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CCCCLXIX.

Les paternels peuvent seulement retirer ce qui est du côté paternel, et les maternels ce qui est du côté maternel.

Il est fort juste que les lignagers soient obligez de retirer toutes les choses venduës qui procedent de leur ligne, car en ce cas le retrait lignager est individu aussi bien que le conven-tionnel ; et apparemment l’acquereur n’ayant contracté que dans l’espèrance d’avoir le tout, il n’étoit pas raisonnable de le deposseder en partie ; c’est la disposition de la Loy Cum ejusdem, et l. AEdil. aiunt, 5. ult. D. de Edil. D. si quelqu’un avoit acheté plusieurs esclaves par un même prix, et que du nombre d’iceux il s’en trouvast de mal-sains que le vendeur fût oblige de reprendre, l’acheteur ne pouvoit pas être forcé de garder les autres ;. l’acquereur souffriroit trop d’incommodité par le retrait lignager, s’il étoit contraint de l’accepter pour une partie, et de partager ou de demeurer en communauté avec les lignagers ; d’ailleurs, comme disent les Jurisconsultes, non est tanta estimatio rei in parte refpectu ipsius pautis, quanta in toto respectu totius, l. Si quis aliam. D. de solut.

Cependant comme le retrait lignager est un droit de famille qui ne peut avoir de lieu que pour ce qui procede de l’estoc et de la ligne du retrayant, lors que quelqu’un acquiert des heritages de diverses lignes, il est contraint de souffrir la division de son Contrat ; mais en ce cas l’on a demandé si pour ne s’exposer pas à cette incommodité, il peut sorcer le lignager à prendre toutes les choses venduës, ou si le lignager peut retirer seulement les choses ou il a droit de retrait ; Par la jurisprudence du Parlement de Paris, lors que l’acquereur veut delaisser le tout au demandeur en retrait, il est obligé de le prendre, quoy qu’il ne soit point de son estoc et ligne :Loüet , l. R. n. 25. les raisons sont que ce n’est qu’un seul Contrat qui ne se doit pas refoudre par parties, que l’acquereur ne peut être forcé de demeurer en communauté, et que le retrait étant odieux et contre la liberté de contracter, on ne doit le permettre qu’à condition que l’acquereur n’en souffre aucune perte et incommodité, indemnis discedere deber, 1. Debet in fine, D. de AEdil. Ed. La Coûtume d’Anjou, Article 368. a trouvé cela si équitable, qu’elle dispose que si le demandeur en retrait n’est du lignage en toutes lignes il peut demander pour retrait la chose yenduë, entant et pour autant qu’il y en a en sa ligne, on pour le tout si l’acquereur le veut reconnoître ; car il sera au choix de l’acquereur de luy reconnoître tout ledit Contrat, ou de retirer ce qui ne sera en la ligne du demandeur et li-gnager : il est contre l’équité qu’ayant acquis le parrimoine d’un même homme par un seul Contrat et par un même prix, on luy laisse ce que l’on croit incommode, et que l’on prenne le meilleur marché ; par la seule raison de la difference d’un bien paternel et maternel, on ne doit point s’arrêter à cette distinction quand l’acquereur veut bien remettre le tout, et que les parens de l’autre ligne abandonnent leur droit, l’exemple du rettait feodal ne fait point de consequence ; car l’acquereur auquel l’on a declaté que. les héritages étoient tenus de divers

Seigneurs, ne peut se plaindre quand un seigneur ne retient que ce qui est de sû mouvance, n’ayant pû ignorer le droit commun, mais ce seroit un étrange embartas à un acquereur à’il étoit obligé de sçavoir l’origine des biens qu’il achete et de quel estoc ils procedent.

La Coûtume en cet Article n’a point prévû cette difficulté, elle limite bien le droit du lignager à ce qui est de son estoc et de sa ligne, et les parens paternels, dit cet Article, peuveut seulement retirer ce qui est du côté paternel, et les materneli ce qui est du côté maternel L’Article 113. du Reglement de 1666. n’en dit pas davantage : Quand plusieurs héritages sont vendus par un même Contrat le lignager clamant doit retiter tous ceux ausquels il a droit de elameur. Cet Article du Reglement dans les termes où il est conçù n’étoit pas necessaire, et la Coûtume en disoit assez en ce lieu ; car en ne permettant au lignager de retirer que ce qui est de son côté et de sa ligne, on en peut aisément conclure qu’elle l’oblige à retiter toutes les choses comprises en la vente où il avoit droit de retrait. Aussi c’est un droit general par toute la France qu’un lignager retrayant doit retirer tout ce qui est de sa ligne : Il n’y a que deux Coûtumes qui soient contraires ; Chaulny, Article 112. et Bretagne, Article 294. de l’ancienne, et Article 308. et 309. de la nouvelle, qui n’obligent le retrayant à retiret héritage venant de sa ligne que pour autant qu’il a le moyen d’en rembourser à l’acquereur Et quoy que M’d’Argentré eût fort declamé contre ces Articles, et qu’il fit tous ses efforts pour les faire abroger, il ne pût en venit à bout.

Ce fut apparemment lintention de la Cour de decider par ledit Article 113. du Reglement de 1666. que le lignager n’étoit obligé de retirer que les choses pour lesquelles il avoit droit de retrait, parce que ce Reglement a été fait depuis l’Arrest qui avoit decidé la question generale, dont voicy l’espèce. Les Religieuses Ursulines d’Andely avoient acquis plusieurs he-ritages qui appartenoient à leur vendeur à cause de diverses lignes, Gazin avoit été reçû à retirer ce qui étoit de son estoc seulement, et les Religieuses avoient été condamnées de faire lots pour être choisis par Gazin : Sur lappel des Religieuses Barate leur Avocat representa, que hors le retrait feodal et celuy de lettre-lde le rerrait est individu, et cette distinction de lignes n’est point considérable à l’égard de Iacquereur, lequel indemnis abire debet, que cela avoit été jugé entre les sieurs de Civile, et que même dans la Coûtume de Caux un puisné n’est point recevable à retirer pour la part à laquelle il succederoit, parce que le droit de succeder ne fait rien pour les acquereurs. Theroude répondit que la condition devoit être égale, et puis que le retrayant ne pouvoit pas demander le tout il ne pouvoit être forcé de le prendre ; et contre cette objection que le puisné en Coux n’étoit point reçû à retirer pour sa parti I opposoit l’Arrest de Pernois rapporté par Berault sur l’Article CCCCLXXII. la Cause ayant été appointée au Conseil par Arrest du 20. de Juillet 1664. au Rapport de Mr du Houley, la Sentence fut confirmée. Sur cette même question le 14. d’Octobre 1627. les Juges se trouverent partis en opinions. L’Article 113. du Reglement de r666, auroit été plus precis s’il avoit été conçù en ces termes, que le lignager ne doit retirer que les héritares ausquels il à troit de retrait. Par l’Arrest des Chartreux que j’ay rapporté sur lArticle CCCCLII. le contraire a été jugé. Puis que nous avons étably cette distinction de biens paternels et matere nels on ne doit pas les faire passer d’une ligne à l’autre par cette feule raison qu’ils ont été achetez confusément ; et Bérault a fort bien dit sur l’Article CCCCLXXII. que quand le retrayant et ladjudicataire y consentiroient le Seigneur feodal pourroit reclamer ce qui seroit de sa mouvance : davantage un parent peut bien avoir dequoy retirer ce qui est de sa ligne, qu’il n’auroit pas les moyeus de rembourser un acquereur de tout le prix de son Contrats et souvent un acquereur ne feroit loffre de delaisser tout ce qu’il auroit acquis que par la connoissance qu’il auroit de l’impuissance du retrayant, et par cette voye l’on eluderoit le rettait lignager, et l’on peut faire à l’acquereur la même objection que l’on fait pour le Seigneur seoy lal, qu’il a pû prevoit qu’un homme pouvoit avoir plusieurs patrimoines, et que par conses quent son Contrat pourrolt être divisé par le retrait d’une partie de ce qu’il auroit acquis.

Il a été jugé au Rapport de Mr de Vigneral le 8. d’Aoust 1638. entre la Loupe et Huberti que lors qu’il y a plusieurs Contrats frauduleux le retrayant n’est point obligé de retirer le tout ; et bien que le retrayant ne puisse regulierement diviser le Contrat, neanmoins il n’est tenu de prendre le tout que quand l’acquereur a contracté de bonne foy, et non lofs qu’il contracte frauduleusement.

Pour la vente faite par un même Contrat de plusieurs choses differentes et par des prix separez, il semble que le retrait peut être fait d’une partie seulement, parce que ce sont plusieurs et diverses ventes, l. Cum ejusdem et l. 8i plura, D. de AEdil. Ed. Par exemple, si l’on vendoit une maison par cent écus et une terre par deux cens écus, la vente de ces choses étant faite distinctement et par des prix separez le retrayant a droit de ne retirer que ce qui luy plaist, et l’acquereur ne peut lempescher puis qu’il a bien voulo contracter de cette maniere, et en ce cas il ne peut pas obliger le retrayant à prendre le tout. EtTiraqueau , de ret. gent. 8. 23. gl. 1. n. 20. est de ce sentiment, et il passe encore plus avant, car il estime qu’encore que la vente soit faite au commencement par un seul prix, mais dont depuis on a fait une repartition par le môme Contrat ; comme par exemple, si l’on avoit acheté une terre et une maison par deux cens écus, et que l’on eût ajoûté, à sçavoir la maison deux cens livres, et la terre quatre cens livres, ce seroint dffferentes ventes, et que ce seroit aussi la même chose si l’on avoit d’abord mis un prix sur chaque chose, comme si l’on avoit vendu la maison deux cens livres, et la terre quatre cens livres, et que l’on eût dit par aprés, toutes lesdites sommes revenant à six cens livres que cela n’empescheroit pas que ce ne fussent deux ventes separées. Il est vray que cet Auteur vent que cela n’ait pas lieu en certains cas, et particulierement s’il étoit éontant que le vendeur et l’acheteur avoient eu dessein de vendre et d’acheter tout ensembles car en ce cas bien que l’on eût mis un prix separé sur chaque chose, cela ne seroit censé qu’une seule vente qui ne pourroit êtte rescindée en partie, l. Cum ejusdem, S. Interdum, D. de AEdil.

Ed. Mais, à mon avis, quoy que les prix ayent été separez et qu’en consequence ce soient n quelque manière de differentes ventes, néanmoins étant contenuës dans un même Contrat on les doit reputer une feule vente à l’égard du retrayant lors que l’acquereur veut l’o-bliger à prendre le tout, parce que l’on doit presumer que l’acquereur n’a contracté que pour le tout, et qu’il n’auroit pas voulu acheter une partie seblement des choses qui luy ont été renduës ; et il en est de même comme si l’on avoit acheté une terre sur le pied de cent livres l’arpent, le retrayant ne seroit pas recevable à retirer les meilleurs arpens et laisser les infertiles.

On a jugé au Parlement de Paris qu’une licitation faite entre copropriétaires ou coheritiers bien que de diverses lignes, l’action en réttait lignager de ce qui se trouve propre n’est point recevable, dautant que celuy des propriétaires qui se rend adjudicataire est reputé avoir changé sa part, son acquisition tient lieu de permutation et non point de vente. Les Jurisconsultes appellent ce remede de droit une consolidation necessaire, par le moyen de laquelle les particutiers sont obligez d’acheter ou de vendre contre leur gré : que si l’on pouvoit exercer le retrait lignager pour une portion ainsi venduë avec le tout, il faudroit dés le lendemain recommencer une licitation, et aprés cette licitation faite il y auroit tout de nouveau lieu au retrait, et ainsi on feroit un progrez qui iroit jusqu’à l’infiny. J’ay parlé de cette matiere sur l’Article EcecLII. CeccLxxv. et CeceLXXVI.

En explication de cet Article et pour sçavoir si un bien devoit être reputé paternel ou Godefroy maternel à l’effet du retrait lignager, un procez fut mû sur ce fait. Godettoy Potier avoit deux filles, Marguerite mariée à François Beuzelin, et Marie à Richard Graverel : De Beugelin et de Marguerite Potier naquit Jean Beuzelin qui épousa Marie Thirel, et de ce ma riage sortit Nicolas Beuxelin : De Graverel et de Marie Potier naquit François Graverel qui épousa Marie Guerin, et de François Mi Jacques Graverel Huissier en la Cour : Jean Beugelin avoit acquis quelques héritages qui furent vendus par Nicolas Beuxelin son fils et heri-ritier, à Mr Jean Hecam Medecin au Ponteaudemer ; Graverel Huissier en la Cour voulut les retirer en qualité de cousin remué de germain de Nicolas Beuxelin vendeur, le sieur Hecam contesta le retrait par cette raison que les héritages provenoient de Iacquisition de Jean Beuzelin, auquel Nicolas son fils ayant succedé ils étoient devenus propres en sa personne, et avoient fait souche en la famille des Beuzelins, dont Graverel n’étant parent qu’à cause de Marie Potier son ayeule il n’étoit pas recevable à retirer ce qui étoit du propre et de la ligne les Beuzelins n’étant pas leur parent paternel, mais maternel : Il fut repliqué par Graverel qu’encore qu’il ne fut parent de Jean Beuxelin vendeur qu’à cause de Marguerite Potier sa mere, néanmoins à légard de Nicolas son fils ils étoient parens paternels, cognati fiunt agmati, et sur ce fondement ils avoient été appellez aux tutelles des Beuzelins, et il falloit mettre de la différence entre le bien propre qui étoit propre à la famille des Beuzelins et celuy qui étoit propre aux deux familles de Beuxelin et de Graverel, et par cette raison il étoit inutile de digé que les biens vendus avoient fait souche et ligne en la personne de Nicolas Beuxelin I s’ensuivoit bien que si quelqu’un de la famille se presentoit pour retirer il seroit preférable. mais ne s’en rencontrant point son action on rétrait étoit recevable étant parent paternel du vendeur ; et comme si Jean Beuxelin fût mort sans enfans, la ligne des Potier auroit pû avoir part à cet acquest en son ordre suivant l’Article CCCXXVII. et auroit pû user de retrait s’il avoit été vendu : Comment pouvoit-on soûtenit qu’ils sont dechus de leur droit pour avoir été fait propre à Nicolas Beuzelin ; Ce seroit trop étendre les droits du Fise que de le faire succeder au propre des Beugelin au prejudice des Graverel, auquel sa mere et luy succedoient lors qu’ils étoient acquests, et ils ont conservé ce même droit au prejudice du fils lors qu’ils sont devenus propres : c’est le sentiment d’un ancien Commentateur anonyme de la Coûtume, en ces termes ; Quand le conquest a succede il est fait propre de celuy lequel y a succedé, non pas indifferemment en la famille dont il porte le nom, mais en la famille soit paternelle ou maternelle de celuy qui a fait le conquest, et au droit duquel celuy qui y a succedé est appellé à la succession suivant un Arrest de 1517.

On alléguoit pour le sieur Hecam que plusieurs Coûtumes ont fait différence entre le droit de succeder et le droit de retirer à droit de sang, Niver. 1. quelles choses sont censées propres, Bourrog. 1. des Succ. 5. 8. mais nôtre Coûtume n’a point fait de difference entre succeder et clamer Celuy qui est capable de surceder l’est aussi d’user du retrait lignager, et plûtost que de permettre le passage des biens paternels en la ligne des maternels, elle les donne aux Seigneurs feodaux.

Dans les Coûtumes qui admetrent des propres naissans la Cause de Graverel seroit la meilleure, parce qu’elles en font différence avec les anciens propres que autor generationis generi suo destinavit ; ien ces biens-là l’on garde exactement la regle, paterna paternu, et les propres qui ne commencent à faire souche et à prendre nature de propre, qu’en la personne de celuy de cujus successione agitur. Mais nôtre Coûtume ne connoit point de propre naissant, et si l’on admettoit des propres communs entre deux familles, il faudroit faire distinction entre les anciens, les nouveaux et les naissans ; et en ce faisant on tomberoit dans une involution que la Coûtume a sagement évitée, car posé qu’un cinquième ayeul eût fait des acquests qui seroient échûs à un quatrième ayeul, et que ce quatrième ayeul eût aussi fait des acquests qui fussent pareillement échus à un troisième et ainsi des autres, tous ces biens-là seroient tropres à plusieurs familles, ce qui causeroit une grande confusion s ainsi les propres de Nicolas Beuzelin, soit que l’on considère d’où ils ont procedé par acquest ou en quelle famille ils sont entrez, sont devenus propres en sa personne, et nôtre Coûtume n’en connoit point d’autres.

Les successions ne se confondent point, les Graverel demeurent toûjours capables de succeder aux propres des Potiers et à la dot de Marguerite Potier, et non aux propres des Beu-gelin e et quoy qu’ils eussent pû succeder à cet héritage lors qu’il étoit encore un acquest, neanmoins suivant le sentiment de Chopin sur la Coûtume de Paris, l. 2. t. 5. il faut avoir égard au dernier possesseur des biens et non des autres qui sont au dessus : par le changemen de la personne, la condition et la qualité des choses hereditaires est changée, et la succession étant acceprée elle devient le propre de l’heritier, l. Per procuratorem in fine, D. de adquir. Tiraq hered. cum mutatione personarum mutetur rerum qualitas ; Tira4. de ret. gent. 8. 14. gl. 1. les capacitez passées ne sont plus considérées non plus que celles qui sont à venir.

Cette question est decidée par les Art. CCXL. V. et CCXLVI. Aprés avoir dit que les heritages paternels retournent aux parens du côté paternel, elle ajoûte en l’Article suivant que cela doit s’entendre non seulement des biens qui sont venus du côté de pere et de mere, mais aussi des autres parens, pourvû, &c. et c’est pourquoy pour exclure Graverel il suffit que les biens fussent propres à Nicolas Beuxzelin. Il est vray que le Commentateur Anonyme est d’avis contraire, mais sans en alléguer aucune raison ; l’Arrest qu’il cite ne se trouve point en Régistre, etTerrien , l. 6. 1. des Success. En cite un autre du même jour donné dans une espece bien differente

cette question fut fort difcutée ; et enfin par Arrest, au Rapport de Mr de Toufreville le Roux, du 20. de Decembre 1Sssaon confirma la Sentence du Vicomte du Ponteaudemer qui deboutoit Graverel de sa clameur.