<1> Il y avait un chevalier, de naissance tout à fait illustre, qui possédait ce village légué par ses ancêtres conformément au droit d’héritage : il se nommait Tancrède1D’après Morlet 1991, 917, il s’agit d’un nom d’origine germanique : Tancrad. On sait très peu de choses sur ce personnage, hormis ce qu’en dit Malaterra. Membre de la familia du duc de Normandie, Richard II le Bon, il obtint le commandement de dix chevaliers dans l’armée ducale, après avoir accompli un exploit lors d’une chasse, raconté par Malaterra en I, 40. Il est mentionné aussi par Orderic Vital (HE, vol. II, p. 98) : Tancredus de Altauilla de pago Constantino extitit. La documentation du XIe siècle donne d’autres attestations de cet anthroponyme : voir par exemple Recueil des actes des ducs de Normandie de 911 à 1066, p. 409-415, nº 218, et Orderic Vital, Historiae ecclesiasticae libri tredecim, A. Le Prevost (éd.), Paris, Société de l’histoire de France – J. Renouard, 1838-1855, t. V, p. 194, Appendix VI, Rotulus 47.. Il épousa une femme de conduite et de naissance exceptionnelles, du nom de Murielle2Le nom Muriella apparaît chez l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 745), qui évoque, comme Malaterra, les qualités de la jeune femme : « Tancrède avait une épouse de très haute noblesse, du nom de Murielle, dont la beauté ne tenait pas moins à son apparence qu’à sa pudeur ». Selon Stasser 1990, 52 et 55, qui reprend Vajay 1971, 130-131, Murielle et Fressende seraient les filles naturelles du duc Richard II de Normandie, nées avant le mariage du duc avec Judith de Bretagne. Cette information est douteuse, et il convient de la prendre avec la plus grande précaution, de même que les dates données en annexe de l’article, qui ne reposent que sur des hypothèses. Voir encore Van Houts 2000, 224. Le nom Murielle est bien attesté en Normandie au XIe siècle : voir une occurrence de Muriel dans Musset 1966, 206, nº I. et, suivant le cours normal des ans, il eut d’elle cinq fils3Les noms des douze fils de Tancrède sont également énumérés dans l’Historia Sicula de l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 745) et dans le Chronicon de Romuald de Salerne. Mais à en croire ce dernier (Romualdi Salernitani Chronicon, C. A. Garufi (éd.), in RIS2, t. VII, 1, fasc. 127, 166, 221, 283-284, 1914-1935, p. 183-184), d’une part, Hubert serait nommé Frumence ; d’autre part, l’ordre de naissance serait le suivant : Serlon (Sarnus), Geoffroi, Dreux, Guillaume Bras de fer, Onfroi, Mauger, Robert Guiscard, Alfred, Tancrède, Guillaume de San Nicandro, Frumence et Roger. Toutefois, les événements, et en particulier la fortune de Guillaume Bras de fer, donnent raison à Malaterra. Sur les filles de Tancrède, voir « Introduction » de la version imprimée, n 76., qui allaient ensuite devenir comtes4Sur les cinq fils aînés de Tancrède, quatre se rendirent en Pouille et devinrent comtes. Guillaume Bras de fer et Dreux sont nommés comtes à Melfi en 1042 (voir I, 11, 2). Onfroi arrive plus tard, entre 1043 et 1045, et devient comte de Lavello (I, 12, 3). Geoffroi est le futur comte de Civitate et de la Capitanate (I, 15, 2). Seul, Serlon ne se serait pas rendu en Italie méridionale (I, 38-39). : Guillaume, surnommé Bras de fer, Dreux, Onfroi, Geoffroi et Serlon. <2> Après la mort de leur mère, leur père, trop jeune encore pour rester chaste, en homme honnête plein de dégoût pour les relations déshonnêtes, contracta un second mariage, préférant se contenter d’une femme unique et légitime plutôt que se souiller dans l’étreinte honteuse de concubines5L’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 745) met, plus que Malaterra encore, l’accent sur la piété du personnage et celle de son épouse : « […] jamais dans leur vie ils ne s’unirent charnellement sans préalablement se mettre à genoux et prier le Seigneur qu’il voulût leur donner un descendant digne d’eux et qui lui plût »., car il se souvenait de cette parole de l’Apôtre : « Que chaque homme prenne femme pour échapper à la fornication », et de la suivante : « Dieu jugera les fornicateurs et les adultères ». <3> La femme qu’il épousa s’appelait Fressende6Le nom de la seconde épouse de Tancrède n’est donné que par Malaterra, repris par l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 745) : « À la mort de Murielle il se remaria avec une femme de naissance illustre, nommée Fressende »., qui ne le cédait en rien à la première par sa naissance et sa conduite ; elle donna à son mari, dans les délais habituels, sept fils, qui n’allaient pas montrer moins de valeur ni de dignité que leurs frères, que nous venons de citer. En voici les noms : l’aîné était Robert Guiscard7Le surnom de Guiscard fut donné à Robert par Girard de Buonalbergo, selon Aimé III, 11 (« Viscart » ; repris par Leo Ost. III, 15, p. 377, l. 23 : Viscardum) ; ou par Onfroi, selon Orderic Vital, Interp. GG, VII (30) = GND 2, 158, qui précise que c’est la ruse de Robert qui lui valut son surnom : Vnfridus […] Roberto fratri suo, quem pro versutiis Wiscardum cognominaverat. Guiscard vient du vieux français guiscart, guichard, « rusé, avisé », et guichard devient un nom de famille (Godefroy 1881-1902, s.v.). Morlet 1991, 313, s.v. Guichard, précise que l’anthroponyme Guichard, d’origine germanique et répandu, vient de « wig-hard- » (wig-, « combat » ; hard-, « dur, fort »), mais ajoute que le nom de la ruse en ancien français est guiche. De même, Guil. Ap. II, 129-130 : « On le surnommait Guiscard, parce qu’il avait plus d’habileté (calliditatis) que Cicéron et que le retors (versutus) Ulysse » (trad. personnelle). Anne Comnène (Alexiade (règne de l’empereur Alexis I Comnène 1081-1118), B. Leib (éd. et trad.), Paris, Les Belles Lettres (Collection byzantine), 1937-1945, livre I, 10, 4 ; trad. : t. I, p. 37), elle-même, lui reconnaît « une finesse extrême » (τὴν ψυχὴν πανουργότατος). Le nom Guiscardus est attesté dans plusieurs actes normands datés de la seconde moitié du XIIe ou du début du XIIIe siècle, avec les graphies Guiscardus, Guischardus, Wiscardus, Guischart. Voir, par exemple, Cartulaire de l’église de la Sainte-Trinité de Beaumont-le-Roger, É. Deville (éd.), Paris, H. Champion, 1912, nº 33 (a. 1197), p. 35., futur prince de toute la Pouille et duc de Calabre8Robert est officiellement investi du titre de dux Apuliae et Calabriae à la fin août 1059, lors du concile tenu à Melfi par Nicolas II (I, 34-35). Peu avant ou peu après cette investiture, Robert est acclamé dux par son armée après la prise de Reggio, qui date de juin 1059 ou 1060 (voir Martin 2006a, 314-315, et infra, I, 35)., homme de grande sagesse, de grande intelligence, de grande générosité et de grand courage9Malaterra dresse une liste rapide des principales qualités de Robert, qui lui sont aussi reconnues par d’autres récits ou poèmes médiévaux, favorables ou non au héros. Voir en particulier Guil. Ap. II, 298-307, et Anne Comnène, Alexiade…, livre I, 10, 4. Sur le sens d’audacia, « courage », voir en dernier lieu Sivo 2014, 253 et n. 76., le deuxième Mauger, le troisième Guillaume10Sur Mauger et Guillaume, voir I, 15., le quatrième Alfred, le cinquième Hubert, le sixième Tancrède11On ignore tout de l’avenir d’Alfred, Hubert et Tancrède (voir Tabuteau 1992, n. 41)., le septième et dernier Roger, futur conquérant et comte de Sicile12Il est difficile de dire précisément quand Roger devint comte de Sicile. Malaterra le nomme comes dès le prologue du livre II, mais il utilise le syntagme comes Siciliae pour la première fois lors du siège de Bari, en 1071 (II, 43, 6). En I, 25, 2, il le présente encore comme un penuriosus juvenis, précisant qu’il deviendra un jour « un comte immensément riche ». Sans doute peut-on considérer que Roger prend le titre de comte avec l’accord de condominium qui, établi, selon Malaterra, entre lui et Guiscard en 1058, serait devenu effectif en 1062 (I, 29). Cependant, Romuald de Salerne (Romualdi Salernitani Chronicon, p. 202 ; cité dans « Introduction » de la version imprimée, n. 52), prenant pour point de départ la première année de la conquête de la Sicile, affirme qu’au moment de mourir, en 1101, Roger était comte depuis 41 ans. Par ailleurs, si Roger est mort à 61 ans – et non à 51, comme le dit encore Romuald de Salerne (ibid.), ce qui est impossible –, il faut dater sa naissance de l’année 1040 (voir Houben 1996, 87, n. 29).. <4> Mais leur mère, qui élevait ses fils avec l’affection très attentive d’une mère, entourait de tant d’amour les fils qui n’étaient pas les siens, mais ceux que son mari avait eus de sa première épouse, qu’à moins d’en avoir été informé par ailleurs on pouvait difficilement distinguer ses fils de ceux qui ne l’étaient pas : elle n’en était que plus aimée de son mari et tenue en très haute estime par son entourage. <5> Ces garçons, ayant traversé les années de l’enfance suivant le cours de leur âge, dès lors qu’ils eurent atteint l’un après l’autre l’âge de la jeunesse, commencèrent à recevoir la formation des chevaliers et à s’appliquer assidûment à la pratique de l’équitation et des armes, apprenant à se défendre et à combattre l’ennemi.
<1> Erat miles quidam [+] [quidam A B : quiddam C quidem Z Pontieri. [-]] quidamquidamquiddamquidem praeclari admodum generis, qui, ab antecessoribus suis hereditario jure [+] [jure C ZB : virens A. [-]] jurejurejurejurevirens sibi hanc [+] [hanc om. A add A1. [-]] hanchanchanchanc [+] [A1 : hanc [-]] [om.] villam relictam possidens, TancredusTancredusTancredusTancredusTancredusTrankedus nomine, duxit uxorem moribus [+] [moribus AC2 ZB : mari- C. [-]] moribusmoribusmoribusmoribus [+] [C2 : moribus [-]] maribus et genere splendidam, Muriellam [+] [muriellam Desbordes : mulierem AC ZB edd. [-]] mulierema'Le nom de la première des deux épouses de Tancrède n’est donné par aucun manuscrit – pas même par A, bien qu’il figure dans la liste des leçons de A dressée par Caruso dans son édition (Palerme, F. Cichè, 1723, p. 176) : le substantif mulierem lui a été substitué, comme l’a montré Desbordes 2010, 194-196. Seul le scribe de B – ou son modèle – avait tenté de le retrouver, proposant gigligaycia, peut-être issu d’une confusion avec le nom de la seconde épouse de Robert Guiscard, Sikelgaite (voir I, 30, et sommaire). nomine [+] [post nomine lacunam ind. C gigligaycia add. B moriellam add. Ca Pontieri. [-]] nominenominenominenomine <Moriellam>nomine Gigligaycia, ex qua legali [+] [legali AC Z : re- B. [-]] legalilegalilegalilegaliregali successione annorum quinque filios, postea futuros comites, suscepit : GuillelmumGuillelmumWillelmumVullelmumGuilielmum videlicet [+] [videlicet AC Z : inde B. [-]] videlicetvidelicetvidelicetvidelicetinde cognomine Ferrea brachia, Drogonem, HunfredumHunfredumhumfredumhumifredumhunifredum, Gaufredum [+] [post gaufredum add. et ZB edd. [-]] GaufredumGaufredum et, Serlonem [+] [serlonem AC Z : ger- B. [-]] SerlonemSerlonemSerlonemSerlonemgerlonem. <2> Horum matre defuncta, cum ipsa aetas adhuc viridis patri [+] [patri A ZB : patris C. [-]] patripatripatripatripatris continentiam denegaret, vir [+] [vir om. ZB ed. pr. [-]] virvir[om.] honestus inhonestos coitus abhorrens secundas nuptias celebravit, malens una et legitima esse contentus [+] [contentus C ZB : contemptus A. [-]] contentuscontentuscontentuscontentuscontemptus quam [+] [post quam add. se Pontieri. [-]] quamquamquamquamquam se foedo concubinarum [+] [concubinarum A ZB : et concupi- C. [-]] concubinarumconcubinarumconcubinarumconcubinarumet concupinarum amplexu maculari, memor illius apostolici dicti : « Unusquisque accipiat uxorem [+] [uxorem C ZB : vix rem A. [-]] uxoremuxoremuxoremuxoremvix rem propter fornicationem devitandam [+] [devitandam AC Z : e- B. [-]] devitandamdevitandamdevitandamdevitandamevitandam »αLes propos de Paul (I Cor. 7, 2) sont quelque peu modifiés : Propter fornicationes autem unusquisque suam uxorem habeat et unaquaeque suum virum habeat., et quod sequitur : « Fornicatores et adulteros judicabit Deus »βCette citation reprend à la lettre les mots de Paul (Hebr. 13, 4).. <3> Ducta vero Frensendis [+] [frensendis (-scendis C) AC : frans- Z ed. pr. frendensis B. [-]] FrenscendisFransendisFrendensis vocabatur, generositate et moribus priori [+] [priori prop. Desbordes : priore AC ZB edd. [-]] priore non inferior ; quae legitimis terminis marito septem peperit filios, non minoris pretii vel dignitatis a praedictis fratribus futuros [+] [futuros om. B Pontieri. [-]] futurosfuturosfuturos[om.], quorum nomina subtitulamus hic : primus Robertus Guiscardus [+] [guiscardus AC Z2B : -cedus Z dictus a nativitate guiscardus Pontieri. [-]] GuiscardusGuiscardusGuiscardus [+] [Z2 : Guiscardus [-]] Guiscedusdictus Guiscardus dictus nativitate Guiscardus [+] [Be : dictus Guiscardus dictus nativitate Guiscardus [-]] dictus a nativitate Guiscardusb'Pontieri avait écrit Robertus dictus a nativitate Guiscardus d’après les témoignages de B et D, lui-même copie fidèle ici de Be. En effet, B présente la manchette, de nativitate guiscardi, et un signe suscrit à Guiscardus, qui a amené Be (ou un intermédiaire) à insérer dans le corps du texte Robertus dictus guiscardus dictus nativitate Guiscardus., postea totius Apuliae princeps et Calabriae dux, vir magni [+] [magni A ZB : magnus C. [-]] magnimagnimagnimagnimagnus consilii, ingenii, lar [Z/f.8v-9r] gitatis et audaciae, secundus Malgerius [+] [malgerius AC Z2 : -rinus Z algerius B ut semper. [-]] MalgeriusMalgeriusMalgerius [+] [Z2 : Malgerius [-]] MalgerinusAlgerius, [A/f.4v-5r] tertius GuillelmusGuillelmusWillelmusVullelmusGuilielmus, quartus Alveredus [+] [alveredus AC Z : alverdus B. [-]] AlveredusAlveredusAlveredusAlveredusAlverdus, quintus Hubertus [+] [hubertus AC B : humb- Z ed. pr. [-]] HubertusHubertusHubertusHumbertus, sextus TancredusTancredusTancredusTancredusTancredusTrankedus, septimus Rogerius minor, postea Siciliae debellator et comes. <4> Mater vero accuratissime [+] [accuratissime A ZB : -tisme C. [-]] accuratissimeaccuratissimeaccuratissimeaccuratissimeaccuratisme et materno affectu filios suos nutriens, tanto amore ipsos qui non sui sed mariti sui ex praecedenti uxore erant amplectebatur [+] [amplectebatur A Z : amplectabatur B Pontieri -plexabatur C. [-]] amplectebaturamplectebaturamplectabaturamplexabatur ut vix discernere posses, nisi ex aliqua causa didicisses, quis filius vel quis non filius ejus [+] [ejus om. Z ed. pr. [-]] ejusejusejus[om.] esset : unde [+] [unde AC2 Z : nam C B. [-]] unde [+] [C2 : unde [-]] nam et a marito plus amabatur [+] [amabatur A ZB : -bitur C. [-]] amabaturamabaturamabaturamabaturamabitur et a circummanentibus [+] [circummanentibus AC Z : circa manentibus B. [-]] circummanentibuscircummanentibuscircummanentibuscircummanentibuscirca manentibus plurimum [+] [plurimum C ZB : -mu A. [-]] plurimumplurimumplurimumplurimumplurimu appretiabatur. <5> Infantes vero, ut aetas [+] [aetas post illis transt. B [-]] illisaetas illisaetas illisaetas illisaetas illisillis aetas administrabat [+] [administrabat AC B : minis- Z ed. pr. [-]] administrabatadministrabatadministrabatministrabat, pueriles annos transcendentes [+] [transcendentes A ZB : tas- C. [-]] transcendentestranscendentestranscendentestranscendentestascendentes, cum jam adolescentiam unus post alium attigissent [+] [attigissent AC : attingisset ZB. [-]] attigissentattigissentattigissentattingisset, coeperunt militaribus [+] [militaribus AC Z : -tantibus B. [-]] militaribusmilitaribusmilitaribusmilitaribusmilitantibus disciplinis adhaerere [+] [adhaerere C ZB : adhaereret A. [-]] adhaerereadhaerereadhaerereadhaerereadhaereret, equorum et armorum studia frequentare, discentes [+] [discentes AC B : dic- Z. [-]] discentesdiscentesdiscentesdiscentesdicentes seipsos tueri et hostem impugnare.
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1D’après Morlet 1991, 917, il s’agit d’un nom d’origine germanique : Tancrad. On sait très peu de choses sur ce personnage, hormis ce qu’en dit Malaterra. Membre de la familia du duc de Normandie, Richard II le Bon, il obtint le commandement de dix chevaliers dans l’armée ducale, après avoir accompli un exploit lors d’une chasse, raconté par Malaterra en I, 40. Il est mentionné aussi par Orderic Vital (HE, vol. II, p. 98) : Tancredus de Altauilla de pago Constantino extitit. La documentation du XIe siècle donne d’autres attestations de cet anthroponyme : voir par exemple Recueil des actes des ducs de Normandie de 911 à 1066, p. 409-415, nº 218, et Orderic Vital, Historiae ecclesiasticae libri tredecim, A. Le Prevost (éd.), Paris, Société de l’histoire de France – J. Renouard, 1838-1855, t. V, p. 194, Appendix VI, Rotulus 47.
2Le nom Muriella apparaît chez l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 745), qui évoque, comme Malaterra, les qualités de la jeune femme : « Tancrède avait une épouse de très haute noblesse, du nom de Murielle, dont la beauté ne tenait pas moins à son apparence qu’à sa pudeur ». Selon Stasser 1990, 52 et 55, qui reprend Vajay 1971, 130-131, Murielle et Fressende seraient les filles naturelles du duc Richard II de Normandie, nées avant le mariage du duc avec Judith de Bretagne. Cette information est douteuse, et il convient de la prendre avec la plus grande précaution, de même que les dates données en annexe de l’article, qui ne reposent que sur des hypothèses. Voir encore Van Houts 2000, 224. Le nom Murielle est bien attesté en Normandie au XIe siècle : voir une occurrence de Muriel dans Musset 1966, 206, nº I.
3Les noms des douze fils de Tancrède sont également énumérés dans l’Historia Sicula de l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 745) et dans le Chronicon de Romuald de Salerne. Mais à en croire ce dernier (Romualdi Salernitani Chronicon, C. A. Garufi (éd.), in RIS2, t. VII, 1, fasc. 127, 166, 221, 283-284, 1914-1935, p. 183-184), d’une part, Hubert serait nommé Frumence ; d’autre part, l’ordre de naissance serait le suivant : Serlon (Sarnus), Geoffroi, Dreux, Guillaume Bras de fer, Onfroi, Mauger, Robert Guiscard, Alfred, Tancrède, Guillaume de San Nicandro, Frumence et Roger. Toutefois, les événements, et en particulier la fortune de Guillaume Bras de fer, donnent raison à Malaterra. Sur les filles de Tancrède, voir « Introduction » de la version imprimée, n 76.
4Sur les cinq fils aînés de Tancrède, quatre se rendirent en Pouille et devinrent comtes. Guillaume Bras de fer et Dreux sont nommés comtes à Melfi en 1042 (voir I, 11, 2). Onfroi arrive plus tard, entre 1043 et 1045, et devient comte de Lavello (I, 12, 3). Geoffroi est le futur comte de Civitate et de la Capitanate (I, 15, 2). Seul, Serlon ne se serait pas rendu en Italie méridionale (I, 38-39).
5L’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 745) met, plus que Malaterra encore, l’accent sur la piété du personnage et celle de son épouse : « […] jamais dans leur vie ils ne s’unirent charnellement sans préalablement se mettre à genoux et prier le Seigneur qu’il voulût leur donner un descendant digne d’eux et qui lui plût ».
6Le nom de la seconde épouse de Tancrède n’est donné que par Malaterra, repris par l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 745) : « À la mort de Murielle il se remaria avec une femme de naissance illustre, nommée Fressende ».
7Le surnom de Guiscard fut donné à Robert par Girard de Buonalbergo, selon Aimé III, 11 (« Viscart » ; repris par Leo Ost. III, 15, p. 377, l. 23 : Viscardum) ; ou par Onfroi, selon Orderic Vital, Interp. GG, VII (30) = GND 2, 158, qui précise que c’est la ruse de Robert qui lui valut son surnom : Vnfridus […] Roberto fratri suo, quem pro versutiis Wiscardum cognominaverat. Guiscard vient du vieux français guiscart, guichard, « rusé, avisé », et guichard devient un nom de famille (Godefroy 1881-1902, s.v.). Morlet 1991, 313, s.v. Guichard, précise que l’anthroponyme Guichard, d’origine germanique et répandu, vient de « wig-hard- » (wig-, « combat » ; hard-, « dur, fort »), mais ajoute que le nom de la ruse en ancien français est guiche. De même, Guil. Ap. II, 129-130 : « On le surnommait Guiscard, parce qu’il avait plus d’habileté (calliditatis) que Cicéron et que le retors (versutus) Ulysse » (trad. personnelle). Anne Comnène (Alexiade (règne de l’empereur Alexis I Comnène 1081-1118), B. Leib (éd. et trad.), Paris, Les Belles Lettres (Collection byzantine), 1937-1945, livre I, 10, 4 ; trad. : t. I, p. 37), elle-même, lui reconnaît « une finesse extrême » (τὴν ψυχὴν πανουργότατος). Le nom Guiscardus est attesté dans plusieurs actes normands datés de la seconde moitié du XIIe ou du début du XIIIe siècle, avec les graphies Guiscardus, Guischardus, Wiscardus, Guischart. Voir, par exemple, Cartulaire de l’église de la Sainte-Trinité de Beaumont-le-Roger, É. Deville (éd.), Paris, H. Champion, 1912, nº 33 (a. 1197), p. 35.
8Robert est officiellement investi du titre de dux Apuliae et Calabriae à la fin août 1059, lors du concile tenu à Melfi par Nicolas II (I, 34-35). Peu avant ou peu après cette investiture, Robert est acclamé dux par son armée après la prise de Reggio, qui date de juin 1059 ou 1060 (voir Martin 2006a, 314-315, et infra, I, 35).
9Malaterra dresse une liste rapide des principales qualités de Robert, qui lui sont aussi reconnues par d’autres récits ou poèmes médiévaux, favorables ou non au héros. Voir en particulier Guil. Ap. II, 298-307, et Anne Comnène, Alexiade…, livre I, 10, 4. Sur le sens d’audacia, « courage », voir en dernier lieu Sivo 2014, 253 et n. 76.
10Sur Mauger et Guillaume, voir I, 15.
11On ignore tout de l’avenir d’Alfred, Hubert et Tancrède (voir Tabuteau 1992, n. 41).
12Il est difficile de dire précisément quand Roger devint comte de Sicile. Malaterra le nomme comes dès le prologue du livre II, mais il utilise le syntagme comes Siciliae pour la première fois lors du siège de Bari, en 1071 (II, 43, 6). En I, 25, 2, il le présente encore comme un penuriosus juvenis, précisant qu’il deviendra un jour « un comte immensément riche ». Sans doute peut-on considérer que Roger prend le titre de comte avec l’accord de condominium qui, établi, selon Malaterra, entre lui et Guiscard en 1058, serait devenu effectif en 1062 (I, 29). Cependant, Romuald de Salerne (Romualdi Salernitani Chronicon, p. 202 ; cité dans « Introduction » de la version imprimée, n. 52), prenant pour point de départ la première année de la conquête de la Sicile, affirme qu’au moment de mourir, en 1101, Roger était comte depuis 41 ans. Par ailleurs, si Roger est mort à 61 ans – et non à 51, comme le dit encore Romuald de Salerne (ibid.), ce qui est impossible –, il faut dater sa naissance de l’année 1040 (voir Houben 1996, 87, n. 29).
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a'Le nom de la première des deux épouses de Tancrède n’est donné par aucun manuscrit – pas même par A, bien qu’il figure dans la liste des leçons de A dressée par Caruso dans son édition (Palerme, F. Cichè, 1723, p. 176) : le substantif mulierem lui a été substitué, comme l’a montré Desbordes 2010, 194-196. Seul le scribe de B – ou son modèle – avait tenté de le retrouver, proposant gigligaycia, peut-être issu d’une confusion avec le nom de la seconde épouse de Robert Guiscard, Sikelgaite (voir I, 30, et sommaire).
b'Pontieri avait écrit Robertus dictus a nativitate Guiscardus d’après les témoignages de B et D, lui-même copie fidèle ici de Be. En effet, B présente la manchette, de nativitate guiscardi, et un signe suscrit à Guiscardus, qui a amené Be (ou un intermédiaire) à insérer dans le corps du texte Robertus dictus guiscardus dictus nativitate Guiscardus.
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αLes propos de Paul (I Cor. 7, 2) sont quelque peu modifiés : Propter fornicationes autem unusquisque suam uxorem habeat et unaquaeque suum virum habeat.
βCette citation reprend à la lettre les mots de Paul (Hebr. 13, 4).