Chapitre 4

Capitulum IIII1caput 3 1536.

Araneus [« l’araignée » : la vive1Les noms araneus, i, m. (Plin. nat. 9, 155) et aranea, ae, f. (Isid. orig. 12, 6, 18) coexistent en latin et désignent couramment un poisson venimeux qu’on peut identifier avec la vive et dont il existe plusieurs espèces. L’araneus / aranea qu’évoquent Pline et Isidore de Séville serait plus probablement la grande vive (Trachinus draco Linné, 1758) ou la vive araignée (Trachinus araneus Cuvier, 1829) : voir De Saint Denis 1947, 9 et 33. Si araneus / aranea désignent une vive dans la tradition latine classique, en revanche, nous hésitons à reconnaître la vive dans l’aranea des citations d’Avicenne. ?], aries [« le bélier » : l’orque2Les descriptions du bélier de mer chez Plin. nat. 9, 10 ; Plin. nat. 9, 145, et Plin. nat. 32, 144, renvoient à l’orque, ou épaulard, comme le précise De Saint-Denis 1947, 9-10. S’il peut être assez facilement apprivoisé, l’orque est un dauphin géant, dont le comportement agressif est bien connu. C’est un chasseur redoutable qui se nourrit d’autres poissons et mammifères marins, et sa traque peut l’amener très près des plages. De plus, Kitchell & Resnick 1999, 1662, n. 46, notent que les taches blanches qui se trouvent au-dessus des yeux de l’orque peuvent faire penser à des cornes de bélier et être à l’origine de l’appellation aries marinus. Le nom scientifique actuel de l’orque est Orcinus orca Linné, 1758, mais sa classification dans la nomenclature zoologique ayant évolué, on trouve aussi pour désigner le même animal les étiquettes Delphinus orca Linné, 1758 (De Saint-Denis 1947) ou Gladiator orca Bonnaterre, 1789.] et arini [non identifié3Rien ne nous permet d’identifier dans le bref extrait du De animalibus de Iorach cité par l’intermédiaire d’Arnold de Saxe le poisson désigné sous l’appellation (h)arini, et l’origine linguistique de la racine arin / arym n’a pas encore été élucidée.] [+][VB 17, 32 De aranea et ariete et arimi [-]][+]

Araneus2araneos Prüss1 aranea 1536.3La forme araneus serait la plus ancienne. Dès l’Antiquité, Servius indiquait à propos de l’emploi d’araneus par Virgile (Serv. georg. lib. 4, comm. ad versum 247) que les Anciens appelaient le même animal en utilisant le genre masculin : Sciendum maiores animal ipsum masculino genere appellasse. La notice du TLL indique que l’emploi d’aranea n’est pas antérieur en poésie à Catulle et en prose à Fronton (IIe s. apr. J.-C.)., aries et arini [+][VB 17, 32 De aranea et ariete et arimi [-]][+]

Renvois internes : Araneus : cf. Draco marinus, ch. 26 ; Gladius, ch. 40 ; Vipera, ch. 100.
Aries : cf. Orcha, ch. 64.

Lieux parallèles : Araneus dans TC, De aranea (7, 15) ; AM, [Aranea] (24, 15 (11)).
Aries dans TC, De ariete maris (7, 7) ; AM, [Aries marinus] (24, 7 (9)).

poisson

[1] [] VB 17, 32, 2Avicenne. [] Avic. canon 4, 6, 5, 26Selon toute apparence, l’« araignée de mer »4Les renseignements contenus dans les extraits qu’Avicenne consacre à l’aranea et reproduits par l’Hortus sanitatis ne nous permettent pas d’identifier avec sûreté l’animal évoqué. Le passage s’inscrit dans un traité précisément consacré aux piqûres et morsures des petits animaux venimeux et qui s’achève par quatre rubriques dédiées aux morsures d’animaux marins. Ces dernières ont toutes été réinsérées dans l’Hortus sanitatis via Vincent de Beauvais, mais redistribuées dans les chapitres appropriés : scorpio marinus (Avic. canon 4, 6, 5, 25 : voir ch. 86, 15-16), aranea marina, rana marina rubea (Avic. canon 4, 6, 5, 27 : voir ch. 76, 3-6), reptiles marini venenosi (Avic. canon 4, 6, 5, 28 : passage recomposé au sein de ce chapitre dans l’operatio A relative à l’aranea marina). À propos de l’aranea marina, Avicenne se contente de signaler sa ressemblance avec le scorpio marinus ; du scorpio marinus, il n’évoque que les maux dont il est responsable et les médications qui leur sont adaptées ; quant à la rana marina rubea, il rappelle sa technique de chasse et les remèdes qui peuvent soigner ses morsures. Ces informations sont insuffisantes pour nous permettre d’identifier avec sûreté les animaux cités par Avicenne comme les poissons de mer traditionnellement désignés en latin classique sous ces appellations : la scorpène rouge ou rascasse, pour le scorpio marinus, la vive pour l’aranea marina et la baudroie rousse pour la rana marina rubea, dont les piqûres (rascasse et vive) ou morsures (baudroie) sont redoutées des pêcheurs. présente une constitution proche de celle du scorpion.

[1] [] VB 17, 32, 2Avicenna. [] Avic. canon 4, 6, 5, 26Aranea marina. Videtur quod sint dispositiones eius propinquae dispositionibus scorpionis marini.Aranea marina. Videtur quod dispositiones ejus propinquae4propinqua 1491. sint dispositionibus scorpionis.

[2] [] VB 17, 32, 1Isidore. [] Isid. orig. 12, 6, 18L’« araignée de mer » [la vive araignée] est une espèce de poisson qui doit son nom au fait qu’elle se sert de son oreille pour infliger des blessures. C’est seulement dans l’oreille qu’elle possède les aiguillons dont elle transperce ceux qui l’approchent5André 1986, 192, et n. 354, a corrigé la forme aure transmise par la tradition manuscrite en aere : la parenté étymologique décelée par Isidore de Séville entre l’adjectif de matière aeraneus, « d’airain », et le nom d’espèce aranea, « vive », jouerait alors sur aes, « l’airain », et les armes que constituent les épines de la vive : « l’aranea est une espèce de poisson nommé de ce qu’il frappe avec l’airain (aere) ; il a en effet des aiguillons avec lesquels il pique ». Mais le raisonnement implicite d’Isidore de Séville a facilement pu échapper à ses lecteurs. L’étymon auris ne leur paraissait pas nécessairement aberrant : en effet, les vives possèdent également sur leurs opercules des épines renfermant des glandes à venin ; or les opercules et les ouïes ont pu parfois être confondus avec des oreilles par les Anciens (ainsi l’étymologie du français ouïe qui remonte à auris, l’oreille)..

[2] [] VB 17, 32, 1Isidorus. [] Isid. orig. 12, 6, 18Aranea genus piscis, dictus quod aere feriat ; habet enim stimulos e quibus percutit.Aranea genus est piscis, dictum eo quod aure feriat. Habet tantum5enim VB. in ea stimulos quibus percutit proximantes.

[3] [] VB 17, 32, 3Pline, livre 9. [] Plin. nat. 9, 155C’est le dard de son épine dorsale qui la rend dangereuse et venimeuse.

[3] [] VB 17, 32, 3Plinius libro IX. [] Plin. nat. 9, 155Aeque pestiferum animal araneus, spinae in dorso aculeo noxius.Aculeo6araneus ante aculeo hab. VB. spinae in dorso obnoxius7abnoxius 1491 Prüss1 noxius 1536. est ac venenosus.

[4] [] VB 17, 32, 3 Nota HSPline, même livre. [] Plin. nat. 9, 145Le bélier de mer est un poisson qui procède comme un voleur. Tantôt, caché dans l’ombre vaste des bateaux au mouillage, il attend, espérant qu’un marin cède au plaisir de nager, tantôt, la tête dressée hors de l’eau, il épie les barques des pêcheurs et, nageant vers elles sans se faire voir, il les coule.

[4] [] VB 17, 32, 3 compil.Plinius8plinius — eodem non hab. VB. in eodem. [] Plin. nat. 9, 145Grassatur aries ut latro et nunc grandiorum nauium in salo stantium occultatus umbra, si quem nandi uoluptas inuitet, expectat, nunc elato extra aquam capite piscantium cumbas speculatur occultusque adnatans mergit.Aries est piscis9spicis VBd. qui grassatur10crassatur VBd. ut latro : nunc grandi11grandiorum VB. navium in salo stantium occultatus umbra12Le texte de Plin. nat. 9, 145 : grandiorum nauium, « à l’ombre des grands bateaux », a été corrompu pour aboutir à l’unité sémantique plus improbable grandi umbra, « dans l’ombre vaste »., si quem nandi voluptas invitet expectat, nunc elato extra aquam capite piscantium cymbas speculatur, occultatusque13occultusque VB. adnatans mergit.

[5] [] VB 17, 32, 4Esculape, dans le De animalibus. [] AS 4, 5, 31aQuand on vient à l’apercevoir, le poisson arini ou harini rend ivre et incite à se battre et à se bagarrer ; mais quand on en a mangé, cette irritabilité disparaît.

[5] [] VB 17, 32, 4Esculapius14L’ouvrage mis sous le nom d’Esculape auquel il est ici fait référence ne nous est parvenu qu’à travers des citations ; il fait partie des textes zoologiques qui accompagnent régulièrement dans les encyclopédies médiévales les références au De animalibus de Iorach et dont aucun texte complet n’a pu être retrouvé à ce jour : le Liber de sensibus de Belbetus, le Liber Romanorum de Pythagoras, le De naturalibus de Zeno, le De venenis d’Alchildius, le De membris ou De virtutibus membrorum d’Esculape. On peut alors supposer que les encyclopédistes latins du XIIIe siècle ont vraisemblablement eu accès à cette documentation médico-magique par l’intermédiaire d’un recueil de citations déjà constitué et qui aurait été sans doute compilé dans le milieu médical salernitain. in libro De animalibus. [] AS 4, 5, 31aHomo quando vidit piscem harym, inebriat et movet eum ad rixas et contentiones. Postquam comederit, placatur ira eius (Esculape cité d’après Arnold de Saxe).Arini15arimi VB. sive16sive — piscis non hab. VBd. harini17harimi VB2. piscis, cum homo viderit eum, inebriat et movet eum ad rixas et contentiones. Postquam vero comederit, placatur ira ejus.

Propriétés et indications

Operationes

[6] [] VB 17, 32, 2A. [] Avic. canon 4, 6, 5, 28Les morsures de l’araignée de mer se soignent, dit-on, comme celles de tous les reptiles marins venimeux, avec les thériaques qui soignent le venin froid, avec les remèdes contre la rutèle6Le terme rutela, qui désigne une petite araignée, n’apparaît que tardivement en latin. Voir Du Cange 1883-1887, s. v. et avec la thériaque spécifique de ces animaux.

[6] [] VB 17, 32, 2A.18L’auteur de l’Hortus sanitatis a fait disparaître de son montage de citations la référence à Avicenne bien présente dans sa source Vincent de Beauvais. [] Avic. canon 4, 6, 5, 28Summa curationis reptilium marinorum venenosorum. Dixerunt omnes ut curentur cum tyriacis et cum eis quibus curatur venenum frigidum et cum medicis rutelarum et tyriaca earum.Araneae19aranea 1491 Prüss1 huius VB. itaque morsus ceterorumque reptilium marinorum venenosorum dixerunt curandos esse cum theriacis20tyriacis 1491 Prüss1 1536 thiriacis VB2. quibus curatur venenum frigidum et cum medicinis rutelarum et theriaca21thyriaca VB2. eorum22earum VB..

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1Les noms araneus, i, m. (Plin. nat. 9, 155) et aranea, ae, f. (Isid. orig. 12, 6, 18) coexistent en latin et désignent couramment un poisson venimeux qu’on peut identifier avec la vive et dont il existe plusieurs espèces. L’araneus / aranea qu’évoquent Pline et Isidore de Séville serait plus probablement la grande vive (Trachinus draco Linné, 1758) ou la vive araignée (Trachinus araneus Cuvier, 1829) : voir De Saint Denis 1947, 9 et 33. Si araneus / aranea désignent une vive dans la tradition latine classique, en revanche, nous hésitons à reconnaître la vive dans l’aranea des citations d’Avicenne.

2Les descriptions du bélier de mer chez Plin. nat. 9, 10 ; Plin. nat. 9, 145, et Plin. nat. 32, 144, renvoient à l’orque, ou épaulard, comme le précise De Saint-Denis 1947, 9-10. S’il peut être assez facilement apprivoisé, l’orque est un dauphin géant, dont le comportement agressif est bien connu. C’est un chasseur redoutable qui se nourrit d’autres poissons et mammifères marins, et sa traque peut l’amener très près des plages. De plus, Kitchell & Resnick 1999, 1662, n. 46, notent que les taches blanches qui se trouvent au-dessus des yeux de l’orque peuvent faire penser à des cornes de bélier et être à l’origine de l’appellation aries marinus. Le nom scientifique actuel de l’orque est Orcinus orca Linné, 1758, mais sa classification dans la nomenclature zoologique ayant évolué, on trouve aussi pour désigner le même animal les étiquettes Delphinus orca Linné, 1758 (De Saint-Denis 1947) ou Gladiator orca Bonnaterre, 1789.

3Rien ne nous permet d’identifier dans le bref extrait du De animalibus de Iorach cité par l’intermédiaire d’Arnold de Saxe le poisson désigné sous l’appellation (h)arini, et l’origine linguistique de la racine arin / arym n’a pas encore été élucidée.

4Les renseignements contenus dans les extraits qu’Avicenne consacre à l’aranea et reproduits par l’Hortus sanitatis ne nous permettent pas d’identifier avec sûreté l’animal évoqué. Le passage s’inscrit dans un traité précisément consacré aux piqûres et morsures des petits animaux venimeux et qui s’achève par quatre rubriques dédiées aux morsures d’animaux marins. Ces dernières ont toutes été réinsérées dans l’Hortus sanitatis via Vincent de Beauvais, mais redistribuées dans les chapitres appropriés : scorpio marinus (Avic. canon 4, 6, 5, 25 : voir ch. 86, 15-16), aranea marina, rana marina rubea (Avic. canon 4, 6, 5, 27 : voir ch. 76, 3-6), reptiles marini venenosi (Avic. canon 4, 6, 5, 28 : passage recomposé au sein de ce chapitre dans l’operatio A relative à l’aranea marina). À propos de l’aranea marina, Avicenne se contente de signaler sa ressemblance avec le scorpio marinus ; du scorpio marinus, il n’évoque que les maux dont il est responsable et les médications qui leur sont adaptées ; quant à la rana marina rubea, il rappelle sa technique de chasse et les remèdes qui peuvent soigner ses morsures. Ces informations sont insuffisantes pour nous permettre d’identifier avec sûreté les animaux cités par Avicenne comme les poissons de mer traditionnellement désignés en latin classique sous ces appellations : la scorpène rouge ou rascasse, pour le scorpio marinus, la vive pour l’aranea marina et la baudroie rousse pour la rana marina rubea, dont les piqûres (rascasse et vive) ou morsures (baudroie) sont redoutées des pêcheurs.

5André 1986, 192, et n. 354, a corrigé la forme aure transmise par la tradition manuscrite en aere : la parenté étymologique décelée par Isidore de Séville entre l’adjectif de matière aeraneus, « d’airain », et le nom d’espèce aranea, « vive », jouerait alors sur aes, « l’airain », et les armes que constituent les épines de la vive : « l’aranea est une espèce de poisson nommé de ce qu’il frappe avec l’airain (aere) ; il a en effet des aiguillons avec lesquels il pique ». Mais le raisonnement implicite d’Isidore de Séville a facilement pu échapper à ses lecteurs. L’étymon auris ne leur paraissait pas nécessairement aberrant : en effet, les vives possèdent également sur leurs opercules des épines renfermant des glandes à venin ; or les opercules et les ouïes ont pu parfois être confondus avec des oreilles par les Anciens (ainsi l’étymologie du français ouïe qui remonte à auris, l’oreille).

6Le terme rutela, qui désigne une petite araignée, n’apparaît que tardivement en latin. Voir Du Cange 1883-1887, s. v.

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1caput 3 1536.

2araneos Prüss1 aranea 1536.

3La forme araneus serait la plus ancienne. Dès l’Antiquité, Servius indiquait à propos de l’emploi d’araneus par Virgile (Serv. georg. lib. 4, comm. ad versum 247) que les Anciens appelaient le même animal en utilisant le genre masculin : Sciendum maiores animal ipsum masculino genere appellasse. La notice du TLL indique que l’emploi d’aranea n’est pas antérieur en poésie à Catulle et en prose à Fronton (IIe s. apr. J.-C.).

4propinqua 1491.

5enim VB.

6araneus ante aculeo hab. VB.

7abnoxius 1491 Prüss1 noxius 1536.

8plinius — eodem non hab. VB.

9spicis VBd.

10crassatur VBd.

11grandiorum VB.

12Le texte de Plin. nat. 9, 145 : grandiorum nauium, « à l’ombre des grands bateaux », a été corrompu pour aboutir à l’unité sémantique plus improbable grandi umbra, « dans l’ombre vaste ».

13occultusque VB.

14L’ouvrage mis sous le nom d’Esculape auquel il est ici fait référence ne nous est parvenu qu’à travers des citations ; il fait partie des textes zoologiques qui accompagnent régulièrement dans les encyclopédies médiévales les références au De animalibus de Iorach et dont aucun texte complet n’a pu être retrouvé à ce jour : le Liber de sensibus de Belbetus, le Liber Romanorum de Pythagoras, le De naturalibus de Zeno, le De venenis d’Alchildius, le De membris ou De virtutibus membrorum d’Esculape. On peut alors supposer que les encyclopédistes latins du XIIIe siècle ont vraisemblablement eu accès à cette documentation médico-magique par l’intermédiaire d’un recueil de citations déjà constitué et qui aurait été sans doute compilé dans le milieu médical salernitain.

15arimi VB.

16sive — piscis non hab. VBd.

17harimi VB2.

18L’auteur de l’Hortus sanitatis a fait disparaître de son montage de citations la référence à Avicenne bien présente dans sa source Vincent de Beauvais.

19aranea 1491 Prüss1 huius VB.

20tyriacis 1491 Prüss1 1536 thiriacis VB2.

21thyriaca VB2.

22earum VB.

Annotations scientifiques

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