Chapitre 60

Capitulum LX1caput 60 1536.

Multipes [la pieuvre1Multipes (traduction du grec πολύπους) et polippus, autrement graphié polypus (translittération latine du même mot), sont deux synonymes qui désignent le « poulpe » de Pline : Vincent de Beauvais (VB 17, 68) l’indique lui-même à la fin du chapitre. Une rubrique est cependant consacrée à chacun des deux termes, comme dans les œuvres de Thomas de Cantimpré (TC 6, 43 et TC 7, 53) et d’Albert le Grand (AM 24, 79 (43) et AM 24, 100 (49)). Si Thomas de Cantimpré n’établit pas de lien entre les deux chapitres, Albert le Grand (AM 24, 100 (49)) précise, comme Vincent de Beauvais, que le polippus est aussi appelé multipes. Cette division vient peut-être du texte d’Isidore de Séville. Voir Isid. orig. 12, 6, 44 : Polypus, id est multipes ; plurimos enim nexus habet. Iste ingeniosus hamum appetens brachiis conplectitur, non morsu, nec prius dimittit quam escam circumroserit, « Le polypus (poulpe) ou “multipattes” : il a en effet de très nombreuses tentacules. Il saisit habilement l’hameçon, l’enveloppe de ses bras sans y mordre et ne le lâche pas avant d’avoir rongé l’appât tout autour » (André 1986, 208). Pline, en revanche, ne décrit que le polypus, que De Saint-Denis 1947, 89, traduit par « poulpe » ou « pieuvre », car les deux termes sont employés l’un pour l’autre en français. L’animal décrit dans les deux chapitres est donc probablement l’Octopus vulgaris Cuvier, 1797, pourvu de tentacules vigoureux avec deux rangées de ventouses et situé dans les biotopes rocheux. Au contraire, Aristote (Arist. HA 525 a 16-18) avait distingué le poulpe « musqué », qui, contrairement à tous les autres céphalopodes, n’a qu’une rangée de ventouses. Louis 1964, 117, n. 3, a identifié ce poulpe avec l’élédone musquée (Eledone muschata Lamarck, 1798), « genre de mollusques céphalopodes voisin des poulpes, qui vit dans les trous des rochers ». Pour le relevé des sources, et notamment des sources grecques, voir D’Arcy Thompson 1947, 204-208.] [+][VB 17, 68 De multipede [-]][+]

Multipes [+][VB 17, 68 De multipede [-]][+]

Renvois internes : Multipes : cf. Polippus, ch. 72.

Lieux parallèles : TC, De multipede (7, 53) ; AM, [Multipes] (24, 79 (43)).

poisson

[1] [] VB 17, 68, 1D’après le Liber de natura rerum. [] TC 7, 53, 1-11La pieuvre est un poisson de mer, ainsi nommé parce que ses pieds poussent sur le côté. Elle s’accouple en hiver et se construit un nid d’épines au milieu des autres poissons. Elle porte son œuf pendant deux mois, et cet œuf unique est aussi petit qu’une noix. La femelle, pendant quarante nuits, reste à couver l’œuf qu’elle a pondu et d’où sortent, une fois formés, d’innombrables poissons2Les poulpes pondent des œufs englobés dans une masse muqueuse qui a sans doute été prise pour l’œuf lui-même (voir Polippus, ch. 72, 3).. S’il n’en était pas ainsi, leur espèce se raréfierait considérablement, car elles se mangent entre elles et sont extrêmement voraces. [] TC 7, 53, 14-22La pieuvre l’emporte par l’habileté plus que par la force sur le karabo [la langouste], un monstre marin robuste et puissant. On a une preuve de sa supériorité : lorsqu’on les trouve pris ensemble dans le filet, on constate que le karabo [la langouste] est souvent mort ou blessé à mort. Il existe aussi une espèce de pieuvre naturellement habile, qui nage à la surface de l’eau et expose au soleil la coquille3Pour décrire la pieuvre, le terme testa fait ici difficulté. S’agit-il de la coquille de l’argonaute, évoqué ch. 63 ? Thomas de Cantimpré aurait-il été influencé par l’Hexaméron de Basile de Césarée ou de celui d’Ambroise (Ambr. hex. 5, 8, 21, B), qui condamnent la ruse ou la malice du poulpe ? Bas. hex. 153 C : « Point ne voudrais-je passer sous silence la ruse ni la dissimulation du polype : à quelque roche que celui-ci s’attache, il en prend la couleur. Aussi maints poissons, qui nagent sans précaution, viennent-ils se heurter au polype, comme à une roche, et deviennent-ils pour le fourbe une proie toute préparée » (Giet 1950, 407). Aristote (Arist. HA 622 a 8) considère, en revanche, que le poulpe est « dénué de toute intelligence », bien qu’il lui reconnaisse la capacité, pour chasser les poissons, de changer de couleur « en prenant celle des pierres du voisinage » (Louis 1968, 108). Voir à ce sujet Polippus, ch. 72, 1. de son dos, afin de l’assécher et de la durcir : ainsi elle peut supporter les eaux salées de la mer et les chocs contre les rochers.

[1] [] VB 17, 68, 1Ex Libro de naturis rerum2Vincent de Beauvais résume et modifie très légèrement le texte de Thomas de Cantimpré, en supprimant notamment l’indication des deux marqueurs, à savoir Pline et Basile.. [] TC 7, 53, 1-11Multipes piscis marinus est ; a re nomen habet : huic pedes a latere procedunt. In hieme coit[Prüss1/vue 30] et inter ceteros pisces sibi nidum ex surculis construit. Per duos menses ovat, et hoc unum ovum tantum ad instar nucis parvum. Femina per quadraginta noctes sedet et ovum a se editum fovet, ex quo fiunt pisces innumerabiles. Quod si non esset, multum eorum genus decresceret, quia se ipsos invicem consumunt et multae comestionis sunt. [] TC 7, 53, 14-22Multipes astutia magis quam3magis quam : magisque VBd. fortitudine vincit karabo4charabon VBd., monstrum marinum quod validum est ac robustum. Cujus victoriae signum est : nam dum5dum om. 1491 Prüss1 1536. simul capti in reti reperiuntur, karabo6charabos VBd. frequenter mortuus invenitur aut letaliter vulneratus7Pline (Plin. nat. 9, 185) rapporte la terreur qu’inspire la pieuvre à la langouste (locusta), sans préciser que celle-ci est trouvée morte quand elle est prise avec la pieuvre dans le filet. Ce détail se trouve, en revanche, dans Arist. HA 590 b 13-15 MS : Multipes autem vincit karabo et comedit ipsum. Et propter hoc <si> supervenerint ambo in unum rethe, invenitur mortuum karabo propter eius comitatum.. Est etiam quoddam genus multipedis naturaliter astutum, quod in aquae8aquae — natat : aquae supernatat 1491 aqua supernatat Prüss1 1536. superficie natat et dorsi testam ad solem ponit, ut desiccetur ac durior fiat, sic ut salsas maris aquas et adversa scopulorum pati valeat.

[2] [] VB 17, 68, 2L’auteur. [] VB 17, 68, 2La pieuvre équivaut, chez Pline, au poulpe [polippus], dont on parlera abondamment plus loin.

[2] [] VB 17, 68, 2Actor. [] VB 17, 68, 2Multipes ipse est polippus9Pour désigner la pieuvre, Pline n’emploie en effet que le terme polypus et jamais celui de multipes., juxta Plinium, de quo plenius inferius dicetur10inferius dicetur : dicetur inferius ubi de monstris agetur VB..

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1Multipes (traduction du grec πολύπους) et polippus, autrement graphié polypus (translittération latine du même mot), sont deux synonymes qui désignent le « poulpe » de Pline : Vincent de Beauvais (VB 17, 68) l’indique lui-même à la fin du chapitre. Une rubrique est cependant consacrée à chacun des deux termes, comme dans les œuvres de Thomas de Cantimpré (TC 6, 43 et TC 7, 53) et d’Albert le Grand (AM 24, 79 (43) et AM 24, 100 (49)). Si Thomas de Cantimpré n’établit pas de lien entre les deux chapitres, Albert le Grand (AM 24, 100 (49)) précise, comme Vincent de Beauvais, que le polippus est aussi appelé multipes. Cette division vient peut-être du texte d’Isidore de Séville. Voir Isid. orig. 12, 6, 44 : Polypus, id est multipes ; plurimos enim nexus habet. Iste ingeniosus hamum appetens brachiis conplectitur, non morsu, nec prius dimittit quam escam circumroserit, « Le polypus (poulpe) ou “multipattes” : il a en effet de très nombreuses tentacules. Il saisit habilement l’hameçon, l’enveloppe de ses bras sans y mordre et ne le lâche pas avant d’avoir rongé l’appât tout autour » (André 1986, 208). Pline, en revanche, ne décrit que le polypus, que De Saint-Denis 1947, 89, traduit par « poulpe » ou « pieuvre », car les deux termes sont employés l’un pour l’autre en français. L’animal décrit dans les deux chapitres est donc probablement l’Octopus vulgaris Cuvier, 1797, pourvu de tentacules vigoureux avec deux rangées de ventouses et situé dans les biotopes rocheux. Au contraire, Aristote (Arist. HA 525 a 16-18) avait distingué le poulpe « musqué », qui, contrairement à tous les autres céphalopodes, n’a qu’une rangée de ventouses. Louis 1964, 117, n. 3, a identifié ce poulpe avec l’élédone musquée (Eledone muschata Lamarck, 1798), « genre de mollusques céphalopodes voisin des poulpes, qui vit dans les trous des rochers ». Pour le relevé des sources, et notamment des sources grecques, voir D’Arcy Thompson 1947, 204-208.

2Les poulpes pondent des œufs englobés dans une masse muqueuse qui a sans doute été prise pour l’œuf lui-même (voir Polippus, ch. 72, 3).

3Pour décrire la pieuvre, le terme testa fait ici difficulté. S’agit-il de la coquille de l’argonaute, évoqué ch. 63 ? Thomas de Cantimpré aurait-il été influencé par l’Hexaméron de Basile de Césarée ou de celui d’Ambroise (Ambr. hex. 5, 8, 21, B), qui condamnent la ruse ou la malice du poulpe ? Bas. hex. 153 C : « Point ne voudrais-je passer sous silence la ruse ni la dissimulation du polype : à quelque roche que celui-ci s’attache, il en prend la couleur. Aussi maints poissons, qui nagent sans précaution, viennent-ils se heurter au polype, comme à une roche, et deviennent-ils pour le fourbe une proie toute préparée » (Giet 1950, 407). Aristote (Arist. HA 622 a 8) considère, en revanche, que le poulpe est « dénué de toute intelligence », bien qu’il lui reconnaisse la capacité, pour chasser les poissons, de changer de couleur « en prenant celle des pierres du voisinage » (Louis 1968, 108). Voir à ce sujet Polippus, ch. 72, 1.

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1caput 60 1536.

2Vincent de Beauvais résume et modifie très légèrement le texte de Thomas de Cantimpré, en supprimant notamment l’indication des deux marqueurs, à savoir Pline et Basile.

3magis quam : magisque VBd.

4charabon VBd.

5dum om. 1491 Prüss1 1536.

6charabos VBd.

7Pline (Plin. nat. 9, 185) rapporte la terreur qu’inspire la pieuvre à la langouste (locusta), sans préciser que celle-ci est trouvée morte quand elle est prise avec la pieuvre dans le filet. Ce détail se trouve, en revanche, dans Arist. HA 590 b 13-15 MS : Multipes autem vincit karabo et comedit ipsum. Et propter hoc <si> supervenerint ambo in unum rethe, invenitur mortuum karabo propter eius comitatum.

8aquae — natat : aquae supernatat 1491 aqua supernatat Prüss1 1536.

9Pour désigner la pieuvre, Pline n’emploie en effet que le terme polypus et jamais celui de multipes.

10inferius dicetur : dicetur inferius ubi de monstris agetur VB.

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