chapitre 10

capitulum X

Second combat au pied de Montepeloso

De secundo proelio sub Monte piloso

<1> Malgré la défaite, les Grecs n’étaient pas encore épuisés : au contraire, s’encourageant mutuellement, ils rassemblent une armée beaucoup plus importante1Après la bataille de Montemaggiore, Dokeianos envoie des lettres en Sicile pour que soient recrutées des troupes auxiliaires ; celles-ci sont composées, d’après Guil. Ap. I, 310-312 et 328-341, de Calabrais et d’hérétiques – qui doivent être des Arméniens, selon Mathieu 1961, 271 –, tandis que les Annales Bar., ad an. 1041, témoignent du recrutement de Macédoniens et de Pauliciens (secte d’origine arménienne, explique Garsoïan 1991, dont les adeptes, défaits par Basile Ier, émigrèrent en Syrie, en Italie du Sud et dans les Balkans ; ils eurent des contacts avec les Bogomiles, indique aussi Obolensky 1991 ; et Martin 2006b, 539 et n. 203, émet l’hypothèse que le terme sert ici à désigner des Bulgares). D’après les Annales Bar., ad an. 1042, les Normands étaient sept cents et les « Grecs » dix mille, « comme l’indiquent avec véracité ceux qui participèrent à la bataille », ajoute l’auteur. Selon Skylitzès (Joannis Scylitzae Synopsis historiarum, p. 426, l. 41 - p. 427, l. 45), en revanche, Boiôannès (voir note suivante) ne put recruter de nouvelles troupes, « et il fut obligé de combattre avec celles qui avaient été déjà battues par un ennemi maintenant établi solidement à Monopoli, et qui tenait la région comme si c’était la sienne. Il fut vaincu et pris » (trad. Flusin & Cheynet 2003, 355). placée sous le commandement d’Anon2Le nouveau catépan d’Italie est alors Boiôannès, fils ou parent de Basile Boiôannès ; voir Falkenhausen 1978, 93-94 (sur l’altération du nom du catépan par Malaterra, voir note philologique). Pour les sources qui mentionnent le remplacement de Dokeianos par Boiôannès, parfois nommé Exaugustus, voir Skylitzès, Joannis Scylitzae Synopsis historiarum, p. 426, l. 36-41 ; Annales Bar., ad an. 1041 ; Aimé II, 23 ; Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 33 - p. 300, l. 9 ; Guil. Ap. I, 342-347 ; Anon. Bar., ad an. 1042 ; Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1042., que l’empereur de Constantinople avait envoyé dans ce but, et se préparent derechef à livrer bataille à l’ennemi. Mais les Normands, qui ne rechignent pas à se battre, vinrent les affronter au pied de Montepeloso3La bataille a eu lieu le 3 septembre 1041 entre Montepeloso (Irsina depuis 1895, prov. Matera), commune perchée à 548 m et dominant la vallée du Bradano, et le Monte Serico, haut de 542 m, situé à une quinzaine de kilomètres (à vol d’oiseau) au nord-ouest de Montepeloso, d’après les Annales Bar. et Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1042 (l’année commence en septembre). C’est à Montepeloso que le catépan s’était réfugié après la bataille du 4 mai 1041. Aimé II, 25, donne des informations sur la localisation des armées avant l’affrontement. Le catépan, dit-il, ne peut pas prendre les Normands dans leur ville, car ils viennent camper sur le Monte Serico, près de leurs ennemis ; Leo Ost. II, 66, p. 300, l. 9-10. et attaquèrent vigoureusement, montrant que, loin de vouloir fuir la bataille, ils la recherchaient plutôt comme par plaisir. <2> Pendant ce combat, alors que les Grecs montraient de la vigueur contrairement à leur habitude et que les Normands avaient déjà commencé à laisser paraître la fatigue à cause de l’ampleur du carnage, Guillaume souffrait d’une forme de fièvre quarte et, à cause de la violence du mal dont il était atteint, il ne pouvait participer au combat, mais il en attendait l’issue en restant couché à peu de distance4Chez Malaterra, les Normands, commandés par Guillaume de Hauteville, sont seuls à combattre contre les Byzantins. Le chroniqueur, taisant les noms des Lombards au service desquels ils se sont placés, laisse ainsi croire à leur indépendance militaire et politique. Entre mai et septembre 1041, les Normands avaient choisi de placer à leur tête Aténolf, frère de Pandolf III de Bénévent (voir Guil. Ap. I, 321-323) ; cette élection précéda la deuxième bataille, selon Aimé II, 22. Voir sur ce point Taviani-Carozzi 1996a, 159-160.. <3> Comme il voyait que les siens ne combattaient plus avec le même acharnement et qu’ils étaient près de perdre courage, oubliant, sous le coup de l’indignation et de la colère, la maladie dont il était atteint, il saisit ses armes et se lança, tel un lion en fureur, au milieu des ennemis5Le récit de la bataille par Guillaume de Pouille (I, 382-395) est proche en bien des points de celui de Malaterra : il témoigne de la résistance byzantine et de la faiblesse croissante des Normands, avant l’intervention du héros. En revanche, il n’attribue pas le bénéfice de la victoire à Guillaume Bras de fer, mais à Gautier, fils d’Ami, l’un des douze comtes élus, qui reçut Civitate lors du partage : « Les deux armées s’affrontent dans la plaine. La bataille alors est terrible. L’un et l’autre s’efforce de vaincre. Tantôt les uns, tantôt les autres prennent la fuite, puis mettent en fuite ceux qui les mettaient en fuite. Comme les Argiens pressaient fougueusement les Gaulois, qui soutenaient le combat depuis longtemps, et qu’ils étaient près d’emporter la victoire, Gautier s’élance soudain au milieu des ennemis, exhortant les Normands qui fuyaient à revenir au combat. C’était l’un des comtes élus, fils de l’illustre Ami. Jamais les Achéens ne connurent plus terrible combat ; et, comme une foule de chevaliers périrent à cette occasion, nombreux furent les héros qui perdirent la vie au même moment » (trad. Mathieu 1961, 118 et 120, retouchée). Aimé II, 25, ne distingue pas de héros, mais vante la force de tous les « vaillant Normant ». Comme aucune autre source, à l’exception de l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 751), qui suit fidèlement Malaterra, ne vient renforcer le témoignage de Malaterra ou de Guillaume de Pouille, il est impossible de prendre parti pour l’un ou l’autre. Mathieu 1961, 28, n. 6, avait noté que « Guillaume de Pouille s’intéresse particulièrement à la famille des Ami, sur laquelle il donne plusieurs renseignements inédits ». Elle range cet exploit de Gautier parmi les détails que le poète, qui n’ignorait pas par ailleurs les hauts faits de Guillaume Bras de fer (voir II, 22-26), ajoute parfois à ses sources. ; et, ranimant de ses exhortations le courage des siens, par son intervention vigoureuse, il mit les ennemis en fuite, après avoir tué comme un bœuf le duc Anon, le chef de l’armée, qui était un couard6Seul Malaterra, suivi par l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 751), affirme que le catépan trouva la mort dans la bataille. Selon les autres sources, il fut fait prisonnier et remis à Aténolf, qui le conduisit à Bénévent et le « vendit » contre rançon. Voir Aimé II, 26 ; Leo Ost. II, 66, p. 300, l. 12-14 ; Guil. Ap. I, 393-395, qui peint du vaincu une image frappante et ironique : Ductus Adenolfi miser Exaugustus ad urbem / Praecedebat equum victoris, ab hoste ligatus / Ostentare sui pompam cupiente triumphi, « Le malheureux Exaugustus fut conduit à la ville d’Adénolf : il marchait devant le cheval du vainqueur, ligoté par l’ennemi qui voulait étaler sa pompe triomphale » (trad. Mathieu 1961, 121, retouchée) ; voir aussi Anon. Bar., ad an. 1041 ; Annales Bar., ad an. 1042 ; Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1042.. <4> Dès lors, les Grecs, perdant confiance en leurs forces et désespérant de la fortune, renforcent leurs forteresses, n’osant plus se battre contre les Normands, si ce n’est à l’abri de leurs remparts ; cependant, les remparts eux-mêmes ne pouvaient plus les protéger des Normands. Ces derniers, en effet, lançant contre eux des raids incessants, arrachaient leurs vignes et leurs oliviers, pillaient leurs troupeaux de gros et de petit bétail et tous les autres biens nécessaires pour satisfaire leurs besoins, sans rien laisser à l’extérieur des forteresses. <5> Mais les Normands, ayant encerclé de leur armée ces forteresses, à l’intérieur desquelles les Grecs s’étaient réfugiés, en faisaient le siège ; après avoir disposé les machines de guerre, nécessaires pour mener à bien ce genre d’entreprise – et dont ils maîtrisaient parfaitement la technique de construction7Il n’est pas sûr que les Normands aient déjà disposé, en 1041, de puissantes machines de guerre. Malaterra anticipe ici sur des résultats qui ne se vérifieront pleinement que dans les décennies suivantes (voir Settia 2006, 138-139). –, ils détruisaient de fond en comble les remparts et les tours en les frappant à coups répétés ; et, se ruant par les brèches béantes ouvertes dans les remparts, ils se saisissaient de tout. C’est pourquoi, toutes les autres forteresses des environs, se voyant menacées du même sort, se soumettaient d’elles-mêmes à leur autorité8De même Aimé II, 27 : « Et toutes les cités d’iluec entor constreingnoient, qui estoient allo commandement et a la rayson et statute de li Grex : ensi alcun volontairement se soumettoient, et alcune par force, et alcun paioient tribut de de(na)niers chascun an » ; Leo Ost. II, 66, p. 300, l. 15-16. D’autres sources donnent le nom de ces villes : Bari, Matera (Annales Bar., ad an. 1042), Monopoli, Giovinazzo (Guil. Ap. I, 399-400, ajoute encore, sans les nommer, que d’autres villes prirent aussi le parti des Normands). D’après Skylitzès (Joannis Scylitzae Synopsis historiarum, p. 427, l. 47-51), les Normands ont conquis l’Italie à l’exception de Bari, Brindisi, Otrante, et Tarente, restées fidèles à l’empereur. Selon De Bartholomaeis 1935, 92, n. 1, il faut considérer qu’une partie de Bari seulement a fait alliance avec les Normands. En fait, ces villes maritimes jouissent d’une certaine indépendance. Elles ne se livrent pas aux Normands, mais traitent avec eux, sans consulter le catépan, pour éviter de subir des pillages. Les Normands sont donc maîtres de tout le nord de la Pouille, jusqu’à une ligne allant de Tarente à Brindisi, et exercent ainsi leur contrôle sur les côtes adriatique et ionienne auxquelles ils ont accès (Tramontana 1970, 176-177)..

<1> Victi [+] [victi AC Z : nostri B. [-]] VictiVictiVictiVictiNostri, necdum [+] [necdum AC Z : nondum B post autem transf. [-]] autemnecdum autemnecdum autemnecdum autemnecdum autemautem nondum defatigati [+] [defatigati AC Z : fati- B. [-]] defatigatidefatigatidefatigatidefatigatifatigati, sed seipsos invicem [+] [invicem om. B. [-]] inviceminviceminviceminvicem[om.] animantes [+] [animantes AC Z : fatigan- B. [-]] animantesanimantesanimantesanimantesfatigantes, multo ampliori exercitu congregato [+] [post congregato add. unam cum B uno cum Pontieri. [-]] congregatocongregatocongregatocongregato unam cumcongregato uno cum, duce Anon [+] [duce an(n)on C ZB : duceano A Pontieri duce annone ed. pr. [-]] duce Anonduce Annonduceanoduce Annonea'Le nom Ano(n), précédé de duce et transmis sous la forme ano par le manuscrit A ou an(n)on par les autres manuscrits et l’édition princeps, a conduit Pontieri à y voir la forme latinisée, Duceano, de Dokeianos. En revanche, De Bartholomaeis 1935, 87, n. 1, a reconnu dans les leçons manuscrites une altération du nom de Boiôannès, nouveau catépan d’Italie au moment des faits ici mentionnés. La seule autre occurrence de l’anthroponyme chez Malaterra (I, 10, 3) présente les mêmes variantes et semble conforter la deuxième interprétation, mais l’appostion de duce exercitus invite à la prudence, d’autant plus que l’Historia Sicula de l’Anonyme du Vatican donne le nom Ducheano pour les mêmes événements ; cependant, de nombreux autres noms propres – notamment arabes – ont été transmis différemment par ce lecteur de Malaterra. Rappelons aussi que le nom de Boiôannès a été diversement graphié dans les autres sources latines : Bugiano et Budiano, de même d’ailleurs que celui de son parent et prédécesseur, Basile Boiôannès : Bugianus, Bogianus, Boiano, Vulcano et – exceptionnellement dans une source grecque – Βοηάνου (voir Mathieu 1952, 299-305, corrigé en partie par Falkenhausen 1978, 91 et 93-94, qui donne d’autres exemples d’erreurs dans la transmission des noms grecs). Ainsi, Malaterra aura été mal informé sur le nom ou l’identité du catépan, ce qui n’est pas impossible s’agissant d’un nom grec, et les sources du chroniqueur étant orales. Ou alors ce nom aura été déformé par l’un des premiers copistes du récit de Malaterra., qui ad hoc [+] [hoc AC B : haec Z. [-]] hochochochochaec ab imperatore Constantinopolitano [+] [constantinopolitano AC B : constino- Z. [-]] ConstantinopolitanoConstantinopolitanoConstantinopolitanoConstantinopolitanoConstinopolitano missus fuerat, iterum [+] [iterum A ZB : verum C. [-]] iterumiterumiterumiterumverum bellum hostibus [+] [hostibus om. Z edd. [-]] hostibushostibus[om.] parant. Quibus [+] [quibus AC Z : qui B. [-]] QuibusQuibusQuibusQuibusQui Normanni bello haud [+] [haud AC : haut B1 aut B non Z ed. pr. [-]] haudhaud [+] [B1 : haut [-]] autnon segnes [+] [segnes C ZB : segens A. [-]] segnessegnessegnessegnessegens sub Monte [+] [monte A ZB : morte C. [-]] MonteMonteMonteMonteMorte piloso occurrentes, fortiter congressi sunt [+] [sunt om. ZB ed. pr. [-]] suntsunt[om.], ostendentes se bellum nolle refugere, sed potius quasi ex delectatione appetere. <2> In isto [+] [isto om. Z ed. pr. [-]] istoistoisto[om.] congressu, Graecis contra usum [+] [usum AC B : ipsos Z ed. pr. [-]] usumusumusumipsos fortiter agentibus, cum jam Normanni fatigari [+] [fatigari AC Z2B : -gati Z. [-]] fatigarifatigarifatigarifatigari [+] [Z2 : fatigari [-]] fatigati prae nimia caede coepissent, GuillelmusGuillelmusWillelmusGuglelmusGuilielmus quartanae febris typo laborabat et [+] [et om. B. [-]] etetetet[om.] prae nimia infirmitate qua premebatur certamini interesse non poterat, sed <haud> [+] [haud add. Desbordes. [-]] procul jacens exitum rei expectabat [+] [expectabat A ZB : -taret C. [-]] expectabatexpectabatexpectabatexpectabatexpectaret. <3> Cum videret jam suos minus fortiter agere et [+] [et C Z : etiam A B. [-]] etetetetiam paene deficere, indignatione et ira infirmitatis qua premebatur [+] [premebatur AC1 ZB : -mabatur C. [-]] premebaturpremebaturpremebaturpremebatur [+] [C1 : premebatur [-]] premabatur oblitus, arma corripiens, sese quasi leo furibundus hostibus [+] [hostibus AC Z : -tium B Pontieri. [-]] hostibushostibushostibushostium medium dedit, suosque verbis exhortatoriis recreans, fortiter agendo hostes in fugam vertit, duce Anon [+] [duce anon C Z : duceano A def. Resta duce annone B duce anno ed. pr. duce duceano Pontieri. [-]] duce Anonduceano*duceano def. Restaduce Annoneduce Annoduce duceano, duce exercitus [+] [duce exercitus om. B. [-]] duce exercitusduce exercitusduce exercitusduce exercitus[om.], qui caudatus erat, quasi bove interfecto. <4> Viribus itaque suis diffidentes et fortunae minus credentes, castra sua munientes, ultra decertare cum Normannis nisi muris interpositis non [+] [non om. C. [-]] nonnonnonnon[om.] praesumebant ; sed neque ipsi muri contra Normannos eos [+] [eos om. Z ed. pr. [-]] eoseoseos[om.] tueri poterant [+] [poterant AC Z : -rat B. [-]] poterantpoterantpoterantpoterantpoterat. Nam crebris incursionibus eos lacessentes, vineta et oliveta eorum extirpabant [+] [extirpabant C ZB : exur- A. [-]] extirpabantextirpabantextirpabantextirpabantexurpabant, armenta et pecora et cetera [+] [cetera AC Z : alia B. [-]] ceteraceteraceteraceteraalia quae ad usum necessaria sunt [+] [sunt AC Z : erant B. [-]] suntsuntsuntsunterant, nihil extra castra relinquentes, diripiebant. <5> Sed et ipsa castra, ipsis infra [+] [infra AC B : intra Z edd. [-]] infrainfraintra reclusis, exercitu vallantes oppugnabant, machinamentisque, quibus doctissimi artifices [+] [artifices post erant transt. B. [-]] erantartifices erantartifices erantartifices erantartifices eranterant artifices, ad id [+] [id AC ZB1 : in B. [-]] idididid [+] [B1 : id [-]] in officii [+] [officii A Z : -cio C -cium B. [-]] officiiofficiiofficiiofficioofficium agendum necessariis aptatis [+] [aptatis A ZB : acta- C. [-]] aptatisaptatisaptatisaptatisactatis, muros et turres crebris ictibus impingendo [+] [impingendo C ZB : impig- A. [-]] impingendoimpingendoimpingendoimpingendoimpigendo funditus diruebant : ruptisque [+] [ruptisque AC B : ruptis Z ed. pr. [-]] ruptisqueruptisqueruptisqueruptis muris aditibus [+] [aditibus corr. Desbordes : aditis C ZB edd. addi- A. [-]] aditisadditibus patentibus irrumpentes, omnia sibi diripiebant. Unde et reliqua circumquaque castra, idem [+] [idem AC B : id Z ed. pr. [-]] idemidemidemid sibi imminere [+] [imminere AC B : invicem Z ed. pr. [-]] imminereimminereimminereinvicem cernentesb'Sur cette syllepse de genre, que D et Me avaient voulu corriger respectivement par cernentia et cernens, voir Desbordes 2005, 124., ultro [+] [ultro AC Z : -tra B. [-]] ultroultroultroultroultra sese [A/f.8v-9r] eorum ditioni subdebant.

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1Après la bataille de Montemaggiore, Dokeianos envoie des lettres en Sicile pour que soient recrutées des troupes auxiliaires ; celles-ci sont composées, d’après Guil. Ap. I, 310-312 et 328-341, de Calabrais et d’hérétiques – qui doivent être des Arméniens, selon Mathieu 1961, 271 –, tandis que les Annales Bar., ad an. 1041, témoignent du recrutement de Macédoniens et de Pauliciens (secte d’origine arménienne, explique Garsoïan 1991, dont les adeptes, défaits par Basile Ier, émigrèrent en Syrie, en Italie du Sud et dans les Balkans ; ils eurent des contacts avec les Bogomiles, indique aussi Obolensky 1991 ; et Martin 2006b, 539 et n. 203, émet l’hypothèse que le terme sert ici à désigner des Bulgares). D’après les Annales Bar., ad an. 1042, les Normands étaient sept cents et les « Grecs » dix mille, « comme l’indiquent avec véracité ceux qui participèrent à la bataille », ajoute l’auteur. Selon Skylitzès (Joannis Scylitzae Synopsis historiarum, p. 426, l. 41 - p. 427, l. 45), en revanche, Boiôannès (voir note suivante) ne put recruter de nouvelles troupes, « et il fut obligé de combattre avec celles qui avaient été déjà battues par un ennemi maintenant établi solidement à Monopoli, et qui tenait la région comme si c’était la sienne. Il fut vaincu et pris » (trad. Flusin & Cheynet 2003, 355).

2Le nouveau catépan d’Italie est alors Boiôannès, fils ou parent de Basile Boiôannès ; voir Falkenhausen 1978, 93-94 (sur l’altération du nom du catépan par Malaterra, voir note philologique). Pour les sources qui mentionnent le remplacement de Dokeianos par Boiôannès, parfois nommé Exaugustus, voir Skylitzès, Joannis Scylitzae Synopsis historiarum, p. 426, l. 36-41 ; Annales Bar., ad an. 1041 ; Aimé II, 23 ; Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 33 - p. 300, l. 9 ; Guil. Ap. I, 342-347 ; Anon. Bar., ad an. 1042 ; Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1042.

3La bataille a eu lieu le 3 septembre 1041 entre Montepeloso (Irsina depuis 1895, prov. Matera), commune perchée à 548 m et dominant la vallée du Bradano, et le Monte Serico, haut de 542 m, situé à une quinzaine de kilomètres (à vol d’oiseau) au nord-ouest de Montepeloso, d’après les Annales Bar. et Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1042 (l’année commence en septembre). C’est à Montepeloso que le catépan s’était réfugié après la bataille du 4 mai 1041. Aimé II, 25, donne des informations sur la localisation des armées avant l’affrontement. Le catépan, dit-il, ne peut pas prendre les Normands dans leur ville, car ils viennent camper sur le Monte Serico, près de leurs ennemis ; Leo Ost. II, 66, p. 300, l. 9-10.

4Chez Malaterra, les Normands, commandés par Guillaume de Hauteville, sont seuls à combattre contre les Byzantins. Le chroniqueur, taisant les noms des Lombards au service desquels ils se sont placés, laisse ainsi croire à leur indépendance militaire et politique. Entre mai et septembre 1041, les Normands avaient choisi de placer à leur tête Aténolf, frère de Pandolf III de Bénévent (voir Guil. Ap. I, 321-323) ; cette élection précéda la deuxième bataille, selon Aimé II, 22. Voir sur ce point Taviani-Carozzi 1996a, 159-160.

5Le récit de la bataille par Guillaume de Pouille (I, 382-395) est proche en bien des points de celui de Malaterra : il témoigne de la résistance byzantine et de la faiblesse croissante des Normands, avant l’intervention du héros. En revanche, il n’attribue pas le bénéfice de la victoire à Guillaume Bras de fer, mais à Gautier, fils d’Ami, l’un des douze comtes élus, qui reçut Civitate lors du partage : « Les deux armées s’affrontent dans la plaine. La bataille alors est terrible. L’un et l’autre s’efforce de vaincre. Tantôt les uns, tantôt les autres prennent la fuite, puis mettent en fuite ceux qui les mettaient en fuite. Comme les Argiens pressaient fougueusement les Gaulois, qui soutenaient le combat depuis longtemps, et qu’ils étaient près d’emporter la victoire, Gautier s’élance soudain au milieu des ennemis, exhortant les Normands qui fuyaient à revenir au combat. C’était l’un des comtes élus, fils de l’illustre Ami. Jamais les Achéens ne connurent plus terrible combat ; et, comme une foule de chevaliers périrent à cette occasion, nombreux furent les héros qui perdirent la vie au même moment » (trad. Mathieu 1961, 118 et 120, retouchée). Aimé II, 25, ne distingue pas de héros, mais vante la force de tous les « vaillant Normant ». Comme aucune autre source, à l’exception de l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 751), qui suit fidèlement Malaterra, ne vient renforcer le témoignage de Malaterra ou de Guillaume de Pouille, il est impossible de prendre parti pour l’un ou l’autre. Mathieu 1961, 28, n. 6, avait noté que « Guillaume de Pouille s’intéresse particulièrement à la famille des Ami, sur laquelle il donne plusieurs renseignements inédits ». Elle range cet exploit de Gautier parmi les détails que le poète, qui n’ignorait pas par ailleurs les hauts faits de Guillaume Bras de fer (voir II, 22-26), ajoute parfois à ses sources.

6Seul Malaterra, suivi par l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 751), affirme que le catépan trouva la mort dans la bataille. Selon les autres sources, il fut fait prisonnier et remis à Aténolf, qui le conduisit à Bénévent et le « vendit » contre rançon. Voir Aimé II, 26 ; Leo Ost. II, 66, p. 300, l. 12-14 ; Guil. Ap. I, 393-395, qui peint du vaincu une image frappante et ironique : Ductus Adenolfi miser Exaugustus ad urbem / Praecedebat equum victoris, ab hoste ligatus / Ostentare sui pompam cupiente triumphi, « Le malheureux Exaugustus fut conduit à la ville d’Adénolf : il marchait devant le cheval du vainqueur, ligoté par l’ennemi qui voulait étaler sa pompe triomphale » (trad. Mathieu 1961, 121, retouchée) ; voir aussi Anon. Bar., ad an. 1041 ; Annales Bar., ad an. 1042 ; Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1042.

7Il n’est pas sûr que les Normands aient déjà disposé, en 1041, de puissantes machines de guerre. Malaterra anticipe ici sur des résultats qui ne se vérifieront pleinement que dans les décennies suivantes (voir Settia 2006, 138-139).

8De même Aimé II, 27 : « Et toutes les cités d’iluec entor constreingnoient, qui estoient allo commandement et a la rayson et statute de li Grex : ensi alcun volontairement se soumettoient, et alcune par force, et alcun paioient tribut de de(na)niers chascun an » ; Leo Ost. II, 66, p. 300, l. 15-16. D’autres sources donnent le nom de ces villes : Bari, Matera (Annales Bar., ad an. 1042), Monopoli, Giovinazzo (Guil. Ap. I, 399-400, ajoute encore, sans les nommer, que d’autres villes prirent aussi le parti des Normands). D’après Skylitzès (Joannis Scylitzae Synopsis historiarum, p. 427, l. 47-51), les Normands ont conquis l’Italie à l’exception de Bari, Brindisi, Otrante, et Tarente, restées fidèles à l’empereur. Selon De Bartholomaeis 1935, 92, n. 1, il faut considérer qu’une partie de Bari seulement a fait alliance avec les Normands. En fait, ces villes maritimes jouissent d’une certaine indépendance. Elles ne se livrent pas aux Normands, mais traitent avec eux, sans consulter le catépan, pour éviter de subir des pillages. Les Normands sont donc maîtres de tout le nord de la Pouille, jusqu’à une ligne allant de Tarente à Brindisi, et exercent ainsi leur contrôle sur les côtes adriatique et ionienne auxquelles ils ont accès (Tramontana 1970, 176-177).

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a'Le nom Ano(n), précédé de duce et transmis sous la forme ano par le manuscrit A ou an(n)on par les autres manuscrits et l’édition princeps, a conduit Pontieri à y voir la forme latinisée, Duceano, de Dokeianos. En revanche, De Bartholomaeis 1935, 87, n. 1, a reconnu dans les leçons manuscrites une altération du nom de Boiôannès, nouveau catépan d’Italie au moment des faits ici mentionnés. La seule autre occurrence de l’anthroponyme chez Malaterra (I, 10, 3) présente les mêmes variantes et semble conforter la deuxième interprétation, mais l’appostion de duce exercitus invite à la prudence, d’autant plus que l’Historia Sicula de l’Anonyme du Vatican donne le nom Ducheano pour les mêmes événements ; cependant, de nombreux autres noms propres – notamment arabes – ont été transmis différemment par ce lecteur de Malaterra. Rappelons aussi que le nom de Boiôannès a été diversement graphié dans les autres sources latines : Bugiano et Budiano, de même d’ailleurs que celui de son parent et prédécesseur, Basile Boiôannès : Bugianus, Bogianus, Boiano, Vulcano et – exceptionnellement dans une source grecque – Βοηάνου (voir Mathieu 1952, 299-305, corrigé en partie par Falkenhausen 1978, 91 et 93-94, qui donne d’autres exemples d’erreurs dans la transmission des noms grecs). Ainsi, Malaterra aura été mal informé sur le nom ou l’identité du catépan, ce qui n’est pas impossible s’agissant d’un nom grec, et les sources du chroniqueur étant orales. Ou alors ce nom aura été déformé par l’un des premiers copistes du récit de Malaterra.

b'Sur cette syllepse de genre, que D et Me avaient voulu corriger respectivement par cernentia et cernens, voir Desbordes 2005, 124.