Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


DCXXII.

Tout Chemin Royal doit avoir pour le moins quatre toises, et ne peuvent les proprietaires faire, plants et fofsez qui l’étrecissent.

Le Droit Romain et plusieurs Coûtumes de France ont fait distinction entre les chemins : viarum omnium non est una et eadem conditio : Siculus Flaccis, l. 6. de condit. agrar. Ulpian en la l. 2. S. Viarum, D. ne quid in loco publ. Viarum quadam publice, quedam privata, quadam vicinales : publicas vias dicinus, quas Graci ôacixindc, nostri Pratorias, alii Consulares appellant. Private sunt quas agrarias quoque dicunt. Vicinales sunt que in Vicos ducunt, quod ita verum est, si non ex coliatione privatorum agrorum constituta sunt.

Bouteiller en sa Somme Rurale n’en fait que de deux espèces, de Traverse et de Chemin Royal. Traverse, dit-il, est un chemin qui traverse d’un Village à un autre, et est commun à tous, pour gens et pour bêtes, et pour charroy, si doit contenir de large, comme plusieurs Coûtumes sont d’accord jusqu’a vingt ou vingt-deux pieds. Item, chemin Royal, si est le grand chemin qui va d’un Païs à un autre, et d’une bonne Ville à un autre, et doit contenir quarante pieds de large, jur l’amende de soixante sols au Roy.

Pour les Chemins Vicinaux que la Coûtume de Bretagne appelle Voyes et Routes, Ariicle 54. Mr d’Argentré les définit en cette matiere, en sa Note 4. sur ledit Article, que ce sont les adresses de grand chemin à autre, ou à Bourg, ou à Paroisse, et où n’y a Marché, et lesquelles ne portent jusques aux Villes marchandes, et demeurent courtes : Et en la Note 5. il appelle Villes marchandes, celles où il y a Foires et Marchez, in quibus mercatus et Nundinae certis diebus exercentur.

Plusieurs Coûtumes de France ont divisé les chemins à peu prés en la même maniere Nôtre Coûtume en cet Article ne parle que du Chemin Royal qu’elle ordonne être de quatre toises pour le moins, c’est à dire de vingt-quaire pieds. En effet, c’est la moindre largeur qu’il puisse avoir ; la pluspart des Coûtumes disposent qu’ils doivent être de trente et quarante pieds : Et quelques-unes font différence entre les grands chemins qui traversent par les forests et ceux des terres labourables : Par celle de Valois, Article 197. le Chemin Royal qui conduit de Cité en Cité, doit contenir trente pieds de largeur en terre labourable, et en bois quarante pieds ; l’Artidle 272. de la Coûtume de Senlis contient la même disposition.

Bien qu’en cette Province nous ayons comme ailleurs diverses sortes de chemins, néanmoins nôtre Coûtume ne parle que du Chemin Royal et de sa largeur, laissant dans l’incer-itude celle des autres chemins.

Les Coûtumes de Clermont en Beauvoisis, Art. 226. et suivans, et celles de Valois, Art. 194 et suivans, se sont mieux expliquées touchant la diversité des chemins. La Coûtume de Clermont fait cinq manières de chemins communs ; le premier nommé Sentier, qui porte quatre pieds de largeur, et l’on ne doit point y mener de charette ; le second s’appelle Carriere, et a huit pieds de largeur, et y peut-on bien mener charettes l’une aprés l’autre, et bétail en cordelle, non autrement ; le troisième s’appelle Voye, et contient seize pieds de largeur, et y peut-on bien mener et chasser sans arrêter bétail de Ville à autre. Item, le quaitième se nomme Chemin, qui contient trente-deux pieds de largeur, par lequel toutes marchandises et oestiaux y peuvent être menez : Item, le cinquième le nomme le Grand Chemin Royal, qui contient soixante et quatre pieds de largeur : La Coûtume de Valois ne fait que quatre espece de chemins.

Nous ne faisons que de trois sortes de chemins, le Chemin. Royal, le chemin de Traverse et les Chemins qui servent dans le voisinage : La laigeur du Chemin Royal est reglé par cet Article ; les chemins de traverse qui vont d’une Ville ou d’un Bourg à un autre, doivent être ordinairement de seize pieds de largeur : Pour les chemins vicinaux, la largeur en est differente ; et c’est particulierement à cette espèce de chemin que nous pouvons appliquer la distinction du Droit Romain entre, iter, actum & viam. Nous appellons Sentier, le chemin pour passer à pied, et il suffit qu’il soit large de deux pieds et demy, iter est jus eundi, ampulandi hominis : Mais ces fentiers lors qu’ils dépendent de la convention des oarties, ils peuvent être plus ou moins larges, selon qu’il est permis de passer à pied et à cheval Éc’est pourquoy ces sentiers peuvent comprendre et iter, et actum, qui est jus agendi jumentum, et pour cela il suffit de quatre pieds. La voye vicinale sert ordinairement pour passer chevaux et charettes : via est jus aut eundi, & agendi & ambulandi ; et ce chemin vicinal peut être plus ou moins darge selon la concession, comme dit la Loy Via, de Servit. Prad. Rust. Via constitui, vel latior octo pedibus vel angustior potest ; cat suivant la Loy des douze Tables, Viae latitudo in porrectum octo pedes habebat in anfractum, id est, ubi flexum est, sedecim ; parce que pour faire passer deux charettes il faut l’espace de huit pieds ; mais il n’est pas necessaire que ces chemins qui ne servent que pour le voisinage ayent toûjours huit pieds de largeur, il suffit qu’ils ayent quatre ou cind pieds s’il n’y a Titre contraire.

La Coûtume de Boulogne a réglé particulierement la largeur de toutes sortes de chemins, Article 157. et suivans : Le Chemin Royal doit contenir soixante pleds de largeur, et tous chemins se doivent mefuter au pied du Roy ; le chemin traversant au chemin croisier, doit contenir trente pieds de largeur ; le chemin que l’on dit Châtelain vingt pieds ; le chemin forain quinze pieds ; le chemin pour issuc de Ville volontaire onze pieds ; le chemin sentier appellé Sente, sur lequel l’on peut seulement aller à pied et à cheval, et mener et ramener ses bêtes, cinq pieds ; une Pied-Sente est un chemin privé, qui n’est pas soûmis à tous usages, et doit contenir deux pieds et demy, par lequel l’on peut seulement aller à pied, et non point y mener et ramener des betes.

Suivant cet Article, il n’est point permis aux proprietaires dés héritages voisins, de faire plants et fossez qui étressissent les chemins ; et par l’Article 356. de l’Ordonnance de Blois, afin qu’il n’y soit fait aucune entreprise, ils doivent être plantez et bordez d’arbres, comme ormes, noyers ou autres ; mais en nos jours par une politique nouvelle, nous avons vâ des Commissaires departis faire abattre tous les grands arbres qui étoient plantez sur les chemins, pretendans que par leurs ombrages ils devenoient mauvais et inaccessibles ; mais on pouvoit viter ces inconvenient en faisant couper seulement les branches.

Pour empescher toute usurpation sur les chemins, quelques Coûtumes ont introduit quelques autres moyens, en obligeant les proprietaires de laisser l’espace de trois rayes contre le abourage.

Lors que les chemins publics sont devenus si mauvais qu’il est impossible de s’en servir, il est permis de passer sur les terres qui y aboutissent, et le proprietaire ne peut l’empescher jusqu’à ce qu’il les ait reparez, cum via publica vel fluminis impetu, vel ruina amissa est, vicinus proximus viam prastare debet, l. Si locus 14. 8. cum via quemad. serv. amitt. La raison est, ditPontanus , sur l’Article 17. de la Coûtume de Blois, que celuy qui passe ou qui conduit son chariot sur le fonds d’aûtruy pour l’incommodité du chemin public, id non vastandae rei alicujus animo, sed cogente necessitate facere intelligitur, pourvù toutefois qu’il le fasse avec la moin-dre perté pour le proprietaire, et qu’il soit vray que le chemin ordinaire soit inaccessible, qua de causa teste Hogin. lib. de Limitib. agr. veteres habebant januas villarum semper patentes, ut per eas populus transitum inveniret, Siculus Flaccus, de condit. agr De la Lande sur l’Article 251. de la Coûtume d’Orléans, dit que quand la voye publique est tellement ruinée qu’on ne la peut reparer, le proprietaire qui souffre le chemin sur ses terres, devroit en être desinteressé par le Fisc ou par le general des Habitans : La Glose sur le 5. Cum via que je viens de citer, avoit formé cette question, et resolu qu’encore que le cise y pût être obligé suivant la l. 2. C. de Servit. quae pro pram. liber. ac4. Neanmoins le contraire s’observe, et c’est aussi le sentiment de de laLande .

Cette reparation des grands chemins a fait naître deux grandes contestations pour sçavoir qui doit faire cette reparation, et quel Juge en doit prendre connoissance : Pour la décision de la première difficulté, on allégue ordinairement la doctrine de Bartole sor la l. Per Bithyniam. C. l. 10. de immunit. nemin. conced. où il fait distinction entre les chemins publics et les chemins particuliers, inter viam publicam, & viam privatam, entre les ruës d’une ville et les chemins qui sont au dehors des villes : Les ruës des villes doivent être reparées par les proprietaires des maisons chacun en droit soy, pour les chemins qui sonturer dehors ils doivent être entretenus aux dépens de toute la communauté de ceux qui possedent des héritages aboutissans sur lesdits chemins, et pour cet effet faire une collecte à proportion des terres que l’on possede pro jugerum numero vel capitum, que possidere noscuntur, D. l. Per Bithoniam : munitio enim viarum vel aggerum debet fieri expensis pro quantitate patrimonii possessorum ;Bartolus , ibid. Mais la pluspart des Docteurs y ajoûtent cette restriction, que s’il se fait des levées pour la reparation des chemins ils en doivent être déchaigez. Ainsi dans les lieux uù il se leve des deniers pour l’entretien des Ponts et Chaussées le Roy est tenu de les tenir en bon état ; que si les Seigneurs Châtelains ou Hauis-Justiciers ont le droit de Peage, c’est à eux d’en faire la dépense : Car suivant la regle, qui sentit commodum, debet ferre incommodum, et en quelques lieux les Seigneurs sont même obligez de donner ordre pour la seureré des chemins, et d’empescher qu’il ne s’y fasse de vols, autrement ils sont tenus d’en répondre : mais hors ces cas ceux qui possedent les terres voisines et aboutissantes aux chemins publies, sont contraints de bes reparer et de les rendre accessibles à leurs frais.

Pour les chemins privez le Jurisconsulte en la l. 2. ne quod in loc. publ. D. dit que viae privatae dupliciter accipi possunt, vel he que sunt in agris, quibus imposita est servitus, ut ad agrum alterius ducant, vel he que ad agros ducunt, per quas omnibus permeare liceat, in quas exitur de via Consulari, & sic post illam excipit via, vel iter, vel actus ad villas ducens. Hec ergo quae post Consularem & excipiunt in villas, vel alias colonias ducentes putem etiam publicas esse.

Suivant cette Loy nous avons aussi dans les villages deux soites de chemins, les uns pour la commodité de tous les habitans d’un village, et nous mettons ces chemins au nombre des chemins publics, de sorte que les proprietaires des terres qui aboutissent sur iceux sont aussi tenus de les reparer et de les tenit en bon état ; mais si quelqu’un impose simplement un dioit de passage sur son fonds, en permettant à son voisin de passer par dessus pour aller sur son héritage, en ce cas celuy qui souffre cette servitude n’est pas obligé d’entretenir ce chemin pour celuy auquel il est dû, sed tantum debet prestare patientiam, il suffit qu’il le souffre, l. 3. in princip. de usufr. et l. Refectionis, D. comm. prad.Bartol . ind. l. Per Bithyniam.

MrLoüet , l. C. rapporte un Arrest par lequel l’on a fait cette distinction : La reparation des chemins a toûjours été jugée si necessaire, que les personnes privilegiées et l’Eglise même n’en ont point été exemptes ; l. Ad instructiones, C. de Saer. Eccles. et l. 4. de privil. Domus Aug.Pontan , Ad Art. 17. Cons. Bles. Loüet etBrodeau , l. C. n. 2. La reparation des chemins publies et partieuliers est une charge des proprietaires et non des locataires et fermiers : Il n’en seroit pas de même de celuy qui joüit à droit d’emphyteose ou de fieffe, parce qu’il a le domaine utile, l’usufruitier, y seroit pareillement obligé ; l. Si pendentis, S. Si quid cloacar.

D. de usufr. et le mary pour le bien de sa femme Pour la competence des Juges il y a toûjouts eu beaucoup de contestation pour les grands chemins entre les Juges Royaux et les Officiers des Seigneurs Hauts-Justiciers : Les Juges Royaux pour s’attribuer la connoissance des reparations des grands chemins dans les Seigneuties des Hauts-Justiciers se sont fondez : principalement sur cette raison, que ces chemins sont appellez Royaux, et que le fonds en appartient au Roy.

Mais quoy que la distinction des chemins Royaux et de traverse soit véritable et bonne, lors qu’il sagit de regler leur largeur, elle n’est point considérable lors qu’il est question de la Jurisdiction et de la Police, dautant que les chemins pour être appellez Royaux ne. sont pas plus au Roy que les chemins de traverse et les autres : Ils ne sont appellez Royaux que pour être plus grands et plus publies : En effet les Romains ne faisoient difficulté de leur donner ce nom, quoy qu’ils n’eussent pas de Rois, et que même ils eussent tant d’aversion pour tout ce qui ressentoit la Royauté : Aussi plusieurs Coûtumes, et presque tous nos bons Auteurs, attribuent aux Hauts-Justiciers la Jurisdiction et la Police des chemins Royaux qui sont dans leur détroit, parce qu’ils ont la premiere Seigneurie publique, mais la Surintenance et la Police generale en appartient au Roy.

Quelque soin que l’on prenne de rendre les chemins publies assez larges, il y en a beauoup neanmoins où la rencontre de deux chariots ou de deux carrosses causent de l’embar-Accurse pas ; cela a donné lieu à Accurse de traiter cette question en sa Glose sur la l. 1. 85. Hoc interdictum, D. ne quid in loc. publ. lequel de deux chatiots est obligé de ceder à l’autre : Et son sentiment qui a été suivi par plusieurs autres, est que l’on doit céder à celuy qui est entré le premier dans le chemin, par cette raison que id quod in usus publicos destinatum primo occupanti conceditur : mais la pratique de cette décision seroit mal-aisée, car il n’y auroit pas moins de contestation pour sçavoir qui seroit entré le premier, ou qui seroit le plus avancé dans les chemins qui ont une grande étenduë. Il est plus à propos que si cela se rencontre dans un chemin plat, celuy qui est moins chargé cede à celuy qui l’est davantage ; que si c’est dans une montagne, sans doute celuy qui monte est obligé de reculer comme luy étant plus facile.Pontanus , sur l’Article 17. de la Coûtume de Blois, traite aussi la question pour les Processions de deux Paroisses, et son sentiment est que si l’une n’a point de prerogative sur fautre, celle qui est la plus avancée doit lemporter.

FIN.