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DES RETRAITS ET CLAMEUR DE BOURSE.

CCCCLI.

Quatre sortes de retraits.

L’on peut se clamer en l’héritage vendu en quatre manières : à droit de lignage, droit seigneurial, droit conventionnel, et à droit de lettre lûë.

a Coûtume declare en cet Article que l’on peut exercer le droit de retrait en quatre manieres : les trois premieres sont en usage dans toute la France Coûtumière, à la réserve de la Coûtume d’issoudun en Berty ; mais la quatrième espèce de retrait qui est à droit de lettre lûë est particulière en cette Province.

Le rettait lignager est fort ancien puis qu’il fe pratiquoit en quelque sorte parmy les Hebreux : neanmoins suivant l’opinion de Mr Cujas le retrait lignager ne fut point introduit par la Loy Mosaique, elle défendoit seulement de transferer les héritages d’une tribu à l’autre : Cela est véritable, mais encore que l’héritage dûst toûjours être vendu ài quelqu’un de la même tribu, cela n’empeschoit pas que lors qu’un parent plus éloigné l’avoit cheté, le plus proche n’eûr la preference, et ne fût admis à le retiter.

Nous en avons une Ordonnance dans le Levitique, Chap. 25. et nous apprenons dans l’Histoire de Ruth que Boos ne voulut pas s’engager à retirer à droit de sang l’héritage vendu par Elimelech, qu’aprés le refus du proche parent de se servir de son droit.

Nous trouvons quelque image et quelque ébauche de ce droit dans la Loy Qui officia, D. de contrah. empr. Dans la Loy Dudum, C. de contrah. empr. l’Empereur condamne une Constitution, par laquelle il n’étoit permis de vendre qu’à ses proches et non à d’autres : or il étoit injuste d’imposer cette nécessité à celuy qui vouloit disposer de son bien, et de ne luy laisser pas la liberté de choisir un acheteur, sauf aux parens à retirer ce qui auroit été vendu, et c’est cette injuste Ordonnance qui est abolie par cette Loy : Nôtre retrait lignager n’a rien de semblable, chacun peut disposer de son bien à qui bon luy semble, mais elle donne cette faculté au plus proche parent de la ligne d’où procede l’héritage vendu de le pouvoir retirer ; car ce que Ciceron disoit autrefois n’est pas vray parmy nous, que pradia neque gentem, neque familiam habent, in Orat. pro Balbo.

Les Italiens et les Allemands pratiquent une espèce de retrait qui est fort commode et fort équitable, qu’ils appellent jus congrui, pour retirer l’héritage vendu lors qu’il est proche et rontigu de celuy que l’on possede : Mathaus deAfflict . Decis. Neapol. 338. Mysinger, Cent. 3. observat. 8

Le rettait feodal a pris son origine de la libetté que les Seigneurs donnoient à leurs vassaux de pouvoir vendre ce qu’ils leur avoient infeodé, car ils retinrent en même temps le lroit de les pouvoir retirer pour les reünir à leurs fiefs. Le retrait conventionnel dépend de la convention des contractans, et le droit de lettre lûë est introduit par li Coûtume en faveur de l’acquereur qui a jouy par an et jour, et qui est devenu propiiétaire incommutable lors qu’il est depossedé de son acquisition


CCCCLII.

Quelles choses sujettes à retrait et le temps de la clameur.

Tout héritage ou autre chose immeuble, soit propre ou acquest vendu par deniers, ou fieffé par rente raquitable à prix d’argent, peut être retirée, tant par le Seigneur feodal immediat, que par les lignagers du vendeur jusques au septième degré iceluy includ, dedans l’an et jour de la lecture et publication du Contrat.

Cet Article contient ces matieres : Premierement, en quel cas le retrait lignager a liena. Quelles choses sont retrayables. 3. Quelles personnes sont admises au retrait. 4. Dans quel temps l’action doit en être formée

Le retrait a lieu lors qu’il y a vente par deniers ou par fieffe, par rente rachétable à prix d’arrent de tout héritage ou autre chose immeuble, soit propre ou acquest ; ainsi pour donner puverture au retrait deux choses sont necessaires, qu’il y ait vente, et que la vente soit d’un héritage ou d’autre chose immeuble, ou que ce soit une fieffe ou bail d’héritage à rente rachétable à prix d’argent

Bien que sous ces noms, de vente et d’achapt, l’on comprenne souvent toutes alienations, l. Sicut, 5. Venditionis, D. quib. mod. pignor. vel hpoth. sol. l. Statut. l. in fine, D. de statuto. Neanmoins quand il s’agit de rettait le terme de vente ne signifie que le véritable Contrat d’a chapt et de vente, ou ceux qui ressentent la vente, mais que l’on a déguisez sous d’autres noms, ou qui participent en partie de la vente ou de quelqu’autre Contrat Il est encore nécessaire non seulement que la vente soit parfaite, mais aussi qu’elle soit leitime et valable, car si la vente est nulle il n’y a point d’ouverture au retrait, nam appel-latione venditionis venit tantum valida, l. 4. 8. Condemnatum, D. de re judic. Neanmoins l’acuereur n’est pas admissible à opposer cette exception, dautant qu’on le met hors d’interef n le remboursant du prix qu’il a payé et de tous ses frais.

Mais lors que la vente a été parfaite les contractans ne peuvent plus refoudre le Contrat au prejudice des lignagers ou des Seigneurs feodaux, nonobstant qu’il ne se soit fait aucune tradition actuelle de la chose venduë, ou que le prix n’en ait point été payé ; car la Coûtume ne parlant que de la vente, et la vente étafit parfaite par la convention du prix et par le consentement des parties, leur repentir ou le changement de volonté ne peut détruire le droit qui est acquis à un tiers : lors que le Contrat étoit pur et simple, et que la resolution n’est point avenuë en vertu de quelque clause de Contrat, on ne seroit pas encore obligé de s’en croire à leur déclaration que le Contrat seroit simulé, lors qu’il a toutes les apparences et les marques d’une véritable vente.

L’on doute si la vente conditionnelle ne doit pas être mise au nombre des ventes parfaic. tes, soit que la condition soit casuelle ou potestative ; On allégue pour la negative que c’est une vente imparfaite, l. hac venditio, in princ. D. de contrah. emp1. et qui par consequent ne eut produire aucune action, ce qui est si véritable que le Seigneur n’en peut demander les lots et ventes, ny en pretendre la commife quand cet acquereur conditionnel luy en auroit lonné le sujet : On dit au contraire que la vente est parfaire : Julianus putat statim persectam esse yenditionem, quia certum scit eam esse eontractam, l. Necessario, S. Si ita, D. de peric. et comm. rei vendend. et la proprieté de la chose venduë est si véritablement acquise à l’acheteur que le vendeur n’en pourroit disposer à un autre, et bien que la vente dépende de l’évenement de la condition, néanmoins si la condition arrive la vente est censée faite du jour du Contrat, quasi jam contracta emptione in prateritum, dit cette Loy Necessario : l’acquereut est sans aucun interest en consentant le retrait, parce que l’on est obligé de le rendre indemne au contraire un lignager en pourroit souffrir de la perte s’il avoit son argent tout prest qu’il seroit obligé de garder, ou s’il l’employoit il ne seroit pas asseuré d’en trouver d’autre à son besoin : Tiraqueau aprés avoir traité la question, conclud que la vente conditionnelle est su jlette à retrait, sur tout si l’acquereur est entré en possession de la chose, quia ex hjusmodi venditione conditionali secuta traditione ante conditionem transfertur Dominium, l. Dotis fructus, Tiraq 5. ult. cum lege, sed nisi hoc, D. de jure dotal. Tirad. de retr. gent. 8. 1. gl. 2. n. 22. usq. Ad n. 30. ce qui a fait dire à Balde que nulla conditio impedit principium essentia oontractus, si ventum est ad traditionem,Bald . Consil. 478. Du Moulin sur le 5. 13. gl. 5. quest. 4. fait cette distmction. que si l’acquereur a pris possession de la chose il y a ouverture à la demande en retrait, parce que le Contrat a eu son execution : si au contraire le vendeur est demeuré en possession le lignager n’est point recevable, et bien que Godefroy n’approuve point cette distinction pour n’y avoir aucune raison de difference, elle y est neanmoins tres-considérable ; car lors que l’on vend sous condition, et qu’en attendant l’évenement d’icelle le vendeur demeure en possession, il seroit rigoureux qu’il fût depossedé par le retrait, et particulièrement si la condition est casuelle, et les raisons que l’on objecte à l’acquereur qui joüit ne peuvent valoir contre le vendeur, car on ne peut venir contre les charges de son Contrat ; de sorte qu’ayant retenu la joüissance de la chose venduë en attendant l’évenement de la condition, il n’y a pas d’apparence de le dépoüiller par provision : Aussi quoy que Tiraqueau eût suivi d’abord l’opinion qui reçoit indistinctement l’action en réttait pour les Contrats conditionnels, s propose en suite le temperament dont je viens de parler, ce qui me paroit raisonnable.

Mais il n’y a pas de difficulté pour la vente faite sub modo qui est resoluble sous condition, car il y a grande différence entre la vente conditionnelle et celle qui est faite sub modo ; quant à la perfection du Contrat l’on ne peut agir en vertu d’un Contrat conditionnel avant l’évenement de la condition, mais on a action en vertu d’un Contrat fait sub modo en luy donnant caution d’executer ce qui a été stipulé, 1. Liberto, S. Lucius de ann. leg. D.

Si la vente étoit faite à cette condition que la proprieté ne seroit point acquise à l’acheteur qu’en payant le prix convenu, il semble qu’avant le payement le Contrat ne seroit point rerayable : Nemo potest videri eam rem vendidisse de cujus Dominio id agitur ne ad emptorem tran-seat, sed hoc aut locatio est, aut aliud genus contractus, l. Penult. 8. Nemo, D. de contr. empt. mais outre que l’acquereur ne pourroit pas se servir de cette défense le vendeur n’autoit rien à dire, puis que le retrayant ne pourroit obrenit l’effet de son action qu’en payant au vendeur le prix de son Contrat : quelques-uns neanmoins font cette distinction, que si le vendeur a stipulé d’être payé comptant il n’y a point lieu au retrait, la proprieté n’ayant été cédée qu’à cette condition ; mais si le vendeut a donné terme de payement le Contrat est parfait, et par consequent sujet à rétrait : Voyez Matth. deAfflict . Decis. Neapol. 338.

La simple promesse de vendre ne donneroit pas lieu au retrait, la Coûtume désire que l’on ait vendu et non pas que l’on ait promis de vendre, il faut donc qu’il y ait une vente réelle et effective ; aliud est vendere, aliud promittere de vendendo, cette promesse se reduit en interests seulement, l. 1. C. de pact. pignor

Mais on seroit reçû à retiter un héritage vendu sous cette condition, que la vente seroit nulle en cas de retrait, car les contractans ne peuvent empescher par aucune paction ou condition le droit des lignagers.

Bien que le terme vendu employé par cet Articlé ne se doive entendre que d’un véritable Contrat de vente, néanmoins pour éviter aux fraudes que l’on commettroit pour eluder l’action en retrait on l’étend à tous les Contrats qui equipollent à vente ; c’est par cette rai-son que le fonds baillé en payement d’une dette est censé vendu datio in solutum vicem venditionis obtinet, l. Si predium, C. de evict. Plusieurs Coûtumes de France l’ont aussi decidé de la sorte ; Sens, Article 54. Troyes, Article 165. ce qui a lieu même pour les ventes judiciaires :Tiraqueau , 3. 1. gl. 14. n. 8. et sequent.

Ce qui n’a pas lieu seulement lors que le vendeur a déclaré particulièrement les dettes qu’il bailloit à acquiter, mais aussi quand il ne les auroit pas exprimées, et que la quantité en seroit incertaine ; car encore qu’il soit vray qu’en tous Contrats de vente il doive y avoir un prix certain ; 3. Pretium instit. de vend. et empr. et ibi Faber. Neanmoins les dettes dont l’acquereur s’est chargé, soit qu’elles soient certaines ou incertaines tiennent lieu d’un véritable prix, I. Fundi partem, D. de contrah. empr. l’acquereur sera censé avoir acheté la chose suivant la valeur des dettes qu’il aura acquitées, et le retrayant sera tenu de le rembourser suivant ses quitances, et luy donner caution de le décharger des autres dettes qui resteroient à payer et qui pourroient être demandées.

Tout heritage vendu, on autre chose immeuble, peut être retiré : Par ces paroles ou autre chose immeuble ; il faut entendre les vérit ables eimmeubles qui ont un être et une subsistance fixe et certaine, et non point ceux qui ne le sont que par fixion, et c’est pourquoy les rentes contituées à prix d’argent ne sont point sujettes à retrait : cela ne peut avoir lieu que dans le Coûtumes où cette clause est employée, on autres choses censées immeubles : car on comprend sous ces paroles non seulement les rontes constituées, mais aussi tous les droits et actions immobiliares ; mais cessant une pareille disposition, suivant le sentiment deTiraqueau , de ret. gent. 5. 1. gl. 7. lors que la Coûtume parle simplement d’immeubles, non comprehendit nomina et actiones ad rem immobilem pertinentes.

La faculté de remere n’est pas simplement une action, c’est une partie de la chose même, pars fundi, et par cette raison elle est sujette à rétrait.

Les Offices étant des immeubles fictifs et à certains égards ne sont point retrayables : cela n’a point été revoqué en doute pour les Offices de Judicature : Il est vray que l’on accorda à feu Mr Buquer Conseiller en la Cour le droit de prelation pour l’Office de Conseiller en la Cour, dont Mi son pere avoit disposé : La même chose fut aussi jugée pour Mr de Brinon, et l’Office de Sergent appartenant au nommé de Laigle ayant été licité et vendu à Latignant, le fils dudit de Laigle demanda d’être preféré, et s’aidoit des Arrests de Messieurs Buquet et de Brinon : Larignant soûtenoit que quand cette action seroit admissible pour les ventes volontaires, on ne la pourroit approuver pour les ventes judiciaires où chacun pouvoit encherit.

Il fut repliqué que ce n’étoit qu’un droit de prelation fondé sur l’équité naturelle et surl’mterest public, qui desite que les enfans soient mamtenus dans les Charges de leurs peres plûtost que les étrangers : Ce qui fut jugé en l’Audience de la Grand. Chambre le 9. de Janvier 1646. plaidans Boulanger, et Pilastre ; mais ces Arrests n’ayant été donnez qu’en faveur des enfans ne peuvent être tirez en consequence. Par la Jurisprudence des Arrests les Offices domaiaux et hereditaires, comme les Tabellionnages et les Greffes, sont rétrayables : Par Arrest onné en la Chambre des Enquêtes le 21. de Janvier 1651. au Rapport de Mr de la Place, entre la Dame d’Arbouville veuve du sieur d’Houderot, et Me Marin Gruchet, et Loüis Arpenteur, il fut jugé que le Tabellionnage, le Greffe et la Sergenterie de la Principauté d’Iverot vendus par le sieur du Beslay étoient retrayables.

Il se trouve un Arrest du 20. d’Aoust 1815. entre Robert Oxenne et Robert Baudet Oreffier du Vicebailly de Roüen, par lequel il fut jugé que ce Greffe n’étoit point sujet à retrait, on soûtenoit qu’il étoit hereditaire, qu’il confistoit en revenu et non en dignité, qu’il étoit domanial, et qu’il se bailloit à ferme : On répondoit que ce Greffier avoit été pourvû par le Roy, lequel ayant reûm à son Domame tous ses Greffes, il ne joüissoit plus qu’en vertu de l’accommodement qu’il avoit fait avec le Traitant, que ce Gteffe n’avoit point de fituation ea aucune Paroisse où la lecture pûst en être faite, que cet office étant domanial n’étoit pas retrayable : mais pour les Greffes qui tombent dans le commerce et dont les particuliers peu-vrent disposer en toute liberté, l’action en retrait a lieu lors qu’ils sont vendus. Lors que cet Arrest fût donné la jurisprudence pour les Offices n’étoit pas encore certaine, leur nature étoit encore ambigué, et l’on n’avoit pas encore décidé absolument s’ils étoient meubles ou immeubles ; aussi l’on a jugé depuis que les Offices domaniaux étoient retrayables, suivant l’Arres dont voicy le fait.

Le nommé Charité étoit proprietaire de l’Office du Pont de Vernon, et de quelques he ritages dont neanmoins il en avoit aliené une partie ; tous ses biens furent saifss et ajugez aux Chartreux de Gaillon : ses enfans formerent une action en retrait, laquelle ils firent signifier aux Adjudicataires en parlant au Procureur qui avoit oecupé pour eux, pour retiter ce qui avoit été vendu et ajugé, à la réserve des héritages alienez, et dont les acquereurs étoient devenus propriétaires incommutables : Les Chartreux ayant comparu sur cet ajournement ils l’arguoient de nullité pour n’avoir été fait ny à personne ny à domicile, et en tout cas ils concluoient que les Demandeurs devoient retirer tout ce qui leur avoit été ajugé : Les Retrayans ayant appellé d’un appointement à mottre les pieces, ils disoient par Castel leur Avocat que les Chartreux ne pouvoient alléguer la nullité d’un Exploit sur lequel ils avoient comparu, au principal que les Offices étant immeubles ils étoient clamables. Il est vray queCho -pin rapporte un Arrest par lequel on n’admit point l’action en rétrait pour un Office, mais Loyseau Loyseau traitant cette question a remarqué que cet Arrest fut donné dans une Coûtume qui ne reçoit la clameur que pour fonds et héritages, mais que dans les Coûtumes qui les admet. tent pour les immeubles les Offices peuvent être retires. Il est vray que Berault et Godefroy sont d’un sentiment contraire, mais l’Arrest de Dosne rapporté par Bérault étoit mal cité : Il étoit question d’un Office d’Huissier à la Table de Marbre du Palais que le Dosne avoit vendu, son fils clama cet Office de son consentement, depuis le pere voyant le mauvais ménage. de son fils il obtint des Lettres de restitution contre son consentement, et il empescha que son fils ne fût admis à retirer cet Office qu’en baillant caution de payer les dettes dont il avolt chargé l’acheteur, et ce fut par cette raison que le fils fut debouté de son action, que par l’Arrest de Laigle le fils avoit été preféré à la Charge de son pere, et qu’on n’avoit jamais douté d donner la preference aux enfans ; aprés tout il falloir considerer la nature de cet Office qui étoit purement domanial, et par consequent il en falloit regler la clameur comme celle des héritages : Pour la seconde question, si les retrayans étoient obligez de retiter tous les heritages : Ils remontroient qu’ils n’avoient aucun droit de retirer les héritages dont les acque-reurs étoient devenus propriétaires incommutables, que le retrait en appartenois foulement aux parens des acquereurs perdans, ou plûtost aux acquereurs mêmes, Article 47s. mais les parens du lignager n’ont plus le droit du retrait. De Cahagnes répondoit pour les Chartreux que par la Coûtume l’Office n’est immeuble que quand il est saisi, et quand on le reputeroi immeuble il ne s’ensuivroit pas qu’il fût retrayable, parce que la Coûtume n’admet pas l’action en réttait pour toutes sortes d’immeubles : Elle n’a point lieu pour les rentes constituées qu sont beaucoup plus susceptibles de la qualité d’immeubles que les Offices, la Coûtume n’admer le retrait que pour les Contrats où il échet lecture, ce qui ne se pratique point pour la rente des rentes et des Offices : que si quelquefois on a donné la preference aux enfans pour les Offices lors que les choses étoient entieres, on n’en doit pas faire une regle generale pour n admettre le retrait en toutes ventes d’Offices. Pour la seconde question, on ne pouvoit se prevaloir de l’Article CCCCLXXIII. sa disposition ne régarde que les acquereurs perdans, et les Adjudicataires même qui peuvent se maintenir contre les lignagersdu decrété qui ne sont pas recevables à cette sorte de retrait : que si les Adjudicataires veulent renoncer à leur avantage en consentant le retrait, en ce cas les retrayans ne peuvent retirer l’un sunt l’autre, et ila sont obligea de retires le tout, autromont il soroit en leur liberté de ne prendre que ce qui leur plairoit, en quoy les Adjudicataires souffriroient un grand prejudice, n ayant enchery que dans l’asseurance ou que le tout leur resteroit, ou que l’on seroit obligé de retirer le tout, la commodité de certains héritages recompensant celle des autres : Par Arrest du 20. de Juin 1653. on mit sur l’action en rétrait hors de Cour, si mieux n’aimoient les retrayans vâ le consentement des Adjudicataires rembourser le prix entier de l’adjudication Cat Arrest a decidé deux questions ; la premiere, que ces Offices domaniaux sont sujets à retrait ; la seconde, qu’encore qu’un retrayant ne pûst être reçû à retirer tout ce qui a été vendu ou enchery contre la volonté du vendeur ou de l’adjudicataire, neanmoins quand il y donne les mains le retrayant est obligé de prendre le tout : cela neanmoins ne se pratiqueroit pas pour le retrait feodal, car le consentement du vendeur n’engageroit pas le Seigneur seoda recirer ce qui ne seroit pas de sa tenure.

Les rentes constituées ne peuvent être retitées à droit de sang ou feodal ; mais on a agité cette question, si une rente constituée par le pere en faveur du mariage de sa fille, et depuis devenuë comcière aprés les quatante ans étoit sujette à retrait : Pierre d’Epiney en mariant Simonne d’Epiney sa fille luy constitua dix livres de rente pour dot ; aprés les quarante ans les enfans de cette femme vendirent cette rente à Pierre Boutrey : Pierre de l’Epiney frère de Simonne et debiteur de la rente forma action pour la retirer ; le Vicomte du Ponteaudemer le reçût à sa demande ; mais le Bailly ayant cassé la Sentence, sur l’appel pat Arrest en la Grand. Chambre du 20. de Novembre 1664. la Cour en in firmant la Sentence du Bailly ordonna que celle du Vicomte sortiroit son effet, plaidans de Freville, et Everard. L’action en rétrait étoit favorable et juste, quoy que le pere n’eût donné qu’une rente rachétable, néanmoins parce qu’elle tenoit lieu de legitime à sa fille, ella n’étoit pas de la nature des rentes constituées, au contraire elle retient quelque chose de sa premiere origine, étant créée au lieu du fonds que la fille auroit eu pour sa legitime, et c’est pourquoy aprés les quarante ans ces rentes dorales ne sont plus rachetables, et on peut en demander vingt-neuf années comme des rentes foncieres quand elles n’ont point changé de main, et qu’elles sont encore dûës par les freres ou leurs representans ; et quand la Coûtume a prescrit le temps de quarante ans pour les rendre foncieres, ce n’est pas qu’elles ne pûssent l’être de leur origine, et qu’en effet elles ne le soient en quelque façon, mais la Coûtume a voulu donner ce temps aux frères de se pouvoir liberer ; c’est par ce même principe qu’il a été jugé que le retrait n’a lieu pour le fonds baillé pour la dot de la soeur, quoy que cela se fasse aprés le mariage : la Nature et la Loy Civile appellent sans distinction tous les enfans à la succession de leurs peres et meres : Et quoy que nôtre Coûtume en ait exclus les filles, néanmoins elle leur accorde au lieu de legitime un mariage avenant, et leur exclusion maême n’est pas irrevocable ny si absolué que le pere ou le frère ne les puissent reserver ou recevoir à partage : ce n’est donc pas, à parler proprement, une somme d’argent que le frere doit, mais une portion des biens paternels et maternels ; que s’il promet une rente, elle est tellement subrogée au fonds qui appartenoit à la fille qu’aprés les quarante ans elle devient foncière ; et si le frore baille un fonds ce n’est pas une vente qu’il en fait, c’est une legitime qu’il baille, et quoy qu’il le fasse aprés le mariage cela ne change point le droit de la sour, et il n’y a point d’ouverture à l’action en retrait, mais ce fonda donné à la soeur peut tenit son nom, côté et ligne. Les Docteurs Feudistes ont dit pour cette raison que la prohibition d’aliener ne s’étend jamais à la tradition de la dot. M d’Argentré , Article 73. no. 4. nu. 4. raitant ces questions est de ce sentiment, que quand le pere ou les parens par le Contrat de mariage promettent une somme d’argent, et que par le même acte et dans le même instant ils baillent une maison ou une terre en payement il n’en est point dû de lots et ventes, et par consequent qu’il n’y a point de retrait ; sa raison est que les parens n’ont pas eu la pensée le faire une vente, mais seulement de liquider la valeur de la chose qu’ils vouloient donner pour la dot ; mais lors qu’ils ont promis une rente ou de l’argent, et que pour s’en liberer ils baillent une terre aprés le Contrat de mariage, en ce cas vera datio in solutum effet, et une véritable vente dont les lots seroient dûs : mais nos Maximes sont contraires, et soit qu’au lien de l’argent ou de la rente promise pour la dot, soit lors du mariage ou depuis un fonds ait été baillé ce n’est point une vente. Par le moyen de ce que le pere baille à sa fille en payement de la dot il se fait une continuation de proprieté, fit continuatio dominii, et c’est pourquoy par l’Arrest, le Maigremont rapporté par Bérault, le frete fut debouté de la demande en rétrait ; par la même raison il n’est point dû de Treiziéme, quia subrogatum sapit naturam subrogati. Mr d’Argentré dit qu’ilry a lieu au retrait, parce que le fonds sort de la famille, mais ce n’est pas en faire sortir que de le donner à une personne du même sang et de la même famille, et il sort si peu hors du nom qu’il demeure toûjours un bien maternel, et s’il étoit vendu les freres ou les lescendans auroient l’action en rétrait lignager : VideMolin . 8. 15. gl. 1. n. 11o.

Si le pere ou le frere pour se liberer de la rente ou promesse de mariage baille une rente ce n’est pas une vente, mais plûtost un regrés et un retour de la fille dans son droit premien et naturel, le pere ou le frere ne font que consommer alternativement l’option qui leur ez donnée par la Coûtume, de matier leur fille ou laur sour de meuble sans héritage, ou d’hécitage sans meuble, et comme il n’y eût eu aucune ouverture au retrait si au commencement ils avoient baillé de l’héritage, l’intervalle du temps et la diversité des Contrats n’apportent aucun changement, parce que la chose retourne à sa premiere origine et condition, ce que le frere baille tient lieu de propre à la soeur, et c’est pour tenir son nom, côté et ligne : toutes lesquelles qualitez cesseroient si l’heritage étoit delaissé à un étranger : l’on ditoit mal à propos que le frere ne devoit que de l’argent ou une rente, la promesse qu’il a faite entre en la place de la legitime. Dans les Contrats d’achapt l’acheteur baille de l’argent, icy la soeur ne baille point d’argent, elle accepte un fonds pour sa legitime, et cette legitime ne peut être retirées ài le Treizième n’en est point dû, comme il a été jugé, le retrait n’en peut être admis, car lun et lautre se reglent presque toûjours de la même sorte, et c’est une Maxime cettaine en Normandie, ayant même été jugé que les parens du mary ne sont point recevables à retirer l’héritage baillé par le mary a sa femme pour recompense de son fonds qu’il avoit aliené, uoy qu’il passe en une autre famille : suivant cela son doit bien moins revoquer en doute que le retrait n’est point admissible pour ce qui est cedé à la seur pour son mariage, non plus que pour ce qui seroit baillé à un des freres par avancement de succession : outre lArrest de Maigremont la même chose fut jugée entre Baudoüin et d’Estrepagny en lAudience de la Grand. Chambre le 5. de Mars 1638.

Mr d’Argentré traite aussi cette question, si le mary baille de son héritage à sa femme à faute de luy avoir acheté un fonds pour-le remploy de sa dot suivant qu’il y étoit obligé, sçavoir si les lots et ventes en sont dûs, et s’il y a lieu au retrait : Et aprés avoir cité du Moulin aulieu preallégué, qui tient que les lots et ventes ne peuvent être demandez, quia pracodit obligatio emendi, et cûm maritus se ab hac obligatione emendi liberet, emptionem esfe, et reipsa fundùm suum endere et mutari dominium, il ajoûte qu’il n’avoit point encore vû d’exemple que les Seigneurs feodaux eussent formé cette demande

Du Moulin ast d’avis que nonobstant la décision du Concile de Latran, C. prohibemais di decim. que les dixmes infeodées possedées par un Laique et venduës à un autre Laiqué peuvent être venduës et clamées, quia concilium bene potuit statuere quod Ecclesia non amolius mn-feudaret istas decimas, quia hoc modo non statuebat super rebus vel juribus Laicorum & ad Jurisdictionem secularem pertinentiuae, sed legem ponebat Clericis & rebus adhuc existentibus in jurisdi-ctione Ecclesiae : sed non potuit prajudicare juri semel acquisito Laicis in decimis infeudatis anti Concilium Lateranense ;Molin . de Feud. 6. 68. n. 18. et sequent. mais lors qu’elles ont été ven duës à l’Eglise le retrait n’a point de lieu, parce qu’elles sont retournées à leur premiere origine, quasi jure quodam postliminii redeunt in pristinam causam, de sorte qu’elles n’en peuvent plus sortir.

Trois personnies étant associées en une chose commune comme d’une Maison, d’un Navice ; &c. l’un vendant sa part à un étranger, on demande si les autres associez sont recevables à rembourser facheteur ; L’acheteur s’en défend par ces raisons, qu’il est libre à toutes personnes de disposer de ce qui luy appartient, et que cela n’apporte point de prejudice aux associez, parce qu’il entre aux mêmes charges et conditions, et qu’en ce cas il n’y a point de lieu au retrait lignager ny au droit de bienseance, juri congrui, qui n’est point pratiqué en France, la vente ne cause point de division facquereur se éontentant de sa part : Les associez se plaignoient qu’ayant choisi l’humeur et la probité de leur associé on ne leur pouvoit donner contre leur volonté un homme d’un esprit facheux et incommode, et puis qu’on ne peut les forcer d’entrer en societé avec luy il faut en venir à la licitation, et ils doivent plûtost être reçûs à le rembourser, ou qu’il doit prendre leur part au prix qu’il a acheté celle de leur associé ; voyez la l. Ad officium, C. communi divid. Cette ospèce de retrait est fondée sur la Constitution de lEmpereur, Romanus senior, qui reçoit les consorts, qui aliquid in re communi habent, à retiter la pottion venduë aprés les lignagers du vendeur : Cette espèce de rerrait est appellée jus congrui, et il est en usage au Royaume de Naples, vicinus et collateralis vei venditae potest jure congrui rem illam petere intra annum ; Matth. deAfflict . Decis. Neap. 223.

Ainsi par la l. Congrui veteres conductores novis praferuntur, Cod. de locat. prad. Civil. vel fiscal. et une partie de la chose commune étant acquise par celuy qui avoit l’autre portion, si lon retire de ses mains la part qu’il avoit achetée on doit aussi luy rembourser celle qu’il voit acquise, quia hec pars beneficio alterius accessit, l. Communi, 5. ult. communi divid. ff. l. 24. famil. ercisc. Gette question fut disputée entre un particulier qui avoit acquis la part d’un Natire, et les autres l’ayant voulu rembourser ils en avoient été deboutez par Sentence, et par Arrest du 9. de Juin 1628. la Sentence fut cassée et les proprietaires reçûs à leur offre, si mieux cet acheteur ne vouloit prendre leurs parts au même prix, et sans tirer à consequence, entre Blondel et ses associez, et Teinturier. On pretend que c’est un Usage en l’Admirauté, que si le proprietaire d’une part de Navire la vend, celuy qui a l’autre moitié est preferable, pourvû qu’il vienne dans les vingt-quatre heures ; et par Arrest entre Persil et Boscheron on confirma une Sentence de l’Admirauté qui lavoit jugé de la sorte, plaidans le Févre, et Theroude.

Voicy encore une autre espèce en laquelle on a jugé au Parlement de Paris que le retrait n’étoit point admissible mand une maison entière a été licitée entre coheritiers pour être indivisible, quand un des compropriétaires se rend adjudicataire on n’est point recevable au re-trait, la naison est que si l’on recevoit le rettait en ce cas ce seroit admettre la licitation à l’infini, au moyen que Padjudicataire n’étant pas obligé de laisser aller sa portion il faudroit encore puis aprés en venir à la licitation, ce qui ne se rencontre pas lors que l’adjudication se fait à un étranger, l’Article 154. de la Coûtume de Paris porte que portion d’heritage venduë par licitation qui ne se peue bailler par divis est sujette à rétrait : VoyezRicard , Coûtume de Paris, Art. 133

Entre les héritages qui peuvent être sujets à retrait, la Coûtume a mis l’héritage fieffé à rente rachétable. Nos fieffes, ou comme ils les appellent à Paris, nos baux à ronte, n’ont aucee relation avec les Contrats que lon appelloit conductiones perpetuas, emphyteuticarios, preca-vios, agros vectigales ; car le bailleur retenoit toûjours la seigneurie directe, l’utile seule passant en la personne du preneur qui ne se pouvoit pas dire proprietaire, Dominus non efficiebatur. c. 2. 8. 1. Si ager vectig. pet. quoy que le preteur leur donnât une action utile in rem, l. 73. de rei vindic. Parmy nous les Contrats de fieffe emportent une alienation parfaite, une expropriation entiere et absolué de l’héritage,Molin . de Beud. 8. 41. gl. 2. n. 29.Mornac . Ad l. 1.

Si ager vectig. pet. Bail à rente, ditBrodeau , vient du mot Hebreu, Baal, qui signifie possidere ut Dominum, Article 78. de la Coûtume de Paris, n. 17. je ne pense pls qu’il faille aller chercher chez les Hebreux l’étymologie de ce mot qui est purement François.

Bien que la rente de fieffe ne foit pas rachétable, si toutefois le preneur en fayeur du Contrat paye quelque deniers au bailleur, on demande s’il y a lieu au retrait : Quelques-uns ont été de cette opinion que si la rente de la fieffe égale à peu prés le revenu du fonds, il n’y a point d’ouverture au retrait, si au contraire la pension est modique, et que l’on baille. une grande somme d’argent, en ce cas c’est plûtost une vente qu’une fieffe. Joan. Faber sut Tiraq les Instit. 5. Adto de locato est de ce senciment ; Vide Tira4. de ret. gent. 8. 53. Mais felon nos Maximes pour peu que l’on paye d’argent le Contrat est retrayable. Nous ne distinguons point an pecunia numerata praponderet reditus, comme a fait duMoulin , de Feud. 5. 33. gl. 2. quest. 17. 18. et 14. Il suffit qu’il y ait de l’argent payé pour donner lieu au retrait, Voyez l’Article 145. de la Coûtume de Paris. Par Arrest du 23. de Novembre 1656. à la grande Au-dience entre Pellerin et Tullon ; Pellerm fut declaré non receuable à son action en retrait lignager d’un Contrat de fieffe par trois cens cinquante livres de rente foncière ; mais le méme jour de ce Contrat il s’étoit passé un écrit entre le bailleur et le preneur à fieffe, par le-quel le preneur s’obhgeoit en cas que le bailleur voulût vendre fa rente de len faire le premier refusant, et le preneur s’obligeoit de l’acheter toutefois et quantes que le bailleur vou-droit à raison du denier vingt. Plusieurs furent d’avis contraire à l’Arrest que c’étoit une fraude, et qu’il étoit vray de dire que la fieffe étoit faite à rente rachétable, puis que le preneur pouvoit être contraint d’en faire le rachapr. Mr le Royer Avocat avoit pris un fonds à fieffe à charge de rente fonciere, en deduction de laquelle rente il en devoit payer quatre livres à la sous du bailleur qu’il luy devoit pour sa dot, et il étoit ajoûté qu’en cas que le bailleur fist le rachapr des quatre livres de rente, le preneur seroit tenu de luy payer la rente entière de quinze livres : un lignager pretendit que s’étoit une vente vû f paction d’amortir quatre livres de rente : on tépondoit que ce n’étoit qu’ime delegation pour payer les arrerages tant que la rente subsisteroit, et pour la deuxième clause que le preneur n’étoit pas obligé de fournir ces deniers en cas que le bailleur voulût racheter, il s’obligeoit seulement en cas de ra-chapt à continuer la rente entiere : Par Ariest du 5. de Juin 1657. le lignager fut debouté de son action.

C’est une Maxime en cette Province que la restitution pour deception d’outte moitié de uste prix n’est point reçûë pour les Contrats de fieffe ; Arrest du 23. de Janvier 1660. au profit du Guy Sergent au Bailliage de Roüen

Il est certain que licer obliqué contrabere modo non fimulaté, et qu’il n’est pas défendu de Contracter d’une maniere qui puisse empécher le retrait et les profits de fief, pourvû que cela se fasse par des moyens legitimes et véritables, comme par échange ou par fieffe. Il y a neanmoins de certains moyens de contracter qui sont reprouvez pour être trop grossiers la rraude en étant trop apparente, ou pour leur consequence entant que s’ils étoient reçûs il seroit aisé d’éluder toutes les clameurs. En voicy un exemple, un particulier en vendant son héritage retint une condition de remere pour empescher l’action en retrait, il donna cette condition : le lignager ayant soûtenu que le donataire étoit non recevable à s’alder de cette condition, il obtint Arrest à son profit au Rapport de Mr Côté, le lignager s’appelloit Camtion sieur de Coutrière.

cette même question avoit été jugée le 23. de Mars 1638. en l’Audience de la GrandChambre entre Mr Feré Lieutenant en l’Election du Pontlevéque, et Me Deschamps Pro-cureur du Roy au Bailliage du même lieu : un lignager retrayant fut déchargé de payer l’estimation d’une condition de quinze mois que Tiron beaufrere de Féré avoit retenuë par

le Contrat de rente fait à Deschamps, et que depuis il luy avoit donné, on cassa la Sentence qui ordonnoit que l’estimation en seroit faite pour en payer le prix outre celuy du Contrat, comme étant une fraude au prejudice des lignagers ; toutes les parties alléguoient des Arrests à leur avantage, Deschamps citoit celuy rapporté par Godefroy qu’il pretendoit avoir été donné les Chambres assemblées sur un partage.

Autre Arrest pareil. Le vendeur qui avoit retenu une faculté de remere de quatorze mois, avant l’an et jour expité fieffa cette condition par soixante sols de rente à Raphael d’Esterville qui voulut user de cette condition ; cela luy fut contesté par Guillemette du Hamel qui avoit retiré lhéritage vendu : Par Sentence du Vicomte de Thorigni d’Esterville. fut debouté de son ction ; mais le Bailly ayant cassé cette Sentence ladite du Hamel en appella. Greard son Avocat disoit que cette fraude étoit grossiere, que si elle avoit lieu il ne falloit plus parler de clameurs, que cette fieffe étoit imaginaire, car il pourroit arriver que l’on ne retireroit point, ainsi il n’y auroit point de fonds pour porter cette rente : Theroude pretendoit pour d’Esterville que la condition faisant partie de la chose il avoit pû la fieffer : Mr le Guerchois Avocat General representa que puis que l’on avoit jugé que l’on n’étoit pas recevable à se clamer en vertu de la donation d’une condition, on létoit beaucoup moins en vertu d’une fieffe de cette nature : Par Arrest du 18. de Decembre 1664. en infirmant la Sentence du Bailly on ordonna que celle du Vicomte seroit executée

Autre Arrest sur ce fait. Gautier, sieur de Boismahé, vendit à Boulé pere une vergée de terre : Boulé étant mort, Nicolas son fils ainé huit jours avant l’expiration de l’an et jour, donna au vendeur une condition de deux mois, aprés lesquels il retira ce qu’il avoit vendu Simon Boulé oncle de Nicolas pretendit que c’étoit une revente ; Gautier disoit qu’il l’avoit retirée en vertu de la condition qu’on luy avoit donnée, que la donation d’une condition n’étoit point sujette à retrait, qu’il s’étoit assuré sur le don de cette condition, autrement il au-roit rétiré étant encore dans le temps : Bigot pour Boulé répondoit qu’il ne clamoit point une condition, mais un Contrat de revente, que la condition auroit dû être employée dans le Contrat, ce qui n’étant pas c’étoit pactum de retrovendendo ex intervallo, suivant l’opinion de Mr d’Argentré de laud. S. 8. et 9. que si ces sortes de donations étoient valables, on frustreroit aisément toutes les clameurs, sur tout la donation de cette condition n’étant que sous signature privée : Par Arrest de l’11. de Juillet 1653. il fut dit à bonne cause l’action en retrait,

Si le vendeur dispose de la condition qu’il avoit retenuë lors qu’elle est prête à expirer, le ignager n’a pas un an à compter du jour de la vente de la condition, mais seulement le temps Godefroy de la condition suivant le sentiment deTiraqueau , de ret. gent. 5. 1. gl. 10. n. 123. et de Godeftoy sur cet Article.

Tiraqueau traite la question, si les fruits pendans par les racines étant vendus sont retrayables : La decision de cette question dépend de sçavoir s’ils sont immeubles, comme nous les reputons immeubles avant la S. Jean, et que par consequent ils font partie du fonds, ils peuvent être retirez comme le fonds même ; néanmoinsTiraqueau , de ret. leg. 5. 1. gl. 7. n. 53. a tenu que les fruits pendans par les racines ne doivent pas être censez immeubles.

L’usufruit étant pareillement immeuble, suivant l’Article CCCCCVIII. de la Coûtume, il est aussi du nombre des immeubles qui peuvent être retirez à droit de lignager, ce qui neanmoins ne doit avoir lieu lors que la vente de l’usufruit a été faite au proprietaire, suivant le sentiment deTiraqueau , 5. 1. gl. 7. n. 60. quia, dit-il, tunc non est amplius in rerum natura, sed suppressus arque extinctus per consolidationem. 5. ult. instit. de usufrsi au contraire l’usufruitier acqueroit la proprieté du fonds chargé de l’usufruit, il y auroit ouverture au retrait : mais de-là naist cette question, si l’usufruit ayant été éteint par la consolidation à la proprieté il peut renaître aprés le rettait : Ceux qui estiment que l’usufruit ne peut revivre se fondent sur l’autorité de la Loy, Si tibi, D. quib. mod. ususfr mitr. qui decide expressément jus omne ususfructus amitti, si usufructuarius proprietatem acquisierit ; la raison est que par l’achapt de la proprieté, usufructus ad eum actum pervenit à quo incipere non potest, cum rei sua nemo possit esse usufructuarius, l. Uti frui, D. si ususfr. pet. et le fonds chargé de l’usufruit ayant été une fois liberé de cette charge ne peut plus y être assujetti.

L’opinion contraire est plus véritable, dautant que le lignager profiteroit davantage que le verendeur n’avoit avant la vente ; et puis que le retrayant doit rendre le prix du Contrat et que la seule proprieté a été venduë et non point l’usufruit, le retrayant ne peut avoir que t la chose dont il restituë le prix ; ot il ne peut rendre un prix qui n’a point été payé, et il ne seroit pas juste que l’usufruitier souffrit la perte de son usufruit pour avoir acheté la proprieté.

Par la même raison celuy qui acheteroit un héritage dont il joüissoit auparavant par bail pourroit joüir jusqu’à la fin de son bail en cas de retrait par un lignager ; car bien qu’il semble que le bail étoit ancanti par l’achapt, personne ne pouvant être fermier de son propre biens

I. Neque pignus. D. de regul. jur. il faut neanmoins tenit par les mêmes raisons que j’ay rapportées pour l’usufruit, que le bail aprés le retrait continuë comme il auroit fait cessant la sente, pourvû qu’il n’ait point été fait en fraude des lignagers et pour les empescher de retirer, ce que l’on presume par ces circonstances si le bail est fait à vil prix, s’il a été passé peu de temps avant le Contrat de vente, la presomption est en ce cas que l’on étoit convenu d’acheter, et que pour dégoûter un lignager par le dédommagement qu’il seroit tenu de payer on auroit fait ce bail. Le peu d’intervalle entre ces deux actes fournit une preuve violente de la fraude ; pour éviter cette tromperie quelques Coûtumes disposent que le lignager retrayant n’est point tenu d’entretenir le bail fait à l’acheteur ; Mayne, Article 433. Dunois, Art. 184.

La Coûtume de Bourbonnois, Article 477. fait distinction selon le temps que le bail a été fait avant la vente.

Le retrait est reçû pour la vente de droits universels et héreditaires, nonobstant cette raison que dans la vente d’une succession il puisse y avoir des meubles, des dettes actives, et que les choses particulieres qui composent la succession ne soient point venduës, mais seulement un droit general, non vendit res singulas, sed jus universum, et c’est pourquoy la garantie n’en Masuer est point dûë en cas d’éviction si elle n’est expressément stipulée, l. 1. C. de evict. Masuer, des Retraits, 5. item si hares ; mais on répond que l’heredité est un droit incorporel qui est censé immeuble, qui comprend aussi les meubles et qui les attire à soy, les immeubles étant beaucoup plus dignes que les meubles, l. Sciendum in princ. D. qui satis dat. cog. et c’est pourquoy bien que le retrait ne puisse être fait pour des meubles, neanmoins lors que la vente est faite confusément de meubles et d’immeubles le Contrat est retrayable pour le tout : Plusieurs Coûtumes le disposent de la sorte ; Orléans, Article 396. et de la Lande sur cet Article est d’avis que le lignager qui retire les terres ou maisons alienées par son parent peut aussi demander les meubles en dépendans, c’est à dire destinez pour faire valoir lesdits héritages et our la commodité du pere de famille ; car en ce cas l’immeuble attire le meuble, à l’exemple de ce qui est dit en la I. Longe de divers. et temp. prescr. longae possessionis prascriptionem tam in pradiis quam in mancipiis locum habere.

Il y a des biens dont la nature est ambigue, les Coûtumes les reputant tantost meubles et tantost immeubles : par exemple, les Navires, les Moulins et les Pressoirs, et selon la qualité de meuble ou d’immeuble qui leur est assignée par les Coûtumes ils sont retrayables ou ils ne de sont pas. Nôtre Coûtume a défini par les Articles CCCCCXV. et CCCCCXIX. en quel cas on les doit censer meubles ou immeubles, de sorte qu’il faut dire qu’ils sont retrayables dans les cas où la Coûtume les met entre les immeubles, et qu’ils ne le sont pas lors que la Coûtume les declare meubles : Il faut dire la même chose de tous les auires biens, dont la qualité mobiliaire ou immobiliaire est incertaine et diversement ordonnée par les Coûtumes.

Si le Contrat est mélé, c’est à dire si la chose est en partie venduë et en partie donnée, le Contrat sera-t’il retrayable pour le tout, et le lignager sera-lil tenu de rembourser la plus valuë, ou si l’acheteur pourra la retenit en vertu de la donation Quelques Auteurs ont fait la même distinction que pour les Contrats d’échange, à sçavoir que quand le prix que l’on paye pour soute et pour retour est plus grand que la chose que l’on baille en échange, c’est une vente, si au contraire la chose permutée excede en valeur les deniers que l’on paye, c’est un Contrat d’échange ; de même dans le Contrat mélé de vendition et de donation si ce qui est vendu excede en valeur ce que l’on donne, c’est une vente sujette à rettait ; que si la plus valuë de l’héritage excede le prix de l’achapt, c’est une donation qui n’est point sujette à retrait : La Coûtume d’Auvergne le dispose expressément de la sorte, Titre des Rettaits, Article 35. en ces termes ; Quand en aucun Contrat de vendition de chose immeuble y a donation de plus valuë, et que ladite donation de plus valuë n’excede la valeur et estimation de la chose venduë, ladite donation n’altere ny ne change la nature dudit Contrat de vendition, parquoy droit de retenuè a lieu au profit du lignager du vendeur en payant restimation de ladite plus valuë, ensemble le principal et loyaux coûtemens ; Et c’est aussi le seniment de MrTiraqueau , du ret. lig. 8. 1. gl. 18. n. 18.

Puis que la Coûtume rend le Contrat d’échange retrayable quand il y a soute de deniers quelque petite qu’elle soit, l’on peut en inferer que le Contrat mélé de vente et de donation est retrayable pour le tout, et non point à proportion du prix qui a été payé.

Mais il reste cette difficulté, à sçavoir si le retrayant sera tenu de rembourser seulement le Chassanée prix qui a été payé, ou s’il faudra qu’il paye la plus valuë ; C’est l’opinion de Chassanée que Chass la donation fait partie du prix, per legem fundi partem, D. de contrah. empt. Chass. des Retraits, S. 1. in verbo, le prix, n. 2. n’étant pas juste que le retrayant profite de la bonne volonté que le vendeur a cuë pour l’acquereur-

Cependant comme cette clause de donation n’est employée le plus souvent dans les Contrats qu’en fraude des lignagers, la plus commune opinion est que quand la donation est faite en termes generaux de la plus valuë on n’y doit point avoir d’égard, et que l’acheteur doit être remboursé seulement de ce qu’il a payé : La Coûtume de Bourbonnois le decide expressément,

Article 451. en ces termes ; Quand en Contrat de vendition d’héritages ou d’immeuldes il y a donation de plus valuë, telle donation n’empesche le droit de retenuè en payant par le retrayant le prix de la vente et loyaux cousts seulement. Balde en son Traité, De jure protomiseos, a dit la même chose, id tantum emptori restituendum quod numeratum est, et nihilominus integro fendo recidendum.

Ce mélange de vente et de donation fait presumer de la fraude, n’étant pas vraysemblable que celuy que la necessité de ses affaires contraint de vendre son bien fasse des liberalitez, in mecessitatibus nemo liberalis existit. Et MBoyer , en sa Decis. 43. rapporte un Arrest du Parlement de Bordeaux, par lequel il fut jugé que nonobstant la clause de donation de la plus valuë le retrayant n’étoit tenu de rembourser que les deniers payez par l’acquereur : si toutefois on avoit distingué et separé par le Contrat ce que l’on vouloit vendre et ce que l’on pretendoit donner, cette donation ne seroit pas sujette à rétrait, pourvû qu’il n’y eût aucune fraude, et que la chose venduë eût été estimée à sa juste valeur Puis qu’on peut retirer ce qui a été vendu, il s’enfuit que le retrayant est obligé de retirer out ce qui a été vendu par le même Contrat ; cela toutefois merite de l’explication. Il faut faire distinction entre les retrayans : à l’égard du Seigneur feodal il n’est tenu de retiter que les héritages qui sont en la mouvance du fief à cause duquel il fait le retrait, car il ne pouroit reünir à son fief en vertu du retrait ce qui seroit tenu d’un autre fief, l’Article 114. du Reglement de 1666. non seulement le decide de la sorte, mais il contient encore qu’il n’est pas tenu de retirer les héritages mouvans des autres fiefs qui sont en sa main.

Par ce même principe on peut dire que si l’on avoit acheté par un même Contrat des heritages dont une partie tenoit lieu au vendeur de propre paternel et l’autre de maternel, le dignager paternel ou maternel ne pourroit retirer que ce qui seroit de son lignage, ce qui est certain suivant l’Article CCCCLXIX. lors que l’acquereur ne veut remettre que les heritages à l’égard desquels le lignager a droit de retrait ; mais il reste cette difficulté, à sçavoir si l’aoquereur peut forcer le lignager à prendre ce qui n’est point de sa ligne ? mais je remets cette question sur l’Article 469.

Quand par un même Contrat et par un même prix il y a vente de meubles et d’immeubles, le tout est sujet à rétrait comme il a été remarqué par Berault : c’est la disposition de Article 36t. de la Coûtume d’Anjou, quand les meubles sont vendus uno eodemque pretio, mais quand le prix est mis separément les meubles ne sont point sujets à retraits : Voyez le Journal des Audiences, 2. part. l. 1. c. 16.

il y a diversité de prix, quoy que tous les héritages ayent été acquis par un seul Contrat ou par une même adjudication et par une même personne, on tient à Paris que ce font diverses ventes, tot sunt stipulationes quot res, tot venditiones quot species rerum in emptione com-prehensa, de sorte qu’il est au pouvoir du lignager d’en demander une partie seulement, ce qui ne s’observe pas parmy nous par le Reglement de la Cour de l’année 1666. Art. 113. quand plusieurs héritages sont vendus par un même Contrat le lignager retrayant est tenu de retirer le tout Deux freres coheritiers ayant vendu conjointement une maison qu’ils avoient partagée auparavant par huit cens livres, dont l’un devoit recevoir trois cens livres, et l’autre deux cens livres, parce que chacun ne seroit garant que de sa part, un lignager également parent ne vouloit clamer qu’une part, parce que la garantie de l’un des freres étoit bonne, et celle de l’autre douteuse ; mais par Arrest du 18. de Février 1638. il fut jugé qu’il étoit tenu de clamer le tout.

Par Arrest du 4. de May 1661. donné par Rapport entre Galée et Bausaut, il fut jugé qu’un retrayant étoit obligé de rendre à l’acquereur la valeur des héritages baillez avec argent our le prix de l’acquisition, quoy que le retrayant offrit de faire rendre l’héritage, le retrail étant introduit contre la liberté publique, il faut en toutes manieres desinteresser celuy que l’on depossede, et que l’on prive du bon marché qu’il avoit fait.

Les personnes capables de former l’action en rettait, suivant cet Article, sont le Seigneur seodal et les lignagers, jusqu’au septième degré iceluy inclus.

Le Seigneur feodal pour être nommé le premier n’a pas la preference sur les lignagers, le droit du sang est plus ancien que celuy des fiefs, et c’est pourquoy le retrait feodal cede au lignager, ce qui se peut prouver par l’ancienne Coûtume, Titre de rappel on querelle da fief. où il est dit que quand le fief est vendu, si tous ceux du lignage se taisent le Seigneur de fief qui l’hommage du vendeur pourra rappeller la vente.

Il n’y a qu’à Bordeaux et à Tolose où les Seigneurs feodaux ont la prerogative sur les lignagers ; l’Auteur du Traité du Franc-Aleu, c. 10. et MMainard , l. 2. c. 85.

Tous les Seigneurs feodaux n’ont pas cette prerogative ; par l’Article 96. du Reglement de l’année 1666. les Engagistes du Domaine du Roy et les Gens de Main-morte ne peuvent retirer les héritages mouvans de leurs fiefs : J’ay traité cette matière ailleurs ; VoyezBoërius , sur la Coûtume de Berry ;Chopin , du Dom. et le C. Nuper de decim. aux Decret. et MeSalvaing , part. 1. c. 23. et 24.

Le mary quoy qu’il ne soit pas lignager peut retirer au nom de sa femme, et pour cet effet il n’a pas besoin qu’elle autorise son action par une procuration speciale ou qu’elle la ratifie dans le temps fatal, parce qu’il est le maître des actions de sa femme ; et qu’il ne s’agit que de luy faire un avantage, ce qu’il peut toûjouts faire sans son aveu, quoy qu’il ne puisse aliener ce qui luy apparrient que par son consentement. Mais l’on a fait cette question, s’il avoit ce même pouvoir lors que sa femme étoit civilement separée ; L’affirmative a été jugée par deux Arrests, le premier fut donné en l’année 1666. en la Chambre des Vacations. Pierre Roncherel étoit demandeur en retrait lignager au nom de Françoise Frotier sa femme, contre Pierre le Vilain qui le soûtenoit non recevable, parce que sa femme étoit civilement separée d’avec luy, et qu’elle n’avoit point signé à l’Exploit de clameur : d’où il concluoit que ce mury n’étant plus le maître des actions de sa femme en consequence de la separation, laquelle la rendoit capable de poursuivre ses droits, il n’avoit pû former cette action en son nom sans être autorisé d’elle par une procuration speciale. Il fut répondu par le mary que la separation, ne détruisoit pas absolument l’autorité maritale, qu’elle étoit introduite à l’effet d’empesches que le mary ne dissipât ou ne disposat mal à propos du bien de sa femme ; mais elle n’ôtoit pas au mary le pouvoir d’agir utilement pour les interests de sa femme et de ses enfans, et de rendre leur condition plus avantageuse : Le Vicomte avoit debouté le mary de son actions. le Bailly avoit cassé la Sentence : Sur l’appel celle du Bailly fut confirmée, plaidans de Cahagnes, et Greard. La femme avoit ratifié l’action du mary, mais ce n’étoit qu’aprés l’an et jour-Le second Arrest fut donné en l’Audience le 30. de Juin 1675. entre Salomon de la Ruë ayant épousé N. Galant, contre Gourdon : Il y avoit moins de difficulté en cette espèce, le mary qui vouloit retiter au nom de sa femme sans en avoir de procuration n’étoit point sesparé de biens d’avec elle, le Juge avoit debouté le mary de la clameur ; par l’Arrest la Sen-tence fut cassée, plaidans de Cahagnes, et de l’Epiney. Bérault avoit été de ce sentiment sur l’Article CCCCXCV.

a l’égard de la femme qui auroit intenté une action en retrait lignager sans être autorisée par son mary elle seroit nulle quoy que depuis le mary l’eûr autorisée, mais toutefois aprés l’an et jour sa condition en ce point est plus desavantageuse que celle d’un mineur, qui pourroit former cette action sans l’autorité de son tuteur, quia meliorem suam conditionem facere potest, et l’autorité du tuteur laquelle interviendroit dans la suite aurpir-un effet retroactif ; mais pour l’autorisation elle ne peut avoir un effet retroactif, parce que la femme nunquam habet legitimam potestatem standi in judicio sans être autorisée, cela a été jugé par plusieurs Arrests du Parlement de Paris.

C’est encore un principe certain que le pere pauit intenter l’action en retrait lignager pour ses enfans mmeurs, comme leur tuteur naturel, et cette action de la part du pere a toûjours été si favorablement reçûë, que lors même que cette Maxime, que le pere est tuteur naturel et legitime de ses enfans, n’étoit pas encore établie en cette Province, le pere étoit admis à retiter au nom de ses enfans sans être obligé de se faire instituer tuteur ou de prendre une deliberation des parens de ses enfans ; ce pouvoir neanmoins cesse aprés leur majo-rité n’étant plus sous sa conduite et pouvant agir sans son autorité il a besoin d’un pouvoir pu d’une ratification dans le temps fatal du retrait qu’il a fait pour ses enfans : cela ayant été jugé au Bailliage de Roüen pour Mr Jacques Davout Procureur en ce Bailliage, sur l’appel qui en fut interjetté par Michel le Cauchois qui avoit pris qualité de tuteur de son fils quoy qu’il fût majeur, pour retiret des héritages venant du côté de sa mère, le Cauchois n’ayant pû trouver d’Avocat pour soûtenir sa Cause, la Sentence, fut confirmée par Arrest du 14. de Février 1680. Il y avoit bien moins de difficulté en l’Arrest rapporté par M. Josias Béraule sur la fin de cet Article, par lequel le retrait signifié par un pere au nom de la femme de son fils qui étoit majeur fut declaré nul ; car non seulement il vouloit retirer au nom de son fils majeur, mais même au nom de sa femme qui n’étoit point en sa puissance. bi le Seigneur reçoit le Treizième par les mains de l’acquereur il se prive du retrait seodals Le tuteur d’une mineure reçût le Treitième d’un héritage relevant da fief de cette mineure, aprés avoir été fiancée étant encore mineure et avant la celebration du mariage, le futur époux forma action pour retiter l’héritage dont le tuteur avoit reçû le Treizième : fut l’appel de la Sentence qui le recevoit à sa clameur, facquereur disoit par Colas son Avocat que ce futur époux n’avoit point encore de qualité, et que le tuteur de la mineure par la reception des lors et ventes l’avoit excluse du retrait feodal, factum tutoris factum pupilli, elle étoit donc non recevable à venir contre son fait. Il est vray que le tuteur ne peut aliener le bien de son pupille, mais il y a difference entre aliener et ne pas acquerir, l. Qui autem, 8. que in fraud. credit. D. Le Prelat peut faire prejudice à son Eglise, et le mary à sa femme, il omittendo. Le tuteur peut en plusieurs cas blesser les interests de son mineur, Art. 349. 483. et A81. C’étoit aussi le sentiment de JoannesFaber , sut la Loy Sancimus, C. de administ. tuti de M’Cujas en ses Observ. et de du Moulin : que la mineure étoit parente du vendeur, et que neanmoins pour n’être obligée que de tetirer ce qui étoit mouvant de son fief, elle avoit chois e retrait feodal plûtost que le retrait lignager, divisant par ce moyen le Contrat de l’acquereur et luy laissant ce qui luy étoit moins commode. Le Févre pour le futur époux de le mineure demeuroit d’accord que par la reception du Treizième faite par son tuteur elle seroit excluse do retrait, Mfais et u’étoit pas la question qui s’offroit à joger, il vouloit prouver que l’endossement du Contrat qui contenoit la réception du Treizième étoit posterieur à l’action on retrait : or il étoit sans difficulté que cette collusion du tuteur avoc l’acquercar ne pouvoit donner atreinte au droit de la mineure, mais on détruisoit cette allegation par un Extrait du Contrôle, par lequel il paroissoit que quand le Contrat fût contrôlé il étoit endossé du Trefzième : Par Arrest en la Grand. Chambre du 30. d’Avril 1652. en reformant la Sentence pa mineure fut deboutée du retrait

Plusieurs héritages ayant été vendus par un même Contrat et par un seul prix, le Seigneur yant rétiré seulement ce qui étoit de sa mouvance aprés la remife qui luy en fut faite par Facquoreur, mais avant la liquidation des frais et loyaux cousts un lignager declara qu’il retiroit tous les héritages ; le Seigneur feodal et l’acquereur donnerent les mains à sa demande, mais lors du remboursement il ne voulut prendre que ce qui avoit été rétiré par le Seigneur, on l’y soûtint non recevable, car le Seigneur feodal disoit que l’action en rettait ne peut être aivisée contre la volonté de l’acquereur, le lignager est obligé de prendre tout ce qui est rendu par un seul prix et par un même Contrat si l’acquereur veut à toto contractu recedere, aut rem integram servare, l. Tutor. S. Curator de minorib. l. Cum ejusdem. S. Plura de AEdil. edict.

C’acquercur et le Seigneur feodal ne font qu’un chef à l’égard du lignager auquel il n’est point tenu de remettre ce qui est de son fief, mais à l’acquereur ; le lignager ne peut pas retirer la semise faite au Seigneur, il peut seulement être préfèré en réttant tout ce qui est compris dans le Contrat, et il ne peut pas se servir du droit du Seigneur pour separer ce qui a été rendu, et par aprés frustrer le Seigneur de l’effet de son action.

Le lignager au contraire soûtenoit que le delais uyant été fait au Seigneur de ce qui étoit de son fief, la separation du Contrat étoit faite et executée, et le retrait lignager l’emportant sur le feodal il pouvoit retirer ce qui luy avoit été laissé par l’acquereur, loquel n’avoit plus l’interest à cette action, il luy étoit indifferent si lhéritage remis demeuroit au lignager ou u Seigneur, dont les raisons ne seroient bonnes qu’en la bouche de l’acquereur s’il vouloit obliger le retrayant à prendre le tout : Par Arrest du 9. de Decembre 1628. au Rapport de r Restant, le Seigneur fut condamné de quitter au lignager les héritages dont l’acquereur luy avoit fait delais ; entre Me Pierre le Blanc Avocat de Roy au Bailiage, Mr Robert Arondel, et Marie Tuveau-

Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre l’11. de Févrior 1604. si le remploy du propre paternel aliené pouvoit être fait sur des héritages retirez au droit d’un ief maternel, et reünis à iceluy : L’heritier paternel faisoit pafser pour conquests ces heritages reünis, puis que le propre maternel en étoit augmenté, et le propre paternel diminué, fs peuvent bien être reputez propres et tenir la même nature du fier à l’égard de l’heritier maternel, mais ils ne peuvent être déchargez du remploy du propre paternel : L’heritier maernel alléguoit que ces héritages étoient un propre maternel, et de la même qualité que le fief auquel ils avoient été reünis, que la succession devant être prise en l’étut qu’elle se trouve lors de l’écheance, le défunt avoit pû vendre son bien paternel et augmenter le maternel pa les voyes qui luy étoient permises par la Coûtume, que ces héritages n’étant point acquests puis qu’ils avoient été reûnis à droit feodal, ils ne pouvoient être de differente nature : Par Arrest au Rapport de Mr Martel, il fut jugé que de remploy du propre paternel seroit fait sant sur les acquests que sur les héritages retirez et reünis au fief ; ontre Maillet et autres heritiers de Claude Maillet, sieur de Gorucaisse.

La Coûtume n’admet au retrait lignager que ceux qui sont parens da vendeur dans le septième degré, elle n’a point étendu plus loin le droit de succeder, ny par consoquent celuy de retirer ; mais bien qu’en termes generaux elle rendte capables de l’action en rétrait tous les lignagers du vendeur dans le seprième degré, son intention est de n’accorder le rettait qu’à ceux qui sont de la figne d’où les choses venduës procedent : Il est encore nécessaire qu’ils soient cupables de succeder, car un banny à perpétuité ne seroit pas admiffible bien qu’il fût du lignage, parce qu’il perd les droits d’agnation, l. Amissione, 8. Deficiunt, D. de Cap. min. Denedicti in verb. eodem testamento relinquens, n. i12.

Les lignagers de celuy qui a été confisqué ne peuvent retirer les héritages qui ly ont appartenu et qui depuis ont été decretez, outre les Arrests remarquez par Berault cela fut en core jugé le 17. de May 1657. entre les lignagers d’un confisqué et les adjudicataires de son bien : Cela est sans difficulté, quand le Seigneur s’est mis en possession des biens confisquez.

Le Seignour de Nonant n’ayant point pris les biens du fien vassal qui avoit été confisqué, et au contraire ayant reçû un Aveu qui luy fut presenté par un des enfans du confifqué, lequel néanmoins n’étoit point heritier, et ces mêmes héritages ayant éré decretez le fls du condamné se rendit demandeur en rettait lignager ; le Seigneur de Nonant s’y opposa, preten-dant que n’ayant pû succeder il ne pouvoit être admis au retrait lignager : le fils objectoit au Seigneur qu’il ne s’étoit point servi de son Droit, et qu’au contraire il avoit reçû le Treizième ors qu’un des enfans du condamné avoit vendu ce même héritage à fon frere qui étoit l ternayant, et que depuis encore il avoit reçû son Aveu et l’avoit fait appeller à ses Pleds :

Par Arrest du 18. de Mars 1638. il fut dit à bonne cause l’action en tetrait lignager.

Il y a plus de difficulté pour les Aubains ou pour des François qui se seroient faits naturadiser en un autre Royaume ; car si le droit de retrait lignager se regle par le droit de succe-der, il s’ensuivra que l’étranger en est incapable, et encore que les droits d’agoation ne soient pas éteints pour avoir pris naissance en divers Etats, ils sont toutefois perdus ou inutiles à l’égard des effets civils. Cette question reçoit moins de difficulté lors que par les Loix de l’Etat I n’est point défendu à l’étranger d’acquerir, en ce cas il est beaucoup plus favorable lors qu’il veut retiter le patrimoine de ses peres : que s’il y a prohibition d’acquerir, il peut beaucoup moms jouir du droit de retrait, dautant qu’ontre l’incapacité de succeder qui le rend neapable des effets civils il y a prohibition d’acquerit : NeanmoinsGrimaud , du Ret. ligl. 2. c. 9. les repute capables d’agir en retrait lignager ; son raisonnement est que dans la pro-hibition d’acquerir l’on ne comprend point les biens qui ont appartenu à nos ancêtres, ce qu’il prouve par ces exemples, que les Magistrats et les Gensdarmes qui ne peuvent acquerir en leur Province, peuvent acheter les biens qui ont appartenu à leurs predecesseurs, l. Ooi officii, D. de contrah. empr. l. milites prohibentur, D. de re milit. Pareillement la défense faite aux Officiers de prendre Les Domaines à ferme, ne s’entend point des Domaines qui ont appartenu à leurs peres, glos. in l. 1. C. quib. Ad cond. praed. fisc. acced. non lic. mais nonobstant ces exemples il n’est pas possible que celuy qui ne peut joüir dans un païs des droits d’agnation ou qui les a perdus puisse être reçû au retrait lignager. On le disputa même à un nommé Poulains par cette raison seulement qu’il étoit né en Espagne : Il étoit, né en Espagne d’un pere François, et d’une mere Espagnole : pendant qu’il poursuivoit un procez contre ses oncles qui la iretendoient incapable de socceder en France, ces mêmes oncles ayant acquis auparavant la part de l’un de leurs freres, quand ce neveu fit les partages il y comprit ce qui leur avoit été vendu, pretendant y avoir part en leur remboursant le prix à proportion de ce qu’il pretendoit es oncles se défendoient en vertu de leur Contrat, dont la lecture qui en avoit été faite plusieurs années auparavant les avoit rendus proprietaires incommutables ; le Vicomte de Roüen ayant jugé en faveur du neveu, et le Bailly au contraire : sur l’appel du neveu, de Freville son Avocat disoit que ses oncles luy ayant contredit sa qualité il n’avoit pû former action en rétrait lignager, mais ayant été déclaré capable de succoder il n’étoit pas juste qu’ils profitassent de leur vexation il pouvoit même soûtenir qu’en poursuivant pour sa qualité d’heritier il poursuivoit en même temps pour le retrait lignager, puis que cette action faisoit une partie de son droit hereditaire.

David pour les oncles opposoit la fin de non recevoir fondée sur le laps du temps prescrit pour pouvoir retirer, étant demeuré dans le silence durant plusieurs années que le procez avoit duré, et qu’en tout cas il étoit étranger ; mais cette raison n’étoit plus considérable aprés l’Arrest qui lavoit declaré capable de succeder : Par Arrest du 26. d’Aoust 1659. la Cour en reformant la Sentence du Bailly ordonna que celle du Vicomte seroit executée.

Tiraqueau , de retr. gent. 8. 1. gl. 9. n. 176. et sequent. n’estime pas que l’acheteur puisse opposer à un lignager la qualité d’étranger, et que le Prince seul a droit de le faite : VoyezBoér . Decis. 13.

La qualité de caution ou de garant de la vente n’excluroit pas le lignager, pourvû qu’il ne fût fait aucune mention du retrait, on ne luy pourroit encore objecter qu’il auroit poursuivi la vente par decret, ou que ladjudication auroit été passée devant luy, ou qu’il auroit servi de Greffier, de Notaire, ou de témoin ; ce qu’il feroit en qualité de tuteur et par la nécessité de sa charge ne luy seroit point prejudiciable, encore même qu’il se fût rendu caution, le cautionnement ne regardant que la garantie et la soureté du Contrat ; mais si-tost que quelqu’un a la qualité de vendeur en son nom, même en vonoe forcée en tout ou partie il est exclus du rettait ; et même il a été jugé au Parlement de Paris que lheritier beneficiaire ne pouvoit pas retirer lhéritage decreté sur luy ; et de plus un béritage ayant été decrété sur deux heritiers beneficiaires, que lun ne pouvoit pas retirer la part de fautre :Ricard , Article 133. de la Coûtume de Paris.

Le plus proche parent exclud toûjours le plus éloigné s’il n’a renoncé d’user dé son droit, ce qu’il peut faire en faveur du vendeur ou de l’acheteur ; si neanmoins il est simplement intervenu caution de la vente il n’est pas exclus du retrait, suivant l’opinion de duMoulin , de feud. quoy que par un ancien Arrest de 1536. on ait jugé le contraire : la raison de douter est que la caution approuve le Contrat où elle intervient, l. 1. 8. Sed, et si ferv. et ibi, gl. B quod jussu ; mais le cantionnement ne concernant que la seureté et la garaorie de l’acquereur, le lignager qui oautionne n’est pas prefumé renoncer à son droit s’i ny en a une clause expresse. Tiraqueau propose la question en la gl. p. 3. 1. n. 273. du Retaai lignager, mmais sans la refoudre.

se viens de dire que le lignager peut renoncer à son droit en faveur de facqueneur. Un cquereur avoit promis au lignager une somme d’argent pour ne retirer point aprés ll’an et jour expiré, le lignager demandant à l’acquereur ce qu’il luy avoit promis il offrit de luy remettre lhéritage ;’il s’ogissoit de sçavoir s’il y étoit pecevable : Cette question s’offrit en l’Au-dience de la Grand-Chambre le 2. de Juin 1658. Cruchet étoit demandeur pour retiter une maison decretée et ajugée à la veuve de Sercut, pour faire cesser ce retfait l’adjudicataire promit trois cens livres payables, cinquante livres comptant, et les deux cens cinquante livres dans un an, en consequence dequoy le retrayant se desista de son action : Ferecoq cessionnaire de Gruchet, ayant demandé les deux cens cinquante livres la veuve s’en défendit, alle-guant qu’elle souffroit perte en cette adjudication et offrant d’en faite remise ; le Juge ayant eu égard à ses offres, Pilastre pour Ferecod Appellant concluoit que la paction étant legitime elle devoit être executée, que ces offres n’étoient pas valables l’an et jour du retrait étant expirez, et étant devenuë proprietaire incommutable, ce seroit une nouvelle vente qui pourroit être rétirée par ses lignagers ou par le Seigneur, et même que l’héritage étoit devenu affecté et hypothequé à ses propres dettes, de sorte que les choses n’étant plus entieres ses offres étoient supersluës. Lyout representoit pour l’Intimée que la condition de ce lignager étoit assez avantageuse ayant reçû cinquante livres, et que ses offres étoient raisonnables se charseant de la garantie de toutes pertes et dommages ; la Cour sur l’appel mit les Parties hoys de Cour et de procez :

Quoy que le vendeur soit de la famille et qu’il soit plus proche à luy-même que nul autre, I n’est point du nombre des lignagers qui ont le droit de retrait, soit que la vente ait été volontaire ou forcée ; et celuy pour les dettes duquel l’héritage a été decreté ne peut user du retrait lignager, Article 111. du Reglement de 1666. mais le fils oulheritier du vendeur peut retirer l’heritage vendu ou ajugé par decret ; et par Arrest du 10. de May 1660. le fils du decrété qui avoit renoncé à la succession de son pere fut reçû à retirer l’héritage decreté, et il fut tenu pour constant qu’un fils heritier peut retirer, pourvû que la saisie réelle et le decret n’ayent point été faits sur luy, parce que ce droit luy appartient à droit de sang, et il n’est pas moins admissible à retirer ce qui a été vendu par decret que ce qui a été aliené volontairement. Par l’Article 112. du Reglement de 1666. l’heritier du vendeur peut retirer ce qui a été vendu ; mais le pere ou un autre ascendant pourra-t’il retirer ce que son fils a vendu Puis qu’ils peuvent succeder à leurs enfans lors qu’il ne reste aucuns descendans d’eux il n’y a rien qui les en doive exclure.

Le vendeur même peut en former l’action au nom de ses enfans sans avoir besoin d’autre qualité que celle de tuteur naturel, bien qu’ils n’ayent point de bien et qu’il leur prête les seniers necessaires pour faire le remboursement : ce qui est neanmoins contre les regles, le pere ne pouvant faire fous le nom de ses enfans ce qui luy est défendu de faire de son chef ne qui suo nomine à bonorum possessione summoventur per alios, àde filiis loquitur ) eam consequantur, l. Quaeritur, D. de bon. lib. et par la Loy Qui servitutem, au même Titre Qui suo nomine possessionem bonorum accipere non potest, nec liberorum quoque nomine potest : mais ces dispositions de Droit ne sont pas considérables parmy nous, où les biens acquis par les enfans leur appariennent et non point à leurs peres : et c’est pourquoy comme la puissance paternelle nes’é-rend pas si loin que parmy les Romains, nous ne faisons point de distinction entre les enfans émancipez et ceux qui ne le sont pas, le pere peut également agir en retrait lignager pour les uns et les autres, est fere generale in universa Gallia ut filiusfamilias sibi acquirat, non parentibuss Tiraq Tira9. de retr. gent. S. 1. gl. 9. n. 81. Ce qui a lieu encore bien que le pere ait fourni les deniers, car le pere qui achete au nom de ses enfans est censé leur donner les deniers, l. Filiae Masuer cujus, C. famil. ercisc. Quia, dit la Glose sur la Loy Frater à fratre de cond. indub. quando obligatio descendit immediâtè à patre in filium, non reacquiritur ipsi patri. Masuer estimoit que le pere ne pouvoit retiter au nom de ses enfans qu’à condition que l’usufruit ne luy en appartiendroit point, et qu’il n’en pourroit recevoir aucun profit ; mais son opinion n’a pas été Tiraq suivie, et si le pere a fourni les deniers il peut en retenir la joüissance : Tirad. 16. n. 75.

L’on ne doute point aussi que l’on ne puisse retirer au nom de l’enfant qui n’est point né, pourvû qu’il soit conçû au temps de la vente, nam qui in utero est, in his quae commodum ejus espiciunt pro jam nato habetur, l. Qui in utero, D. de statu Rom. car s’il n’a été conçû que depuis, tous nos Docteurs ne conviennent pas que celuy qui est conçû depuis la vente soit admissible au retrait lignager, et particulierement lors qu’il s’agit d’exclure ceux qui étoient plus proches au temps de la vente ; car le droit de retrait se reglant par le droit de succeder, on argumente de-là que comme celuy qui n’est point conçû au temps que la succession arrive ne peut y demander part, l. 1. 8. Sciendum de suis et legat. hered. D. Aussi le retrait lignages ne doit appartenir qu’à ceux qui sont conçûs au temps de la vente, quia generale est ut qualitas consideretur tempore venditionis, l. Filiusfam. D. de verb. obligat. Celuy qui n’étoit point conçû ne peut être censé de la famille, l. Si ita fuerit, de leg. 3. et ainsi le droit étant acquis au plus proche il ne peut être exclus que par celuy qui n’est que depuis dans la famille. Cela n’a pas lieu seulement pour les donations et les legs ; si un testateur avoit fait un legs à ses parens il n’y auroit que ceux qui seroient nés ou conçûs lors du decez du testateur qui pourroient y être compris, l. Si cognatis, D. de reb. dub.

On allégue au contraire que le droit de retrait est un droit de famille, et que l’an et jour étant donné aux lignagers pour pouvoir retirer il suffit que l’on soit conçû avant que l’an et our foit passé. Quelques-uns ont fait cett distinction, qu’il suffit véritablement d’être conçû dans l’an et jour, et neanmoins que le lignager qui étoit né lors du Contrat de vente n’est Ferron pas exclus par celuy qui est conçû par aprés ;Boer . in Cons. Bitur. de retr. 8. 2. ferron. in Cons.

Burd. de retr. S. 9. Ce qui decide à mon avis cette difficulté est, qu’encore que le Contrat de vente donne ouverture au retrait lignager, ce n’est pas toutefois de ce temps-là qu’il faut regler la capacité pour retirer ; car la Coûtume donnant l’an et jour pour exercer le retrait lignager, il suffit que l’on soit conçû durant ce temps pour être habile à retirer comme un lignager plus éloigné, quoy qu’il eût agy le premier, et que même l’acquereur luy eût fait remile, il ne pourroit pas exclure un plus proche qui viendroit dans le temps fatal : par la même raison, un parent né lors de la vente n’est point preferable à celuy qui se trouve conçû et le plus proche avant l’expiration de l’an et jour, et l’argument des successions ne conclud passi car aussi-tost qu’une succession est ouverte le droit est parfaitement acquis à celuy qui se trouve le plus habile à succeder et qui se porte heritier, et la chose étant pleinement consommée par l’adition ce qui arrive par aprés n’y peut apporter de changement, comme je l’ay montré sur l’Article CCXXXV. mais le droit de rettait lignager demeure comme en suspens jusqu’aux derniers momens de l’an et jour, pour appartenir à celuy qui se trouvera alors le plus proche, lex enim civilis eos tantum vocat ad successionem qui in rerum natura fuerunt, moriente oo de cujus bonis queritur, l. l. 8. Sciendum ; D. unde Cognati. L’heritier étant donc faisi comme il l’est de plein droit, parce que le mort faisit le vit, les choses ne sont Tiraqueau plus entieres. M Tiraquean a été de ce sentiment, que si la vente étoit pure et simple celuy qui étoit conçû depuis la vente ne seroit point admissible au retrait : quod si ex die vel conditione pendeat, ii quoque vocabuntur qui concepti erant tempore conditionis aut diei existentis, etiam si nondum fuerint tempore venditionis ; mais en tout cas quand on les admettroit au retrait dans une vente pure et simple, qu’ils ne pourroient être prefèrez à ceux qui avoient droit au temps. Tiraq de la vente ; Tirad. de ret. 8. 1. gl. 9. n. 97. et sequent.

Cette distinction de Tiraqueau entre la vente pure et la vente conditionnelle confirme cé que je viens de dire, qu’il ne faut pas considèrer le temps de la vente, mais s’il y a encore pouverture à l’action en retmit ; car si la grace dure encore, la Coûtume la donnant toûjours au plus proche, il suffit d’être habile à retirer avant que le temps de la grace soit fini, et c’est aussi le sentiment de du Moulin sur l’Article 254. de la Coûtume de Vermandois paae cette raison, jus retractus consanguinitatis non datur certa persone, sed toti familiae et cognationi in genere, de sorte qu’il suffit d’avoir cette qualité et d’être de la famille et de la cognation au Argentré temps de l’action ;Loüet , l. R. n. 38. Argent. sur l’Article 297. de la Coûtume de Bretagne : Voyes un Arrest que je rapporteray sur l’Article CCCCLXXV. sur ce principe que le droit de rettait n’est point donné à certaines personnes, mais à toute la famille. Il faut repoudre que le fils exheredé n’est point incapable de retirer l’héritage vendu par son pere, car l’exheredation ne le peut priver que des droits dont il ne peut joüir qu’en succedant à son pere, quoy queTiraqueau , de ret. gent. 5. 1. gl. 8. n. 47. et Godefroy sur cet Article, ayent été d’un sentiment contraire.

Les filles n’étant pas heritieres en Normandie l’on pouvoit douter si elles pouvoient retirer les héritages vendus par leur pere ou par leurs freres, bien que la vente eût été faite pour les dettes de leur pere, à cause de cette Maxime que les retraits se reglent comme les successions ; mais les filles n’étant pas naturellement incapables de succeder, et n’en étant ex-cluses qu’en faveur des mâles, elles y peuvent venir lors que les mâles ne leur font point l’obstacle : Arrest du 18. de May r666. entre du Châtel Appellant, et Dame le Tanier, veuve du sieur d’Ecageul, plaidans de Cahagnes, et moy Si deux parens ont vendu conjointement une terre qu’ils possedoient en commun, l’un ne peut retirer la part de l’autre ; ayant tous deux vendu par un seul Contrat et par un même prix ce qu’ils possedoient en commun, ce n’est qu’une même vente, et vraysemblablement l’acquereur n’auroit pas contracté s’il n’avoit espèré demeurer maître du tout ; et l’on presune même que c’étoit l’intention des vendeurs, nam unum volentes censemur id omue velle, sin Tiraq quo ad id quod emptor vult perveniri non poiest ; Tira4. de ret. gent. 8. 1. gl. 9. n. 256. quatre freres ayant vendu conjointement sans exprimer qu’ils vendoient un seul pour le tout il y eut question, à sçavoir si le fils de l’un pouvoit retirer la part de son pere, et s’il pouvoit être obligé par l’acquereur à retirer le tout : L’acquereur se fondoit sur ce qu’il avoit cquis par un seul prix et par un seul Contrat, son Contrat ne pouvoit être resolu en partie, non aliâs empturus cum ejusdem generis plures res veneunt. Par la disposition du Droit lors qu’on vend plusieurs choses qui sont d’une même qualité l’on ne peut forcer le vendeur de reprendre une partie sans reprendre le tout, l. Cum ejusdem, ff. de Edilit. Edict. parce que le vice de l’une des choses se recompense par la bonté des autres : Si le tuteur a vendu un fonds qui luy étoit commun avec le mineur, et que le mineur soit restitué conctre cette vente, ella ne peut être rescindée en partie, si emptor vult à toto contractu discedere qui partem emprurus non erat, l. Tutor, 47. ff. de minor. Le rétrayant répondoit que les retraits se reglent par des loix particulieres, qu’il suffit qu’il retine ce qui a été vendu par son pere. Il y a grande diffetence si un homme vend plusieurs choses, ou si plusieurs vendent une même chose : si un seul a vendu son lignager ne peut pas retirer seulement une partie, parce que le vendeur n’avoit qu’un même droit de proprieté individu sur toutes les choses venduës qu’il a transferé à l’acheteur par le Contrat, et ce droit ne peut être divisé par le retrait ; mais lors que plusieurs vendent une même ou diverses choses les droits de proprieté sont dividus, chacun ne vend que son droit, et le vendeur de l’un peut retiter separément la part de celuy dont il est lignager La Coûtume de Bretagne, Article 294. reçoit le lignager au rettait pour autant qu’il peut payer des choses venduës, pourvû qu’elles fe puissent commodement diviser. Mr Tiraqueau est de cet avis, que le rettayant n’est recevable qu’en rétirant le tout : Par Arrest du 13. de Mars 1618. entre les nommez Durand, le retrayant fut declaré non recevable à faute de prendre le tout : ce lignager n’étoit pas favorable, parce qu’il avoit qualité pour rerirer le tout étant neveu des autres vendeurs.

Bien que l’acquereur ait fait remise à un retrayant qu’il croyoit lignager, il peut reprendre l’héritage en justifiant la surprise qui luy a été faite : cela fut jugé en la Grand. Chambre le 3. de Mars 1662. pour le sieur de la Bouverie contre Marie Lasne, veuve de Raimboult Procureur en la Cour : Le sieur de la Bouverie avoit acquis de Michel quarante acres de terre, elles furent retirées à droit de sang par Raimboult ; six ans aprés le sieur de la Bouverie ayant reconnu que Raimboult n’étoit point lignager de Michel et qu’il n’étoit que son allié, il demanda à rentrer dans son acquisition, le dol commis par Raimboult ne pouvant luy nuire, I. Cum putarem, D. famil. ercisc. en tout cas il falloit considerer cette remile comme une vente déguisée, et qu’il la retiroit au nom de son fils ; on luy objectoit la remise volontaire qu’il en avoit faite, et le long-temps qui s’étoit écoulé depuis : par l’Arrest on remit les Parties. en l’état qu’elles étoient auparavant, et le sieur de la Bouverie fut renvoyé en la possession des quarante acres de terre. Aprés la prononciation de l’Arrest la veuve de Raimboult demanda à faire preuve de la parenté, on ordonna qu’elle la feroit dans trois mois, autrement que lArrest seroit executé ; plaidans le Nouvel, et le Bigot.

In particulier de la ville de Bayeux avoit vendu à son gendre une maison par quinze cens livres, ce gendre étant mort, quatre ans aprés sa veuve renonça à sa succession, et dans l’an et jour du décez de son mary elle forma action pour retirer la maison venduë par son pere : le Juge de Bayeux l’en ayant deboutée, Coquerel son Avocat pretendoit qu’elle étoit recevable à rétiter cette maison, qu’il étoit vray que si un autre que son mary l’avoit acquise elle ne viendroit plus dans le temps fatal ; mais à l’égard de son mary l’an et jour n’avoit pû cou rir contr’elle que du jour de sa mort, suivant la regle non valenti agere, &c. étant in sacris mariti elle étoit incapable d’intenter aucune action, et partant la prescription ne pouvoit avoir couru durant le mariage, l. Cum notissimi de prascr. 30. vel 40. ann. On répondoit que cette femme n’étoit point plus favorable qu’un mineur, que le mary avoit pû luy faire prejudice in omittendo, qu’il n’étoit pas obligé d’acquerir pour sa femme, et la Cause ayant été appoin-tée elle fut depuis jugée, et par Arrest du 3. de Mars 1625. au Rapport de Mr Blondel, la Sentence fut confirmée. Il y a grande différence en ce qui regarde les actions et les droits de la femme, in bonis acquisitis conservandis, & in acquirendis, s’ils ont été alienez la prescription ne court que du jour de la dissolution du mariage : in acquirendis la prescription a son cours contre les faemmes et contre les mineurs, maritus in omittendo uxori nocere potest, ut Pralatus Ecclesiae : les parties étoient Marie Riqueur et le Maigre Assesseur à Bayeux Le temps pour exercer l’action en retrait n’est pas perpetuel, il est limité par cet Article à l’an et jour aprés la lecture et la publication du Contrat Presque toutes les Coûtumes de France ont limité le temps de l’action en retrait à une sannée, ils y ont ajoûté le jour pour terminer cette grande controverse, an dies termini à quo computetur in termino ; le jour a été ajoûté, dit MrTiraqueau , de retr. gent. S. 1. gl. 11. n. 11. et 61. ad tollendam illam ancipitem si qua est alia controversia, an dies confecti negotii ex quo terminus aliquis constituitur computetur in termino. Tous les Docteurs conviennent que le jour du terme ad quem fait partie du temps prefix et limité, lors qu’il est dit qu’un certain acte ou une certaine chose sera faite dans un temps prefix, l. 1. 8. Quod dicimus, D. de succ. Ed. mais toute la difficulté, comme j’ay dit, consiste à sçavoir an dies termini à quo computetur in termino : Ceux qui tiennent qu’il doit y être compris se fondent sur cette raison, que regulie-rement le temps se compte de moment à moment ; on dit au contraire, que dies prafixioni non continetur in termino, quia terminus intelligitur de proximis sequentibus diebus : I. Eum qui Calendis, D. de verb. oblig. Et c’est pour terminer cette dispute que l’on a donné le jour avec’année ; de sorte que dans ce terme d’an et jour, le jour de la vente et de la passation du Contrat duquel on commence à compter est contenu.

On a jugé au Parlement de Paris que le jour du bissexte n’est pas à suppléer et répandre sur toute l’année pour faire que l’on soit dans l’an du rettait ; la raison est que le jour bissextile ou intercalaire n’est composé que de six heures, que le Soleil met chaque année de plus que les trois cens soixante et cinq jours à parcourir son Ciel, lesquelles six heures composant en quatre ans vingt-quatre heures on en fait le jour bissextile, lequel est inseré selon la reformation du Calendrier par l’Empereur Auguste aprés le. 6. des Calendes de Mars, in enim

Leduum pro uno computaturs voyez Aleiat, de verb. signif. l. Md. cium bissextus ; Journal des Audiences, l. 6. c. 8. Mr Cujas a écrit que l’an bissextil est en faveur du retrayant.

Ce n’est pas assez que l’héritage ait été vendu, que l’on soit lignager, et que l’on retire dans l’an et jour, il faut que l’Exploit d’ajournement soit fait en bonne forme, et cela fait pa plus grande partie des Procez qui naissent sur cette matière, j’en rapporteray quelques exemples. Oans un Exploit de retrait fait le dernier jour du temps fatal la datre étoit en blanc, mais dans celuy du retrayant le jour y étoit employé, et même dans le Régistre du Sergent : Par Arrest du 13. de Juin 1653. en l’Audience de la Grand. Chambre, il fut dit que le netrait auroit lieu et neanmoins le Sergent condamné aux dépens des Parties entre Jacques Bourgeot Appellant, Richard Falaise intimé, et Meloque Sergent.

Il fut jugé en l’Audience de la Grand.-Chambre le 6. de Juillet 1635. contre le sieur de Croisi qu’un Exploit de retrait étoit valable, qui contenoit qu’il avoit été fait l’aprés-midy sans employer l’heure, et que sans inscription on n’étoit pas recevable à verifier par une simple preuve qu’il avoit été fait la nuit.

Un Sergent dans un Exploit de clameur avoit employé la datte du contrôlle au lieu de celle du Contrat, la Demoiselle de Fontaines Neüiilly fit juger par le Vicomte de Caen que cette erteur en la datte rendoit l’Exploit nul : Sur l’appel du lignager nommé Vassel, je representay qu’entre les formes prescrites par la Coûtume il n’étoit point employé que l’on d’ût faire mention de la datre des Contrats, de sorte que quand on n’auroit employé aucune datte l’Exploit ne laisseroit pas d’être valable, pourvû que d’ailleurs la chose que l’on vouloit retirer fût si bien defignée que l’acquereur ne la pût ignorer : Par Arrest du 15. de Janvier 1655. en infirmant la Sentence du Vicomte on prononça à bonne cause le retrait Il a été jugé que la déclaration faite judiciairement par un lignager à l’acquereur étoit valable, et qu’en ce cas il n’étoit pas necessaire de la signifier par un Huissier : Arrest du 27. d’Aoust 1637 entre du Moulinet, Biart, Viel et les Tabellions d’Argentan. Il fut aussi jugé par le même Arrest que le lignager n’étoit pas tenu de rembourser le vin du Contrat, parce que la somme avoit été laissée en blanc et remplie depuis la lecture ; ce seroit une ouverture pour commettre des fraudes que l’on ne doit point approuver, et le Tabellion pour avoir laissé la place du vin en blanc lors qu’il l’avoit expedié le Contrat fut condamné en trente livres d’amende Mr Loüer, l. R. n. 39. cite un Arrest par lequel il a été jugé que l’Assignation donnée à un jour de Fête étoit valable, elle seroit aussi approuvée parmy nous ; ce même Au-teur dit qu’il a été jugé que l’ajournement fait à la requête d’un mineur sans l’autorité du tuteur étoit bon, parce que le mineur peut acquerir, et qu’il n’est point restituable qu’en prouvant une lesion ;Loüet , l. M. n. 11. Brodeau clte un Arrest contraire pour une demande en retrait lignager intenté sous le nom d’un impubere, la poursuite duquel avoit été approuvée par son tuteur ; cette question se doit decider par l’avantage ou le prejudice que le mineur sen reçoit : puis qu’il peut contracter quand il le fait utilement, il peut aussi former l’action en retrait : cependant comme l’acquereur a droit de demander son assurance, et qu’il ne peut traiter seurement avec un mineur, et qu’il ne contracte pas volontairement avec luy, sed incidit in eum, il n’est pas raisonnable de le laisser dans l’incertitude si le mineur ratifiera ce qu’il a fait, ou luy donner un Procez pour sçavoir si le mineur s’est tenu avec ceux qui contractent volontairement avec les gons de cette qualité ne peuvent se plaindre, mais il n’en est pas de même d’un acquereur qu’il depossede malgré luy ; c’est pourquoy en ce cas le mineur ne doit point être recu sans être valablement autorisé.

Enfin pour la validité de l’action en rétrait, il est necessaite qu’elle soit faite à la requête du lignager, ou par un Procureur fondé d’un pouvoir general pour cet effet, dont il doit faire apparoir ou faire ratifier le retrayant dans l’an et jour ; l’opinion la plus commune au Palals est que fi le mary a vendu le bien de sa femme sans son consentement et sans procuration, l’an et jour ne court au prejudice des lignagers que du jour de la ratification, parce qu’autrement la vente est nulle, et que ce seroit un moyen de frauder les lignagers qui ne voudroient pas se hazarder à un retrait sur un mauvais Contrat, et que le mary par intelligence avec l’acquereur ne feroit ratifier qu’aprés l’an et jour ; ce qui a été jugé par Arrest rapporté par Berault sur l’Article suivant, et par un autre Arrest de l’année 1620. au Rapport de Mr de Croixmare entre Goulard et Boulanger le jeune

Pour les Contrats où il échet ratification Ricard propose cette question, si l’an et jour du retrait commence à courir du jour de la saisine suivant l’usage de Paris, et de la lecture suivant l’usage de Normandie, du premier Contrat ou bien de la ratification seulement : et il apporte cette distinction, si le Contrat et la Procutation sont passées par differentes personnes ; par exemple, le Contrat par un mary vendant le bien de sa femme sans Procuration, mais qui promet de la faire ratifier en ce cas comme le premier Contrat n’est nullement tranfatif de proprieté, le temps ne court qu’aprés la ratification ; mais si le Contrat est fait par le propriétaire ou par un autre fondé de sa Procutation et qu’il ratifie, la ratification a effet du jour du Contrat, jusques-là même qu’une mineure ayant vendu il fut jugé contr’elle que le temps avoit couru du jour du Contrat et non de sa ratification : Ricard sur la Coûtunus de Paris ; Article 130. Chopin sur la Coûtume d’Anjou, l. 3. Tit. 5. n. 2. DuMoulin , des ciefs, S. 33. gl. 2. n. 24. quest. 11. Charondas sur la Coûtume de Paris, Article 125. Ce qui a été aussi remarqué par Bérault, qui donne les raisons de la difference entre la vente du pien de la femme par le mary sans Procuration, et de la vente faite par le tuteur du bien du mineur : Pour decider cette question si le retrait court du jour de la vente ou du jour de la ratification, on fait cette distinction que quand le Contrat n’est pas valable et qu’il n’acquiert oint à l’acheteur la proprieté de la chose comme en la vente faite par le mary des biens de a femme, en laquelle elle n’a point parlé, le lignager est admis à retraire jusqu’au jour de la ratification, quippè ratum habens actum, qui aliâs vim non obtineret, ipsum constituere videtur, nec gatihibitio ejus retro trahi potest in prajudicium tertii,Bartol . in l. More. D. de jurisd. La ratification d’un Contrat nul fait une nouvelle vente, si au contraire le Contrat est bon quoy qu’il soit sujet à récision pour minorité ou pour quelqu’autre cause, le temps du retrait court du jour de la vente : Car la ratification ne fait et ne produit pas un nouveau Contrat, elle confirme seulement un acte qui étoit valable de soy ; De laLande , Art. 363. de la Coûtume d’Orléans.

Sil y a Procez entre le vendeur et l’acquereur pour la vahdité du Contrat, le lignager doit-il former son action dans l’an et jour sans attendre la fin du Procez ; De la Lande en ce même lieu n’est pas d’avis que le lignager soit obligé de poursuivre avant le jugement du Procez, parce qu’il Boyer ost incertain si la vente subsistera, et il cite MrBoyer qui est aussi de ce sentiment, Decif. 112.

Mais il me semble que le Procez ne doit point dispenser le retrayant de faire sa diligence puis u’il veut avoir le profit du Contrat, c’est à luy d’en poursuivre et d’en faire juger la validité, et il ne seroit pas juste que l’acquereur aprés avoir essuyé une longue procedure fût depossedé, et que le lignager qui seroit demeuré les bras croisez emportast le fruit de ses peines ; l’incertitude de l’evenement du Procez n’étant point une consideration assez forte pour l’empécher d’user de son droit, car il doit en courir les risques.

La distinction de Ricard est véritable que le temps present pour retirer ne court pas du jour que le Contrat a été passé, mais du jour de la lecture et de la publication d’iceluy ; la Coûtume en l’Article CCCCLV. nous apprendra la forme en laquelle la lecture doit être faite.

On a demandé s’il étoit necessaire que le Contrat fût passé devant Notaires, ou si n’étant que sous signature privée l’an et jour ne commençoit à courir que du jour de la lecture ; Par Arrest du 16. Aoust 1619. en la Grand. Chambre au Rapport de Mr Martel, entre le sieur de la Moite-lleuté et la veuve du Sage, il fut jugé que la lecture faite sur un Contrat sous signature privée étoit valable, et que l’acquereur bien que son Contrat fût sous seing privé ayant fait lire neanmoins pouvoit retirer à droit de lettre-lûé son acquisition, laquelle avoit été decretée pour les dettes de son vendeur, au prejudice des lignagers du decreté : Les lignagers soûtinrent que la lecture d’un Contrat en cette forme étoit nulle, que ce seroit donner ouverture à frauder les lignagers qui ne trouvans point de Contrats au Tabellionnage ignoreroient les conditions sous lesquelles on auroit traité, et dans cette incertitude ils ne pourroient prendre leurs mesures pour sçavoir s’il leur seroit utile d’user de leur droit : L’acquereur representoit que par l’Article 525. les Contrats hereditaires devoient être passez devant Notai-res, ou au moins sous signature privée ; ce qui montre que la Coûtume approuve ces sortes de Contrats et qu’elle les repute bons et valables : Par l’Arrest, la lecture fut declarée valable : La même question avoit été jugée par un ancien Arrest rapporté par Terrien pour le sieur de Serquequi d’Aché, pour la Terre du Bois-Baril : la Coûtume ne prescrit point cette solemnité que le Contrat soit passé devant Notaires, elle est requise principalement pour l’hypotheque, et cet Article pour exclure l’action en retrait désire seulement qu’il y ait an et jour depuis la decture et la publication du Contrat.

Cependant cette même difficusté s’étant offerte en l’Audience de la Grand-Chambre entr Cheneviere et du Ménil, il fut jugé le 3. de Février 1651. que l’an et jour n’avoit couru que depuis la reconnoissance du Contrat devant Notaires, ce qu’il y avoit de particulier étoit qu’aprés la premiere lecture l’aquereur avoit fait reconnoître son Contrat, et depuis comme s’il çavoit douté de la validité de la premiere lecture il en avoit requis une seconde, cette circonstance néanmoins ne faisoit rien pour la décision de la question generale, car si la lecture d’ur Contrat sous seing privé est valable, les dernieres precautions que l’aquereur avoit recherchées ne détruisoient pas le droit qui luy étoit acquis Si les héritages vendus sont situez en diverses Paroisses, et que la lecture du Contrat. n’ait pas été faite en tous ces lieux, ou qu’elle ait été faite en divers temps, on est reçû à retiter les héritages situez dans les Paroisses où la lecture n’a point été faite, ou dont l’an et jour n’est point encore passé, quoy qu’il le soit pour la plus grande partie des autres choses venduës, et en ce cas le lignager n’est tenu de retirer que les terres qui peuvent être retirées, parce que l’an et jour de la lecture n’est point encore expiré. Routier et Belhomme avoient vendu à Baril plusieurs héritages situez en diverses Paroisses, la lecture du Contrat ayant été faite en divers jours, et l’an et jour de la lecture pour une partie des héritages étant expité, Sevestre agit pour retirer à droit de sang le surplus : Baril se défendoit par des raisons genegales et particulieres, il objectoit que Sevestre avoit signé comme témoin à la premiere lecture, et qu’ayant eu connoissance par ce moyen du Contrat de vente sa negligence étoit sans excuse, ayant dû former son action dans le temps de cette premiere lecture : Il disoit en second lieu que son Contrat ne pouvoit être divisé, que le lignager devoit retirer le tout, et n’étant plus dans le temps de pouvoir user de son droit pour la meilleure partie contre le gré de l’acquereur, il étoit non recevable à retiter le reste quoy qu’il eût formé son action dans l’an et jour : Sevestre pour faire cesser les plaintes de l’acquereur offroit de luy rembourser le prix entier de son Contrat, que s’il refusoit ce party il ne pouvoit l’exclure du retrait pour les héritages dont l’an et jour de la lecture duroit encore : Le Vicomte et le Bailly du Pontlevéque ayant debouté le lignager de son action, par Arrest du 14. de Decembre 1655. la Cour en reformant les Sentences condamna l’acquereur à faire delais des hérita-ges clamez, si mieux il n’aimoit remettre le tout, en quoy faisant le lignager seroit tenu de rernbourser le prix entier du Contrat ; plaidans le Perit pour Sevestre, et Castel pour Baril.

Voyez l’Arrest de Bertelot rapporté par Béraul.

Il arrive quelquefois que le retrayant change de sentiment, et qu’aprés avoir été reçû à retirer il se depart de son action, soit faute d’argent ou pour quelqu’autre cause, ce qui a donné dieu à cette question, s’il peut se departir de son action lors que le profit luy en a été ajugé Godefroy tient la negative suivant un Arrest du Parlement de Paris, par lequel il a été jugé ue le retrayant ne peut se departir du retrait lors qu’il luy a été payé, encore que la chose soit perie ou diminuée de valeur par quelque cas fortuit. L’opinion contraire est plus véritable, la Sentence qui ajuge le rettait n’étant que conditionnelle en remboursant, de sorte que lors quede retrayant ne peut ou ne veut rembourser, l’aquereur peut seulement conclure qu’il sera debouté de son action avec dépens ; la Coûtume du Maine, Art. 418. et celle d’Anjou, Art. 407. y sont expresses, et c’est aussi le sentiment de Gtimaudet du Retrait lign. l. 2. c. 33. Loüct, l. c. n. 37.


CCCCLIII.

Clameur dans trente ans.

Et si lecture et publication n’en a été faite, le Contrat est clamable dans trente ans, en remboursant le prix et loyaux cousts : desquels loyaux cousts le clamant baillera caution s’ils ne peuvent être promptement liquidez, pour les Contrats qui seront faits à l’avenir.

Ce que nous appellons lecture, d’autres Coûtumes l’appellent notification. Il est necessaire que le Contrat soit rendu public et notoire, afin que les lignagers puissent retirer dans le temps qui leur est ordonné-

L’on apprend par cet Article combien il est important à Iacquereur de faire lire et publie son Contrat, puis que par le défaut de la lecture, ou lors qu’elle n’a point été faite dans les formes il peut être depossedé dans trente ans,

Le 18. de Juin 1619. on agita cette question en l’Audience de la Grand. Chambre, à sçavoir si la lectute d’un Contrat de vente n’ayant point été bien et dûëment faite, et l’héritage vendu ayant été depuis saisi réellement sur Iacquereur et ajugé, les lignagers du vendeur étoient recevables au retrait en consequence des défauts qui se rencontroient en la lecture et publication du Contrat de vente : L’adjudicataire se fondoit sur cette maxime, que le decret purgeoit tous les droits en vertu desquels il pouvoit être dépossedé ; c’est un acte public où celuy lequel y prend quelque interest doit s’opposer, et aprés fadjudication on n’est plus admissible au retrait non plus qu’à demander une distraction : par la saisie l’héritage est déposé en la main du Roy, et le possesseur est dépossedé ; la saisie possessionem avocat ab emptores l’adjudicataire est le Marchand de la Justice, il ne tient point l’héritage du decreté, si l’on pouvoit retirer aprés un decret il n’y auroit plus de seureté, le decreté supprimeroit les Contrats qui justifieroient la lecture et susciteroit des lignagers pour retirer dans trente ans, ce qui causeroit une incertitude tres-grande en la possession des héritages. Il fut dit au contraire, que le decret ne faisoit point de prejudice aux droits réels et propriétaires : Si l’he-ritage dont un fermier joüissoit étoit decreté pour ses dettes, le decret ne purgeroit point le droit du propriétaire ; par la même raison le decret n’efface point les droits du sang qui apr partiennent aux lignagers, l’adjudicataire ne peut avoir plus de droit que le decreté ; or il ne pourroit contredire la demande du lignager, l’adjudicataire par consequent ne le peut aussi : et comme il a été jugé par Arrest que la lecture du second Contrat de vente ne purgeoit pas le dé aut ou le vice de la lecture du premier Contrat, de même le decret ne pou-voit suppléer ny reparer la nullité de la lecture du Contrat d’acquest du decreté, le decret purge les hypotheques, mais non pas le retrait lignager qui n’est pas sujet à l’hypotheque, et dans toute la rigueur l’adjudicataire pourroit demander seulement que le retrayant contribuât aux frais du decret à proportion pour peine de sa négligence de n’avoir pas usé de son droit plûtost : Par l’Arrest il fut dit à bonne cause le retrait en remboursant l’adjudicataire du prix de l’adjudication à proportion de l’héritage retiré. L’Arrest fut donné entre Turgis et le Page.

Suivant la remarque de Me Josias Berault la lecture du second Contrat de ven te ne purge point le défaut de lecture du premier Contrat. Vastel vendit un héritage à Crevon moyennant quatoize cens livres, dont il en paya comptant mille livres, et pour le surplus il luy bailla quelques terres en payement : Vastel negligea de faire lire son Contrat : Aprés six ans un lignager de Crevon demanda d’être reçû au retrait : Vastel s’en défendit par cette raison, que le Contrat de Crevon avoit été lû, et que par cette lecture les parens de Crevon avoient eu connoissance de la vente qui luy avoit été faite, étant contenuë dans le même Contrat Le retrayant répondoit que la lecture ne se supplée point par des équivalences, et qu’étant certain que ce Contrat n’avoit point été lù il y avoit ouverture au retrait : le rettayant ayant obtenu Sentence à son profit, elle fut confirmée par Arrest du 19. Juillet 166y Autre Arrest sur ce fait singulier. Un particulier aprés une premiere vente en fit une seconde du même héritage au même acquereur, l’on ne fit la lecture que du second Contrat : aprés l’an et jour de la lecture de ce second Contrat, mais avant les trente ans de la passation du premier, un lignager pretendit que le premier Contrat n’ayant point été lû il y avoit ouverture à l’action en retrait : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Marguerit, au mois de Juin 1622. le retrayant fut declaté non recevable. L’on trouva qu’en ce cas la lecture du second Contrat avoit purgé le défaut de lecture du premier Contrat ; par ce même Arrest l’on jugea qu’il n’y avoit point de nullité en la lecture pour avoir été faite par le Vicaire de la Paroisse, quoy qu’il fût beaufrere de l’acquereur, le Cuté et le Vicaire étant des personnes, necessaires contre lesquels l’on ne reçoit point de reproches.

Autre pareil Arrest du 15. May 1668. plaidans Lyout, et Barate.

Aprés que le lignager a été reçû à son action la Coûtume luy ordonne ce qu’il doit faires il est tenu de rembourser à l’acquereur le prix du Contrat et ses loyaux cousts, et fi ces loyaux ousts ne peuvent être promptement liquidez le retrayant doit bailler caution La Coûtume disant simplement que le lignager doit rembourser, il semble qu’il n’est point obligé d’offrir ce remboursement, et qu’il peut attendre qu’il luy soit demandé par l’acquereur ; mais la Coûtume s’en est mieux expliquée dans les. Articles CCCCLXXXVI. et CCCCLXXXVII. où elle enjoint aux rettayans d’offrir et de consigner leurs deniers s’ils reulent gagner les fruits du jour de leur action.

Le retrayant doit donc offrir le remboursement à l’acquereur : sur quoy Mr Tiraqueau propose cette question, si lors que deux personnes ont acheté il suffir que l’offre soit faite à l’un d’eux : Son opinion est que in rebus individuis oblatio uni facta sufficit, l. Loci corpus. S. 6. ervit. vindic. Si les deux acquereurs possedent la chose en commun et par indivis, l’offre est suffisante étant faite à l’un d’eux.

Le retrayant ne doit rembourser que le prix exprimé par le Contrat : ce que l’acquereur auroit suppleé depuis volontairement ne pourroit être demandé, les contractans ont pû faire entr’eux ce qu’il leur a plû, mais ils n’ont pû faire prejudice aux droits des lignagers : si neanmoins le vendeur s’étoit plaint pour deception d’outre moitié de juste prix, et que l’acque-reur pour se maintenir eût suppleé la juste valeur, le retrayant ne pourroit s’exempter de rendre ce que l’on auroit suppleé sans fraude, encore que pour éviter procez l’acquereur eût fait ce supplément n’ayant pas dû soûtenir une mauvaise Cause, mais en ce cas il faut que la oonne foy paroisse évidemment, et que le vendeur fût apparemment bien fondé à demander Tiraq ce supplément : Tirad. de retr. gentil. 5. 1. gl. 18. n. 62.

L’héritage d’un mineur ayant été vendu par le tuteur, et le fils du tuteur actionnaire voulant user du retrait, l’acquereur déclara qu’outre le prix du Contrat il donnoit encore cinq cens livres au profit du mineur ; l’on douta si cet offre étoit recevable pour empescher le retrait ? Car le retrayant soûtenoit que le Contrat étant parfait l’on ne devoit point avoir égard à cet offre pour le priver d’un droit qui luy étoit acquis, neanmoins la faveur du mineur l’emports sur la rigueur, et par Arrest du 19. Juillet 1650. la Cour ayant égard à cette offre ordonna qu’il seroit procedé à une nouvelle proclamation de l’héritage ; plaidans Maurry pour Meurdrac, et le Petit pour le sieur des Autieux : Mais ce qui fut jugé en faveur du mineur ne le pourroit être en d’autres rencontres.

Il est souvent arrivé que des retrayans au lieu du remboursement du prix ont offert la compensation d’une dette se fondant sur cette raison, que la compensation vim solutionis obtinet, l. Si debitor. qui pot. in pig. hab. Au contraire l’on dit que la compensation n’est point un paye ment actuel et véritable, non vera, sed ficta solutio, et que quand les Coûtumes ont obligé les retrayans de rembourser, cela s’entend d’un remboursement effectif et naturel.Tiraqueau , S. 3. gl. 3. traite cette question sans la refoudre : si la dette étoit si certaine et tellement incontestable que l’acquereur ne s’en pûst défendre, il seroit juste d’admettre la compensation Mais comme un acquereur ne manqueroit pas de faire tous ses efforts pour rendre la dette douteuse, c’est le plus seur d’offrir le remboursement en deniers pour ne hazarder rien : Voyez Godefroy sur cet Article.

Si le Treizième a été payé, l’on ne doute pas que facquereur en doit être remboursé ; mais s’il en a été gratifié par le Seigneur le pourra-t’il demander au lignager : Sur cela l’on fait cette distinction, que si l’acquereur a un privilege qui l’exempte du droit de Treizième, il ne le peut demander au lignager n’ayant point droit de repeter ce qu’il n’a point payé, mais n ce cas les lors et ventes retourneront au profit du Seigneur ; car le lignager entiant en la place de l’acquereur il devient par ce moyen le véritable acheteur, et s’il n’a point de priviege il doit par consequent le Treizième au Seigneur du fonds qu’il retire Mais si les ventes ont été données ou remises gratultement à l’acquereur, le retrayant ne doit point profiter de la grace qui a été faite personnellement à l’acquereur, elle luy doit être conservée puis qu’il a été le seul objet du bien. fait et de la liberalité du Seigneur, autrement il demeureroit chargé de la gratitude et de la reconnoissance envers le Seigneur, tandis que celuy que le Se igneur n’avoit jamais eu le dessein de favoriser, profiteroit seul de sa bonne volonté Cette distinction est approuvée par duMoulin , parTiraqueau , et parGrimauder , l. 8. c. 5. et elle a été confirmée par Arrest du Parlement de Paris rapporté dans le Journal des Audiences. Il en seroit autrement si le lignager retiroit ce que le Seigneur avoit acheté ; car quoy que le Seigneur ne pûst pas demander le Treiziéme, néanmoins lors qu’il est depossedé par le lignager ses droits luy demeurent entiers, et le lignager qui entre en sa place est tenu de luy payer le Treizième

Le remboursement est aisé à regler lors que le prix du Contrat a été payé en deniers comptans ; mais si le vendeur a accepté une rente au lieu d’argent, et qu’en suite l’héritage soit retiré, l’on a douté si le retrayant pouvoit forcer l’acquereur à reprendre la rente qu’il avoit baillée s Guillaume Secles acquit d’Antoine Sceles une Terre moyennant vingt mille livres, et pour par-tie du payement de cette somme il transporta sept cens livres de rente au denier quatorze le vendeur voulant retirer sa terre au nom de son fils, l’acquereur y donna les mains en le remboursant du prix entier du Contrat, ce que le rettayant refusa, soütenant qu’il devoit reprendre la rente qu’il luy avoit cédée : l’acquereur dit au contraire, que sa rente ayant passé en la main du vendeur elle étoit devenuë hypothequée à ses dettes, ce qui le dispensoit de la reprendre ; par Sentence du Bailly de CaEn il fut declaté non recevable à son action, vû on refus de rembourser le capital de la rente : Sur l’appel par Arrest en la Chambre de l’Edit, au Rapport de Mr de la Vache, du 17. Mars 1617. la Sentence fut cassée, et l’acquereur condamné d’accepter la retrocession de la rente.

Un particulier possedoit une terre, laquelle suivant ses Aveux étoit en franche vavasorie et exempte de treizième ; en la vendant il ne declara point cette exemption à l’acquereur et ne luy en bailla aucun titre, au contraire il le chargea de payer tous droits Seigneuriaux, il stipula toutefois que le prix luy seroit payé franchement et entièrement ; cet acquereur étant clamé de-manda au retrayant le remboursement du treizième qu’il avoit payé ignorant cette exemption, et que c’étoit au lignager à porter cette perte sauf à le repeter contre le seigneur : le retrayant imputoit à l’acquereur qu’apparemment il n’ignoroit pas que l’héritage étoit exempt de treiziéme, et qu’il avoit pris cette quittance en fraude pour détourner le retrayant de son action, et qu’il étoit plus raisonnable qu’il agit en repetition contre le Seigneur : cela ayant été jugé par Sentence, elle fut cassée par Arrest du 18. de Novembre 1664. et le retrayant fut condamné à rembourser le treizième aprés le serment de l’acquereur qu’il l’avoit payé, saus son recours contre le Seigneur, entre Harden et Chefdéruë, plaidans de l’Epiney et Durand DuMoulin , de feud. 5. 33. gl. 1. n. 47. ayant formé la question, si le Seigneur qui retire à droit feodal peut deduire sur le prix qu’il doit rembourser les droits Seigneuriaux qui luy étoient dûs avant la vente, refout qu’il ne le peut, quia non potest uti retractu nisi refundendo vretium emptori, tum quia emptor habet causam onerosam, nec fit locupletior ex pretio refundendo per Patronum, tum quia Patronus subjicit se omnibus oneribus et hopothecis quibus subjectus fuisset emptor.

L’acquereur auquel on a fait don de la condition ne peut en demander l’estimation en cas de retrait, ce qui fut jugé le 23. de Mars 16, 8. plaidans de Cahagnes et le Févre, la raison est que l’acquereur n’en a rien payé, et que d’ailleurs ces donations de condition sont prariquées en fraude des lignagers, et c’est pourquoy on n’a point permis aux donataires de s’en prevaloir suivant les Arrests que j’ay remarquez sur l’Article precedent.

Un acquereur avoit declaré par le Contrat qu’une partie des deniers qu’il payoit luy avoient été baillez à condition de les employer à cet achapt, et d’en faire déclaration à l’effet de donner au creancier un privilege sur la chose. Depuis il emprunta de l’argent pour rembourser ce premier creancier avec subrogation à ses droits d’hypotheque en faveur du dernier ; cet heri gage ayant été clamé, le retrayant remboursa à l’acquereur le prix entier ; mais cet acquereur étant devenu insolvable, le créancier fit faire execution sur le fonds qui luy étoit privilegiément affecté, le retrayant nonobstant l’opposition fut condamné au payement des arrera-ges : sur l’Appel, Theroude son Avocat dit que les vendeurs nydes acquereurs ne pouvoient employer dans leurs Contrats aucunes clauses ny declarations qui fissent prejudice aux droits des lignagers, que la Coûtume n’obligeant le lignager qu’à rembourser le prix, les frais, et les loyaux coûts, il n’étoit point obligé de s’informer si l’acquereur avoit emprunté de l’argent ny d’avertitr ses créanciers : Maurry pour le creancier subrogé répondoit qu’il n’y avoit point de différence entre luy et le premier creancier, puis qu’il étoit subrogé à les droits ; le lignager étoit sans excuse d’avoir rembaairsé à l’acquereur le prix entier. du Contrat lans, l’y avoir appellé, ayant connu par le Contrat l’interest qu’il pouvoit y avoir que la stipulation ne blessant point l’interest des lignagers, il n’avoit pû la rendre illusoire, et luy ôter son privilege : Par Arrest du 12. de Janvier 1672. on cassa la Sentence, mais on permit au creancier de s’adresser hypothecairement sur le fonds : les Parties plaidantes étoient Jaqueline Bufet veuve d’Aubry, et Marie Bufet Appellantes, et Loüis Ganseray et Charles Crote, lntimé.

Le retrayant doit rembourser le prix principal et les loyaux couts, s’ils sont certains et non contredits, que s’il y a contestation, le retrayant doit bailler caution de les payer aprés la liquidation : ils tiennent à Paris qu’il n’est pas necessaire de rembourser les loyaux coûts dans les vingt-quatre heures. Ricard sur la Coûtume de Paris, Article 136.

Berault sur cet Article a proposé cette question, si durant l’an et jour il arrivoit quelque diminution ou dommage sur les héritages que l’on veut retirer, lequel des deux doit porter cette perte, ou de l’acquereur ou du retrayant : il est sans doute que si les maisons avoient été abbatues ou demolies par quelque force majeure, la perte tomberoit sur le retrayant seul, qui ne pourroit sur le pretexte de cette diminution en la valeur de la chose, se dispenser de rembourser le prix entier à l’acquereur ; que si l’acquereur avoit donné lieu par sa faute ou par sa negligence au dommage qui étoit arrivé, il seroit tenu de le reparer.

Il est souvent assez difficile de decouvrir la cause des incendies, et cela donne lieu à cette contestation si la perte doit être portée par le propriétaire ou par le locataire ; Les Docteurs conviennent en ces deux points que si le feu a pris par quelque cas fortuit, le dommage tombe sur le proprietaire seul, si au contraire le malheur est arrivé par la faute ou par la negligence du fermier, il est tenu de le reparer ; mais les Docteurs sont partagez sur ce point, lors que la cause de l’incendie n’est point connuë si le fermier en est responsable à faute de justifier que le mal heur n’est point arrivé par sa faute ny par celle de ses domestiques, parce que le feu qui se prend en une maison n’arrive guere sans quelque faute de la part du locataire ou de ses domestiques, l. si insua, D. de perd. et commodo rei vend. et quoy qu’il soit dit par cette même Loy, que si conductor eam liligentiam adhibuerit in insula custodienda quam debent homines frugi et diligentes prastare, quod accidisser nihil ad eum pertinere : cela veut dire seulement qu’il n’est pas tenu du cas fortuit et inopiné, mais ce cas fortuit doit être articulé et prouvé par le locataire ; quia casus fortuitus de jure non presumitur. Fachineus tient cette derniere opinion plus véritable, l. 1. controvers. c. 87. en effet elle a été suivie par un Arrest donné en la Chambre des Enquêtes l’11. de Decembre 1657. u Rapport de Mr du Plessis Puchot, par lequel la Sentence du Juge de Beaumont le Roger fut cassée, qui dechargeoit le locataire des interests demandez par le proprietaire pour l’incendie de sa maison, et en reformant le locataire fut condamné d’en payer la vraye valeur. Le fait étoit que le jour de Paques de l’année 1653. durant les Vespres, le feu prit au Neubourg en la maison du Pelletier que le nommé Penon tenoit à ferme, et l’embrasement fut si violent à cause du vent qu’il faisoit ce jour-là, que quatre-vingrs maisons furent brûlées sans sçavoir la cause de cet incendie, chacun étant pour lors à l’Eglise : le proprietaire mit en action le locataire pour l’obliger à rebatir sa maison, les autres propriétaires interessez en cet incendie se joignirent avec luy, et neanmoins depuis plusieurs d’iceux par pitié ou par quelqu’autre motif ne poursuivirent point cette instance : le propriétaire voulut prouver que le feu avoit com-mencé par le grenier de sa maison, et par consequent que le locataire en étoit responsable, l’incendie étant artivé par sa faute ou par celle de ses domestiques, ex locato prestare tenetur, si negligens in elegendis ministeriis fuerit, l. 17. S. Si fornacarius ad leg. Aquil. cette faute. se presumoit de droit, cum incendium sine culpa habitantium non fiat, l. 3. de offic. praf. vig. pour détruire cette presomption le locataire étoit tenu de prouver que l’incendie étoit arrivé par ut accident purement fortuit, car quant au proprietaire il luy suffit de dire que sa maison a été brûlée, et que partant son locataire doit la luy rétablir comme y étant obligé par la Loy. de son Contrat, et si le locataire alléguoit qu’il n’y avoit point de sa faute c’étoit à luy à prouver de quelle manière le feu avoit pris, ce qu’il pouvoit mieux faire que le proprietaire qui n’a pas dû veiller sur les domestiques de son locataire, qui alieno tanquam suo utebatur etiam rohibente Domino, et encore que le locataire ne doive apporter qu’une diligence ordinaire pour la conservation de la chose qu’il a prise à loyer, l. Contractus de reg. jur. et teneatur de leoci culpa, non de levissima ; toutefois il est responsable des moindres fautes qui arrivent par le feu à cause du malheur qui en avient et de l’interest public, s’il ne justifie que l’embrasement soit arrivé par une cause fortuite, suivant l’avis de Mr d’Argentré , p. 2o80. Art. 599. le Vicomte de Beaumont le Roger avoit mis les Parties hors de Cour ; sur l’appel du proprietaire la Sentence fut cassée et le locataire condamné aux interests ; et sur ce qu’un proprietaire de l’une des autres maisons intervim en la Cause, le locataire fut aussi condamné à la vraye valeur du dommage par luy souffert, nonobstant que ce locataire alléguât qu’il n’y avoit point de sa aute et qu’il en attendit toute preuve : c’est une Maxime du Palais que le locataire ou le fermier doit prouver la cause de l’incendie, autrement on presume que le mal est arrivé par a faute ou par celle de ses domestiques, suivant la l. Si venditor, D. de peric. et comm. rei vend. incendium sine culpa fieri non potest, et la l. Qui adem de incend. rei et naufr. où il est dit, casu l. Negligentia, pour montret que souvent les accidents doivent être imputez à negligence, té qui avoit été encore jugé par Arrest du 24. de Janpier 1637. au Rapport de M Cormier, entre la Dame du Bosguerout et Deshayes Meusnier, qui fut condamné de payer la vraye valeur du Moulin qui avoit été brûlé : : Le fait particulier du procez étoit que le Meusnier devoit arriver de bonne heure et coucher à son Moulin, ce qu’il n’avoit pas fait, et il étoit aussi conssant que le valet s’étoit endormy, qui étoit l’espèce de la Loy 27. 8. 9. ad legem Aquil.

Si fornacarius servus coloni ad fornacem obdormiisset, et villa fuérit combusta, prastare dobere si negligens in eligendis ministeriis fuerit, nec quisquam dixerit in eo qui obdormierit eum rem humanam & naturalem passum, cum deberet vel ignem extinguere, vel ita munire ne evagaretur. Il fut ugé en plus forts termes au Rapport de Mr d’Eti le 6. de Mars 1627. pour un nommé le Valois, que le feu ayant pris dans une étable sans sçavoir comment, et la maison voisine ayant êté brûlée, le maître fut condamné des payer pour son valet qui étoit dans cette étable, la vaseur de la maison voisine qui avoit été brûlée. Voyeg la I. et occidit. 5. 3. Ad l. Aquil. Le Par-Fresne lement de Paris a jugé la même chose, suivant l’Arrest remarqué par du Fresne, l. 1. c. 18. de l’impression de 1652

Il est aussi de nôtre usage qu’encore que le maître soit tenu de la faute de ses domestiquess Il n’est pas responsable de la faute de ses locataires où de ses fermiers envers les voifins dont les maisons auroient été brûlées. Les fermiers de Demoiselle Judith le Tresor nommez Parls ; ayant mis le feu à une boulengerie les maisons d’un Gentilhomme voisin en furent consumées, il poursuivit et les sermiers et la proprietaire pour les rétablir, soûtenant contre la Demoiselle le Tresor qu’elle devoit répondre du dommage causé par ses fermiers, ou en tout cas qu’il devoit concutter avec elle sur les biens des fermiers, par Sentence les fermiers furent condamnez tant envers la Demoiselle du Trefor qu’envers le sieur des Moutiers, et le sieur des Moutiers debouté de fa demande contre cette Demoiselle : les fermiers appellerent de cette Sentence, et à leur égard il n’y eut point de difficulté le sieur des Moutiers n’ost pas conclute que la Demoiselle du Tresor devoit répondre du fait de ses fermiers, mais il soûtenoit qu’il devoit concurrer avec elle pour ses dommages sur les biens des fermiers : Je défendis pour la Demoiselle du Tresor, qu’à l’égard des biens qui étoient sur la ferme il ne pouvoit y avoir aucune concurrence, parce qu’ils étoient privilegiément affectez au proprie faire, et pour les autres biens qu’elle avoit hypotheque sur iceux du jour de son bail : au contraire le sieur des Moutiers n’avoit hypotheque que du jour de son action, que l’obligation qu’il pretendoit sur les fermiers n’avoit son origine que du jour de l’incendie, ex maleficio, vel quasi maleficio : Par Arrest du 5. de Mars 1671. en infirmant la Sentence, on ordonna que la proprietaire seroit payée en privilege sur les biens qui étoient sur sa ferme, et qu’ils conoeurreroient rsur les autres biens : on eut iquelque, commisération pour ce Gentilhomme qui étoit pauvre, et cette Demoiselle étoit riche.

Par Arrest du Parlement de Paris un particulier dont la maison avbit été ruinée pour empescher le cours de l’embrasement, ayant inienté action pour être indemnisé par ceux dont les maisons avoient été preservées par la ruine de la sienne il en fut debouté, parce que la Loy Rhodia ne venoit point en ce cart dans une tempête tous les Marchands sont également menacez, auquel cas la contribution est juste ; mais au fait d’un embrasement tous les proprietaires de maisons ne sont pas en danger de fou, il n’yaque les voisins lesquels se sauvent souvent ou par accident ou par hazard, l. 3. 5. 4. Quod vi aut clam. et la l. 49. Ad legi Aquil. D. du Journal des Audiences, 2 part. l. 1. c. 17.

Si les batimens étoient vieux et en décadence il ne seroit pas raisonnable de punir si rigoureusement la negligence d’un proprietaire que de le condamner à en construire de neuves ; il faudroit en ce cas user de quelque temperament équitable, comme la Cour fit en la Cause des heritiers du Curé de S. Germain : Le Presbytere de S. Germain ayant été brûlé la même nuit que le Curé mourut, le nouveau Curé poursuivit le Seigneur de la Paroisse et les habitans pour luy construire un Presbytere : Philippes de Torcy Ecuyer, heritier du défunt Curé appellé en garantie, offrit de payer la valeur des batimens qui avoient été brûlez, qu’il disoit être si vieux et si ruinez qu’ils ne pouvoient pas subsister long-temps, et pour cet effet il lemandoit à convenir d’Experts : deux Experts ne les ayant estimez qu’à sept cens livres il ut condamné par le Juge d’Arques à paver cette somme : sur l’appel des Paroissiens ils disoient que n’ayant point convenu de ces Experts-là on ne pouvoit avoir égard à leur estima-tion ; aprés tout ce n’étoit pas assez de payer la valeur des bâtimens, le sieur de Torcy les devoit dédommager entierement, et étant obligez de fournir un Preibytere à leur Curé il devoit les décharger de cette dépense, ce n’étoit pas une défense valable d’alléguer que celuy qui avoit été brûlé étoit vieux parce que le Guré eût été forcé de s’y contenter, et par cé noyen il ne leur auroit rien coûté : Le sieur de Torcy répondoit que dans toute la rigueur Il ne devoit que la vraye valeur des bâtimens brûlez : Par l’Arrest du 3. de Decembre 1666. la Cour apporta ce temperament, elle condamna le fieur de Torcy à payer mille livres, si mieux les Paroissiens ne vouloient payer la moitié des bâtimens.


CCCCLIV.

Usage local du Pontéaudemer, Pontlevesque, Lysieux et autres lieux.

Les héritages ou rentes venduës dans le Ponteaudemer, Pontlevesque, Lysieux, Caen, Coûtances Avranches, et autres endroits esquels il n’y avoit que vingtquatre heures de clameur, pourront être d’oresnavant retirés dans les quarante jours du jour de la lecture et publication du Contrat.

Bien que cet Article porte en termes generaux que l’on peut retirer les héritages et les rentes renduës, ce mot de rentes ne s’entend que des rentes foncieres et non point des rentes constituées à prix d’argent qui ne sont point sujettes à rettait.

La Coûtume ne définissant point le temps dans lequel le retrait doit être demandé lors qu’il n’y a point eu de lecture, son intention a été vraysemblablement d’étendre le temps du retrait jusqu’à trente ans, puis qu’elle ne la reduit à quarante jours que pour les Contrats qui ont été lûs.


CCCCLV.

Ferme de lecture et preuve d’icelles.

La lecture se doit faire publiquement et à haute voix à jour de Dimanche, issuë de la Messe Paroissiale du lieu où les héritages sont assis, en la presence de quatre témoins pour le moins, qui seront à ce appellez et signeront l’acte de la publication sur le dos du Contrat, dont le Curé on Vicaire, Sergent ou Tabellion du lieu qui aura fait ladite lecture est tenu faire Registre : et n’est recû aucun à faire preuve de ladite lecture par témoins. Pourront neanmoins les contractans pour leur seureté faire enregistrer ladite lecture au Greffe de la lurisdiction ordinaire.

En cet Article la Coûtume prescrin os qu’il faus observer pour la validité de la lecturs des Contrats de vente

Premierement, la lecture se doit fairte publiquemens et à haute voix : Eu second fieu, elle doit être faite à jour de Dimanche, et par oonsequent il n’est poim permis de la faire à un autre jour quelque Solemnelle que la Fête puisse être : Et enfin, cette publication se soit faire à l’issué de la Messe Panoissials, elle ne peut dune être faite à l’issuë d’une autre Messe et beaucoup moins à l’issuc de Vespres : ce n’est pas assez que la lecture ait été fane à l’issué de la Messe Paroissiale, il faut que cela soit employé sur le Contrat, faivant l’Arrest remarqué par Berault

Cette question s’offrit encore entre Demoiselle N. de Pelvé, fille du sieus Comte de Flers, demanderesse en rétrait lignager, pour retirer un Fies vendu par son pere au sieur le Gardeur Lieutenant Criminel à Caca : il étoit fait mention sar le Contrat qu’il avoit été lû ; on n’avoit point ajoûté que cette lecture avoit été faite à l’iffué de la Messe Paroissiale, ce qui donnoit lieu à la retrayante de conclute que la lecture étoit nulle ; le sieur le Gardeur alleguoit pour défenfe que le Registre du Sergent comenoit que la lecture avoit épé faire à l’is-quë de la Messe Paroissiale, et par consequent que l’omiffion qui se rencontroit sur l’endosses ment du Contrat n’étoit point considérable : il falloit toûjoors en revent à la veriré, et paroissant par le Régistre du Sergent que la lecture avoit été faite à l’issué de la Messe Paroissiale, l’omission faite sur le Contrat étoit suffisamment reparée, mais d fnt repliqué par la retrayante que le Contrat étoit l’original, et que le defaut qui a’y rencontroit ne pouvoit être reparé par le Registre du Sergent : Par Arrest au Rapport de Mr de Tonfrerille le Roux, le 18. d’Arri 1654. il fut dit à bonne cause la demande en rettait ; le Registre n’est proprement qu’une rolation de ce qui s’est fait, aussi cet Article dispose que les témoms figneront la publication ; le Contrat donc est l’original : le Registre du Sergent fut tronvé en bonne forme, les mon à l’ifsuë de la Messe Paroissiale y étoient employez et les mêmes témoins, et neanmoins on n’y eut point d’égard : Par Arrest du 26. de Février 1St et au Rapport de Mi du Buisson, entre Nicolas le Pu, et Jean et Antoine Locus, une lecture faire au Prone fut cassée Il faut en second lieu que la lecture soit faite en toutes les Paroisses où les heritagus lont situez, et la lectureffaite en une Paroisse n’empêche point qu’aprés l’an et jout on ne puisse retirer ceux qui sont situez en d’autres Paroisses où la lecturc n’a point été faite ; suivant l’Ar-rest donné entre de la Martiniere et Sevestre, du 14. de Decembre 1655. que j’ay rapporté sur l’Article CCCCLII.

Il faut pour une troisième solemnité que la lecture se fasse en la presence de quatre témoins pour le moins qui seront à ce appellez, et signeront l’acte de la publication sur le dos du Contrat

Sérault a traité cette question si des parens de l’acquereur peuvent être témoins à la lecture d’un Contrat ; Il ne rapporte point d’Airests qui l’ait decidée ; elle s’offtit en l’Audience de la Grand-Chambre, le 19. de Novembre 1655. le réttayant blamoit la lecture par deux moyens La premiere, que l’un des quatre témoins étoit Cousin germain de l’acquereur, et portoit son nOm : l’autre que le Tabellion n’avoit point signé-la lecture sur le Contrat ; L’acquereur pour danse à la parenté du témoin s’aidoit des raisons de Bérault, et il ajoûtoit que la Coûtume n’avoit desité que ce fussent des témoins idoines comme elle avoit fait en d’autres Articles et il citoit un Arrest donné pour Fourquemin en 1622. par lequel la Cour avoit declaté la ecture valable, quoy que le quatrième témoin fût Cousin germain de l’acquereur, et pour le defaut de la signature du Tabellion, il n’étoit point considérable ayant signé sur son Registres la Cause fut appointée au Conseil, plaidans Maurry et le Bouvier : plusieurs tenoient que la parenté d’un témoin ne causoit point de nullité, mais que le defaut de signature du Tabellion étoit essentiel : Quoy que la Coûtume n’ait pas disposé que les témoins doivent être idoines et non recusables, cela neanmoins semble estre de droit, car quand la Loy pour la solemnité de quelque Acte désire que l’on y appelle des témoins, il est toûjours necessaire que ce soient gens dignes de foy, et qui ne soient suspects ny recusables. Cependant puis que l’on a jugé que la lecture faite par un Curé parent de l’acquereur étoit valable, il y a lieu de juger la même chose pour les témoins.

Ce n’est pas assez que les témoins ayent signé, il faut aussi qu’ils soient nommez : Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 19. de Novembre 1656. entre Jean le Diacre, sieur les Essats, Appellant des Requêtes du Palais, et Nicolas du Bose Ecuyer, sieur de Radepont, il fut jugé qu’un des quatre témoins n’étant point denommé, les trois autres l’étant, quoy qu’il eûr signé en lieu non suspect, et qu’il parût par le Contrôle du Contrat fait deux mois aprés que ce témoin y étoit dénommé, comme ayant signé au Contrat, l’action en rétrait étoit recevable dix-huit ans aprés, parce que les témoins qui signent doivent être nommez ; Plaidans Maurry et Theroude : les formes prescrites par la Coûtume ne peuvent se suppléer par équipolent ; le f it étoit que le sieur le Diacre avoit acquis en 1631. six acres de pré, en 1650. le sieur de Radepont intenta action en retrait seodal, pretendant que la lecture étoit nulle, un des témoins ny étant pas denommé ; et puis que la Coûtume désire quelses témoins soient apellez, il faut qu’ils soient nommez, autrement on ne peut connoître s’ils ont été appellez à la lecture ; par la Sentence des Requêtes du Palais, il fut jugé à bonne cause l’action, ce qui fut Les personnes capables de faire cette lecture sont le Curé ou Vicaire, le Sergent ou Tabellion du lieu. On a fait la même difficulté pour les Curez et Vicaires touchant la parenté, comme pour les témoins. On pretendit qu’une lecture faite vingt-cinq ans avant le retrait étoit nulle, parce que le Curé étoit parent de l’acquereur, et que l’on vouloit encore prouver qu’il étoit en communauté de biens, vivoit, mangeoit, et beuvoit avec luy : Tacquereur répondoit qu’une lecture avoit été declarée bonne par Arrest, quoy qu’elle eût été faite par un parent et signée par un parent, que la vérité de la lecture n’étoit point contestée, que la Coûtume ne requeroit que la notorieté. Mr l’Avocat General remarqua que quand la Coûtume avoit donné trente ans pour clamer pour le défaut de lecture, cela n’avoit lieu que quand elle n’avoit point été faite, ou si elle avoit été faite qu’elle n’étoit point signée de quatre témoins, qu’il n’en étoit pas de même quand on demeuroit d’accord qu’elle avoit été faite, mais on la vouloit détruire par des faits : Par Arrest donné en l’année 1622. le rétrayant fut déclaté non récevable. L’on peut voir les Arrests que j’ay remarquez au commencement de l’Article CCCCLIII.

Si la lecture est mal faite, le Curé ou Vicaire n’en sont pas responsables, parce que ce n’est pas leur profession de sçavoir la Coûtume, et le porteur de l’acte doit prendre garde si les formes ont été gardées : Me Roüillard Curé avoit fait la lecture d’un Contrat sans la signer, l’ac-quereur le fit condamner en ses interests : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 3. d’Aoust 1650. la Sentence fut cassée, Plaidans le petit pour le Curé, et Pilastre pour la Demoiselle de Talonné. Il a été jugé par plusieurs Arrests qu’on ne peut demander de garantie contre les Curez, si dolus absit, l. 1. si agrimensor fals. mod.

Il faut aussi que ce soit le Curé ou Vicaire, le Sergent ou Tabellion du lieu qui fassent la lecture : Par Arrest du 3. de Janvier 1618. au Rapport de Mr Mallet en la Chambre des Enquêtes, une lecture faite par un Sergent de la Vicomté, mais non de la querelle fut cassée : Ces paroles de Sergent du lieu peuvent être entenduës des Sergeans de la Vicomté, néanmoins la lecture d’un Contrat ayant été faite par un Sergent demeurant dans la Paroisse des Bans-leComte, d’héritages situez dans cette Paroisse dependans de la Haute-Justice du lieu fut declarée nulle, dautant que le Sergent n’étoit pas Sergent dans la Haute-Justice, quoy qu’il fut domicilié dans la Paroisse où les héritages étoient assis : mais ce Sergent ne pouvoit exploiter dans la HauteJustice : Bérault rapporte un Arrest contraire pour un Tabellion Royal, mais il remarque que le motif de l’Arrest fut que le Tabellion faisoit sa residence et exercice ordinaire sur le lieu et par un autre Arrest qu’il rapporte, il fut défendu aux Tabellions de faire des lectures de Contrats hors de leur Détroit, encore que les Contrats eussent été passez devant eux La Coûtume ajoûte que l’on n’est point reçû à faire preuve de la lecture par témoins : Par Arrest du 25. d’Octobre 1616. en la Chambre des Vacations, entre les nommez Sanglier, i fut jugé qu’un retrayant n’étoit point recevable à demander que le Vicaire ayant fait la lecture, et les témoins lesquels ils y avoient signé fussent oüis sur les nullitez alléguées contre la leture, sauf à former inscription : cet Acte étoit public, et il ne pouvoit être détruit que lr a voye de faux

Un lignager vingt-cinq ans aprés un Contrat passé forma une action en rettait sur le defaut de lecture ; l’acquereur avoit perdu son Conttat, mais il representoit le Registre du Cuté decedé six ans avant l’action qui contenoit que la lecture avoit été faite ; et il soûtenoit que la preuve qui resultoit de ce Régistre étoit suffisante aprés la perte de son Contrat. Il ajoûtoit encore que le retrayant avoit déja disposé de l’héritage en faveur d’un Officier, ce qui le rendoit nonrecevable, le retrait étant incessible : le lignager disoit que la lecture n’étoit valable pour exclure le retrait, que quand elle étoit employée sur le Contrat, que la preuve n’en étoit point reçuë par equivalence, qu’en tout cas la Coûtume ordonne que la lecture soit enrégistrée au Greffe de la Jurisdiction ordinaire ; et pour la vente qu’il ne l’avoit faite que depuis la Sentence.

Mr l’Avocat General du Viquet remontra que cette action de trente ans, à faute de lecture étoit rigoureuse, que la Coûtume enjoignant aux Curez de faire Registre celâ doit operer quelque chose ; et elle ajoûte qu’on la peut faire enrégistrer au Greffe de la Jurisdiction ordinaire, que pour une plus grande seurété que ce retrayant étoit defavorable ayant fait paroître qu’il ne retiroit point pour luy : Par Arrest du 14. de May 1630. le retrayant fut debouté de son action Plaidans Garuë et Baudry.

Puis que la Coûtume, Art. CCCCCXXVIII. permet au Proprietaire d’un héritage de prouver que son Contrat a été vû, tenu et lûs un acquereur pareillement n’est il pas recevable à faire cette preuve : On a donné des Airests contraires sur ce sujet : Par Arrest du 24. de Novembre 618. au Rapport de Mr Mahaut, en la Grand Chambre, entre M’Alexandre du Moucel Ecuyer, sieur de Loraille, Mi des Comptes, Jean du Val et Jacques du Busc, la Cour avant que de faire droit, reçût duaVal à faire preuve que le Contrat avoit été vû, tenu et lû, soufcrit de ecture en bonne forffe ; mais par un autre Arrest du mois de Janvier 1623. au Rapport de Mr de Tiremois, il fut jugé que cette preuve n’étoit pas admissible, parce que ce qui consiste en solennité, ne fe peut prouver que par les moyens introduits par le droit.

Depbis on a donné cet Arrest sur ce fait. Alix Mustel voulant retirer les héritages acquis par Langlois seize ans auparavant, se fonda sur le défaut de lecture : Langlois disoit qu’il avoit perdu son Contrat, mais pour preuve de la lecture il produisoit un Extrait du Contrle où la decture étoit employée ; et davantage il offroit prouver que son Contrat avoit été vû, tenu et lû, et que sur le Contrat la lecture étoit employée et signée de témoins : Mustel avoit obtenu Sentence à son profit ; sur l’appel Langlois representa encore un Extrait du Tabellion qui avoit fait la lecture, et il concluoit que la lecture étoit valablement prouvée par ces deux pieces, en tout cas il persistoit à la preuve de ses faits : Mustel luy opposoit la fin de non recevoit fondée sur cet Article, et pour les Pieces qu’elles n’étoient point suffisantes, parce que dans le Registre du Tabellion il n’y avoit point de témoins signez : Par Arrest en la Grand. Chambre du 11. de Janvier 1650. la Sentence fut cassée, et Mustel debouté de son action. Dans cette espèce la Cour jugea que la lecture étoit suffisamment prouvée par les Pieces, de sorte qu’elle ne prononça rien sur la preuve ; la même chose avoit été jugée par un Arrest du moi de Juin 1621. Il est vray que la lecture ne peut être prouvée par témoins ; mais comme la Coûtume aprés avoir ordonné par l’Article CCCCCXXVII. que tous Contrats hereditaires loivent être passez par écrit, ne laisse pas de permettre par l’Article suivant de faire preuve qu’un Contrat a été vâ, tenu et lû, on argumente de-là que lon est admissible à prouver qu’un Contrat a été vû, lû et tenu, endossé de la lecture : et bien qu’il soit perilleux d’admettre ces sortes de preuves, néanmoins elle est favorable lors qu’elle tend à conserver un acquereur qui possede depuis plusieurs années contre un lignager qui a négligé d’user de son droit dans le temps qui luy étoit donné par la Coûtume, et qui peut-être ne fait cette demande qu’aprés avoir découvert que Iacquereur a perdu son Contrat.

Mais pour rendre cette preuve parfaite les témoins doivent parler précisément du nombre de ceux qui ont signé et de leurs signatures qu’ils déclareront bien connoître, et même il seroit juste d’ordonner que cette preuve ne pûst être faite à moins de quatre témoins, qui est le nombre requis pour la validité de la lecture


CCCCLVI.

Et où le corps des Eglises seroit hors le ressort de Normandie et les heritages. assis dans ledit ressort, la lecture s’en peut faire au prochain Marché des choses venduës, ou en la Jurisdiction ordinaire dont lesdites terres et heritages verendus sont dépendans.

On auroit pû douter si une lecture faite à l’issuë de la Messe Paroissiale d’une Eglise située hors Normandie eût été valable : pour prevenir cette difficulté la Coûtume ordonne qu’en ce cas facquereur peut faire lire son Contrat au prochain Marché ou en la Jurisdiction. ordinaire dont les héritages vendus sont dépendans.

Et quoy que la Coûtume par ce mot de peut qui n’emporte pas une nécessité precise quand il est mis affirmativement, semble avoir laissé cette liberté à l’acquereur de faire faire la lecture de son Contrat ou dans les Eglises qui sont hors le ressort de Normandie ou au pro-thain Marché, ou en la Jurisdiction ordinaire dont les héritages vendus sont dépendans, néan moins il est vray de dire que la Coûtume ne donne le choix à l’acquereur qu’en deux manie. res ; que la lecture soit faite ou au prochain Marché, ou en la Jurisdiction ordinaire, et li ecture faite en une Eglise dont le corps seroit hors le ressort de Normandie seroit nulle, parce que la lecture est une formalité particuliere prescrite par la Coûtume de Normandie, ffatuta autem non extenduntur extra territorium.


CCCCLVII.

Prescription de clameur contre le mineur.

L’an et jour du retrait et clameur court aussi bien contre le mineur que contre le majeur sans esperance de restitution.

Les Jurisconsultes ne s’accordent pas sur la matière de la prescription contre les mineurs, de prascribendi materia mirifica inter Doctores dissensio, dit Mr d’Argentré sur le Titre des Appropriances, Article 266. c. 12. Le Droit Civil en a fait de deux espèces, les conventionnel-les, et les legales : Les Coûtumes de France les ont divisées en conventionnelles, legales et statutaires, ou coûtumieres.

Tous les Interpretes du Droit sur la Loy AEmilius de Minor. D. se sont fort étendus sur cette question, si la prescription conventionnelle ou contractuelle couroit contre le mineur : Mais sopinion la plus generale et la mieux suivie est que la prescription conyentionnelle qui a commencé contre un majeur court contre les mineurs sans espèrance de restitution, et sans avoir égard à la lesion : la raison est que la preseription ayant commencé contre une personne qui lavoit point de privilege ny d’exception pour en arrêter le progrez, la condition et la quadité de l’heritier mineur ne pouvoit changer ny revoquer ce qui avoit été fait avec le défunt majeur et capable de contracter, et par ce principe le temps du retrait conventlonnel peut Tiraq être prescrit au prejudice du mineur ; Tira9. de ret. conv. 3. 1. gl. 2. Le Parlement de Paris la jugé de la sorte, suivant les Arrests rapportez par le Commentateur de MiLoüet , 1. P. n. 36.

Pour les prescriptions legales le Droit Civil mettoit de la différence entre les personnes des mineurs, avant la puberté la prescription dormoit ; aprés l’age de quatorze ans elle commençoit d’avoir son cours, mais le mineur étoit restitué conctre cette prescription, contra eos qui res minorum tenent, si usucapione dominium acquisierunt, restitutionis auxilium eis decerni debet.

I. Unica. C. si advers. usucat

Pour les prescriptions Coûtumieres quelques-uns ont été de ce sentiment, qu’elles ne pouvoient avoir leur effet que lors qu’elles avoient commencé contre un majeur. En Norman-die la prescription Coûtumiere court indistinctement contre le mineur comme contre le majeur ; car tout ce qui est requis par les Coûtumes pour acquerir ou pour former un droit à on cours continuel sans pouvoir être empesché ou interrompu à cause de la minorité, comme de faire inventaire, de faire des offres dans un temps fatal, et particulierement de retirer à droit de sang ou à droit feodal

Cet Article est contraire au Droit Romain, l. Minoribus. C. de in integr. restit. I. Unica si advers. usucap. C. et même au Droit des Decretales, E. constitutus extraor. de in integr. restit. Loyse mais la pluspart des Coûtumes de France contiennent une pareille disposition ; Loysel en ses Institutes Coûtumières, l. 4. t. 5. Att. 46. a remarqué que par la Coûtume generale du Royaume le temps du retrait lignager et feodal court contre les mineurs ; les absens, les croisez, les furieux, les bannis, et contre tous autres sans espèrance de restitution.

La faveur des mineurs a paru si grande à quelques-uns, qu’ils ont été d’avis que quelque generale que fût la disposition de la Loy ils n’y étoient point soûmis si absolument qu’ils ne pûssent être restituez contre sa rigueur : Bartole a été de ce sentiment sur la l. AEmilius. D. de Minor. et ceux qui l’ont suivy ont estimé que l’an et jour du retrait limité par la Coûtume pour le retrait lignager ne couroit point contre le mineur sans espèrance de restitution, lors qu’il en souffroit une lesion considérable ; outre cette perte il est censé avoir une affection articulièré pour le bien de ses ancêtres : C’est par ce même motif qu’en la Loy Si in emptione, D. de Minor. on accorde la restitution au mineur, s’il a laissé encherit à un autre les héritages de ses veres, on presume qu’il avoit interest de les encherir, quod majorum ejus fuisset. Nous en trouvons encore des exemples en d’autres Loix, l. 1. 8. Sed si rem, D. si quid in fraud. pat. et puis que les mineurs sont restituez contre la vente des biens qui ont appartenu à leur famille, in quibus defecit pater, minor crevit in quibus majorum imagines non videre affixas aut videre revulsas satis est lugubre, 1. Quae tutores, C. de administ. tut. Le retrait lignager étant accordé pour la même raison, les mineurs sont favorables lors qu’ils demandent à rentrer en la possession des biens que leurs proches parens ont alienez.

On allégue au contraire que quand les mineurs sont expressément compris dans la disposition de la Coûtume, et qu’elle s’en est expliquée nettement à leur prejudice, ils ne peuvent esperer de rest tution : Cette affection que l’on peut avoir pour les biens de sa famille ne doit oint prevaloir sur l’interest public, on rendroit toutes les a lienations incertaines, il n’y auroit point de vente assurée, parce que dans toutes les familles il se tronveroit quelque enfant fort eune qui pourroit demander le benefice de restitution aprés la trente-cinqui ème année de son ge : l’an et jour étant un temps fatal et limité par la Coûtume, aprés lequel l’action en retrait n’est plus recevable, le mineur est soûmis comme le majeur à cette disposition. Car s’est un benefice de la Loy contre le droit commun, qui n’est accordé qu’à condition d’en user dans le temps prefix, sans pouvoir être prorogé pour quelque cause que ce soit ; le mineur est favorable lors qu’il veut empeécher la perte et la diminution de son patrimoine, et non lors qu’il veut profiter aux dépens d’autruy. Mt deCambolas , l. 2. c. 17. rapporte un Arrest du Chassanée Parlement de Tholose conforme à cet Article : Chassanée du retrait, rub. 1. 8. 1. témoigne. que de son temps il n’a point vû que l’on ait accordé des Lettres de restitution aux mineurs en matière de retrait : L’Article 35. du Titre des Retralts de la Goûtume de Poitou est conorme à cet Article ; Paris, Article 131. et plusieurs autres Coûtumes : Par Arrest du 19. de Mars 1671. entre Palfrene et Boutehan, il a été jugé qu’un mineur aprés l’age de 35. ans n’est lus restituable, soit en demandant où en defendant, et que l’Ordonnance étoit generale.

Les absens et ceux qui ignorent leur droit n’étant point plus favorables que les mineurs, l’on ne doit pas douter que l’an et jour ne se passe à leur prejudice ; quoy que régulierement la prescription ne coute point contre les ignorans, l. Cum sex menses. D. de Edil. Ed. et la Loy dit que is qui nescit non videtur experiundi potestatem habere, l. 1. D. de usur. et prasc. Mais cette prescription contre les absens et les ignorans est favorable par cette raison, qu’ils ne perdent qu’à gagner, non videtur injuria affici qui ignoravit, cum et lucrum extorqueatur, non damnum infligatur, l. Quod autem. 8. simili modo, D. que in fraud. cred.


CCCCLVIII.

L’an et jour de la clameur de l’héritage dcreté, quand commence à courir.

L’an et jour de la clameur de l’heritage decreté, commence à courir du jour de l’adjudication par decret, et derniere renchere et adjudication d’icelle, encore qu’il en fût appellé et l’appellation indecise, pourvû que le decret soit passé devant le Iuge ordinaire, au ressort duquel l’héritage est assis.

Conformément à cet Article il a été jugé en l’Audience de la GrandeChambre du Parle. sent de Paris au mois de Juin 1657. que l’an et jour du retrait court du jour de l’adjudication et non du jour de l’Arrest qui la confirmée, parce que l’Arrest qui confirme nihil dat, sed datum significat, et par cette raison il a un effet retroactif.

Il est sans doute que l’on peut clamer une adjudication par dectet, mais on a revoqué en doute si les encheres étant mises sepatément sur chaque piece de terre le fignager seroit obligé de retirer le tout, et si l’adjudicataire peut l’y forcer : On a jugé au Parlement de Paris que le lignager avoit cette faculté de retirer ce qu’il voudroit, parce que c’étoient autant de ventes differentes, l. Si duos quis servos de contrah. empt.Chop . Coût. d’Anjon, l. 1. Art. 4 Cela n’auroit pas lieu en cette Province, les encheres mises separément. ne font des ventes differentes que quand il y a divers adjudicataires ; mais quand celuy qui a mis des enche-res differentes demeure seul adjudicataire du tout, ce n’est qu’une feule et même adjudica ation ; et particulièrement à l’égard d’un lignager : en tout cas pour avoir cette faculté par un lignager de retirer ce qu’il voudroit, il faudroit que l’on eût fait une adjudication distincte et separée sur chaque enchere.

Les diligences que l’on fait pour donner la petfection à un decret, et pour parvenir à l’adjudication étant en si grand nombre et si publiques, la lecture en eût été su-persluë. Si l’héritoge avoit été vendu à charge de decret, et que la lecture de ce Contrat eût été faite, et qu’en suite l’acheteur fût demeuré adjudicataire suivant son Contrat, le dignager ne doit pas se regler sur le temps de cette adjudication volontaire, mais sur le temps. que le Contrat de vente a été lû, parce que le Contrat fait la véritable vente, et que le decret et l’adjudication ne sont que l’execution du Contrat, et qu’ils n’ont été faits que pour la seureté de l’acquereur et pour purger les hypotheques : si neanmoms ce Contrat de vente n’avoit pomt eu d’effet, parce qu’un autre se seroit rendu adjudicataire, en ce cas l’an et jour du retrait ne commenceroit à courir que du jour de l’adjudication ; suivant cet Article. Bérault ra pporte un Arrest qui l’a jugé de la sorte : Il a été pareillement decidé par deux Arrests rapportez par Brodeau fut M. Loüer, l. D. n. 26. qu’un héritage étant vendu à la charge du retrait, l’an du retrait eourt du jour de l’ensaisinement, infeodation ou notification du Contrat, et non du jour de l’adjudication par decret ; la raison est que le decret volontaire qui ne se fait que pour purger les hypotheques ne change point la nature du Contrat, nihil novum adjicit ; le droit de proprieté est asseuré à l’acquereur par le Contrat de vente.

Puis que le retrayant entre en la place de l’adjudicataire il doit demeurer chargé de toutes les risques et supporter toutes les pertes qui peuvent arriver, et c’est pourquoy par Arrest du 16. de May 1631. il fut jugé qu’un adjudicataire n’étoit point tenu de bailler caution au retrayant qui le dépossedoit de l’évenement de l’appel d’un decret qui pouvoit être cassé. juivant, les Articles precedens les héritages ou les autres choses immeubles qui ont été, venduës sont retrayables dans l’an et jour de la lecture, la Coûtume en cet Article en excepte les ventes par decret, dont l’an et jour du retrait commence à courir du jour de l’adjudication et dernière renchere, encore qu’il en fût appellé, et que l’appellation fût indecise, pourvû que le decret soit passé devant le Juge ordinaite, au ressort duquel l’héritage est assis.

Mais parce que les adjudications par decret ne sont point sujettes à lecture à cause de leur notorieté, quelques-uns avoient crû que par la même traison les ventes des biens des mineurs, lors qu’elles étoient faites par autorité de Justice, et aprés des proclamations n’avoient point besoin de lecture : Car la notorieté publique étant l’unique motis qui a porté nos Législateurs à E retrancher la lecture, comme une solemnité super sluë pour les adjudications par decret ; il semble qu’il y a lieu d’étendre cette exception à la vente des biens des mineurs, puls que les pro-clamations qui se font publiquement ne les rendent pas moins notoires et connuës : Or puls qu’il y a une identité de raison, il doit y avoir une identité de droit.

L’on represente au contraire que lors qu’il s’agit de l’interpretation des Coûtumes, les cas bmis ne sont jamais suppléez par équipolence, ny par aucune autre voye, parce que l’on presume que tous ces cas obmis n’auroient pas échappé à le mémoire des Legislateurs s’ils les avoient sestimez equitables : Ce qui est encore plus certain, lors que l’on a déja fait quelque dérogation à la Loy generale et que l’on y a mis quelque exception : Car alors l’on ne doit plus douter que toutes les autres exceptions que l’on voudroit ajoûter ne soient vehuës en la pensée des Legislateurs, et qu’ils n’ayent fait reflexion sur tous les autres cas qui pouvoient avoir quelque relation ou connexité avec celuy qui est excepté ; mais les termes dont la Coûtume s’est expliquée en cet Article, marquent si visiblement son intention qu’il n’est pas possible de l’étendre à d’autres cas, il n’est pas dit que les ventes faites en jugement ou aprés des procla-mations ne seront point sujettes à la lecture, il n’est parlé que de Padjudication par decret et dernière renchere ; ce qui ne peut être appliqué ny expliqué de la vente des biens des mineurs.

Aprés tout il y a grande différence entre la forme et les effets des adjudications par decret et des ventes judiciaires des biens des mineurs, et celles-cysont beaucoup moins notoires que celles des decrets. Il ne s’y fait point de saisie, point d’établissement de Commissaires, point de publication de bail judiciaire, et enfin le mineur n’est point depossedé : toutes les diligences, les encheres et l’adjudication se doivent faire dans un temps prefix et si certain, qu’il n’est pas du pouvoir du Juge de le proroger.

Il n’y a rien de semblable en la vente du bien des mineuts ; il est vray qu’il se fait quelques proclamations, mais la vente n’a pas de terme prefix, elle se peut remettre pout attendre des encherifseurs, ce qui rend ces ventes moins notoires.

Aprés tout ; s’il étoit véritable que la notorieté seule d’un Acte ou d’un Contrat fût suffisante pour dispenser de la lecture, il s’ensuivroit que dans toutes rencontres où la notorieté feroft aussi certaine que par un detret, la lecture ne seroit point necessaire. Le Notaire. ou le témoin qui a signé à un Contrat de vente, en a sans comparaison une certitude plus grande et plus infaillible que celle que l’on peut avoir d’une adjuditatlon par decret : la connoissance de celle-cy n’est fondée que sur une presomption de droit que l’on ne peut pas ignorer cû ui est rendu si public : Mais la certitude d’un Contrat de vente qu’un Notaire a reçû, ou auguel un témoin a signé, ou qu’un parent a approuvé, est fondée sur leur propre fait et non aur des presomptions, et des vraysomblantes, que si la lecture n’est introduite que pour rendre la vente notoire ; elle est supersluë à l’égard de ces personnes-là, nam qui certus est, amplius certiorari non debet : Cependant l’on n’oseroit pas soûtenir qu’ils ne fussent pas admissibles au retrait aprés l’an et jour si le Contrat n’avoit pas été lû, nonobstant la connoissance qu’ils en avoient euë.

Berault sur l’Article CCCCLVI. a rapporté un Arrest qui a jugé cette question, dont voicy le fait : Thomas du Jardin tuteur des enfans de Pierre du Jardin, fit proclamer quelques heritages appartenans aux mineurs, et aprés deux proclamations faites à l’issué des Messes Parois-siales, Denis Bense s’en rendit Adjudicataire ; mais n’ayant point fait faire la lecture de son Adjudication, dix ans aprés ce même tuteur au nom de son fils mineur voulut retiter ces mêmes héritages ; le Vicomte l’ayant debouté de sa demande en retrait sur son Appel à la Cour, il representa que l’Adjudication n’ayant point été lûë, quoy qu’elle eût été faite en Justice, il étoit recevable à son action ; et par l’Arrest l’Adjudicataire fut condamné de luy en faire re mise : et Me Josias Berault ajoûte que l’on eut égard à deux Arrests, par lesquels il avoit été jugé qu’un rétrayant étoit recevable à retirer un héritage vendu, bien qu’il eût une parfaite connoissance du Contrat, parce qu’il n’avoit point été lù, et qu’une fille avoit été reçûë à retirer nonobstant qu’elle eût été presente à la vente et qu’elle eût reçû une partie du vin, et que même elle eût asseuré l’acheteur qu’elle n’avoit pas intention de clamer. M. Jacques Godefroy qui rapporte aussi cet Arrest, y ajoûte que cet Arrest avoit terminé deux grandes difficul-tez ; la premiere que le tuteur même est recevable à retirer l’héritage qu’il avoit vendu au nom de ses pupilles ; l’autre que la disposition de cet Article est speciale pour les Adjudications par decret, et qu’elle ne s’étend point aux autres Adjudications faites en Justice : Cette même uestion ayant été agitée devant le Juge d’Argentan en l’année 1677. entre Dame Marie de Medavid de Roussel, Abbesse d’Almeneche, et Thomas Bougon demandeur, pour retirer des héritages appartenans à des mineurs vendus en Justice aprés deux proclamations, par Sentence le retrayant fut debouté de sa demande par ces deux raisons ; la premiere, que la lecture n’étoit point necessaire pour ces sortes de ventes ; et la seconde, que le retrayant étoit un des parens qui avoient deliberé : Mais sur l’Appel de Bougon la Cause de la Dame Abbesse n’ayant point été trouvée soûtenable, elle fut obligée de s’accommoder et de remettre l’héritage.


CCCCLIX.

Et où il seroit passé ailleurs, l’an de sa clameur n’aura cours que du jour que la lecture et publication aura été faite de l’Adjudication, à l’issuë de la Messe Paroissiale du lieu où les héritages sont assis selon la forme prescrite pour la publication des Contrats de vendition : si c’est un Fief Noble, il suffira que la le-cture et publication soit faite issuë de la Messe Paroissiale du lieu, où le principal Manoir est assis.

tien que la Cour par son Reglement de 1610. rapporté par Berault en interpretant cet Article eût decidé précisément que les adjudications par decret faites par devant les Baillifs et Vicomtes en vertu de Lettres de mixtion dont la connoissance leur appartient suivant les Articles IV. et VIII. de la Coûtume ne soient point sujettes à lecture, et que suivant l’Article precedent l’an et jour du retrait commence à courir du jour de l’adjudication, néanmoins cette même question ayant été plaidée en l’Audience de la Grand. Chambre le 13. de May 1664. quelques-uns des Juges n’approuvant point ce Reglement on ordonna qu’il en seroit deliberé.

Estienne Février êtoit appellant d’une Sentence du Bailly de Roüen, par laquelle Charlote le Telier avoit été reçûë à retirer un héritage aprés l’an et jour de l’adjudication : On avoit decreté devant le Bailly de Roüen des héritages dont une partie étoit située dans la Vicomté de Roüen, et l’autre dans celle du Ponteaudemer, ledit lévrier s’étoit rendu adjudicataire du tout, mais la retrayante vouloit retirer seulement ce qui étoit situé dans la Vicomté du Ponteaudemer, et son action avoit été formée aprés l’an et jour de l’adjudication, le Bailly. l’avoit reçûë au retrait : Sur l’appel de Février, Greard son Avocat remontroit que par l’Article IV. de la Coûtume le Bailly connoissoit des Lettres de mixtion lors que les héritages étoient situez en deux Vicomtez de son Bailliage, que par l’Article CCCCLVIII. les adjudications par decret ne sont point sujettes à lecture lors que le decret a été passé devant le Juge ordinaire dans le ressort duquel lhéritage étoit assis : on ne pouvoit douter que le Bailly. ne fût le Juge ordinaire puis que ce pouvoir luy étoit donné par la Coûtume, potestatem habebat à lege. Aubout pour Charlote le Telier pretendoit que le Bailly de Roüen n’étoit point Je Juge ordinaire au Ponteaudemer : Par Arrest du 9. d’Aoust 1664. au Rapport de Mr Labbé on cassa la Sentence, et sur laction en rétrait on mit les Parties hors de Cour, conformémecturer, Reglement de 1610. Ainsi la Cour a jugé la question generale, qu’une adjudication faite devant le Bailly d’héritages situez en deux Vicomtez differentes, mais qui étoient dans fon Bailliage, étoient reputées faites devant le Juge ordinaire, sans avoir égard à la distinction. deGodefroy , qui estimoit que le Reglement de 1610. ne devoit avoir lieu que pour les Hautes-Justices.


CCCCLX.

Conditions retenuës par le vendeur seront inserées au Contrat.

Toutes conditions retenuës par les vendeurs doivent être inserées dans les Contrats de vendition et publiées, autrement on n’y aura aucun égard, et ne seront les clamans tenus les accomplir.

La disposition de cet Article est fort juste, autrement il eût été tres-aisé d’éluder le retrait par des pactions secretes : elles peuvent neanmoins valoir entre le vendeur et fache-teur, mais si le retrayant étoit aussi heritier du vendeur pourroit-il se servir de cet Article pour s’exempter d’executer les pactions faites avec celuy dont il est heritier ; Godefroy est d’avis qu’il ne le pourroit.

En effet il n’est pas juste qu’un lignager soit recû à une clameur contre le fait de celuy dont il est heritier, et le 7. de Fevrier 1é73. l’on traita cette question en l’Audience de la Grand. Chambre, si l’heritier d’un lignager qui avoit renoncé à son droit de retrait pouvoit retirer de son chef ; Deux personnes avoient fait une échange, mais un des permutans ayant racheté dans l’an et jour l’héritage qu’il avoit baillé en contr’échange, cela avoit donné ouverture au droit de retrait. Sur l’action qui en fut formée, il se fit une transaction, par laquelle le rettayant renonça à son action moyennant une somme d’argent ; aprés la mort de ce lignager, son petit-fils et son heritier forma une nouvelle action, on luy opposa le fait de son ayeul lonr il étoit heritier, et que par consequent il profiroit de la transaction : Il répondoit qu’il ne venoit point à ce rettait jure successionis, sed jure sanguinis & agnationis, et que contre ce Titre, la fin de non recevoit ne pouvoit operer : Par l’Arrest le rettayant fut debouté de son action, Plaidans de Meharenc et de Prepetit : S’il avoit intenté son action du vivant de son ayeul il n’y avoit rien à dire, mais venant aprés le decez de celuy qui avoit traité moyennant de l’argent et dont il étoit heritier, il n’étoit pas recevable à sa demande.


CCCCLXI.

Contras d’échange quand est clamable.

En permutation de choses immeubles il n’y a point de clameur : toutesfois si l’un des compermutans ou personne interposée pour luy rachete l’échange qu’il a baillé dans l’an et jour, ou bien s’il est approuvé qu’il fût ainsi convenu entre les Parties lors de ladite compermutation, il y a ouverture de clameur dans les trente ans.

Le retrait lignager n’étant introduit que pour remettre dans la famille l’héritage que l’on en faisoit sortir par une vente, et cette raison ne se rencontrant point dans la permutation par la subrogation qui se fait d’un héritage à l’autre, c’est avec justice que le retrait n’a point été reçû pour les Contrats d’échange : mais cela ne doit avoir lieu que pour les véritables échanges, et non pour celles qui sont simulées et frauduleuses. La fraude se presume lors que les permutans ou l’un d’eux demeurent en possession des choses échangées, mais n’étant point privez pour toûjours de la faculté de les aliener, on a demandé par quel temps chaque permutant devoit conserver son échange pour éviter le soupçon de fraude : Bartole sur la l. Post contractum, D. de don. limitoit ce temps à un an : cet Article prescrit le même temps, et plusieurs sopûtumes disposent comme la nôtre que le Contrat d’échange est retrayable lors que l’un des permutans rachete lhéritage dans l’an et jour : Mais l’on a fait cette question, bi la permutation d’un immeuble contre une chose mobiliaire donneroit ouverture au retrait : Nôtre Coûtume a prevenu cette difficulté, en n’excluant le retrait qu’en permutation de choses immeubles.

Il est certain que ces permutations n’ont le plus souvent d’autre fin que d’exclure les lignagers du retrait, mais pour les faire juger frauduleuses ce n’est pas assez de faire demeures pour constant que les contractans ont eu cette intention ; car encore que les permutans n’ayent pas eu le dessein de faire une échange, et qu’au contraire dans leurs premieres propositions ls n’eussent parlé que de vendre, et que depuis changeant de pensée dans la seule vûë d’explure l’action en retrait ils ayent fait une échange, pourvû que le Contrat ne soit point simulé et que l’échange subsiste les lignagers ne peuvent accuser les contractans de fraude. M. Tiraqueau, in praf. Ad Tit. de ret. gent. n. 79. et sequent. en propose cet exemple. Titius oiffiit à Moe : ius de luy vendre un héritage qui étoit sort à sa bien-se nce, Mevius luy fit iéponse qu’il n’avoit point d’argent, mais qu’il avoit une autre terre de valeur pareille à la sienne et qu’il luy bailleroit par échange, et si elle ne luy étoit pas commode ou qu’elle ne luy plût pas, qu’il sçavoit un marchand pour en traiter avec luy et qui luy en payeroit le prix qu’il la vousoit vendre : et sur ce que Titius repliqua à Mevius qu’il vendit luy-même sa terte, Mevius de refusa, parce qu’il craignoit qu’en achetaut la terre de Titius elle ne luy fût retirée par les lignagers de Titius, et que s’ils traitoient par vente il n’auroit plus sa terre, et il seroit depossedé de celle qu’il auroit acquise de Titius : Ils conviennent donc de faire une échange. pour empescher le retrait, et dans le même temps Mevius fit presenter une personne qui acheta de Titius la terre qu’il avoit euë en contr’échange par le même prix qu’il la vouloit vendre à Movius ; les lignagers de Titius soûtinrent que cette permutation étant faite en fraude de leur droit il y avoit ouverture à l’action en rétrait. Mr Tiraqueau resout là-dessus qu’il n’y avoit rien qui fût contraire à la Coûtume, que Mevius avoit eu raison de prendre sa seureté pour n’être pas dépossedé de ce qu’il auroit eu par achapt, et de sa terre qu’il auroit venduë ; qu’il n’auroit pas vendu si en même temps il ne s’étoit asseuré d’une autre terre pour mettre en la place ; qu’il étoit vray que son intention n’étoit pas d’exclure les lignagers, mais qu’il ne s’étoit servi qué d’un moyen approuvé par la Loy. Cette question fut décidée en plus forts termes en la Chambre de l’Edit entre Mr de la Ferté Maître des Requêtes, et Jacques le Seigneur Ecuyer sieur de Botot ; Mr de la Ferté avoit promis par écrit à ton permutant de luy faire trouver un acheteur pour prendre la terre qu’il luy bailleroit en contr’échange ; il fut jugé que cette paction ne donnoit point ouverture au retrait.

Par Atrest du mois d’Aoust 1636. au Rapport de Mr le Brun, entre Garin sieur de Sermonville, demandeur en Lettres de Requête Civile, et le sieur de Vieuxpont, demandeur pour retiter la Terre de Sermonville dont le sieur Garin avoit eu le Fief par échange et baille en contr’échange une rente fonciere, et trois jours aprés il avoit acheté le Domaine non-fieffés et pour moyen de fraude, on ajoûtoit encore que trois jours aprés la rente avoit été rachetée par le sieur Garin sous le nom d’une personne interessée : La Cour ayant égard aux Let-tres de Requête Civile, remit les Parties en tel état qu’elles étoient avant un Arrest d’Audience qui avoit jugé à bonne cause l’action en rettait Par Arrest du Parlement de Paris, au Rapport de Mr de Catinal, pour la Terre de Bresse dont Me de Joüé Maître des Comptes avoit pris le Fief mouvant du Roy par échange contre une piece de Pré, et un mois aprés avoit acheté le Domaine non-fieffé suivant la promesse qu’il en avoit baillée lors de l’échange, et depuis fourny un acheteur du contr’échange auquel il avoit baillé les deniers en rente, et neanmoins le beaufrere du vendeur fut debouté de son se action en retrait, parce que l’échange étoit véritable et sans fraude n’étant point rentré en ossession de son contr’échange, étant permis d’acheter une partie d’une Terre et d’échanger de surplus, pourvû que le tout se fasse sans simulation, licet obliqué, sed non simulatè contrahere.

On a fait cette question, si la permutation d’un immeuble contre une chose mobiliaire donneroit ouverture au retrait : La Coûtume a prevenu cette difficulté, en n’excluant le retrait qu’en permutation de choses immeubles.


CCCCLXII.

Héritage baillé à rente rachetable est clamable.

L’héritage baillé à rente rachétable en tout ou partie, est sujet à retrait dans l’an et jour en remboursant le principal de ladite rente et arrerages à celuy à qui elle est dûé, ou à son refus icelle consignant : et n’est reçû le clamant a faire la rente, si ce n’est du consentement du vendeur.

Par l’Article 145. de la Coûtume de Paris, en échange s’il y a soute excedante lavaleur de la moitié, l’héritage est retrayable pour portion de la soute ; mais si la soute elt moindre que ladite moitié, il n’y a lieu au retrait. Ricard sur cet Article asseure que cette opinion a prevalu qu’en échange de rentes constituées contre un héritage, le retrait n’est point reçû : La disposition de cet Article est plus juste, parce que les rentes rachetables à toûjours ont leur estimation certaine, et font dans le commerce fonction de deniers : aussi l’Article 137. de la même Coûtume est conforme au nôtre, et l’héritage baillé à rente rachétable est sujet à etrait, et suivant cet Article le retrayant doit rembourser celuy à qui la rente est dûe, ou en consigner le sort principal et les arrerages dans les vingt-quatre heures : de même si l’acquereur s’est chargé d’acquiter le vendeur de rentes qu’il devoit, le retrayant est tenu de Fresne les consigner : Du Freine et Ricard ont cité des Arrests qui l’ont jugé de la sorte.


CCCCLXIII.

Bois de haute-fûtaye quand est clamable.

Bois. de haute-fûtaye est sujet à retrait, encore qu’il ait été vendu à la charge d’être coupé, pourvû qu’il soit sur le pied lors de la clameur signifiée, et à la charge du Contrat.

Le retrait pour les bois de haute-fûtaye n’est presque point reçû ailleurs qu’en Normandie : en effet, pourquoy donner le retrait pour une chose qu’il faut couper et enlever pour être consumée : Puis donc que le bois ne peut plus rester sur le lieu pour y servir de decoratlons Moulin c’est trop étendre le rettait que d’y rendre sujets les bois de haute-fûtaye : Aussi du Moullns de feud. 8. 53. 7l. 2. n. 7. n’a pas été de ce sentiment, et le Parlement de Pans ne reçoit point ces actions ;Robert , rer. judic. l. 3. c. 9. M d’Argentré , Art. 60. nota. 3. n. 2. dit aussi que quand les bois sont vendus separément du fonds et sans dessein de frauder le droit du Seigneur il n’en est point dû de lots et ventes, mais en Normandie l’on permet le rettait lignager à deux fins ; la premiere, pour remettre et pour conserver les héritages dans les familles ; et la seconde, afin que le lignager profite plûtost qu’un étranger du bon marché qui y a été fait pluit Empescher le retrait ou la saisie par les cteanciers, ceux qui achetent des bois de hautefûtuye ne manquent pas à les faire abbatre promptement : Sur quoy on a fait naître ces que-stions, si le creancier pouvoit arrêter le bois qui étoit vendu ; mals qui n’étoit pas encore abbatu ; Par Arrest du premier Aoust 1668. en la Grand-Chambre, au Rapport de M’Busquet, entre les sieurs Guerout et Fermanel, il fut jugé qu’un debiteur ayant vendu le bois qui étoit sur sa terre, le créancier he pouvoit l’arrêter par une simple saisie, et qu’il falloir y venir par la saisie réelle, et il fut dit à tort le haro fait par le sieur Gutrout, et permis au sieur Fermanel de continuer l’abbatement du bois.

Quand le bois est coupé et abbatu on a fait aussi cette autre difficulté, si cela suffit pour exclure la saisie que les creanciers voudroient faire de ce bois abbatu, où s’il est encore necessaire qu’il soit enlevé hors de dessus le lieu ; Là Cause en fut plaidée entre Mr Toûtain Procureur General en la Cour des Aydes, et Me Philippes Barbé Curé d’Heberville, et Michel Pesquet : on avoit jugé à bonne cause la saisie requise par ledit sieur Toûtain sur le bois abbatu, mais qui étoit encore sur la place. De l’Epiney pour l’acheteur Appellant, disoit que suivant cet Article le bois de haute-fûtaye cessoit d’être immeuble dés le moment qu’il étoit coupé, d’où l’on peut induire que le bois de haute-fûtaye n’est retrayable que quand il est vendu et qu’il est encore sur le pied lors du retrait signifié, et par l’Article CCCCCCVI. n’est reputé meuble s’il n’est coupé, de sorte que quand il est abbatu il n’est plus immeuble : or s’il n’étoit qu’un meuble il n’avoit point de suite par hypotheque ; au contraire il fut mainenu par le Telier pour Mr Toûtain que ce n’étoit pas assez que le bois fust coupé, il falloit qu’il fust enlevé, autrement il étoit reputé faire encore partie du fonds lors qu’il étoit encore tisant sur iceluy. On faciliteroit le moyen de tromper les créanciers : un debiteur insolvable dont la meilleure partie du bien consisteroit en bois de haute-fûtaye pourroit le vendre, et facheteur le faire couper si promptement que les creanciers ne pourroient en avoir connoissance : Cette Cause fut appointée au Conseil, et depuis par Arrest du 11. de Mars 1671. la sentence fut confirmée ; mais on ajoûta par l’Arrest que les bois saisis seroient proclamez et vendus sur l’offre faite de cinq cens livres par ledit sieur Toûtain, et que Barbé seroit payé sur le prix qui en proviendroit de quatre-vingts dix-sept livres qu’il avoit avancez, ensemble des frais de labbatement. On avoit donné auparavant un autre Arrest pareil en Novembre 1666. au Rapport de Mr Guerout ; entre Me Jean Baudoüin Huissier en l’Amirauté de S. Valery appellant de Sentence donnée aux Requêtes du Palais ; et Jacques Maché adjudicataire d’un bois de haute. fûtaye appartenant à Nicolas Estienne dont ledit Baudouln étoit creancier ; une partie du bois avoit été enlevé, le surplus qui étoit abbatu étoit resté sur le lieu, Baudoiin l’ayant saisi on en donna main-levée : Sur l’appel en reformant la Sentence il fut dit à bonne cause la saisie, sauf le recours de l’adjudicataire contre Estienne son vendeurMr Josias Berault a rapporté sur cet Article un Arrest par lequel il a été jugé que la seconde rente du bois de haute-fûtaye n’étoit point sujette à retrait, entre Antoine de la Haye, et Georges Theroude. L’on donna un pareil Arrest le 7. Mars 1622. mais on n’avoit point encore decidé s’il en étoit dû Treizième, cela fut jugé par un Arrest que j’ay rapporté sur l’Article CLXXIII.

Ce même Auteur a remarqué un Arrest qui a reglé le temps, aprés lequel un bois doit être reputé de haute-fûtaye : VoyezMornac , ad l. grandes arbores, D. de usufr. et suivant nos usages, les bois qui sont au dessus de quarante ans sont retrayables et sujets aux droits des Treizième. Si le bois a été abbatu par le proprletaire, quoy que depuis il le fasse user et manouvrer pour le vendre, le Treizième n’en est point dû, parce qu’alors il n’est plus qu’un meuble, et que suivant cet Article il n’est plus retrayable quand il est abbatu : Arrest du 18. de Juin 167 et. entre Messire Jean de Vassi pour lequel je plaidois, et Me Gabriel Lozier, Prêtre, plaidant par Freville ; La Sentence fut confirmée, elle déchargeoit le proprietaire du payement du Treizième.


CCCCLXIV.

Contrat d’échange quand est clamable.

Tout Contrats d’échange où il y a solde de deniers, quelque petite qu’elle soit, est clamable pour le regard de la terre contre laquelle a été baillé argent.

Par l’Article 145. de la Coûtume de Paris, il faut que la soute excede la valeur de la moitié de lhéritage, et le retrait n’y est admis que pour portion de la soute, mais si la soute est moindre que la moitié il n’y a point d’ouverture au retrait.

Nôtre Coûtume au contraire admet le retrait quelque petite que soit la soute : Nous tenons a même chose pour les Contrats de fieffe, comme je lay remarqué sur l’Art. CCCCLII Par Arrest du 14. de May 1661. il fut jugé en la Grand. Chambre entre Galery et Beaussart qu’un retrayant étoit tenu de rendre au défendeur en retrait la valeur de l’héritage baillé avec de l’argent pour prix de l’acquest, quoy que le retrayant offrit de faire rendre le prix des mmeubles baillez pour partie du prix ; et dautant que par le Contrat ils n’étoient point estimez, il fut dit que ce seroit à dûë estimation.


CCCCLXV.

Confiscation du prix en cas de dénegation.

Si l’acheteur denie qu’il y ait eu achat, et qu’il foit trouvé par aprés du contraire, le prix du Contrat est confisqué au Roy, et l’heritage demeure au clamant, et le Treiziéme au Seigneur duquel il tient : et pourra le clamant faire purger par serment tant l’acheteur que le vendeur, sur la forme et prix du Contrat.

Suivant cet Article le demandeur en retrait peut faire purger par serment l’acheteur et le vendeur ; ce n’est pas que la deposition feule du vendeur puisse nuire à l’acheteur, car il est reprochable alléguant fa turpitude, elle sert seulement d’instruction, et elle donne ouverture à recevoir le retrayant à la preuve de ses faits de fraude, comme il fut jugé par l’Arrest remarqué parBerault . Au procez entre le sieur de Lisle et le sieur Bigot pour un Contrat d’échange que l’on pretendoit frauduleux : le sieur de Lisle retrayant avoit fait ouir de Guillebert, sieur de Montaigu, l’un des permutans, comme témoin sur la preuve de fraude qu’il avoit entreprise sur les reproches proposées contre le sieur de Montaigu, par Arrest du 19.

May 1618. en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Malet, il fut jugé qu’il ne pou voit être ouy comme témoin, ny pour en tirer preuve. Cet Arrest permet bien de faire ouit le vendeur et l’acheteur, afin que si leur deposition étoit conforme on pût en tirer quelque lumiere : on ordonna que la deposition du sieur de Montaigu seroit lûë, et legendo quanta fides adhibenda, quamque sit verisimiliter videbitur, le S. 12. du titre des Retraits, de la Coûtume de Chassanée Bourgogne, est conforme à cet Article : Voyez Chassanée sur cet Article, in verb. ou le serment des contractans, et au même endroit n. 9. si venditor fraudem esse juraverit contra emptorem, tunc venditor reprobari potest, et si non reprobetur facit semiplenam probationem.

Cette question si le vendeur est un témoin idoine et digne de foy, lors qu’il y a contestation entre le retrayant et l’acheteur a été resolué differemment par les Docteurs : Alexandre en son Conseil 197. 1. 7. estime que le vendeur est un témoin idoine, et qu’il n’est point retrochable, quoy qu’il allégue en quelque sorte sa turpitude lors qu’il témoigne le contraire de ce qu’il a signé, parce qu’il ne luy en revient aucune utilité, et que parlant de son fait, il faut luy ajoûter foy : Tiraqueau a combatu son opinion par cette consideration, que le vendeur ne peut être censé une personne desinteressée, puis qu’il doit prendre interest que l’héritage demeure en la famille : La Coûtume permettant de faire oüir le vendeur, l’on ne peut pas foûte-nir qu’il soit absolument reprochable, autrement il seroit inutile de le faire entendre, mais l’on y doit ajoûter plus ou moins de foy selon les circonstances particulieres du fait : car si le vendeur confesse et reconnoit la fraude et la simulation du Contrat, et que d’ailleurs il y en ait déja des preuves et des conjectures violentes, la confession du vendeur sera de grand poids si au contraire il confirme le Contrat, on ne doit pas admettre de preuves pour le détruire sans des faits et des presomptions fortes, I. Dolum in verbo judicii, C. de Dol. malo :. Quibus autem conjecturis id fiat reperies apudBartol . et alios ad I. Post contractum. D. de Donat.

Comme le retrayant peut faire entendre l’acquereur sur la forme du Contrat et sur la verité du prix, l’acquereur peut aussi reciproquement faire oüir le retrayant si le retrait est pour tourner à son profit et s’il ne prête point son nom : Il y en a une disposition expresse en la Coûtume de Poitou, titre des Rettaits ; Article 5. et nonobstant le serment du retrayant, si l’acquereur découvre la fraude, il sera recevable à la prouver : Suivant les Coûtume d’Anjou, du Mans et de Touraine, la fraude demeure constante lors que dans l’an et jour le retrayant revend l’héritage à un autre ; mais le retrait n’étant pas introduit seulement pour conserver l’héritage dans la famille, mais aussi afin que les lignagers puissent en tirer quelque profit, la revente faite dans l’an et jour à un autre qu’à l’acheteur, ne feroit pas une preuve de fraude en Normandie. Et si post decisam jurejurando controversiam nulla de perjurio questio esse solet, si tamen ex novis instrumentis evidens perjurium impromptu approbetur boni, judicis officio congruit ne ex tam improbo delicto impium sibi lucrum quarere victor possit, l. ult. C. de reb. cred. et jurejur.

Voyez le PresidentFabri , cod. Fabr. l. 4. t. 1. defin. 2.


CCCCLXVI.

Gage dénié emporte confiscation du prix.

Le crediteur qui contre verité denie ou méconnoît le gage, confisque auRoy les deniers qu’il a prêtez sur iceluy, et le gage doit être rendu à celuy qui l’a baillé.

CCCCLXVII.

Transaction quand est clamable.

Le Contrat de Transaction n’est clamable, si le tenant n’est dépossedé de l’héritage contentieux par la Transaction, combien qu’il ait baillé argent ; si autres choses ne sont baillées au possesseur dont il n’étoit joüissant lors de la Transaction.

La Coûtume d’Anjou, Art. 360. est conforme à la nôtre, et la pluspart des Docteurs ont fait la distinction portée par cet Article : Ce qui est imité de la Loy Si pro fundo, c. de transact. où le Défendeur qui demeure par la transaction paisible possesseur du fonds pour lequel étoit le procez ne peut rien pretendre, quoy que par aprés il souffre l’eviction de ce fonds, ce qui peut recevoir de la difficulté lors que le possesseur baille de l’argent ; car le demandeur reçoit de l’argent pour vendre le droit qu’il avoit à la chose, et le possesseur commence à posseder en partie pro emptore, et suivant la Loy 1. D. pro empto pessessor qui litis astimationem obrulit pro emptore incipit possidere : Et par la Loy Litis du même Titre, litis estimatio similis emptioni, et c’est le sentiment de Tiraqueau que le Contrat de transaction est retrayable lors qu’il y a eu de l’argent baillé ; mais quoy que la cession de droits litigieux soit une espèce de vente, cela ne suffit pas pour donner lieu au retrait lors que le possesseur reste en possession de la chose contentieuse, le demandeur ne cedant qu’une simple pretention sur un fonds dont il n’étoit point en possession fes parens ne peuvent pas alléguer qu’il ait fait une réelle alienation d’un fonds qui fût dans la famille.

Jean Chigovesnel s’étant absenté, deux ans aprés un de ses créanciers le fit appeller à baon et contumacer ses heritiers en general : sur la saisie réelle qu’il fit de ses héritages, et lors qu’on étoit prest de proceder à l’adjudication, Marguerite Chigovesnel, soeur de cet absent pposa et demanda distraction du tiers pour sa legitime, ce qui luy fut accordé, et en suite elle fit offre au decretant de le rembourser de sa dette et de ses frais : pour y parvenir elle emprunta de l’argent de Jean de l’Espinose, Ecuyer sieur des Obeaux, auquel elle vendit depuis es mêmes héritages, et le prix en fut entieèrement employé à l’acquit des dettes du frere Jean Chigovesnel étant de retour ratifia ce que Marguerite Chigovesnel avoit fait, moyennant quarante livres qui luy furent donnez par le sieur de l’Espinose : Jeanne Chigovesnel clama ce Contrat, et le Vicomte de Bayeux l’ayant reçûë à son action, le Bailly en reformant la Sentence n’admit le retrait que pour les deux tiers : Sur l’appel en plaidant pour le sieur de l’Espinose je me fondois sur cet Article, suivant lequel le Contrat de transaction n’est point retrayable si le tenant n’est depossedé de l’héritage contentieux par la transaction, bien qu’il ait baillé de l’argent, que le sieur de l’Espinose n’avoit point été dépossedé, nec ullum dominium transilatum, nec novum jus, nec novus titulus adquisitus, sed sola liberatio controversiae ;Molin , de feud. 6. 33. n. 67. les lignagers ne pouvoient alléguer de fraude, le sieur de l’Espinose ayant fait lire son Contrat et possedé en consequence par dix années.Chopin , sur la Coûtume d’Anjou, dit qu’il y auroit fraude si l’argent que le possesseur payeroit par la transaction égaloit la valeur de la chose, quia litis estimatio pro emptione habetur, l. Litis, D. pro empto. l. Ejus rei, D. de rei vend. l. Sed et si, S. Si lis de publ. act. ce qui n’étoit pas en cette Cause, le sieur de l’Espinose ayant seulement payé quarante livres, et sur ce que la retrayante objectoit que le Contrat étoit nul, parce que la soeur qui avoit vendu n’avoit tien à da chose : Je répondois qu’en droit emptio rei aliena valet, l. 15. de usurp. et usucap : Il est vray que le Contrat ne peut avoit son execution au prejudice du proprietaire, mais lors qu’il remet son interest et qu’il ratifie le Contrat il a son effet, prout ex runc, non prout ex nunc, la ratification a un effet retroactit, novellâ nostri constitutione generaliter omnis ratihibitio retrotrahitur, l. alt. C. Ad Senat. Consult. Maced. Et en la l. Donationes, C. de donat. inter vir. & uxor. ratihibitiones rerum gestarum aeetrotrahuntur ad illa tempora, in quibus contracta sunt : la raison est que ratihibitio mandaro aequiparatur, et valet tanquam preambulum mandatum ; et la l. 5. 8. 1. de pignor. con-ient une espèce pareille, si nesciente Domino res ejus hypoihocae data sit, et postea ratum abuerit, dicendum est ex eo, quod postea ratum habuit, voluisse retro currere ratihibitionem ad ea tempora de quibus convenit ; le droit du sieur de l’Espinose étoit si favorable, que si le frere avoit lemandé la resolution du Contrat il seroit déchu de son action, sa seut ayant traité utilement pour luy, ayant fait casser le decret par cette vente, ce qui auroit consumé le bien en frais or pour avoir ménagé si avantageusement le bien de son frere, elle ne doit pas succomber en des interesaes d’éviction : si affectione ductus ne bona mea distraherentur te rebus meis obtulisti, aequissimum est te solum de dolo teneri, l. 3. 8. 9. de neg. gest. Le Telier pour l’Intimé répondoi que le Contrat fait avec le frere étoit le véritable Titre de l’Appellant, n’ayant pû acquerir aucune Seigneurie en vertu de celuy qu’il avoit fait avec la seur, et l’on ne pouvoit le con siderer comme une ratification, parce que la sour n’avoit eu aucun pouvoir de son frere pour traiter avec l’Appellant : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 28. de Février 1657. on confirma la Sentence, et faisant droit sur l’appel incident de l’Intimée de la Sentence du Bailly qui ne recevoit le retrait que pour les deux tiers elle fut cassée, et celle du Vicomte confirmée.


CCCCLXVIII.

Ordre pour le retrait entre les lignagers.

Les parens sont reçûs à retirer les heritages vendus, selon qu’ils sont plus prochains du vendeur.

Il est raisonnable que le plus proche parent ait la preference sur celuy qui est plus éloigné, lors que l’héritage a été acquis par un étranger ; mais il semble que quand l’héritage est acquis par un parent ce Contrat ne doit point être retrayable, dautant que le retrait lignager n’étant que jus conservatorium et non acquisitorium, il suffit que l’héritage vendu ne soit point mis hors de la famille ; neanmoins puis que l’action en retrait se regle comme les successions qui sont toûjours déferées aux plus proches parens, soit que l’acquereur soit parent ou non et lignager le plus proche peut user de rettait ; on a jugé néanmoins le contraire au Parlement de Paris par Arrest du 18. de Février 1656. en la Coûtume de Poitou qui contient une disposition pareille à cet Article, et l’on tint que lors qu’il y a concurrence entre plusieurs dignagers demandeurs en rétrait pour sçavoir à qui l’héritage demeureroit lors que la Coûtume ne dit rien de contraire en une matiere odieuse il ne la falloit pas étendre au delâ de ses termes, et que quand l’acquereur n’étoit point une personne étrangere de la famille il ne devoit pas être depossedé par une action de cette qualité.

Nos Maximes sont contraires, et parmy nous l’action en rettait n’est pas seulement pour conserver, mais aussi pour profiter, étant permis au lignager de retirer pour revendre avec rofit ; et ainsi le plus proche parent ne peut être privé de ce benefice ; que si l’acheteur se trouvoit être le plus proche parent, il auroit droit de retention et de prelation.

En consequence de cet Article qui admet au retrait les parens, selon qu’ils sont plus prochains du vendeur, cette question s’offiit en l’Audience de la Grand. Chambre le 23. Janvier 1680. entre une mere et un fils touchant la preference d’un retrait lignager, le fait étoit singulier : Demoiselle Anne Suhaid, femme de du Fayel Ecuyer sieur de Blé, avoit été accusée d’adultere par son mary en l’année 1652. et par une Transaction qui fut faite à la priere et à. la sollicitation de sa mêre et de tous ses parens elle fut privée de ses dot et doüaire, et confinée dans un Monastere pour y passer le reste de ses jours : aprés avoir demeuré ving tcinq ans dans ce Monastere elle presenta Requête à la Cour pour être renvoyée en la posses-tion de son bien, et incidamment elle obtint des Lettres de récision contre la Transaction ; mais avant que l’on eût fait droit sur cette Requête il arriva que la Terre d’Anferville qui avoit appartenu à son frere fut saisie réellement et ajugée à vil prix, ce qui fut cause que plusieurs personnes firent dessein de s’en rendre maîtres, et pour cet effet on eut recours à plu-si eurs parens ; la Demoiselle de Blé préta son nom à un particulier et intenta action en rétrait Iignager : le fils du sieur de Blé et d’elle se presenta aussi pour la retirer, et sar la preference la Cause ayant été portée en l’Audience, Berteaume conclud pour ladite Dame de Blé qu’elle de voit être renvoyée en la possession de son bien, et qu’en ce faisant elle étoit pieferable à son fils pour le retrait de cette Terre d’Anferville : Elle difoit pour sa justification que la Transaction n’étoit point signée d’elle, qu’elle n’avoit été accusée que par le caprice et la jalousie de son mary, qu’il favoit opprimée par sa violence, qu’elle ne s’étoit mise dans ce Convent que par le chagrin de voir incessamment devant ses yeux les débauches de son mary, qu’aprés tout le temps avoit expié son crime, que les plus grands se prescrivoient par vingt ans, qu’il n’y avoit point eu d’Arrest qui l’eûr condamnée, qu’il falloir necessaitement qu’il fût intervenu un Jugement, autrement les lnformations étoient prescrites ; et à l’égard de la preference pour le rettait elle ajoûtoit que pour être confinée dans un Monditere elle n’étoit pas motte civilement, qu’il falloit un Arrest pour luy arracher les droits du sang, qu’un adultere supposé ne luy ôtoit point un droit qu’elle tenoit de la nature, que son fils ne le pouvoit pretendre que par elle, qu’il en étoit bien plus indigne en faisant un si honteux reproche à sa mere, qu’elle ne le seroit elle-même quand elle seroit coupable des cri-mes dont on l’accusoit. Thibouville pour le sieur de Blé répondoit sur la premiere question, qu’encore que la Transaction ne fût point signée de la Dame de Blé c’étoit un jugement di famille qui avoit la même force qu’un jugement public, qu’il ne seroit pas juste que la douceur de ce jugement, ou plûtost cette indulgence du mary, la mit en droit de redemander sa dot et son doüaire, parce que le mary n’avoit pas voulu publier un crime qui rejallissoit sur luy, qu’elle étoit entièrement convaincuë par les Informations, que c’étoit un châtiment inseparable de son crime qu’elle n’avoit pas pû prescrite puis qu’elle avoit suby la peine et executé la Transaction pendant vingr. cinq ans. Basnage le jeune pour le fils répondoit sur le retrait qu’il ne venoit point faire de reproches à sa mere, mais qu’étant venuë elle-même. faire éclater son crime elle ne devoit pas trouver mauvais qu’il s’opposat au dessein qu’elle avoit de faire sortit de sa famille une Terre si considerable, qu’il n’avoit point été besoin d’un jugement public, que celuy de la famille étoit souverain dans ce cas, que l’adultere étant un crime domestique la Loy laissoit à la parenté une autorité absolué pour le punir, un mary qui surprend sa femme dans le crime peut se fatisfaire luy-même, son pardon en est écrit dans la Loy indulgetur justo dolori, la raison est que la Loy ménage la pudeur des hommes, elle ne veut pas les couvrir de honte et de confusion en les obligeant à faire éclater un crime qui fait plus de honte à la famille qu’à la femme accusée qui n’en a plus aprés son adultere ; que c’étoit pour épargner l’affront d’une famille qui se puniroit elle-même s’il falloir un jugement public, qu’ainsi étant confinée par un Arrest domestique pour le reste de ses jours elle étoit morte civilement. Les Romains imposoient aux coupables une peine qu’ils appelloient deportationem in insulam, ceux qui en étoient punis perdoient le droit de cité, perdoient le droit de succeder, et si quid eis legaretur tamquam pbna legatum censebatur, que la relegation perpétuelle dans un Convent étoit la même chose que la peine de la deportation, qui operoit lune exclusion des droits du sang ; que c’étoit une prison perpetuelle que l’on devoit mefffe dans le même rang que la mort ; que c’étoit un membre rétranché de l’état, qu’elle n’avoit plus de part aux actions civiles, que toutes les siennes étoient mottes, et que sa propre vie même aprés la pette de sa liberté faisoit une partie de son supplice, qu’étant confinée pour toute sa vie elle étoit au nombre des coupables ; et étant devenuë esclave de la peine elle n’avoit plus de part à ce qui se passoit dans le monde ; il est vray que jura sanguinis nullo jure perimuntur, mais le crime pouvoit bien ôter les effets civils, parce que la Loy ne reconnoit point les coupables ; qu’au reste si une petite formalité négligée pouvoit ôter le droit de elaneur, la pureté des moeurs et du sang étoit bien plus necessaire que ces formes serupuleuses qui y sont établies, et que si dans les clameurs on suivoit toûjouts les traces du sang, celuy de la Dame de Blé étoit trop cotrompu pour reconnoître ses tfaces. et luy en accorder les privileges : Enfin que si le but des clameurs étoit de conserver les Terres dans les familles, ut res remaneat in familiâ, ce n’étoit point celuy de la Dame de Blé puis qu’elle preferoit on étranger à son propre sang, qu’ainsi dans l’interest sensible que le fils avoit de remettre cette Terre dans sa famille, son opposition aux desseins de la Dame sa mere n’avoit rien de condamnable et Par l’Arrest elle fut deboutée de sa Requête, la Transaction confirinée, et la clameur ajugée au fils.

Les biens d’un nommé le Grand étant saisis réellement, il fit production d’un Contrat contenant le tachat de la rente pour laquelle on avoit saisi ; ce Contrat fut declaré faux, et le Grand condamné aux Galeres et ses biens confisquez ; le decret fut cassé sur l’appel d’un créancier, mais ce poursuivant criées ayant fait une nouvelle saisie aprés sommation faite au Sei-neur confiscataire, on proceda à l’adjudication : un parent du Grand demanda à retirer les ficritages ; l’adjudicataire le soûtint non recevable disant que les retraits se reglent comme les successions : or le décreté ayant été confisqué, le decret n’avoit pas été fait sur luy, mais son le Seigneur confiscataire, ce qui excluoit les parens du confisqué : Par Arrest du 17. de May 657. les Parties sur la demande en rétrait furent envoyées hors de Cour, plaidans Broüat d et Coiespel.

Si un lignager ne peut être contraint de retirer que ce qui est de sa ligne, l’acquereur d’un Fief qui a acquis dans l’an et jour de la lecture des héritages mouvans de ce Fiefla, peute il obliger le lignager retrayant à prendre les retraits feodaux et les acquests qu’il a faits : L’acquereur allégue en sa faveur que les héritages sont reünis et incorporez au Fief, qui ne peut être rétité qu’en son integrité : le rétrayant qui entre en son droit eaet tenu de le rendre indemne, l. ltem veniunt 2o. D. petit. hered. Ea quae hereditatis causa parata sunt à posessore veniunt in petitionem hereditatis : Le retrayant répond à ce raisonnement que l’acquereur n’étant point proprietaire incommutable, il ne peut s’excuser de dol ou d’imprudence pour avoir fait ces retraits feodaux pour incommoder les lignagers, il n’a pû accroître le Fief sans en être asseuré ; un acquereur pourroit supposer des ventes fous des noms empruncez, dont le prix excederoit la valeur pour détourner les lignagers. Ils ne sont tenus de retirer que ce qui a été vendu, si le possesseur d’un fonds qu’il sçait bien ne luy appartenir point y fait de grands bâtimens, le proprietaire n’est pas obligé de les rembourser, l. In fundo ff. de rei vind. un acquereur n’a pas plus de droit qu’un usufruitier. Or par l’Article CCII. les héritages retirez par l’usufruitier sont reünis au Fief, et aprés l’usufruit finy, le proprietaire peut les retenir en remboursant les heritiers de l’ufufruitier du prix qu’il en a déboursé.

C’est une faculté et un avantage que la Coûtume donne au proprietaire, dont il peut se servir s’il le trouve à propos ; mais elle ne dit pas que les heritiers de l’usufruitier pourront forcen les propriétaires à les prendre, comme je l’ay remarqué sur cet Article 202. Ce qui me fait refoudre que le retrayant lignager n’est pas tenu de rembourser les retraits que le Seigneur seodal a faits dans l’an et jour du retrait.


CCCCLXIX.

Les paternels peuvent seulement retirer ce qui est du côté paternel, et les maternels ce qui est du côté maternel.

Il est fort juste que les lignagers soient obligez de retirer toutes les choses venduës qui procedent de leur ligne, car en ce cas le retrait lignager est individu aussi bien que le conven-tionnel ; et apparemment l’acquereur n’ayant contracté que dans l’espèrance d’avoir le tout, il n’étoit pas raisonnable de le deposseder en partie ; c’est la disposition de la Loy Cum ejusdem, et l. AEdil. aiunt, 5. ult. D. de Edil. D. si quelqu’un avoit acheté plusieurs esclaves par un même prix, et que du nombre d’iceux il s’en trouvast de mal-sains que le vendeur fût oblige de reprendre, l’acheteur ne pouvoit pas être forcé de garder les autres ;. l’acquereur souffriroit trop d’incommodité par le retrait lignager, s’il étoit contraint de l’accepter pour une partie, et de partager ou de demeurer en communauté avec les lignagers ; d’ailleurs, comme disent les Jurisconsultes, non est tanta estimatio rei in parte refpectu ipsius pautis, quanta in toto respectu totius, l. Si quis aliam. D. de solut.

Cependant comme le retrait lignager est un droit de famille qui ne peut avoir de lieu que pour ce qui procede de l’estoc et de la ligne du retrayant, lors que quelqu’un acquiert des heritages de diverses lignes, il est contraint de souffrir la division de son Contrat ; mais en ce cas l’on a demandé si pour ne s’exposer pas à cette incommodité, il peut sorcer le lignager à prendre toutes les choses venduës, ou si le lignager peut retirer seulement les choses ou il a droit de retrait ; Par la jurisprudence du Parlement de Paris, lors que l’acquereur veut delaisser le tout au demandeur en retrait, il est obligé de le prendre, quoy qu’il ne soit point de son estoc et ligne :Loüet , l. R. n. 25. les raisons sont que ce n’est qu’un seul Contrat qui ne se doit pas refoudre par parties, que l’acquereur ne peut être forcé de demeurer en communauté, et que le retrait étant odieux et contre la liberté de contracter, on ne doit le permettre qu’à condition que l’acquereur n’en souffre aucune perte et incommodité, indemnis discedere deber, 1. Debet in fine, D. de AEdil. Ed. La Coûtume d’Anjou, Article 368. a trouvé cela si équitable, qu’elle dispose que si le demandeur en retrait n’est du lignage en toutes lignes il peut demander pour retrait la chose yenduë, entant et pour autant qu’il y en a en sa ligne, on pour le tout si l’acquereur le veut reconnoître ; car il sera au choix de l’acquereur de luy reconnoître tout ledit Contrat, ou de retirer ce qui ne sera en la ligne du demandeur et li-gnager : il est contre l’équité qu’ayant acquis le parrimoine d’un même homme par un seul Contrat et par un même prix, on luy laisse ce que l’on croit incommode, et que l’on prenne le meilleur marché ; par la seule raison de la difference d’un bien paternel et maternel, on ne doit point s’arrêter à cette distinction quand l’acquereur veut bien remettre le tout, et que les parens de l’autre ligne abandonnent leur droit, l’exemple du rettait feodal ne fait point de consequence ; car l’acquereur auquel l’on a declaté que. les héritages étoient tenus de divers

Seigneurs, ne peut se plaindre quand un seigneur ne retient que ce qui est de sû mouvance, n’ayant pû ignorer le droit commun, mais ce seroit un étrange embartas à un acquereur à’il étoit obligé de sçavoir l’origine des biens qu’il achete et de quel estoc ils procedent.

La Coûtume en cet Article n’a point prévû cette difficulté, elle limite bien le droit du lignager à ce qui est de son estoc et de sa ligne, et les parens paternels, dit cet Article, peuveut seulement retirer ce qui est du côté paternel, et les materneli ce qui est du côté maternel L’Article 113. du Reglement de 1666. n’en dit pas davantage : Quand plusieurs héritages sont vendus par un même Contrat le lignager clamant doit retiter tous ceux ausquels il a droit de elameur. Cet Article du Reglement dans les termes où il est conçù n’étoit pas necessaire, et la Coûtume en disoit assez en ce lieu ; car en ne permettant au lignager de retirer que ce qui est de son côté et de sa ligne, on en peut aisément conclure qu’elle l’oblige à retiter toutes les choses comprises en la vente où il avoit droit de retrait. Aussi c’est un droit general par toute la France qu’un lignager retrayant doit retirer tout ce qui est de sa ligne : Il n’y a que deux Coûtumes qui soient contraires ; Chaulny, Article 112. et Bretagne, Article 294. de l’ancienne, et Article 308. et 309. de la nouvelle, qui n’obligent le retrayant à retiret héritage venant de sa ligne que pour autant qu’il a le moyen d’en rembourser à l’acquereur Et quoy que M’d’Argentré eût fort declamé contre ces Articles, et qu’il fit tous ses efforts pour les faire abroger, il ne pût en venit à bout.

Ce fut apparemment lintention de la Cour de decider par ledit Article 113. du Reglement de 1666. que le lignager n’étoit obligé de retirer que les choses pour lesquelles il avoit droit de retrait, parce que ce Reglement a été fait depuis l’Arrest qui avoit decidé la question generale, dont voicy l’espèce. Les Religieuses Ursulines d’Andely avoient acquis plusieurs he-ritages qui appartenoient à leur vendeur à cause de diverses lignes, Gazin avoit été reçû à retirer ce qui étoit de son estoc seulement, et les Religieuses avoient été condamnées de faire lots pour être choisis par Gazin : Sur lappel des Religieuses Barate leur Avocat representa, que hors le retrait feodal et celuy de lettre-lde le rerrait est individu, et cette distinction de lignes n’est point considérable à l’égard de Iacquereur, lequel indemnis abire debet, que cela avoit été jugé entre les sieurs de Civile, et que même dans la Coûtume de Caux un puisné n’est point recevable à retirer pour la part à laquelle il succederoit, parce que le droit de succeder ne fait rien pour les acquereurs. Theroude répondit que la condition devoit être égale, et puis que le retrayant ne pouvoit pas demander le tout il ne pouvoit être forcé de le prendre ; et contre cette objection que le puisné en Coux n’étoit point reçû à retirer pour sa parti I opposoit l’Arrest de Pernois rapporté par Berault sur l’Article CCCCLXXII. la Cause ayant été appointée au Conseil par Arrest du 20. de Juillet 1664. au Rapport de Mr du Houley, la Sentence fut confirmée. Sur cette même question le 14. d’Octobre 1627. les Juges se trouverent partis en opinions. L’Article 113. du Reglement de r666, auroit été plus precis s’il avoit été conçù en ces termes, que le lignager ne doit retirer que les héritares ausquels il à troit de retrait. Par l’Arrest des Chartreux que j’ay rapporté sur lArticle CCCCLII. le contraire a été jugé. Puis que nous avons étably cette distinction de biens paternels et matere nels on ne doit pas les faire passer d’une ligne à l’autre par cette feule raison qu’ils ont été achetez confusément ; et Bérault a fort bien dit sur l’Article CCCCLXXII. que quand le retrayant et ladjudicataire y consentiroient le Seigneur feodal pourroit reclamer ce qui seroit de sa mouvance : davantage un parent peut bien avoir dequoy retirer ce qui est de sa ligne, qu’il n’auroit pas les moyeus de rembourser un acquereur de tout le prix de son Contrats et souvent un acquereur ne feroit loffre de delaisser tout ce qu’il auroit acquis que par la connoissance qu’il auroit de l’impuissance du retrayant, et par cette voye l’on eluderoit le rettait lignager, et l’on peut faire à l’acquereur la même objection que l’on fait pour le Seigneur seoy lal, qu’il a pû prevoit qu’un homme pouvoit avoir plusieurs patrimoines, et que par conses quent son Contrat pourrolt être divisé par le retrait d’une partie de ce qu’il auroit acquis.

Il a été jugé au Rapport de Mr de Vigneral le 8. d’Aoust 1638. entre la Loupe et Huberti que lors qu’il y a plusieurs Contrats frauduleux le retrayant n’est point obligé de retirer le tout ; et bien que le retrayant ne puisse regulierement diviser le Contrat, neanmoins il n’est tenu de prendre le tout que quand l’acquereur a contracté de bonne foy, et non lofs qu’il contracte frauduleusement.

Pour la vente faite par un même Contrat de plusieurs choses differentes et par des prix separez, il semble que le retrait peut être fait d’une partie seulement, parce que ce sont plusieurs et diverses ventes, l. Cum ejusdem et l. 8i plura, D. de AEdil. Ed. Par exemple, si l’on vendoit une maison par cent écus et une terre par deux cens écus, la vente de ces choses étant faite distinctement et par des prix separez le retrayant a droit de ne retirer que ce qui luy plaist, et l’acquereur ne peut lempescher puis qu’il a bien voulo contracter de cette maniere, et en ce cas il ne peut pas obliger le retrayant à prendre le tout. EtTiraqueau , de ret. gent. 8. 23. gl. 1. n. 20. est de ce sentiment, et il passe encore plus avant, car il estime qu’encore que la vente soit faite au commencement par un seul prix, mais dont depuis on a fait une repartition par le môme Contrat ; comme par exemple, si l’on avoit acheté une terre et une maison par deux cens écus, et que l’on eût ajoûté, à sçavoir la maison deux cens livres, et la terre quatre cens livres, ce seroint dffferentes ventes, et que ce seroit aussi la même chose si l’on avoit d’abord mis un prix sur chaque chose, comme si l’on avoit vendu la maison deux cens livres, et la terre quatre cens livres, et que l’on eût dit par aprés, toutes lesdites sommes revenant à six cens livres que cela n’empescheroit pas que ce ne fussent deux ventes separées. Il est vray que cet Auteur vent que cela n’ait pas lieu en certains cas, et particulierement s’il étoit éontant que le vendeur et l’acheteur avoient eu dessein de vendre et d’acheter tout ensembles car en ce cas bien que l’on eût mis un prix separé sur chaque chose, cela ne seroit censé qu’une seule vente qui ne pourroit êtte rescindée en partie, l. Cum ejusdem, S. Interdum, D. de AEdil.

Ed. Mais, à mon avis, quoy que les prix ayent été separez et qu’en consequence ce soient n quelque manière de differentes ventes, néanmoins étant contenuës dans un même Contrat on les doit reputer une feule vente à l’égard du retrayant lors que l’acquereur veut l’o-bliger à prendre le tout, parce que l’on doit presumer que l’acquereur n’a contracté que pour le tout, et qu’il n’auroit pas voulu acheter une partie seblement des choses qui luy ont été renduës ; et il en est de même comme si l’on avoit acheté une terre sur le pied de cent livres l’arpent, le retrayant ne seroit pas recevable à retirer les meilleurs arpens et laisser les infertiles.

On a jugé au Parlement de Paris qu’une licitation faite entre copropriétaires ou coheritiers bien que de diverses lignes, l’action en réttait lignager de ce qui se trouve propre n’est point recevable, dautant que celuy des propriétaires qui se rend adjudicataire est reputé avoir changé sa part, son acquisition tient lieu de permutation et non point de vente. Les Jurisconsultes appellent ce remede de droit une consolidation necessaire, par le moyen de laquelle les particutiers sont obligez d’acheter ou de vendre contre leur gré : que si l’on pouvoit exercer le retrait lignager pour une portion ainsi venduë avec le tout, il faudroit dés le lendemain recommencer une licitation, et aprés cette licitation faite il y auroit tout de nouveau lieu au retrait, et ainsi on feroit un progrez qui iroit jusqu’à l’infiny. J’ay parlé de cette matiere sur l’Article EcecLII. CeccLxxv. et CeceLXXVI.

En explication de cet Article et pour sçavoir si un bien devoit être reputé paternel ou Godefroy maternel à l’effet du retrait lignager, un procez fut mû sur ce fait. Godettoy Potier avoit deux filles, Marguerite mariée à François Beuzelin, et Marie à Richard Graverel : De Beugelin et de Marguerite Potier naquit Jean Beuzelin qui épousa Marie Thirel, et de ce ma riage sortit Nicolas Beuxelin : De Graverel et de Marie Potier naquit François Graverel qui épousa Marie Guerin, et de François Mi Jacques Graverel Huissier en la Cour : Jean Beugelin avoit acquis quelques héritages qui furent vendus par Nicolas Beuxelin son fils et heri-ritier, à Mr Jean Hecam Medecin au Ponteaudemer ; Graverel Huissier en la Cour voulut les retirer en qualité de cousin remué de germain de Nicolas Beuxelin vendeur, le sieur Hecam contesta le retrait par cette raison que les héritages provenoient de Iacquisition de Jean Beuzelin, auquel Nicolas son fils ayant succedé ils étoient devenus propres en sa personne, et avoient fait souche en la famille des Beuzelins, dont Graverel n’étant parent qu’à cause de Marie Potier son ayeule il n’étoit pas recevable à retirer ce qui étoit du propre et de la ligne les Beuzelins n’étant pas leur parent paternel, mais maternel : Il fut repliqué par Graverel qu’encore qu’il ne fut parent de Jean Beuxelin vendeur qu’à cause de Marguerite Potier sa mere, néanmoins à légard de Nicolas son fils ils étoient parens paternels, cognati fiunt agmati, et sur ce fondement ils avoient été appellez aux tutelles des Beuzelins, et il falloit mettre de la différence entre le bien propre qui étoit propre à la famille des Beuzelins et celuy qui étoit propre aux deux familles de Beuxelin et de Graverel, et par cette raison il étoit inutile de digé que les biens vendus avoient fait souche et ligne en la personne de Nicolas Beuxelin I s’ensuivoit bien que si quelqu’un de la famille se presentoit pour retirer il seroit preférable. mais ne s’en rencontrant point son action on rétrait étoit recevable étant parent paternel du vendeur ; et comme si Jean Beuxelin fût mort sans enfans, la ligne des Potier auroit pû avoir part à cet acquest en son ordre suivant l’Article CCCXXVII. et auroit pû user de retrait s’il avoit été vendu : Comment pouvoit-on soûtenit qu’ils sont dechus de leur droit pour avoir été fait propre à Nicolas Beuzelin ; Ce seroit trop étendre les droits du Fise que de le faire succeder au propre des Beugelin au prejudice des Graverel, auquel sa mere et luy succedoient lors qu’ils étoient acquests, et ils ont conservé ce même droit au prejudice du fils lors qu’ils sont devenus propres : c’est le sentiment d’un ancien Commentateur anonyme de la Coûtume, en ces termes ; Quand le conquest a succede il est fait propre de celuy lequel y a succedé, non pas indifferemment en la famille dont il porte le nom, mais en la famille soit paternelle ou maternelle de celuy qui a fait le conquest, et au droit duquel celuy qui y a succedé est appellé à la succession suivant un Arrest de 1517.

On alléguoit pour le sieur Hecam que plusieurs Coûtumes ont fait différence entre le droit de succeder et le droit de retirer à droit de sang, Niver. 1. quelles choses sont censées propres, Bourrog. 1. des Succ. 5. 8. mais nôtre Coûtume n’a point fait de difference entre succeder et clamer Celuy qui est capable de surceder l’est aussi d’user du retrait lignager, et plûtost que de permettre le passage des biens paternels en la ligne des maternels, elle les donne aux Seigneurs feodaux.

Dans les Coûtumes qui admetrent des propres naissans la Cause de Graverel seroit la meilleure, parce qu’elles en font différence avec les anciens propres que autor generationis generi suo destinavit ; ien ces biens-là l’on garde exactement la regle, paterna paternu, et les propres qui ne commencent à faire souche et à prendre nature de propre, qu’en la personne de celuy de cujus successione agitur. Mais nôtre Coûtume ne connoit point de propre naissant, et si l’on admettoit des propres communs entre deux familles, il faudroit faire distinction entre les anciens, les nouveaux et les naissans ; et en ce faisant on tomberoit dans une involution que la Coûtume a sagement évitée, car posé qu’un cinquième ayeul eût fait des acquests qui seroient échûs à un quatrième ayeul, et que ce quatrième ayeul eût aussi fait des acquests qui fussent pareillement échus à un troisième et ainsi des autres, tous ces biens-là seroient tropres à plusieurs familles, ce qui causeroit une grande confusion s ainsi les propres de Nicolas Beuzelin, soit que l’on considère d’où ils ont procedé par acquest ou en quelle famille ils sont entrez, sont devenus propres en sa personne, et nôtre Coûtume n’en connoit point d’autres.

Les successions ne se confondent point, les Graverel demeurent toûjours capables de succeder aux propres des Potiers et à la dot de Marguerite Potier, et non aux propres des Beu-gelin e et quoy qu’ils eussent pû succeder à cet héritage lors qu’il étoit encore un acquest, neanmoins suivant le sentiment de Chopin sur la Coûtume de Paris, l. 2. t. 5. il faut avoir égard au dernier possesseur des biens et non des autres qui sont au dessus : par le changemen de la personne, la condition et la qualité des choses hereditaires est changée, et la succession étant acceprée elle devient le propre de l’heritier, l. Per procuratorem in fine, D. de adquir. Tiraq hered. cum mutatione personarum mutetur rerum qualitas ; Tira4. de ret. gent. 8. 14. gl. 1. les capacitez passées ne sont plus considérées non plus que celles qui sont à venir.

Cette question est decidée par les Art. CCXL. V. et CCXLVI. Aprés avoir dit que les heritages paternels retournent aux parens du côté paternel, elle ajoûte en l’Article suivant que cela doit s’entendre non seulement des biens qui sont venus du côté de pere et de mere, mais aussi des autres parens, pourvû, &c. et c’est pourquoy pour exclure Graverel il suffit que les biens fussent propres à Nicolas Beuxzelin. Il est vray que le Commentateur Anonyme est d’avis contraire, mais sans en alléguer aucune raison ; l’Arrest qu’il cite ne se trouve point en Régistre, etTerrien , l. 6. 1. des Success. En cite un autre du même jour donné dans une espece bien differente

cette question fut fort difcutée ; et enfin par Arrest, au Rapport de Mr de Toufreville le Roux, du 20. de Decembre 1Sssaon confirma la Sentence du Vicomte du Ponteaudemer qui deboutoit Graverel de sa clameur.


CCCCLXX.

Retrait des acquests et conquests.

Les acquests et conquests immeubles peuvent être retirez, tant par les parens paternels que maternels : et y sont reçûs selon qu’ils sont plus prochains du vendeur, soit qu’ils soient paternels ou maternels.

La raison de cet Article est apparente, les acquests revendus par celuy qui les a faits n’ayant, point fait souche ils ne peuvent être reputez paternels ny maternels, et c’est pourquoy ils peuvent être retirez par les parens de l’un et de l’autre coté selon les degrez de proximité.


CCCCLXXI.

Retrait à droit de lettre lûë.

Le propriétaire ayant possedé par an et jour l’héritage, qui puis aprés soit decreté pour dettes aînées de son acquisition : il peut s’en clamer à titre de lettre-lûe, et en remboursant le prix et loyaux coûts dans l’an et jour.

Voicy une espèce singulière de retrait introduite par la Coûtume en faveur de l’acquereur qui est depossedé ; mais pour pouvoir exercer ce droit de lettre-lûe il faut avoir possedé par an et jour depuis la lecture du Contrat, autrement si avant l’an et jour l’héritage est saisi réellement l’acquereur n’aura pas cette prerogative, parce que le decret depossede oppositie interposita impedit approprimenti effectum & retentionem ad tempus contractus inhibet, ut medium Argentré inhabile per quod fieri non potest transitus aliquis in aliquod extremum ; Argent. Art. 2685. c. 7. et la depossession par la saisie réelle est si absolué, que Iacquereur nedum civiliter possidet. Chartier ayant acquis un héritage ne fit point lire son Contrat que trois ans aprés la vente, incons tinent aprés la lecture l’héritage fut laisi réellement, les parens du decreté formerent laction en retrait, l’acquereur perdant pretendoit la preference à droit de lettre-lûé, il obtint Sensence à son profit : Caruë pour les lignagers appellans disoit qu’on ne doutoit point que le retrait à droit de lettre-lde ne fût preferable, mais il falloit sçavoir à quelles personnes la Coûtume donnoit ce privilege ; par cet Article le propriétaire ayant jouy par an et jour peut clamer, et l’Article CCCCLXXIII. l’expliquant plus clairement porte que les parens de l’acquereur perdant pourront retirer l’héritage dont il avoit jouy par an et jour, pourvû qu’il fût proprie-faire incommutable : la Coûtume ne dit pas simplement le possesseur ou l’acquereur, mais le ropriétaire incommutable qui a jouy par an et jour : or l’acquereur ayant été depossedé avant ce terme par la saisie réelle, il n’a jamais été propriétaire incommutable : Par Arrest du 23. de Septembre 1643. en la Chambre de l’Edit les lignagers furent prefèrez ; plai-dans Carué pour les Vallois lignagers, et Lyout pour le Chartier.

Berault sur cet Article cite un Arrest, par lequel un acquereur fut admis à la clameur de lettre-lûe, bien qu’il n’eûr fait lire son Contrat qu’aprés la saisie réelle, et par consequent depuis sa depossession ; mais cet Arrest seroit entièrement contraire aux Art. CCCCLXXI. et CCCCLXXIII. et luy-même sur l’Article 473. est d’une opinion contraire Autre Arrest sur ce fait. En 1639. le Marié vendit à Reux une maison située en la ville de Caen, et retint une condition de dix années : En 1643. le Marié vendit cette condition à Heute qui ne l’exerça qu’en 1649. mais alors cette maison avoit été saisie réellement deux ans aufaravant, et néanmoins Reux quoy qu’il n’en fût plus en possession en fit le delais à Heute, et Satrasin s’en étant rendu adjudicataire au decret, aussi-tost Heute ceda son droit de lettrelûë à du Pont qui fit condamner Sarrasin à luy faire remise de la maison : Heroüet pour Sar-rasin. Appellant disoit que Heute ne pouvoit retiter à droit de lettre-lüe, puis que bien loin d’être propriétaire incommutable il n’étoit jamais entré en joüissance, la maison étant déja saisie réellement lors qu’il avoit fait signifier la vente de la condition : Lyout pour du Pont. et de l’Epiney pour Heute, répondoient que véritablement Heute n’avoit point possedé, mais qu’il venoit au droit de Reux qui l’avoit subrogé à tous ses droits par la remise qu’il luy avoit faite ; la Cause fut appointée au Conseil : Si Heute n’avoit eu que le droit de la condition qui luy avoit été venduë, il n’auroit pû retirer à droit de lettre-lde ; car en rétrait conventionnel le retrayant en vertu de la condition vient au droit du vendeur et non de l’acquereur lont il refout et aneantit le Contrat, et au contraire au retrait lignager. le rettayant se met en la place de l’acquereur : Depuis par Arrest le retrayant fut reçû au rettait, et la Cour se sonda sur ce que Reux luy avoit cedé ses droits, lequel étant propriétaire incommutable il pouvoit retirer à droit de lettre-lûe, et cette espèce de retrait est cessible.

On disputa cette question en l’Audience de la Cour, si le mary étant depossedé par une saisie réelle des acquests par luy faits en bourgage, et étant mort durant le decret, sa femme ou ses heritiers pouvoient retirer à droit de lettre-lde la part que la femme auroit euë en ses conquests-là cessant la depossession du mary : Poyer avoit acquis quelques maisons situées en la ville de Roüen, dont il devint proprietaire incommutable, depuis elles furent saisies et ajugées pour les dettes de son vendeur, et il mourut avant l’adjudication ; les lignagers de cet acquereur perdant voulurent retirer le tiers à droit de lettre-lûë, Chedeville qui representoit la femme laquelle avoit survécu à son mary en demandoit la moitié, parce que le mary en étoit devenu propriétaire incommutable, et qu’elle y auroit eu la moitié s’il n’avoit pas été depossedé, mais puis que son mary avoit ce droit de lettre-lûe, elle devoit y avoir la même part qu’à la chose même : au contraire le Gros, lignager de l’acquereur perdant, soûtenoit que la femme n’avoit aucun droit aux conquests du mary que par sa mort, car auparavant il en est le maître, et la femme n’y acquiert aucun droit de communauté : or le mary au temps. de sa mort étoit depossedé, et cet acquest ne se trouvant plus en sa succession le droit qu’il y avoit étoit aneanty ; et comme elle ne pouvoit plus rien demander à la chose, elle avoir encore moins de droit d’user de ce privilege que la Coûtume donne à l’acquereur perdant : La Cause ayant été appointée au Conseil, elle fut depuis jugée au Rapport de Mr Roger le 4. de Juillet 1615. et par l’Arrest on confirma la Sentence qui avoit reçû le Gros, lignager de l’acquereur, à retirer le tout,

Cela, à mon avis, reçoit beaucoup de difficulté ; car encore que l’acquest ne se trouvàt plus entre les biens du mary, néanmoins ce droit de lettre-lûe luy appartenoit, et qui se pouvoit compter entre ses biens, où par consequent la femme avoit part comme à un droit réel. Berault sur l’Article CCCXXIX. et sur l’Article CCCLXVIII. fait mention d’un Arrest, par lequel nonobstant la renonciation de la femme à la succession de son mary ses parens avoient été reçûs à retiter la part qu’elle auroit euë à ses acquests ; mais il n’y a pas d’apparence que l’Arrest ait été donné de la sorte, car la femme en consequence de sa renonciation n’avoit jamais eu aucun droit aux acquests de son mary : Elle n’y prend part que quand elle se déclare son heritiere, il seroit donc étrange que l’on reçût ses parens à retirer on bien où elle n n’avoit jamais eu de part : il n’en est pas de même dans l’autre espèce où la femme étoit heritière de son mary, et le droit de lettre-lüe étant quelque chose de réel, puis que l’action pour retirer un immeuble est reputée immobiliaire, on ne pouvoit la priver de profiter de ce

droit de lettre-lüé : Aussi Berault n’estimoit pas que cet Arrest qui admettoit les haritlers de la femme à retirer la part qu’elle auroit eue si elle avoit renoncé fût raisonnable : Godefroy au contraire approuvoit l’Arrest, mais la jurisprudence a changé sur cette matière ; et cet Article doit-il etre étendu aux Contrats d’échange et de fieffe ; Guyon du Val avoit trois fils, Michel, Guyon, et Jean, et une fille qui fut mariée à Jean Roger le pere, ayant fait un avanrement de lon bien à ses enfans ; Jean échange quelque portion de son partage avec Roget. son beau-frere qui luy bailla en contr’échange d’autres héritages : le même jour du Val pere et ses enfans vendirent un héritage que Roger leur avoit baillé en contr’échange à M. Jean Nicole ; et comme il ne tenoit pas lesdits du Val solvables, il fit intervenir Roger au Contrat : dix mois aprés Roger fut depossedé de son échange, tous les biens desdits du Val ayant été saisis réellement, Nicole s’en rendit adjudicataire : Michel du Val au nom et ses enfans clama ce qui avoit été vendu par Jean du Val son frère : Roger retira aussi à droit de lettre-lûe.

Du Val opposoit à Roger qu’il ne pouvoit retirer à droit de lettre-lûe, n’ayant point joûy par an et jour : Roger expliquoit cet Article en cette manière, que l’an et jour n’étoit necessaire que pour ceux qui acherent, parce qu’avant ce temps-là ils ne deviennent point proprietaires : mais l’échange le rendant proprietaire dés le premier jour, on ne pouvoit luy refuser le benefice de la lettre-lûe, et son action étoit tres favorable ne pouvant rentret en son héritage pour être intervenu caution de la vente que lesdits du Val en avoient fait à Nicole : la Cause ayant été plaidée par Lyout et par moy, et apointée au Conseil, pat Arrest au Rapport de Mr de Toufreville le Roux, du 8. de Mars 1656. on confirma les Sentences qui avoient reçû Roger à rétirer à droit de lettre-lûé.

On avoit jugé le conttaire par un ancien Arrest du 30. de Juin 1547. par cette raison que dle permutant dans la vérité n’est point perdant, parce qu’il peut rentrer en son contr’échange ; mais il peut y avoit de la perte lors qu’il a beaucoup melioré l’héritage : Depuis la Cour en a fait un Reglement, tant pour les Contrats d’échange que de fieffe, Article 99. du Reglement de 1666.


CCCCLXXII.

Et combien que l’héritage soit ajugé par un seul prix avec d’autres, il ne peut être contraint prendre le tout, et ne payera que la juste valeur de son néritage, eu égard au total prix de l’enchere.

Suivant cet Article, bien que l’héritage soit ajugé par un seul prix avec d’autres, l’acquereur perdant ne peut être contraint de prendre le tout, et il ne doit payer que la juste valeur de son héritage à propottion du prix total de l’enchère : comme il arrivoit souvent que les entherisseurs pour empécher le retrait, faisoient la repartition de leur enchere au profit particulier aprés l’adjudication, et chargeoient les héritages qu’ils prevoyoient pouvoir être retirez : pour prevenir cet abus par plusieurs Arrests rapportez sur l’Article CCCCCLXXXIV. il a été ogé que l’adjudicataire devoit faire la repartition de son enchere au profit particulier dans l’Audience. Geneviéve de Bierville veuve du feu sieur de Valsemé, ayant acquis des nommez Gosse des héritages dont elle fut depuis depossedée ; Charles Lambert qui les avoit en-cheris neuf jours aprés fit la repartition de son enchere au profit particulier, et lors que cette Demoiselle se presenta à l’ordre et diftribution des deniers pour retirer son acquest, cet Adudicataire demanda le remboursement suivant sa repartition ; ce qu’ayant fait ordonner par le Vicomte et par le Bailly de Roüen au Siege du Pontlevesque ; sur l’Appel de ladite de Bierville, je conclus pour elle qu’il avoit été mal jugé, et qu’elle n’étoit obligée de rembourser qu’à proportion du prix toial de l’enchere faute par l’Adjudicataire d’avoir fait la repartition de son enchere dans l’Audience. Il ne se trouva point d’Avocat pour soûtenir le jugé, de sorte qu’il fut dit par Arrest du 18. de Decembre 1671. en reformant les Sentences que la retrayante ne remhourseroit qu’à proportion du prix total de l’enchere.

Le Seigneur feodal a cette même prerogative de ne retirer que ce qui est mouvant de son Fief, et quoy que les autres héritages vendus ou decrettez fussent tenus d’autres fiefs dont il seroit aussi proprietaire, il a cette taculté de n’user de son droit que pour un Fief s’il ne luy plait, mais en ce cas il est obligé de prendre tout ce qui en dépend, suivant l’Arrest remarqué par Berault sur cet Article.


CCCCLXXIII.

Clameur appartenant aux parens de l’acquisiteur perdant proprietaire incommutable.

Les parens de l’acquisiteur perdant sont recevables à se clamer de l’héritage dont il auroit jouy par an et jour à titre de lettre-lûé, et ne seront les parens

de celuy pour les dettes duquel l’héritage est decreté, reçûs à se clamer, si le possesseur perdant étoit proprietaire incommutable.

Cet Article étoit necessaire, autrement on auroit pû croire que ce droit de retirer à droit de lettre-lne étoit un privilege personnel en faveur de l’acquereur perdant pour le recompenser de la perte qu’il avoit foufferte. Il y avoit de la Justice à donner cette même action aux parens de l’acquereur, quand il étoit devenu proprietaire incommutable, puisque l’on admet le retrait pour les acquests quand ils sont revendus par celuy qui les avoit faits. Ce retrait à droit de lettre-lüé de la part des parons est une espèce de rettait lignager, et par cette raison il a été jugé qu’il sumisoit au retrayant d’offrir le remboursement dans l’an et jour, et qu’il n’étoit pas necossaire de consigner dans le temps fatal comme au retrait conventionnel : Arrest en l’Audience du 16. de Juillet 1630. pour de Laigle premier Huissier au Bailliage, il fut dit qu’il avoit satisfait à la Coûtume en offrant le remboursement dans l’an et jour, bien qu’il n’eût pas consigné ses deniers.


CCCCLXXIV.

Preference des lignagers quand il y a plusieurs ventes et divers clamans.

Si l’héritage est vendu plusieurs fois à diverses personnes, dans l’an et jour de la premiere vendition, les parens des vendeurs sont reçûs à eux clamer chacun en leur ordre, et sont preferez les parens du premier vendeur à ceux du second, et ainsi subsecutivement des autres.

Comme la cause et la fin du retrait lignager tend à conserver le bien dans la famille, il semble que cette action doit cesser lors que la vente est faite à quelqu’un de la famille ; car il n’est pas necessaire que l’héritage vendu soit toûjours possedé par le plus proche parent du vendeur, c’est assez que l’héritage soit conservé dans la familie, quoy que l’acquereur ne soit pas dans le degré de confanguinité le plus proche ; et puis que la Coûtume, Art. CCCCLII. ne dispose pas que l’héritage vendu sera rétiré par le parent plus proche, et qu’au contraire s il peut l’être par tous lignagers pourvû seulement qu’ils soient dans le septième degré ; il ne doit pas y avoir ouverture au retrait lors que la vente est faite à un lignager, puis qu’il est vray de dire qu’il n’est jamais sorty de la famille ; la cause donc du retrait cessant en cette rencontre l’effet en doit cesser pareillement. Il faut expliquer l’intention de la Coûtume comme l’on feroit celle d’un testateur qui auroit ordonné que quelque terre seroit baillée à quelqu’un de sa ligne, l’heritier peut en choisir un éloigné sans que le plus proche parent s’en puisse plaindre, l. Vnum ex famil. 5. 1. de legat. 2. Plusieurs Coûtumes de France l’ordonnent de la orte ; elles sont citées par Tiraqueau du Retrait lignager, 5. 11. gl. 6. n. 13. ce qui n’est point contraire à l’Article suivant, par lequel en concurrence de clameurs le plus proche parent de rendeur est preféré ; cela est véritable lors que la vente a été faite à un étranger, en ce cas dans la concurrence de deux retrayans il est juste que le plus proche ait l’avantage ; mais en cette espèce il n’y a point de concurrence de clameur, au contraire le parent plus éloigné qui acquis ne se défend que par cette raison, qu’il n’y a point d’ouverture au retrait lignager.

L’opinion contraire est neanmoins la plus véritable, cet ancien Praticien, JoannesFaber , l’a suivie ; Instit. 5. ita tamen de hered. qual. et diff. EtTiraqueau , n. 19. ibid. rapporte plusieurs Coûtumes lesquelles y sont conformes, et c’est aussi la disposition de la nôtre qui donne la preférence aux plus proches, sans distinguer si la vente a été faite à un étranger ou à un parent : on peut en rendre cette raison, que toutefois que quelque chose est accordée à une famille cela s’entend toûjours de ceux qui sont aux premiers degrez lors que l’on ne s’est point expliqué en faveur des plus éloignez, l. Pero, S. Fratre, D. de legat. 2.

Me Jacques Godefroy propose une question comme fort douteufe qui ne le doit pas être, à sçavoir si l’héritage ayant été revendu dans l’an et jour à un parent du premier vendeur les parens de l’acquereur auroient droit de clamer cette vente ; Il fait consister la difficulté en ce que cette revente doit equipoller à une remife que le premier acquereur auroit faite au parent du premier vendeur, mais les Contrats ne peuvent valoir que selon qu’ils sont conçûs ; de sorte que le premier acquereur ayant revendu volontairement sans faire aucune mention de retrait, on ne doit considérer ce Contrat que comme une pure vente sujette au retrait de la part des parens du premier acquereur, au prejudice des parens du premier vendeur et de ce second acquereur, qui ont laissé perdre le droit qui leur appartenoit et qui ne peuvent s’aider de cet Article qui reçoit les parens des vendeurs à clameur chacun selon leur ordre, car cet Article ne peut avoir lieu que quand ils sont en état de clamer, et non lors que les temps. fataux sont expirez.

Les parens des vendeurs sont reçûs à clamer chacun selon leur ordre, et sont preferez les parens du premier vendeur à ceux du second, et ainsi successivement des autres. On peut douter si les parens des seconds acquereurs ont droit de retrait lors qu’ils ne sonint propriétaires incommutables ; car en l’Article precedent la Coûtume ne donne le droit de lettre-lûë à l’acquereur perdant que quand le possesseur étoit proprietaire incommutable, et l’on ne doit pas reputer un bien patrimonial et de la famille celuy dont l’acquereur s’est dessaisi aussitost aprés lavoir acquis, et un acquereur perdant n’est pas moins favorable que le lignager l’un acquereur qui n’a jouy que durant peu de mois, et cependant il n’a le droit de lettrelûë qu’aprés être devenu propriétaire incommutable. Neanmoins puis que la Coûtume, Arti cle CCCCLII. accorde le droit de retrait tant pour les propres que pour les acquests touteois et quantes qu’il y a une vente, les parens de l’acquereur peuvent retiter quoy qu’il ne fût pas propriétaire incommutable ; aussi la Coûtume en admet la clameur indistinctement aux parens des vendeurs chacun selon leur ordre.


CCCCLXXV.

En concurrence de clamans lignagers, le plus prochain parent du vendeur et plus habile à luy succeder est preferé, encore que delais eût été fait à autre du lignage.

Cet Article ne dit gueres davantage que l’Article CCCCLXVIII. les Coûtumes de Parls, d’Anjou, et du Mayne sont contraires, le parent le plus diligent et qui est le premier demandeur en retrait l’emporte au prejudice des autres parens quoy que plus proches.

Il n’en est point de même en Normandie, la prevention est inutile, et le plus proche parent est toûjours preferé, pourvû qu’il se presente dans le temps fatal. Le retrait lignager est un droit qui est donné à toute la famille non m solidum, mais par degrez et par ordre de distribution, de sorte que pendant le temps de la grace les premiers son toûjours preferez aux plus éloignez ; d’où il s’enfuit que lors que les plus éloignez se sont precipitez ils ne peuvent pas demander recompense des frais qu’ils ont faits à ceux qui rendent leur prevention inutile, parce qu’ils ne doivent pas recevoir de prejudice par la precipitation inconsiderée de ceux qui pouvoient prevoir que leur diligence ne leur serviroit point ; cependant l’acquereur refuseroit mal à propos de faire delais à un lignager, sur ce pretexte que le retrayant ne seroit pas le plus proche parent,

Comme les mâles et les décendans des mâles excluent les filles et leurs décendans ; la fille ortie du fils a été prefèrée, mais on forma cette difficulté, l’héritage que l’on vouloit retires étoit un acquest, et par l’Article CCCCLXX. en retrait d’acquefts, les parens paternels et maternels sont recus à retirer selon leur proximité avec le vendeur : la fille concluoit delâ que comme plus proche elle étoit preferable ; mais cet Article 470. est fondé sur ce qu’en succestion d’acquests, les maternels peuvent succeder commees paternels, et par consequent ils sont admissibles au retrait ; mais en succession directe la distinction d’acquests n’y vient point, ainsig de décendant du fils étant plus habile à succeder que la fille, il l’exclud du retrait.

Oans les Coûtumes qui reçoivent au retrait les plus proches parens seulement, celuy qui se trouve le plus éloigné d’un degré ne peut concurrer quoy qu’il represente son pete, car la Grimauder priorité du degré est tellement considérée, que le frere exclud le neveu fils du frère, suisant le sentiment de Grimaudet, l. 2. c. 25. La Coûtume pareillement en cet Article n’ad-met pas seulement au retrait le plus proche ; elle ajoûte ces autres paroles, et le plus habile succeder, de sorte que celuy qui est également habile à succeder, est également admissible à retirer, encore qu’il ne soit pas également proche : Cette question s’offrit, si pour : le retrait dignager il y a representation comme pour les successions, si les enfans d’une niéce sont admissibles en concutrence de retrait avec la niéce du vendeur ; le sieur du Jardin avoit deux fre-res, Joachim et André ; la Demoiselle du Thuit Romé étoit fille de Joachim ; la Demoiselle femme de Mr de Miromesnil étoit fille d’André ; la Demoiselle femme de Mr Deshommets étoit fille du sieur du Thuit Romé et de ladite Demoiselle du Jardin : En l’année 1615. le sieur du Jardin avoit vendu audit sieur Deshommets Secrétaire une maison qui étoit de son propre, parce qu’il paroissoit qu’en l’année 1582. il l’avoit retirée à droit de sang et lignage. Mr de Micomesnil clama cette vente au nom de la Demoiselle sa femme, niéce du sieur du Jardin ven-deur ; le sieur Deshommets se rendit pareillement demandeur en retrait au nom de la Demoiselle Romé sa femme : Il fut ordonné par Sentence des Requêtes du Palais, que les retrayans concurreroient en leur clameur, en remboursant chacun par moitié au sieur Deshommets le principal et les loyaux coûts. Mr de Miromesnil fondoit son Appel sur ce que c’est une regle generale, non seulement en Normandie, mais aussi dans les autres Coûtumes que le droit de retiter se regle comme celuy de succeder ; de sorte que pour regler la preference, ona regarde celuy qui est le plus habile à succeder, que si les retrayans sont habiles également, ils concurrent pour le rétrait comme ils feroient pour la succession : si dans l’affaire dont il s’agissoit on consideroit les degrez des retrayans dans l’ordre qu’ils pourroient succeder étant question et propre vendu ; la Demoiselle Deshommets à la representation de la Demoiselle sa mere revoit aussi habile. à succeder que la Demoiselle de Mitomesnil, si les ensans mâles du sieur du Thuit Romé renonçoient à la succession du sieur du Jardin ; le sieur Deshommets au nom de sa femme seroit capable de succeder, mais ne renonçant point, les filles ne sont point habiles à succeder : Par les Articles CCCCLXXV. et CCCCLXXVI. en concutrence de clameur, le plus proche parent du vendeur et le plos habile à luy succeder est prefeté, et si les etrayans sont en pareil degré, ils sont reçûs à la clameur selon l’ordre que les suceessions sont deférées par la Coûtume ; on répondoit pour l’intimé qu’en examinant bien ces Articles ils étoient à son avantage : dans les degrez où il y a representation elle raproche celuy qui étoit éloigné et le remet dans le degré de la personne representée : en succession de propre, les enfans de la niéce succedent avec l’autre niéce à la representation de leur mere : Ils peuent donc à la representation de leur mére concurrer avec la niéce, puis que la representation es remet au degré de leur mere : La Coûtume a decidé la question par ces paroles, au plus prochain et plus habile à succeder, car si elle avoit entendu donner la preference au plus prochain du lignage et en exclutre celuy qui étoit plus éloigné d’un degré, quoy qu’il fût égale. nent habile à succeder, elle n’auroit pas ajoûté ces paroles, et plus habile à succeder. Comme les Loix ne doivent point avoir de mots superslus, la Coûtume se seroit expliquée par ces seules paroles, plus prochain : Mais par ces termes elle montre que celuy qui n’exclud point de la succession, n’exclud point aussi du retrait ny de la concurrence suivant la maxime que l’on a posée que les clameurs se reglent comme les successions : Or la Demoiselle de Miromesnil ne pouvant exclure de la succession la Demoiselle Deshommets, et n’y ayant que les enfans mâles du sieur du Thuit qui le pûssent faire puis qu’ils ne clamoient point ; c’est avec raison que l’on a jugé la concurrence : Par Arrest du15. de Juiller 1616. en reformant la Sentence des Requêtes, le sieur de Miromesnil au nom de la Dame sa femme fut reçû seul au retrait de ladite maison ; mais la Cour se fonda sur ce que la maison étoit indivisible, et qu’en ce cas il étoit plus juste de donner la preference à la mere au prejudice de l’arrière-niéce ; ce que Berault n’ayant pas remarqué, il a eu raison de dire que cet Arrest ne doit pas être tiré en con-sequence ; cette circonstance ne s’y rencontrant pas, il n’y avoit pas de lieu d’exclure l’arrierenièce, car quoy qu’elle eût des freres comme il ne s’agissoit pas de succession mais de droit de retrait, elle en étoit capable, puis que ses freres ne vouloient point exercer leur droit, et comme s’ils avoient renoncé à la succession les seurs auroient pû la prendre, aussi n’usant point du droit de retrait les seurs pouvoient l’exercer en leur place : c’est une regle certaine. que le plus éloigné n’est pas exclus par le plus proche quand il est admis avec luy à la succession ; et c’est aussi le sentiment de Berault sur l’Article suivant.

Berault cite un Arrest donné en l’Audience le 22. de Mars 16t6. par lequel le delais fait à un clamant dans l’an et jour d’un Contrat qui n’avoit point été lù n’étoit point revoqué par un plus proche parent né dans les trente ans. On avoit jugé le contraire quelques mois auparavant sur ce fait ; on avoit déguisé un Contrat de yente sous le nom de fieffe : un lignager fit preuve de la fraude, et l’acquereur luy fit delais de l’héritage : long-temps depuis un lignager qui n’étoit point né ny conçù lors du Contrat de fieffe, forma une action pour retirer ce même heritage ; le premier retrayant qui en étoit en paisible possession depuis plusieurs années luy op-posa qu’il n’étoit point admissible n’étant pas né ny conçû au temps du Contrat, qu’il avoit découvert la fraude, et qu’il avoit eu la peine d’en faire la preuve ; qu’il en devoit être de même comme des successions, où ceux qui ne sont pas nés ny conçûs lors qu’elles échéent ne sont point admissibles, I. Titius de juris et leg. D. Le second lignager alléguoit pour défense que le Contrat ayant été fait en fraude des lignagers il avoit trente ans pour clamer, que la prevention d’un autre lignager ne luy pouvoit ôter son droit, que si un lignager plus éloigne cetire dans l an et jour de la lecture, quoy que l’acquereur luy. ait fait remise, un plus proche parent n’est pas exclus quand il vient dans le temps fatal : Il en doit être de même en cas de fraude, l’action en durant trente ans on ne peut acourcir ce terme : Il fut ordonné par Sentence que le premier retrayant feroit remise au dernier, ce qui fut confirmé par Arrest du 13. d’Aoust 161s. victores pariunt victoriam non sibi, sed aliis, cum non jure agunt ut in l. 6. Posthumus, S. Si quis, D. de inoffic. testament. si quis ex his personis que ad successionem non admittuntur de nofficioso ageret & obtinuerit non et prosit victoriae, sed iis qui habent ab intestato successionem, I. Pater filium 14. de inoffic. testament. les Parties étoient Guillaume le Clerc, et Pierre Quëteville.

Cet Arrest fut allégué dans la Plaidoirie de l’Arrest du Mire et Hasteveille, pour montrer qu’on ne le pouvoit tirer en consequence contre luy, qui soûtenoit que celuy qui n’étoit pas tonçû au temps du Contrat ne pouvoit être reçû à clamer aprés que l’action en retrait a été conommée, et il y remarquoit cette difference qu’il avoit été donné en consequence de la fraude qui avoit été reconnuë dans le Contrat, et que cette action duroit jusqu’à trente ans : Cette différence néanmoins n’étoit pas considérable, car l’action en rettait à faute de lecture est aussi prorogée jusqu’à trente ans, et par consequent la prevention en ce cas ne devoit point nuire non plus qu’en l’autre Arrest, quoy que nous ne suivions pas l’usage de Paris qui permet la prevention en faveut du plus diligent, il me semble qu’il n’eR point juste de donner aeite prerogative à celuy qui n’est point né ny conçù lors que le lignager a exercé l’action en retrait, et qu’elle a été pleinement consommée : quand un lignager precipite son action au pre-Judice d’un autre parent dont il n’ignore point le droit ny la qualité, il n’est pas raisonnable que son action prematurée luy fasse prejudice ; mais quand celuy qui étoit le plus proche et de plus habile à succeder au temps de l’action s’en est prevalu et a consommé son droit, il n’en doit pas décheoir par la conception ou par la naissance posterieure d’un autre parent, auquel on ne peut dire qu’il ait fait tort puis qu’alors il n’étoit point in rerum natura. Neanmoins puis que celuy qui est conçû et né dans l’an et jour da retrait est admissible, l’on peut en inferent qu’il le doit être pareillement lors que pour la fraude ou pour le défaut de lecture il y a ouverture au retrait dans les trente années ; mais il y a cette difference qu’il ne seroit pas juste qu’un parent qui auroit usé du retrait dans l’an et jour pût être depossedé par un autre qui ne seroit peut-être venu au monde que trente ans aprés ; l’on n’accorde trente ans pour clamer qu’en haine de l’acquereur qui a usé de fraude, mais cela ne doit point nuire à un ligna-ger qui a usé de son droit.

Il semble que pour donner lieu à la concurrence deux conditions sont necessaires que l’on soit également proche et également habile à succeder, de sorte qu’encore que l’on fût également proche, si toutefois l’on n’étoit pas également habile à succeder, on ne poutroit pre-tendre de concurter en matière de retrait ; cela pourroit arriver lors qu’un ainé a pris preciput et a laissé les rotutes à ses puisnez : Il est cettain que l’un des puinez décedant sans enfans, l’ainé ne prendroit pas de part à ces rotures, et par consequent il ne seroit point admissible au rettait de ces mêmes rotures, si elles avoient été venduës puis qu’il ne pourroit pas y succeder ; mais l’on pretend que cette sorte d’incapacité est singulière et dimitée aux rotutes seulement, et qu’il suffit que l’on ne soit pas incapable de succeder en d’autres choses, comme on le verra par l’Arrest de Labbé sur l’Article suivant.


CCCCLXXVI.

Et où les clamans seroient en semblable degré ils sont reçûs à la clameur selon l’ordre que les successions sont déférées par la Coûtume.

’ay remarqué sur l’Article precedent qu’en concurrence de retrayans lignagers pour obtenir la preference deux conditions sont necessaires, la proximité et la capacité de succeders Ainsi ce n’est pas assez d’être le plus prochain pour donner l’exclusion, il faut être le plus habité à succeder, car par le moyen de la representation la personne réaprochée demeurante éga-lement habile de succeder avec le plus proche, elle devient en même temps capable de concurrer pour le retrait.

Nous apprenons par cet Article qu’encore que les retrayans soient en semblable degré, tourefois ils ne sont reçûs au retrait que selon l’ordre que les successions leur sont déferées par la Coûtume : c’est à dire que si le retrait étoit fait d’un Fief auquel l’alné auroit succedé seu au vendeur, les autres rettayans seroient exclus du retrait ; et dans la Coûtume de Caux si l’ainé eût succedé seul au vendeur comme à une ancienne succession, les puinez ou les autres parens qui ne pourroient partager n’y seroient point admis, quoy qu’ils fussent aussi proches parens que leur frere ainé, ainsi il ne suffit pas d’être en pareil degré, il faut être habile à succeder à l’héritage.

Bérault n’a pas rapporté l’Arrest de Labbé dans sa véritable espece, et il n’a pas connû la difficulté qui fut décidée par cet Arrest qui porte daite du 3. d’Aoust 1555. Bérault propose cette espèce comme si la contestation eût tombé sur la proximité, à sçavoir si l’oncle étant plus proche que son neveu pourroit l’exclure ; Ce n’étoit pas la question : Jacques Labbé voit acquis des héritages de N. Labbé son frere puiné, Guillaume qui étoit l’ainé voulant les retiter, le tuteur des enfans de Jucques Labbe acquereur soûtint qu’il n’y étoit pas recevable, parce qu’il avoit pris un Fief pur par preciput, et qu’il ne pouvoit par consequent succeder aux rotures qu’il avoit abandonnées à ses freres puinez, et il s’aidoit de l’Article CCCCLXVI. suivant lequel il falloit être plus proche et plus habile à succeder : Guillaume Labbé pretendoit que jure sanguinis retractus competit, et que la seule proximité acqueroit un droit : Par l’Arrest on reçût Guillaume à concurrer pour la moitié.

Cet Arrest paroit contraire non seulement à la regle generale que les clameurs sont reglées comme les successions, mais aussi à l’Article 475. et à celuy cy : dans le precedent il faut êtré le plus proche et le plus habile pour exclure ou pour empécher la concutrence : dans l’espece de l’Arrest, Guillaume Labbé n’étoit pas le plus habile, au contraire il eût été exclus de la succession du vendeur par l’Article CCeXLI. il est encore contraire à cet Article qui porté que les retrayans étant en semblable degré, ils sont reçeus au retrait selon l’ordre que les successions sont déferées : or Jacques eût exclus son ainé de prendre part aux rotures, l’on pours toit dire que c’est un droit de sang qui ne peut se perdre, et qu’il n’est pas toûjours necessaire d’avoir ces deux conditions d’être toûjours le plus proche et le plus habile à succeder c’est assez d’être le plus proche ou également proche, et lors que la Coûtume ajoûte, et le plu-s babile a succeder, cela s’entend d’une capacité naturelle, et non de cette incapacité que la Coûtume a introduite, lors que l’ainé a pris son preciput. Mais cette distinction étant contraire à la disposition expresse de cet Article, il n’y a pas d’apparence de la recevoir.


CCCCLXXVII.

Si les frères, soeurs ou autres étans parens du vendeur en pareil dégré, se clament, le plus ainé des clamans preferera les autres, si c’est un fief et si c’est heritage partable, ils partageront également.

Cet Article sert d’explication au precedent et confirme ce que j’ay dit, que l’on ne peut retirer que pour la part en laquelle on succede à la chose venduë, comme il paroit par l’Arrest du sieur de Pretot rapporté sur cet Article par Me Josias Bérault.


CCCCLXXVIII.

Trente ans de clameur en cas de fraude.

Où l’un des clamans aura laissé la suite à l’autre il peut neanmoins poursuivre l’effet de la clameur dans trente ans si celuy qui a la suite cede par fraude l’héritage à l’acquereur, ou à un autre pour luy.

La Coûtume a fort bien ordonné que si l’un des retrayans cede la suite de son action à l’autre, il peut neanmoins en poursuivre l’effet dans trente ans, si colyy qui avoit eu la suite du retrait cede par fraude l’héritage à l’acquereur. Mais il faut prendiegarde que pour avoir cette action dans les trente ans, il est necessaire que celuy qui sa veut poursuivre ait formé la demande n retrait lignager dans l’an et jour de la lecture, car s’il avoit laissé écouler l’an et jour sans former d’action, il est hors d’interests et non admissible, parce qu’il ne peut dire que l’on ait cedé le retrait à son préjudice. Cette action de ttente ans ne peut donc être exercée que par ceux qui étoient demandeurs en retrait, et en fraude desquels un plus proche parent a formé une action pour les exclure et pour s’accommoder en suite avec l’acquereur. En ce cas il n’étoit pas juste que celuy qui avoit voulu user de son droit en fût exclus par la fraude et par sintelligence d’un autre parent avec l’acquereurs

C’est une Maxime cettaine que pour faire juger un retrait frauduleux deux conditions sont requises, le conseil et l’évenement : la fraude n’est point presumée si le dessein n’en est executé : Nemo enim cogitationis ponam patitur, quand on auroit formé le dessein d’une fraude, en changeant de volonté il ne reste plus de pretexte pour s’en plaindre. Un lignager avoit promis par écrit à l’acquereur que s’il étoit clamé il se presenteroit et feroit debouter le retrayant de son action, cela fut executé ; le retrayant que l’on avoit exclus ayant eu depuis connoissance de cette paction il soûtint qu’il étoit preferable, l’action de l’autre parent étant rauduleuse, et la fraude étant justifiée par écrit. Il fut répondu que ce n’étoit pas assez que d’avoir eu le dessein de faire une fraude, il en falloit prouver l’execution et l’évenement : on il ne paroissoit pas que l’on eût fait remise de l’héritage à l’acquereur, le retrayant ayant appellé à dény de Justice et demandé l’évocation du principal, la Cour mit sur l’appel et principal les Parties hors de Cour, l’11. de Juillet 1653. plaidans Maurry, et Lyout.

On a formé procez sur cette question, si un acquereur pouvoit donner sans fraude temps. de six mois ou un autre delay à un retrayant de le rembourser pour exclure les autres lignagers, et en suite constituer en rente le prix du remboursement t Au mois d’Aoust 1633. Adam. le Marchand, sieur de la Marque, et Françoise Mansel, vendirent par autorité de Justice neuf acres de terre à Jean le Blanc moyennant deux cens livres l’acre ; cette terre appartenoit à la femme, le Contrat fut lû le 30. d’Octobre 1633. et le 27. d’Octobre 1634. Adrien le Vilain parent de la femme forma action devant le Bailly de Longueville aux fins du retrait, et donna ajournement au 10. de Novembre ensuivant : avant l’écheance de l’ajournement le 28. d’Octobre Adrien le Marchand, comme tuteur naturel et legitime d’Antoine le Marchand son fils mineur, avoit aussi fait signifier une clameur lignagere, et le 3. de Novembre le Blanc uy avoit fait remise au moyen du remboursement qu’il confessoit luy avoir été fait : Il patroissoit neanmoins par une contrepromesse qu’il n’avoit rien payé, et qu’il luy avoit donné temps de six mois de luy payer deux mille deux cens livres, pendant lequel temps Iacquereur demeuroit en joüissance, et qu’à faute de faire le remboursement dans ce terme cetté remise demeuroit nulle. Le Vilain ayant representé ses deniers au jour de lécheance de l’Assi gnation, il conclud que sans avoir égard à cette remise collusoire Iacquereur devoit luy quiter la possession de l’héritage ; on ordonna seulement que le Vilaln auroit son regard en cas de traude : Le Vilain se plaignoit de cette Sentence, disant que par l’Article CCCCLXXVIII lors qu’en concurrence de lignagers retrayans la suite en est laissée à l’un d’iceux en fraude de l’autre, il peut y revenit dans trente ans : or il étoit apparent que la premiere action en retrait étoit en faveur de l’acquereur étant toûjours demeuré en possession, et la contreprome sse faisoit la preuve de la fraude ; car ce lignager n’ayant point d’argent il ne devoit pas s’engager à faire ce retrait, et à son défaut le plus proche lignager y doit être reçû : le retrait e et la remise étoient des actes simulez, car aprés les six mois la remise devenoit de nul effet, et l’acquereur demeuroit en possession ; le retrayant avoit bien reconnu son impuissance, ayant en sa qualité de tuteur constitué les deux mille deux cens livres en cent cinquante-sept livres de rente, qui seroit un mauvais ménage pour le mineur ; et pour montrer qu’il n’avoit d’autre dessein que de conserver l’héritage en la famille, il offroit de le remettre au mineur aprés sa majorité s’il le vouloit, ou qu’il eût la commodité de le faire : L’Intimé combattoit toutes ces presomptions de fraude par cette raison que la remise étoit faite au profit d’un mineur, et que sa qualité faisoit cesser toutes les presomptions de fraude, parce que l’on ne pouvoit plus disposer de l’héritage à son prejudice, que l’acquereur avoit pû faire credit à l’acquereur et luy donner un temps pour le rembourser ou constituer l’argent en rente, qu’il y avoit du profit pour le mineur l’héritage étant vendu à vil prix : Par Arrest du 23. de Novembre 1635. la Cour mit sur l’appel les Parties hors de Cour.

Autre Arrest sur ce fait. Les héritages du Vautier ayant été saisis et ajugez, Joachim Lescaley Ecuyer fit signifier à Longuet Adjudicataire qu’il les tetiroit à droit de sang ; il fit réponfe que le lendemain huit heures de matin il consentoit de luy en faire remise : Le même jour Fillatre, autre gendre du decreté, se rendit aussi demandeur en rettait lignager, et en l’absence du sieur Lescaley Longuet, luy fit un delais : Par le Contrat de remboursement il étoit porté que les deniers avoient été prêtez par le Vasnier, auquel on en ceda la oüissance pour linterest de ses deniets, et en cas qu’il n’en fût remboursé dans un an Fillatre uy en quitoit la proprieté : Le même jour le sieur Lescaley ayant sommé Longuet de se transû porter au Tabellionnage pour recevoit son remboursement, il fit réponse qu’il avoit fait remise à Fillâtre, cette réponse donna lieu de faire ajourner Fillâtre ; la Cause ayant été portée en la Cour sur des recusations, je soûtenois pour le sieur Lescaley que l’action de Fillatre étoit en fraude prétant son nom à Vasnier, que la preuve en étoit constante par le Con-trat, Fillâtre ayant cédé et la joüissance et la proprieté des héritages retirez sans en tiret aucun profit ; on pouvoit bien retiter et revendre quand le lignager y gagnoit quelque chose, mais quand dans le même instant du rettait on disposoit de lhéritage sans aucune urilité, que cela ne devoit être considéré que comme une accommodation de nom, que la condition d’un an qu’il avoit retenuë n’étoit qu’une illusion et dans la seule vûë de frustrer les lignagers. De Cahagnes pour le Fillâtre répondoit qu’ayant retenu une condition d’un an on ne pouvoit faire asser cela pour une fraude avant que l’an fût expiré, que cette condition étoit un profit qu’il pourroit faire en la vendant : Par Arrest de Ii1. d’Aoust 1672. le rettait. ne fut ajugé que pour une moitié au sieur Lescaley, et fautre moitié à Fillâtre comme étant beaufrere. On fe fonda sut cette raison que cette condition étoit quelque chose, que Lescaley pourroit la retirer, et il devoit attendre aprés l’an, et qu’en cas que Fillâtre ne disposat pas de la condi-tion qu’il y auroit de la fraude au Contrat ; et c’est pourquoy il fut prononcé que Lescaley étoit debouté quant à present de son action pour une moitié, et sauf. son regard.

Une femme nommée le seigneur, avec Jean, Remy, Jacques et Thomas les enfans, ayant rendu un héritage à du Houlé il fut retiré par Remy au nom de ses enfans, mais il se desista de son action moyennaut soixante livres ; Jean Thomas avoit signé comme témoin à ce desistement, et depuis il clama au nom de ses enfans ; l’acquereur offroit prouver que le retrait étoit en fraude, que Morel avoit prété les deniers sous cette paction que lhéritage luy seroit cedé, le Juge ayant permis la preuve : Theroude pour le lignager disoit que le dessein de fraude sans révenement n’étoit point considéré, que la paction alléguée pouvoit être véritaple, mais qu’il pouvoit arriver aussi qu’elle n’auroit point d’effet, ainsi la preuve étoit inutile. l. Ait Prator. ff. que in fraud. Par Arrest du 9. de Janvier 1657. Iacquereur fut déclaré non recevable à sa-preuve.

L’Ordonnance de Moulins n’admet point la preuve par témoins de ce qui excede cent livres, non plus que de ce qui est contre la teneur d’un Contrat ; mais il faut distinguer les per-sonnes, si c’est entre les mêmes personnes qui ont fait le Contrat, et que l’on demande à justifier contre la teneur d’iceluy, la preuve par témoins n’est pas reçuë, mais lors qu’un tiers allégue gue le Contrat est frauduleux et fait pour le tromper il est recevable à faire preuve de la raude ; et suivant cette distinction un seigneur feodal fut reçû à faire preuve qu’une échinge faite par un Vassal étoit frauduleuse, ou à dessein de luy faire perdre ses droits : Journal des Audiences, 2. part. l. 2. c. 21.


CCCCLXXIX.

L’acquereur encore qu’il ait fait delais et obey à la clameur, peut dans trente ans demander l’heritage à luy vendu, si fraude a été commise en la clameur.

L’Article precedent a parlé de la fraude commise par le lignager en faveur de l’acquereurs et en celuy-cy il est parlé de la fraude et de l’intelligence pratiquée contre lacquereorBerault a remarqué un Arrest par lequel il a été jugé que ce n’est point une fraude que de revendre l’héritage rétiré cinq jours aprés le delais à celuy dont on avoit emprunté les demiers.

On a demandé ensuite fi c’est un moyen de fraude pour avoir vendu Phéritage avant même. que l’action en rétrait eût été formée : Josias Bertheaume Tabellion avoit pris par échange. une prairie du sieur Malherbe, et en contr’échange il avoit baillé quelques héritages avec trois petites parties de rente qu’il assûroit être foncieres, et lesquelles neanmoins n’étoient que des rentes constituées, et deox ans aprés il paya au sieur Malherbe quatre cens livres au lieu de ces rentes : vingt-emq ans aprés Pierre et Claude Malherbe fes enfans vendirent l’heritage que leur pere avoit baillé en échange à Bertheaune, et quelques jours aprés ils se rendirent demandeurs en retrait lignager, pour retiter cet héritage comme d’un Contrat frauduleox ; Pierre et Eustathe Bertheaume donnerent les mains à cette demande, mais depuis ayant découvert que les sieurs Malherbe avoient difposé de cet héritage, avant le delais ils se pourvûrent de Lettres d’appel et de restitution, dont ils forent deboutez par le Vicomte et par le Bailly d’Alençon au nege de Trun, dont ayant appelle Bertheaume leur Avocat employoit cet Article pour moyens d’Appel. Je défendis pour les fieurs Malherbe, et dis que comme la Coûtume avoit donné trente Sans aux fignagers pour découvrir la frapde commise à leur prejudice, elle avoit accordé le même tamps à l’acquereur pour s’instruire si L retrait avoit été demandé en fraude : mais cet Article étoit en la faveur d’un acquereur de bonne foy, qui avoit contracté sans déguisement et sans fraude, et non pour celuy qui avoit taché de le forprendre. Pour juger si le Contrat est rrauduleux, il faut connoître ce que c’est que frande et en quoy elle consiste. Le rétrait est rauduleux lors que le lignager prête son nom à l’effet de remettre Phéritage à un autre sans en profiter ; ce n’est donc point une fraude quand aprés le retrait on revend avec un profit considérable, car ce retrait lignager est reçû en Normandie à deux fins. 1. Pour conserver les terres dans la famille, et pour donner moyen aux parens de gagner quelque chose quand l’heritage est donné à trop bon marché, d’où il s’enfuit que ce n’est pas une fraude pour avoi fimplement vendo avant le retrait : La Cout ayant décidé qu’il p’y en avoit point pour avoir revendu cinq jours aprés le delais à celuy même qui avoit prété les deniers, il y en a beaucoup moins quand on vend avant le retrait, fors que l’on ne rapporte point d’autres moyens de fraude : Le profit que les Intimez avoient fait par cette revente justifioit que leur pere avoit té trompé plus que moitié de juste prix ontre la facolté de temere qu’ils avoient retenuë, et aprés tout la voye de rerrait ne leur étoit pas necefsaire paroissant que l’on avoit aillé des rentes constituées pour des rentes foncieres, ce qui pouvoit donner lieu à la resoution du Contrar : Par Arrest en la Grand. Chambre du 24. de May 1672. la Sentence fut confirmée

C’est une Maxime certaine en matière de rettait, que le lignager retrayant est obligé de juter et de se purger par serment sur le fait de fraode et d’accommocation de nom pretenduë par acquereur de l’hertrage fujet à retrait ; Trran. gl. 1. n. 1. et 6. Cum & Patronus teneatur jurare ;Molin . de feud. 5. 13. rl. 1. n. 31. ce qui est aussi decidé par quelques Coûtumes, et par-reulierement par celle de Poitou, Att. 324. Valois, Art. 143. et Breragne, Art. 310. Mais on a demandé si ce ferment pouvoit être fait par procuration la partie étant absente, ou si l’on est obligé de prêter le serment en petsome ;

La raison de douter est que par lOrdonnance de Loüis XII. il est dit qu’au cas que les garties ne seroient au lieu où fe traire le procez il suffira d’envoyer procuration pour répondre par serment, et que par la difposition de Dron en la l. In peruniatis, c. de procur. il est permis in pecuniariis controversiis, de répondre par Procureur. On allégue au contraire, que par la l. Generaliter, S. de rebus prasentib. C. de reb. cred. en des moaes, necesse est vel ipsam principalem personam datis certis indiciis ad judicem venire, ut ea quae de sacramentis statuta sunt suppleat, à quose rapporte l’Ordonnance de François I. de l’an 1539. Art. 36. 37. et 38. et celle de Charles I et. de l’année 1563. Art. 6. et c’est aussi le sentiment deFaber , in suo Cod. l. 4. t. 1. defin. 31. et de Guenois sur les Instit. foren. d’Imbert , l. 1. c. 38. ce qui peut être foûtenu par cette aison, que lon pense mieux à soy lors que lon jute en persone que l’on ne feroit pas si l’on étoit reçû à faire une simple affirmation par procuration, et c’est peut-être par cette raison qu’en la l. 7. ff. de in lit. jur. Papinien resout alium non posse jurare quam eum qui lirem contetatus est ; et un autre Jurisconsulte en la l. 4. du même titre rend cette autre raison grave videtur ignorantes sub alieni emolumenti compendio etiam perjurium anceps subire. Suivant cela se donna Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du Parlement de Paris du 30. de Max 1650. par lequel il fut jugé contre un retrayant étant lors en Auvergne à la suite d’un grand seigneur, contre lequel l’acquereur avoit soûtenu qu’il y avoit fraude, et que ce n’étoit point ET. CLAMEUR

pour luy qu’il vouloit retirer l’héritage, et qu’il s’en rapportoit à son serment, il avoit envoyé sa procuration contenant son affirmation, sans avoir égard à laquelle le premier Juge en luy ajugeant le retrait avoit ordonné qu’il feroit son affirmation en personne dans la quinzaine : Sur son appel il representoit l’impossibilité dans laquelle il étoit de quitter son maître et de venit en Champagne faire cette affirmation, laquelle n’étant point désirée par la Coûtume du lieu pouvoit être faite par procuration, qu’en tout cas il offroit de la faire en personne au païs où il étoit ; nonobstant ses défenses la Sentence fut confirmée.


CCCCLXXX.

Interest contre le vendeur ayant promis faire cesser les clameurs.

Si le vendeur promet faire cesser les clameurs lignageres, et l’acquereur est dépossedé le vendeur est tenu seulement aux interests du prix, à raison du denier dix, sur ce déduit les fruits de l’héritage qu’il aura perçûs.

Au Procez d’entre Loüis Liegard et Pierre de la Lande on traita cette question, si le vendeur qui avoit promis de faire cesser les clameurs étoit recevable à retirer en qualité de pere et tuteur de ses enfans ;

Le pere remontroit que le droit de retrait lignager appartenoit à ses enfans, et qu’en qualité de leur tuteur il pouvoit le poursuivre pour eux, qu’en effet la peine pour l’inexecution de la promesse par luy faite à l’acquereur de faire cesser les clameurs se terminoit suivant cet Article à l’interest des deniers ; mais pour le retrait alieno jure utitur, et divisa sunt jura, quamvis plura in eandem personam devenerint ; le tuteur qui accuse le testament d’inofficiosité, bien qu’il perde sa cause, n’est pas privé de demander le legs qui luy a été fait, officii enim necessita eum excusat, l’héritage qu’il retirera encor même qu’il eût preté les deniers à ses enfans, leur est tellement acquis qu’il ne pourroit plus en disposer à leur prejudice.

L’acquereur répondoit que par l’Article CCCCLXXXII. l’héritage rétiré par le pere au nom de l’un de ses enfans doit être remis en partage, si l’enfant n’a des biens suffisans pour faire le remboursement, que le pere n’ayant point de deniers appartenans à ses enfans, et formant cette action de son mouvement, contre sa foy et sa promesse, il n’y étoit pas recevable, non debet adversus factum suum controversiam movere, l. Post mortem, D. de adopt. que cet Article qui reduit la promesse en interest, doit être entendu quand le retrait est demandé par uné tierce personne, et qu’il n’est point en la puissance du vendeur de faire cesser son action et de maintenir l’acquereur ; mais quand il le peut faire, ou quand luy même contrevient à sa promesse il est sans excuse, et l’interest des enfans ne couvre point cette mauvaise foy. Il est vray que alieni facti promissio non obligat, qui autem se obligat habere licere, obligatur etiam nel beres suus faciat quominus habere liceat, l. Stipulatio est, ff. De verb. oblig. Celuy qui pour se décharger des Loix et du fideicommis, omissa causa testamenti alio jure possidet hereditatem, est neanmoins obligé aux charges du testament ; ainsi celuy qui veut alio jure, faire fraude et éluder sa promesse, doit être condamné à l’entretenir : Par Arrest du 30. de Janvier 1636. en confirmant la Sentence du Bailly au Siege de S. Lo, on confirma celle du Vicomte qui avoit reçû de pere à sa clameur, plaidans des Champs et Giot. Godefroy a traité cette question, et il ne jugeoit pas raisonnable de recevoir le pere à cette action, lors que les enfans étoient sous la puissance de leur pere, parce que c’étoit luy-même qui contrevenoit à sa parole ; mais quoy qu’ag fonds il y ait de la mauvaise foy du pere, l’on a jugé qu’il n’étoit pas raisonnable que les enfans fussent privez du profit qu’il pouvoit faire par ce retrait, et l’action du pere pouvoit être excusable, lors que la necessité de ses affaires l’avoit contraint de vendre à vil prix Cet interest où le vendeur est tenu lors que suivant sa promesse il ne fait point cesser les clameurs n’est plus dû qu’au denier quatorze, on le payoit au denier dix autrefois, parce qu’au temps de la reformation de la Coûtume l’interest se payoit au denier dix, et par la même raison il ne se payeroit qu’au denier dix-huit.


CCCCLXXXI.

Recours du pupille contre le tuteur, ayant colludé à la clameur.

Si par la fraude ou collusion du tuteur, le mineur est évincé de sa clameur, le pupille aura recours contre son tuteur pour les dommages et interests, dans l’an de sa majorité.

Il paroit par cet Article que les prescriptions statutaires courent contre les mineurs comm contre les majeurs, et qu’en ces rencontres le tuteur peut faire prejudite à son mineur.

Cet Article parle du mineur lequel a un tuteur, que si le mineur avoit formé l’action, et que par aprés il la laissast tomber en peremption, pourroit-il être restitué contre la peremption, Mais puis que la Coûtume dispose que l’an et jour court contre le mineur, cela doit avoir lieu pareillement contre luy, bien qu’il ait demandé le retrait dans l’an et jour, lors qu’il ne pouruivit pas son action ; car ayant été assez prudent et habile pour former son action dans le temps. fatal, il a dû apporter la même precaution pour la continuer, ayant pû juger que la Coûtume ne la feroit pas moins rigoureuse aprés l’instance formée qu’elle l’étoit auparavant, Les dernieres paroles de cet Article, dans l’an de la majorité, ont été diversement expliquées par Berault et par Godefroy : Ce dernier estimoit qu’en cet endroit la majorité se devoit prendre non du jour que le mineur avoit atteint l’age de vingt ans ; mais du jour qu’il étoit sorty de dessous la charge de son tuteur, et que par Justice il avoit été envoyé en la possestion de son bien. Bérault étoit de contraire opinion, et que l’intention de la Coûtume étoit de ne reputer le mineur majeur qu’aprés les vingt ans accomplis, ce qui me paroit plus veritable ; car quoy que le mineur soit passé âgé en vertu du Lettres de Prince avant que d’avoir vingt ans accomplis, on ne doit pas en inferer que la Coûtume ait entendu parler de cette sorte de majorité, qui n’a souvent d’autre effet que de donner à l’impetrant du benefice d’âge la joüissance de son bien, mais. d’une majorité ordinaire et parfaite qui est celle de vingt ans accomplis.

Ces deux Auteurs sont encore contraires sur cette question, à sçavoir si cette action que a Coûtume donne au mineur contre son tuteur doit être formée dans l an de la majorité, ou si lannée ne doit coutir que du jour que le tuteur a rendu son compte : Bérault est d’avis que comme l’action en rétrait contre l’acquereur est annale, aussi cette action contre le tuteur doit être annale, et par consequent qu’elle doit être intentée dans l an de la majorité, sans attendre que le tuteur ait rendu son compte, la Coûtume vraysemblablement n’ayant pas voulu que l’action subsidiaire durût plus que la principale : Godefroy se fonde sur ces raisons, qu’il est plus à propos de ne commencer l’année que du jour que le tuteur a rendu son compre, parce que le mineur ne peut connoître la fraude ou la negligence que par la discution de son compte : En effet comme le tuteur n’est pas condamnable pour n’avoir pas clamé s’il n’avoit point de deniers en ses mains appartenans au mineur, et que cela ne se peut connoître ue par l’examen du compte, la Coûtume donneroit une action inutile au mineur s’il étoit mdispensablement obligé de se plaindre dans l’an de sa majorité, et avant que d’avoir vû son compte, et puis qu’à l’égard du tuteur pour toutes les actions qui dépendent de la tutelle le mineur est toûjours censé être en tutelle jusqu’à ce que le tuteur luy ait presenté un compte, l’on peut dire que l’an de la majorité ne commence à courir que de ce jour-là, puis que action qu’il intenteroit ne pourroit être jugée qu’aprés la rendition du compte, le tuteur ne pouvant être condamné qu’auparavant il ne demeure constant qu’il avoit dequoy rembourser l’héritage vendu s’il avoit usé du droit de retrait.

Le tuteur n’a pas besoin d’une déliberation des parens pour former l’action en retrait, mais s’il l’intente mal à propos et sans en avoir pris l’avis des parens, il doit porter le marrais venement du procez


CCCCLXXXII.

Heritage retiré au nom des enfans, quand remis à partage.

L’heritage retiré par le pere ou la mere au nom de l’un de ses enfans, doit être remis à partage, si d’ailleurs l’enfant n’a biens suffisans pour payer le prix de la clameur.

Suivant l’usage de Paris, le pere n’a point la qualité de tuteur : C’est pourquoy le pere qui pretend retiter au nom de ses enfans sans procuration n’y est point recevable, et ne se peut dire tuteur naturel ; et la ratification faite par le pere aprés l’an et jour ne valideroit pas l’action :Ricard , Article 130i de la Coûtume de Paris.

Avant le Reglement fait par la Cour pour les tutelles, le pere n’étoit point reputé tuteur naturel et legitime qu’à l’effer seulement de pouvoir retirer au nom de ses enfans, L’Article 105. du Reglement de 1666. n’a pas seulement décidé suivant cet Article, que héritage rétiré par pere, mere, ou autres ascendans, au nom de l’un de ses enfans, doit être remis en partâge, si l’enfant n’avoit d’ailleurs biens suffilans pour payer le prix de la clameur ; mais contient aussi que l’héritage acquis par le pere, ou mère de l’un de ses enfans, doit être semis en partage.

Il est sans doute que ces paroles, remis en partage, s’entendent du partage que les freres sont obligez de faire entr’eux de tous les avantages que leur pere leur peut avoir faits.

Cela est sans doute à légard des enfans qui viennent à la succession du pere ; mais l’on peut revoquer en doute si le pere avoit retiré un héritage au nom de son fils, et que ce fils decedat n’ayant alors que des soeurs, fçavoir si les fils nés depuis du même mariage ou d’un autre pourroient exclure les soeurs en la succession de cet héritage, ou si au contraire les sours exclutoient leurs freres nés depuis ; C’est une regle incontestable que le mort saisit le vif, et j’ay remarqué que les soeurs ont la succession d’un frere au prejudice des freres qui seroient aés depuis la succession ouverte : or si l’héritage rétiré par le pere au nom du fils appartient Aà ce fils, et s’il en est si véritablement le seigneur et le proprietaire que le pere ne le peut vendre ny en disposer à son prejudice, il s’ensuit qu’il doit appartenir à ses soeurs, puis qu’au s temps du decez de leur frere elles étoient seules capables de luy succeder, et qu’elles en ont Eté saisies de plein droit et sans aucun ministere de fait ; et on ne peut titer avantage de ces paroles, que l’héritage rétiré par le pere au nom de l’un de ses enfans doit être remis en partage ; cela veut dire seulement que les enfans étant obligez de rapporter tous les avantages qui leur ont été faits, celuy au nom duquel l’héritage a été rétité par le pere ne le peut retez nir et prendre part au surplus qu’en remettant cet héritage en partage : mais ce raisonnement ne détruit point les droits des soeurs, car le fils mort avant son pere ne peut partager, et les oeurs ne peuvent avoir des partages, et par consequent elles ne sont point sujettes à rapporter, le rapport ne se faisant qu’entre coheritiers et elles n’ont pas cette qualité Il faut dire en faveur des freres que ce que le pere a fait en rétirant un héritage au nom de ses enfans doit être consideré en deux égards : pour le pere on presume favorablement de son affection envers ses enfans, que quand il retire l’héritage en leur nom sans se reserver la repetition des deniers qu’il paye pour cet effet, il a eu la volonté de leur donner les denlers et de leur acquerir la proprieté de l’héritage ; et c’est pourquoy comme la donation parfaite ne Je revoque point par un simple changement de volonté, le pere ne peut plus ôter à ses enfans ce qu’il leur a donné.

Mais à l’égard des enfans entr’eux l’héritage est toûjours reputé faire partie de la succession paternelle, parce que ne pouvant avantager l’un de ses enfans plus que l’autre, ce qui est retiré par le pere au nom de l’un de ses enfans est toûjours censé être son bien à l’effet de garder l’égalité entr’eux, de sorte que quand il s’agit de le partager il faut considerer l’état des choses au temps de la succession et comme si ce frere vivoit, quoy qu’au temps du retrait il n’eût point d’autres freres, et que par consequent on pût dire que le pere pouvoit luy donner ces deniers-là, néanmoins d’autres fils étant nés il seroit obligé de rapporter, les seurs qui n’ont point plus de droit que luy ne peuvent rien demander à ce titre-là : Et qu’enfin cet Article à décidé en termes generaux, que l’héritage rétiré par le pere au nom de l’un de ses enfans doit être remis à partage ; ce qui montre évidemment qu’à l’égard des enfans le pere n’acquiert aucun avantage à celuy de ses enfans du nom duquel il se sert, et que c’est toûjours un bien paternel qui doit faire partie des biens de la succession au temps qu’elle est ouverte Si le pere avoit rétiré au nom d’une fille et que depuis il l’eût mariée, on a demandé si elle pourroit pretendre cet héritage au prejudice de ses fteres nés et conçûs depuis le retrait ; Cette question s’offrit en l’Audience de la Cour le 17. de Decembre 1632. entre Maille, Halet, et Catherine Maille sa femme.

La fille appuyoit sa pretention par ces raisons que l’héritage luy étoit acquis par le retrait, qu’ayant été aliené il ne pouvoit rentrer dans la famille si elle n’eût été au monde, le pere ne pouvant retirer qu’au nom de sa fille, ses freres n’étant pas seulement conçûs au temps dû retrait ils n’avoient droit ny capacité de retirer, que leur naissance ne pouvoit luy ôtet un droit qui luy étoit acquis, le pere est censé luy avoir donné les deniers puis qu’il n’a déclaré par aucun acte les vouloir repeter, et d’ailleurs il avoit en ses mains la dot de sa mere dont : Il avoit pû faire le remboursement, et à cette dot ses freres sortis d’un second mariage n’avoient point de part, que par cet Article l’héritage retiré au nom de l’un des enfans luy appartient quand il a biens suffisans pour payer le prix du retrait ; le pere luy ayant donné trolis cens livres pour la part qu’elle pouvoit pretendre en sa succession, et ayant stipulé qu’il demeureroit quitte de la dot de sa mere, il n’avoit pû par cette stipulation luy faire prejudice pour la proprieté de cet héritage qui luy étoit acquise.

Les freres répondoient que le pere s’est servi du nom de sa fille pour remettre l’héritage en sa famille, qu’il n’en avoit remboursé que le vin, et par ce moyen il avoit remis les choses en l’état qu’elles étoient auparavant, que la fille n’avoit point de biens suffisans la dot ayant été réçûë par le pere qui l’avoit constituée sur ses biens et dont l’usufruit luy appartenoit, qu’elle avoit renoncé à la succession de son pere dote contentâ, ce qui la rendoit non recevable à rien demander : Par l’Arrest les freres furent maintenus en la proprieté de l’heitage rétiré

Cet Article de la Coûtume, ny l’Article 101. du Reglement de 1666. n’ont point decide ses difficultez, si le pere peut aliener l’héritage qu’il a rétiré de ses propres deniers au nom de ses enfans, et si ces héritages retirez ou acquis par le pere au nom de ses enfans peuvent être remis en partage entre les enfans au prejudice de la femme, du Fisc, et des creanciers : On ne doute point au Palais suivant les Arrests remarquez par Bérault, que l’héritage retire par le pere au nom de ses enfans ne leur appartienne, et qu’il ne peut plus les aliener à leus prejudice quoy qu’il en ast fourny les deniers, cela fut encore jugé par un Arrest du 10. de Decembre 1644. au Rapport de M Fermanel.

Il est vray que par un Arrest du 15. de Novembre 1635. en l’Audience de la Grand. Chambre, entre Olivier et le sieur de Banville, il fut jugé que l’héritage acquis par le pere sous le nom seul de l’un de ses enfans, et dont le prix étoit payé au nom de l’enfant sans aucune stipulation de la part du pere de le repeter, mais dont il avoit toûjours conservé la joüissance, fut presumé appartenir au pere, et que les deniers avoient été fournis par luy pour son enfant qui étoit mineur, et par ce moyen sans avoir égard à la vente que le fils en avoit faite le pere fut maintenu en la joüissance de l’héritage.

Mais cet Arrest ne fait point de consequence, la Cour jugea que l’héritage retiré par le pere au nom de ses enfans et dont il avoit payé le prix étoit comme en sequestre durant la vie du pere et du fils, et qu’il ne pouvoit être aliené ny par l’un ny par l’autre, et que le fils mauvais ménager ne pouvoit en ôter la joüissance au pere : Il seroit rigoureux de priver le pere de cet usufruit, c’est assez que le fils soit asseuré de la proprieté.

Pour la femme il semble que l’on doit faire difference en ce qui est retiré à droit de sang par le pere au nom de ses enfans, et ce qui est acquis par luy à leur nom : à l’égard de lafemme la Coûtume en l’Article suivant les déclare propres et non acquests, ce qui exclud la femme d’y prendre part en essence : en effet le retrait ne s’étant pû faire que jure agnationis, et pour remettre l’héritage en la famille, ce seroit contrevenir à l’intention de la Loy de l’enfaire sortir, comme il arriveroit si la femme y prenoit part ; mais en tout cas on demande si elle doit avoir part aux deniers lors que l’héritage retiré est situé en bourgage : Car on peut dire en sa faveur que sa condition est beaucoup plus favorable que celle des creanciers, parce qu’elle a contribué par son bon ménage à l’augmentation du bien de son mary, et qu’il seroit, injuste qu’elle fût excluse de cette recompense de ses propres enfans, et on ne doit point tiret de consequence contr’elle de l’Article CCCCLXXXIII. qui declare propre l’héritage retiré à droit de sang, ce qui la prive d’y prendre part comme à un acquest ; car l’héritage n’étant rentré dans la famille que par le moyen de l’agnation, il n’y avoit pas d’apparence d’y donner part à la femme qui étoit étrangere de cette famille ; mais cette raison cessant pour les deiers qui ont été payez par le mary il n’y a nul inconvenient à luy en conserver sa part, sur tout quand le pere n’en a point fait de donation expresse à ses enfans, la conjecture de le pieté paternelle ne pouvant valoir en cette rencontre contre la femme, de sorte qu’il y a raison d’obliger les enfans à rapporter

Mais on répond pour les enfans qu’il n’y a point de difficulté à exclure la femme de sa demande pour la moitié des deniers, parce que c’est un meuble dont il a pû les avancer, et qu’il pouvoit perdre et dissiper au prejudice de sa femme, que la déclaration du pere qu’il donnoit les deniers n’est point necessaire, parce que la donation est naturellement presumée, quand le pere ne s’en est point reservé la repetition ; et si la Coûtume a trouvé juste que la femme n’eût point de part en l’héritage rétiré, il y a moins de difficulté à la priver de prendre part aux deniers qui ne sont qu’un meuble.

Pour les acquisitions que le pere fait au nom de ses enfans, la question paroit plus douteuse ; car les enfans ne contribuent rien de leur part aux acquisitions, et ce n’est pas la même chose comme pour le retrait lignager ou pour y parvenir le nom et le droit des enfans étoit necessaire ; mais pour les acquisitions le pere les fait de son chef et de telle sorte de bien qu’il luy plait ; or puis que la Coûtume donne part aux conquests à la femme, il n’est pas au pouvoir du mary de l’en frustrer par des déclarations faites en faveur de ses enfans. Il est vray qu’il pouvoit dissiper ces deniers là ; il est encore vray qu’il pouvoit n’acquerir pas, ou en tout cas n’acquerir que dans un lieu où la femme n’auroit eu qu’un tiers par usufruit, et c’est enfin une maxime certaine qu’il auroit pû revendre ce qu’il auroit acquis ; mais quand il a bien voulu acquerir en un lieu où la Coûtume donne une part en proprieté à la femme, et que cet acquest se trouve en sa succession, il n’est pas au pouvoir du mary de changer l’ordre étably par la Loy quia pactis privatorum jus publicum immutari non potest. La Cour l’a jugé de cet-e sorte dans une espèce beaucoup moins favoiable dont j’ay rapporté l’Arrest sur l’Article CCCXXIY. des meubles procedans d’une succession collaterale échuë à un mary ; il en avoit tacheté un héritage situé en bourgage, et il avoit expressément déclaré que les deniers qu’il payoit procedoient des meubles de la succession collaterale qui luy étoit échuë, ce qu’il déclaroit pour rendre cet héritage propre à ses enfans ; il sembloit que ce dessein et cette estimation du pere fussent legitimes, parce que le droit d’acquest n’étoit accordé à la femme qu’en consideration de ses peines et de son travail pour augmenter son bien, mais quand elle n’y a point contribué par ses soins, et que c’étoient bona profectitia, il n’étoit point juste de luy en faire part. La prevoyance étoit legitime profpexit liberis, leur conservant un bien qui venoit de leurs parens, nonobstant ces raisons et la déclaration du pere, la femme eut la moitié à cet acquest parce que le droit de succeder dépend de la loy, et non de la volonté des parties, l. Pater, D. de suis et leg. Si donc nonobstant la déclaration du pere, et sans considèrer que les deniers n’avoient point été pris dans la communauté, la femme a été reçuë à partager l’acquest fait par le pere au nom de ses enfans, il y a plus de justice et de raison à luy conserver ses droits, quand les deniers dont on a fait l’acquest procedent de leur comnune collaboration.

Les deux Commentateurs de la Coûtume ont proposé cette question : Godefroy sur l’Art.

CCCXXX. est de ce sentiment que l’on devoit considerer si les enfans avoient dequoy faire cette acquifition, et qu’autrement on ne pouvoit ôter à la femme la part qui luy est reglée par la Coûtume ; au contraire Berault fut l’Article CCCXXIV. a reprisGodefroy , et soûtenu que le pere pouvoit acquerit au nom de ses enfans au prejodice des droits de sa femme ; ce qu’il appuye par deux Arrests qu’il a remarquez sur les Articles CCCCXXXVII. et CCCCLXXXII. Mais ces Arrests ne sont pas donnez sur la même espèce, celuy qu’il a citâ sur l’Article CCCexXXVII. entre Robert le Couteux et Thomas le Roy fut rendu entre ales enfans naturels, fous le nom desquels la mere avoit acquis quelques héritages, et le frere hernier de la mere pretendoit les avoir à leur prejudice : le second Arrest entre Belard et la Mare fut donné entre les enfans et les creanciers du pere, ce qui régarde la derniere question dont je parleray dans la suite : on ne peut donc se fonder sur ces deux Arrests, puis qu’ils n’ont aucunement décidé la question ; et au contraire celuy dont je viens de parler la décide en des termes plus forts. Copendant l’opinion la plus commune est que le mary peut faire ce prejudice à sa femme, parce qu’il est le maître de ses meubles, et qu’il peut disposer de son bien à sa volonté. On rephique que cela est vray quand le mary en a disposé de telle maniere que le bien ne se tronve plus en sa succession ; mais quand le bien a été employé en acquests qui se atouvent en sa fuccession, la femme ne doit point être excluse de son droit, par cette raifon que le mary s’est fervy du nom de ses enfans ; mais la faveur des enfans l’emporte sur ces çaisons, quand il ne s’agit que de l’interest de leur mere ou d’une seconde femme.

Pour le Fife la question en fut décidée le 19. de Janvier 1630. entre le Vicomte et Sermentot, et il fut jugé qu’one terre acquise par le pere sous le nom d’un troisième frere, qui depuis avoit été confisqué sans avoir joûy de la terre ; mals bien le pere qui l’avoit acquise et auquel neanmoins le fils n’en avoit point fait de remise étoit reputée comme de la succession paternelle, et qu’elle appartenoit au puisné comme roture, vû que l’aisné avoit pris preciput, quoy qu’il pretendit qu’elle faisoit partie de la suecossion du frère décedé, plaidans Caruë et le Reverend.

Pour les créanciers la jurisprudence a changé plusieurs fois : par les deux Arrests rapportez par Bérault, on a jugé que les héritages retitez par le pere au nom de ses enfans leur appartenoient au prejudice des creanciers du pere ; le contraire fot jugé peu de temps aprés le dernier Arrest. Un pere retira au nom de ses enfam Phéritage qu’il avoit vendu, et il paroissoit que e même jour du retrait il avoit fait une obligation pour la même somme qu’il falloir payer pour parvenir au rettait, laquelle fut reconnue quelques mois aprés avec cette condition de rendre la somme dans un temps prefix, à faute dequoy l’héritage luy demeureroit : quelque temps aprés cet héritage luy fut revendu, et le pere stipula que son fils le pourroit retiter dans l an de sa majorité : ce fils par une Loy apparente troubla laequereor qui se défendit par cette raifon, que le fils n’ayant point en de deniers pour acquerit il ne pouvoit être dit propriétaire de P’héritage, mais en tout cas on luy devoit rembourser les deniers du retrait vs qu’ils étoient provenus de luy, comme aussi tous les autres deniers qu’il avoit payez à cause de son acquest : on ne doutoit point que la Loy apparente ne fût bien obtenuë l’héritage yant été fait propre au fils par ie retrait, et le pere par eonsequent n’avoit pû l’aliener ; car cet Article ne donne pas au pere la proprieté de lhéritage qu’il a rétiré au nom de ses enfans, il a lieu seulement pour empescher qu’il ne faffe un avancement à l’un au prejudice de l’autre, nors lequel cas le Contrat a fon plein effet au profit des enfans : Toute la difficulté du procez fut en ce point, si le fils devoit rembourser le peix du retrait étant offert de prouver que les deniers avoient été prêtez par cet acquereur : il fut jugé que le fils le rembourseroit ; la raison de douter fut que le Contrat de retrait ne portoit pas que les deniers provinffent de cet acquereur, et partant on ne pouvoit le reputer un creancier privilegié ; et neanmoins vû qu’il étoit constant que l’héritage étoit rétité de ses deniers, on ne trouva pas juste que le fils s’enrichit à ses dépens, cum illius damno locupletior fieret : Arrest du 10. de Decembre 1621. au Rapport de Mr Galentine.

Cet Arrest ne decidoit point la question generale, parce que les deniers payez pour le retrait avoient été fournis par l’acquereur, et bien que le Contrat n’en fist pas mention cela paroissoit par les circonstances du fait ; de sorte que quand cet acquereur n’auroit pas eu l’hy, potheque speciale et privilegiée, il avoit toûjours la generale Aussi la même question s’étant presentée en la Chambre des Enquêtes le mois de Decempre r633. entre de Mouchy sieur d’Auberville et autres, il fut jugé que le pere ayant acquis un héritage au nom de son fils, et le fils ayant renoncé à sa succession, pouvoit tevendiquer cet héritage sans que les creanciers pûssent en arrêter les fruits : Il faut neanmoins avoüer que c’est un moyen fort aisé de tromper ses éréanciers en faisant passer tout son bien sous le nom de ses enfans, et c’est le sentiment de quelques-uns que les enfans sont véritablement propriétaires de l’héritage retiré en leur nom, mais qu’ils sont dubiteurs envers les areanciers des deniers employez en cette acquisition, et cette opinion a prevalu par le dernier Arrest dont je parleray : D’autres estiment que les creanciers sont obligez d’agit contre les enfans comme contre, un tiers detenteur par l’action hypothecaire, et non point par l’action personnelle mais par cet Arrest on s’attacha à cette raison generale, que le debiteur étoit maître de son vien, et qu’il a pû en disposer à sa volonté, et qu’il peut donner à ses enfans pourvû qu’il ne donne point à l’un plus qu’à l’autre, et que les meubles n’ont point de suite par hypotheque quand ils sont hors de la main de leur debiteur, qu’il n’y a rien d’injuste en cela, que les enfans profitent des meubles de leur pere qu’il pouvoit dissiper et donner à d’autres, les creanciers ont dû veiller à leur seureté.

Autre Arrest aux Enquêtes du 10. de Decembre 1644. au Rapport de M de la Place, par lequel François le Percher fils d’Isaac le Percher étant demeuré adjudicataire d’un héritage par trois mille cinq cens livres, et les deniers qui furent distribuez ayant été payez par le pere qui avoit toûjours jouy de l’héritage aprés la moit de François, Nicolas son frere luy ayant succedé et renoncé depuis à la succession de son pere, sur le blame apporté par les créanciers contre les lors qu’il leur avoit presentez, Phéritage dont l’adjudication avoit été faite sous le nom de François, mais dont les deniers avoient été payez par le pere, ce qui étoit justifié par ces deux moyens, que le pere peu de jours auparavant avoit reçû le remboursement d’une pareille somme, et que François quoy que majeur n’avoit d’autres biens d’ailleurs ; ils furent deboutez de leurs blames nonobstant qu’ils se fussent arrêtez à demander les deniers.

Autre Arrest sur ce fait. François Léguillon, mary de Magdeleine Collemont, avoit rétiré au nom de ses enfans les héritages de Pierre Collemont vendus par autorité de Justice, et il declara depuis qu’il donnoit à ses enfans les deniers qu’il avoit payez pour ce retrait : Nicolas Léguillon, l’un de ses enfans qui n’étoit pas heritier de son pere, les bailla en échange à Magdeleine, Anne et Marie Léguillon ; Michel Pierre, creancier de François Léguillon, faisit réellement les maisons qu’il avoit retirées au nom de ses enfans ; les Léguillon ayant été refusées de la distraction qu’elles en avoient demandée par Sentence du Vicomte de Roüen, sur leur appel elles concluoient qu’il avoit été mal jugé, par cette raison que ces maisons n’avoient jamais. appartenu à François Leguillon, les ayant rétirées au nom de ses enfans, et n’ayant pû en devenir le proprietaire, parce que c’étoit un bien qui procedoit du côté de sa femme ; il est vray que le pere avoit payé les deniers, mais les enfans n’étoient pas obligez de les restituer vû la donation qu’il leur en avoit faite, que la Cour avoit decidé cette question par un Arrest au Rapport de Mr Deshommets du 28. de Février 1665. entre Nicole Poulain, veuve de Jean de la Noè Appellante, et Jean Grosse Intimé ; car dans l’espèce de cet Arrest le pere n’avoit point declaré qu’il donnoit les deniers, et neanmoins parce que le pere ne s’étoit point reservé à les repeter on presuma favorablement pour les enfans qu’il leur en avoit fait don : Il fut répondu par le creancier que le pere n’avoit fait ce don qu’aux charges de droit ; mais Il fut repliqué que cela ne s’entendoit que des charges réelles : Par Arrest, au Rapport de Mr de Brinon, du 17. de Mars 1666. en reformant la Sentence, distraction fut accordée aux Appellantes des maisons retirées par leur pere, contre Nicolas Léguillon Appellant, et Me Michel Pierre Procureur en la Cour des Aydes Intimé, et autres Parties.

Suivant tous ces Arrests on avoit tenu pour Maxime que les enfans ne sont point obligez au remboursement des deniers payez par leur pere pour le retrait fait en leur nom ; mais par un dernier Arrest en la Grand. Chambre du 25. de May 1674. on a changé cette jurisprusence. Bradefer avoit fait plusieurs arquisitions au nom de ses enfans qui renoncerent à sa ccession, Jean simon qui avoit prété de l’argent à leur pere ayant faisi les fermages de ces éritages les enfans en obtinrent main-levée, dont Simon ayant appellé il concluoit que leur ere qui étoit leur tuteur naturel ayant acquis pour eux et ne leur ayant point donné les eniers, ses créanciers comme subrogez à ses droits avoient une action pour les repeter, que c’étoit une fraude apparente de la part du pere pour tromper ses créanciers, empruntant de fargent pour acquerir au nom de ses enfans : Le Nouvel pour les enfans s’aidoit de la raison generale que c’étoit un meuble, et que le pere étoit presumé les avoir donnez quand il ne s’étoit point reservé à les repeter : Mr le Guerchois Avocat General ayant conclud pour l’Ap ellant, la Cour cassa la Sentence, et l’on n’estima pas qu’il fût juste que le pere trompat ses créanciers en acquérant au nom de ses enfans : Cette raison qui a servi de fondement aux Arrests precedens que c’est un meuble que le pere peut donner et qui n’a point de suite par hypoiheque, peut être considérable lors que ce meuble est hors de la main du pere, mais quand il est encore en la possession du pere par l’achapt d’un fonds, c’est faire une illusion à a Justice de dire que ce meuble et cet héritage ne soient plus à luy quoy qu’il en joüisse, parce qu’il en aura mis l’acquisition fous le nom de ses enfans, et il faut faire difference entre ce qui est acquis ou rétiré à droit de sang par le pere au nom de ses enfans ; car pour le retrair les enfans y contribuent leur droit d’agnation, sans lequel l’héritage ne pourroit revenir entre les mains du pere, de sorte que le pere ne fournissant que les deniers il est presumé les leur donner, parce qu’autrement il n’auroit pas rétité un héritage dont il n’auroit point a proprieté ; mais quand il acquiert au nom de ses enfans, ces enfans n’y apportent rien du leur, et c’est pourquoy ces héritages appartenant entièrement au pere il y a quelque justire de ne les laisser aux enfans qu’en payant les dettes de leur pere ; cependant jusqu’à present la faveur des enfans avoit paru plus grande que celle des creanciers qui se devoient imputer de n’avoir pas stipulé l’employ de leurs deniers, mais sur tout la Eaule des enfans doit prevaloir lors que les creanciers sont posterleurs à l’acquisition ; car en ge cas ils ne peuvent dire que l’on ait contracté pour les frauder.


CCCCLXXXIII.

Heritage retiré à droit de lignage, reputé propre.

L’héritage retiré par clameur de bourse à droit de lignage, tient nature de propre et non d’acquest.

Ratio hujus articuli, quia causa immediata acquisitione est à sanguine et geute alterius, et juri patrimoniali personalissimè affixo persona retrabentu, cui sic eompetit, et non alii ; et privativé Argentré ad alterum ; Argent. Art. 4i8. gl. 2. n. 8.

Cet Artiele ne devoit pas être conçû de la sorte, on pourtoit en induite qu’il n’y a que l’heritage rétiré à droit de lignage qui soit propre et non acquest suivant cette regle inclusis mnius est exclusio alterius : Car la Coûtume ne déclarant propre que ce qui est rétité à droit de lignage, il s’ensuivroit que ce qui est retiré à droit feodal ou à droit de lettre-lüé seroit acquest et non point propre : Cependant en cette Province on ne revoque point en doute que l’heTitage rétiré à droit feodal ne tienne la même nature que le fief, et afin que l’on n’en doutâr plus la Cour en a fait un Reglement, Art. 108. du Reglement de 1666. suivant lequel l’hertage reüni au fief est propre si le flet tenoit nature de propre, dont il s’enfuit au contraire que quand ce fief tient nature d’acquest ce qui y est reüni est de la même qualité : Ce qui se fait encore plus naturellement que dans le retrait lignager, les héritages relevans d’un flef en étant émanez et alienez à cette condition tacite du retrait feodal et de tous les autres droits reversibles, le Seigneur feodal retient toûjours la Seigneurie directe quoy que l’utile en soit, transferée à d’autres ; mais au retrait lignager les héritages n’ont jamais appartenu au rettayant, pour les avoir il faut qu’il en rembourse le prix à l’acquereur, et comme il en devient plus riche c’est à parler proprement un véritable acquest ; mais on admet cette fiction qu’ayant ppartenu à un de la famille et étant retirez à droit de sang, on presume que cessant la vente ils seroient échûs à droit successif au retrayant, et que la Coûtume leur donnant le pouvoir par le moyen du retrait d’aneantir la vente ils demeurent au rettayant en la même nature qu’il y auroit succedé cessant cette vente, jusques-là même qu’en consequence de cette fiction ils deviennent propres en la personne du retrayant, bien qu’ils fussent acquests en la personne du vendeur, par cette raison que s’il les avoit eus à droit successif ils fussent devenus propres en sa personne. Bérault a renu cette opinion contreGodefroy , et elle doit être suivie en consequence de cet Article, qui déelate propte tout ce qui est rétité à droit de lignage sans di-stinguer s’il étoit propre ou acquest en la personne du vendeur Pour l’héritage retiré à droit de lettre-lde, la question en a été décidée au Rapport de Mr le Roux Cambremont le 3. de Mars 1645. en la Chambre de l’Edit, entre d’Espiney, Carté, le Dod, et Noel : Il fut jugé contre le sentiment de Berault qu’un héritage tétité par Pacquegreur perdant à droit de lettre-lûe tient nature de propre quand cet héritage vient de succes-dion, car étant propre au rettayant à droit de lettre-lde il refître en sa main avec cette même qualité. Il y auroit plus de difficulté si un pere étant dépossedé par la saisse réelle d’un héritage qu’il auroit possedé par an et jour, et venant à mourir dans l’an et jour du retrait ses enfans retitoient l’héritage à droit de lettre-lde, car ne leur ayant pas été transmis à droit heredifaire et ne l’ayant point trouvé entre les biens de leur pere, c’est un pur acquest qu’ils en font : Il est vray que ce droit de retrait appartenoit à leur pere et qu’il leur vient de luy, parce qu’il l’avoit en consequence de sa possession annale par le privilege que la Coûtume donne aux acquereurs perdans ; mais on peut dire qu’il n’avoit pas jus in re, et qu’ayant été dessaisi de la possession et de la proprieté par le decret il n’avoit rien en la chose, mais on simple troit pour pouvoir la retiter, c’est pourquoy étant rétité par les enfans il ne peut tenir nature fe propre encore qu’il soit retiré en vertu d’un droit qui leur est échû à droit successif ; mais I faut dire la même chose pour les enfans de l’acquereur perdant quand ils retirent à droit de lettre-ldé, que pour les lignagers la fiction doit operer pour la vente comme pour le decret, et puis que les enfans retirant l’acquest revendu par le pere cet héritage est reputé propre, parce qu’on feint qu’il leur seroit échû à droit successif, et que par ce moyen il fût devenu propre, il faut faire valoir la même fiction pour le dectet, cessant lequel les enfans y autoient succedé.

Nôtre Usage sur cette matière est fort opposé à celuy de Paris ; par l’Article 139. de E

Coûtume de Paris lhoritage retiré par retrait lignager appartient à l’heritier au propre et no à l’heritier aux acquests, en rendant toutefois dans l’an et jour aux heritiers desdits acque sts le prix de l’héritage : l’heritier au propre n’est point obligé à cette restitution, et cet Article ne. l’y oblige point, et c’est un usage cettain que l’heritier au propre ne doit aucun rembourEment à l’heritier aux acquests. M Marie Ricard sur cet Article 139. de sa Coûtume, dit qu’il en va autrement des héritages retirez à droit feodal qui ne sont pas reputez propres, mais ils demeurent entre les acquests.

On a revoqué en doute si la femme a droit de doüaire ou de conquest sur les héritages retisez à droit de lignage ou à retrait feodal, vû qu’ils sont declarez propres par cet Article et par l’Article 1c8. du Roglement de 1666. On peut dire que cette espèce de propre a quel que chose d’irrégulier aussi bien que ce qui est porté par l’Article CCCXCVI. quand le maiy sécharge ses propres des rentes ausquelles ils étoient sujets. Si ces sortes de biens sont repuez propres la femme n’y peut avoir aucune chose à droit de doüaire ou de conquest ; il don aussi s’ensuivre de-là que les enfans n’y peuvent avoir de tiers leur pere n’en étant point saisi lors de son marjage ; ils ne sont donc reputez propres qu’à l’effer de faire avantage à l’heritier au propre au prejudice de l’heritier aux acquests, et c’est pourquoy s’ils étoient revendus le tem ploy pourroit en être demandé à l’heritier aux acquests. Berault traite cette question sur l’Ars ticle CCCLXVII. dans l’espèce des héritages qui sont reünis au fief par confiscation ou desherance, mais en ce cas la reünion se fait sans en coûter rien au mary : la même difficulté e rencontre pour les héritages retirez à droit de lettre-lûe, ou en vertu d’une faculté de remère.

Pour la resolution de cette question il faut, à mon avis, distinguer toutes ces espèces : a e l’égard de ce qui est retiré à droit de sang et par retrait feodal, que la femme n’y peut demander doüaire ny droit de conquest ; Pour l’héritage rétiré à droit de lettre-lde elle ne peut rien avoir en la proprieté, mais seulement la moitié des deniers si l’heritage rétiré est situt en bourgage, suivant l’Arrest de de Caux rapporté sur l’Article CCexXIX. et pour l’heritage retité en vertu d’une faculté de remere la femme n’y peut rien avoir, quia non essit Argentré novi temporis acquisitio, sed ex veteri causa et jure in priorem causam potius rediisse quum esse innovatam ; Argent. Art. 418. gl. 3. n. 1o. C’est aussi le sentiment de MTiraqueau , de ret. gent S. 19. gl. 2. n. 4. non est censenda nova acquisitio, neque ex nova causa facta, sed redit in suam ipsius primam & propriam naturam.

La raison de différence entre cette espèce et celle à droit de lettre-lde peut être, que ce qui avoit été vendu par le mary à faculté de remere avant son mariage étoit toûjours un bien propre à l’égard de la femme qu’il remettoit en sa main par le retrait à droit de lettre-lde, c’étoit un acquest que le mary avoit perdu, et le retrait qu’il en faisoit quand il étoit acquest on sa personne, auparavant étoit un nouvel acquest.


CCCCLXXXIV.

Quand commence le retrait et en doit écheoir l’assignation.

Il suffit que la clameur soit prise et signifiée à l’acheteur dans l’an et jour de la lecture et publication faite du Contrat de venduë, encore que le jour de l’asfignation pour venir voir compter deniers et exhiber le Contrat échée aprés l’an et jour, pourvû que l’assignation soit aux prochains pleds ou assises du jour de ladite signification.

La Coûtume de Paris, Article 130. est contraire : et neanmoins le Parlement de Paris a trouvé la disposition de cet Article si raisonnable, que hors les Coûtumes qui sont expresses, au contraire il juge conformément à cet Article :Loüet , l. a. n. 10. C’étoit l’ancienne pratique du Droit François, comme l’Autheur du grand Coûtumier nous l’apprend, l. 2. t. 34. il suffit que ladjournement soit signifié dans l’an et jour, et bien que la journée échée dehors l an, mon nocet. Les Coûtumes d’Auxerre, Article 157. Vermandois, Article 239. et Rheime.

Article 97. sont conformes à la disposition de cet Article ; la raison est que l’ajournement sert d’interruption, et que l’an et jour étant donné pour retirer le retrayant peut signifier la domande en retrait dans le dernier moment.

Les contestations en matière de rétrait tombent ordingirement sur ces deux points, la comgetence du Juge et la validité de l’exploit. Je parleray du premier sur l’Article suivant.

L’exploit pour être valable doit être signé du Sergent et de deux Records, et les Sergens sont tenus d’enregistrer leurs exploits : Mais depuis l’Edit du Controle l’on peut douter si pour la validité d’un exploit de clameur, la presence de deux témoins est necessaire ; l’on a jugé pour les diligences d’un decret qu’en tous les Actes où la Coûtume désire. la presence et la signature d’un certain hombre de témoins, on doit encore aujourd’huy les y faire signer, et qu’en ce cas l’Edit du Controle des exploits n’y a point dérogé ; mais comme la Coûtume n’a pas ordonné cette formalité pour les exploits de chmeur, et qu’elle est seulement établie sur les anciennes Ordonnances et sur les Arrests ausquels l’Edit du Controle des exploits a dérogé, il y a plus de difficulté, et comme cette question est indecise, c’est le plus seur de faire signer des témoins : Suivant la jurisprudence du Parlement de Paris les exploits faits de nuit sont nuls, et ils se doivent faire depuis le Soleil levé, jusques au Soleil couché. Tronçon ; Article 129. de la Coûtume de Paris : Monsieur d’ Argentré ; Article 20. c. 2. l. 1. et 2. de fer. convient qu’il y a des Actes qui ne se peuvent faire de nuit, et qu’il y en a d’autres qui peuvent y être faits, si quidem dies aut conventioualis, aut legalis cujus quam actus gerendi exitura sit ut si forte refundendi aut reprasentandi pretii ex retractus causa, aut instantia peritura, aut quid simile. Ce qui est raisonnable, la Coûtume donnant l’an et jour pour exercer cette action, le temps doit courir jusques au dernier moment : Le Droit Romain a fait naître cette difficulté, on ne pouvoit faire aucun Acte de Justice aprés le Soleil couché, suivant la Loy des douze Tables, Solis ocCasus supremâ tempestas esto, et par l’Article 20. de la Coûtume de Bretagne, les Juges ne doi-yent tenir leurs Jurisdictions et ne faire exploits de Justice de nuit : Mr d’Argentré dit. que cet Article ne doit pas être observé si rigoureusement, que dans une nécessité pressante le Juge ne puisse faire un Acte de Justice. C’est par ce même principe que l’on a jugé que pour les Actions qui perissent dans un temps fatal, on peut même donner un ajournement aux jours des Fetes les plus solemnelles.

Mais nonobstant les nullitez qui peuvent être en un exploit, si l’ajourne se presente et que le jour de l’assignation tombe dans le temps fatal, sa presence couvre tous les défauts qu’il pouvoit proposer ; la raison est que la demande en rétrait peut être faite judiciairement quand l’acquereur y est present, comme il a été jugé par lArrest rapporté par Bérault, l’ajourné nepeut dire que l’exploit n’est point valable quand il en a connoissance et qu’il se presenteau jour qui luy a été designé, mais si l’ajournement tomboit aprés l’an et jour, en ce cas l’ajourné seroit recevable à proposer les nullitez de l’exploir Cette question fut jugée le 16. de Mars 1662. entre Jean le Bret Appellant du Bailly de Gisors, et Goutard Intimé, et du Mercier Sergent : Des trois témoins dénommez dans l’exdoit un seul avoit signé, mais sur cet ajournement qui tomboit dans l’an et jour l’acquereur avoit comparu et consenti l’effet de l’action ; depuis ayant reconnu la nullité de l’exploir il voulut s’en défendre, le Juge ayant reçû le retrayant à son action ; sur l’appel la Sentence fut confirmée par ces deux raisons, que le jour de l’ajournement tomboit dans le temps fatal, et la seconde qu’il avoit consenti la demande du retrayant, plaidans Maurry, le Canu, le Bouvier, et Theroude-

Autre Arrest en l’Audience de la Grand Chambre le 23. de Janvier 1665. entre Pierre le Bon Appellant du Bailly de Caux au Neuschâtel, et Pierre Cossart lntimé, et en la presence de Loüis Sadot Sergent : Cossart étoit demandeur pour retirer l’héritage acquis par ledit le Bon, par exploit du 14. de Juin 1664. l’an et jour du retrait expiroit le 24. du même moiss l’exploit qui fut baillé à l’acquereur par le Sergent n’étoit point signé de luy, il l’étoit seulement de deux témoins, le Bon ne laissa point de se presenter le 17. de Juins auquel jour lajournement tomboit, alors il protesta de nullité et demanda son renvoy aux Pleds, et aprés l’an et jour explré il conclud que l’exploit devoit être déclaré nul, et en consequence le retrayant déchâ de son action ; le Vicomte et le Bailly n’avoient point eu d’égard à sa fin de non recevoir : Sur l’appel Heroüet lon Avocat remontroit que son exploit étoit visiblement nul, et que sa comparution en Jugement n’avoit pû effacer cette nullité, et d’ailleurs il desavoüoit même d’avoir comparu : Theroude pour Cossart convenoit que si le retrayant n’avoit point comparu dans l’an et jour son exploit étoit nul, et que par consequent il ne seroit point recevable à son action ; mais l’ajournement ayant été donné dans l’an et jour, et ayant comparu sur lceluy, sa presence avoit reparé la nullité de l’exploit : La Cour aprés que l’appellant juré de dire vérité eut reconnu qu’il avoit comparu au jour de l’assignation confirma la Sentenge. La distinction qu’il faut apporter pour concilier cet Arrest avec celuy de la Roque remarqué parBerault , est que dans l’espèce de l’Arrest de la Roque le jour de Passignation tomboit aprés l’an et jour, et en ce cas comme le retrayant ne seroit plus reçû û former sa demande en Jugement, la compamition de l’ajourné ne le prive point de proposer ses exceptions, et dans les deux Arrests dont je viens de parler le jour de l’assignatlon tomboit daus l’an et jour, et partant dans un temps où le retrayant pouvoit tout de nouvean faire sa demande.

Ces paroles, pouruû que l’assignation soit aux prochains Pleds ; ont fait naître cette difficulté In lignaget fit signifier un rétrait le dernier jour de l’an, et comme alors les Jurisdictions, étoient cessées à cause de la Mession, on donna l’assignation à un certain. jour de Pleds extraordinaires et qui devoient se tenir ; l’acquereur pretendoit que cette assignation étoit nulle et qu’elle étoit contre la Goûtume, n’ayant pû donner l’ajournement qu’aux prochains Pleds ordinaires ; le Vicomre et le Bailly debouterent le retrayant de fa demande : Par Arrest de 27. de Juin 1653. en reformant les Sentences l’acquereur fut condamné à faire la remise. Le sens de ces paroles, aux prochains Pleds, est que pour le plos tard on don y donner l’apournement, mais on peut anticiper ce terme.

Il est encore nécessaire pour la validité de l’exploit qu’il soit fait à personne ou domicile. mais si l’acheteur est décedé et n’a laissé qu’un mineur, l’offre de remboursement ou l’ajournement fait à sa personne seroit-il valable ; Cette question a paru si douteuse àTiraqueau , de retr. gent. S. 1. glos. 13. n. 19. qu’il n’a pas osé la refoudre, renvoyant la Lecteur consulter les Docteurs qui ont traité cette question ; mais cette difficulté peut être décidée en Normandie par l’Article suivant, car la Coûtume permettant au retrayant de s’adresser au déten-teur de lhéritage lors que l’acheteur est resseant hors la Vicomté, on peut dire que le mineur qui n’a point de tuteur doit toûjours être reputé absent à l’effet que l’ajournement puisse être fait au détenteur de l’héritage, c’est un remede que l’on doit permettre au retrayant par cette raison que l’action en rettait est in rem scripta, et par consequent l’ajournement peut être fait au détenteur de l’héritage, comme je l’expliqueray sur l’Article fuivant, Mais cessant la disposition particulière de cet Article, l’offre de remboursement ou l’ajout. nement fait à un mineur ne peut valoir au défaut d’un tuteur auquel il se puisse adresser pour ne laisser pas écouler le temps du retrait, il doit en demander un Acte au Juge du licar en attendant qu’il ait fait instituer un tuteur au mineur.

Suivant l’opinion commune des Docteurs, l’ajournement qui est nul n’interrompt et ne Tiraq perpétue point l’action citatio invalida non interrumpit ; Tirad. de retr. gent. 8. 8. glos. 2. n. 3. mais quoy que le premier ajournement soit nul, et même que le retrayant ait été debouté de on action par Sentence, il n’est pas exclus de la racommencer si le temps fatal n’est point expiré, et en ce cas l’exception des choses jugées ne luy fait point de prejudice, l. Si mater, S. Eodem, D. de except. rei judic. l. Grege, S. Si sub conditione, D. de pign, ce qui a lieu parloulièrement lors que la nullité procede du défaut en la forme.

Ce n’est pas assez que l’exploit soit en bonne forme, le Sergent qui le fait doit avoir quadité, c’est le Sergent de la Querelle qu’il faut employer, ou au moins un autre Sergent qui it pouvoir d’exercer sur les lieux ; mais il est toûjours plus avantageux pour éviter touses contestations de se servir du Sergent de la Qgerelle, et lors qu’i est suspect ou absent on peut en faire autoriser un autre par le Juge.


CCCCLXXXV.

Signification de clameur au détenteur de l’héritage est ruallable.

Et où l’acheteur seroit demeurant hors la Vicomté où sont assis lesdits herigages, il suffira de la signifier aux detenteurs desdits héritages, soit Fermier, Re-ceveur ou autre-

La Coûtume d’Orléans, Article 368. est conforme à cet Article. Il étoit juste d’ordonner que quand l’acquereur n’est point domicilié sur les lieux ny dans la Vicomté où les choses qque l’on veut retiret sont assises le rettayant ne fût pas obligé de l’ajourner à son domicile, mais qu’il pûst signifier le retrait au détentair de l’haritage ; car si le retrayant étoit tenu d’ajourner l’acquereur en son domicile il seroit quelquefois obligé d’aller plaidor si loin qu’il luy seroit plus avantageux de renoncer à fonaction, où même le temps fatal du retrait se pourroit écouler : Pour éviter ces inconveniens la Coûtume en faveur du rettait lignager et feodal et contre la regle ordinaire, que tout ajournement pour être valable doit être fait à personne ou domicile, permet au retravant de s’adresser au détenteur de l’héritage lors que l’acquereur n’est point resseant dans la Vicomté, et l’acquereur n’est point recevable à demander son renvoy devant le Juge de son domicile, comme il fut jugé sur ce fait en l’Audience de la Grand. Chambre le 10. de Janvier 1653. Vautier Bourgeois de Roüen avoit acquis quelques héritages situez au Boucachard qui est dans le détroit de la Vicomté du Ponteaudemer, Olivier Cabut voulant retirer ces héritages signifia le retrait au détenteur d’iceux, et le fit ajourner devant le Juge du Boucachard ; Vautier se pourvût à la Cour en reglement de uges, et concluoit par Heusé son Avocat que la Cause devoit être renvoyée devant le Vicomte de Roüen son Juge naturel, suivant la Maxime qu’actor sequitur forum rei : Je répon-lois pour Cabut que la Coûtume en cet Article avoit dérogé à la regle ordinaire en permerant au retrayant de s’adresser au détenteur de l’héritage lors que l’acquereur étoit resseant hors la Vicomté, et même quand la Coûtume ne l’auroit pas expressément décidé que l’action en retrait étant plus réelle que personnelle il en faudroit plaider devant le Juge du térritoires par l’Arrest ses Parties furent renvoyées devant le Juge du Boucachard.

Berault Il a même été jugé par un Arrest rapporté par Berauit, donné entre Puchor et Bauquemare, qua Iacquerour pouvoit refuser de plaider devant le Juge de son domicile, et demander le renvoy devant le Juge des lieux où shéritage étoit situé.

Il eût été soit à propos que nos Reformatours se fussent étendus davantâge pour asseurer la validité des ajournemens à l’égard de la competence des Juges, car ils ont laissé dans l’incertitude si lors qu’il n’y a point de détenteur de l’héritage l’acquereur qui n’est point resseant dans la Vicomté peut être ajourné devant le Juge de la chose, ou s’il faut le poursuivre devant de Juge de son domicile, ou bion si lors qu’il est resseant dans la Vicomté il le faut ajourner devant le Juge de la personne ou devant aeluy de la chose ; c’est à dire s’il doit être appellé devant le Bailly quand il est da condition noble, ou si le Vicomte en est competent quand il s’agit d’une terre roturiere

La décision de ces diffioultez dépend de cette question, si l’action en retrait est personnelle ou réelle ; Si on la repute personnelle l’acquereur ne pourra être ajourné que devant le Juges de son domicile et de sa personne t si au contraire on la tient réelle l’action sera poursuivie devant le Juge de la chole.

Nos Auteurs ne s’accordent pas sur ce sujet, les raisons de l’une et de l’autre opihion sont rapportées par le Commentateur de M’Loüet , l. R. n. 52. Quelques-uns estiment que l’ajournement doit être fait à l’acquereur en son domicile, d’où l’on induit que cette action est plus personnelle que réelle ; d’autres afseurent que c’est une regle generale en France qu’il est au choix du retrayant de faire ajourner l’acquereur devant le Juge de sa personne ou de la fituation de la chose venduë, parce que l’action en retrait est une action mixte en laquelle la per-sonne comme étant plus noble atdre régullerement la chose, et de-là vient que Messieurs des Requêtes du Palais en sont competens. Par la Coûtume d’Anjou, Article 382. tout retrait Grimauder se doit inteuter en la Jurisdiction où la chose est sipute. Grimaudet, du Retrait lignager, l. 1. c. 4. pour prouver que l’action est réelle dit qu’elle descend de la Coûtume et qu’elle regarde la chose venduë, qu’elle peut être poursuivie non seulement contre le premier acquereur, mais aussi contre tous seconds acquereurs et autres possesseurs, et que partant il convient de la juger réelle, ou plûtost de la qualité de celle que l’on appelle en droit in rem scripta : C’est aussi le sentiment deTiraqueau , S. 8. gl. 5. et de nos deux Commentateurs, Berault etGodefroy , sur les Articles 484. et 485.

Cet Article rend encore la question plus problematique, car la Coûtume approuvant l’ajoulnement fait au détenteur de l’heritage que l’on pretend retirer ; elle semble mcliner davan-tage à la réalité, et les Arrests lont expliquée de cette manière ; car en la Cause du sieur le Bruman Lieutenant du Bailly de Caux au Neuschâtel, il fut dit par Arrest du 20. de Juillet 1635. qu’il avoit été bien jugé en refusant la retention d’une action en retrait lignager, et l’ayant renvoyée devant le Juge de la Ferté dans le détroit duquel les héritages vendus étoient situez, comme cette action étant plus réelle que personnelle, et par l’Arrest de Puchot et de Bauquemare dont je viens de parler, on tint l’action tellement réelle que le possesseur de l’heri-tage vendu quoy qu’il eût été ajourné à son domicile par le retrayant se ft neanmoins renvoyer devant le Juge de la chose, la Cour ayant trouvé que le Juge du Défendeur n’en étoit bas competent. Et par un autre Arrest du 10. de Decembre 1658. entre la Demoiselle Baillard retrayante à droit de sang, et Bouchard Défendeur, il fut jugé que le lignager du pre-mier vendeur peut valablement signifier le retrait au second acquereur qui est en possessions quoy que le premier acquereur dont le Contrat donnoit ouverture au retrait fût resseant dans à Vicomté : l’on disoit que la Coûtume permettoit bien de signifier le rétrait au détenteur de l’héritage vendu lors que l’acquereur ne demeuroit pas dans la Vicomté, d’où il s’ensuivoit à contgerio qu’il ne le pouvoit pas quand lacquereur avoit son domicile dans la même Vicomté. La Demoiselle Baillard soûtenoit qu’en consequence de ces Article elle avoit pû s’adresser au second acquereur qui n’étoit qu’un simple détenteuugomme un fermier ou un receveur, sed sibi possidobat, et que l’action en réttait étoit plus réelle que personnelle, le Vi-comte avoit ajugé à la Demoiselle Baillard les fins de son action, et le Bailly ayant jugé la contfaire, sur l’appel de la Demoiselle Baillard la Sentence du Vicomte fut confirmée, plaidans de l’Epiney, et Lyout.

Cependant si l’on examine les paroles de cet Article, l’on ne peut pas en induire que l’action en rétrait soit réelle, au contraire les termes marouent qu’elle ne l’est pas, et où l’ache-teur seroit resseant, &c. Il s’enfuit donc que quand l’acheseur n’est point resseant hors la Vicomté, il ne peut être ajourné qu’à son domicile ou à sa personne, la Coûtume ne permettant de faire l’ajournement au détenteur qu’en cas que l’acheteur n’ait point son domicile dans la Vicomté de la fituation des choses. Que si l’ajournement doit être fait à la personne ou au domnicile, il faut que le demandeur suive la Jurisdiction du défendeur, ce qui montre que l’action est personnelle ; car si elle étoit réelle, non seulement il seroit toûjours en la hiberté du etravant de s’adresser au détenteur du fonds ; mais aussi en quelque lieu que l’acquereur eût son domicile, et de quelque qualité qu’il pût être, il seroit tenu de plaider devant le Juge de la chose ; et cependant suivant cet Article, le retrayant n’a la faculté de s’adresser au détenteur que quand l’acquereur est resseant hors la Vicomté, ce qui n’est point contraire à la jurisprudence des Arrests. Celuy de Cabut étoit dans les termes exprés de cet Article : l’héritage vendu étoit situé au Boucachard, qui est un Siege de la Vicomté du Ponteaudemer, et Vautier acquereur étoit un Bourgeois de Roüen. Ainsi l’ajournement fait au detenteur étoit va-lable suivant cet Article dont le sens est que quand l’acquereur est resseant hors la Vicomté, on peut s’adresser au detenteur ; mais quand l’acquereur y est domicilié, on doit l’ajourner à son domicile et devant son Juge. Car cet Article n’est à proprement parler qu’une exception à la regle, que tout ajournement doit être fait à personne ou à domicile : Or la Coûtume exceptant que ce seul cas, elle confirma la regle pour tous les autres ; et l’on a remarqué c7dessus que cette exception portée par cet Article, a pour fondement qu’il seroit rigoureux d’aller chercher bien loin un acquereur pour le faire ajourner, et que puis que l’action en retrait ne tend que pour avoir un héritage, on peut s’adresser à celuy qui en est detenteur : et bien que l’Arrest de la Demoiselle Baillard paroisse contraire à cette explication, néanmoins il ne le détruit point. Car il y avoit cela de particulier que l’on ne considera pas le second cquereur comme un Fermier ou comme un simple detenteur, mais comme le véritable pro priétaire, et que par consequent c’étoit une partie capable de contester ou de consentir l’effen du retrait ; c’étoit à luy à recevoir le remboursement, et il eût été inutile de s’adresser au premier acquereur, puis qu’il n’avoit plus d’interest en la chose. i l’on considere cet Article comme une exception à la regle generale, que tout ajournement doit être fait à personne ou domicile ; il s’ensuyra que la Coûtume repute cette action personnelle, autrement cet Ariicle seroit inutile, car si l’action est réelle l’ajournement peut toûjours être fait au detenteur de la chose, soit que l’acquereur soit resseant dans la Vicomté, ou qu’il ait son domicile ailleurs, l. ult. C. ubi in rem, act. et l. 1. C. ubi de hered. agi oportet.

Et neanmoins l’action ne peut être personnelle, puis que l’acquereur et le retrayant n’ont fait aucun Contrat ny aucun Acte entr’eux qui produise aucune action personnelle l’un contre l’autre, et si elle étoit purement de cette qualité, l’on ne pourroit agit ny contre le tiers posses-seur ny contre le successeur singulier de l’acheteur, car presque toutes les Goûtumes de France appellent une action personnelle celle qui suit la personne et non la chose, ny le successeur singulier, l. cum cui, C. de act. et oblig. et cependant la pluspart de ces Coûtumes disposent que l’action en retrait lignager doit être traitée devant le Juge de la chose. Bourbonnois, Article 427. Maine, 3972. Anjou, 382. et que l’ajournement peut être fait aux possesseurs.

Pour concilier cette difficulté on a reputé cette action mixte, et comme il y avoit quelque chose de personnel et quelque chose de réel, on a composé cette action que l’on appelle actionem personalem in rem scriptam, que datur contra tertium possessorem, & in consequens, elle reut être formée devant le Juge de l’acquereur et de la chose, uterque judex adiri potest et rei Tiraq vendita & emptoris, qui convenitur, prout actor elegerit ; Tira4. de retr. gent. 8. 8. glos. 3. n. 9.

Et toutefois lors que les lignagers veulent retirer, ou que les acquereurs veulent s’approprier pour exclure les lignagers, il faut garder ce qui est prescrit par les Coûtumes de la situa-tion des choses, ubi enim ft questio juris manantis à re immobili, aut circa ipsam rem competenta observanda sunt statuta loci in quo res sita est, l. Si sine herede. 5.Lucius , D. de administ. tut.

Il est fort important de former l’action en retrait devant le Juge qui en est competent, et le ne s’y tromper pas, car c’est une question douteuse si l’ajournement donné devant un Juge ncompetent, proroge l’action et interrompt la prescription : Par la Loy accusaturus, D. Ad leg. Jul. de adult. L’on ne peut corriger son erreur lors que le temps fatal est expiré, accusaturus adulterii, si quid circa inscriptionem erraverit, si tempora largiantur, emendare non prohibetur me causa aboleatur. D’où il s’ensuit que si les temps sont passez, on ne peut plus recouvrer l’action.. La Glose sur la Loy Si pater C. ne de stat. de feud. dit la même chose, congestatio non jure facta pro non facta habetur, et talis contestatio etiam ad interruptionem non prodest Cette question s’offrit end’Audience de la Grand. Chambre, entre Me Guillaume Durand Ecuyer, sieur de Bondeville, Lieutenant general au Bailliage de Caux ; Bernard de la Croix, et Me. Gommé Avocat : De la Croix étoit demandeur en rettait lignager contre Gommé adjudicataire des héritages ayant appartenu au beaupere dudit de la Croix, et il l’avoit ajourné devant le Juge de Cany qui n’en étoit pas competent. Gommé n’y ayant point comparu, de la Croix obtint les fins de son action, par Sentence donnée par contumace le 18. de Novembre 1675. Dans cet intervalle le sieur de Bundeville fit signifier un rettait feodal pour une partie desdits héritages, à quoy Gommé fit réponse que de la Croix les avoit retirez à droit de sang, et que la Cour étoit saisie fut son appel, ce qui donna lieu à renvoyer les Parties en la Cour. Gommé ne conclud point à son appel, et de Cahagnes pour le sieur de Bondeville soûtint que l’action en retrait lignager de de la Croix étoit frauduleuse, et qu’en tout cas elle étoit nulle par deux moyens ; le premier, parce que l’ajournement étoit nul ayant été donné devant un Juge incompetent ; le second, que de la Croix n’avoit point consigné dans les vingtequatre heures aprés la Sentence qu’il avoit obtenuë, ce qu’il étoit tenu de faire. Maurry répondoit que l’incompetence du Juge ne rendoit point l’action nulle, et qu’elle avoit l’effet l’interrompre la preseription, que le défaut de consignation dans les vingt-quatre heutes ne pouvoit être objecté, elle n’est necessaire que quand l’acquereur lors de l’ajournement consent.

de faire la remise et de recevoir son argent ; mais quand il ne fait point de réponse son silence passe pour un refus, et en ce cas il faut suivre la disposition de l’Article CCOCXCII. qui nontient que a’il y a eu refus et depuis obeissanee le garnissement doit être fait dans les prochaine Pleds, si c’est une rotute, ou dans les prochaines Assises si c’est une terre noble : Or il n’avoit pû faire la consignation dans les prochains Pleds à cause de l’appel que Gommé Iuiy avoit faie signifier avant les Pleds : Par Arrest du 2. de Juillet a676. il fut dit à bonne cause l’action en rétrait feodal du sieur de Bondeville. Il passa à l’avis des Juges qui estimoient Jue l’incompetence du Juge rendoit l’action nulle, et qu’elle n’interrompoit point la preseri otion ; car pour l’autre moyen touchant le défaut de consignation on ne s’y arrêta point, ceux qui étoient de l’opinion contraire à l’Arrest disoient que quand l’ajournement ne seroit pas valable la sigmification du rétrait interrompoit la prescrlption, et n’étoit pas aneantie par l’incompetence du Juge, et sur cela l’on citoit m Arrest donné au Parlement de Dijon entret Mr le Prefident de Grémonville et le fieur Busqueti Le fief de Gtemonville est mouvant de la Comté d’Eu ; Mr de Gremonville avoit signifié un retpait foodal pour quelques héritages vendus par le sieur Busquet, et donna l’ajournement devant le Juge de Gtomonville ; mas le sieur Busquet étant aussi retrayant au nom de ses enfans, il fit ajourner aux Requêtes du Palais Mr de Gremonville qui n’y comparut point, mais sur le reajournement qui luy fut donné aprés l’an et jour il objecta au sieur Busquet que son exploit étoit nul, n’ayant pû Evoquer aux Requêtes du Palais de Roüen une Cause qui étoit du ressort du Parlement de Daris, et que par consequent le second ajournement n’ayant été fair qu’aprés l’an et jour il n’étoit plus recevable à son action : L’affaire ayant été renvoyée au Parlement de Dijon, le sieur Busquet obtint Arrest à son profit. Il y a un Arrest conforme dans la premiere partle du Journal des Audiences, l. 1. c. 126. de l’impression de 1652. par lequel un demandeur en retrait lignager qui avoit fait ajourner l’acquereur par devant un Juge incompetent fut reçû à retirer, quoy que durant la contestation sur l’incompétence l’an et jour fût expité, et le motif de l’Arrest fut que l’ajoumement étant libellé il avoit interrompu la prescription annale et prorogé l’action à un an du jour de l’interruption, et que tel est l’usage de France, que citatiol libellata impedit prascriptionem etiam coram judice incompetente facta, suivant un ancien Arrest : du Parlement de Paris rapporté au Style de proceder où du Moulin l’a noté exprés en marge, verbo, servir d’interruption : En effet quoy qu’un acte ne puisse produire aucun effet, néanmoins la demande libellée portée par un exploit est quelque chose de distinct et separé qui peut bien subsister encore que l’ajournement ne soit pas valable.


CCCCLXXXVI.

Fruits de quel jour sont acquis.

Les fruits sont acquis au retrayant du jour de l’ajournement, débours ou garnissement qu’il aura fait des deniers du prix principal du Contrat, et loyaux cousts.

La Coûtume aprés avoir marqué les choses qui sont retrayables et les personnes qui peuvent user du retrait, elle commence maintenant à prescrire au retrayant ce qu’il doit faire pour obtenir l’effet du retrait.

Cet Article n’a lieu que lors que l’acquereur a refusé de gager le retrait ; car en ce cas il ne doit pas profiter de son retardement, et nonobstant sa refuite le retrayant gagne les fruits en faisant ce qui luy est ordonné par cet Article

quelques-uns ont pensé que lors de l’ajournement en retrait lignager il ne suffit pas pour gagner les fruits d’offrir les demers, et qu’il les faut débourser ou garnir, ce qui peut être fondé sur les termes de cet Article qui paroissent assez exprés : D’autres estiment que la consignation n’est necessaire que pour le retrait conventionnel, et qu’il suffit d’offrir les deniers.

Par la Coûtume de Paris, Article 134. la consignation n’est point necessaite, parce qu’il faut que l’acquereur tienne toûjours son argent prest. Dans les Coûtumes qui chargent les lignagers d’offrir, ce terme d’offrir n’emporte pas la necessité de consigner, s’il n’est expressément dit qu’il faut consigner, mais cessant cette disposition l’offre faite par le lignager a son effet Grimauder sans consignation : Grimaudet, du Retrait lignager, 1. 7. c. 16. et les Coûtumes du Mayne et d’Anjou ne requierent aussi aucune consignation, et c’est une Maxime presque universelle qu’en rettait lignager il suffit d’offrit sans consigner, et si le retrayant avoit donsigné ses denierapourroit les retirer sans faire de prejudite à son action et au gain des fruits.

C’est lusage en cette Province, et conformément à l’Arrest de Cingal rapporté par Bérault sur l’Article suivant, il a été jugé qu’il suffit au retrayant de faire offre et exhibition de ses deniers pour gagner les fruits, et que la consignation n’en est point necessaire : la Cause étoi entre le Chez valier retrayant et Vetier ; la question ne tomboit pas sur le gain des fruits, mais sur ce point loquel des deux devoit porter la diminution arrivée fut l’argent : le retrayant disoit qu’ayant offert et exhibé ses deniers ; et l’acquereur les ayant refusez sans raison, c’étoit à luy à pûrter certe perte. Heroüet pour Vetier s’appuyoit sur cet Article, suivant lequel les fruits sont acquis au rettayant du jour de l’ajournement, déboursement ou garnissement des deniers ; d’où il concluoit que le retrayant n’ayant fait aucun garnissement de ses deniers il étoit obligé de les payer au prix courant, et non à celuy qu’ils valoient au temps de l’offre. La Loy Acceptam, C. de usur. ne tequiert pas simplement l’offre, mais encore la consignatiom : l’Article CCCCLXXXVI. doit s’expliquer par le suivant ; par lequel il suffit d’offrir les deniers lors que l’acquereur refuse de faire delais, et par consequent s’il suffit d’offrir pour gagner les fruits prés le refus ; l’offre est oncore plus suffisante pour éviter la diminution, puis que l’acquereur les a refusez sans aucun pretexte : Par Arrest de la Grand-Chambre du 4. de Decembre 1653. il fut dit à bonne cause le retrait, et Vetier fut condamné de recevoir les deniers au prix qu’ils valoient au temps de l’offre-

Berault sur l’Article suivant dit que si l’ajournément n’a pas été fait en parlant à la personne de l’acquereur les fruits ne seront adquis au retrayant que du jour que les deniers auront été actuellement garnis ou judiciairement offerts, mais si l’ajournement a été fait en parlant à la personne avec offre et exhibition de deniers et qu’ils soient refusez par l’acheteur, les fruits seront acquis au retrayant du jour de son offre : Cette difficulté s’offrit au procez de Claude le Coûturier, demandeur en retrait contre Mr Estienne Congnard Conseiller Secretaire du Roy, qui avoit acquis la Terre de Tournebu par soixante et cinq mille livres ; le retrait avoit été signiflé au domicile du sieur Congnard le 30. d’Aoust, un jout avant le premier de Septembre, auquel jour les fruits et les raisins sont declatez meubles par la Coûtume : l’affaire portée en a Chambre de l’Edit les Juges furent partagez en opinions sur ce point, que les uns vouloient donner les fruits au rettayant du jour de son exploit et de loffre des deniers, les autres ne les accordoient au retrayant que du jour de la contestation en Cause. se fondant sur la distinction de Bérault, que quand l’exploit n’a point été fait à la personne les fruits ne sont acquis que du jour du garnissement ou de l’offre judiciaire ; mais en la Grand-Chambre où le partage fut porté on n’eut point d’égard à cette distinction, et la Cause fut jugée sur cette circonstance, qui n’avoit point été remarquée que le retrayant n’avoit offert qu’une partie du prix qu’il falloir rembourser, de forte que son offre n’ayant pas été trouvée suffisante les fruits furent ajugez au sieur Congnard, par Atrest du 5. de Février 1661.


CCCCLXXXVII.

Et où l’acquisiteur seroit refusant ou delayant d’obeir à la clameur il suffira d’offrir les deniers du prix et loyaux coûts, pour gagner les fruits du jour de l’offre.

La Coûtume en cet Article s’est expliquée plus nettement que par le precedent, car ne donnant les fruits au retrayant que du jour du déboursement ou garnissement, il sembloit que l’acquereur ne pouvoit gagner les fruits qu’aprés avoir consigné ses deniers ; mais en cet Article elle déclare que quand l’acquereur refuse de remettre l’héritage il suffit d’offrir les deniers, et elle n’oblige point le retrayant de les débourser ou de les consigner. Une simple offre de configner a moins de force et dieffet que la confignation, mais la consignation actuelle quipolle à un véritable payement, obsignatio si ritè facta sit solutionis instar obtinet ; oblatio nuda quamvis congruo loco et tempore facta sit, nunquam habetur pro solutione : l’offre fimple n’est pas neanmoins toûjours inutile, comme il paroit par cet Article où elle emporte le gain des fruits, et elle sert souvent ou pour constituer en retardement celuy à qui elle est faite, ou pour empescher que celuy qui l’a fait ne soit reputé morofif ; mais quoy que l’offre valablement faite par le debiteur mette le creancier en demeure, elle ne libere pas neanmoins le debiteur, et au contraire la consignation quoy que ce ne soit pas absolument un véritable payement elle ne laisse pas de hberer le debiteur, non est quidem vera solutio, sed pro solutione habetur ; Fabri le Error. Pragm. l. Decade 22. error. 3.

Il arrive souvent difficutté pour sçavoir si l’offre simple sans consignation fait cesser l’interest ; L’on fait distinction entre les mterests qui sont dûs par convention, et ceux qui ne le sont qu’ex mora, l’offre feule des deniers pour faire le rachapt d’une rente, n’arrête point le cours des arrerages ; la consignation est absolument necessaire en ce cas, I. Debitor 7. D. de pfur. en l’autre cas il suffit d’offrir, parce que cette offre empeschant que le debiteur ne soit en retardement, et ces interests n’étant dûs que quand le debiteur est en demeure, il n’y en eut échoir lors que le debiteur a vouln s’aquitter, l. Qui decem 7a. in princ. D. de solut.

AntoniusFaber , de Error. Pragm. Dec. 22. error. 5. estime que nos Praticiens tombent dans une erreur, lors qu’ils tiennent qu’il suffit à l’acquereur d’un héritage d’offrir les deniers du peix de l’achapt pour se décharger de l’interest, et qu’an contraire il est tenu de les consigner actuellement ce qui est si véritable en Droit, qu’encore que le vendeur vienne à mourir et one fa suecession ne soit point encore acceptée, les interests ne laissent point de courir suivant le sentiment dePapinien , en la l. Evictis, 18. 5. 1. D. de usur. post traditam possessionem defuncte venditore, cui successor incertus fiat médii quoque temporis usurae pretii, quod in causa depositi non fuit vestabuntur ; que s’il en étoit autrement, il arriveroit que le vendeur seroit dépoüillé de son bien, et qu’il perdroit les interests du prix qu’il l’auroit vendu, et qu’au contraire l’acquereur auroit le prix et la chose, ce qui seroit tout à fait injuste, l. Liberalitatis 17. 5. 1. de usur. l. Curabit, 5. C. de act. empt. et cet Auteur ajoûte cette raison, que pretium quod emptor venditori debet non in conditione est, sed in oblivtatione : ldeoque non prius desinere potest deberi quam salutunfuerit aut pro soluto habendum, idest obsignatum. Nonobstant ces raisons, nôtre Coûtume decide que quand le retrayant a offert à l’acquereur de le rembourser, et qu’il a refusé de remettre l’héritage, il suffit de luy avoir offert les deniers pour gagner les fruits. De oblat. et consignat Bartol Loyseau Gartol. in l. Acceptam, C. de usur.Molin . de usur. 4. 39. et sequent.Loyseau , du Déguerp. 5. c. 9. n. 18. Anton.Faber . loco supra citato.


CCCCLXXXVIII.

Grains sur terre quand sont reputez meubles.

Les grains étans sur la terre aprés le jour S. Iean Baptiste, sont reputez meubles, encore qu’ils ne soient siez ny coupez, tout ainsi comme s’ils étoient se-parez du sol.

Cet Article introduit une nouvelle manière, par laquelle les fruits ne sont plus partie du sonds encore qu’ils n’en soient point encore separez ny recueillis, ny même encore en état de l’être : aprés la S. Jean les grains étant sur la terre sont reputez meubles nonobstant qu’ils ne soient sciez ny coupez, ny même en maturité.

Par les Articles precedens le retrayant gagne les fruits du jour qu’il a offeit à l’acquereur le remboursement de ses deniers, mais suivant le droit commun les fruits pendans par les racines, et qui ne sont point separez du sol faisant partie du fonds, on pouvoit presumer que les fruits de toute l’année luy appartiendroient entièrement comme faisans partie du fonds qu’il auroit rétité si lors de l’offre qu’il auroit faite ils n’étoient point encore recueillis, et par consequent l’acquereur seroit privé de la joüissance de toute l’année, bien que le lignager n’eûr demandé le retrait que sur le point de la maturité et de la recolte des fruits, ce qui n’auroit pas été raisonnable ; Car encore que les fruits se perçoivent et se recueillent en une certaine saison de l’année, néanmoins ils ont crû et sont parvenus à leur persection et à leur maturité durant le cours d’une année entière ; Totius anni unus fructus est, l. Si fundus, 5. 1. D. sol. matur. et l’acquereur ayant été Seigneur du fonds rétiré durant la meilleure partie de l’année, pendant laquelle les fruits ont été mis en terre, ils ont été produits et nourris jusqu’au point de leur maturité, et si la recolte en a été retardée jusqu’à leur parfaite maturité, ce rétardement ne doit pas luy être si prejudiciable qu’il fouffre la pette entière des fruits, il est donc équitable que les fruits soient divisez entre le retrayant et l’acquereur La Coûtume a trouvé un temperament équitable, elle punit véritablement le refus injuste de l’acquereur en donnant les fruits au retrayant du jour qu’il a offert le remboursement mais c’est à condition qu’il ait demandé le retrait avant la S. Jean : mais les grains étans ameublis, bien qu’ils ne soient pas coupez ny siez, ils appartiennent à l’acquereur, et par ce moyen il est indemnisé de la depense qu’il a faite pour la culture du fonds : Que si le retrayant a formé sa demande avant la S. Jean, en ce cas les grains n’étans point ameublis, ils luy appartien-nent comme faisans partie du fonds, à condition toutefois de payer à l’acheteur ses labours, semences et engrais, et outre cela l’acquereur doit avoir encore pour le terrage des deniers du fermage ou du prix que la terre eût pû être baillée au prorata du temps qu’il a possedé avant l’ajournement, Article CCCCLXXXIX. et quant aux prez, bois, pommes et autres fruits naturels, l’acheteur en est payé au prorata du temps qu’il a possedé avant l’ajournement, Article CCCCXC. ce temperament est fort équitable, car le retrayant a les fruits du jour de son offre, et l’acquereur est remboursé de ses impenses, fructus enim eos esse constat, qui deducta impensa supersunt, l. Fructus, D. sol. matur. et quand la Loy ordonne quelque restitution de fruits, c’est toûjours à la charge de deduire les frais qui ont été faits pour la culture et pour la recolte, l. In fund. de rei vindic. D. Ainsi pour regler le gain des fruits, l’on ne considere que deux temps, celuy d’auparavant la S. Jean et celuy d’aprés, et pour les fruits naturels, celuy d’auparavant le premier de Septembre et celuy d’aprés, que si l’héritage étoit baillé à ferme, quoy ue l’action en retrait n’ait été formée qu’aprés la S. Jean, l’acquereur n’auroit pas les fermages entiers, dautant que par l’Article CCCCex. les deniers des fermages ne sont meubles que du jour que les fruits sont perçus, sequuntur enim conditionem & jus fructuum quorum nomine penduntur, I. Defuncta fructuaria 58. D. de usufr.


CCCCLXXXIX.

Remboursement dû à l’acheteur.

L’acheteur sera payé de ses airures, semences et engrais, s’il n’a les fruits : et outre il aura pour le terrage des deniers du fermage ou du prix qu’eût pû être baillée la terre, prorata du temps qu’il a possedé avant l’ajournement.

Cet Article n’a lieu que quand le retrait a été signifié avant la S. Joan : car alors les fruits n’étans point ameublis, et par consoquent l’acquereur ne les pouvant avoir, il est juste de l’indemniser, comme je l’ay fait voit sut l’Article precedent.

Mais lors que la Coûtume dispofe qu’il n’aura du fermage qu’à proportion du temps qu’il a possedé avant l’ajournement, cela se doit entendre quand le retrayant a fait offre de le rembourser, et que l’acheteur l’a refusé : Car la Coûtume dans les Articles precedens ne donne les fruits au retrayant que du jour qu’il a offert ses deniers, de sorte que s’il avoit ajourné simplement l’acheteur pour luy faire delais sans luy offrir le remboursement, les fruits ne luy se-roient acquis que du jour du remboursement ou de la consignation. Suivant le Droit Romain, et le fentiment de nos vieux Praticiens, l’acquereur ne restituoit les fruits que du jour de la contestation en cause ; mais la pluspart des Coûtumes conformes à la nôtre decident que l’aoquereur cesse de gagner les fruits du jour qu’il a été ajourné : Par l’Article 94. de l’Ordon-nance de 1539. en toutes actions réelles, possessoires et personnelles, les fruits sont restituez du jour de la demeure, mais comme l’Ordomante ne definit point quand se contracte la demeure, la Coûtume la fait commencer au temps de l’ajournement-Par cet Article l’acheteur ne doit avoir que ses labours, semences et engrais, et il n’est point parlé des autres impenses qu’il auroit faites sur la chose : Il est sans doute que ces impenses ne peuvent être deduites sur la chose, quoy qu’elles avent été faites pour l’utilité de la chose, ne emptor tantas faceret, ut nullus retraheret : Mais la difficulté consiste à sçavoir si l’acheteur a droit de retention ; c’est une regle generale que tout Seigneur ou proprietaire commutable, non seuement ne peut démolir ou changer l’état de la chose ; mais il ne doit pas même entreprendre de nouveaux ouvrages pour rendre le retrait onereux et difficile aux lignagers, on retiendroit sur ce pretexte l’héritage que l’on veut retirer ; car il y a de l’imprudente ou du dol de s’engager à faire de la depense sur un fonds qui peut luy être arraché des mains dans l’an et jourCependant la pluspart des Coûtumes de France obligent le retrayant à rembourser les im-penses necessaires et non point las utiles ; mais suivant nôtre usage, il n’est permis à l’acqueseur de faire aucune depense s’il ne l’a expressément stipulé par son Contrat, ou que cette de-pense fût absolument necessaire pour la conservation de la chose : et c’est pour éviter cette contestation que l’on stipule ordinairement dans les Contrats que l’acheteur pourra cmployer ine certaine somme pour les reparations necessaires, et quand cette clause a été obmise, c est de plus seur de faire dresser un Procez verbal par autorité de Justice des reparations nocessaires, et de les faire bannir et ajuger au rabais.

Quoy que l’acquereur ait stipulé qu’il aura linterest de ses deniers, si lhéritage est rétité le retrayant n’est point tenu de len rembourser. La Demoiselle Hoütel achetant une Terre du sieur de Glatigny elle stipula qu’en cas de retrait elle seroit payée de finterest de ses denters tu prix du Roy, et elle y fit condamner le sieur de Giverville qui avoit rétiré la Terre : Sus l’appel Lyout son Avocat soûtenoit que les fruits tenoient lieu d’interest à Iacquereur, que suivant cet Article il est payé de ses labours et semences s’il n’a point les fruns, et il a part encore au terrage ou au fermage à propottion du temps qu’il a possedé, et par l’Article suisant on laisse au choix du retrayant de payer au prorata l’estimation des fruits naturels, au rorata du temps de la joüissance, si mieux il n’aime payer finterest au denier quinze : La llause du Contrat ne l’obligeoit point étant contre la Coûtume, et teluy qui acquiert fomble pour tout profit s’arrêter aux fruits que l’héritage peut produire et cette question avoit été décidée par l’Arrest rapporté par Berault sur l’Article CCCCLXXX. Maurry pour la Domoi selle Hoüel pretendoit que la stipulation portée par son Contrat ne devoit point être inutile, et qu’elle en faisoit partie, non alias contractura. La Coûtnme defire que l’acquereur soit entierement indemnisé, qu’elle ne le seroit pas si elle n’avoit que les fruits, dont la valeur étoit peaucoup au dessous de linterest de ses deniers. Il pourroit arriver qu’un acquereur auroit empruné de fargent dont il payeroit linterest, et cependant il n’auroit que des fruits de peu de valeur, et par l’Arrest cité par Berault Iacquereur eut cet interest sur le vendeur, mais elle étoit exchuse de les demander contre son vendeur, parce qu’il avoit stipulé qu’il ne seroit point garand des interests, de sorte que si le retrayant en étoit déchargé elle les perdroit entièrement : Par Arrest du 24. de Février 1656. en infirmant la Sentence le retrayant fut déchargé des inrerests. Autre Arrest du 19. de Juin 1665. pour le sieur de Pol retrayant, plaidans Theroude, et Maunourry. On trouve des Arrests du Parlement de Paris pareils à ceux cy-dessus dans le Recueil de Corbin, c. 5. et dans les Arrests de la cinquième Chambre des Enquêtes de Mr lePrêtre .


CCCCXC.

Et quant aux prez, bois, pommes et autres fruits naturels, l’acheteur en sera payé au prorata du temps qu’il aura possedé avant l’ajournement, sur l’estimation qui en sera faite : si mieux le clamant ne luy veut payer l’interest des deniers du Contrat au denier quinze.

Me Jacques Godefroy sur cet Article, et sur l’Article CCCCCV. a crû que la Coûtume auroit fait difference eutre les fruits naturels et industriels, et que pour less fruits naturels comme les prez, bois, pommes, et autres fruits, quoy que le retrait en soit intenté aprés la S. Jean ils appartiennent au retrayant en payant l’interest au denier quinze ou l’estimation des fruits à la proportion du temps échû depuis le temps du Contrat à son choix ; et qu’encore que la Coûtume en l’Article 505. mette les foins entre les fruits ameublis aprés le jour S. Jean, quant à l’effet des successions elle en dispose autrement quand il s’agit de clameur lignagere.

Cet Auteur n’a pas bien compris l’intention de la Coûtume, elle ne fait point de difference entre les retraits et les successions, et en tous les deux cas les fruits, grains et foins sont ameublis aprés la S. Jean, et les pommes et les taifins aprés le premier jour de Septembre ; le sorte que si le retrait n’est demandé qu’aprés la S. Jean ou le premier de Septembre, tous les fruits demeurent à l’acquereur, et le véritable sens de cet Article et du precedent est que quand l’acquereur n’a point les fruits à l’égard des grains il est payé de ses labours ; semences et engrais, et outre il a pour le terrage les deniers du fermage ou du prix que la terre eût oû être baillée au prorata du temps qu’il a possedé avant l’ajournement : et quant aux prez ; pois, pommes, et autres fruits naturels, il en est payé au prorata du temps qu’il a possedé vant l’ajournement, si mieux le clamant ne luy veut payer l’interest des deniers du Contrat au denier quinzes


CCCCXCI.

Garnissement comment doit être fait.

Le garnissement doit être fait en or, ou argent monnoyé ayant cours : et au cas que la clameur soit gagée, le garnissement doit être fait dans les vingtquatre heures.

Lors que le retrait a été ajugé il ne suffit plus d’offfir les deniers, si l’acheteur est refusant de les recevoir il faut les consigner actuellement, et pour faire une consignation valable elle doit être faite Partie presente ou dûëment appellée ; les deniers confignez doivent être en monnoye de poids et de bon aloy, quia reproba pecunia data solbentem non liberat, l. Eleganteri P. 1i de pigner. act. D. Mais il me paroitroit rigoureux de déclarer une consignation non valable lors qu’il s’y rencontre quelques pieces fausses ou legeres, neanmoins c’est le sentiment des Docteurs sur la Loy Omnes, c. de hered. vel act. vend. Et de la Lande sur l’Article 370. de la Coûtume d’Orléans, rapporte un Arrest par lequel une consignation fut declarée insuffisante, parce qu’il s’y étoit trouvé des pieces fausses et legeres, ce qui rendoit la consigna-tion imparfaite ; le plus seur est de garnir une somme plus grande que le prix du remboursement, Suivant l’Article CCCCLXXXIV. il suffit que le retrait soit signifié à l’acheteur dans l’an et our de la lecture du Contrat, encore que le jour de l’assignation pour voir compter les denlers échée aprés l’an et jour. En explication de cet Article et du present Article, on a donné un Arrest sur cette espèce. Charles Minfant Ecuyer, sieur de Craville, clama un héritage et donns ajournement aux prochains Pleds : Thomas du Coudray acquereur gagea le retrait lors de la signification qui luy en fut faite, et déclara qu’il étoit prest de recevoir son remboursement, le sieur de Craville au lieu de rembourser dans les vingt-quatre heures attendit le jour de l’écheance de l’ajournement, l’acquereur soûtint qu’il n’étoit plus recevable à sa demande, le retrayant ne l’ayant pas remboursé dans les vingt-quatre heures de la clameur gagée suivant cet Article, et neanmoins il fut condamné à faire le delais : Heroüet conclud qu’il avoit été mal jugé, et que suivant. cet Article Il avoit dû rembourser dans les vingt-quatre heures ; il n’étoit point necessaire d’attendre le jour de l’assignation car il n’y avoit point de procez, lacquereur consentoit au retrayant les fins et le profit de son action ; ce qui l’obligeoit lndis-ensablement à rembourser l’acquereur dans les vingt-quatre heures ; quand Il y avoit contredit il falloir attendre le jour de la Jurisdiction pour être reglez, mais quand on consentoit la demande du retrayant on n’avoit plus de besoin d’aller en Justice, et le retrayant n’avoit point de sujet de retarder le remboursement. Maunourry répondoit que la Coûtume ayant donné cette liberté au retrayant de pouvoir mettre son ajournement aprés l’an et jour il n’étoit pas au pouvoir de l’acquereur d’abreger ce delay et de le priver de cette faculté : Il luy fut reparty qu’en consequence de son offre il auroit pretendu avec raison acquerir les fruits, et cependant il ne vouloit point que l’acquereur la pût acceper lors qu’elle luy étoit faite pour éviter à la perte de l’interest de ses deniers, ou pour sauver les fruits : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 27. de Févtier 1658. en reformant la Sentence, le retrayant fut debouté de son action.

Il a été jugé par un autre Arrest que quand la clameur est gagée, le remboursement doit être fait ponctuellement dans les vingt-quatre heures : Me Pierre Cavelet Ecuyer, fieur de Houderot, President au Presidial de Caudebec, avoit gagé la clameur à Nicolas de Normanville Ecuyer, sieur des Heberts retrayant, lequel fi on offre de ses demers judiciairement ; le sieur de Houderot demanda temps jusques au Samedy d’apporter son mémoire de frais et loyaux cousts : cependant le sieur des Heberts n’ayant point fait le remboursement, ny garny ses detiers dans les vingt-quatre heures, il fut debouté de rettait. Sur son Appel, il alléguroit pour grief qu’ayant offert ses deniers judiciairement, et l’acquereur ayant demandé un temps pour bailler son memoite de frais, et le Juge l’ayant ainsi ordouné pour être procedé à ce jour lau remboursement, il n’étoit pas obligé de garnir ses deniers qu’à l’heure du remboursement. I1 voit suivy l’ordre que le Juge luy avoit prescrit, et en ce faisant il ne luy pouvoit être imuté qu’il eût contrevenu à la disposition de la Coûtume ; mais l’Intimé soûtenoit que ces rai-sons ne le dispensoient point de rembourser ou de garnir dans le temps prefix : Par Arrest du 8. de Decembre 1651. la Cour sur l’appel mit les Parties hors de Cour, plaidans Theroude et L Canu-

Autre Arrest du 13. de Decembre 1670 au Rapport de Mr de Touvens, par lequel il fut jugé que N. le Normand, fille du Vicomte de Vernon, n’étoit plus recevable à sa clameur, laquelle luy voit été jugée en l’Audience, et les Parties renvoyées du Samedy au Lundy au Tabellionnage. où ce jour là elle avoit representé ses deniers, mais elle ne les avoit point comptez ny consignez, deux jours aprés les Parties ayant été oûyes, elle allégua qu’elle avoit ses deniers et demandoit à les consigner ; Fermel’huis acquereur ayant conclud à la fin de non recevoir, et la Cause ayant été apointée au Conseil, par l’Arrest elle fut declarée non recevable. autre Arrest en la Chambre de l’Edit du 13. de Juillet 1662. entre Vigor appellant et Simon Intimé, le retrait avoit été signifié dans l’an et jour à comparoir aux prochains Pleds, par une premiere Sentence il avoit été dit que l’acquereur justifieroit dans les vingt-quatre heures. les payemens qu’il alléguoit avoir faits, et que vingt-quatre heures aprés le retrayant consigneroit les deniers pour en venir au jour ensuivant qui étoit le troisiéme, le rettayant ne consigna point dans les vingt-quatre heures, mais dans le jour ensuivant : le Juge l’ayant reçu en consequence à sa clameur, la Sentence fut cassée et le retrayant debouté de son action ; plaidans Theroude pour l’appellant et moy pour l’Intimé.

Par l’Article 36. de la Coûtume de Paris, le garnissement doit : être fait dans les vingr-quatre heures ; mais il s’observe que pour cause, le Juge peut proroger ce temps comme si l’a-ction avoit été artirée aux Requêtes du Palais ou au Parlement, et que les Parties soient de oin : Voyez Ricard sur ledit Article

Le remboursement doit être fait au domicile de l’acquereur et non an lieu de l’lostance évoquée, ainsi jugé contre Mr le President du Tronc, le premier de Février 1630. plaidans Co-querel et Giot, conformément à l’Arrest remarqué par Berault Le garnissement doit être fait en or ou argent monnoyé, et on ne suivroit pas un Arrest par dequel le garnissement de deux tasses d’argent fut déclaré valable, parce que se pouvant estimer c’étoit une somme liquide ; cela ne se pratiqueroit pas maintenant, et il faut rembourser on point en mêmes espèces, mais en monnoye ayant cours : et la Coûtume limitant le temps. de vingt-quaire heures pour faire le remboursement, il n’est pas au pouvoir des Juges de le prolonger non plus que celuy dont il est parlé dans l’Article suivant. La Coûtume d’Orléans article 371. conforme à celle de Paris remet à l’arbitrage du Juge de limiter le temps dans lequel de remboursement se doit faire aprés contestation en causeLe retrayant peut-il renoncer à son action, sur tout lore que l’effer luy en a été ajugé par Sentence : J’ay déja répondu pour l’affirmative sur l’Article CCCCLII. qu’un retrayant soit droit de fief, de lignage ou de lettre-lûe, peut même aprés la Sentence qui luy ajuge sa demande renoncer à son action, parce que le retrait est une grace et un privilege accordé eontre le Droit commun, et qu’il est permis à un chacun de renoncer à ce qui est introduit en sa faveur, à l’exemple du mineur lequel s’étant fait restituer peut neanmoins renonceru benefice de la Sentence sans pouvoir être contraint par l’acheteur de aeeprendre la chose venduë et de luy restituer le prix, quia unicuique licet contemnere hec quae pro se introducta sant, L. Si judex 41. D. de minor. Ce qui a lieu suivant le sentiment des Docteurs, in his omnibus que sunt quesita jure quodam singulari, sive extraordinario ac Speciali, comme est le rettait, ce qui procede même de la nature du retrait, car le retrayant n’ayant droit de demander la chose qu’en remboursant le prix à l’acquereur, l’acquereur ne peut conclure qu’à l’éviction de la demande en rettait à faute d’être remboursé, de sorte que quand le retrayant ou par un chan-

gement de volonté, ou par impuissance ne peut faire le remboursement, il ne doit en souttrir d’autre peine qu’une condamnation des dépeas du procez, poenitentia acta exceptionem atilem adversus petentem pretium quasi ex causa judicati haberi potest, les choses étant reputées entieres usqu’au remboursement ; la Sentence qui ajuge le retrait ne le donnant qu’à charge de payer, il est en sa liberté de ne payer point s’il peconpoit que le retrait luy seroit onereux s’il soit tenu de rembourser à l’acquereur tout ce qu’il demande. C’est le sentiment deTiraqueau , Grimauder sur le Paragraphe dernier du Retrait lignager, n. 24. et suivans ; et de Grimaudet, l. 2. c. 33. du Retrait lignager ;Boyer , Decis. 48. Par la Coûtume du Mayne, Article 418. et de celle d’Anjou, Article 406. si le demandeur en rettait ne prend le retrait il est tenu aux dépens, dommages et interests du défendeur. M. Loüet en a remarqué un Arrest notable, et Bérault, ur l’Article CCCCXCI. de la Coûtume de Normandie, cite un Arrest par lequel un retrayant à droit feodal fut resû à renoncer à son action en rétrait, m his omnibus qui suvore quodan beciali introducta sunt, licet unicuique renuntiare juri prose introducto, l. et favore, C. de legib.


CCCCXCII.

Et s’il y a eu refus, et depuis obeïssance, le garnissement doit être fait dans les prochains Pleds, si c’est terre roturiere, et si elle est noble, dans la prochaine Assise.

On revoquoit autrefois en doute si le remboursement devoit être fait devant les Juges oû les Tabellions : Les uns et les autres ont eu de longues contestations sur ce sujet ; les Juges soûtenoient que cela leur appartenoit, puis qu’il s’agissoit de l’execution de leurs Sentencess et les Tabellions pretendoient qu’aprés avoir donné leurs jugemens officio functi érant, et que les Contrats de remise devoient être passez devant eux. Il fuc jugé en leur faveur le 9. de Juillet 1619. en l’Audience de la Grand. Chambre, entre le Pelletier appellant du Vicomte d’Alençon, Marin Maheur Tabellion Royal, et M’Jacques Hardy Vicomte d’Alençon. Autre Arrest entre la Biche Tabellion en la Vicomté d’Evreux, du 5. d’Aoust 1822. cela ne reçoit plus de contredit

Berault et Godefroy expliquant les paroles de cet Article, dans les prochains Pleds et la prochaine Assise, estiment que le remboursement doit être fait avant que l’Assise ou les Pleds soient finis, et qu’encore-que le jour de l’Assise ou des Pleds ne soit pas encore expiré le retrayant n’y est plus recevable : Il est certain que si le remboursement davoit être fait en la presence du Juge et durant la seance de l’Assise ou des Pleds leur opinion me paroitroit ventable ; mais la Coûtume ordonnant que le remboursement soit fait dans les prochains Pleds ou Assises et non dutant iceux, et cela se passant devant des Tabellions il suffit que le jour de l’Assise ou des Pleds ne soit point encore expiré lors que l’on offre le remboursement. quia in omnibus temporalibus actionibus, in quibus non finitur obligatio, nisi tatus novissimus dies implentur, on est toûjours à temps lors que le jour prefix et hmité dure encore et qu’il n’est point expiré.


CCCCXCIII.

Lignager ayant renoncé à la clameur non recevable.

Tout lignager qui a renoncé à user de ses droits de clameur, soit lors du Contrat ou aprés, n’y peut revenir.

Suivant cet Article le lignager capable du droit de retrait, lequel y a renoncé, n’y est plus recevable, car il est permis à un chacun de renoncer au droit qui est introduit en su faveur ; mais pour fonder la fin de non recevoir et pour faire valoir la renonciation, il faut faire ces distinctions : La première, si la renonciation a été faite par uno clause expresse en aveur de l’acquereur, en ce cas le lignager n’est plus admissible, car l’on ne peut demander un droit auquel on a renoncé, et bien que cette rénonciation ait été passée avant le Contrat lle ne laisse pas de valoir, dautant que l’on peut renoncer à un droit qui est à venir et à l’esperance que nous en avons, l. Quod servus, ff. de condict. o causam : La seconde, qu’encore que cette Chassanée renonciation ne soit faite qu’en faveur du vendeur l’acheteur s’en peut servir. Chassanée a tenu Masuer la negative.Tiraqueau , de retr. gent. 8. 1. glos. et. n. 14. et fequent. Masuér, et Grimauder estiment que cette renonciation profite à l’acheteur, ce qui me paroit raisonnable ; car apparemment le vendeur n’ayant désiré cette renonciation que pour trouver plus aisément un acheteur, et sur la foy de cette renonciation l’ n="1216333">acheteur ayant acheté plus cherement, cette action luy doit être utile n’ayant été exigée que pour son avantage ; et quand le lignager auroit simplement consenti à la vente suivant l’opinion deTiraqueau , de retr. gent. 8. 1. glos. 9. n. 135. ce consentement ne doit point être superslu, n’ayant été récherché, par l’acheteur que pour

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s’asseurer contre le retrait. Du Moulin a écrit au contraire, que le Seigneur qui donne son consentement à la vente d’un héritage qui est mouvant de son Fief ne se prive point du retrait feodal, in consuetud. Paris. Art. 13. n. 8. et sequent. Pour décider cene question l’on doit considerer les termes du consentement des parties ; car si le lignager avoit simplement consenti à la vente sans faire mention du retrait, ce consentemont ne l’excluroit pas de son droit ; mais s’il paroit que l’acquereur ne l’a requis que dans cette vûë et à dessein de l’exclure du retrait, ce qui est vraysemblable lors que son consentement ne pouvoit servir qu’à cet effet, l’acquereur peut justement opposer la fin de non recevoir, mais le lignager pourra retiter au nom de ses enfans.

Quand le vendeur auroit offert de vendre à son parent et qu’il l’auroit refusé cela ne luy porteroit point de prejudice, pouvant alors mêtre pas en état d’acheter, et ayanupris son temps pour amasser son argent.

On ne peut induire une renonciation de la presence du vendeur ou de la signature au Contrat de la vente, car elles n’ont jamais force de consentement quand la personne presente ne peut empescher l’acte qui se passe, l. Cajus, ff. de pigneras. act.

Si le plus proche lignager avoit été sommé par un parent plus éloigné de declarer s’il vouloit acheter et qu’il eut déclaré qu’il ne le vouloit faire, seroit-il recevable aprés que ce parent Masuer Grimauder auroit formé l’action en retrait : Masuer,Benedicti , Boyer et Grimaudet n’estiment pas qu’il y fût recevable, mais quand même il auroit passé cette déclaration en Justice il y pourroit être reçû en remboursant les frais s’il y venoit dans le temps fatal.

Puis que le lignager qui a renoncé à ses droits n’y peut revenir, il semble que celuy qui a cedé son droit n’y soit plus admissible, bien que cette cession foit nulle et inutile, et que même elle ait été jugée telle ; car les cessions de droits faites contre la prohibition de la Loy, bien qu’elles n’ayent point d’effet ne laissent pas de rendre le cedant indigne de son droit : Le tuteur qui prend cession d’actions contre son pupille ne peut plus agir aprés la tutelle finie, nonobstant que la cession n’ait point eu d’effet durant fa gestion, l. Minoris, C. qui dare tut. poss. Si l’usufruitier durant son usufruit vend le fonds sujet à son usufruit il retourne au propriétaire, quoy que la vente n’ait point eu d’effet, l. 8i ususfructus, D. de jure dot. mais cette. cession de droits de rettait lignager n’ayant rien contre : les bonnes moeurs, quoy qu’elle ne soit pas approuvée par la Coûtume, n’emporte pas la perte du droit du lignager. on a demandé si lheritier de celuy qui a renoncé au retrait lignager, peut intenter l’action e retrait au prejudice du desistement fait par celuy qu’il represente : En 1649. les nommez Madeline et Fouquet firent échange entr’eux de quelques héritagesa mais dans la même année Madeline rettoceda à Fouquet le fonds qu’il avoit eu de luy en contr’échange avec d’au-tres héritages qu’il luy vendit.

Thomas Madeline ayant intenté l’action de retrait contre le premier Contrat, pretendie que la retrocession faite de la contr’échange étoit une fraude ; mais aprés quelques procedures le retrayant se desista par une transaction moyennant une somme que le défendeur en retrait luy paya pour le rembourser de ses frais : En 1671. le petit-fils de Thomas Madeline. intenta tout de nouveau l’action de retrait, mais y ayant été jugé non récevable, sur son apel de Meherent son Avocat disoit que suivant l’Article CCCCLXI. lors que l’un des compermu-tans ou personne interposée pour luy rachete l’échange qu’il a baillée dans l’an et jour il y a ouverture à la clameur dans les trente ans : Or la rettocession de la contr’échange ayant été faite dans l’an et jour, ce Contrat d’échange n’étoit qu’un Contrat masqué et déguisé pour cacher un véritable Contrat de vente : tout ce que l’on pouvoit objecter étoit qu’étant heritier de son ayeul il étoit tenu de ses faits, et ainsi comme Madeline s’étoit desisté de son action en rétrait moyennant une somme de deniers qui luy avoit été payée, il ne pouvoit plus exercer l’action le retrait. a ces objections l’Appellant répondoit qu’il falloit distinguer en sa personne la alité de parent d’avec celle d’heritier, que s’il n’avoit point d’autre qualité que celle d’heritier la transaction faite par son ayeul luy lieroit les mains ; mais agissant en qualité de parent Il y venoit jure suo et jure sanguinis. De Prepetit répondoit pour l’lntimé que suivant cet Ar ticle tout lignager qui a renoncé à user de ses droits de clameur n’y peut revenir : Or l’Apellant est véritablement censé avoir renoncé à son droit de retrait, puis qu’il se porte he-ritier de son ayeul qui s’étoit desisté moyennant une somme de son action en rétrait, ayant laissé l’acquereur en la possession paisible de son fonds, ce que l’Appellant comme son heritier est obligé d’entretenir ; qu’il ne falloit point separer la qualité d’heritier de celle de parent, cela eût été bon si du vivant de son ayeul et avant la succession échûë ou depuis sa mortayant repudié son heredité il étoit venu au retrait : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 7. de Février 1673. la Sentence fut confirmée.


CCCCXCIV.

Droit de retrait lignager incessible, mais transmissible.

Le droit de clameur de bourse et lignagere est de sa nature incessible, et neanmoins il est transmissible aux heritiers.

Le retrait lignager étant un droit de sang et de famille il est incessible, parce que le droit Tiraq de consanguinité ne se peut separer de la personne, et qu’il ne tombe point dans le commerce, 1d plurium Doctorum sententiis & populorum Galliae legibus confirmatum est. Tirad. gl. 1. n. 1. et 2. 8. 18. de retract. gentil. Cette cession seroit contraire à la fin principale du rettrait, car en cedant ce droit à un étranger, ce seroit le faire sortir hors la famille, quoy que le rettait ne soit introduit que pour l’y faire rentrer quand il en est sorty.

Mais en tout cas un pauvre debiteur accablé de dettes pour se fauver du naufrage, et pour tviter la discussion honteuse de ses biens, pourroit. il point le ceder à son créancier pour s’aquitter de ce qu’il luy doit : Il semble qu’en cette occasion la cession seroit legitime, car quand le lignager ne poutroit ou ne voudroit pas céder son droit de retrait, si neanmoins il retite l’he-ritage vendu, non seulement il pourra le revendre, mais même son créancier le pourra saisit malgré luy et le faire vendre publiquement : Pourquoy donc pour luy épargner cette honte ne luy permettre point de luy céder d’abord son droit, puis que cela toutneroit au profit du depiteur et à l’honneur de toute sa famille ; qui ne recevta point de prejudice par cette cession dautant qu’elle pourra user de retrait contre le créancier. Il faut neanmoins refoudre que ce pretexte ne peut autoriser la cession du retrait lignager, puis qu’elle est generalement defenduë par cet Article.

Que si le retrayant restoit seul de la ligne, d’où procede l’héritage vendu, cette cession pour poit-elle être empeschée, puis qu’il n’y auroit aucun parent pour s’y opposer ; Cela peut être soûtenu par cet exemple : lots qu’il est defendu d’aliener une terre hors la famille, cette prohibition devient caduque lors qu’il ne reste aucun de la famille, l. Cum pater, 5. libertis in fine et l. Qui solidum, 5. Predium de leg. 2. et id. glos. et Doct. Par la même raison, le rettayant n’ayant plus de parens de sa ligne qui puisse suy succeder, il peur ceder son droit de retrait pour en tirer quelque profit ; mais on ne doit pas confiderer seulement l’interest du retrayant et de sa famille : il faut avoir égard à l’acquereur qui ne doit être depossedé si ce n’est pour emettre l’héritage dans la famille, et le rettait qui seroit fait pour le bailler à un autre seroit eputé frauduleux : et c’est pourquoy l’acquereur peut faire jurer le rettayant qu’il retire pour luy et non pour un autre : le lignager qui auroit cedé son droit de retrait ne seroit pas exclus a cession ayant été déclarée nulle.

La Coûtume n’a point parlé du retrait feodal, ce qui a fait penser à ceux qui ne sont point nourtis dans nos usages qu’il est cessible, puis que la Coûtume n’a excepté que le rerrait lignager Sur cette question si le droit feodal est cessible voicy les raisons de part et d’autre dans les Commentaires deBrodeau , sur l’Art. 20. de la Coûtume de Paris, n. 5. où il conclua enfin qu’il est cessible par l’usage constant de toute la France, par la doctrine des Arrests intefvenus sant en païs Coûtumier que de droit écrit, et par la disposition de plusieurs Coûtumes n’ayant remarqué que la seule Coûtume de Tours qui ait jugé que le retrait feodal étoit incessible Quoy que nôtre Coûtume ne se soit pas expliquée là-dessus, c’est neanmoins un usage confant en Normandie qu’il est incessible, et afin que l’on n’en doutast plus, la Cour en a fait un Reglement, Article 116. du Reglement de 1666.

Dans les lieux où le droit de prelation a lieu, comme à Tholose, ce droit ne peut être cedé :Cambolas , l. 1. c. 39.

Suivant cet Article le droit de clameur de bourse et lignagere est transmissible aux heritiers, cela se doit entendre pourvû qu’ils soient de la même ligne : Langlois ayant vendu un héritage, plusieurs lignagers formerent action pour le retiter ; le vendeur le clama aussi au nom d’une fille unique qu’il avoit ; Bouteville luy objecta qu’il retiroit en fraude ; cependant cette fille mourut, on demanda si cette clameur de la fille étoit transmise à ses heritiers, on allégua pour a négative qu’encore que le droit de lignager soit transmissible, cela se doit ontendre d’heritiers capables d’intenter de leur chef l’action en retrait lignager : par exemple ce droit ne se-roit pas transmissible à un heritier maternel, pour retirer un’héritage paternel. Or le vendeur heritier de sa fille au nom de laquelle il avoit retité n’y dott pas être admis, quia res pervenit d eum casum à quo incipere non poterat. Le vendeur n’auroit pû de son chef former cette actions ; Il y a même des Coûtumes comme celle d’Anjou, Article 367. qui denient cette action à l’hegitier du vendeur, que si ailleurs l’heritier do vendeur peut retirer, c’est parce que ce droit Argentré larur tori generi & familia ; on yrecoit le fils non tanquam heres, sed ianquam agnatus, Argent. 1. Debitor. 5. alt. Ad Senat. Consult. Trebell. VoyezChopin , l. 3. t. 5. n. 11. de la proprieté des biens d’Anjou ; Papon du Rettait lignager, Art. 9. mais nonobstant ces raifons, puts que ce droit est transmissible quand le vendeur devient heritier du retraxant, ce droit luy appartient, et il n’agit pas comme vendeur, mais comme heritier de celuy qui avoit foimé l’action.


CCCCXCV.

Reception des deniers du mary pour retraits faits au nom de sa femme.

Le mary ou ses heritiers peuvent repeter la moitié des deniers qu’il a déboursez pour retirer l’hrritage au nom de sa femme.

La disposition de cet Article est fort raisonnable, le droit de retirer appartenant à la femme, il étoit juste que le mary luy fist part du profit ; le mary pouvant intenter l’action en réttait sans le consentement de sa femme et sans sa procuration, et même contre sa volonté, elle doit avoir au moins cette liberté et ses heritiers pareillement, de refuser ce qui est retiré par fon mary, car bien qu’elle ne doive rendre que la moitié des deniers deboursez, neanmoins comme elle est encore obligée de rendre la moitié des augmentations sur ce fonds, cette repetition pourroit devenir onereuse à la femme : et c’est pourquoy il doit estre en sa liberté de refuser ou d’accepter le retrait.

On ne revoque point en doute que le mary ou ses heritiers ne puissent repeter la moitié des deniers qu’il a deboursez pour retirer un héritage au nom de sa femme, quand elle n’étoit point separée de biens d’avec luy : Mais on a donné des Arrests differens sur cette question, si quand la femme étoit separée de biens, le mary ou ses heritiers pouvoient repeter tout ce qui voit esté deboursé, ou seulement la nioitié : Je rapporteray les Arrests donnez sur cette matiere, et en suite je remarqueray la distinction qu’il faut y apporter pour les concilier.

Gabriel Eudes, sieur de Beauregard, qui avoit épousé en seconde nopces Dame Jacqueline Hamon, et d’avec laquelle il étoit separé de biens, retira en son nom une terre : aprés la mort de cette femme sans enfans, simon de S. Germain, sieur Devoy, ayant pris possession de cette terre, le sieur de Beauregard leur demanda le prix entier qu’il avoit deboursé, alléguant que sa femme étant separée de biens d’avec luy et joüissant de ses droits, on ne pouvoit dire qu’elle eût contribué au bon ménage dont l’acquest avoit été fait : Les Resormateurs s’étant fondez sur cette raison, en faisant la disposition portée par cet Article, autrement ils auroient permis au mary de faire un avantage à sa femme, quoy que cela luy soit defendu par tant d’autres Articles ; il faut donc entendre cet Article des femmes qui ne sont point separées comme la fem-me qui a part aux acquests en est privée lors qu’elle est separée de biens d’avec luy, parce que la separation est une mort civile qui dissout et interrompt le cours des effets civils du maâage ; il en doit être de même dans l’espèce de cet Article : cette question ayant été partagée en la Chambre de l’Edit et en la Grand-Chambre, elle l’auroit encore été les Chambres assemblées, si les heritiers du mary n’avoient eu une voix davantage en la Chambre de l’Edit, et il passa à dire que le mary ne pouvoit repeter que la moitié des deniers qu’il avoit deboursez, par Arrest de l’11. de May 1632. le prix du rettait étoit de trois mille livres, les heri-iers furent condamnez de rembourser quinze cens livres.

On jugea le contraire entre de Bernieres, sieur d’Acqueville, et Fauvel, sieur de l’Ebisé, et les gritiers de la femme furent condamnez de rembourser le prix entier.

Auffe pareil Arrest du 13. de Mars 1655. au Rapport de Mr Cormier, entre Jeanne de la Perrelle femme de Claude Fervaques et d’avec luy civilement separée, et les creanciers dudit de Fervaques ; il avoit retiré des héritages au nom de sa femme qui étoit separée d’avec luy : sean du Hommey creancier du mary faisit réellement les biens du mary, et même il comit dans cette saisie ce que le mary avoit retiré au nom de sa femme : sur l’opposition de la art de la femme aux fins de distraire le Vicomte luy accorda sa demande, le Bailly au Siege. d’Otbec cassa la Sentence ; sur l’appel de la femme la Sentence fut confirmée, et la femme fut condamnée de rembourser le prix entier du retrait.

Pour concilier ces Arrests il faut faire une distinction entre les créanciers et les heritiers ; n à l’égard des créanciers comme la separation met la femme à couvert de toutes leurs demandes, et la rend exempte de toutes les dettes de son mary ne souffrant rien pour son mauvais ménage, et que d’ailleurs elle joüit de son bien et peut en faire son profit, il ne seroit pas uste qu’étant à couvert de toutes risques elle profitât du bien de son mary au prejudice de ses créanciers, et sa condition ne doit pas être meilleure que si elle avoit renoncé ; aussi cet Article ne parle que du mary et de ses heritiers, et comme si l’acquest étoit en bourgage elle auroit la moitié, à plus forte raison elle ne doit rendre que la moitié des deniers, puis que cessant son nom et sa qualité son mary n’auroit pû retirer, ny par consequent joüir du profit ui pouvoit revenir de cette action en rétrait.

Mais comme elle ne pourroit avoir part aux acquests qu’en se declarant héritière de son mary et en devenant sujette à ses dettes, il faut aussi à l’égard des creanciers que si elle veut user de l’avantage que son mary luy a procuré elle contribuë aussi aux dettes qui peuvent même avoir été contractées pour parvenir à ce rettait, bien que le Contrat n’en fasse aucune ention, et c’est l’espèce de l’Arrest de l’Ebisé, car le sieur de Bernieres étoit un creancier, et c’est aussi l’espèce de l’Arrest contre Jeanne de la Perrelle.

Les heritiers du mary sont d’une autre condition, cet Article dispose en termes generaux ue le mary ou ses heritiers, &c. or bien que la femme soit separée cela ne change point la disposition de cet Article, car la separation est un benefice de droit accordé à la femme qui ne luy doit point être prejudiciable ny luy ôter ses droits, quand son mary se trouve en meilleure fortune, et c’est l’espèce de l’Arrest du sieur Devoy qui étoit heritier de sa mere, et le sieur Eudes Beauregard pretendoit luy faire rapporter le tout.

Cela neanmoins pourroit recevoir aujourd’huy plus de difficulté en consequence de l’Art. 80. du Reglement de 1666. suivant lequel la femme separée ne peut demander part aux acquests que son mary a faits depuis sa separation ; car la Cour n’ayant pas trouvé juste que la femme qui joüit separément de ses droits prenne part aux meubles et aux acquests qui ont été faits depuis sa separation, parce que l’on presuppose qu’elle n’y contribue ny de son bieft ny de sa collaboration, cette raison n’a pas moins de force pour l’obliger ou ses heritiers à restituer le prix entier pour retirer l’héritage qui luy demeure entièrement, c’est en ce cas une donation de la part du maty bien moins favorable quand la femme est separée que si elle ne l’étoit pas, car quand elle n’est point deparée les deniers que son mary employe pour retirer en son nom proviennent en partie et de son bien et de sa collaboration ; ainsi ce n’est pas une pure liberalité, mais une juste retribution pour ses peines : Toutes ces considerarions cessent quand elle est separée, la femme ne contribuant plus tien à l’augmentation de la fortune de son mary, et ne songeant plus qu’à son interest particulier. On peut alléguer en fa-veur de la femme que la separation est à son benefice, qu’il la faut imputer au mauvais mépage de son maty, et qu’elle en souffre la peine : qu’aprés tout c’est une illusion de dire qu’elle n’a point contribué de son bien et de ses soins pour amasser l’argent que son mary a déboursé pour elle, la separation ne s’étend pas si loin, sa fin et son effet principal n’est que pour prevenir les saisies des créanciers, mais nonobstant cela tout le bien de la femme ne laisse pas de se consumer dans la maison du mary, et la femme separée n’a pas moins de vigilance et d’attachement pour la conservation et l’augmentation des biens de son mary que celle qui ne l’est pas ; aussi la Cour a jugé en sa faveur Cette repetition de la moitié des deniers de la part du mary et de ses heritiers fut jugée en un cas peu favorable : Un mary qui avoit des enfans de sa femme retita des héritages au nom d’ireux ; cette femme étant mone il passa en un second mariage, durant lequel il ne pensa point à repeter de ses enfans la moitié des deniers qu’il avoit déboursez pour retirer au nom de leur mère ; mais aprés sa mort cette seconde femme en demanda la restitution, pretendant avoit sa part en ces deniers que son mary pouvoit repeter pour ce iettait comme étant un meuble : Par Arrest du 15. de Decembre 1655. au Rapport de Mr de Montenay, quoy que plusieurs fussent d’avis qu’elle n’étoit pas recevable à les demander aux enfans le pere étant presumé les leur avoir temis, et il passa toutefois à dire que ces deniers que le mary ou ses heritiers peuvent repeter ne sont pas un propre ny un acquest immeuble, et que c’est un pur meuble, parce qu’on n’a qu’une action pour demander des deniers, et que le bien rétiré étant un propre maternel, il ne pouvoit devenir un propre paternel, entre Cresigny et autres : Il est si vray que ces deniers que le mary ou ses heritiers peuvent repeter sont un pur meuble, que si la femme a divers heritiers ausquels on fasse cette demande, c’est à l’hetitier aux meubles à les payer, quia nihil aliud est in prastatione quam pecunia.

Berault cite un Arrest par lequel il a été jugé que lors que le mary est tenu d’employer en héritage les deniers dotaux de sa femme, s’il les employe à retlrer un héritage au nom de a femme il ne pourra les déduire sur ce qu’il étoit tenu d’employer : mais Godefroy estime que cela n’est pas juste, parce que le mary s’étant obligé à faire ce remploy, et n’étant pas tenu de retirer au nom de sa femme s’il ne luy plaist, il a pû faire un remploy de cette nature neanmoins l’Arrest peut être soûtenu par cette raison, que le droit de retrait appartenant à la femme elle en doit profiter, ce qui n’arriveroit pas si le mary pouvoit déduire tout ce qu’il auroit payé


CCCCXCVI.

Et où il auroit vendu ou hypothequé son propre pour retirer heritage au droit de sa femme, elle ny ses heritiers n’y peuvent pretendre aucune chose que le propre ne soit remplacé.

Par Arrest du 18. de Janvier 1660. au Rapport de Mr de la Motte-Labbé, sur un appel du Juge du Vaudreüil, il fut jugé que Postel qui avoit rétité des héritages au nom de sa femme seroit remboursé de la moitié du prix, comme aussi du prix de son propre qu’il avoit aliené auparavant, quoy qu’il ne parût point que les deniers de cette alienation eussent été employez à faire ce retrait : cela fut jugé pour éviter aux avantages indirects que le mary pourroit faire à sa femme.


CCCCXCVII.

Garnissement necessaire au clamant quand il n’y a charge d’acquitter par l’acquereur.

Il ne suffit pas que le retrayant s’oblige de décharger l’acheteur qui s’est sûmis d’acquitter le vendeur d’aucune rente envers ses créanciers : ains sera et doit être contraint à garnir les deniers desdites rentes pour la décharge dudit acheteur, et

où l’acheteur ne seroit tenu qu’à la faisance et raquit desdites rentes il suffit que le retrayant s’oblige l’en décharger, pourvû qu’il soit ainsi accepté par le vendeur : et doit ce faire sous l’hypotheque de tous ses biens, et non seulement de l’héritage retiré : en quoy faisant l’acheteur demeure déchargé de tout.

Comme il est raisonnable que l’acquereur soit indemnisé, il faut aussi que le retrayant joüisse de tous les avantages que Iacquereur avoit stipulez apuis qu’il entre en sa place et qu’il trouve autant d’accommodement en l’execution du Contrat que l’acquereur auroit pû faire, autrement sa condition seroit pire, si lors que l’acquereur a eu ce terme de payer ou qu’il s’est constitué en rente ou a pris charge de payer quelques dettes il ne pouvoit pas profiter de toutes ces conditions en baillant asseurance à l’acquereur de les executer : Toutes ces clauses font partie du Contrat, et le prix est censé moindre selon le temps et la facilité que l’on a de le payer ; mais nonobstant ces considerations la disposition de cet Article est fort équitable, le lignager doit payer comptant, et Iacquereur n’est pas tenu d’attendre sa commodité ny de prendre des asseurances qui ne pourroient servir qu’à luy donner on recours contre le retrayant, mais qui e le dégageroit pas de l’obligation qu’il avoit contractée avec le vendeur, et le remboursement devant preceder le delais il ne faut point distinguer si l’acheteur a payé le prix en tout ou partie, quoy queTiraqueau , de retract. gent. 5. 1. glos. 18. n. 14. et sequent. s’efforce de prouver le contraire, pretendant que le lignager ne doit point être privé du terme de payement que le vendeut a accordé à l’acquereur, lequel ne laisse pas d’être déchargé envers le vendeur ; dautant, dit-il, que la remife qu’il a faite au retrayant n’étant pas volontaire et yant été forcé par la Coûtume, il n’est plus tenu envers le vendeur envers lequel il ne s’étoit obligé qu’à cause du fonds qu’il a été contraint de retirer par necessité, et lon ne doit point écouter la plainte du vendeur qu’il n’auroit pas voulu traiter avec le retrayant ny le tenir pour plvable, parce qu’il a dû prevoir une chose laquelle est expressément approuvée par la Loy ; mais le retrait ne peut alterer les pactions d’un Contrat, et la Coûtume obligeant le lignager à rembourser le prix à l’acquereur, il doit necessairement accomplir cette condition avant que’avoir l’effet de son action ; aussi plusieurs Coûtumes se sont conformées à la nôtre Du Moulin a traité cette même question, fçavoir si le vondeur a donné les temps pour payer, le retrayant sera tenu de rembourser sur le champ à l’acquereur tout le prix du Contrat : l fait cette distinction que si les termes de payer sont pottez par le Contrat, tanc prosunt retrahenti sicut emptori, que s’ils ont été accordez à l’acheteur aprés le Contrat, tunc non prosunt re-trahenti, quia hujusmodi dilatio nihil habet de communi venditione, de feud. 5. 20. gl. 9. n. 5. cette distinction n’est pas bonne, puis que l’acheteur debet abire indemnis, il ne doit pas demeurer mgagé comme il le seroit envers son vendeur, si le retrayant ne le déchargeoit pas en faisant le delais : Aussi l’usage est contraire, et par Arrest du 24. d’Avril 1629. entre le Cesne et le Bourçeois, il fut jugé que le retrayant étoit tenu de rembourser actuellement tous les prix et loyaux roûts, et même une rente quoy que le vendeur eût donné temps de dix ans de la racheter, et que le retrayant offrit de bailler bonne et suffisante caution d’en indemniser l’acquereur.

Il a même été jugé que le vendeur ayant fait condamner et par corps l’acquereur à rachever les rentes dont il l’avoit chargé, cet acquereur avoit la même coertion sur le lignager au-quel il avoit fait remise de l’héritage, à condition de le décharger des mêmes rentes : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 9. de Mars 1650. Plaidans Caruë, Coquerel et Laurens le Févre.

Lors que l’acheteur est depossedé par le retrait, le Contrat n’est plus obligatoire contre luy qu’à l’égard du vendeur : On a demandé néanmoins s’il peut être poursuivy par le Seigneur pour le payement du Treizième :Tiraqueau , de retract. gent. S. 29. gl. 2. tient indistinctenent que l’acheteur ne peut être contraint au payement, car la remise n’ayant point été vo-lontaire, mais forcée, il est juste qu’il soit entieèrement indemne et déchargé de l’execution du Conttat : Si l’acheteur étoit obligé de payer le Treizième aprés le retrait, il souffriroit une t perte. Car il luy seroit incommode et prejudiciable d’avancer ses deniers pour en poursuivre par aprés la recompense sur le retrayant.

L’Article 137. de la Coûtume de Paris est conforme à cet Article, et par Arrest du Parlenent de Paris, il a été jugé que l’acquereur d’une terre à la charge d’une rente rachétable n’est pas tenu d’accorder le retrait feodal, si le Seigneur ne rembourse actuellement les deniers de la rente. Journ. des Aud. l. 2. Art. 104. Voyez Ricard sur l’Article 137. de la Coûtume de Paris.

Par Arrest du 12. de Juin 1672. donné contre un lignager qui avoit fait le rachat entre les mains de l’acquereur, d’une rente qui avoit une hypotheque speciale et privilegiée sur le fonds retiré, et dont il avoit connoissance ; il fut permis au creancier de se faire payer hypothecairement sur le fonds, et il fut jugé que le retrayant n’avoit pû rembourser l’acquereur sans y ap-eller le creancier qui avoit prété les deniers pour l’acquisition du fonds, parce qu’il n’avoit oint ignoré son droit, mais on ne donna au creancier que l’action hypothecaire, et non l’action personnelle entre Jaqueline Bufet, veuve d’Aubry, et Marie Bufet sa seur Appellantes, et Loüis Gauterin Medecin, et Charles Croté Intimez, plaidans Theroude et Maurry.

Il est certain que les contractans ne peuvent employer dans leurs Contrats des pactions et des conditions qui puissent empécher l’action en retrait. Cependant les retrayans ne peuvent quel quefois se dispenser d’executer des clauses qui leur sont fort prejudiciables, comme on le reconnoîtra par les exemples suivans. Bouvier en achetant un héritage s’étoit chargé de faire le rachat de vingt-cinq livres de rente, faisant moitié de cinquante livres ; le creancier ne voulut point recevoir le rachat de cette moitié, lors qu’il luy fut offert par un lignager. Car il disoit que le retrayant étoit obligé de l’indemniser entièrement ; mais le retrayant tépondoit qu’il étoit obligé seulement d’offrir ou de garnir ses deniers, au refus de l’acquereur de les recevoit en baillant caution. Conformément à cette conclusion le Vicomte avoit ordonné que le retrayant garniroit ou que l’acquereur se chargeroit de la rente et bailleroit caution : sur l’Appel de l’Acquereur, par Arrest de la Grand-Chambre du 19. de Decembre 1641. il fut dit que le retrayant payeroit entre les mains de l’acquereur, ou continueroit la rente en baillant caution.

Autre Arrest du 3. de Septembre 1677. entre Catherine Gueudeville Appellante, et Me Nicolas Auxout Greffier au Bailliage de Roüen, Pierre Aubry ayant épousé Jeanne Gueudeville, Antimez : Charles Gueudeville avoit vendu des héritages à Auxout moyennant un certain prix, et à condition de payer à son acquit à Jeanne Gueudeville sa tante femme de Pierre Aubry cent livres de rente : Catherine Gueudeville soeur du vendeur retrayante offrit à l’acquereur de le rembourser des deniers qu’il avoit payez, et même du principal de cent livres de rente dont il avoit été chargé. Auxout soûtint qu’elle devoit ou racheter la rente entre les mains du mary, ou se faire agréer par le vendeur son frere, ou bailler bonne et sufaisante caution, ce qui fut ordonné de la sorte ; sur l’Appel je dis pour Catherine de Gueu-deville qu’un retrayant n’étoit obligé que de garnir le prix de son Contrat, qu’il n’étoit pas au pouvoir de l’acquereur et du vendeur d’empécher le retrait par les pactions qu’ils font entr’eux, et que les retrayans ne pourroient exercer sans peril. Il est vray que suivant cet Article, il ne suffit pas que le retrayant s’oblige de décharger l’acheteur lors qu’il s’est obligé d’acquiter le vendeur de quelque rente. Aussi l’Appellante ne prenoit pas ces conclusions, mais elle pretendoit que suivant cet Article elle n’étoit obligée que de garnir les deniers et l’acquereur devoit l’imputer s’il avoit pris inconsidérément la charge de faire le rachat de cette rente qui étoit dotale ; de Cahagnes répondoit pour Auxout que c’étoit une maxime certaine que le retrayant le devoit indemniser entièrement, qu’il s’étoit engagé seulement de racheter la rente, mais que le retrayant n’avoit pas le même pouvoir ; de sorte qu’il étoit indispensablement obligé ou de faire le rachat de la rente, ou de la continuer en baillant bonne caution. Durand pour Gueudeville prenoit les mêmes conclusions ; la Cour ayant ordonné qu’il en seroit deliberé : Par l’Arrest la Sentence fut confirmée, mais on donna trois mois à l’Appellante pour racheter la rente à ses risques, ou de bailler caution de la continuer.


CCCCXCVIII.

Heritage donné en recompense de service, clamable.

L’heritage donné en faveur ou recompense de service, peut être retiré tant par le lignager que par le Seigneur, en rendant la vraye valeur et estimation de l’heritage.

Le retrait n’ayant lieu que pour les Contrats de vente où il y a numeration de deniers, l’on n’a pas dû l’étendre aux donations faites pour recompense de services, bien qu’il soit vray qu’une donation remunératoire ne soit pas une parfaite donation, qui ne doit avoir pour sa cause qu’une pure liberalité, toutefois elle ne ressent point la vente n’y ayant aucun prix ny rien qui reçoive fonction in genere suo, et l’on ne peut dire aussi que ce soit datio in solutum, si elle n’est faite pour demeurer quitte des services au payement desquels on seroit condamnable, et que l’on pourroit demander par action. La Coûtume en dispose autrement, mais n’admettant le retrait que pour les donations faites pour recompense de services, elle l’exclut absolument pour toutes sortes d’autres donations. Coquille en sa Question 36. dit que l’héritage donné pour recompense de services peut être sujet à retrait sous ces conditions, à sçavoir que ce soient services vulgaires faits par personnes accoûtumées à tirer loyer de leurs peines et de leur travail, et que nulle autre cause de liberalité n’ait mâ le donateur à faire cette disposition ; mais que si le donataire sçavoit quelque art non vulgaire, et que ce fût pour recompenser son sçavoir et son industrie, qu’en ce cas le retrait ne devoit être admis.


CCCCXCIX.

Peremption de l’action en clameur.

Aprés que l’action en retrait lignager, Seigneurial, ou à droit de lettre-lûë, aura été discontinuée par an et jour, le clamant n’est recevable aprés d’en faire aucune poursuite.

Suivant la jurisprudence du Parlement de Paris, l’instance de retrait aprés contestation en Cause ne perit que par trois ans, non pas que l’on admette que l’instance du retrait soit de plus longue durée que l’action ; mais c’est que l’action quoy qu’annale est prorogée par la contestation suivant l’Ordonnance laquelle est generale, et qui ne distingue point les actions an-nales d’avec les autres ; mais un simple ajournement n’a pas cet effet de proroger une action qui est annale :Loüet , l. I. n. 2.

Il est vray que suivant le Droit Civil, les actions annales sont prorogées pour la contestation en Cause jusqu’à trente ans ; mais les retraits étant reçûs contre le Droit commun, et pas-cette raison l’action en étant limitée à l’an et jour, elle ne doit point être perpetuée par la contestation en Cause ; et il semble que la Coûtume s’en est nettement expliquée en cet Article. Car sous le mot d’action, il ne faut pas seulement comprendre la demande ou l’ajourne-ment mais aussi l’instance, soit qu’il y ait eu contestation en Cause, ou que l’on n’ait point encore procedé.

On a donné en une même année deux Arrests qui paroissent contraires sur cette question : Par le premier du 22-de Février 1657. il fut jugé que la discontinuation des poursuites pendant une année emportoit l’eviction du rettait ; et par l’autre du 27. de Juin ensuivant, il fut dit qu’en cas d’appel, l’instance d’appel ne tomboit en peremption que par trois ans. Mais pour concilier ces Arrests, on peut dire qu’il y a difference entre linstance et lappel, que la premiere perit bien par an et jour, mais qu’en cas d’appel la peremption n’a point d’effet qu’aprés les trois ans. Cela fut jugé au Rapport de M du Rozel en 1618. entre de Caën et Bacheley, l’on confirma une Sentence par laquelle ledit Bacheley avoit été déclaré recevable à sa demande en rettait, nonobstant le contredit dudit de Casn, qui soûtenoit que l’instance d’appel ayant été discontinuée par an et jours vinstance de clameur étoit prescrite. Lors que l’appel est pery, la Sentence qui avoit ajugé l’effet du retrait n’est plus considérable suivant un Arrest donné en Audience le 25. de Mars 1634. entre des Bourgeois de Lisieux, parce que l’action en retrait est annale, et que l’instance d’appel étant perie la peremption a son effet au prejudice de l’un et de l’autre. Le fait étoit qu’un lignager avoit obtenu Sentence à son profit, l’acquereur en ayant appellé, il ne se fit aucune poursuite durant vingt ans, pendant lesquels l’acquereur demeura toûjours en possessions l’acquereur ayant poursuivy devant le Bailly pour faire déclarer l’appel pery, par Sentence l’action fut declarée prescrite, et sur l’appel du lignager elle fut confirmée : la grande negligence du lignager pendant vingt années donna lieu à l’Arrest qui ne doit être tité en conse-quence. Aussi depuis on jugea le contraire en cette espèce : Loüise Patin demanderesse en rétrait lignager obtint Sentence à son profit ; Galet qui étoit l’acquereur en appella devant le Bailly, où n’ayant fait aucune diligence l’instance fut declarée perie, et pour le profit de la peremption, l’on ordonna que la Sentence du Vicomte seroit executée : Sur l’appel de l’acquereur, Cloüet son Avocat concluoit qu’il avoit été mal jugé, en ce que l’instance de retrait n’avoit point été déclarée perie aussi bien que celle d’appel ; la negligence de l’intimé luy étant également prejudiciable comme à l’appellant : je répondois pour l’intimée qu’elle n’étoit obligée par aucune Loy de poursuivre dans un temps fatal l’instance donnée à son profit. La peremption étant un moyen par lequel elle pouvoir obtenir sûrément la confirmation de la Sentence, elle avoit pû se prevaloir de ce moyen ; les termes de cet Article ne luy étoient point contraires, car il n’a parlé que de l’action laquelle avoit été consumée par un jugement dont l’execution étoit retardée par un appel, ce qui empeschoit que l’action ne tombast en peremption ; par Arrest du S. de May 1664. la Sentence fut confirmée Le Commentateur de MrLoüet , l. I. n. 2. estimoit qu’il n’étoit pas du retrait feodal comme du lignager, que l’action du rettait lignager est annale et non celle du retrait feodal ; par-ce qu’à proprement parler ce n’est pas une action, mais une déclatation de la volonté du Seineur qu’il veut reünir et retenir à sa table le fief venu originairement de luy, laquelle fa-culté luy compete jure suo, non in vim consuetudinis. La Coûtume en cet Article en dispose autrement, et l’action en retrait feodal comme en lignager tombe en peremption lors qu’elle est discontinuée par an et jour

On agita cette question en l’Audience de la Grand. Chambre, si celuy qui a intenté une action en clameur frauduleuse en ayant été debouté et n’en ayant appellé que deux ans aprés étoit encore recevable à en appeller ; Theroude pour le nommé Valongnes, Appellant du Vicomte de Periets, faisoit différence entre la clameur lignagere et la clameur frauduleuse : La première doit être formée dans l’an et jour, et aprés l’an et jour on ne peut plus appeller de la Sentence qui a prononcé sur l’action ; mais pour la clameur faite en fraude comme il y a trente ans pour la découvrir on a autant de temps pour en appeller. Je répondois pour a Escoulant lntimé, que l’Appellant étoit seulement demandeur en retrait lignager et non en clameur frauduleuse ; il est vray qu’il avoit maintenu le Contrat frauduleux, mais quoy que l’on ait trente ans pour déeouvrir la fraude il ne s’ensuit pas que l’on ait autant de temps pour en appeller, cela pourroit avoir lieu s’il n’avoit pas formé l’action, et s’il n’y avoit pas eu Sentence qui l’en avoit debouté, ainsi la Sentence ayant été donnée sur une action en rétrait lignager il falloit en appeller dans les trente ans, et il en est en ce cas comme de la peremption : un procez ne perit que par trois ans, et toutefois l’instance de retrait perit par an et jour Par Arrest du 19. de Janvier 1666. sans avoir égard à la fin de non recevoir les Parties furent appointées au Conseil sur l’appel

Cet Article n’a point de lieu pour le retrait conventionnel, comme il a été jugé par Arrest, au Rapport de Mr le Noble, le premier de Février 1648.


CCCCC.

Fraude en la vente, comment fait ouverture à la clameur.

Tout Contrat de vente où il y a fraude commise au prejudice du droit de retrait appartenant aux lignagers, ou aux Seigneurs feodaux, est clamable dans trente ans.

Quand on allégue qu’un Contrat est frauduleux il faut prouver la fraude ; mais l’Ordonnance de Moulins n’empesche point que cette preuve ne se fasse par témoins, car elle ne regarde que les contractans qui doivent s’imputer s’ils n’ont point rédigé par écrit toutes leurs actions, et il seroit absurde de rétendre contre un tiers en fraude duquel les contractans l’auroient point employé toutes leurs conditions : Il n’y a point de nullité ny de fraude qu’on ne pûst couvrir par cette voye ; il ne faudroit plus parler de Contrats frauduleux, cette sorte de preuve ne se fait point par écrit, in omnibus ea sola probatio sufficit quae haberi potest ; ainsi ugé au Rapport de Mr du Moucel le mois de Juin 1622. et pareil Arrest au Parlement de Paris dans la seconde partie du Journal d’Audience, l. 2. c. 21. et par Arrest en la Chambre des Enquêtes du 24. de Février 1620. le nommé Bazant fut même reçû à faire publier des Censures Ecclesiastiques pour prouver une fraude. Autre Arrest du 23. de May 1618. au Rapport de Mr d’Ety.

Par autre Arrest du 13. de Decembre 1658. il fut jugé qu’en cas de fraude le retrayant est reces vable à la prouver, tant par témoins que par Censures Ecclesiastiques. Loüin ayant rétité et revendu quatorze jours aprés un héritage qu’il avoit fiefé par rente rachétable à la nommée Miferé, elle voulut prouver qu’avant le retrait Guillard acquereur avoit fait paction avec Loüin de tacheter de luy cet héritage, et que Loüin n’y avoit fait aucun profit : le Juge ayant refusé de la recevoir à la preuve de ses faits, quoy que Loüin alléguât qu’ayant rétiré au nom de ses enfans mineurs il n’avoit pû en disposer à leur prejudice, néanmoins par Arrest en reformant la Sentence, ladite Miseré fut reçûë à la preuve de ses faits de fraude, tant par émoins que par Censures Ecclesiastiques, plaidans Lyout et Theroude Il est vray que par Arrest, au Rapport de Mr de Vigneral, du 26. d’Aoust 1656. entre de S. Martin, sieur de Conteville, et le Monnier, la Cour refusa la preuve par Censures Ecclesiastiques, et il fut dit seulement vû que les declarations du vendeur et de l’acquereur étoient contraires, la preuve de la fraude seroit faite par les Tabellions et par les témoins instrumentaires, et par les Avocats qui avoient concerté le Contrat, mais il y avoit du particulier. on ne peut aussi tirer en consequence un Arrest du 22. de Février 1657. par lequel on cassa ne Sentence du Bailly qui accordoit des Censures Ecclesiastiques pour la preuve de faits de fraude ; car en cette Cause l’appel étoit de ce que l’Instance étant attachée devant le Vicomte de rétrayant s’étoit pourvû devant le Bailly pour obtenir des Censures Ecclesiastiques : on soûtenoit que n’étant point saisi du négoce il n’avoit point été competent d’accorder les Censures ; il est vray que l’Appellant concluoit aussi qu’elles ne pouvoient être accordées que pour les cas de l’Ordonnance ; mais la Cour ayant cassé la Sentence du Bailly qui en étoit incompetent, on ne peut dire que cet Arrest ait décidé la question, et je pense qu’il la faut regler par les circonstances particulieres du fait.

lay remarqué sur l’Article CCCCLXXVIII. qu’il ne suffit pas que l’on ait eu dessein de commettre une fraude, il faut qu’elle ait été consommée et executée ; cela fut encore jugé dans cette espece, ou bien qu’il parust par une promesse que le preneur à fieffe seroit tenu de racheter la rente fonciere au denier vingt, lors que le bailleur le désireroit ; neanmoins cette pa-ction n’ayant point été executée, il n’y avoit pas ouverture au retrait sur le pretexte de la fraude : Par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 23. de Novembre 1656.

Il fut jugé le 4. de Mars 1622. que quand on a enflé le prix du Contrat, cela donnoit ouverture au retrait, mais non pas à la commise de l’héritage ; et le sieur de Costentin l’ayant soûtenu contre Campion, il en fut debouté.

Mais il paroit rigoureux que l’on ait étendu contre les enfans la peine de la fraude commie par le pere pour les exclure du retrait ; Dennequin et Chapel avoient déguisé un Contrat le vente sous le titre d’échange : Mr de Couronne Conseiller en la Cour ayant clamé à droit seodal, et prouvé la fraude ; Dennequin pour éluder le retrait feodal, déclara retirer au nom le ses enfans, soûtenant qu’il étoit preferable : Par Arrest rendu par Rapport du 14. de May 1625. ledit Dennequin en haine de la fraude fut debouté de son action, et le Seigneur feodal luy fut preferé.


CCCCCI.

Rente fonciere par qui est clamable.

Si rente fonciere est venduë et non retirée par le Seigneur ou le lignager, le proprietaire du fonds peut retirer ladite rente dans l’an et jour de la lecture du Contrat, et en décharger son fonds, en payant le prix et loyaux coûts.

La Coûtume en cet Article permet au lignager et au Seigneur de retirer la rente fonciere quand elle a été venduë, et quand ils n’ûsent point de leur droit, le proprietaire du fonds sujet. à la rente peut la retirer ; mais cet Article n’explique pas cette difficulté, si quand la rente est venduë directement au proprietaire, le lignager et le Seigneur feodal ont droit de la retiren au prejudice du proprietaire du fonds : on a jugé par l’Arrest rapporté parBerault , qu’en ce cas le proprietaire du fonds sujet à la rente est preférable, parce que ce n’est pas proprement une vente, mais l’extinction d’une servitude, ce qui a été pareillement jugé en la Chambre de l’Edit le 17. de Juin 1655. entre Dartenay et le Roy.

Il faut donc entendre cet Article en cette manière, que le lignager et le Seigneur seodal ne peuvent retirer la rente fonciere au prejudice du proprietaire ; on la même jugé de la sorte au Parlement de Paris dans la Coûtume de Chartres, et qu’une rente non amortissable et depuis rachetée par le preneur à rente, n’étoit point sujette à retrait : on alléguoit en faveur du retrait lignager qu’il avoit lieu en ventes d’une rente foncière non rachétable, et le Seigneur direct et foncier qui la delaisse par rachat recevant volontairement un prix certain pour son remboursement, il se dessaisit de tout le droit de proprieté direct qu’il avoit retenu, et le preneur ou son heritier, et ayant cause est presumé acheter plûtost que se liberer. Ce qui est dé-cidé par l’Article 87. de la Coûtume de Paris, qui porte que de toutes rentes foncieres non rachétables venduës à autres, ou delaissées par rachapr depuis le premier bail sont dûës ventes, eu égard au prix durachapt de la rente tout ainsi que si l’héritage étoit vendu ; et ces dernieres paroles decident la question, car la Seigneurie directe et foncière du même héritage étoit conservée au bailleur par la rente non rachétable. Me Charles du Moulin traite la question sur l’Ar-ticle 20. de la Coûtume de Paris, gl. 5. n. 58. Si reditus non vendatur extraneo, sed ipsimet debitori qui redimit sic distinguit, aut ille reditus est redimibilis, aut non : 1. Casu non est locus retra-ctui, quia ista non est emptio, sed redemptio necessariâ, secus si reditus non redimibilis factus esset, redimibilis pacto creditoris & debitoris post infeudationem simpliciter, quia licet hoc fieri possit in praejudicium creditoris, non tamen in prajudicium Patroni, et est locus retractui. Quoy qu’il n’y ait dans la Coûtume de Chartres aucune disposition particuliere pour decider la question, néanmoins l’induction que l’on peut tirer de l’Article 49. de ladite Coûtume, fait connoître que c’est la même disposition, puis qu’il est dit que si aprés les rentes à toûjours ou héritages sont vendus, seront dûs gards et ventes de ladite vendition : Les rentes étant au lieu du fonds, elles sont sujettes au retrait aussi bien que l’héritage ; s’il étoit autrement ce seroit permettre les fraudes ; car si pour éviter l’action de retrait au lieu de faire des Contrats purs et simples, les Parties qualifieroient leur Contrat du nom de Bail à rente non rachétable, et en suite le preneur amortiroit la rente.

On répondoit que quand le proprietaire d’un héritage amortissoit la rente dont il étoit chargé, pour lors l’amortissement étoit une pure liberation et non une acquisition, et la rente amortie n’étoit point sujette à retrait. La Coûtume du grand Perche, voisine de celle de Chartres, avoit decidé en cette manière ; l’Article 186. y est precis, en voicy les termes : Quand aucun éteint et amortit quelque rente de laquelle son héritage étoit chargé, telle rente n’est sujette à rerait, parce que cet amortissement est une liberation, et non pas une vente et une acquisition ; par l’Arrest on confirma la Sentence du Juge de Chartres qui avoit debouté le parent de sa demande en rétrait : Journal des Audiences, 2 partie, l. 2. c. 8.

La question a été pareillement grande pour sçavoir si la Mouvance Feodale venduë ou remise étoit sujette à retrait, et de la part de celuy qui est Seigneur de la terre dont le fief étoit autrefois mouvant ; Mi le Bret en ses Decisions, l. 5. Decis. 11. rapporte un Arrest où il avoit conclud, par lequel la Dame de Chapes fut reçûë à renrer tant par retrait lignager que feodal la Mouvance Eeodale de Beaupré qui avoit été venduë et distraite du fief de DunPaleteau : Il se fonda sur ces raisons que l’on se trompoit de dire que les fiefs étoient des servitudes, et que par consequent il étoit libre, voire naturel de s’en delivrer. La servitude non est pars fundi, sed jus rei inherens. Au contraire la Mouvance Feodale étoit une partie de fonds, et que la plus Noble partie du fief demeuroit toûjours en la main de celuy qui l’avoit conféré. Il n’estimoit pas neanmoins que l’hommage aliené pût être rétité indifféremment par tous lignagers, au contraire son avis étoit qu’il n’y avoit que celuy qui possedoit le princial fief qui pût user de ce droit, si ce n’étoit aux Coûtumes qui admettoient les fiefs en l’ait comme celle du Mans et quelques autres. Mais quand cette rente avoit été venduë à un tiers, en ce cas le Seigneur et le lignager étoient prefetables au proprietaire, et c’est l’espèce de l’Arsest du sieur de Colombieres. De Briqueville, Seigneur de Colombieres, par Contrat de l’an-née 1631. ayant vendu à Larcher avec faculté de remere pendant quatorze années les rentes Seigneuriales qui leur étoient dûës sur les héritages de Me Paul Alain, Avocat en la Cour et sur ceux de Goret, beaupere dudit sieur Alain : Larcher en l’année 1645. ceda 3 Esther des Landes mere dudit Alam, les mêmes rentes Seigneuriales qui étoient dûës par ses enfans, du premier et second mariage ; laquelle en 1641. en fit un amortissement à ses enfans : Mr Gilles de Briqueville fis du vendeur signifia un rettait lignager à Larcher, qui fit réponse qu’il n’y avoit plus d’interest : Me Paul Alain ayant pris son fait, et comme ancien Avocat, ayant évoqué la Cause aux Requêtes du Palais, le sieur de Colombieres appella de la retention et demanda l’évocation du principal : je conclus pour luy suivant cet Article que le retrait ne luy pouvoit être contesté, que la vente faite à Me Paul Alain ne luy pouvoit ôter son droit, qu’il avoit acquis à non Domino, Larcher n’ayant point été propriétaire incommutable, et que si la vente avoit été faite directement audit Me Paul Alain, il n’y auroit lieu au retrait lignager ny feodal ; mais ce n’est pas son Contrat qui donne ouverture au retrait, c’est celuy de Larcher, et l’on ne peut douter qu’en ce cas le lignager et le Seigneur feodal ne soient préférables au propriétaire ; et Larcher qui n’étoit pas proprietaire incommutable n’avoit pû faire de prejudice au sieur de Colombieres, ny l’exclure du retrait par la vente posterieure qu’il avoit faite de ces rentes au proprietaire : Par Arrest du 20. d’Aoust 1663. en la Chambre de l’Edit, il fut dit à bonne Cause l’action en retrait.

Sur ce principe que quand la vente est faite au proprietaire ce n’est pas une vente, mais l’extinction d’une servitude laquelle on ne peut faire revivre. Brodeau sur l’Article 20. de la Coûtume de Paris, n. 17. a proposé cette question, si la Mouvance Feodale venduë on remise est sujette à rettait lignager et feodal de la part de celuy qui est Seigneur de la terre dont le fief étoit autrefois mouvant ; Celuy qui avoit achété la mouvance de son fief sedéfendoit par cette raison qu’il avoit racheté sa liberté, au prejudice dequoy on ne pouvoit pas faire revivre une servitude éteinte contre la maxime de Droit qui a lieu aux servitudes réelles et personnelles, même en celles qui sont dûës par l’affranchi au Patron, L’ult. 8. 2. qui et à quibus manumiss.

Il fut répondu par le retrayant que c’étoit se tromper que de mettre la mouvance au nombre des servitudes, au contraire elles étoient une marque d’immunité et de liberté honorable, et que le retrait y devoit avoir lieu pour remettre les choses en leur entier ; et cela fut jugé de a sorte même au prejudice d’un parent plus éloigné, mais qui n’avoit pas le fief dominant, et partant qui étoit incapable d’exercer le retrait lignager pour une mouvance qui ne pouvoit ubsister qu’en la personne du proprietaire du fief dominant. Cette difficulté n’arriveroit pas en cette Province, où le vassal ne peut vendre au prejudice du Seigneur dominant.

On a revoqué en doute si le proprietaire du fonds sujet à la rente ayant rétiré la rente suivant la faculté qui luy est donnée par cet Article, elle est aussi censée éteinte au prejudice des créanciers ou acquereurs du vendeur ; Car on peut dire en leur faveur que cette rente faisoit partie des biens de leur obligé, et qu’ils font regardée comme une asseurance et un gage, que cette rente ayant une existence réelle étant irrachetable de sa nature, elle n’a pû être venduë ny retirée par le proprietaire qu’à charge de leur hypothequé, ce qui est si vray que si un lignager ou le Seigneur feodal lavoient retirée ils pourroient la saisir réellement entre leurs mains : le proprietaire a moins de droit de lempescher, puis que la Coûtume ne luy donne le droit de rettait qu’aprés le refus du lignager et du Seigneur feodal.

Les défenses du propriétaire sont plus fortes : La Coutume ne luy donne ce droit que pour iberer son fonds et non pour acquerir une rente, ou pour la conserver aux creanciers de son rendeur. Et c’est pourquoy quand elle luy est venduë directement il s’en fait une entière ex rinction, même au prejudice du lignager et du Seigneur feodal : Ce rachapt est semblable à celuy que la Coûtume permet au Seigneur, par l’Article CCI. elle luy permet de s’affranchir des rentes foncieres en payant le denier vingt ; il en est aussi comme de l’usufruit vendu au, ropriétaire, lequel est éteint et consolidé à la proprieté, et ne peut être rétité comme il est décidé par l’Article suivant, et à l’exemple de ce rétrait introduit par cet Article, il a été jugé qu’un droit de Tiers et Danger appartenant au Roy, engagé et depuis revendu par l’Engagiste à un tiers, pouroit être rétité par le proptietaire du bois, sans prejudice des droits du Roy :

Arrest entre Demoiselle Catherine Angelique de Harcour, et Me Nicolas Estienne, sieur de la Guyonniere, du 25. de May 1622. au Rapport de Mr de Civile, et la Cause ayant été évoquée au Conseil par le sieur de la Guyonnière l’Arrest du Parlement fut confirmé : Le fonde ne seroit jamais déchargé comme la Coûtume le désire, si nonobstant le rachapr et l’extinction qui en est faite elles demeuroient encore affectées aux hypotheques des creanciers : Si par le Contrat de la fieffe la rente eût été rachéiable, on ne pourroit pas dire qu’elle eût suite par hypotheque : or la Coûtume la rend rachétable quand elle est venduë, et donne au détenteur du fonds une faculté legale pour la racheter et liberer son. fonds : Par Arrest en l’Audience du 8. de Février 1629. la Sentence qui avoit abious le proprietaire qui avoit rétiré la rente de la demande des creanciers fut confirmée

Ce rétrait accordé au proprietaire par cet Article a beaucoup de relation avec ce droit de prelation dont il est fait mention dans la Constitution de lEmpereur, Romanus senior, 8. si qui communes : Elle peimet au voisin de retirer lhéritage vendu qui luy est commode, si le agnager ne le retire point : Primi vocantur ad Pralationem permixtim quoquomodo cognati, aut quibuscum est aliquid commune, cognatos enim lex prafert, ubi cognati communionem in re non habent tum anteponuntur qui aliquid in ea communitatis habent et si omni ex parte et qui alienat sunt externi, deinde & simul juncti consortes, postremo qui simpliciter aliqua ex parte rei alienandae unita sunt & vicini. Il est aussi semblable à ce jus congrui dont Mathaus Paris traite dans ses Decisions Neapol. Dec. 339.


CCCCCII.

Baux à ferme et rente d’usufruit, quand sont clamables.

Baux à ferme à longues années faits pour plus de neuf ans, sont retrayables : comme aussi est la vente d’un usufruit faite a autre qu’au proprietaire, lequel est preféré à la clameur.

Bien que les baux à longues années soient une espèce d’alienation, dautant que l’on transfere et la possession et le domaine utile ; neanmoins il ne se fait point de véritable, ny de par-faite alienation, dautant que la Seigneurie directe demeure toûjours au propriétaire ; et par consequent l’héritage ne sortant point de la famille, la cause principale du retrait lignager ne s’y rencontre point ; mais il suffit que le retrayant puisse tirer quelque utilité : cette sorte de retrait ne plaisoit pas à M d’Argentré , Article 299. gl. 1. n. 2. difpositiomeo judicio inutilis & reperta ad subvertendos contractus, & commerciis noxia et cavillatrix, et parce que ne se faisant point d’alienation aux baux à longues années, le rettait ne peut être admis que pourggagner sur les fruits : cet Auteur dit qu’il n’avoit pas reçû à cette sorte de retraits les Nobles, quiconditio non ferret conductione recipere & mercari ; nous ne suivons pas son fentiment, et sans distinction de qualité tout lignager est admissible au retrait des baux à longues années.

Mais apparemment cet usage procede de ce que par le Droit Canonique, les baux des biens Ecclesiastiques ne peuvent exceder neuf années, c. ult. ex onere Pralat Par ces paroles, baux à longues années, on entend ordinairement les baux qui passent neuf ans : Longum tempus decem annis estimant Doctores, glos. 1. l. Cum de in rem verso. C. de usur. l.

Si filius, C. de petit. hered. La Coûtume pour ôter toute ambiguité explique ce qu’elle entend par les baux à longues années, à sçavoir ceux qui sont faits pour plus de neuf ans. Plusieurs utres Coûtumes se sont exprimées de cette manière.

Comme les Gentilshommes ne peuvent prendre des terres à loüage ; Mr d’Argentré a estimé qu’ils n’étoient point admissibles à cette espèce de retrait : mais puis que la Coûtume ne ses considere point comme de simples baux, mais comme une alienation d’immeubles ; il ne faut point faire de distinction pour la qualité des lignagers, autrement l’on pourroit dire qu’un Gentilhomme ne pourroit acheter sous condition de remere à cause que durant la faculté de lemere, il n’est à proprement parler qu’un simple fermier Les baux-qui passent neuf années étant censez une alienation d’immeubles, et par consequent retrayables, il s’enfuit qu’il y a pareillement ouverture au droit de Treizième : Regu-lare enim est, dit duMoulin , ae feud. 8. 55. gl. 1. n. 117. oriri jus laudimiorum, ubi potitur jus contractus, et è contra, etTiraqueau , de ret. gentil. 5. 1. gl. 14. n. 81. est de ce sentiment ; on dit au contraire que si les baux à longues années emportent une espèce d’alienation, toutefois on n’aliene que la joüissance et les fruits ; mais il ne se fait aucune mutation de Vassal, et ce Tiraq Fermier ne pourroit confisquer ny tomber en commise, Tirag. ibid. DuMoulin , de feud. 5. 22. rl. 1. n. 156. n’est pas aussi de cette opinion : et la consequence du droit de tetrait au droit de Treizième n’est pas toûjours bonne, comme il a été jugé par plusieurs Arrests du Parlement de Paris, rapportez parBrodeau , sur l’Art. 78. de la Coûtume de Paris, n. 31. Cette question s’offrit le 1. d’Octobre 16t6. entre le Blond et Mr le Prevost, Conseiller en la Cour et Commissaire aux Requêtes du Palais, si un bail fait à fieffe et à rente durant la vie du preneur, et à tharge de batir sur le fonds, et que les augmentations cederoient au profit du bailleur étoit retrayable ; le retrayant se fondoit sur cet Article suivant, lequel les baux à longues années et même la vente d’un usufruit sont sujets à retrait, que ce Contrat devoit être considéré comme n usufruit à vie et par consequent retrayable : le défendeur répondoit que par la Coûtume les fieffes perpétuelles n’étoient point sujettes à rettait : Par l’Arrest le retrayant fut debouté de son action.

La vente d’un usufruit est aussi retrayable, à l’exception toutefois de celle qui est faite à un uutre qu’au proprietaire à qui la Coûtume donne la preference, parce qu’alors l’usufruit ne subsiste plus étant remis et consolidé à la proprieté, par l’Article 147. de la Coûtume de Paris, si aucun vend l’usufruit de son propre héritage à personne êtrange, ledit usufruit ne chet en retrait.

En. consequence de ce que je viens de dire que par le rettait que le proprietaire fait de l’usufruit vendu, il est consolidé et éteint ; l’on demande si l’usufruitier achetant la proprieté, et on lignager se presentant pour retirer l’héritage, le tout doit être ajugé sans réserve de l’usuruit à l’acquereur : ; Il faut refoudre que l’acquereur est remis en tel état qu’il étoit avant le Papinien Contrat, l. Si à libert. D. de bon. lib. l. 5. Papinianus, D. de servit. Sil étoit autrement le lignager auroit davantage que le vendeur n’avoit auparavant la vente, et il auroit un usufruit Tiraq qui ne luy coûteroit rien. Pide Tira4. de retract. 5. 1. gl. 7. n. 62. et sequent. Mais le droit de retrait appartient-il aux parens de l’usufruictier, ou à ceux du proprietaire ; Car pour le proriétaire il est preferé quoy que la vente en ait été faite à un autre : Il semble que la pretens tion des parens du propriétaire ne seroit pas raisonnable, car l’usufruit étant un droit réel qui reut être separé de la proprieté et qui subsiste de soy, les lignagers du propriétaire ne peurent exercer le retrait, puis que le proprietaire n’avoit aucun droit à la chose venduë ; et bien que le propriétaire ait cette prerogative, c’est par cette raison que par ce moyen l’usufruit est éuny et consolidé à la proprieté, ce qui est fort favorable : Or cette reünion ne se faisant point par le retrait que feroit le parent du proprietaire ; il n’y a pas d’apparence de l’y recevoir, et c’est le sentiment de Godefroy : D’autre part l’on peut dire que l’usufruit étant un droit caduque et temporel, il ne seroit pas juste que les parens de l’usufruitier fussent prefèrez à ceux du propriétaire qui peuvent reünir l’usufruit à la proprieté, ou en l’achetant ou en la rétirant, si elle étoit venduë à un étranger : Cette difficulté me paroit decidée par les termes de cet Article, si les parens du proprietaire étoient preférables à ceux de l’usufruitier, il étoit superflu de dire que le proprietaire étoit preféré lors que la vente étoit faite à un autre qu’à luy ; mais en ace cordant cette prerogative au proprietaire, la Coûtume déclare assez expressément que cette preference qu’elle luy donne ne peut être qu’à l’égard des lignagers de l’usufruictier ausquels ce droit appartenoit, puis que l’usufruit est un immeuble, et que les immeubles vendus peuvent être retirez par les parens de ceux qui les ont vendus.

La vente de l’usufruit étant retrayable il semble que la vente des fruits l’est pareillement, Chassanée parce qu’ils font partie du fonds, et que les fruits pendans par les racines sont censez immeubles, l. Fructus, D. de rei vindic. et c’est le sentiment de Chassanée, Titre des Retraits, i S. 1. n. 9. in verbo, sed juxta hoc quero, et de Ferton sur la Coûtume de Bordeaux, Titre des Retraits, S. 15. qui admet aussi le retrait pour les bois de haute-fûtaye. Mr deTiraqueau , de retract. gent. glos. 7. n. 44. est d’un sentiment contraire ; il convient bien de cette maxime que les fruits font partie du fonds lors qu’ils en sont considérez comme des accessoites et des ppendices : par exemple, le fonds étant vendu les fruits qui y sont inherens et qui ne sont point separez du sol sont comptis dans la vente, l. Julianus, S. si fructibus, D. de act. empt. mais lors qu’ils sont vendus sans le fonds, et pour en être separez il les faut en ce cas considerer comme ne faisant plus partie du fonds. Il est aisé de concilier ces deux opinions par la distinction que nôtre Coûtume a faite aux Articles CCCCLXXXVIII. et CCCexG. car avant la S. Jean et le premier de Septembre les fruits étant reputez immeubles quoy qu’ils a soient vendus separément neanmoins faisant encore partie du fonds ils sont retrayables, mais étant ameublis aprés ces deux termes ils ne sont pas sujets au retrait, encore bien qu’ilsr ne soient pas encore separez du fonds.


CCCCCIII.

Retrait conventionnel.

En retrait conventionnel le retrayant doit au jour de l’assignation offrir, consigner, et déposer actuellement les deniers du Contrat, autrement il n’est recevable.

Mora conventionalis difficulter purgatur, & etiam in minorum persona reipsa contrahitur sine interpellatione, quia dies interpellat pro homine ;Loüet , l. P. n. 50. c’est ce qui donne lieu au Proverbe, qu’en retrait conventionnel il faut aller à la course et à la bourse.

On a agité cette question, si la vente de la condition de remere pouvoit être clamée aprés e temps de la condition expiré : Mais enfin elle a été terminée par l’Article 109. du Reglement de 1666. suivant lequel la vente de la condition n’est point rettayable aprés le temps. a la condition expiré, encore que l an et jour de la vente d’icelle ne soit point pafsé, ce qui a été arrété conformément à un Arrest rendu en l’Audience de la Grand-Chambre le 24. d’Avril 1629. entre Me Guillaume Elie Elû en l’Election de Cach, ayant repris le procez en l’état que l’avoit laissé Catherine de Basly Appellante, et Jean Fresnel.

Berault sur cet Article parlant de la prolongation de condition fait cette distinction, que quand la condition est prorogée aprés le temps de la condition expiré, cette prolongation ne peut operer au prejudice des lignagers, mais que quand elle est accordée dans le temps. que la condition duroit encore elle est valable et n’est point reputée une nouvelle condition, parce que l’acheteur prolongeant sçait bien qu’il pourroit être contraint à remettre l’héritage, ainsi cette prolongation est reputée faite par contrainte et non de franche volonté. Du Moulin n’est pas de ce sentiment, et il répond à la raison de Bérault, qu’imo nullus omnino metus est quum nulla vis inferatur, nec inferenda suspicetur & vani timoris nulla astimatio est, nec aliquid rmminuit de voluntario timon, ne fiat quod licité et jure fieri potest : De feud. 8. 33. glos. 2. n. 48. et sequent. et je serois aussi de cette opinion, que l’acquereur ne peut en aucun temps proroger la condition au prejudice des retrayans.

Il est sans doute que l’acquereur fait les fruits siens quoy qu’il y ait faculté de remere, tandis que le vendeur le laisse joüir et n’exerce point la condition ; mais on a douté si un Office venant à vaquer durant l’engagement, et le proprietaire dégageant sa terre peut déposseder l’Officier que l’acquereur avoit pourvû durant sa joüissance : Il fut jugé que le pro-riétaire ne le pouvoit pas, suivant l’Arrest que j’ay remarqué sur l’Article XIII Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre le 8. de Mars 1616. entre Pommier et Denis, si l’acquereur d’un héritage à condition de remere de six années ayant acquis cette condition et fait faire la lecture du dernier Contrat, l’héritage vendu pouvoit être retité par le défaut de lecture du premier Contrat ; Le Vicomte et le Bailly avoient debouté un lignager qui pretendoit clamer le premier Contrat, parce que la vente de l’hérirage étoit portée par iceluy : mais le défendeur en retrait soûtenoit que les deux Contrats ne devoient être considerez que comme un seul et mêmo Contrat, et qu’il seroit inutile au retrayant de clamer le premier, parce qu’ayant le droit de la clameur conventionnelle il useroit du droit de retention ; par l’Atrest la Sentence fut confirmée.

I ne suffit pas en cette action comme en celle du retrait lignager d’offrir les deniers, il faut necessairement les consigner et déposer actuellement, si toutefois il n’y avoit point de Receveur de Consignations, et que dans le temps de la condition le vendeur aprés avoir interpellé l’acquereur de convenir d’un dépositaire les confignât entre les mains du Tabellion ou de quelqu’autre personne la consignation seroit valable. Hobey fit offre à Beaufils auquel Il avoit vendu quelques terres sous condition de remere de le rembourser du principal et de cinquante livres pour les frais et loyaux cousts, si à tant ils pouvoient fe monter, et pour son refus de recevoir son remboursement il luy signifia qu’il alloit consigner ses deniers en especes de Loüis d’or et d’argent et de sols marquez entre les mains du Tabellion qui avoit reçû le Contrat, parce qu’il n’y avoit point de Receveur de Consignations à Honfleur : deaufils étoit appellant à la Cour de la Sentence qui le condamnoit à faire la remise, et Castel son Avocat soûtenoit que la consignation actuelle étoit absolument necessaire, et pour la faire valablement il falloit designer un jour certain à l’acquereur pour y être present, ce qui n’avoit point été fait, le retrayant ayant simplement declaré qu’il garnitoit ses deniers dans le temps de l’Ordonnance, ce qui ne fuffisoit pas, il falloit expressément limiter le jour et l’heure, autrement comme il restoit encore trois jours au vendeur pour faire son garnisse ment l’acquereur auroit été en obligation de se trouver au Tabellionnage à ces trois jours là Il ajoûtoit que ce vendeur n’avoit point fait dresser un bordereau des espèces, mais il se fondoit principalement sur ce que le retrayant n’avoit fait signifier son gatnissement qu’aprée e temps de la condition expiré. Hobey par de Cahagnes reprochoit à l’acquereur que l’exploit ayant été fait à sa personne il avoit dû recevoir son remboursement, les offres qui luy étoient faites étant suffisantes, c’étoit assez de luy avoir declaté la personne entre les mains de lauelle on entendoit faire la consignation, et quoy que l’heure n’y fût pas limitée, puis que l’on parloit à sa personne il devoit luy-même marquer l’heure à laquelle il entendoit s’y trouver, et au surplus que la Coûtume n’imposoit point cette condition au vendeur de signifier de garnissement dans le temps de la condition, elle ordonne simplement que les deniers seront fferts, consignez et déposez actuellement, à quoy il avoit satisfait, et qu’enfin le bordereau n’étoit point necessaire puis qu’elles avoient été specifiées par l’exploit : Par Arrest en la Grand-Chambre du 20. de Janvier 1675. la Sentence fut confirmée.

On a revoqué en doute si le Treizième doit faire partie des deniers qu’il faut rembourser.

Toûtain, sieur de Valauné, fit ajourner Laignel pour luy remettre un héritage qu’il luy avoit engagé par six cens livres, franes deniers venans aux mains du vendeur ; sur l’ajournement qui fut donné quinze jours avant le temps de la condition expiré, Laignel fit defaut :

Toûtain demanda qu’il luy fût permis de consigner ses deniers, et en consequence d’une consignation de six cens vingt livres, il fut envoyé en possession de l’héritage. Le sieur de Cioisi Avocat au Conseil, creancier de Laignel, appella de cette Sentence ; son grief étoit que Toûtain n’avoit point consigné le Treiziéme, qu’il ne pouvoit ignorer que c’étoit à luy à le rem-bourser étant porté par le Contrat, francs deniers venans au vendeur : Je répondois que le retrait conventionnel faisant partie du Contrat, et naissant de la condition portée par iceluy il étoit favorable ; et c’est pourquoy la Coûtume n’y désite point tant de formes, elle veut seusement que le retrayant consigne et depose actuellement les deniers du prix du Contrat ; ainsi toute la question fe reduisoit a sçavoir si le Treizième fait partie du prix du Contrat : Par l’Article 6. 1. du Retrait conventionnel de la Coûtume de Poitou, il est porté que quand quelqu’un a donné grace de retrait par convenance, et en icelle grace n’est fait mention qu’elles choses on doit payer ; c’est à dire que l’on doit bailler le sort et prix contenu au Contrat, et aussi celuy qui fait le retrait est tenu de payer les loyaux coûtemens, mais il n’est pas tenu de ses consigner ; et Titaqueau met le Treizième entre les loyaux coûts, et dit que le vendeur est tenu de les rendre à l’acquereur. Il n’est donc pas requis de les consigner, en effet le Trei2ième est quelque chose outre le prix du Contrat, suivant l’opinion de Mr d’Argentré , et par a pluspart des Coûtumes de France, quand on n’a point exprimé à qui c’est de le payer de l’acquereur ou du vendeur, il tombe en charge à l’acquereur ; ce qui montre qu’il ne fait point artie des deniers qu’il faut consigner : Par Arrest en la Grand. Chambre du 20. d’Avril 1649. la Sentence fut confirmée, il y avoit quelques circonstances dans le fait qui font douter si la Cour a decidé la question generale, la plaidoirie neanmoins de part et d’autre roula sur cette seule question : Lyout plaidoit pour l’Appellant.

Le Receveur des Consignations est tenu de rendre les mêmes especes qui luy ont été déposées ; le Galois avoit consigné en pistoles d’Espagne et quarts d’écu, qui depuis la consigna-tion avoient haussé de prix ; il conclud contre Me Morin Receveur des Consignations à Roüen, qu’il devoit luy rendre les mêmes especes ou payer la hausse, ce qui fut jugé en l’Audience de la Gtand-Chambre le 12. de Janvier 1653. le Petit plaidans pour le Galois, et moy pour Lainé.

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