chapitre 8

capitulum VIII

Afin d’empêcher les nôtres de passer en Sicile comme ils le voulaient, les Palermitains gagnent le Faro par la mer

Panormitani, ut nostris transire volentibus prohibeant, in Farum navigio veniunt

<1> Le comte Roger employa tout le mois de mars et tout le mois d’avril à mettre sagement de l’ordre dans ses affaires en Calabre et à préparer activement une nouvelle expédition contre la Sicile, armant des navires et pourvoyant à tous les autres approvisionnements nécessaires1Concernant les richesses en bois de la Calabre, qui permirent aux Normands de construire des vaisseaux, voir Noyé 2000, 213. Guiscard profite de l’expérience des Calabrais pour armer les navires, comme l’indique Guillaume de Pouille à propos du siège de Bari (Guil. Ap. II, 486).. Et, début mai, le duc, parti de Pouille, parvint avec une immense cavalerie2Aimé V, 13 : « Li duc ala devant, li Normant lo securent sans nombre ». Selon Aimé V, 12, les habitants de Reggio avaient subi de lourdes pertes en menant une bataille contre les Siciliens pour plaire au duc. à Reggio3Aimé V, 13, situe le rassemblement de l’armée de Guiscard à « Sainte Marie de lo Fare » (Santa Maria del Faro), qu’il faut identifier à Catona, à 10 km au nord de Reggio. Le lieu, plus favorable pour faire passer la flotte, était utilisé habituellement par les Byzantins ; voir Givigliano 2003, 27 et n. 77 ; voir aussi II, 10, 1-2., où il fit venir également sa flotte par la mer. <2> Mais Belcawet4Ibn al-Hawwās contrôle Palerme, depuis qu’il a vaincu Ibn al-Thumna (Muhammad b. Ibrāhīm) à Castrogiovanni. C’est donc lui qui envoie une flotte au secours de Messine quand Robert Guiscard veut prendre la ville (Eddé et al. 1990, 109). Selon Aimé V, 13, il s’agit de « Sausane, liquel estoit amiral en Palerme »., émir de Sicile, ayant appris qu’une expédition se préparait contre l’île, envoie de Palerme dans le Faro des navires qu’on appelle catti5Le mot cattus ou gattus (gath chez Aimé V, 10) désigne un navire de guerre, particulièrement large, dont le nom est peut-être issu de l’arabe qit’a. Il est connu par les informations qu’en donnent Albert d’Aix et Guillaume de Tyr ; voir Cohn 1910, 91-92 ; Stanton 2011, 237-238., pour empêcher les ennemis de traverser ; et, pendant quelques jours, ils empêchent les ennemis de traverser. <3> En effet, malgré le nombre considérable de navires composant notre armée navale6À propos de la flotte normande, voir Bennett 1993., la leur cependant, plus puissante encore, était aussi mieux pourvue en navires plus résistants7Selon Aimé V, 13, l’émir de Palerme envoya à Messine « XXIV nez, liquel se clamoi[en]t gath, manda lo artifice, et lor manda autresi da vivre. Et, pour delivrer la terre, manda VIII C chavaliers ».. Ainsi, les nôtres ne disposaient que de germondi8Jal 1848, 780-781, n’a recensé le terme germundus que chez Malaterra. Bennett 1993, 49, émet l’hypothèse d’une altération du grec dromon (voir infra), mais préfère y reconnaître l’arabe djerma, qui désigne un navire de transport. et de galères9Les premières occurrences de ce nom de bateau en latin apparaissent chez Aimé du Mont-Cassin, Guillaume de Pouille et Geoffroi Malaterra. Il désigne des navires de transport légers et rapides, imités des navires byzantins nommés γαλέαι ; voir Cohn 1910, 92-95 ; Stanton 2011, 232-237., tandis que les Siciliens possédaient des catti, des golafri10Le terme golafrus ou golabus vient de la latinisation de l’arabe ghurāb, qui signifie « corbeau ». Ce nom fut donné par les Arabes à un navire de la famille des galères, pourvu de voiles et de rames (voir Jal 1848, 787 et 782 ; Cohn 1910, 95 ; Stanton 2011, 36)., des dromons11Le dromon est un navire de guerre byzantin, qui occupe la Méditerranée de la fin du Ve siècle au début du XIIe siècle. Au IXe siècle, le dromon ordinaire (δρόμων) était un navire de quarante mètres de long et de six de large, à cent rames, ayant deux étages de cinquante rameurs superposés, si bien qu’il pouvait atteindre la vitesse de cinq à six nœuds (Bragadin 1978, 395). Il pouvait aussi être équipé de voiles. Pour d’autres détails, notamment sur l’armement de ces navires, et des croquis, voir Pryor 1988, 58 ; Stanton 2011, 228-232. Le terme dromundus est un dérivé de dromo ou dromon, lui-même calqué sur le terme grec (Jal 1848, 604-605 ; Cohn 1910, 89-91). et encore des vaisseaux de fabrications diverses.

<1> Comes igitur Rogerius, toto mense martio et aprili per Calabriam utilitates prudenter ordinans, navibus et reliquis necessariis commeatibus [+] [commeatibus C : -antibus Z commercibus B. [-]] commeatibuscommeatibuscommeantibuscommercibus expeditionem iterum [+] [iterum C ZxB : iterum apud Z. [-]] iterumiterumiterum [+] [Zx : iterum [-]] iterum apud versus SiciliamSiciliamSiciliamSciciliamCiciliam certatim parat. Maio itaque intrante dux, ab Apulia cum maximo equitatu [+] [equitatu C Z : equitatum B. [-]] equitatuequitatuequitatuequitatum RegiumRegiumRegiumRegiumRhegium veniens, etiam navalem exercitum per mare venire fecit. <2> Belcawet [+] [belcawet C : belcamuet Z belcauet B belcamuer ed. pr. belcamet Pontieri. [-]] BelcamuetBelcauetBelcamuerBelcamet vero, admiraldus Siciliae, audiens expeditionem versus Siciliam apparari, naves, quas cattos [+] [cattos Z : carros C rockilias B. [-]] cattoscattoscarrosrockilias appellant [+] [appellant C Z : -lans B. [-]] appellantappellantappellantappellans, quae [+] [quae ZB : qua C. [-]] quaequaequaequa hostium transitum impediant a Panormo in FarumFarumFarumPharum mittens, per aliquos [+] [aliquos C B : aliquot Z edd. [-]] aliquosaliquot dies hostes transire impediunt. <3> Nam, quamvis noster navalis [+] [navalis C Z : -les B. [-]] navalisnavalisnavalisnavales exercitus plurimus esset, eorum tamen amplior et fortioribus navibus abundantior [+] [abundantior post tantummodo transt. ed. pr. [-]] erat [+] [erat C ZB1 : om. B. [-]] . Nostri denique tantummodo [+] [denique tantummodo C Z : namque tantum B. [-]] abundantior erat. Nostri denique tantummodoabundantior erat. Nostri denique tantummodo [+] [B1 : abundantior erat. Nostri namque tantum [-]] abundantior. Nostri namque tantumerat. Nostri denique tantummodo abundantior germundos et galeas [+] [galeas ZB : galias C. [-]] galeasgaleasgaleasgalias, Sicilienses vero [+] [vero om. B. [-]] veroverovero[om.] cattos [+] [cattos Z : carros C rockas B. [-]] cattoscattoscarrosrockas et golafros [+] [golafros C Z : gal- B. [-]] golafrosgolafrosgolafrosgalafros et [+] [et… sed et C Z : et… et B sed et… et Pontieri. [-]] etetetsed et dromundos [+] [dromundos C B : dorm- Z ed. pr. [-]] dromundosdromundosdormundos, sed etsed etsed etet diversae fabricae [+] [fabricae C Z : trabicae B. [-]] fabricaefabricaefabricaetrabicae naves habebant.

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1Concernant les richesses en bois de la Calabre, qui permirent aux Normands de construire des vaisseaux, voir Noyé 2000, 213. Guiscard profite de l’expérience des Calabrais pour armer les navires, comme l’indique Guillaume de Pouille à propos du siège de Bari (Guil. Ap. II, 486).

2Aimé V, 13 : « Li duc ala devant, li Normant lo securent sans nombre ». Selon Aimé V, 12, les habitants de Reggio avaient subi de lourdes pertes en menant une bataille contre les Siciliens pour plaire au duc.

3Aimé V, 13, situe le rassemblement de l’armée de Guiscard à « Sainte Marie de lo Fare » (Santa Maria del Faro), qu’il faut identifier à Catona, à 10 km au nord de Reggio. Le lieu, plus favorable pour faire passer la flotte, était utilisé habituellement par les Byzantins ; voir Givigliano 2003, 27 et n. 77 ; voir aussi II, 10, 1-2.

4Ibn al-Hawwās contrôle Palerme, depuis qu’il a vaincu Ibn al-Thumna (Muhammad b. Ibrāhīm) à Castrogiovanni. C’est donc lui qui envoie une flotte au secours de Messine quand Robert Guiscard veut prendre la ville (Eddé et al. 1990, 109). Selon Aimé V, 13, il s’agit de « Sausane, liquel estoit amiral en Palerme ».

5Le mot cattus ou gattus (gath chez Aimé V, 10) désigne un navire de guerre, particulièrement large, dont le nom est peut-être issu de l’arabe qit’a. Il est connu par les informations qu’en donnent Albert d’Aix et Guillaume de Tyr ; voir Cohn 1910, 91-92 ; Stanton 2011, 237-238.

6À propos de la flotte normande, voir Bennett 1993.

7Selon Aimé V, 13, l’émir de Palerme envoya à Messine « XXIV nez, liquel se clamoi[en]t gath, manda lo artifice, et lor manda autresi da vivre. Et, pour delivrer la terre, manda VIII C chavaliers ».

8Jal 1848, 780-781, n’a recensé le terme germundus que chez Malaterra. Bennett 1993, 49, émet l’hypothèse d’une altération du grec dromon (voir infra), mais préfère y reconnaître l’arabe djerma, qui désigne un navire de transport.

9Les premières occurrences de ce nom de bateau en latin apparaissent chez Aimé du Mont-Cassin, Guillaume de Pouille et Geoffroi Malaterra. Il désigne des navires de transport légers et rapides, imités des navires byzantins nommés γαλέαι ; voir Cohn 1910, 92-95 ; Stanton 2011, 232-237.

10Le terme golafrus ou golabus vient de la latinisation de l’arabe ghurāb, qui signifie « corbeau ». Ce nom fut donné par les Arabes à un navire de la famille des galères, pourvu de voiles et de rames (voir Jal 1848, 787 et 782 ; Cohn 1910, 95 ; Stanton 2011, 36).

11Le dromon est un navire de guerre byzantin, qui occupe la Méditerranée de la fin du Ve siècle au début du XIIe siècle. Au IXe siècle, le dromon ordinaire (δρόμων) était un navire de quarante mètres de long et de six de large, à cent rames, ayant deux étages de cinquante rameurs superposés, si bien qu’il pouvait atteindre la vitesse de cinq à six nœuds (Bragadin 1978, 395). Il pouvait aussi être équipé de voiles. Pour d’autres détails, notamment sur l’armement de ces navires, et des croquis, voir Pryor 1988, 58 ; Stanton 2011, 228-232. Le terme dromundus est un dérivé de dromo ou dromon, lui-même calqué sur le terme grec (Jal 1848, 604-605 ; Cohn 1910, 89-91).