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Pensées 1645 à 1649

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.
Q : 1750-1751.
S : 1754-1755.
V : 1754.

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Pensées, volume III

1645

Angleterre

Un des fils[1] du chancelier Iorck qui est avocat tres celebre en Angleterre m’a eclaerci plusieurs choses avec beaucoup de net[te]té. Il y a quatre cours de justice en Angleterre. La cour du ban du roy qui est pour les affaires crimineles, la cour des plaidoiers communs, qui est pour les affaires civiles. La cour de la chancelerie qui est pour les affaires ou il est question de moderer la rigueur de la loy, pour les affaires mobilieres, et pour les fideicomm testaments, et enfin la cour de l’echiquier qui regarde les affaires des finances, soit qu’on demande au roy, soit que le roy demande.
Les affaires sont portées à ces cours au moins pour les trois premières, lorsque les jurés les renvoient sur ce que la question n’etant pas proprement de fait à besoin d’etre jugée par le droit. Je ne sçais pas si la cour de l’echiquier {f.6r} juge par un renvoy des jurés, ni si dans ce cas ci il y à des jurés.
La cour du ban du roy a un chef de justice, et la cour des plaidoiers communs un autre chef de justice, et dans chacun de ces tribunaux il y à quatre juges en comptant je crois le chef de justice. Remarquez que la chambre des pairs, à une juridiction pour moderer la loy comme la cour de chancelerie mais elle n’a de juridiction que par les apels qui luy sont portés de la cour de chancelerie, dont les jugemens sont executés s’il n’y à point d’apel.
Le commerce s’etant etendu en Angleterre, il se forma beaucoup de pretentions sur les affaires mobilieres ces affaires furent renvoiées à la chancelerie, remarque
Remarquez encore que vêrs le regne d’Henry VIII. la cour des plaidoiers communs ne voulut pas connoitre des fideicommis [un mot biffé non déchiffré] ce mot se prend en meme acception que chez les Romains ce fut une grande sotise faite par cette cour les affaires des fideicommis furent portées à la chancelerie. Remarquez que dans ces cours on juge 1º par la loy feodale, par la loy romaine, et par les coutumes ou usages d’Angleterre, formées sur les jugemens qui ont precedé, il est inutile de dire que l’on se regle aussi sur les actes des parlemens {f.6v} mais cette source n’est pas considerable.
Les avocats

Avocats

gagnent beaucoup en Angleterre, surtout ceux qui plaident pour la couronne et Mr Iorck m’a dit que le chancelier son pere etant je crois solliciteur general gagnoit jusqu’a sept mille guinées par an, et qu’un avocat celebre pouvoit gagner jusqu’à 5000 guinées. La raison en est du grand nombre de causes qu’un avocat peut plaider. On ne leur envoie point des sacs de proces dans leur cabinet comme en France pour etudier le proces, il y a une autre profession de gens emploiés à cela qui portent a l’avocat un memoire tout dressé, il y ajoute ses citations, ses remarques, et plaide, et cela le met en etat de plaider un tres grand nombre de causes.
Sous le regne je crois de Charles II. on ota toutes les lois militaires et ce ne fut pas me semble une grande perte. Je remarquay a Mr Sur ce que Mr Iorck me dit qu’un etranger ne pouvoit entendre un seul mot dans milord Coock et dans Lidleton[2], je luy dis que j’avois observé que par raport aux loix feodales, et anciennes loix d’Angleterre, il ne me seroit pas dificile de les entendre, non plus que celles de toutes les autres nations parce que toutes les loix de l’Europe etant gotiques, elles avoient {f.7r} toutes la meme origine, et etoient de même nature qu’au contraire les loix et la jurisprudance moderne etoient difficiles a entendre parce que le tems et les circonstances des choses avoit changé et modifié la loy gothique dans le pays. Et que cette loy avoit pris partout une patrie, et avoit changé comme les loix politiques. Il Il en convint.
Par les actes des parlements il à èté decidé que tout fond en Angleterre etoit socagge[3] ce qui à donné une atteinte tres grande a la loy feodale, toutes les justices patrimoniales ont èté otées tout nobilité de fonds aussi, ou dependances de fonds aussi, d’un coté tout est justice royale, et de l’autre tout est roture, on vient d’oter en 1748 et 1749[4] toutes les justices seigneuriales en Ecosse, ce qui est plus conforme au gouvernement qui tient du republicain, et s’eloigne de la monarchie. Mr Yorcke Yorke m’a dit que le melieur ouvrage fait sur les loix feodales etoit Cragii jus feudale fait du temps de Jacques I. et qu’il y en avoit une belle edition nouvelle[5], que cet ouvrage etoit cler clair et lumineux.
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Main principale P

1646

{f.7v} [Passage à la main M] Mad de R… se pleignoit de quelques boutons je luy dis et que font des boutons sur un visage qui a derriere luy une si belle ame :

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Passage de la main P à la main M

1647

Je disois d’Astruc

Astruc

[1] et de d’Aube l’un d’Aube[2] ne pense qu’a ce qu’il dit, et point du tout a ce que vous dites. Astruc ne pense qu’a ce que vous dites et jamais a ce qu’il dit. J’aime mieux d’Aube il ne vous offance pas mais vous ennuie ; Astruc vous ennuie et vous offence j’ajoute d’Aube cherche le vray Astruc le faux

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Main principale M

1648

Milord Bath[1] : m’a dit que dans la guerre que faisoint le duc de Malboroug[2] et le prince Eugene[3] en Flandre un joueur

Joueur

qui devint fou et dévot pensa qu’il ne pouvoit joüer que contre Jesus Christ il perdit contre J. C. dix mille florins et voulant payer alla trouver les jesuites qui lui dirent qu’estant de la compagnie de Jesus ils recevroint l’argent. Il le compta prit sa quitance et s’en fut : quinze jours apres il revint et dit qu’il avoit rejoué et avoit gagne a J. C. vingt mille florins les jesuites ne voulurent pas payer proces et par le crédit des generaux les jesuites furent obliges de rendre ce qu’ils avoint recu :

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Main principale M

1649

{f.8r} [Passage à la main P] Milord Bath[1] m’a dit que la depte de la nation en 1749[2] etoit de 81 milion sterling qui à 4 pour cent faisoit a peu a peu pres 4 millions de rente a paier, que le fond d’amortissement et la liste civile[3] faisoient a peu pres deux autres millions qu’il y avoit pour cela des fonds appropriés, parce qu’à mesure qu’on a fait des deptes on à etabli un fond pour les interests, et les interests ayant êté reduits on en à formé le fond d’amortissement qui par consequant à aussi des fonds appropriés[4]. La liste civile à aussi des fonds appropriés[5] et il n’est point besoin pour cela d’aucun acte du parlement n’y d’aucune levée sur le peuple, or pour les depenses extraordinaires comme pour l’entertien[6] des troupes qui sont des depenses extraordinaires, il y à des fonds qui s’appliquent comme le parlement veut et selon les circonstances, comme la taxe sur les terres plus grande ou moindre qui va à 500 mille livres sterling pour chaque chelin[7] pour livre, et un droit je crois sur la biere

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Passage de la main M à la main P


1645

n1.

Charles Yorke (1722-1770) était le second fils de Philip Yorke, Lord Hardwicke, lord Chancelier d’Angleterre. Élu à la Chambre des communes, il fut en contact avec Montesquieu en 1749, lui ayant transmis le discours de son père sur l’abolition des juridictions héréditaires en Écosse (voir nº 1645, note 4) ; il lui procura des livres en 1750, ainsi que son propre Discourse on the Law of Forfeiture for High Treason (Masson, III, p. 1300-1303 ; Shackleton, p. 300). Dans les années 1750-1753, il le fréquenta, ainsi que Fontenelle et l’abbé Sallier, lors de ses séjours en France (voir nº 1677).

1645

n2.

Sir Edward Coke, juriste anglais (1552-1634), représentant de la Common Law, auteur des Institutes [1628] dans lesquelles il commente le On Tenures écrit en droit français par Thomas Littleton (1422-1481), dont David Houard donnera en 1766 une édition bilingue (anc. fr.-fr. mod.) avec commentaires, sous le titre Anciennes lois des Français, conservées dans les coutumes anglaises, recueillies par Littleton (Rouen, R. Lallemant). Charles Yorke a disposé d’une copie annotée par Lord Hale du commentaire de Coke (Edward Coke, The First Part of the Institutes of the Laws of England or a Commentary upon Littleton, Philadelphie, Johnson et Warner, 1812, p. XXV). Il signale les difficultés pour un étranger à comprendre lois et mœurs anglaises dans la lettre qu’il adresse à Montesquieu en avril 1750 (Masson, t. III, p. 1301-1302).

1645

n3.

Terme issu de la coutume normande et passé dans le droit anglais : « [l]a tenure en socage est celle qui doit tout autre service que celui de chevalier », c’est-à-dire des services non militaires (souvent agricoles) ou le versement d’une rente ; « toute tenure qui n’est pas de Chevalerie est de socage » (Anciennes lois des Français, conservées dans les coutumes anglaises, recueillies par Littleton, trad. de l’anc. fr. et commentaires de David Houard, Rouen, R. Lallemant, 1766, t. I, sect. 117, p. 175, 177). Dans son commentaire, David Houard remarque que contrairement au villenage, le socage « a tous les caractères de la liberté et les privilèges de la noblesse », destiné initialement à favoriser la mise en valeur agricole des fonds détenus par des hommes libres (ibid., p. 176). Montesquieu souligne que le socage revient à ôter ce qui justifie les privilèges et prérogatives de la noblesse.

1645

n4.

Le père de Charles Yorke, Lord Hardwicke, lord Chancelier, a soutenu la réforme proposée en 1746, abolissant les juridictions héréditaires en Écosse, en réponse au soulèvement jacobite de 1745 (Reed Browning, Political and Constitutional Ideas of the Court Whigs, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1982, p. 172-173) ; Montesquieu, par l’intermédiaire de Charles, a eu connaissance en 1749 du discours de Lord Hardwicke en faveur de cette réforme : voir la lettre de Charles Yorke à son père du 31 octobre 1749 dans Montesquieu. Mémoire de la critique, C. Volpilhac-Auger (éd.), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2003, p. 149.

1645

n5.

Thomas Cragius ou Craig de Riccarton (1538?-1608), juriste écossais, est l’auteur d’un traité des fiefs d’Angleterre et d’Écosse, le Jus feudale, paru en 1655 (Edimbourg, s.n., et Londres, Societatis Stationariorum), réédité en 1716 (Leipzig, J. F. Gleditsch et fils) et en 1732 (Edimbourg, T. et W. Ruddimann), ouvrage que Charles Yorke envoya à Montesquieu en avril 1750 (voir Masson, III, p. 1300, 1302).

1647

n1.

Voir nº 979, 1243.

1647

n2.

François Richer d’Aube (1686-1752), neveu de Fontenelle, auteur d’un Essai sur les principes du droit et de la morale, prétendait que Montesquieu l’avait pillé dans L’Esprit des lois (Masson, t. III, p. 1149, 1159) ; sur le caractère ennuyeux de François Richer d’Aube, voir le bon mot de Montesquieu rapporté par Mme de Tencin dans une lettre du 31 janvier 1749 (ibid., p. 1176).

1648

n1.

Voir nº 1639, note 5.

1648

n2.

Voir nº 593.

1648

n3.

Voir nº 238.

1649

n1.

Voir nº 1639, note 5.

1649

n2.

Cf. nº 17. Très attentif à cette question, Montesquieu notait dans le Spicilège l’état des dettes nationales de la Grande-Bretagne, présenté annuellement devant la Chambre des lords, publié dans la Gazette d’Amsterdam : voir Spicilège, nº 655, 667, 683, 696, 726, 726a, b, c, d ; voir aussi ibid., nº 547, 590.

1649

n3.

« Liste civile » : « Revenu propre du Roi, & qui lui est octroyé à son avènement à la Couronne pour toute la durée de son règne » (Mémoire sur l’administration des finances de l’Angleterre […] attribué à M. Grenville, Londres, 1768, t. 1, p. 52).

1649

n4.

Ce mécanisme par lequel les fonds affectés au remboursement de la dette de l’État (fonds d’amortissement) sont constitués par la réduction des intérêts est expliqué dans L’Esprit des lois et s’appuie sur l’exemple de l’Angleterre (XXII, 18).

1649

n5.

Diverses taxes sont affectées directement au paiement de ce revenu : accise, douanes, postes, permission de vendre du vin, rentes de terres qui restent à la Couronne, etc. (Mémoire sur l’administration des finances de l’Angleterre […] attribué à M. Grenville, Londres, 1768, t. 1, p. 52).

1649

n6.

Lire : entretien.

1649

n7.

Lire : shilling.