Chapitre 11

[1491/vue 7] Capitulum XI1caput 10 1536.

Ahuna [le serran, le mulet1Il est hasardeux de proposer une identification univoque pour l’ahuna, dont la description résulte d’une transmission perturbée d’Arist. HA 591 b 1-8 dans la traduction de Michel Scot et, partant, d’une contamination des informations données sur le mulet et le serran par Aristote. Quoi qu’il en soit des réalités évoquées par la notice, le mot ahuna est bien utilisé par Michel Scot pour rendre compte des emplois du grec χάννη, que D’Arcy Thompson 1947, 283, identifie avec le serran (Serranus cabrilla Linné, 1758 ou Serranus scriba Linné, 1758).] [+][VB 17, 101 De ahune [-]][+]

Ahuna [+][VB 17, 101 De ahune [-]][+]

Renvois internes : Ahuna : cf. Chilon, ch. 21 ; Corez, ch. 24 ; Fastaleon, ch. 39 ; Kalaoz, ch. 45 ; Mugilus, ch. 56.

Lieux parallèles : TC, De ahune (6, 3) ; AM, [Hahane] (24, 17 (11)).

poisson

[1] [] VB 17, 101, 1 Nota HSAlbert le Grand dans le De animalibus. [] TC 6, 3L’ahuna2Thomas de Cantimpré tire ses informations sur l’hahuna d’une traduction très confuse d’Aristote (Arist. HA 591 b 1-8) par Michel Scot : Et fastaroz est magis gullosus quam alii pisces, et precipue quod dicitur hahune, et propter hoc extenditur venter suus. Et cum non fuerit ieiunus, est malus ; et cum habuerit timorem, abscondit caput suum in suo corpore, et occultans suum caput comedit carnem. Et theaidoz comedit malakie. Et sepe inflat ventrem suum piscis qui dicitur hahanie et eicit ab eo alios pisces, quoniam venter eius pervenit ad os, et non habet stomachum, « Le fastaroz est plus vorace que les autres poissons et particulièrement celui qu’on appelle hahune, et à cause de cela son ventre est distendu et lorsqu’il n’est pas à jeun il ne vaut rien, et, lorsqu’il a peur, il se cache la tête dans le corps, et en se cachant la tête, il mange ses propres chairs. Et le theaidoz mange des céphalopodes. Et souvent le poisson qu’on appelle hahanie gonfle son ventre et en rejette les autres poissons parce que son ventre va jusqu’à sa bouche et qu’il n’a pas d’estomac ». La traduction de Michel Scot a complètement déformé un passage d’Aristote (Arist. HA 591 b 1-3) qui concernait deux poissons, le mulet (κεστρεύς) et le serran (χάννη). « Le mulet est le plus vorace de tous les poissons et le plus insatiable, aussi son ventre est-il ballonné, et lorsqu’il n’est pas à jeun, il ne vaut rien. Quand il a peur, il se cache la tête en croyant qu’il se cache tout entier. Le dentex lui aussi est carnassier et mange les céphalopodes. Il lui arrive souvent, ainsi qu’au serran, de rejeter son estomac en poursuivant les poissons plus petits, parce que les poissons ont l’estomac près de la bouche et n’ont pas d’œsophage » (Louis 1969, 11). Comme on peut le constater, l’ahuna hérite ainsi les caractéristiques comportementales du mulet, sa voracité et son caractère craintif, et celles du serran dont l’estomac tombe dans la bouche quand il poursuit ses proies (voir aussi sur ce dernier détail Arist. HA 507 a 28-30 MS). Sur l’identification de l’hahuna, voir Kitchell & Resnick 1999, 1664, n. 59. est un monstre marin plus vorace que toutes les autres bêtes de la mer. Il vit de sa chasse, et tout ce qu’il mange contribue à l’engraisser. Par conséquent, comme il n’a pas d’estomac, son ventre, lorsqu’il mange, se distend considérablement et enfle au-delà de toute mesure ; et quand il ne peut plus se dilater davantage, il recrache les poissons <qu’il a avalés> par la bouche ; et cela sans difficulté puisque sa bouche communique directement avec son ventre3Kitchell & Resnick 1999, 1664, n. 59, expliquent le phénomène de dilatation décrit à propos de l’ahuna par les variations de volume de la vessie natatoire que possèdent de nombreux poissons : c’est un organe de flottaison empli d’air, dont le volume s’adapte à la pression que l’eau exerce sur le poisson. D’Arcy Thompson 1947, 284, commentant le passage original d’Aristote consacré au dentex et au serran, met aussi au compte de cette donnée physiologique le fait que ces deux poissons aient paru aux Anciens « recracher » leur estomac quand ils poursuivaient leurs proies. Lorsque les espèces qui ne possèdent pas de conduit excréteur pour la vessie natatoire s’élèvent brutalement, l’air de la vessie natatoire, qui ne subit plus la même pression d’eau, se dilate au point d’entraîner une déchirure de la vessie et éventuellement du mésentère : les intestins peuvent alors se retourner et saillir dans la bouche., car, comme tous les poissons, il est dépourvu de cou. C’est un animal si gros que lorsqu’il redoute un danger, il rentre et contracte sa peau et ses chairs et cache en lui-même les extrémités de son corps, comme le hérisson, si bien qu’elles ne sont plus visibles. Mais son comportement n’est pas sans lui porter préjudice. En effet, il a si peur de mourir que, s’il sent que le danger ne se relâche pas et que la bête tapie à l’affût ne s’éloigne pas, il ne redresse pas la tête et la garde cachée à l’intérieur de son corps ; et, quand la faim le tourmente, il se nourrit de ses propres chairs, car il aime mieux se manger lui-même en partie que d’être entièrement dévoré en devenant la proie des bêtes marines.

[1] [] VB 17, 101, 1 compil.Albertus2albertus — animalium non hab. VB. in libro De naturis animalium3Le marqueur est erroné : la notice est ici tirée de Thomas de Cantimpré via le Speculum naturale. Le compilateur de l’Hortus sanitatis n’a pas trouvé chez Vincent de Beauvais de référence explicite et a restitué une source fautive, quoique vraisemblable, puisque le livre d’Albert le Grand comporte lui aussi une notice consacrée à l’ahuna, qu’il nomme hahane, où l’on trouve les mêmes renseignements. Le chapitre précédent du Speculum naturale s’achevait sur un emprunt explicite au Liber de natura rerum, et Vincent de Beauvais ne répète généralement pas une mention de source en début de chapitre quand elle est identique à la dernière référence du chapitre précédent. Vincent de Beauvais suit assez fidèlement la première partie de la notice de Thomas de Cantimpré.. [] TC 6, 3Ahuna4ahune 1491 VB2 hahane Prüss1. monstrum est maris gulosius cunctis marinis beluis. Praeda vivit, et in crassitudine corporis sui vertitur ei quicquid comedit. Unde quia stomacho caret, venter ejus, quando comedit, multum extenditur et inflatur supra modum ; et cum amplius extendi nequit, pisces per os ejicit. Et hoc de facili quia, cum collo careat, sicut5post sicut hab. et VB. ceteri pisces, os ejus contiguum est ventri. Est autem adeo crassum animal quod, quando periculum timet, pellem et carnes suas contrahens replicat et extremitates sui corporis intra se, sicut ericius6iricius 1491 Prüss1 VB2 hericaneus 1536., abscondit, ita ut non appareant. Quod tamen aliquando sine sui detrimento non facit. Mortem enim adeo timet quod, cum periculum senserit non laxari nec7ne 1491 Prüss1 om. 1536. abscedere bestiam quae in insidiis latet, nequaquam caput foras extrahit, quod intra corpus suum abscondit. Sed cum affligitur fame, carnes suas devorat, magis eligens in parte absumi quam praeda facta beluis8ante beluis hab. in Prüss1. in toto9totum 1536. consumi.

~

1Il est hasardeux de proposer une identification univoque pour l’ahuna, dont la description résulte d’une transmission perturbée d’Arist. HA 591 b 1-8 dans la traduction de Michel Scot et, partant, d’une contamination des informations données sur le mulet et le serran par Aristote. Quoi qu’il en soit des réalités évoquées par la notice, le mot ahuna est bien utilisé par Michel Scot pour rendre compte des emplois du grec χάννη, que D’Arcy Thompson 1947, 283, identifie avec le serran (Serranus cabrilla Linné, 1758 ou Serranus scriba Linné, 1758).

2Thomas de Cantimpré tire ses informations sur l’hahuna d’une traduction très confuse d’Aristote (Arist. HA 591 b 1-8) par Michel Scot : Et fastaroz est magis gullosus quam alii pisces, et precipue quod dicitur hahune, et propter hoc extenditur venter suus. Et cum non fuerit ieiunus, est malus ; et cum habuerit timorem, abscondit caput suum in suo corpore, et occultans suum caput comedit carnem. Et theaidoz comedit malakie. Et sepe inflat ventrem suum piscis qui dicitur hahanie et eicit ab eo alios pisces, quoniam venter eius pervenit ad os, et non habet stomachum, « Le fastaroz est plus vorace que les autres poissons et particulièrement celui qu’on appelle hahune, et à cause de cela son ventre est distendu et lorsqu’il n’est pas à jeun il ne vaut rien, et, lorsqu’il a peur, il se cache la tête dans le corps, et en se cachant la tête, il mange ses propres chairs. Et le theaidoz mange des céphalopodes. Et souvent le poisson qu’on appelle hahanie gonfle son ventre et en rejette les autres poissons parce que son ventre va jusqu’à sa bouche et qu’il n’a pas d’estomac ». La traduction de Michel Scot a complètement déformé un passage d’Aristote (Arist. HA 591 b 1-3) qui concernait deux poissons, le mulet (κεστρεύς) et le serran (χάννη). « Le mulet est le plus vorace de tous les poissons et le plus insatiable, aussi son ventre est-il ballonné, et lorsqu’il n’est pas à jeun, il ne vaut rien. Quand il a peur, il se cache la tête en croyant qu’il se cache tout entier. Le dentex lui aussi est carnassier et mange les céphalopodes. Il lui arrive souvent, ainsi qu’au serran, de rejeter son estomac en poursuivant les poissons plus petits, parce que les poissons ont l’estomac près de la bouche et n’ont pas d’œsophage » (Louis 1969, 11). Comme on peut le constater, l’ahuna hérite ainsi les caractéristiques comportementales du mulet, sa voracité et son caractère craintif, et celles du serran dont l’estomac tombe dans la bouche quand il poursuit ses proies (voir aussi sur ce dernier détail Arist. HA 507 a 28-30 MS). Sur l’identification de l’hahuna, voir Kitchell & Resnick 1999, 1664, n. 59.

3Kitchell & Resnick 1999, 1664, n. 59, expliquent le phénomène de dilatation décrit à propos de l’ahuna par les variations de volume de la vessie natatoire que possèdent de nombreux poissons : c’est un organe de flottaison empli d’air, dont le volume s’adapte à la pression que l’eau exerce sur le poisson. D’Arcy Thompson 1947, 284, commentant le passage original d’Aristote consacré au dentex et au serran, met aussi au compte de cette donnée physiologique le fait que ces deux poissons aient paru aux Anciens « recracher » leur estomac quand ils poursuivaient leurs proies. Lorsque les espèces qui ne possèdent pas de conduit excréteur pour la vessie natatoire s’élèvent brutalement, l’air de la vessie natatoire, qui ne subit plus la même pression d’eau, se dilate au point d’entraîner une déchirure de la vessie et éventuellement du mésentère : les intestins peuvent alors se retourner et saillir dans la bouche.

~

1caput 10 1536.

2albertus — animalium non hab. VB.

3Le marqueur est erroné : la notice est ici tirée de Thomas de Cantimpré via le Speculum naturale. Le compilateur de l’Hortus sanitatis n’a pas trouvé chez Vincent de Beauvais de référence explicite et a restitué une source fautive, quoique vraisemblable, puisque le livre d’Albert le Grand comporte lui aussi une notice consacrée à l’ahuna, qu’il nomme hahane, où l’on trouve les mêmes renseignements. Le chapitre précédent du Speculum naturale s’achevait sur un emprunt explicite au Liber de natura rerum, et Vincent de Beauvais ne répète généralement pas une mention de source en début de chapitre quand elle est identique à la dernière référence du chapitre précédent. Vincent de Beauvais suit assez fidèlement la première partie de la notice de Thomas de Cantimpré.

4ahune 1491 VB2 hahane Prüss1.

5post sicut hab. et VB.

6iricius 1491 Prüss1 VB2 hericaneus 1536.

7ne 1491 Prüss1 om. 1536.

8ante beluis hab. in Prüss1.

9totum 1536.

Annotations scientifiques

  • Donec tempor euismod sagittis
  • Cum sociis natoque penatibus
  • Morbi tempus nulla sed quam vestibulum
  • Donec eleifend aliquam interdum