Chapitre 13

Capitulum XIII1caput 12 1536.

Borbotha [la lote1Il faut reconnaître sous l’appellation borbotha la lote de rivière, Lota lota Linné, 1758, que le latin classique désignait par mustela (voir ch. 57). Alors que les renseignements fournis par la notice sont parfaitement cohérents avec la description de la lote, on repérera dans la forme borbotha la latinisation d’une des dénominations de la lote en ancien français, attestée vers 1220 selon le Dictionnaire historique de la langue française (Paris, Dictionnaires Le Robert, 1998, s. v.) : la barbote, qu’on trouve aussi sous les formes borbote ou bourbote. Barbote / borbote est un déverbal de borboter au sens de « remuer dans l’eau ou la boue », peut-être influencé par barbe par allusion au barbillon qui pend au bout de la mâchoire inférieure de la lote. La lote est la seule espèce de la famille des morues à vivre en eau douce.], botha [le flet2On reconnaît assez précisément dans la notice consacrée aux poissons de rivière dénommés bothae la description du flet (Platichthys flesus Linné, 1758), un poisson plat de la famille des pleuronectidés. Le flet est un poisson marin, qui vit dans les estuaires, à l’embouchure des fleuves, mais qui est capable de remonter les cours d’eau jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres loin de la mer. On notera que le nom néerlandais du flet est bot dont la forme botha pourrait être la latinisation.] et brenna [la brème (commune ou bordelière)3La dénomination brenna ne remonte pas au latin classique et les catalogues de Thomas de Cantimpré et d’Albert le Grand n’ont pas d’entrée brenna. Or, les indices fournis par la description de la brenna sont bien minces pour pouvoir l’identifier. Il faut en effet retrouver derrière cette dénomination un poisson qui n’a suscité l’intérêt d’Alexandre Neckam que comme victime potentielle du brochet. Le brochet (voir Lucius, ch. 53) est en effet un prédateur vorace dont la vandoise, le gardon, le rotengle, le hareng de la Baltique ou la brème sont les proies habituelles. C’est donc vraisemblablement parmi ces espèces qu’il faut compter la brenna. Marcus d’Orvieto (Liber de moralitatibus, livre 4, ch. 80) traite juste après le chapitre consacré au lucius / luctius d’un poisson de rivière connu via Iorach et communément appelé bregma qui pourrait bien être identique à la brenna d’Alexandre Neckam. Il faut sans doute reconnaître dans brenna la latinisation d’une des différentes appellations vernaculaires de la brème, issues d’un étymon francique *brahsima qu’on peut déduire de l’allemand Brachsen, du suisse brachsme, du néerlandais brasem, du danois brasen ou du français brème qui apparaît dans la langue écrite dès le XIIe sous les formes brasme, braisme, braisne, braine… Si brenna désigne bien la brème, les maigres renseignements fournis ne nous permettent pas de trancher entre les deux espèces voisines que sont la brème commune Abramis brama Linné, 1758 et la brème bordelière Blicca bjoerka Linné, 1758. ?] [+][VB 17, 35 De borbotha et botha et brenna [-]][+]

Borbotha, botha et brenna [+][VB 17, 35 De borbotha et botha et brenna2brena VBd ut semper. [-]][+]

Renvois internes : Borbotha : cf. Mustela, ch. 57 ; Solaris, ch. 85.
Brenna : cf. Vergiliales, ch. 101.

Lieux parallèles : Borbotha dans TC, De borbothis (7, 17) ; AM, [Borbothae] (24, 21 (13)).
Botha dans TC, De bothis (7, 16) ; AM, [Bothae] (24, 20 (12)).

poisson

[1] [] VB 17, 35, 1 Nota HSIsidore. [] TC 7, 17Les lotes sont des poissons de rivière assez semblables aux anguilles, car ils sont visqueux et s’écorchent comme les anguilles. Leur peau est noire, leur chair savoureuse et leur foie est meilleur et plus efficace que celui de tous les autres poissons4Encore aujourd’hui la lote est un poisson apprécié pour sa chair, pour la délicatesse de son foie et pour ses œufs. La lote adulte peut mesurer 40 cm et atteindre un poids de 500 g, mais des lotes de plus de 15 ans et atteignant 1 m de longueur ont pu être repérées en Sibérie.. Ils ont une grosse tête en proportion du corps, une bouche très grande et très large. Mais quand ce poisson a passé l’âge de douze ans, son corps s’allonge beaucoup ; il change alors de nom pour prendre celui de solaris et nous en parlerons plus loin.

[1] [] VB 17, 35, 1 compil.Isidorus3isidorus non hab. VB.4Le marqueur est erroné. Vincent de Beauvais suit de très près Thomas de Cantimpré.. [] TC 7, 17Borbotha5borbothae VB. sunt pisces quidam fluviales, aliquatenus anguillis similes. Lubricae namque sunt et excoriantur sicut anguillae. Corium habent nigrum, esum6esu VBd. dulcem, et hepar prae omnibus piscibus melius et effica[1491/vue 8] cius, caput magnum respectu corporis, os amplum et latum valde. Cum autem aetate duodecim annos excesserit, in corpus magnum crescit, et tunc nomen ejus mutatur, et solaris vocatur, de quo inferius dicetur.

[2] [] VB 17, 35, 1 Nota HSLe même. [] TC 7, 16Les flets sont des poissons de rivière qui nagent grâce à leur seule ampleur, car ils sont très plats et très larges. Ils ont des épines disposées tout autour de leur large corps, ils engraissent lorsque souffle le vent du midi5Thomas de Cantimpré reprend un renseignement délivré par Aristote, mais déformé par la tradition, ainsi chez Michel Scot (Arist. HA 602 a 23-25 MS) : Et quidam pisces inpinguantur vento septentrionali et quidam meridionali. Et pisces longi inpinguantur septentrionali, et propter hoc deprehenduntur multi illorum in estate, et pisces ampli cum meridionali, « Et certains poissons engraissent quand souffle le vent du nord, d’autres, quand souffle le vent du sud. Les poissons longs engraissent par vent de nord, et à cause de cela on les prend en grand nombre en été, tandis que les poissons larges engraissent par vent de sud ». Initialement Aristote disait : « La direction du vent, du nord ou du sud, a aussi son importance. En effet, les gros poissons se portent mieux quand les vents sont du nord, et en été, dans un endroit donné, on prend par vent du nord un plus grand nombre de gros poissons et de poissons larges et plats » (Louis 1969, 44-45). Voir aussi Lucius, ch. 53, 5 ou Rayte, ch. 75, 1 à propos de la même information d’Aristote mais déformée.. Et quand ce poisson est pourchassé par les pêcheurs, il gagne le fond et trouble l’eau au-dessus de lui, afin qu’on ne puisse pas le voir. Et surtout, quand il s’étale et s’aplatit sur le fond, le dessus de son dos ne se distingue absolument pas du fond ; et il a des taches rouges sur le dos6Les renseignements délivrés par Thomas de Cantimpré témoignent d’une bonne connaissance des flets. Le flet possède en effet une rangée de bosses épineuses autour du corps et sa peau d’un brun terne porte des taches orange clair. Il peut adapter sa couleur au fond sur lequel il se trouve pour rechercher sa nourriture et il est capable de s’enfouir dans le sable et d’y rester caché en cas de danger..

[2] [] VB 17, 35, 1 compil.Idem7idem non hab. VB.8Vincent de Beauvais suit de très près Thomas de Cantimpré.. [] TC 7, 16Bothae sunt pisces fluviales, qui non natant9L’information remonte à Plin. nat. 9, 73 : Et e planis aliqua non habent pinnas, ut pastinacae ipsa enim latitudine natant. nisi per amplitudinem corporis. Tenuissimi namque sunt et lati valde. Pinnas habent in circuitu lati corporis. Impinguantur vento meridionali flante. Cumque venatur hic piscis a piscatoribus, fundum aquae petens aquam supra se turbat ut videri nequeat, maximeque corpore strato cum terrae adhaeret, supra dorsum terrae simillimus est. Maculas autem in dorso rubeas habet.

[3] [] VB 17, 35, 2Alexandre. [] AN 33La brenna est un poisson de rivière ; quand il voit que le brochet le menace, il s’esquive et gagne les fonds bourbeux en troublant l’eau claire derrière lui.

[3] [] VB 17, 35, 2Alexander. [] AN 33Brenna vero hostis declinans insidias, ad loca coenosa fugit, aquarum limpiditatem quas a tergo habet perturbans, sicque delusa tyranni spe, ad alios pisces se transfert.Brenna est piscis fluvialis qui, cum videt sibi lucium imminere, declinat ad caenosa10scenosa 1491 Prüss1., aquarum limpiditatem11post limpiditatem hab. quas habet VB. a tergo perturbans.

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1Il faut reconnaître sous l’appellation borbotha la lote de rivière, Lota lota Linné, 1758, que le latin classique désignait par mustela (voir ch. 57). Alors que les renseignements fournis par la notice sont parfaitement cohérents avec la description de la lote, on repérera dans la forme borbotha la latinisation d’une des dénominations de la lote en ancien français, attestée vers 1220 selon le Dictionnaire historique de la langue française (Paris, Dictionnaires Le Robert, 1998, s. v.) : la barbote, qu’on trouve aussi sous les formes borbote ou bourbote. Barbote / borbote est un déverbal de borboter au sens de « remuer dans l’eau ou la boue », peut-être influencé par barbe par allusion au barbillon qui pend au bout de la mâchoire inférieure de la lote. La lote est la seule espèce de la famille des morues à vivre en eau douce.

2On reconnaît assez précisément dans la notice consacrée aux poissons de rivière dénommés bothae la description du flet (Platichthys flesus Linné, 1758), un poisson plat de la famille des pleuronectidés. Le flet est un poisson marin, qui vit dans les estuaires, à l’embouchure des fleuves, mais qui est capable de remonter les cours d’eau jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres loin de la mer. On notera que le nom néerlandais du flet est bot dont la forme botha pourrait être la latinisation.

3La dénomination brenna ne remonte pas au latin classique et les catalogues de Thomas de Cantimpré et d’Albert le Grand n’ont pas d’entrée brenna. Or, les indices fournis par la description de la brenna sont bien minces pour pouvoir l’identifier. Il faut en effet retrouver derrière cette dénomination un poisson qui n’a suscité l’intérêt d’Alexandre Neckam que comme victime potentielle du brochet. Le brochet (voir Lucius, ch. 53) est en effet un prédateur vorace dont la vandoise, le gardon, le rotengle, le hareng de la Baltique ou la brème sont les proies habituelles. C’est donc vraisemblablement parmi ces espèces qu’il faut compter la brenna. Marcus d’Orvieto (Liber de moralitatibus, livre 4, ch. 80) traite juste après le chapitre consacré au lucius / luctius d’un poisson de rivière connu via Iorach et communément appelé bregma qui pourrait bien être identique à la brenna d’Alexandre Neckam. Il faut sans doute reconnaître dans brenna la latinisation d’une des différentes appellations vernaculaires de la brème, issues d’un étymon francique *brahsima qu’on peut déduire de l’allemand Brachsen, du suisse brachsme, du néerlandais brasem, du danois brasen ou du français brème qui apparaît dans la langue écrite dès le XIIe sous les formes brasme, braisme, braisne, braine… Si brenna désigne bien la brème, les maigres renseignements fournis ne nous permettent pas de trancher entre les deux espèces voisines que sont la brème commune Abramis brama Linné, 1758 et la brème bordelière Blicca bjoerka Linné, 1758.

4Encore aujourd’hui la lote est un poisson apprécié pour sa chair, pour la délicatesse de son foie et pour ses œufs. La lote adulte peut mesurer 40 cm et atteindre un poids de 500 g, mais des lotes de plus de 15 ans et atteignant 1 m de longueur ont pu être repérées en Sibérie.

5Thomas de Cantimpré reprend un renseignement délivré par Aristote, mais déformé par la tradition, ainsi chez Michel Scot (Arist. HA 602 a 23-25 MS) : Et quidam pisces inpinguantur vento septentrionali et quidam meridionali. Et pisces longi inpinguantur septentrionali, et propter hoc deprehenduntur multi illorum in estate, et pisces ampli cum meridionali, « Et certains poissons engraissent quand souffle le vent du nord, d’autres, quand souffle le vent du sud. Les poissons longs engraissent par vent de nord, et à cause de cela on les prend en grand nombre en été, tandis que les poissons larges engraissent par vent de sud ». Initialement Aristote disait : « La direction du vent, du nord ou du sud, a aussi son importance. En effet, les gros poissons se portent mieux quand les vents sont du nord, et en été, dans un endroit donné, on prend par vent du nord un plus grand nombre de gros poissons et de poissons larges et plats » (Louis 1969, 44-45). Voir aussi Lucius, ch. 53, 5 ou Rayte, ch. 75, 1 à propos de la même information d’Aristote mais déformée.

6Les renseignements délivrés par Thomas de Cantimpré témoignent d’une bonne connaissance des flets. Le flet possède en effet une rangée de bosses épineuses autour du corps et sa peau d’un brun terne porte des taches orange clair. Il peut adapter sa couleur au fond sur lequel il se trouve pour rechercher sa nourriture et il est capable de s’enfouir dans le sable et d’y rester caché en cas de danger.

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1caput 12 1536.

2brena VBd ut semper.

3isidorus non hab. VB.

4Le marqueur est erroné. Vincent de Beauvais suit de très près Thomas de Cantimpré.

5borbothae VB.

6esu VBd.

7idem non hab. VB.

8Vincent de Beauvais suit de très près Thomas de Cantimpré.

9L’information remonte à Plin. nat. 9, 73 : Et e planis aliqua non habent pinnas, ut pastinacae ipsa enim latitudine natant.

10scenosa 1491 Prüss1.

11post limpiditatem hab. quas habet VB.

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