<1> Mais le duc, mécontent que son frère l’ait quitté, lève une armée et part l’assiéger à Mileto, en l’an 1062 de l’incarnation du Seigneur. Quoique le comte fût alors accablé par une sorte de fièvre – il s’était en effet rendu à Gerace1Roger connaît Gerace, pour s’y être déjà rendu à la demande de Guiscard (voir I, 21, 2). L’Anonyme du Vatican situe les événements en Sicile, peut-être par confusion avec Geraci Siculo (prov. Palerme), forteresse située au nord-est de Petralia Soprana. Voir encore II, 24, 1., où certaines affaires2Malaterra ne dit rien ici de la nature des « affaires » qui éloignent Roger de son château de Mileto pour gagner Gerace. Mais on apprend, en II, 24, 1 et II, 26, 1, qu’il avait su se gagner la fidélité des habitants de Gerace aux dépens de son frère. l’avaient appelé et où il avait perdu certains des siens, terrassés par l’air inhabituel, qui l’avait lui-même aussi rendu malade –, il se porte néanmoins avec une extrême détermination au-devant de son frère qui venait en ennemi, sur le mont dit de Sant’Angelo ; et, après que beaucoup de chevaliers de l’armée de son frère eurent été désarçonnés à la force de la lance pendant l’affrontement, le comte, lançant l’attaque, repousse ses ennemis assez loin pour qu’ils ne fixent pas leur campement, comme ils s’y étaient résolus, sur ce mont précisément ou même sur celui d’à côté, qu’on nomme Monteverde. <2> Durant le siège de la ville, la recherche de la gloire et la jeunesse poussaient un grand nombre de chevaliers des deux camps à manifester leur ardeur à la guerre3Selon Barthélemy 2007b, 1661-1663, les exercitia militaria qui se déroulent devant Mileto s’apparentent à des tournois, dont la pratique, précoce, a pu être importée de France. Les chevaliers cherchaient moins à tuer l’adversaire – la mort d’Arnaud est bientôt pleurée dans les deux camps – qu’à le désarçonner pour s’emparer de son cheval et de son harnachement. Voir aussi Barthélemy 2010, 182.. Ainsi, pendant qu’en si grand nombre ils s’affrontaient au combat, un jeune homme, du nom d’Arnaud4L’épouse de Roger avait un frère utérin du nom d’Arnaud, troisième fils qu’Hadvise, leur mère, avait eu de son premier époux, Robert de Grandmesnil. Orderic Vital, HE, vol. II, p. 58, cite Arnaud parmi les plus remarquables chevaliers normands qui s’expatrièrent en Italie : il figure aux côtés des fils de Tancrède de Hauteville (Dreux, Onfroi, Guillaume, Robert Guiscard et Roger)., qui faisait partie de l’armée du comte – c’était en effet son beau-frère, le frère de sa jeune épouse – et était expert dans l’art chevaleresque, fut jeté à terre par l’adversaire qu’il tentait de désarçonner et il périt – on ne peut le dire sans chagrin ! Ce fut une immense douleur, et les lamentations se répandirent non seulement parmi ses compagnons, mais aussi parmi les assiégeants. <3> Mais, tandis que la sœur du jeune homme assistait aux funérailles dans la plus grande désolation, suivant le convoi funèbre comme il convenait, le comte, qui ne souffrait pas moins que son épouse, brûlant de le venger, se lance à l’assaut des ennemis, les terrasse dans le combat et les tue en grand nombre. <4> Alors, le duc, voyant que ses hommes étaient mis à mal chaque jour par de tels assauts et n’obtenaient guère de succès, fit construire deux forts devant la ville5L’un de ces forts est construit sur la colline de Sant’Angelo (voir II, 27, 2). Anon. Vat., p. 757, apporte, à propos de la localisation des deux forts, un détail plus précis que Malaterra, mais qu’il a pu déduire de la lecture de la fin du chapitre : duobus castellis ligneis compositis, civitatem ex utraque parte, idest sursum et deorsum, obsidet, « ayant fait construire deux forts en bois, il assiège la ville de part et d’autre, au nord et au sud ». On comprend l’avantage dont Roger dispose pour attaquer les forts alternativement (voir la fin du chapitre). Robert, en effet, arrivait nécessairement trop tard au secours du château assailli par son frère, puisqu’il devait contourner la ville, tandis que Roger n’avait qu’à la traverser., pensant qu’ainsi, par la lassitude et par la faim, il viendrait plus facilement à bout de ses adversaires. Mais, le comte, lançant des attaques quotidiennes contre ces forts, assiégeait l’un lorsqu’il savait que le duc était dans l’autre ; et quittant le premier dès qu’il voyait le duc accourir pour prêter main-forte, il passait au second par le milieu de la ville, changeant ainsi continûment ses positions de combat.
<1> Dux vero fratrem [+] [post fratrem add. suum Me. [-]] fratremfratremfratremfratremfratremfratrem suum a se recessisse [+] [recessisse ZB : recepisse C. [-]] recessisserecessisserecessisserecepisse iratus, exercitu congregato, eum apud Melitum [+] [melitum C Z : mili- B2 militellum B. [-]] MelitumMelitumMelitum [+] [B2 : Militum [-]] Militellum obsessum vadit anno incarnationis Domini MLXII. Comes autem, quamvis tunc temporis [+] [tunc temporis post febrium transt. B. [-]] typo febriumtunc temporis typo febriumtunc temporis typo febriumtunc temporis typo febriumtypo febrium tunc temporis gravaretur – apud GeraciumGeraciumGeracium [+] [Z2 : Geracium [-]] GerraciumGirachium enim [+] [enim C Z : ci B. [-]] enimenimenimci, quibusdam negotiis se [+] [se post illuc transt. B. [-]] illuc [+] [illuc ZB : illos C. [-]] se illucse illucilluc sese illos vocantibus, ierat [+] [ierat C B : erat Z edd. [-]] ieraterat, ubi insolito aere corruptos [+] [corruptos C def. Desbordes : -to ZB edd. [-]] corruptoscorrupto ipse nihilominus infirmatus quosdam suorum amiserat –, tamen fratri [+] [fratri C Z : frater B. [-]] fratrifratrifratrifrater, [Z/f.22v-23r] ut hosti venienti, in monte qui Sancti Angeli dicitur acerrime occurrit, multisque ex fraterna acie hastili [+] [hastili C B : hos- Z. [-]] hastilihastilihastilihostili robore militari congressu dejectis [+] [dejectis ZB : direptis C ut vid. [-]] dejectisdejectisdejectisdireptis*direptis ut vid., ne in [+] [in om. Z. [-]] ininin[om.] ipso [+] [ipso C Z : primo B. [-]] ipsoipsoipsoprimo monte vel certe [+] [certe Z : certo C circa B. [-]] certocirca in [+] [in om. B. [-]] ininin[om.] adjacenti, qui Mons viridis dicitur, castra [+] [castra C B Me : castrum Z ed. pr. [-]] castracastracastracastrum, sicut disposuerant [+] [disposuerant ZB : depo- C. [-]] disposuerantdisposuerantdisposuerantdeposuerant, figant [+] [figant Z2B : figunt C fugavit Z. [-]] figantfigant [+] [Z2 : figant [-]] figuntfugavit, impetu facto, longius arcet. <2> Urbe itaque obsessa, ex [+] [ex ZB : et C. [-]] exexexet utraque parte ambitio laudis [+] [laudis ZB : laudit C. [-]] laudislaudislaudislaudit et juvenilis aetas plures ad militiam exercendam impellebat [+] [impellebat C Z : -lenbat B. [-]] impellebatimpellebatimpellebatimpellenbat. Unde, cum plures militariter [+] [militariter C Z : -tanter B. [-]] militaritermilitaritermilitaritermilitanter congrediuntur [+] [congrediuntur C Z1B : progre- Z edd. [-]] congrediuntur [+] [Z1 : congrediuntur [-]] progrediuntur, juvenis quidam, Arnaldus nomine, ex parte comitis – gener quippe suus et [+] [gener quippe suus et Z : geri q. s. et C qui C2 B Pontieri. [-]] gener quippe suus etgeri quippe suus etqui [+] [C2 : qui [-]] frater juvenculae uxoris ejus [+] [ejus om. Z ed. pr. [-]] ejusejus[om.] erat –, vir militaribus exercitiis [+] [militaribus exercitiis C Z : militaris exercitus B. [-]] militaribus exercitiismilitaribus exercitiismilitaribus exercitiismilitaris exercitus aptus [+] [aptus C Z : apud B. [-]] aptusaptusaptusapud, dum dejiceredejiceredejiceredejicere [+] [C1 : dejicere [-]] deijecere temptat dejectus – quod [+] [dejectus quod C Z : dejectus quam Bx dejectusque B. [-]] dolor est dice [EP/f.32-33] re –dejectus – quod dolor est dice [EP/p.32-33] re –dejectus – quod dolor est dice [EP/p.32-33] re –dejectus – quod dolor est dice [EP/p.32-33] re – [+] [Bx : dejectus quam dolor est dicere [-]] dejectusque dolor est dicere occubuit. Unde permaximus dolor et planctus [+] [planctus C ZB2 : -tum B. [-]] planctusplanctusplanctus [+] [B2 : planctus [-]] planctum non solum his quibus adjutor erat, verum [+] [quibus — verum om. B. [-]] etiam [+] [etiam C : tamen Z edd. om. B. [-]] quibus adjutor erat, verum tamen[om.] ipsis [+] [ipsis C : hiis ZB his ed. pr. his ipsis Pontieri. [-]] hiishishis ipsis qui a foris [+] [foris ZB : feris C. [-]] forisforisforisferis impugnabant excrevit [+] [excrevit C Z : exercuit B Me. [-]] excrevitexcrevitexcrevitexercuit. <3> At [+] [at C ZB : ac edd. [-]] AtAtac dum [+] [dum C Z : cum B. [-]] dumdumdumcum soror cum multa lamentatione exequias [+] [exequias C B : exiquias Z. [-]] exequiasexequiasexequiasexiquias celebrans [+] [celebrans ZB : -rant C. [-]] celebranscelebranscelebranscelebrant funus, ut decebat, exequitur, comes, qui non [+] [non om. C. [-]] nonnonnon[om.] minus sorore dolebat, in vindictam exardescens [+] [exardescens C Z : -denses B. [-]] exardescensexardescensexardescensexardenses juvenis [+] [juvenis om. B. [-]] juvenisjuvenisjuvenis[om.], congressu in hostem facto, multos militariter [+] [militariter C Z : -tanter B. [-]] militaritermilitaritermilitaritermilitanter sternens [+] [sternens C B : exter- Z. [-]] sternenssternenssternensexternens interimit. <4> Dux itaque, videns talibus congressionibus [+] [congressionibus C B : ing- Z. [-]] congressionibuscongressionibuscongressionibusingressionibus suos [+] [suos C ZB : suis Pontieri. [-]] suossuossuossuis quotidie vexari et minus proficere, duo castella ante urbem firmavit, putans taedio et fame sic [+] [sic om. B Pontieri. [-]] sicsic[om.] eos [+] [eos post facilius transt. B Pontieri. [-]] facilius [+] [facilius ZB : facius C. [-]] eos faciliuseos faciusfacilius eos posse affici. Comes vero, ipsa castella quotidie lacessens [+] [lacessens C B : -siens Z. [-]] lacessenslacessenslacessenslacessiens, cum ducem [+] [ducem ZB : duce C. [-]] ducemducemducemduce in uno esse sciebat, alterum oppugnabat ; cum vero ad idem [+] [idem C ZB : id ed. pr. [-]] idemidemidemid succurrendum venire videbat, illo relicto, per medium civitatis ad aliud transibat, sic assidue certamen [+] [certamen om. B. [-]] certamencertamencertamen[om.] localiter alternans.
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1Roger connaît Gerace, pour s’y être déjà rendu à la demande de Guiscard (voir I, 21, 2). L’Anonyme du Vatican situe les événements en Sicile, peut-être par confusion avec Geraci Siculo (prov. Palerme), forteresse située au nord-est de Petralia Soprana. Voir encore II, 24, 1.
2Malaterra ne dit rien ici de la nature des « affaires » qui éloignent Roger de son château de Mileto pour gagner Gerace. Mais on apprend, en II, 24, 1 et II, 26, 1, qu’il avait su se gagner la fidélité des habitants de Gerace aux dépens de son frère.
3Selon Barthélemy 2007b, 1661-1663, les exercitia militaria qui se déroulent devant Mileto s’apparentent à des tournois, dont la pratique, précoce, a pu être importée de France. Les chevaliers cherchaient moins à tuer l’adversaire – la mort d’Arnaud est bientôt pleurée dans les deux camps – qu’à le désarçonner pour s’emparer de son cheval et de son harnachement. Voir aussi Barthélemy 2010, 182.
4L’épouse de Roger avait un frère utérin du nom d’Arnaud, troisième fils qu’Hadvise, leur mère, avait eu de son premier époux, Robert de Grandmesnil. Orderic Vital, HE, vol. II, p. 58, cite Arnaud parmi les plus remarquables chevaliers normands qui s’expatrièrent en Italie : il figure aux côtés des fils de Tancrède de Hauteville (Dreux, Onfroi, Guillaume, Robert Guiscard et Roger).
5L’un de ces forts est construit sur la colline de Sant’Angelo (voir II, 27, 2). Anon. Vat., p. 757, apporte, à propos de la localisation des deux forts, un détail plus précis que Malaterra, mais qu’il a pu déduire de la lecture de la fin du chapitre : duobus castellis ligneis compositis, civitatem ex utraque parte, idest sursum et deorsum, obsidet, « ayant fait construire deux forts en bois, il assiège la ville de part et d’autre, au nord et au sud ». On comprend l’avantage dont Roger dispose pour attaquer les forts alternativement (voir la fin du chapitre). Robert, en effet, arrivait nécessairement trop tard au secours du château assailli par son frère, puisqu’il devait contourner la ville, tandis que Roger n’avait qu’à la traverser.