Pandolf IV et Guaimar V, sans doute vers 1036 ou peu après, et sur le changement d’alliance des Normands, voir Aimé II, 3 ; Chalandon 1907, 81.

7C’est une habitude chez Malaterra de dénigrer les ennemis des Normands par l’emploi d’un superlatif en caractérisant tout un peuple à partir d’un, ou de quelques-uns, de ses membres (voir « Introduction » de la version imprimée, p. 43). Par la suite, c’est l’adjectif perfidissimus qui sert à qualifier les Lombards, les Calabrais ou les « Grecs » de Troina (voir I, 13, 1 ; I, 14, 3 ; I, 28 ; II, 29, 2). Cf. Raoul Glaber, Historiae, livre III, 1, p. 140 : Longobardorum gens consueta fraude.

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a'Sans doute le pronom se n’est-il pas le complément de silere : Flobert 1975, 219, ne signale pas d’emploi pronominal pour ce verbe, mais une forme déponente sileor (voir Ps. 49, 3, in Bibliorum sacrorum Latinae versiones antiquae seu Vetus Italica…, P. Sabatier (éd.), Reims, R. Florentain, 1743, t. II, p. 100 : non silebitur). En outre, les autres occurrences de ce verbe chez Malaterra témoignent d’un emploi intransitif (I, 37, 2 ; III, 24 [Pontieri, p. 71, l. 21-23] : Nam quantae audaciae cujusve militaris strenuitatis dux iste fuerit, […] etiam si reliqua omnia sileant, ex hoc potissimum indubitanter annotari potest ; III, 34 [Pontieri, p. 78, l. 4-6] : Sed per universam Apuliam sive Calabriam seditiones […] in conspectu ejus, ac si numquam fuissent, siluerunt). Nous proposons de reconnaître dans circumquaque non pas l’adverbe indéfini mais une préposition synonyme de circum. À l’appui de cette hypothèse, on peut citer IV, 9 (Pontieri, p. 90, l. 30-32) : Mihera vero, filius Hugonis Falloc, […] vicinos circumquaque se praedis et diversis incursionibus lacessendo appetere coepit. Dans cette phrase, circumquaque se, contrairement à ce qu’on lit dans l’apparat critique de Pontieri, se trouve bien dans C. Pour un exemple externe du même tour, voir R. Wilmans, Die Kaiserurkunden der Provinz Westfalen 777-1313, vol. I, 777-900, Münster, Regensberg, 1867, p. 65, nº 20 : quia ante annos aliquod concessimus cuidam fideli nostro vocabulo Gerulfo quasdam res proprietatis nostrae, quae sunt in ducatu Frisiae, in pago Westracha, in villa Cammingehunderi et in aliis villis circumquaque se positis (http://books.google.fr/books?id=zpMOAAAAYAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false).

b'Comparer inimico dente rodentes, occulte detrahebant avec Epist. 2, 6 : incursus detrahentium et inimico dente aliorum dicta vel facta rodere conantium.

c'Desbordes 2005, 122, a rétabli à juste titre la leçon abundantia des manuscrits aux dépens de la conjecture de Zurita, d’après Mat. 12, 34, ou Luc. 6, 45 : ex abundantia enim cordis hoc loquitur.

d'L’emploi passif de hortari n’est pas isolé dans le récit de Malaterra ; voir II, 45, 5 : hortabantur et IV, 7 (Pontieri, p. 89, l. 13-14) : quippe cujus doctrina et exemplo ad meliora semper hortabantur. Flobert 1975, 355, donne plusieurs exemples de la construction passive de ce verbe. La même remarque vaut pour dehortari en II, 45, 1, et ne ab ipsis […] dehortaretur en III, 13 (Pontieri, p. 65, l. 21).