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DE VARECH.

E que la Coûtume appelle Varech, on l’appelle ailleurs Droit de Bris, et Naufrage. Il est plus mal-aisé de découvrir l’origine de ce mot de Vatech que d’expliquer la chose qu’il signifie.

Me Guillaume Roüillé en son Commentaire Latin sur l’ancienne Coûtume a crû que Varech est un mot Danois, ce qui est vraysemblable : Il y a longtemps qu’il est en usage en Normandie ; les Normans le porterent en An-gleterre comme on l’apprend deStanfort , de Prerogat. Regis Angliae, c. 11. Godefroy où il dit que le Roy d’Angleterre a droit de Varech par tout son Royaume, Rex haber Varechum per totum regnum. Me Jacques Godeftoy dans sa Dissertation sur la l. abiovic, ad l. Rhod. stime qu’au lieu de Varech quelques-uns prononcent Farrecht, qui signifie le droit de ramasser ses marchandises, jus colligendarum mercium : Mais Rheinoldus Roriestius Secrétaite de la ville de Dansic, dans son Traité De jure maritimo Hansiatico, qu’il a donné au public depuis quelques années, parlant du droit de Varech, qu’il dit appartenir au Roy de France à cause de son Duché de Normandie, estime qu’il ne faut pas dire Varech, mais Jabrrecht, qui signifie n droit ordinaire, parce qu’autrefois dans le Nort les Princes prenoient tous les debris à eur profit et en faisoient un revenu ordinaire : ce que l’on peut dire de plus certain est que garech est un ancien mot Normand, et que le temps a fait perdre la connoissance de sa veritable signification.

Il nous importe peu de sçavoir l’origine du nom, pourvû que la chose nous soit connuë Les Usages et les Loix de tous les peuples ont été differens sur cette matiere, elles ont été baibares et inhumaines en plusieurs lieux et durant plusieurs siecles : Celles qui s’observent aujourd’huy sont plus civiles et plus equitables, et il n’est plus permis de profiter du malheur d’autruy : Si quelque spectacle funeste étoit capable d’exciter de la commiseration, il ne s’en pourroit presenter aucun plus luctueux ny plus touchant que celuy d’un naufrage, et il faudroit être plus impitoyable que la Mer même, ce terrible element, pour n’être pas touché de l’infortune de ces malheureux qui sont échapez à la fureur des vents et des ondes Cependant dans toutes les parties du monde et dans tous les siecles passez l’on trouve des Coûtumes et des exemples de gens qui par une barbatie detestable ont voulu profiter des naufrages, et qui ont arraché à ces malheureux ces tristes debris que la Mer plus pitoyable qu’eux leur avoit rendus. Les anciens Gaulois sont accusez de cette barbarie, et suivant le rapport d’un Historien, Hercule ce genereux liberateur des oppressez leur fit changer cette detestable Coûtume ; Diodorus Sicul. Hist. l. 5. c. 2 Les peuples du Nort n’avoient pas de commiseration pour ceux que la Mer avoit épargnez : Les Princes ne se faisissoient pas seulement des marchandises et des biens que la Mer faisoit échoüer sur leurs terres, les personnes aussi étoient reduites en captivité ; on en lit des exemples dans la Chronique d’Albertus Stadensis sur l’année 1112. et dans l’Histoire des Archeve ques de Breme, dont l’Auteur est incertain, il est fait mention d’un Navire venant d’Angleterre, lequel ayant fait naufrage sur les côtes de la Comté de Staden, toutes les person-nes, et même la mere et l’ayeule d’un certain Archeveque nommé Fréderic, furent retenus caprifs, et tous les biens ajugez au Prince : et par le privilege de l’incorporation de la Prusse l’ordre Teutonique, tous les debris des naufrages furent déclarez appartenir au grand maitre, et comme tous ces Princes en faisoient un revenu annuel ils appellerent ce droit jabrrech, comme je viens de le remarquer. Mi d’Argentré s’étonne comment un droit si odieux peut avoir été établi en tant de lieux : Cum ferale et pene crudele genus sit compendii, mirum est gamen pene consensu totius orbis, Provinciarum & regnorum obtinuisse ut tam latè regnet inclementia Argentré animi ; Argent. Art. 56, n. 44.

Nos Normans apparemment en userent avec cette rigueur aprés qu’ils se furent rendus les maîtres de nôtre Ocean ; on leur rendoit aussi la pareille lors qu’ils tomboient entre les mains de leurs ennemis, et durant ces desordres chaque Prince ne manqua pas de s’appliquer tous les debris des naufrages ; quidquid evadebat ex naufragiis totum Fiscus lege Patria vindicabat, passosque naufragium miserabilius violentia Principis spoliabat, quam procella. Hildebernes Archiepi Turonensis, Epist. 32. et 85. Et comme les Sujets se portent aisément à imiter les mauvais exemples qui leur sont donnez par leurs Princes, les Pilotes et les Matelots ou pour se rendre agreables à leurs Seigneurs, ou pour en profiter eux-mêmes, faisoient souvent échoüer et briser les Navires, ce qui leur fut défendu sous de rigoureuses peines, par l’Article 25. des Ju-gemens d’Olonon.

Quoy que la Police et les Loix des Romains fussent si equitables, il semble neanmoins que ces barbares depredations n’étoient pas défenduës en plusieurs lieux de l’Empire Romain : Je ne m’atréteray pas à ce discours, que Juvenal en sa Satyre 4. v. 54. fait tenir à deux flateurs de Domitian,

Quidquid confpicuum pulchrumque est aquore tote

Res Fisci est.

Ny à ces Vers de Manilius, l. 5.

questus naufragio petitur, corpusque profundo Immersum pariter quam praeda exequitur ipsa Mais l’on peut en tirer des preuves de la l. aciooit, D. Ad leg. Rhod. où un Marchand de Nicomedie nommé Eudamon se plaint que son Vaisseau ayant fait naufrage, ses marchandises avoient été pillées ; la qualité des personnes qu’Eudaemon accuse de cette depredation, et la réponse de lEmpereur Antonin, ont fait croire à plusieurs que ce n’étoient pas des particuliers, mais des personnes publiques qui avoient commis ce pillage ; Spoliati direptique sumus à servis publicis : à quoy lEmpereur répond, Ego quidem mundi Dominus, lex autem maris, lege d Rhodiâ, quà de rebus nauticis scripta est disceptetur : D’où l’on induit qu’en ce temps-là sulvant la plus commune opinion des interpretes, les debris des naufrages étoient compris dans les revenus de la Republique, et appartenoient aux Traitans Publicanis, et même que la Loy Rhodia qui étoit d’ailleurs si equitable autorisoit en quelque façon ces depredations, Seldenus de Dominio maris, l. 1. c. 25. Jacobus Gothofredus in diatriba ad dictam legem acioeic de incendio, Vinnius in notis ad dict. leg.

Il y a toutefois peu d’apparence que lEmpereur Antonin, qui fut un Prince si clement et si équitable, eût approuvé une Coûtume si contraire à son naturel, et tant s’en faut qu’il fait Augustinus Saumaise approuvée, qu’Antonius AugustinusGrotius ,Godefroy , Saumaise, et plusieurs autres, estiment qu’il est l’Auteur de cette belle Loy que nous avons dans le Titre du Code de Nau-Constantin frag. quoy qu’elle soit communément attribuée au grand Constantin, et que c’est la même dont Ulpian a fait mention dans la Loy dernière, D. de incend. rui. naufr. C’est la Loy première de ce Titre, dont les paroles sont dignes d’une loüange eternelle : Si quando naufra-tio navis expulsa fuerit ad littus, vel si quando aliquam terram atrigerit ad Dominos pertinean Fiscus meus sese non interponat : quod enim jus Fiscus habet in aliena calamitate, ut de re tam luctuosa compendium sectetur. Ce Prince eut en horteur ceux qui vouloient que son Fisc profit àt d’un si funeste accident, et il ne permit point qu’il s’accrût de linfortune et de la calamité de ceux qui perissoient par un naufrage : au contraire il ordonna que les choses sauvées fussent renduës à leurs premiers maîtres. Les Jurisconsultes Romains qui vécurent aprés l’Empereur Antonin, commePaul , Callistrate, etUlpian , furent tous de ce sentiment que les debris devoient être restituez et conservez à leurs premiers maîtres, l. 1. et 21. de adquir. vol amiti. oss. l. 44. de adquir. rer. dom. l. 1. 3. et ult. D. de incend. rui. et naufr. licere unicuique naufragium suum impune colligere constat, ce qui fut confirmé par une Constitution de lEmpereur Frideric inserée dans le Code t. de Furtis ; Res naufragorem auferri non possunt praetextis alicujus Statuti vel Constitutionis. Auth. navigia ; et par la l. 4. D. de incend. rui. naufr. L’on punit fort rigoureusement ceux qui sont convaincus de la depredation des debris : Enfin tous les Princes ont renoncé à cette injuste pretention, d’attribuer à leur Fisc les debris des naufrages, nulla enim causa pracedenti probabili Dominium alicui suum auferre mera’injuria est.Grot . de jure belll. l. 2. c. 7. n. 1. Henry III. Roy d’Angleterre en fit une Constitution expresse en l’année 1226. pour toutes les Provinces qu’il possedoit encôre en France ; car alors la Normandie n’étoit plus sous sa domination, quoy que par cette Constitution il en prenne encore le titre ; de forte que ce droit de bris est abrogé par tout, et il n’y a plus que les Espagnols qui le pratiquent rigoureusement au delâ de la Ligne, ne permettant qu’aux naturels Espagnols de passer en ces païs-là ;Covarr . in relect. C. peccatum, parte 3. 8. 1. n. 5.

Aprés cela il seroit malaisé de soûtenir la réponse que le Connestable de Monmorency fît aux Ambassadeurs de l’Empereur Charles. Quint, lors qu’ils se plaignirent à Henry Il. de deux Galeres qui s’étoient échoüées dans un Porr, et dont Jourdain des Ursins s’étoit emparé, car il dit à ces Ambassadeurs que le bris étoit confisqué au Seigneur souverain, et que c étoit la Coûtume generale, non seulement dans les païs de l’obeissance du Roy, mais aussi en toute la Mer du Levant et du Ponant ;Bodin , l. 1. de sa Rep. c. 11 La Constitution de Henry III. prouve que ce discours n’est pas véritable, mais j’en rapa porteray des témoignages plus anciens : Car cet usage étoit étably par nôtre ancienne Coûtume ui fut portée en Angleterre, comme on lapprend de Briton Evéque de Herford, qui vivoit sous les Rois d’Angleterre Henty III. et Edoüard Il. Dans les anciennes Loix d’Angleterre qu’il publia par lordre d’Edoüard, on y trouve un Chapître de Trouveures qui contient les mêmes dispositions que nous avons en ce Titre pour le droit de Varech, ce qui montre que ces anciennes Loix étoient l’ancienne Coûtume de Normandie ; et il paroit par ces mêmes Loix que tant s’en faut que le bris fût confisqué au Roy, il étoit confervé pendant une année avec beaucoup de soin et de fidelité pour le rendre aux proprietaires : etStanfort , de Prarogat. Regis Angliae, c. 11. ne donne au Roy le droit de Varech que de la même maniere qu’il étoit étably par l’ancienne Coûtume.

Comme il étoit injuste de retenir les biens qui étoient reclamez aprés le naufrage, il n’a jamais été défendu de retenir et de prendre à son profit ceux que l’on avoit sauvez, lors qu’ils l’étoient point abandonnez ny demandez par aucune personne : Et quoy que régulièrement les choses trouvés et abandonnées doivent appartenir à l’inventeur, et que le Droit Romain. l’ait ordonné de la sorte, l. 56. D. de adquirend. rer. domin. néanmoins en plusieurs lieux les rinces en ont fait un droit de leur Souveraineté et l’ont mis entre leurs Regales : Mais en cette Province le droit de Varech n’appartient pas au Roy seul, la Coûtume en fait part aux Seigneurs dont les teneures s’étendent sur le bord de la mer. J’en parleray plus amplement sur l’Article S597.


CCCCCXCVI.

Sous ce mot de Varech et choses gayves sont comprises toutes choses que l’eau jette à terre par tourmente et fortune de mer, ou qui arrive si prés de terre qu’un homme à cheval y puisse toucher avec sa lance.

L’ancienne Coûtume au Titre de Varech, dit que tout ce que l’eau aura jetté ou bouté à terre est Varech. La nouvelle en cet Article en donne une définition plus ample, en disant sous ce mot de Varech et de choses gayves, sont comprises toutes choses que la mer jette à terre par tourmente et fortune, ou qui arrive si prés de la terre qu’un homme à cheval y puisse toucher avec sa lance.

Cette définition a deux parties : La première déclare tout ce qui doit être compris sous le mot de Varech et de choses gayves, à sçavoir tout ce que la mer jette à terre par tourmente et fortune, ce qui ne s’entend pas seulement des choses qui ont eu maître, comme l’a crû l’Auteur des Us et Coûtumes de la Mer, dans ses Notes sur le Traité de la Jurisdiction de la ma-rine, Article 16. mais generalement de tout ce que la mer jette à terre, comme on le peut remarquer par l’Article 202.

Mais nos Commentateurs ont fort bien remarqué que ces termes choses gayves sont mal employées dans cet Article, et qu’elles doivent faire une partie separée de la Rubrique, dauant que la définition qui est faite conjointement du Varech et de choses gayes, ne convient qu’au Varech et non point aux choses gayves

Dans la seconde partie de la définition de Vatech, la Coûtume ne limite pas le Varech à roût ce que la mer jette à terre, elle y comprend encore tout ce qui est si prés de terre qu’un homme à cheval y puisse toucher avec sa lance.


CCCCCXCVII.

La garde du Varech appartient au Seigneur du fief sur lequel il est trouvé, sans qu’il le puisse enlever ou diminuer aucunement, jusques à ce qu’il ait été vû par la Justice du Roy.

La Coûtume de Bretagne attribué au Haut. Justicier la garde des choses égarées : Par cet Article la garde du Varech seulement est donnée au Seigneur de fief ; mais par les Articles 601. 802. et 604. il a droit de Varech sur ce qui se trouve sur son fief ; et afin que le Seigneur n’abuse pas de cette garde, il luy est défendu de l’enlever ou diminuer aucunement jusqu’à ce qu’il ait été vû par la Justice du Roy : L’ancienne Coûtume ordonnoit même aux Juges de rendre deux bonnes cautions, et non seulement le Seigneur ne doit pas enlever le Varech avant qu’il ait été vû, il doit même empescher qu’il ne soit enlevé et pillé par d’autres, comme il arrive ordinairement : Les Riverains aussi-tost qu’ils ont appris la nouvelle de quelque naufrage y accourans en foule, non pour donner du secours aux miserables, ou pour aider à sauver leurs biens, mais pour y profiter : L’ancien Coûtumier estimoit que le Haut-Justicier étoit comperent de connoître du Varech, mais cet Article en attribué expressément la connoissance à la Justice du Roy.


CCCCCXCVIII.

La Justice aprés visitation dûëment faite, doit laisser le Varech au Seigneur du fief. Et au cas qu’il fût absent, et qu’il n’y eût homme solvable pour luy, doit être baillé à personnes solvables pour le garder par an et jour.

Aprés la visitation dûëment faite du Varech, il doit estre laissé en la garde du Seigneur lequel en la qualité de gardien et de dépositaire, est tenu d’en faire une bonne et seure garde, autrement il en est responsable en son propre et privé nom ; et même lors qu’il n’a pas empesché le pillage et l’enlevement du Varech, s’il étoit en son pouvoit de le faire, et faute d’y avoir apporté les ordres nécessaires, il doit être condamné solidairement à la restitution des choses volées, suivant l’Arrest rapporté sur l’Article precedent par Me Josias Berault Par un Edit de l’EmpereurAdrien , il fut enjoint à ceux qui possedoient des terres sur les bords de la Mer, d’empescher le desordre lors qu’un Navire venoit à s’échoüer et à se briser proche leur térritoire, qu’autrement ils seroient responsables de tout ce qui seroit perdu, et pour ceux qui auroient commis le pillage, qu’ils seroient punis comme des larrons ; et pour prevenir les desordres, il étoit défendu aux gens de guerre et même aux domestiques du Prince, de s’ingerer à ramasser les debris, 1. Ne quid. 7. D. de incend. rui. naufr-Lors que le Seigneur est present, les Officiers qui ont fait la visite ne peuvent sous pretexte d’insolvabilité bailler la garde du Varech à d’autres personnes qu’au Seigneur lors qu’il est present, car c’est un droit de fief qui ne luy peut être ôté ; mais en son absence, l’on peut choisir d’autres dépositaires, lors que ceux qui se presentent pour luy ne sont pas solvables.


CCCCCXCIX.

Et si c’est chose qui ne se puisse garder long-temps sans empirer, elle sera venduë par autorité de Justice, en retenant marque et échantillon d’icelle pour reconnoissance, et sera le prix baillé ainsi que dit est, pour être gardé comme la chose même.

La vente des marchandises qui ne se peuvent garder doit être faite à la Requête du Seigneur ou du dépositaire par autorité de Justice, et les Juges de l’Amirauté en sont compe-tens ; et comme pour éviter la fraude, avant que d’en faire la vente, on la doit proclamer à certain jour, afin qu’il s’y puisse trouver des encherisseurs, et sur les deniers de la vente le Seigneur ou autre dépositaire est remboursé de ses frais,


DC.

Si dans l’an et jour le Varech est reclamé par personne à qui il appartient, Il luy doit être rendu, en payant les frais raisonnables faits pour la garde et conservation d’iceluy tels que Justice arbitrera.

Lors que la Coûtume ordonne que le Varech soit rendu à celuy à qui il appartient, cela s’entend du véritable proprietaire ; car si elles avoient été depredées par des pirates, il ne seroit pas juste de le leur restituer, vû qu’il ne leur a jamais appartenu, Auth. Navitia, C. de furtis. Qui naufragium fecerunt restituantur illis integra, nisi piraticam exerceant pra-vitatem.

L’on ne peut s’approprier une chose que quand le propriétaire l’abandonne, et qu’il neglige d’en reprendre la possession aprés l’avoir perduë : Or ce que l’on perd par un debris, ou que l’on a jetté dans la Mer pour sauver le Navire ; n’est pas un abanuonnement volontaire que le propriétaire ait fait de son bien, suivant la l. 2. 5. fin. Ad l. Rhod. de jactu : Res jacta Donini manet, nec fit apprehendentis, quia pro derelicto non habetur. Et c’est pourquoy le Juris-consulte en la l. 21. 6. 1. et 2. D. de adquir. vel amitt. possess. fait difference, inter rem quae estin derelicto, et que est in deperdito, et il conclud que non potest videri id pro derelicto habitum quod salutis causâ interim dimissum est

Lors que le Varech est reclamé par le propriétaire le Seigneur qui en a fait la garde ne peut en retenit aucune part, il peut seulement demander le remboursement des frais qu’il a faits pour la garde et pour le sauvage, qui sont arbitrez par le Juge. Par les Loix Maritimes des villes Hanseatiques, Tit. 9. Art. 3. ceux qui ont sauvé les marchandises ou les autres debris en ont la vingtième partie lors qu’ils les ont ramassées sur le rivage ; mais s’ils ont été les recueillir bien avant dans la Mer on leur en ajuge la quatrième partie. Par la Loy Rhodia celuy qui fauvoit quelque partie du debris en avoit la quatrième partie, et la troisième de ce qu’il avoit rétité du fonds de la Mer.

Suivant le Droit Romain en la l. 1. de incend. ruin, celuy qui reclamoit dans l’an les choses qu’on luy avoit pillées aprés un naufrage obtenoit condamnation du quadruple ; que s’il n’insentoit son action qu’aprés l’an, le depredateur n’étoit condamné qu’à la valeur de la chose qu’il avoit prise. : Le Maître du Navire étoit aussi obligé de former ses actions dans l’an, et quelquefois selon la distance des lieux on luy accordoit deux années ; aprés ce terme il n’étoit plus recevable, si per negligentiam prafinitum anni spatium fortasse claudatur, supervacuas serafque interpellationes emenfo anno placuit non admitti. l. 2. C. de Naufrag.


DCI.

Et où aucun ne se presentera dans l’an et jour pour le reclamer, le Varech appartient au Seigneur, sans que puis aprés il en puisse être inquieté.

Il n’étoit pas raisonnable que le Seigneur feodal demeurar perpotuellement chargé du Varech, c’est pourquoy la Coûtume limite le temps de cette garde à un an et jour, et aprés ce emps il demeure au Seigneur sans en pouvoit être inquieté, parce que l’on presume que le ropriétaire l’a abandonné. Par l’Article 16. de la Jurisdiction de la Matine, si le Marchand poursuit la restitution de sa marchandise dans l’an et jour de la perte d’icelle, elle luy doit être restituée en payant les frais du sauvement : Ce terme d’une anuée est imité du Droit Civil, en la l. 2. C. de Naufrag. le Parlement de Paris en verifiant l’Ordonnance de 1543. qui donnoit un pareil delay, restreignit le delay d’un an à deux mois, ce qui fut suiut par l’Art. 21. de l’Ordonnance de 1584. mais nonobstant cette Ordonnance nôtre Coûtume a été approuvée par le Roy, comme conforme au Droit Civil et aux anciennes Ordonnances. Ce qui s’observe aussi au Parlement de Bordeaux, suivant les Arrests remarquez par Clerac des Us et Coûtumes de la Mer, sur l’Art. 30. des Jugemens d’Oleron.

Cet Article a donné le Varech au Seigneur lors qu’il n’est point reclamé par le proprietaire : Par la disposition du Droit Civil les choses jettées sur terre par la Mer et les debris d’un naufrage appartenoient aux possesseurs des héritages sur lesquels elles étoient trouvées lors qu’elles n’étoient point reclamées, et que les maîtres d’icelles habuerant pro derelicto : quecumue res ex nave extracta est, non ante ejus incipit efse qui extruxit quâm Dominus eam pro dere-licto habere coeperit, l. 58. D. de adquir. rer. domin. Et quoy que les droits du Fisc eussent une grande étenduë et de grandes prerogatives, néanmoins les Empereurs Romains ne s’attribuerent point le debris des naufrages au prejudice des proprietaires, ny même de ceux qui les avoient trouvez, comme je l’ay remarqué cu-dessus

Je ne doute point que cette Coûtume qui donne le droit de Varech au Seigneur n’ait tiré son principe des fiefs, et qu’il ne soit en usage dés le temps de leur établissement, soit que les premiers Normans ausquels les fiefs tomberent en partage par la distribution qui leur en ut faite par le Duc Roul ou par ses Successeurs, s’en soient mis en possession comme d’un droit adherent et dépendant des fiefs, lors qu’ils ont leur extension sur les rivages de la Mer, ou qu’il leur eût été accordé par les infeodations, à la réserve de certaines choses que les Ducs se reserverent, et dont le Roy s’est conservé la possession.

On peut prouver par le Commentateur de l’ancienne Coûtume que le droit de Varech est purement feodal ; car sur ces paroles, le Duc en doit avoir aucunes choses qui especialement luy appartiennent, par l’ancienne dignité du Duché il dit que crla raucbe et regarde davantage le fait de Justice et le droit d’icelle, et est mieux et vient plus specialement par raison de Justice que par naison de Majesté du Duc et ce peut apparoir ; car si-tost qu’il est arrioé, le sieigneur en quel fiel il est arrive le doit insinuer, et cet Auteur, fut ce fondement que ce droit ne doit pas être considéré comme un droit de souveraineté, mais comme un simple droit qui est dû à raison du fief, entreprend de prouver que le Haut-Jufticier en doit avoit a connoissance.

Il y a si long-temps que les Seigneurs de fief en sont en possession, qu’il en est fait mention dans nôtre ancienne Coûtume établie en Angleterre par Guillaume le Conquérant. Briton qui a recueilly les anciennes Loix d’Angleterre dans son Chapitre de Trouveures, explique le troit de Varoch de la même maniere qu’il est en ce Titre, ce qui prouve son antiquité ; et guanfort de Prarogat. Regis Angliae, c. 11. 2 écrit ces paroles : Rex haber Varechum per totum regnum, Balenas et Sturgiones captos in mari, vel alibi infra regni metas, exceptis quibusdam privilegiatis per Regem.

Mais soit que ce droit soit purement feodal, ou qu’il ait été accordé par les infeodations lors que la Normandie fut reünie à la Couronne, les Seigneurs de cette Province ne manqueent pas à demander la confirmation de leur droit de Varech, ce qu’ils firent employer dans la Chartre Normande ; Et toutefois nonobstant cette longue et paisible possession, l’on a tenté plusieurs fois d’y donner atteinte par l’Artiele 11. de l’Ordonnance de 1543. et par les Articles 20. et 21. de celle de l’année 1584. qui furent faites en faveur de l’Amital de France, le siers du Varech quand il n’étoit point reclamé devoit appartenir à l’Amiral ; mais ces Ordon. nances n’ont point été reçûës en Normandie, et par l’Arrest de vérification d’icelles il fut dit que ces Articles qui attribuoient le tiers du Vatech à l’Amital seroient observées selon la Coûtume de Normandie, ce qui a été tellement executé que ce droit n’a jamais été pretendu par aucun des Amiraux de France ; et aussi depuis ces Ordonnances Henry III. confirma la Charte Normande, par laquelle le droit de Vatech est entièrement conservé aux Seigneurs ausquels il appartient ; et lors que la Coûtume de Normandie fut reformée par les Ordres de Henry III. et que les Cahiers que les Etats de la Province avoient arrêtez luy furent presentez, aprés avoir été vûs et examinez en son Conseil, Sa Majesté declara qu’elle les con-firmoit, et qu’elle vouloit qu’ils fussent executez, à la réserve de quelques Articles qui sont marquez dans la Declaration, dont il n’y en a aucun qui soit dans le Titre de Varech.

L’on peut encore ajouter pour soûtenir le droit des Seigneurs qu’il y a difference entre le Varech et ce qui est accordé à l’Amiral par les Ordonnances de 1543. et 1584. elles ne donnent le tiers à l’Amiral que des choses qui se tirent de Mer à terte et choses de flo, lors que les marchandises peries sont allées au fonds de la Mer, et qu’elles ont été peschées à flo en la Mer, comme parle l’Ordonnance ; mais le Varech ne consiste qu’en ce qui est jetté à erre par la Mer, ou si proche de terre qu’un homme de cheval y puisse toucher de sa lance.

Les Seigneurs feodaux ont droit de Varech, mais ils n’ont pas droit de Vraich, comme quelques-uns l’ont pretendu, voulans empescher leurs vassaux et les habitans de leurs Paroisles de l’amasser et de le porter sur leurs terres. Ce qui a été jugé en faveur des habitans des Paroisses voisines de la Mer, rapporté par Berault sur l’Article CCCCCXCVI. par cet Arrest la liberté fut conservée à un chacun de prendre du Vraich aux lieux où il croit, lors que la Mer est retirée. Cette pretention des Seigneurs étoit peut-être fondée sur ce que nos Commentaeurs se sont imaginez que le mot de Varech venoit de celuy de Vraich, d’où ils inferoient qu’ayant troit de Varech ils avoient aussi droit de Vraich ; mais cette etgmologie n’est pas véritable.

Jacques Jalot Ecuyer sieur de S. Remy, ayant fait faire des défenses aux habitans de S. Remy. de prendre du Vraich, qui est une herbe qui croit au bord de la Mer, et dont les Laboureurs se servent pour engraisser leurs terres, les habitans de S. Remy furent maintenus en la liberté d’enlever le Vraich et de le porter sur leurs terres, par Arrest du 18. May 1624.

En l’année 1635. l’on tenta par une autre voye de priver ces misérables païsans de ce present que la Mer leur fait : On mit le Vraich en Party, et le Traitant le faisoit brûler et re-duire en cendres qu’il vendoit cherement, et pour en profiter seul il fit faire défenses à toutes personnes d’en enlever ny de s’en servir : Sur les plaintes qui en furent faites au Parle-ment, la Cour donna Arrest le 14. Decembre 1635. contre le nommé Piley et le Partisan, par lequel défenses furent faites au Partisan de le brûler, ny d’en empescher l’usage aux Riverains.


DCII.

Argentré L’Or et l’Argent en quelque espece qu’il soit, en vaisseaux, monnoyé ou en nasse, pourvû qu’il vaille plus de vingt livres, Chevaux de service, Francs Chiens, Oyseaux, Vvoire, Corail, Pierrerie, Ecarlate, le Vair, le Gris, et les Peaux Zebelines qui ne sont encores appropriées à aucun usage d’homme, les Trousseaux des Draps entiers liez, et tous les Draps de Soye entiers, et tout le Poisson Royal qui de luy vient en terre sans aide d’homme, appartient au Roy ; en quoy n’est comprise la Balaine, et toutes autres choses appartiennent au Seigneur du fief.

La Coûtume ayant donné le Varech au Seigneur lors qu’il ne se presente personne dans l’an et jour pour le reclamer, elle en fait le partage en cet Article entre le Roy et les Seigneurs ; mais ce partage est fort inégal, car elle attribué au Roy tout ce que le Varech peut troduire de plus utile et depplus precieux, et ce qui reste au Seigneur ne peut être de grande valeur, et par cette raison le Roy a peu d’interest à leur disputer ce droit, non plus que Amiral, ayant fait voir cy-devant que ce qui luy appartient par les Ordonnances est different du Varech.

L’ancienne Coûtume donnoit les mêmes choses au Duc de Normandie ; car aprés avoir dit qu’aprés l’an et jour le Varech remaindra tout en paix au Seigneur de fief, elle ajoûte que le Duc n doit avoir aucunes chases qui efpecialement luy appartiennent par l’ancienne dignité de la Duché, en quelque terre que le Varech soit trouvé ou arrive Il faut neanmoins remarquer que toutes ces choses n’appartiennent au Roy que quand elles ne sont point reclamées dans l’an et jour, le Roy n’ayant point en ce cas plus de prerogatiles que le Seigneur de fief, et nos Rois ne sont pas moins equitables que les Empereurs Romains, qui eurent en horreur ce profit que le Fise voudroit faire de la calamité d’autruys

Entre les choses que cet Article attribué au Roy à l’exclusion des Soigneurs feodaux, il en excepte celles qui sont appropriées à usage d’homme : De ces paroles naissent deux difficulJez ; la première, si dans les choses qui ne sont point encore appropriées à usage d’homme Argentré l’on doit comprendre l’Or et l’Argent monnoyé, les Chevaux de service, Francs Chiens, Oyseaux, Vvoire, Corail, Pierrerie, Ecarlate, et les Peaux Ecbelines, lors que toutes ces choses ne sont plus en leur forme naturelle, ou que par l’art elles ont été appliquées à l’usage et au service de l’homme, ou si l’on doit rapporter et faire la liaison de ces paroles, qui ne sont point encori appropriées à usage d’homme, avec celles qui precedent immediatement, à sçavoir les Peaux le. belines, en sorte qu’il n’y eût que les Peaux Lcbelines qui fussent exceptées lors qu’elles auroient été appropriées à usage d’homme : Il semble que ces paroles, qui ne fout point encore appropriées â usage d’homme, ont leur relation et leur liaison avec tout ce qui precede ; car quel pretexte de les restreindre aux Peaux Cebelines seulement, si les Chevaux et les Chiens ont été dressez, si l’Vvoire, le Corail et les Pierreries ont été mises en oeuvre, et si l’Ecarlate a été employée en meubles ou habits à usage d’homme ; Et la Coûtume marque afsez son insention lors qu’elle donne au Roy les Trousseaux de Draps entiers, et tous les Draps de Soye entiers ; car ces termes sont limitatifs, et le Roy ne peut demander les Trousseaux de Draps. s’ils ne sont entiers, d’où il s’ensuit que s’ils ne sont entiers ils ne luy appartiennent point ; et par la même raison l’on peut induire que toutes les autres choses que la Coûtume donne au Roy ne luy appartiennent qu’à cette condition, qu’elles n’ayent point été appropriées à usage d’homme : D’autre part l’on peut dire qu’en admettant cette explication le Roy n’auroit pas grand avantage si toutes les choses énoncées dans cet Article ne luy appartenoient point lors qu’elles auroient été employées pour l’usage des hommes : Mais je répons que les prerogatives du Roy pour le droit du Varech ne laisseroient pas d’être importantes puis qu’il auroit les Argentré thevaux et les Chiens qui n’auroient point été dressez, tout l’Or et l’Argent en masse, l’Vvoire, le Corail et les Pierreries qui n’auroient point été travaillées et mises en oeuvre, l’Ecarlate et les Peaux Xebelines qui n’auroient point été employées en hardes et habits, avec le Vair, le Gris, et les Trousseaux des Draps de laine et de soye entiers, avec tout le Poisson Royal La seconde difficulté consiste à sçavoir à qui appartiendront toutes ces chofes qui ne seront point encore appropriées à usage d’homme : On peut dire en faveur des Seigneurs feodaux que le droit de Varech n’est attribué qu’au Roy ou aux Seigneurs des fiefs dont les mouvances s’étendent sur le bord de la Mer : Or la Coûtume les ôtant au Roy il s’enfuit qu’ils doivent être ajugez aux Seigneurs de fief.

L’on allégue au contraire qu’il n’y a pas d’apparence que la Coûtume ait fait cette exception en faveur des Seigneurs de fief, et qu’elle les ait plus considerez que le Roy, mais son intention a été de les donner à ceux qui les ont trouvées : Ce qui paroit nettement par l’Article DCIII. où la Coûtume ne met au nombre des choses gayves que celles qui ne sont apropriées à aucun usage d’homme : Il faut dire de même, que le droit de Varech ne con-siste qu’aux choses qui ne sont point appropriées à usage d’homme, et par consequent tout ce qui est approprié à usage d’homme n’étant point compris sous le nom de Varech et de choses gayves, le Roy ny les Seigneurs ne les peuvent reclamer, mais ils doivent demeurer à l’inventeur conformément à la disposition du Droit Romain, qui a suivi en ce point le premier droit des Gens.

Il y a neanmoins plus de vraysemblance à l’égard du droit de Varech, que la Coûtume n’a fait la distinction contenuë dans cet Article que pour regler sur toutes ces choses les droits du Roy et des Seigneurs, et par consequent que tout ce qu’elle ne donne pas au Roy doit appartenir aux Seigneurs feodaux ; car dans les Articles precedens en disposant du Varech elle n’avoit parlé que des Seigneurs du fief sur lequel il étoit trouvé : Elle leur en avoit commis la garde, la visitation, et la vente, de sorte que si elle fût demeurée en ces termes tout le droit de Varech eût appartenu au Seigneur du fief ; mais en cet Article elle limite son droit en réservant au Roy certaines choses : Or en confidérant cet Article comme une exception, tout ce qui n’est point attribué au Roy doit demeurer aux Seigneurs feodaux, et l’inventeur n’en a plus profité depuis que les Seigneurs feodaux en ont fait un droit Seigneurial, I semble malaisé d’entendre ce que nos Reformateurs ont voblu dire par ces paroles, Tout de Poisson Royal qui de luy vient en terre sans ayde d’homme. Il seroit tidicule de lexpliquer comme a fait Me JosiasBerault , à sçavoir que par le Poisson Royal l’on entend l’Eturgeon, et tout autre poisson beau et grand, qui soit digne d’être presenté à la table du Roy. Godefroy convient qu’il n’est pas bien aisé de déclarer ce que la Coûtume comprend sous l’appellation de Poisson Royal, et que quelques-uns la restreignent au Dauphin et à l’Eturgeon, et que d’autres y ajoûtent le Saumon et le Marsoüin ; mais l’ancienne Coûtume fait comprendre fort aisé-ment ce que l’on doit entendre par ces mots le Poisson Royal, car elle s’est exprimée en cette maniere, que tout poisson qui par luy viendra on qui aura été pris à terre appartient au Roy ; c’est à dire que tout le poisson qui s’échouë et qui demeure à see sur le sable lors que la Mer est retirée, appartient au Roy sans distinction ; et afin de rendre la chose encore plus claire nôtre Coûtume y a ajoûté ces paroles, et qui de luy vient à terre sans ayde d’homme. Il n’y a donc que le poisson qui vient à terre et sans aucune ayde d’homme qui appartienne au Roy, les autres qui se prennent par l’industrie des hommes ne luy sont point attribuez, et parce que ce poisson qui de luy vient à terte appartient au Roy, on l’a appellé Royal par cette raison, qu’il luy étoit particulièrement reservé par l’ancienne dignité du Duché, comme dit l ancien Coûtumier. Le Glossateur de l’ancienne Coûtume sur ces paroles, et tout poisson, dit que c’est à entendre tout poisson Royal, comme l’Eturgeon et autres semblables. Nos Reformateurs ont fait passer de la Glose dans le Texte ce mot de Royal, ce qui a fait naître la difficulté ; car si l’on eût dit simplement que tout poisson qui par luy vient à terre on qui est ris à terre sans aucun ayde d’homme, l’on auroit aisément compris que le poisson que la Coûtume attribué au Roy privativement aux Seigneurs de fief est celuy qui s’échouë et qui vient à terre sans l’ayde et sans l’industrie des hommes, et que c’est par cette seule raison u’il est appellé Royal, parce qu’il appartient au Roy à l’exclufion des Seigneurs de fief.


DCIII.

Les choses gayves sont qui ne sont appropriées à aucun usage d’homme ne reclamées par aucun : et doivent être gardées par an et jour, et renduës à ceux qui feront preuve qu’elles leur appartiennent.

La Coûtume aprés avoir décidé à quelles personnes les choses jeitées et poussées en terre par les flots de la Mer qu’elle appelle Varech doivent appartenir, elle dispose en cet Article des choses qui sont trouvées sur la terre, et qui ne sont reclamées par aucun.

L’on apprend par cet Article ce que l’on doit entendre par les choses gaytes.

La signification de ce mot gaytes dont la Coûtume se sert pour exprimer les choses abandonnées est assez connuë ; car les Anciens disoient guesver et guerpir pour signifier delaisser et abandonner, et dans les vieux Praticiens les choses efpaves et les terres vacantes sont nommées gauces ou guesves, de ce mot Allemand nerpen ou guerpen, qui signifie quitter et ceder, de Loyseau sorte que guesver et guesvement sont pris pour déguerpir et déguerpissement. Voyez Loyseau Argentré du Déguerp. l. 1. c. 2. Argentr. Art. 58. not. 1. n. 5. De laLande , sur la Coûtume d’Oreans, Art. 128.

La pluspart des Coûtumes usent du mot diefpaves ou epaves, qui est un ancien mot François et qui signifie les choses mobiliaires qui ne sont reclamées par aucun, on l’étend même jusqu’aux immeubles delaissez par les batards et aubains ; et par un ancien Extrait de la Chambre des Comptes de Paris rapporté par Baquet en son Traité d’Aubeine, Chap. 3. n. 24. efpaves sont hommes et femmes nés hors le Royaume de si lointains lieux que l’on ne peut au Royaume avoir connoissance de leurs nativitez, et quand ils sont au Royaume ils peuvent être dits espaves ; mais espave dans sa propre signification sont les bêtes ou les meubles garez dont l’on ne connoit point le Seigneur, pecora expavefacta seu pavore in devia ablata, Argentré Argentr. Art. 57. En ce sens on pourroit deriver le mot d’espaves de l’lsalien, spaventato Cet Article ne repute pas pour choses gayves toutes les choses égarées ou abandonnées, il en excepte celles qui ne sont appropriées à aucun usage d’homme, lur quoy l’on peut faire la même difficulté que j’ay remarquée sur l’Article precedent, à sçavoir à qui doivent appartenir ces choses qui ne sont appropriées à aucun usage d’homme ? Les raisons alléguées en faveur des Seigneurs feodaux pour le droit de Varech ne peuvent faire de décision pour les choses gayves, car le droit de Varech appartient generalemecturer Seigneur du fief sur lequel il est trouvé, à l’exception des choses qui sont reservées au Roy. mais les choses qui ne sont appropriées à aucun usage d’homme n’étant point reputées choses gayves, et par l’Article suivant ne donnant au Seigneur que les choses gayves, celles qui sont appropriées à usage d’homme n’étant point de cette qualité, le Seigneur n’y peut rien pretendre, mais elles appartiennent à l’inventeur : Me Josias Bérault rapporte un Arrest qui l’a jugé de la sorte. Un pauvre garçon nommé Hérisson ayant trouvé sept ou huit pieces d’ors les Officiers du Prieur de Grandmont, Seigneur feodal du lieu où cet or avoit été trouvé, le luy avoient ajugé comme une chose gayve : Sur l’appel les Officiers du Buteau des Pauvres ayant aussi reclamé ces pièces d’or, par Arrest elles furent ajugées à l’inventeur : Il est vray qu’il fut ajoûté sans que cela pût prejudicier aux droits des uns ny des autres pour l’avenir.

Mais la question a été prejugée par un Arrest donné sur ce fait : Quelques particuliers travaillans à curer la Riviere de Robec, qui traverse une partie de la ville de Roüen, trouverent un Diamant d’une valeur considérable, ils le vendirent aussi-tost à un Orfevre qui leur en paya six vingts livres : Les Gardes du Métier d’Orfevre jaloux du bon marché que cet Orfevre en avoit eu le faisirent entre ses mains, et l’ajournerent devant le Vicomte de Roüen pour se voir condamner en amende pour la faute par luy commise d’avoir acheté ce Diamant au lieu de le saisir et de l’arréter : Les Echevins de la ville de Roüen pretendirent que ce Diamant ayant été trouvé dans la Rivière de Robec qui appartenoit à la Ville leur devoit être ajugé, et ils disoient par Greard leur Avocat que le Varech et les choses gayves n’étoient point un droit Royal, que par cet Article et par l’Article CXCIV. ils étoient reputer un dhoit febdal, de sorte que tout ce qui étoit trouvé sur le fief d’un seigneur luy devoit être ajugé ; et bien ue la Rivière de Robec ne fût pas dans la mouvance d’un fief, neanmoins étant dans l’enceinte de la Ville elle en avoit la proprieté ; que le Roy n’y avoit aucun droit, parce que la Coûtume en l’Article suivant donne les choses gayves au Seigneur feodal seulement, et même que par l’Article DCII. le Roy ne doit avoir les Pierrenies que quand elles ne sont point appropriées à usage d’homme, et qu’aprés tout cela n’avoit lieu que pour le Varech et non pour les choses gayves.

Le Receveur du Domaine ne manqua pas de se presenter, se fondant sur l’Article 602. qui donne au Roy les Pierreries, que les paroles de ce même Article, qui ne sont poiut appropriées ai usage d’homme, ne pouvoient être rapportées qu’aux Peaux Ecbelines, ce qui paroissoit par l’ordre et la maniere qu’elles étoient écrites : Car pour montrer qu’elles n’avoient pas leur liaison avec le mot de Pierreries, c’est qu’entre ces mots Pierreries et Peaux Cebelines l’on y avoit entremélé l’Ecarlate, le Vair, le Gtis : Et bien que par l’Article DCIV. les choses gayves soient données au Seigneur du fief dans le territoire duquel elles ont été trouvées, cela ne se doit entendre que des choses gayves qui ne sont point reservées au Roy par l’Arricle 602. Le Quesne pour l’Otfevre qui avoit acheté le Diamant soûtenoit que lon marché devoit subsister, ce Diamant n’étant point une chose gayve puis qu’il étoit approprié à usage. d’homme : Castel pour les Gardes du Métier d’Otfevre reprochoit à cet acheteur qu’il n’avoit pas dû traiter de ce Diamant, et que suivant leurs Statuts les forfaitures leur appartenoient : Les Echevins pour rendre leur Cause plus soûtenable déclarerent que s’il plaisoit à la Cour leur ajuger ce Diamant ils le donnoient à l’Hopital : Par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 6. Mars 1676. le Diamant fut ajogé aux Echevins, et ordonné aprés leur declaration qu’il seroit gardé par an et jour, à commencer du jour qu’il avoit été trouvé, et en-cas qu’il ne se presentât personne qu’il seroit vendu au profit de l’Hopital, lequel fut condamné de rendre dés le lendemain à l’Orfevre les six vingts livres qu’il avoit payées, avec vringt livres pour ses frais.

Il est certain que toutes les Parties qui pretendoient ce Diamant n’y avoient aucun droit : car quand la ville de Roüen auroit la proprieté de la Rivière de Robec, il n’y a point de Loy ny de Coûtume qui donne le Varech ou les choses gayves au proptietaire du fonds sur lequel la été trouvé : a l’égard du Receveur du Domaine il en étoit exclus par la disposition de la Coûtume contenuë dans cet Article et dans le suivant ; par cet Article ce qui est approprié à usage d’homme n’est point reputé chose gayve, et par le suivant les choses gayves n’appartiennent au Seigneur que lors qu’elles sont trouvées sur son fief : Or la ville de Roüen étant en Franc. Aleu, et le Roy n’y ayant point de fief, les choses gayves ne luy peuvent appartenir.

Il est vray que par lArticle DCVII. si celuy qui reclame dans l’an et jour la chose gayve ne prouve point qu’elle luy appartienne elle demeure au Roy ; mais cela s’entend lors qu’elle est trouvée sur le fief du Roy, autrenient cet Article détruiroit celuy par lequel les choses gayves sont données au Seigneur du fief. Pour les Orfevres leur pretention étoit ridicule, aussi la Cour le prejugea de la sorte en donnant ce Diamant à l’Hopital qui n’y pretendoit rien, la déclaration des Echevins n’ayant été faite qu’en desespoir de Cause.

Or puis que tous ces Pretendans étoient mal fondez en leur demande, ce diamant devoit appartenir à celuy qui l’avoit trouvé, suivant la disposition du Droit Romain qui donne les choses trouvées et abandonnées au premier oecupant, comme étant retournées à leur premiere condition suivant le Droit des Gens. S. Fere igitur instit. de rer. divi 5. Et cette Jurisprudence devoit être suivie particulièrement en cette rencontre, où ce Diamant avoit été trouvé en bourgage où le Roy ny les Seigneurs ne peuvent exercer aucun droit feodal, et ce droit de choses gayves ne pouvant être reputé un droit de souveraineté : En effet si les Particuliers qui l’avoient trouvé se fussent presentez en la Cause on n’auroit pû le leur refuser, et la Cour le prejugea de la sorte en condamnant l’Hûpital à rendre à l’Otfevre le prix qu’il en avoit déboursé, et vingt livres pour ses frais ; car cet Otfevre n’avoit pas la même faveur que les inventeurs, et ce qui porta la Cour à le priver du profit de son marc et, fut qu’il avoit acheté ce Diamant contre les Statuts de son Métier.

Par cet Arrest et par celuy remarqué parBerault , la Cour a encore prejugé que l’or monnoyé et les Pierreries mises en oeuvre sont reputées choses appropriées à usage d’homme, et que par conséquent le Roy ne les doit avoir à droit de Varech, ny les Seigneurs de fief comme choses gayves.

Les choses gayves ou espaves ne doivent pas être ajugées d’abord au Roy ou aux Seigneurs, la Coûtume les oblige à les garder par an et jour pour donner le loisir à ceux qui les ont perduës de les pouvoir reclamer : Plusieurs Coûtumes ne donnent que quarante jours, mais ceux qui en sont saisis sont obligez de les faire proclamer par trois divers Dimanches aux Prones de la grande Messe Paroissiale ; mais la Coûtume prolongeant jusqu’à un an et jour le droit de reclamer les choses perduës, le seigneur n’est point obligé de faire des proclamations. Par a difpofition du Droit celuy quifs emparoit de quelque chose qoi ne luy appartenoit pas étoit obligé de marquer pas quelque acte pour éviter le soupçon de larcin qu’il ne la prenoit que pour la rendre à celuy à qui elle appartenoit, qui alienum quid jacent softusit, si nefeit cujus effet, sit tamen tulit quasi redditurus et qui desiderasset, vel qui ostendisset rem suam esse, videamus an furti obligetur, et non puto obligari, cum solent plerique etiam hoc facere, ut libellum proponant contiuentem invenisse & redditurum et qui desideraverit : hi ergo ostendunt non furandi animo fecisses l. 47. 8. 8. D. furti. C’est de-là que nous avons appris l’usage des Proclamations.


DCIV.

Les choses gayves trouvées appartiennent au Seigneur du fief : et seront gardées par luy, son Seneschal, Prevost, Procureur ou autres Officiors par an et jour.

Dans l’Article precedent la Coûtume a expliqué ce qu’elle comprend sous le nom de choses gayves, et dans cet Article elle los ajuge au Seigneur du fief, à condition d’être gardées paran et jour par luy et par ses Officiers : Le droit des Seigneurs de fief pour les choses gayves. n’étoit pas si pleinement étably, elle disoit que le Duc doit avoir les choses gayues, que si toufois les Seigneurs du fief où elles sont trouvées les prennent par eux ou par leurs atournes pourtant. qu’ils ayent planiere Justice en leurs fiefs ( c’est à dire Haute ou Basse Justice ) ils leur doivent être renduës. La Coûtume pour faire cesser toutes ces contestations touchant la possession du droit des choses gayves, en fait un droit feodal et le donne au Seigneur du fief, soit le Roy. ou un autre.


DCV.

Nul ne peut retenir les choses gayves plus de sept jours : ains les doivent rendre au Roy, ou au Seigneur à qui elles appartiennent, sur peine de l’amende.

La raison de cet Article est que toutes choses trouvées sont sujettes à restitution, et chacun doit sçavoir que ce qui n’est pas à luy appartient à un autre ; Omnes scire debent quod suum non est ad alios omnimodo pertinere, l. Vlt. C. unde vi, il faut declarer et même tachet de découvrir celuy qui a perdu afin de luy restituer ce qu’il a perdu : Multi, dit S. Jerôme sur le Levitique, sine peccato putant essae, si alienum quod invenerint teneant, & dicant Deus mihi dedit cui habeo reddere, difcant hoc peceatum simile esse rapinae, si quis inventa non reddat.

Il semble neanmoins que la Coûtume en ordonnant à l’inventeur de ne retenir plus de sepr jours les choses gayves, ait eu plus d’égard à l’interest du Roy et des Seigneurs qu’à celuy du propriétaire, puis qu’elle ne fait mention que d’eux, et qu’elle ne condamne l’inventeur à l’amende que pour n’avoir pas rendu la chose gayve au Roy ou au Seigneur dans les sepr jours.


DCVI.

Celuy qui afferme la chose prise comme gayve luy appartenir, comme son boeuf ou son cheval, la doit reclamer dans l’an et jour, et prouver qu’elle luy appartient, autrement demeurera au Roy.

Les dernieres paroles de cet Article, autrement demeurera au Roy, sont trop generales ; car on en peut induire que toutefois et quantes que celuy qui afferme la chose gayve luy appartenir ne le prouve point elle doit demeurer au Roy : mais en expliquant ces paroles de cette manière l’on détruiroit l’Article DCIV. qui donne les choses gayves au Seigneur de fief, pour éviter cette contradiction il faut dire que la chose gayve demeure au Roy quand elle a été trouvée sur son fief.