Chapitre 99

[1491/vue 57] Capitulum XCIX1caput 98 1536.

Vacca [« la vache de mer » : création littéraire1Il ne faut pas trop vite reconnaître dans la vacca marina un parent du vitulus marinus, qui est le phoque. Le nom de cet animal apparaît à plusieurs reprises dans la traduction latine de Michel Scot, auquel Thomas de Cantimpré (TC 6, 55) a emprunté, sans toujours les comprendre, les informations qui figurent dans sa notice. C’est par ce syntagme que Michel Scot rend compte, via l’arabe, du grec βοῦς, traduit « bœuf marin » par Louis. De Saint-Denis 1966b, 233-235, Louis 1968, 6, n. 4, et Kitchell & Resnick 1999, 1706 et n. 326, l’ont identifié à la raie cornue (Mobula mobular Bonnaterre, 1788), sorte de sélacien. C’est en effet au sein de cette famille qu’Aristote (Arist. HA 540 b 18-20) place l’animal. L’identification cependant n’est pas claire, car Aristote lui-même, expliquant ailleurs la reproduction des cétacés, animaux vivipares, nomme parmi ceux-ci « le poisson-scie et le bœuf marin » (Arist. HA 566 b 2-4 : « Le dauphin, la baleine et les autres cétacés, qui n’ont pas de branchie mais un évent, sont vivipares, de même que le poisson-scie et le bœuf marin »). Louis 1968, 86, n. 5, corrige aussitôt l’information : « Les poissons-scies, dont quelques spécimens se rencontrent en Méditerranée, sont en réalité des sélaciens, comme d’ailleurs le bœuf marin qui est une espèce de raie, la raie cornue ». Quoi qu’il en soit, les informations que Thomas de Cantimpré a associées à ce nom n’ont rien à voir avec la raie cornue : la viviparité de l’animal rappelle le phoque, mentionné peu après (Arist. HA 567 a 1-2 MS), ou encore le dauphin. C’est d’ailleurs à la description de ce dernier (Arist. HA 566 b 16 MS) que Thomas de Cantimpré doit la plupart des éléments qu’il donne à propos de la vacca marina : la durée de sa croissance, celle de sa gestation ou encore sa capacité à vivre jusqu’à 130 ans, ce que l’on peut vérifier, reprend-il encore à Aristote, en coupant la queue de l’animal.] et vitulus marinus [« le veau de mer » : le phoque2Pour désigner le phoque (Phoca vitulina Linné, 1758), les Anciens, Pline par exemple, utilisaient les noms phoca et vitulus marinus ; voir De Saint-Denis 1947, 86 et 117.] [+][VB 17, 135 De vacca et vitulo marino [-]][+]

[Prüss1/vue 47] Vacca et vitulus marinus [+][VB 17, 135 De vacca et vitulo marino [-]][+]

Renvois internes : Vitulus Marinus : cf. Elcus, ch. 30 ; Felchus et Foca, ch. 38 ; Koky, ch. 47.

Lieux parallèles : Vacca dans TC, De vacca maris (6, 55) ; AM, [Vacca] (24, 135 (59)).
Vitulus marinus dans TC, De vitulo maris (6, 56).

poisson

[1] [] VB 17, 135, 1D’après le Liber de natura rerum. [] TC 6, 55La vache marine est un monstre grand et fort, irritable quand on lui veut du mal ; elle n’a pas d’œufs, mais met au monde la plupart du temps un seul petit, ou deux au plus. Elle chérit tendrement son petit et l’emmène avec elle partout où elle va. Ces animaux ont une durée de vie de trente ans, comme on l’a vérifié en leur coupant la queue3Pline signale le fait, mais au sujet du dauphin. Plin. nat. 9, 22 : Viuont et tricenis, quod cognitum praecisa cauda in experimentum, « Ils vivent jusqu’à trente ans : on s’en est rendu compte en faisant une entaille à la queue <de certains sujets>, à titre d’expérience » (De Saint-Denis 1955, 44). On peut comprendre que des animaux ont été « marqués » par une incision à la nageoire caudale, ce qui a permis leur identification par la suite et constituerait sans doute la première évocation d’une telle expérience encore pratiquée aujourd’hui..

[1] [] VB 17, 135, 1Ex Libro de naturis rerum2Le texte de Vincent de Beauvais reprend fidèlement le chapitre De vacca maris de Thomas de Cantimpré, à l’exception de deux phrases. Le chapitre De vitulo maris n’est pas utilisé.. [] TC 6, 55Vacca marina monstrum est magnum ac validum et ad injurias iracundum. Non habet ova sed facit fetum, unum quidem saepius vel duos ad3aut Prüss1 1536. plus. Fetum tenere diligit et secum ducit ubicumque4quocumque 1536. vadit. Vivit5vivit post caudis transt. Prüss1 1536. hoc animal XXX annis, quod probatum est amputatis eorum caudis.

[2] [] VB 17, 135, 2Isidore. [] Isid. orig. 12, 6, 5Le « veau marin » tire son nom de sa ressemblance avec le veau terrestre.

[2] [] VB 17, 135, 2Isidorus. [] Isid. orig. 12, 6, 5Piscium uero postea paulatim cognitis generibus nomina instituta sunt aut ex similitudine terrestrium animalium aut ex specie propria siue moribus seu colore uel figura aut sexu. Ex similitudine terrestrium, ut ranae et uituli.Vitulus marinus a similitudine terrestris dicitur6Voir aussi Plin. nat. 9, 41 : Ipsis in sono mugitus, unde nomen uituli..

[3] [] VB 17, 135, 3Aristote. [] Arist. HA 567 a 9-11 MS Le « veau marin » a un corps dur et charnu. C’est pourquoi il est difficile à tuer4On trouve la même difficulté à tuer le felchus (autre nom du phoque, voir ch. 38) et le monstrueux zitiron (ch. 105)., sauf si le coup l’atteint aux mâchoires. Son cri ressemble à celui du taureau ; il a quatre pattes, [] Arist. GA 781 b 24-29 MSmais pas d’oreilles parce que l’eau lui fournit sa nourriture et son séjour. Car s’il avait des oreilles externes5Nous traduisons de cette manière en suivant Louis 1961, 186. au-dessus des conduits auditifs, elles s’empliraient d’eau et entraveraient ses déplacements et sa nage dans la mer6Le texte grec d’Aristote ne dit pas cela (Louis 1961, 186) : « Il n’a pas d’oreilles externes mais seulement des conduits auditifs. La cause en est que sa vie se passe dans l’eau : or l’oreille externe précède les conduits pour permettre de capter les mouvements de l’air éloigné. Elle ne servirait donc à rien dans le cas du phoque : elle ferait plutôt le contraire, car beaucoup d’eau s’y accumulerait ».. [] Arist. HA 567 a 3-5 MS Il met au monde un petit bien formé. La gestation se fait, comme chez l’homme, en toute saison, mais tout particulièrement au moment où les chèvres mettent bas.

[3] [] VB 17, 135, 3Aristoteles. [] Arist. HA 567 a 9-11 MSEst carnosus, mollis et eius ossa sunt cartillaginosa. Et graviter interficitur nisi cum vulnere in maxillis, quoniam suum corpus est durum, carnosum. Et sua vox sicut tauri (à propos du Koky).Vitulus marinus habet corpus durum7La contradiction entre mollis et durum, présente chez Aristote, est supprimée. et carnosum. Ideoque graviter interficitur, nisi cum vulnere in8et 1491 Prüss1 1536. maxillis. Vox ejus est ut tauri ; quattuor habet pedes, [] Arist. GA 781 b 24-29 MSNon habet auriculas tantum. Et causa illius est quoniam regimen vitae istius animalis et eius mansio est in aqua […]. In isto animali ergo non indigetur auriculis, et si essent positae super vias, reciperent multum humorem et prohiberent motum et natationem in aqua (à propos du Koky).non autem auriculas, quia regimen vitae illius et mansio est in aqua. Nam si essent ei auriculae super vias positae, multum humorem reciperent ac motum et natationem in aqua prohiberent. [] Arist. HA 567 a 3-5 MSEt eius partus erit omni tempore, sicut hominis, et precipue in principio temporis partus caprarum (à propos du Koky).Animal generat9generant VBd. completum. Ejusque partus est omni tempore, sicut hominis, et10et om. 1536. praecipue tempore partus caprarum.

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1Il ne faut pas trop vite reconnaître dans la vacca marina un parent du vitulus marinus, qui est le phoque. Le nom de cet animal apparaît à plusieurs reprises dans la traduction latine de Michel Scot, auquel Thomas de Cantimpré (TC 6, 55) a emprunté, sans toujours les comprendre, les informations qui figurent dans sa notice. C’est par ce syntagme que Michel Scot rend compte, via l’arabe, du grec βοῦς, traduit « bœuf marin » par Louis. De Saint-Denis 1966b, 233-235, Louis 1968, 6, n. 4, et Kitchell & Resnick 1999, 1706 et n. 326, l’ont identifié à la raie cornue (Mobula mobular Bonnaterre, 1788), sorte de sélacien. C’est en effet au sein de cette famille qu’Aristote (Arist. HA 540 b 18-20) place l’animal. L’identification cependant n’est pas claire, car Aristote lui-même, expliquant ailleurs la reproduction des cétacés, animaux vivipares, nomme parmi ceux-ci « le poisson-scie et le bœuf marin » (Arist. HA 566 b 2-4 : « Le dauphin, la baleine et les autres cétacés, qui n’ont pas de branchie mais un évent, sont vivipares, de même que le poisson-scie et le bœuf marin »). Louis 1968, 86, n. 5, corrige aussitôt l’information : « Les poissons-scies, dont quelques spécimens se rencontrent en Méditerranée, sont en réalité des sélaciens, comme d’ailleurs le bœuf marin qui est une espèce de raie, la raie cornue ». Quoi qu’il en soit, les informations que Thomas de Cantimpré a associées à ce nom n’ont rien à voir avec la raie cornue : la viviparité de l’animal rappelle le phoque, mentionné peu après (Arist. HA 567 a 1-2 MS), ou encore le dauphin. C’est d’ailleurs à la description de ce dernier (Arist. HA 566 b 16 MS) que Thomas de Cantimpré doit la plupart des éléments qu’il donne à propos de la vacca marina : la durée de sa croissance, celle de sa gestation ou encore sa capacité à vivre jusqu’à 130 ans, ce que l’on peut vérifier, reprend-il encore à Aristote, en coupant la queue de l’animal.

2Pour désigner le phoque (Phoca vitulina Linné, 1758), les Anciens, Pline par exemple, utilisaient les noms phoca et vitulus marinus ; voir De Saint-Denis 1947, 86 et 117.

3Pline signale le fait, mais au sujet du dauphin. Plin. nat. 9, 22 : Viuont et tricenis, quod cognitum praecisa cauda in experimentum, « Ils vivent jusqu’à trente ans : on s’en est rendu compte en faisant une entaille à la queue <de certains sujets>, à titre d’expérience » (De Saint-Denis 1955, 44). On peut comprendre que des animaux ont été « marqués » par une incision à la nageoire caudale, ce qui a permis leur identification par la suite et constituerait sans doute la première évocation d’une telle expérience encore pratiquée aujourd’hui.

4On trouve la même difficulté à tuer le felchus (autre nom du phoque, voir ch. 38) et le monstrueux zitiron (ch. 105).

5Nous traduisons de cette manière en suivant Louis 1961, 186.

6Le texte grec d’Aristote ne dit pas cela (Louis 1961, 186) : « Il n’a pas d’oreilles externes mais seulement des conduits auditifs. La cause en est que sa vie se passe dans l’eau : or l’oreille externe précède les conduits pour permettre de capter les mouvements de l’air éloigné. Elle ne servirait donc à rien dans le cas du phoque : elle ferait plutôt le contraire, car beaucoup d’eau s’y accumulerait ».

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1caput 98 1536.

2Le texte de Vincent de Beauvais reprend fidèlement le chapitre De vacca maris de Thomas de Cantimpré, à l’exception de deux phrases. Le chapitre De vitulo maris n’est pas utilisé.

3aut Prüss1 1536.

4quocumque 1536.

5vivit post caudis transt. Prüss1 1536.

6Voir aussi Plin. nat. 9, 41 : Ipsis in sono mugitus, unde nomen uituli.

7La contradiction entre mollis et durum, présente chez Aristote, est supprimée.

8et 1491 Prüss1 1536.

9generant VBd.

10et om. 1536.

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