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Pensées 17 à 21

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

17

14

Angleterre

L’Angleterre est a peu pres dans l’estat le plus florissant ou elle puisse estre, cependant elle doit cinquante quatre trois a cinquante quatre milions sterlin c’est a dire autant que dans le plus haut periode de sa grandeur elle peut devoir sans perdre son credit ainsi ce haut point de grandeur est devenu un estat necessaire pour elle, et elle ne peut en tomber sans estre abîmée
{p.9} Pour la France elle doit beaucoup mais seulement autant que le peut comporter la decadence ou elle est arrivée de maniere que touts les hazarts a cet egart sont pour elle come ils sont touts contre l’Angleterre[1].
L’Angleterre a besoin de dominer pour se soutenir et garder le gouvernement establi la France au contraire n’a besoin que d’un estat moyen
Le comerce de l’Angleterre doit estre plus odieux a la France que celui de toutte autre puissance, car les autres puissances faisant un grand comerce avec nous, si elles estandent leur comerce lointin et s’enrichissent nous profitons de leur opulence au lieu que l’Angleterre ne comercant presque point avec nous elle acquiert des richesses {p.10} qui sont entierement perdues pour nous nous en avons le danger sans en pouvoir jamais sentir l’adventage[2].
Les jalousies presentes entre l’Autriche et l’Espagne d’un coté et l’Angleterre de l’autre peuvent devenir a cet egart avantageuses a la France. S’il pouvoit resulter de la que les deffenses faittes aux Anglois de porter leurs principalles marchandises dans les pais de l’empereur et de l’Espagne pussent subsister[3]

Il etoit impossible que cela durât

apres la paix parce que par la les Anglois se trouveroit privée de trois deux grands debouchés les pais de l’empereur et l’Espagne et la France en quoy elle perdroit beaucoup plus qu’elle ne peut gagner et par la conservation de Gibraltar et par la ruine de la compagnie d’Ostende ce 7 may 1727[4]

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Main principale M

18

15

{p.11}

Fables

On cherche les autheurs des ancienes fables ce sont les nourrices des premiers temps et les vieillards qui amusoint leurs petits enfens au coin du feu[1] il en est come de ces comptes que tout le monde scait quoy qu’ils ne méritent d’estre scus de persone des meille la beauté d’un meilleur n’estant pas si bien sentie par les gens grossiers moins on avoit de livres plus on avoit de ces sortes de traditions un Locman un Pilpay un Esope les ont compilles[2], ils peuvent meme y avoir ajouté des refflections car je ne scay chose au monde sur laquelle un home mediocrement moral ne puisse faire des speculations
C’est faire trop d’honneur aux fables que de penser que les Orientaux les ont inventées pour dire aux princes des verites detournées[3] car si elles pouvoint recevoir une application particuliere on n’y gagnoit {p.12} rien car dans ce cas une verité detournée chne choque pas moins qu’une directe et et souvent meme choque davantage car il y a eu la deux offences la principalle l’offence meme et la pensée qu’a eüe celui qui l’a faitte que l’on qu’elle trouveroit un home asses stupide pour la recevoir sans la sentir.
Que si ces verités n’estoint que generales il estoit encor inutile de prendre le detour d’une allegorie. Car je ne scache pas qu’il y ait jamais eu de prince au monde qui ait esté choqué d’un traité de moralle.

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Main principale M

19

16

Abus reconnus utiles

Que d’abus qui ont esté introduits come tels et tollerés come tels qui se trouvent avoir esté dans la suitte tres utiles et plus meme que les loix les plus raisonables[1] par exemple {p.13} il n’y a guere d’home de bon sens en France qui ne crie contre la voenalité des charges et qui n’en soit scandalisé cependant si l’on fait bien attention a l’indolence de païs voisins ches lesquels toutes les charges se donnent[2] et qu’on la compare avec notre activité et notre industrie on verra qu’il est infiniment utille d’encourager dans les cytoyens le desir de faire fortune, et que rien n’y contribue plus que de leur faire sentir que les richesses leur ouvrent le chemin des honeurs[3] dans touts les temps dans touts les gouvernemens on s’est pleint que {p.14} les gens de merite parvenoint moins aux honeurs que les autres, il y a bien des raisons pour cela sur tout une qui est bien naturelle c’est qu’il y a beaucoup de gens qui n’ont point de merite et peu qui en en aint il y a meme souvent beaucoup de difficulté a en faire le discernement cela et a n’estre pas trompé cela estant il vaut toujours mieux que les gens riches qui ont beaucoup a perdre et qui d’ailleurs ont une pu avoir une meilleure education entrent dans les charges publiques

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Main principale M

20

[Passage à la main D] 17

Politique

Que le hazard est imperieux et que les vuës des politiques sont courtes ! Qui auroit dit aux huguenots lorsqu’ils virent Henri 4e sur {p15} les degrés du trône qu’ils etoient perdus[1] ? Qui auroit dit à Charlemagne lors qu’il eleva la puissance des papes contre celle des empereurs grecs les seuls ennemis qu’il eût a craindre, qu’il alloit humilier tous ses successeurs[2] ?

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Passage de la main M à la main D

21

18


Secte d’Epicure
Christianisme

La secte d’Epicure a beaucoup contribué a l’établissement du christianisme car en faisant voir la stupidité du paganisme et les artifices des prêtres elle lais laissoit sans religion des gens accoutumés a un culte quoique les chretiens fussent ennemis mortels temoin Lucien qui epicurien ou a peu prés[1] invectiva cruellement les chretiens[2], cependant les uns et les autres etoient traités par les prêtres payens comme ennemis, comme profanes, comme athées, ils y mettoient seulement cette difference qu’ils ne persecutoient pas les epicuriens {p.16} parce qu’ils ne brisoient point les statuës et qu’ils n’avoient que du mepris non pas de la haine pour la religion dominante.
Lors donc que les chretiens attaquerent les erreurs payennes ce fut un grand avantage pour eux de parler la langue de la secte d’Epicure[3] et lorsqu’ils etablirent leurs dogmes c’en fut encor un tres grand de parler celle de la secte de Platon[4], mais c’est gratuitement que nous avons pris le jargon d’Aristote et je ne sçache pas que nous y ayons jamais rien gagné

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Main principale D


17

n1.

D’après le Spicilège (nº 547), les dettes nationales de la Grande-Bretagne se montaient à 51 143 102 £ au 31 décembre 1726. Sur les dettes anglaise et française, Montesquieu a fait un extrait de l’écrit de Jean-Baptiste Dubos, Les Intérêts de l’Angleterre mal entendus dans la guerre présente (Amsterdam, G. Gallet, 1704 – Catalogue, nº 2382 ; extrait BM Bordeaux, ms 2526/23). En France comme en Angleterre, au début du XVIIIe siècle, l’investissement dans les compagnies de commerce monopolistiques apparaît comme un moyen de réduire et de contrôler la dette publique en favorisant le développement économique par l’actionnariat des créanciers de l’État, ce qui détermine la stratégie européenne des États (Liliane Hilaire-Pérez, L’Expérience de la mer : les Européens et les espaces maritimes au XVIIIe siècle, Paris, Seli Arslan, 1997, p. 219-222)

17

n2.

La France commerce avec la Hollande et les pays de la Baltique, vers lesquels elle réexporte les produits des Antilles, avec l’Espagne, dans les échanges avec l’Amérique. La création de la Compagnie d’Ostende (voir la note suivante), impliquant la réouverture du port d’Anvers dans les Pays-Bas autrichiens, menace particulièrement les intérêts britanniques (Liliane Hilaire-Pérez, L’Expérience de la mer : les Européens et les espaces maritimes au XVIIIe siècle, Paris, Seli Arslan, 1997, p. 47, 64-71, 179).

17

n3.

Le traité de Séville, signé le 9 novembre 1729, mit fin au conflit anglo-espagnol de 1727-1729 et rétablit l’Angleterre dans ses privilèges commerciaux en Amérique.

17

n4.

La Compagnie d’Ostende, appartenant aux Pays-Bas devenus autrichiens à la suite du traité de Rastatt, fondée en 1722, inquiéta les compagnies hollandaises qui sollicitèrent l’appui de l’Angleterre et la neutralité de la France pour maintenir leur position en s’appuyant sur des traités antérieurs (Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce, [Amsterdam], Jansons, 1726-1732, t. I, art. « Compagnie d’Ostende »). En 1725, l’Espagne et l’Autriche conclurent un traité au détriment de la Grande-Bretagne stipulant la restitution de Gibraltar à l’Espagne, le rétablissement de la Compagnie d’Ostende au profit de l’Autriche et aux dépens de la Grande-Bretagne et de la Hollande et prévoyant une série de mesures défavorables au commerce. Montesquieu considère que ce conflit, en affaiblissant la puissance commerciale de la Grande-Bretagne, sert les intérêts de la France dans ses relations avec ses partenaires. La Gazette d’Amsterdam (nº 4 et nº 7, 11 et 14 février 1727) publie un extrait de la Recherche des motifs sur lesquels est fondée la conduite de la Grande-Bretagne par rapport à l’état présent des affaires de l’Europe, faisant état des réactions et menaces de la Grande-Bretagne.

18

n1.

Théorie inspirée par Fontenelle dans De l’origine des fables (1re éd. 1714 ; Œuvres complètes, A. Niderst (éd.), Paris, Fayard, 1989, t. III, p. 187-202).

18

n2.

Locman ou Lokman et Pilpay, Bidpay ou Bidpaï, deux fabulistes dont les récits qu’on leur attribue ont inspiré, avec ceux d’Ésope, le second recueil de La Fontaine et ont été traduits en français du turc par Antoine Galland (Les Contes et Fables indiennes de Bidpaï et de Lokman, Paris, A. Morin, 1724).

18

n3.

C’était la justification donnée par Galland : Bidpaï se serait servi de ce détour pour instruire son prince (Antoine Galland, Les Contes et Fables indiennes de Bidpaï et de Lokman, Paris, A. Morin, 1724, préface, p. x). Houdar de La Motte, dans son Discours sur la Fable [1719], avait déjà ironisé sur l’honneur accordé à l’esclavage « d’avoir inventé la Fable », en rappelant les exemples d’Ésope, au service de Crésus, et de Bidpaï (Œuvres de M. Houdar de La Motte, Paris, Prault, 1754, t. IX, p. 11-12, 48).

19

n1.

Cf. nº 1436. L’idée que les abus peuvent être préférables à leur correction apparaît chez Montesquieu dès 1723, dans les Lettres de Xénocrate à Phérès (OC, t. 8, p. 301-302 ; voir la version abrégée transcrite, Pensées, nº 173).

19

n2.

Cf. LP, 75 (78), p. 343 ; EL, V, 19, note (k) : « Paresse de l’Espagne ; on y donne tous les emplois ».

19

n3.

Contre la plupart de ses contemporains, Montesquieu voit dans la vénalité des charges un stimulant à l’ambition et un ressort de l’activité économique. La question est reprise dans L’Esprit des lois (EL, V, 19 : Derathé, t. I, p. 79).

20

n1.

L’opuscule De la politique [1725] évoquait ce renversement de fortune et la répression menée par Louis XIII et Louis XIV (OC, t. 8, p. 512, l. 30-33).

20

n2.

Le renforcement du pouvoir des papes par Charlemagne contre les empereurs grecs sera repris dans les Réflexions sur la monarchie universelle en Europe [1734] pour souligner le rapide accroissement de la puissance pontificale aux dépens des monarques européens (OC, t. 2, p. 351, l. 194-196).

21

n1.

Dans Alexandre ou le Faux Prophète, Lucien semble marquer une prédilection pour l’épicurisme qui invite à se débarrasser des grossières impostures et croyances du paganisme (XXV, 17-23), mais dans Le Pêcheur ou les Ressuscités et l’Hermotimos il manifeste beaucoup de défiance à l’égard de toutes les prétentions philosophiques. Montesquieu possédait les œuvres de Lucien dans une version bilingue, grec-latin, et dans la traduction de Perrot d’Ablancourt (Bâle, 1663 – Catalogue, nº 1907 ; et Paris, 1686 – Catalogue, nº 1908).

21

n2.

Dans La Mort de Pérégrinus, Lucien présente les chrétiens comme des naïfs, facilement dupés par les imposteurs (XI-XIII).

21

n3.

Origène, dans sa critique des oracles païens, s’appuyait sur des références épicuriennes (Contre Celse, VII, 3).

21

n4.

Pour se doter d’une théologie systématique et savante, les premiers Pères de l’Église, en particulier Origène, empruntent leurs concepts à la philosophie platonicienne, qui influence beaucoup saint Augustin (Confessions, liv. VII).