Afficher Masquer
Passages biffés :
Sauts de pages :
Changements de mains :
Mots clés en marge
(main T) :
DistinguerIntégrer
Corrections du transcripteur :

Fermer

Accueil|Présentation du projet|Abréviations|Introductions|Texte|Index

Français|English Contacts

Volume I|Volume II|Volume III|Citer le texte et les notes| Écritures|Affichage

Pensées 1254 à 1258

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

Fermer

M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

Fermer

Pensées, volume II

1254

L’usage des femmes de la cour de faire des affaires

Femmes qui font des affaires

a produit bien des maux. 1º Cela remplit toutes sortes de place de gens sans merite. 2º Cela a banni la générosité, le bon naturel, la candeur, la noblesse de l’ame. 3º Cela a ruiné ceux qui ne faisoient point ce honteux trafic, en les obligeant de se monter aux depens des autres. 4º Les femmes êtant plus propres à ce commerce là que les hommes, elles faisoient une fortune particuliere, ce qui est la chose du monde qui contribue le plus a la ruine des mœurs, à leur luxe et à leur galanterie[1].

Main principale E

1255

{f.108r} L’amour de l’argent avilit a tel point un prince

Avarice dans les princes

qu’il ne laisse plus voir en lui aucunes vertus : c’est ce qui rendit le pere du grand Condé la fable de l’Europe. L’avarice du pere fut autant chantée que les actions heroiques du fils[1].

- - - - -

Main principale E

1256

On aime une noble fierté[1]

Noble fierté

qui vient de cette satisfaction interieure que laisse la vertu, elle sied aux grands, elle orne les dignités. Une grande ame ne sauroit s’empêcher de se montrer toute entiere ; elle sent la dignité de son être et comment pourroit elle ignorer sa superiorité sur tant d’autres qui sont degradées dans la nature ?
Ces hommes fiers sont les moins orgueilleux, car ce ne sont pas ceux que l’on voit annéantis devant les grands, bas comme de l’herbe sous leurs egaux, elevés comme des cedres sur leurs inferieurs.
{f.108v} Une ame basse orgueilleuse est descendüe au seul point de bassesse ou elle pouvoit descendre. Une grande ame qui s’abbaisse est au plus haut point de la grandeur.
Une des causes de la debilité de nos courages c’est nôtre education dans laquelle on n’a pas assés distingué la grandeur d’ame de l’orgueil et de cette vanité impropre à tout bien qui n’est fondée sur aucun motif ce qui fait que l’on a affoibli le principe des actions ; et plus on a oté de motifs aux hommes plus on a exigé d’eux.

- - - - -

Main principale E

1257

La maniere de se vêtir et de se loger sont deux choses auxquelles il ne faut ni trop d’affectation ni trop de negligence

Mode

.
La table ne contribue pas peu à nous donner cette gaieté

Table

qui jointe à une certaine familiarité modeste est apellée politesse.
{f.109r} Nous evitons les deux extremités ou donnent les nations du Midy  nous mangeons souvent ensemble et nous ne beuvons pas avec excés.

- - - - -

Main principale E

1258

Nous n’avons pas laissé d’avoir en France de ces hommes rares qui auroient êté avoüés des Romains[1]

Na
Certains François dignes d’etre Rom.

 : la foy, la justice et la grandeur d’ame monterent sur le thrône avec Saint Louïs. Thanegui du Chatel[2] abandonna ses employs dés que la voix publique s’eleva contre lui ; il quitta sa patrie sans se plaindre pour lui epargner ses murmures, le chancelier Olivier[3] introduisit la justice jusques dans le conseil des rois. Et la politique y plia devant elle. La France n’a jamais eu de meilleur citoyen que Loüis 12[4]. Le cardinal d’Amboise[5] trouva les interets du peuple dans ceux du roi et les interets du roi dans ceux du peuple. Charles VIII {f.109v} connut dans sa jeunesse même toutes les vanités de sa jeunesse[6]. Le chancelier de L’Hopital[7]

L’Hopital

tel que les loix fut sage comme elle, dans une cour qui n’êtoit calmée que par les plus profondes dissimulations ou agitée que par les passions les plus violentes : on vit dans La Noue[8]

La Noue

un grand citoyen au milieu des discordes civiles. L’amiral[9] fut assassiné n’ayant dans le cœur que la gloire de l’êtat ; et son sort fut tel qu’aprés tant de rebellions il ne put être puni que par un grand crime. Les Guises furent extrêmes dans le bien et le mal qu’ils firent à l’etat

Guise

, heureuse la France s’ils n’avoient pas senti couler dans leurs veines le sang de Charles magne[10]. Il sembla que l’ame de Miron[11]

Miron

prevôt des marchands fut celle de tout le peuple. Henri IV je n’en dirai rien. Je parle à des François. Molé[12]

Molé

montra du heroisme dans une profession qui ne s’appuye ordinairement {f.110r} que sur d’autres vertus. Cesar auroit êté comparé a Mr le prince[13] s’il êtoit venu après lui

Condé

. Mr de Turenne[14] n’avoit point de vices

Turenne

et peut être que s’il en avoit eu il auroit porté de certaines vertus plus loin. La vie de Mr de Sa [mot biffé non déchiffré] vie est une himne a la louange de l’humanité. Le caractere de Mr de Montausier[15]

Montausier

a quelque chose de celui des philosophes anciens et de cet excés de leur raison. Le marechal de Catinat [16] a soutenu la victoire avec modestie et la disgrace avec majesté, grand encore aprés la perte de sa reputation même. Mr de Vandosme[17] n’a jamais rien eu a lui que sa gloire.

- - - - -

Main principale E


1254

n1.

Les Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie (OC, t. 9, p. 61) et les articles nº 1272 et 1340, morceaux rejetés du Traité des devoirs, font remonter cette influence des femmes en France au règne de François Ier ; dans L’Esprit des lois, elle est une caractéristique du gouvernement monarchique (VII, 9).

1255

n1.

Henri II de Bourbon, prince de Condé (1588-1646), père de Louis II de Bourbon, dit le Grand Condé (1621-1686), s’enrichit considérablement par les biens confisqués d’Henri II de Montmorency, soutien de Gaston d’Orléans, exécuté à Toulouse en 1632, dont il avait épousé la sœur Charlotte-Marguerite (Saint-Simon, t. III, p. 427).

1256

n1.

Cf. nº 383, 1075.

1258

n1.

Sur les grands hommes, voir nº 764. Montesquieu s’inscrit ici (nº 1258-1260) dans la tradition plutarquienne des portraits historiques, vies des hommes illustres et parallèles, qui relèvent à la fois de l’ornement rhétorique et de la visée apologétique et didactique. Cultivée à la Renaissance, la célébration du grand homme construit au XVIIIe siècle un patriotisme national ; voir Patricia Eichel-Lojkine, Le Siècle des grands hommes. Les recueils de vies d’hommes illustres avec portraits du XVIe siècle, Louvain, Peeters, 2001 ; Jean-Claude Bonnet, Naissance du Panthéon, essai sur le culte des grands hommes, Paris, Fayard, 1998, p. 32-40 ; David A. Bell, The Cult of the Nation in France. Inventing Nationalism, 1680-1820, Cambridge (Mass.) – Londres, Harvard University Press, 2001, chap. 4. Montesquieu possédait les Vies des hommes illustres et grands capitaines français, contenues dans les Mémoires de Messire Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantome […] (Leyde, J. Sambix le Jeune, 1699 – Catalogue, nº 2913). L’Histoire de France depuis Faramond de Mézeray comporte, entre autres, les éloges de Tannegui du Châtel, du chancelier Olivier, de Charles VIII, du cardinal d’Amboise, de La Noue, de Miron, qui ne figurent pas tous dans l’Abrégé chronologique, ou Extrait de l’histoire de France du même auteur (Catalogue, nº 3010-3011, éd. de 1668 et 1690). Concernant les acteurs de la Fronde (Molé, Condé, Turenne), Montesquieu semble s’inspirer de la galerie de portraits contenue dans les Mémoires du cardinal de Retz (Amsterdam, 1718, t. I, p. 219-230 – Catalogue, nº 3040).

1258

n2.

Tanguy III ou Tannegui du Chastel (1370-1449), chambellan du roi Charles VII, prévôt de Paris, et grand maître de la maison du roi, faisait partie de ceux qui avaient conseillé le meurtre du duc de Bourgogne et l’emprisonnement du duc de Bretagne. Ce dernier refusait qu’on lève des troupes sur ses terres si Charles VII ne congédiait pas ses conseillers. Au roi cherchant à le retenir, Tannegui du Chastel adressa un discours demandant instamment son congé (Mézeray, Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. II, p. 610-611).

1258

n3.

Mézeray rend hommage aux édits du chancelier Olivier, sous Henri II (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. II, p. 1059-1060).

1258

n4.

Voir nº 1302, « Louis XII », f. 159v-161r.

1258

n5.

Mézeray a fait l’éloge de la probité de Georges d’Amboise (1460-1510), ministre de Louis XII, dans son Histoire de France depuis Faramond […] (Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. II, p. 850-851) ; voir aussi, du même auteur, l’Abrégé chronologique, ou Extrait de l’histoire de France, Amsterdam, A. Schelte, 1696, t. IV, p. 452 (Catalogue, nº 3010-3011, éd. de 1668 et 1690).

1258

n6.

Charles VIII mourut à vingt-huit ans. Mézeray raconte comment, après une jeunesse tumultueuse, il se réforma, sans que le royaume pût profiter longtemps de sa bonne administration (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. II, p. 804 ; voir aussi l’Abrégé chronologique, ou Extrait de l’histoire de France, Amsterdam, A. Schelte, 1696, t. IV, p. 396 – Catalogue, nº 3010-3011, éd. de 1668 et 1690).

1258

n7.

Sur Michel de L’Hospital, voir nº 619. Mézeray parle de « son affection incorruptible au bien de l’Estat, à la conservation des Loix, & au soulagement des peuples » (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. III, p. 296).

1258

n8.

François de La Noue, dit « Bras de fer » (1531-1591) ; Mézeray, dans son éloge du personnage, dit de lui qu’il avait « conservé la douceur & l’equité dans la fureur des guerres civiles » (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. III, p. 986).

1258

n9.

Le courage de Coligny lors de son assassinat est évoqué par Mézeray (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. III, p. 253-254).

1258

n10.

On accusait les Guise de faire passer la dynastie des Capétiens pour usurpatrice et responsable des maux de la France et de préparer ainsi l’avènement au trône de leur propre famille, qu’ils donnaient pour la descendante directe de Charles de Lorraine, dernier héritier de Charlemagne. Cette accusation contre la Ligue s’appuyait sur les Mémoires de l’avocat David diffusés en 1576 ; voir Pierre de L’Estoile, Mémoires pour servir à l’histoire de France depuis 1515 jusqu’en 1611 […], Cologne, chez les héritiers de H. Demen, 1719, t. I, p. 74 – Catalogue, nº 3005 ; Mézeray, Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. III, p. 423.

1258

n11.

François Miron (1560-1609), prévôt des marchands sous Henri IV, s’opposa à la suppression des rentes. Mézeray a fait son éloge comme défenseur des intérêts du peuple (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. III, p. 1268 ; Abrégé chronologique, ou Extrait de l’histoire de France, Amsterdam, A. Schelte, 1696, t. VI, p. 324-325 – Catalogue, nº 3010-3011, éd. de 1668 et 1690).

1258

n12.

Mathieu Molé (1584-1656), premier président du parlement de Paris. Son « intrépidité » pendant la journée des Barricades du 26 août 1648 a été célébrée par le cardinal de Retz dans ses Mémoires (Amsterdam, 1718, t. I, p. 140-141, 229 – Catalogue, nº 3040).

1258

n13.

Il s’agit ici du Grand Condé. Le cardinal de Retz a affirmé dans ses Mémoires qu’il avait égalé César (Amsterdam, 1718, t. I, p. 221 – Catalogue, nº 3040).

1258

n14.

Selon le cardinal de Retz, Turenne « avoit presque toutes les vertus comme naturelles » (Mémoires du cardinal de Retz, Amsterdam, 1718, t. I, p. 223-224 – Catalogue, nº 3040).

1258

n15.

La sévérité, la vertu austère et la franchise du gouverneur du Grand Dauphin, fils de Louis XIV, lui valurent l’estime mais aussi les railleries : il passait pour avoir servi de modèle au Misanthrope de Molière. Esprit Fléchier a laissé un célèbre éloge funèbre de Montausier, prononcé en 1690 (Oraisons funèbres de Fléchier, Paris, Lequien fils, 1829, p. 372-411).

1258

n16.

Ce bref portrait converge avec celui brossé par Saint-Simon (Saint-Simon, t. IV, p. 396-397) ; sur Catinat, voir aussi Spicilège, nº 452.

1258

n17.

Le duc Louis-Joseph de Vendôme, dit le Grand Vendôme (1654-1712). Saint-Simon a fait un portrait très chargé de ce « demi-dieu », à l’orgueil démesuré (Saint-Simon, t. II, p. 692-695).