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DES DONATIONS.

CCCCXXXI.

Quelles personnes peuvent donner entre vifs, quoy, et à qui.

Personne aagée de vingt ans accomplis, peut donner la tierce partie de son heritage et biens immeubles, soient acquests, conquests, ou propre, à qui bon luy semble, par donation entre vifs, à la charge de contribuer à ce que doit le donateur lors de la donation, pourvû que le donataire ne soit heritier immediat du donateur ou descendant de luy en droite ligne.

ET Article peut être divisé en quatre parties : La première fait mention des personnes capables de donner ; la seconde, de ce que l’on peut donner à troisiéme, de la maniere et comment l’on peut donner ; et la quatrième, des personnes à qui il est permis de donner ; et en consequence il y aura lieu de traiter ces matieres, si le donataire peut demander les fruits ou les interests de la chose leguée, et de quel temps ils luy sont dûs L’âge de vingt ans accomplis est la premiere qualité que la Coûtume désire pour rendre une personne capable de donner : elle a fixé à cet âge la majorité de ceux qui sont soûmis à son autorité, ayant retranché celuy de vingt-cinq ans jusqu’où le Droit Romain et plusieurs Coûtumes de France ont étendu la minorité Tous les peuples ne naissent pas sous des climats également heureux ; le Ciel ne répand sur les uns que des glaces et des frimats, tandis qu’il communique aux autres ses plus benignes influences. La Nature aussi ne distribuë pas également les faveurs de l’esprit ; il y a des peuples qui naissent presque tous avec des genies heureux et capables des grandes choses, et nous connoissons au contraire des Nations entieres d’un esprit grossier et indocile : Si l’on en Accurse croit le bon Accorse ad l. Sequitur, S. 2. in verbo, si animum possidendi, les Romains, les Lombards, les Normands naissent avec un genie plus meur et plus avancé que les autres peuples, qualis Lombardia, Normandia parit, et avaritiae caput Roma cunctos tales generans.

Mr d’Argentré a crû que c’étoit la raison pour laquelle la Coûtume a avancé le terme ordinaire de la majorité ; mais sans nous flater de cet avantage il est plus vray de dire que la Coûtume nous ayant mis en une perpétuelle curatelle et nous ayant presque rendus de simples usufruitiers de nos biens, il n’y avoit pas d’inconvenient à nous abandonner à nôtre propre conduite.

Quand il s’agit de la preuve de l’âge on conteste assez souvent par qui elle doit être faite.

aeMenochius a traité fort amplement cette matière, l. 2. de Praes. Praes. 50. et sa distinction me aroit juste, où il s’agit d’un Contrat dont on demande la récision à cause de la minorité, en ce cas celuy qui se fonde sur sa minorité doit la justifier, où l’on pretend que quelque ta chose ne se puisse faire par la raison de la minorité, comme si l’on s’opposoit à la reception à un Office, parce que le recipiendaire n’auroit pas l’age competent, en ce cas celuy qui allégue la minorité doit la prouver ; ou si la Loy désire qu’on ait atteint un certain âge pour être admis à quelque employ il faut justifier que l’on soit parvenu à cet âge, in hac materia optima regula dari potest, ut sive affirmativè sive negative deducatur atas, is probet, qui commodum ex atate sensurus est.

Cette majorité de vingt ans pour les personnes domiciliées en cette Province les rend capables de disposer des biens qu’ils ont dans les Provinces où les Coûtumes ne declarent les personnes majeures qu’à vingt-cinq ans : car quand il s’agit de la capacité de contracter on confidere seulement la Coûtume du domicile, comme il fut jugé en la Grand. Chambre de 4. de Février 1866. entre la Demoiselle Bernard, et Bernard sieur de la Fleuderie : Il fut dit en infirmant la Sentence dont cette Demoiselle étoit appellante, qu’étant majeure à vingi Sans en Normandie où elle étoit domiciliée, elle pouvoir disposer de son bien situé à Paris, parce que la majorité qui donne la liberté de contracter fuit la personne et le domicile, et celuy qui est majeur en Normandie l’est en tous lieux ; plaidans Greard, et du Hecquet. Au contraire par Arrest, au Rapport de M’Deshommets, du 14. d’Aoust 1643. un homme âgé de vingt ans accomplis qui étoit né et demeurant en Bretagne fut restitué contre le Contrat de la vente le ses héritages situez en Normandie ; on jugea que pour la capacité de contracter il falloit uivre la Loy du domicile, et par consequent qu’étant mineur en Bretagne, il n’avoit pû rendre ses biens situez en Normandie.

Quoy qu’en Normandie la majotité ne soit parfaite qu’à vingt ans accomplis, il y a pourtant parmy nous, comme ailleurs, cettaines personnes qui en certaines choses sont reputées majeures et capables de s’engager avant la majorité : Les Titulaites des Benefices sont repuez majeurs aprés quatorze ans pour tout ce qui concerne leurs Benefices ; Loüer, l. 8. n. 7.

Il est de même des Procureurs, Avocats et Officiers pour tout ce qui concerne leurs Charges ;Loüet , c. 5. n. 9.Brodeau , Coûtume de Paris, Article 32. quoy qu’en toutes autres choses ils soient restituables.

à l’égard des donations nous avons un exemple où nonobstant la minorité on est capable de donner, c’est pour la donation d’immeuble faite par une fille à son futur mary par son Contrat de mariage : on en pouvoit douter par cette raison, que les immeubles des mineurs ne peuvent être alienez que pour cause et par les formes introduites par le Droit, l. Praedia, C. de Prad. Min. sine du. C’est mal argumenter à capacitate matrimonii, ad capacitatem conventionum matrimonialium : La capacité du mariage vient de la capacité de la Nature qui rend l’un et l’autre des conjoints capables de conjonction ; mais la capacité des conventions matrimoniales provient non ex potentiâ naturae, sed ex lege civili & capacitate contrahendi : que son pere qui l’avoit mariée et qui avoit donné ce tiers ne luy avoit rien donné du sien, et qu’elle n’en pouvoit esperer aucune chose ayant passé en un deuxième mariage dont il avoit des enfans, qu’il n’étoit point son tuteur et ne pouvoit disposer de son bien. Pour solution à ces objections on répondoit que la prohibition d’aliener les immeubles n’avoit lieu que in venditione & donatione purâ, in quibus minor laeditur, non in donatione favore matrimonii, l. Titia de jure dot. l. 1. Cod. si adversus donationem, ubi donatio ante nuptias obtentu atatis non revocaetur, et l. 8i quando, Cod. si major factus. I. Lex quae pradia, C. de administ. tut. Balde Cons. 99. conclud fort bien a positione habi. ditatis ad matrimonium habilitatem interponendi pacta omnia solita apponi de jure in contractu matri. monii et frequentata in regione. Du Moulin a écrit la même chose en son Apostille, sur l’Article 161. de la Coûtume de Blois. L’Article 220. de l’ancienne Coûtume de Bretagne conforme au 205. de la nouvelle, contient que l’homme peut donner à sa future épouse, ou elle à son futur époux le tiers de son héritage, sed ab hac difpositione, dit Mi d’Argentré , Article 220. gl. 2. excipiendi sunt minores qui ne matrimonii quidem sui causâ possunt donationem facere aeec dotem constituere. Il en allégue pour raison que à capacitate matrimonii quae et naturae & juris est non debuit colligi capacitas donandi, idem actus civilis qui non nisi à consensu proficisci potest, consensus autem non nisi ab habili. Il avoué pourtant que si le party étoit avantageux pour la fille, nulla tanta bonorum consideratio esse debet, que conditionem egregiam & personarum utilem & honestam conjunctionem remoretur, si propinquorum judicium et magistratùs autoritas intercedat Par Arrest en la Grand. Chambre du 23. de Février 1657. entre Joustel tuteur des enfans du mary, et Millet, la donation faite par une fille mineure à son futur époux fut confirmée, quoy qu’elle eût depuis obtenu des Lettres de restitution ; il est vray que son pere y avoit consenti, mais elle disoit qu’il l’avoit surprise. Par l’Article 74. du Reglement de 1666. ces donations sont approuvées, pourvû que la mineure ait été dûëment autorisée par ses parens. Le decret du Juge n’est pas necessaire aquoy que M’d’Argentré soit d’un sentiment contraire

Quoy que cet Article permette à toutes personnes âgées de vingt ans accomplis de disposer du tiers de ses immeubles, on ne doute point que les furieux et les interdits n’en soient exceptez, pourvû que la cause de leur interdiction n’ait point cessé. Jacques Coty Huissier en la Cour ayant reçû mal à propos une caution, Robert Coty son pere par l’avis de Me Richard Coty Procureur en la Cour son frère et de ses autres parens, le fit mettre en curatelle : Aprés la mort du pere Jacques Coty pria les mêmes parens de le restituer conctre cette curatelle, et s’en étant rendu appellant du consentement des mêmes parens la curatelle fut cassée par Arrest du 21. de Février 167t.

Le 20. de Mars ensuivant, se voyant sans enfans il donna le tiers de son bien à Me Richard Coty son oncle avec retention d’usufruit durant sa vie. Bonaventure Benoist dont le fils avoit épousé la seur de Jacques Coty, et les enfans de laquelle étoient ses presomptifs heritiers ayant eu connoissance de cette donation, obligea le donateur de passer une Procuration à sa mere pour la revoquer, et par cette même Procuration il luy donnoit pouvoir de vendre son bien : en vertu de cette Procuration la mere fit signifier une revocation au donataire, mais quelques jours aprés Jacques Coty envoya à son Procureur une déclaration signée de luy qui contenoit qu’on luy avoit fait signer cette revocation par surprise, et qu’il consentoit l’execution de la donation, en consequence dequoy le Procureur aquiesça au Procez. Benoist fit faroître depuis une déclaration contraire, mais on reconnut qu’elle avoit été suggerée par luy au donateur lors qu’il étoit malade : La Cause ayant été derechef portée aux Requêtes du Palais on ordonna que la premiere Sentence seroit executée, dont Benoist ayant appellé et Jacques Coty étant mort, Maunoutry son Avocat reprochoit à Me Richard Coty donataire qu’il avoit extorqué par adresse cette donation de son neveu, et bien que luy-même l’eûr fait mettre en curatelle comme étant un yvrogne et un esprit foible, pour avoir lieu d’exiger ce don et le rendre capable de donner il avoit sollicité les parens de le remettre en liberté, ayant luy seul poursuivi l’Arrest, et l’interdit n’ayant pas même comparu pour demander son rétablissement, et qu’aussi-tost aprés l’interdiction levée il en avoit surpris cette donation, qui ne pouvoit être soûtenue ayant été faite par un interdit, au profit de celuy qui avoit surpris l’Arrest qui le rétablissoit, lequel par consequent n’étoit point considérable puis que c’étoit l’ouvrage seul du donataire, et si la Cour avoit sçû qu’on ne vouloit restituer cet imbeoille que pour le rendre capable de donner, elle n’auroit pas approuvé la surprise qu’on avoit faite à sa religion. se répondois pour Coty donataire que cette curatelle étoit nulle dans son principe, parce qu’elle étoit sans cause, l’interdit n’ayant jamais fait de mauvais ménage ny contracté aucune lette, la seule faute qu’on luy avoit imputée étoit d’avoir reçû une caution dont pourtant il ne recevoit que ce prejudice qu’il falloir avancer de l’argent : L’Appellant avoit mauvaise grace de blamer l’Arrest qui levoit la curatelle puis qu’eux-mêmes s’en étoient servis, ayant pris une Procuration de cet interdit pour aliener et vendre son bien, et pour revoquer cette donation : Il étoit donc capable d’agir par leur propre aveu, que s’ils ne l’euffent pas jugé tel, au lieu de se rendre ses procureurs pour luy faire exercer toutes les actions d’une personne libre et capable, ils auroient dû assembler les parens à l’effet de le remettre en cura-elle, et luy donner un Curateur sous le nom duquel ils auroient poursuivi la cassation de ce don. Aprés tout cette donation étoit si favor able, que quand même il seroit demeuré dans son interdiction elle pourroit subsister. Il n’avoit point d’enfans, il retenoit la joüissance de sos bien, il donnoit au fils de son oncle qui portoit son nom et qui étoit son bienfaicteur, et dont il avoit reçû de grandes assistances. La Coûtume ayant si fort favorisé la conservation les propres dans les familles, on pouvoit dire que le donateur avoit fait une action approuvée et favorisée par la Loy : de forte que quand même la Cour auroit sçû qu’on le remet-toit en liberté dans cette seule vûë de faire un don si favorable et remunératoire, elle n’au roit point desapprouvé son intention, il ne falloit pas tant considerer l’incapacité du donateur que la justice et la faveur de la donation, et comme rapporte Cambol. l. 5. c. 50. sur ce fondement on a jugé au Parlement de Tolofe qu’un testament étoit valable quoy qu’il eût été fait par un prodigue interdit, parce qu’il avoit judicieusement divisé ses biens entre ses enfans, et avoit fait ce que la Nature et les Loix ordonnent. En semblable cas l’Empereur Leon dans sa Novelle 39. a ordonné que les bonnes actions qui se trouveront faites par un prodigne soient autorisées, quid enim, dit-il, si prodigus aut hereditatem suis necessariis relinquere, aut pauperibus sua distribuere, aut denique gravem servitutis torquem servorum cervicibus adimere volet, an ideo quod prodigus est id illi non licere velle dicendum s Nous apprenons de Valere Maxime, 1. 7. c. 8. que le Senat de Rome avoit jugé la même chose dans le cas de la démence, et qu’il s’étoit fondé sur une semblable consideration pour ordonner l’execution d’un testament qui avoit été fait par un insensé, magis enim centumviri quod scriptum effet in tabulis quam qui scripsisser considerandum existimaverunt

Les Docteurs même ne sont pas d’accord sur la question de sçavoir de quelle façon se leve l’interdiction : quelques-uns ont pensé que l’interdiction ne peut être détruite que par les mêmes voyes qu’elle avoit été ordonnée, et que quand elle a été faite par l’autorité du Magistrat, elle ne peut être aneantie que par la même autorité, et par consequent que celuy qui a été déclaré prodigue par une Sentence, a besoin d’une Ordonnance contraire pour être étably dans l’administration de ses biens,Bald . Ad l. 1. in fin. 1. C. qui et ad quos. Ranchin Papé n Comment. ad quest. 260. Guid. Pap.

Les autres, commeBartole , in l. 15. cui n. 5. de verb. oblig. tiennent au contraire, que fi le prodigue devient notoirement sage et que sa conduite soit bonne, l’interdiction cesse de plein droit, parce que la liberté qui est naturelle s’acquiert plus facilement que la servitude, et toules choses retournent facilement à leur principe : ainsi l’interdiction qui constituë l’interdit dans un état violent, s’évanoüit et s’aneantit avec plus de facilité qu’elle n’a été formée ;Ricard , des Donat. part. 1. c. 3. sect. 3. L’interdiction du donateur n’étant fondée sur aucune cause legitime elle étoit levée de plein droit ; mais elle ne pouvoit être opposée en cette rencontre où ce pretendu interdit n’avoit rien fait que de judicieux, et la Loy 8. item prodigus instit. quib. non est permiss. facer. testament. qui défend au prodigue de faire un testament ne peut être appliquée au sujet de cette Cause ; et aprés tout la curatelle avoit été aneantie par Arrest : Par Arrest en la Grand. Chambre du 18. de Mars 1672. la donation fut confirmée.

Il ne suffit pas toûjours d’être âgé de vingt ans pour être capable de donner, ceux qui ont commis un crime capital ne peuvent disposer de leurs biens par donûtion s l’accusation est suivie de la condamnation, comme je l’ay montré sur l’Article CXLIII. mais bien qu’en France l’Etranger ne soit point capable de faire testament, il peut toutefois par donation entre vifs dispoler librement de ses biens ; j’en ay remarqué les Arrests sur l’Art. CXLVIII.

Cet Article permeitant à la personne âgée de vingt ans accomplis de donner la tierce pardie de son bien, on a douté si la femme mariée devoit être comprise fous cette disposition Il n’y avoit pas de question pour celle qui n’étoit point autorisée par son mary : quelques-uns neanmoins ont tenu en ce cas que l’effet du Contrat demeuroit en suspens jusqu’aprés la mort du mary ; car alors la femme étant faite sui juris, ny elle ny ses heritiers ne peuvent empescher l’execution du Contrat, quia res pervenit ad eum casum à quo incipere poterat : L’opinion contraire a prevalu, parce que le Contrat étant nul ab initio par le défaut d’autorté qui est essentiel, il ne pouvoit valoir contre la femme ny contre ses heritiers quoy qu’ils y eussent prété leur consentement ; ce qu’on soûtenoit par l’Argument du Senatus-Consulte Ma-cedonien, suivant lequel ceux qui prétent de l’argent au fils de famille ne peuvent pas le luy demander aprés la mort de son pere, l. 1. in Princ. Ad Senat. Consult. Macedon. Et quand on objecte à la femme qu’elle ne peut venir contre son fait, on répond que cela n’est point veri-table quand le Contrat est contre le droit public et en fraude de la Coûtume, en ce cas celuy. qui l’a fait peut y contrevenir impunément, jure civili uxor habet liberam potestatem bona sua et immobilia donandi arque alienandi, neque requiritur ad hoc presentia vel consensus mariti, l. VelLes Cod. de reN. Don. secus de jure Saxomico uxor absque consensu mariti bona sua donare non potest aut vendere & alienare ; Rheinardus, l. 1. c. 7. differ. jur. Civ. et Saxon.

On a long-temps disputé si une femme sous l’autorité de son mary étoit capable de donner : Bérault a remarqué un Arrest donné sur un procez partagé en la Chambre de l’Edit, par dequel une donation faite par une femme autorisée par son mary à une sienne niéce, du tiers de ses acquests fut déclarée valable

dais cet Arrest n’ayant décidé la question que pour la donation du tiers des acquests, elle étoit encore problematique pour la donation du tiers des propres, lors qu’elle s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre le 30. de May 1653. entre Légues et Ruete, et par l’Arrest la donation faite par une femme autorisée par son mary du tiers de ses propres fut de-dlarée nulle, les Juges ayant fait distinction entre la donation des propres et des acquests.

Cet Arrest a été suivi d’un autre donné en la Chambre des Enquêtes le 27. de Juillet 168s. entre Piel et Neel, au Rapport de Mr de Courvaudon, par lequel une donation des propres faite par une femme mariée a été cassée. Il semble que la Coûtume n’ait permis à la femme mariée de donner qu’en deux cas, ou à fes enfans en les mariant, ou par testament, et la Coûtume ayant exprimé ces deux cas, elle semble avoir exclus tous les autres ; néanmoms en la Grand. Chambre, au Rapport de Mi Auber, le 9. de Novembre 1647. avant les deux Arrests que je viens de citer, la donation faite par la nommée Chaumontel à un de ses parens fut confirmée, quoy qu’elle en eût obtenu des Lettres de recision, et qu’il y eût presomption que le mary avoit reçû un present pour consentir que sa femme fist cette donation Depuis au procez de Messire Henty de Pommereüil, sieur duMoulin -Chapel, et Messire François de Raveton, sieur de Chauvigni, cette question fut encore agitée. Il s’agissoit de sçavoir si Dame Loüife de Pommereüil, femme du sieur de Marigny, avoit pû donner étant dûëment autorisée par son mary par donation entre vifs la tierce partie de la dot au sieur de Raveton son neveu, sorti de Gillonne de Pommereüil la seur ; par Sentence du Juge de Conches la donation avoit été déclarée valable : Sur l’appel le sieur duMoulin -Chapel soûrenoit que par la Coûtume le bien des femmes est inalienable, et si elles en disposent du consentement de leurs maris elles en doivent être recompensées sur leurs biens, parce qu’étant en une perpétuelle tutelle et interdiction elles ne peuvent rien faire ny donner aucun consentement qui leur soit desavantageux, Article CCCCexxXIX. et CCCCeXXI. et bien que ces Articles ne parlent que des Contrats de vente ils ont lieu pareillement pour les Contrats de donation, n’y ayant pas d’apparence de dire que la femme qui ne peut vendre puisse donner, puis que donare est perdere, la femme ne seroit pas moins dépoüillée de son bien par une donation que par une vente, et le mary qui ne peut s’en rendre maître par une vente pourroit le faire indirectement par une donation : On ne peut tirer en consequence les Coûtumes voisines, parce qu’elles permettent aux femmes mariées l’allenation de leurs biens ; mais la prohibition d’aliener étant generale par la Coûtume, elle comprend tous les moyens par lesquels une femme peut être privée de son bien ; et quoy que suivant cet Article la personne âgée de vingt ans accomplis puisse donner, et que sous ce terme de personne la femme soit comprise, on ne doit entendre cette parole que d’une personne capable de contracter et qui ait la liberté de ses actions, que sit sui juris, ce qu’on ne peut dire de la femme mariée ; il faut aussi que la chose que l’on veut donner ne soit pas inalienable, comme sont sles biens dotaux de la femme mariée. Si la Coûtume avoit eu cette intention de laisser à la femme la liberté de donner entre vifs elle s’en seroit expliquée, comme elle a fait pour les testamens, Article CCCCXVII. Mais son filence sur ce sujet marque qu’elle n’a pas eu ce dessein, et on peut en donner cette raison, que la donation testamentaire qu’elle luy permes ne peut être que du tiers des acquests, et dont il est juste de luy abandonner la disposition puis qu’ils proviennent de son bon ménage, et d’ailleurs la donation testamentaire n’a son ffet qu’aprés la mort du testateur ; mais par la donation entre vifs la femme de son vivant se verroit dépoüillée du tiers de ses propres. Il ajoûtoit que la question avoit été decidée par les deux Arrests cu-devant remarquez.

Le sieur de Raveton opposoit à ces raisons que la femme avoit été dûëment auitorisée par son mary, que la donation étoit accomplie en toutes ses formes, qu’elle avoit même été ratifiée par la donatrice depuis sa separation de biens d’avec son mary, et qu’enfin aprés la mort de son mary elle avoit fait ajourner les heritiers de son mary pour faire juger que la donation qu’il avoit faite par le même Contrat au sieur de Raveton seroit executée ; on ne pouvoit pouter qu’aprés la mort de son mary elle n’eût perseveré dans cette même volonté de donner, et cette circonstance seule suffisoit pour rendre la donation valable. Il est vray qu’une femme martée ne peut contracter d’elle-même est in sacris mariti, et les Contrats qu’elle passe en son absence sont nuls de plein droit par le défaut d’autorité, jusques-là que quelques Auteurs ont crû qu’il n’en resulte aucune obligation naturelle ny civile,Bartol . in l. Cum lex. D. de fidejuss. mais quand elle est autorisée par son mary on ne pouvoit alléguer que les Contrats ne fussent pas oons étant approuvez par la Coûtume, Article CCCCCXXXVIII. ce qui est conforme à celle de Paris, Article 223. La distinction qu’on veut faire entre les ventes et les donations n’est point considérable : Il est vray que la femme a la recompense de ses biens vendus sur reux de son mary ; mais on n’a pas fait difficulté de permettre à la femme de donner, parce que la Loy a sagement presumé qu’à cause de son avarice naturelle, elle ne se porréroit à faire des liberalitez que par des considerations tres-fortes, donatio mulieris est cantra naturam, Sed si ego, D. ad Velleiam et ibi glos. in verb. Donet. On ne peut dire que cette incapacité de donner procede originairement de sa personne, elle n’a d’autre fondement que la puissance maritale, qui ne la prive pas absolument de sa liberté naturelle, elle la fuspend seulement, mais quand elle est remise dans son état naturel par l’autorité de son mary, et que ces chaines lont elle étoit liée par la Loy sont rompuës, elle peut comme toute autre personne disposer de son bien suivant cet Article : Elle ne peut véritablement executer cette faculté tant que cette dépendance dure, mais pourtant elle n’est pas éteinte et aneantie ; et il en est de même comme des biens dotaux de la femme, dont l’Empereur dit dlegamment en la l. 30. C. de jure dot. cum eadem res dotalis ab initio uxoris fuerit, naturaliter in ejus permansit dominib, nos onim quod legum subtilitate transitus earum in patrimonium mariti videatur fieri, ideo veritatt delara vel confusa est. La puissance maritale est l’unique cause de la prohibition faite aux femmes d’user de leurs droits durant le temps qu’elles y sont soûmises, ce qui ne produit qu’une nullité causative qui cesse aussi-tost que la cause en cesse ; mais les nullitez essentielles ne se peuvent effacer : Par l’Article CCCCX. Gens Mariez ne peuvent donner, ceder ou trausporter quelque chose que ce soit, &c. Or cet Article eût été fort superdu si la femme n’eût jamais eu le pouvoir de donner à qui que ce soit ; mais puis qu’il ne défend qu’aux Gent Mariez de se donner l’un à l’autre, il s’ensuit que les donations leur sont permises à l’égard de toutes autres ersonnes : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes du 18. d’Aoust 1666, au Rapport de Mr Asselin, la donation fut confirmée. Ce qu’il y avoit de particulier en cette Gaule, c’est que la Dame de Marigny avoit ratifié la donation depuis sa separation ; elle avoir mêmeintenté une action en qualité de tutrice du sieur de Raveton contre les heritiers du sieur de Raveton, lors qu’elle étoit libre. Pour faire subsister ces donations elles doivent être exemptes de toute suspicion qu’elles ayent été faites pour tourner au profit du mary ; car en ce cas elles sont ibsolument nulles.

Dans l’espèce de cet Arrest la Dame de Marigny n’étoit pas separée de biens quand elle fît la donation ; il pouvoit rester cette difficulté, sçavoir si la femme separée de biens, quoy qu’autorisée par son mary, peut donner : Car on peut dire que par la separation civile la femme tombe dans une interdiction generale, et devient absolument incapable d’aliener ses immeubles pour d’autres causes que celles qui sont exprimées par la Coûtume ; avant la separation lle peut vendre du consentement et de l’autorité de son mary ; aprés la separation elle a les mains liées, la separation de biens n’étant reçûë que pour ôter au mary le pouvoir de disposer des biens de sa femme ; que si la vente n’est pas permise la donation luy doit être prohi-bée à plus juste raison, parce qu’il luy en arrive une perte qu’elle ne souffre point par la vente. On a jugé néanmoins pour l’affirmative dans un cas favorable en la Chambre des Enquêtes l’11. de Juillet 1657. au Rapport de Mr Clement, les Juges en ce procez furent partagez sur ces deux questions : La premiere, si la donation faite par une femme separée de biens et autorisée par son mary d’une rente à l’Eglise à la charge de Services étoit valable : Et la seconde, si une donation excessive devoit subsister ayant été ratifiée par l’heritier aprés la mort du testateur ; Le mary et la femme separée dûëment autorisée avoient donné conjointement une rente à l’Eglise à la charge de Services ; aprés la mott de la femme cette donation uut debatuë de nullité par ses heritiers, se fondant fut son incapacité de donner, néanmoins par l’Arrest la donation fut confirmée ; mais comme elle étoit faite à la charge de Bervices, et que par consequent ce n’étoit pas tant une donation qu’un Contrat Iynallagmatique, on pourroit encore douter si la Cour auroit entendu décider la question generale, suivant l’opinion la plus commune ces donations sont reputées valables

Pois que nons sçavons les personnes qui sont capables ou incapables de donner, il faut encore examiner le temps auquel le donateur doit avoir cette capacité, pour la donation entre vifs il n’y a que le temps auquel la donation est faite à considerer, parce qu’elle est parfaite dans le même moment que l’on donne par la tradition qui est de l’essence de la donation entre vifs.

Quant à la quantité que l’on peut donner elle est bornée au tiers de l’héritage et des biens mmeubles, tant propres qu’acquests.

Ce terme peut employé affirmativement dans les Coûtumes, permiffivè conceptum in statutis, n’emporte point la nullité de ce qui est fait au contraire, suivant le sentiment de quelques Auteurs ; Mr d’Argentré , Article 218. gl. 3. Cette disposition eût été plus puissante si elle avoit été conçûë en termes negatifs, quia verbum spotest ) negativè conceptum importat imopotentiam juris & facti, suivant la doctrine de Bartole et de du Moulin : Mais nos Reformateurs ne se sont point attachez à ces subrilitez, et par nos Maximes la donation qui ex-cede le tiers n’est pas nulle mais reductible, suivant l’Arrest que j’en rapporteray dans la suites par il y a de la différence entre les donations qui sont faites contre la disposition de la Loy et celles qui ne pechent que par l’excez, non contra legem, sed preter legem ; les premieres sont absolument nulles, et pour les dernieres on les modere seulement, et on en corrige l’excez : Mr d’Argentré , sur l’Article 218. gl. 1. dit istus donationes non fic nullas evadere, ut revaloscere non poffint tacente scilicet aut probante herede, cui consultum voluit consuerudo.

Il ne faut pas neanmoins se persuader que le consentement de l’heritier efface ou repare tout ce qui est defectueux ou contraire à la Loy dans une donation : Mr d’Argentré , Article 218. gl. 1. fait une distinction entre les prohibitions qui n’ont pour cause et pour fonde-ment que l’interest des particuliers, et les donations qui n’ont que ce défaut peuvent lubsister quand l’heritier les approuve et qu’il remet son interest : Mais la raison n’est pas pareille pour les donations qui sont prohibées pour une raison et pour une cause publique, in quibus perpetua est prohibitiouis causa, cum publicum scilicet refficit principaliter ; par exemple la donation d’une chose qui ne tomberoit point dans le commerce ne seroit pas renduë valable par le consentement de l’heritier du donateur, cum autem solius donationis excessus arguitur dubitari gequit, quin solum heredem respiciat.

Il faut encore pour se prevaloir du consentement de l’heritier distinguer le temps auquel il a prété ce consentement, la ratification que le donateur exigeroit de son heritier ne seroit point considérable, il faut que la liberté s’y trouve toute entière, ce qu’on ne peut presumer en la personne d’un heritier lors qu’il est dans l’esperance prochaine de profiter de la suc-cession de celuy qui exige de luy cette ratification ; la crainte d’en être privé s’il resiste à sa volonté, et l’interest qu’il a de conserver sa bien-veillance luy ôtent toute la liberté de luy pouvoir refuser ce qu’il désire, de sorte que ce qu’il fait n’est pas un mouvement libre, mais une borne et une contrainte qui empesche l’usage de sa volonté, et qui produit consequemment la nullité de l’acte-

Mr d’Argentré a crû que T’heritier étant leul qui ait droit de se plaindre des donations qui sont faites à son prejudice, il est capable d’y donner effet par son consentement ; de sorte qu’il ne peut plus aprés la mort du donateur contester, du chef de l’incapacité du donataire une donation qu’il a acceptée, n’y ayant rien de si naturel qu’une personne puisse tenoncer à un prie vilege qui a été introduit en sa faveur : Cet Auteur étoit si fort prevenu de la vérité de son ppinion, qu’il ne pouvoit se persuader que le Parlement de Paris eût jugé le contraire, et il opposoit à cet Arrest un autre Arrest de ce Parlement qui se trouve dans Lerrien, l. 6. c. 5.

Mais Me JeanRicard , part. 1. c. 3. sect. 17. a fort bien prouvé qu’on ne doit pas se ranger de son avis, et que la donation contre la Coûtume ne pouvoit être confirmée par le consentement que le donateur avoit exigé de son heritier, privatorum cautionem legibus non esse refra-gandam constitit, ce qu’il confirme par la jurisprudence des Arrests du Parlement de Paris, et par l’autorité de deux Loix, l. 8i quaudo C. de inoffic. testament. l. Qod de bonis. 8. Illud cod Bien que l’heritier ne justifie pas qu’il ait été forcé, on ne doit pas presumer qu’il ait consenti volontairement, la presomption de droit est contre le donataire, et la volonté de l’heritier est presumée avoir été forcée par la juste apprehension qu’il a dû avoir que le donateur ne luy fst un plus grand prejudice : MaisRicard , ibid. ajoûte que quoy qu’il ne soit pas absolument necessaire à l’heritier de protester pour la conservation de son droit, il est pourtant tres-à propos de le faire pour témoigner que sa volonté étoit contrainte au consentement qu’il a prété mais quand cette precaution n’auroit pas été gardée, la presomption que son approbation n’a pas été volontaire seroit suffisante

Il n’en est pas de même du consentement qui a été prété par l’heritier aprés la mott du donateur ; l’heritier étant alors dans une pleine liberté de suivre ses sentimens, il ne peut gire que lon approbation a été extorquée de luy dans la crainte de desobliger se donutéur, en ce cas son consentement le rend non recevable à contester la disposition du défunt, quand elle n’est invalide que par le défaut de folemnitez ou par l’excez en sa quantité ; car il s’y rencontre une obligation naturelle qui prend sa foutce dans la volonté du défunt, et qui devient obligatoire contre son heritier par son approbation ; de forte que ce qui étoit capable d’arrétor l’offer de cette volonté n’étant qu’un empeschement civil il a pû valablement y renoncer, ce qui n’auroit pas lieu pour les prohibitions de donner fondées sur des confiderations publiques

Par un Contrat de donation entre vifs une mere donna à Charles de la Haye son fils, Religieux Profez en l’Abbaye de Conches, Ordre de S. Benoist, quarante-cinq livres de rente sa vie durant à la charge de quelques Services, aprés le décez de la mère les heritiers ratifie. rent cette donation et s’obligerent de payer la rente ; depuis ayant obtenu des Lettres de récision contre leur ratification ils contesterent la donation la foûtenant nulle, à cause du Vou de pauvreté du donateur qui l’empeschoit de posseder aucune chose en son particulier ; mais ayant été oondamnez à payer, sur leur appel on disoit pour eux qu’il étoit incapable de posceder du bion en son particulier, C. 2 de statu Monach. les Religieux de S. Benoist étant fon-dez ils devoient vivre de leur revenu, en autorisant ces donations on donneroit ouverture aux Religieux de ne recevoir aucun Moyne s’il n’avoit une penfion, la ratification des heritiers n’étoit point considérable ayant été acceptée par les Religieux sans l’antorité de leur Superieur : On répondoit pour ce Religieux que ceux qui ont commenté l’Authent. Ingressi, ont tonu que les Religieux font incapables de recevoir des biens en proprieté, par deux raisons ; la première, parce que le Monastere étant heritier des Religieux ce qui étoit donné à un Moyne demeureroit au Monastore, et ne tombéroit plus dans le commerce ; et la seconde raison est, que le Religieux accoptant cette donation il contreviendroit à son Vou ; mais ces raisons ceffoient en cette rencontre, la donation n’étant qu’à vie et non point en proprieté, et contre : la soconde raison on disoit queSalvian , l. 2. ad Eccles. Cathol. tronvoit étrange que de son temps en France les enfans entrant en Religion perdissent leurs legitimes aux successions de leurs peres et meres ; et répondant à cette objection que l’on faisoit que les Reli-gieux faisant le Vou de pauvreté n’avoient besoin de biens, opus est, inquit ut donent et targiantur. Ce même Auteur louë la Coûtume qui avoit vogué de son temps, suivant laquelle plusieurs donnoient partage égal à leurs enfans Religieux avec les autres, à condition qu’ustantùm ad Religiosos, proprietas vero ad alios pertineret ; bien que les Religieux n’ayent pas la vie ciri-le, la naturelle leur demeure, pour la necessité de laquelle ils sont capables de recevoir ce qui leur est donné, damnato in metallum aliquid legari poterat alimentorum causâ, l. 3. ff. de iis que pronon scriptis habentur, alimentorum obligatio cum naturalem prestationem habeat capitis diminatione perseverat, l. Las obligationes, ff. de Cap. minutis : Les Religieux de S. François sont ca-pables de donations, ad usus certé necessarios aut ad officiorum sui status executionem. La Cout prés la plaidoirie ayant ordonné qu’il en seroit deliberé : Par Arrest du 13. de Février 16i7. a Sentence fut cassée, et ayant égard aux Lettres de récision le Religieux fut jugé incapable de la donation ; les heritiers néanmoins condamnez à faire célèbrer les Services. Ainsi quand a donation est prohibée pour des considerations publiques, la fatification de l’heritier ne la peut faire subsister

Mais on a revoqué en doute si le donateur pouvoit contraindre son heritier d’executer ses antentions par l’apposition d’une peine en cas de contravention ; Il est certain que le donateut de peut mterdire ny ôter à son heritier la faculté de contredire ce qu’il a fait contre la proibition de la Loy par l’apposition d’une peine, parce qu’en cette occasion la volonté du dé-funt rencontre pour obstacle la Loy à laquelle il n’a pas été en son pouvoir de déroger, ny ur appositions de peines ny autrement, et l’heritier n’a rien à craindre ayant la Loy qui luy lonne sa protection ; voyezRicard , des Donat. part. 3. c. 12.

Si par le Contrat de donation il n’est point exprimé qu’elle. est faite du tiers des biens presens et avenir, on demande si l’estimation du tiers se doit faire selon les biens que le dona-reur possedoit au temps du Contrat ou au temps de sa mort : Pour les Contrats on considere E l’état des choses au temps que l’on a contracté, l. Rutilia, D. de contrah. empr. Pour les donations quelques-uns font cette distinction, ou la donation est faite d’un certain corps ou d’une certaine portion du bien du donateur per modum quota : quand la donation est faite d’une espece certaine et designée par le Contrat, elle ne reçoit en soy aucun accroissement ny dimi-nution, ainsi l’on considere seulement sa valeur au temps du Contrat ; mais quand la donation est faite du tiers ou du quart sans limiter précisément ce tiers ou ce quart aux biens que de donateur possede, ce tiers ou ce quart se reglera selon les biens delaissez par le testateur Argentré u temps de sa mort, hec quota â tempore mortis donatoris metienda erit, dit Mr d’Argentrée drt. 218. gl. 5. n. 18. et sequent. quia nomen quota augmentum et decrementum recipit : La prohibition de donner outre le tiers étant apposée en faveur de l’heritier, il faut consideres de temps où les droits et les actions de l’heritier commencent à naître.

Godefroy sur cet Article n’approuve point la distinction de. M. d’Argentré , et il resoud suivant l’opmion commune qui est véritable, que lors que le donateut a donné simplement de tiers de ses immeubles, ce tiers se regle selon les biens que le donateur possedoit lors de la donation : En effet le donateur ayant donné presentement, la donation doit être reduite an tiers des biens qu’il possedoit alors. La Coûtume s’en est nettement expliquée en cet Article, en obligeant le donataire à contribuer seulement à ce qui étoit dû par le donateur au temps de la donation : D’où il est manifeste que la donation ne peut être étenduë aux biens que le donateur possedoit au jour de son decez, autrement la Coûtume l’auroit assujetti à contribuer à toutes les dettes du donateur.

Mr Jean Ricard dans son. Traité des Donat. part. 1. c. 4. sect. 2. dist. 2. n. 1010. s’est beauCoup étendu pour prouver que la donation des biens presens et à venir ne peut être valable, disant que nos Coûtumes ayant simplement permis de disposer par donations entre vifs de tous ses biens sans ajoûter presens et avenit, elles ne doivent dans les regles s’entendre que des biens presens et qui appartenoient au donateurt au temps de la donation, dautant que dans aôtre commune façon de nous expliquer lors que nous parlons des biens d’une personne, mous n’entendons que ceux qu’il possede presentement Ce raisonnement ne seroit pas convainquant en Normandie ; car bien que la Coûtume en cet Article ne fasse pas mention de. la donation des biens presens et à venit, neanmoins elle marque assez clairement par l’Article CCLIV. qu’elle n’improuve point la donation des biens presens et à venir, lors qu’elle dit que si la donation est faite du tiers des biens presens et à renir, l’estimation s’en fera selon les biens que le donateur a laissez lors de son decez.

Dans la question generale il n’y a rien qui puisse empescher la validité de ces donations, car il est inutile d’objecter qu’il seroit impossible que le donateur pût delivrer au donataire vors du Contrat une chose qu’il ne possederoit pas luy-même, et à laquelle il n’auroit aucun droit, car il n’est pas toûjours necessaire que le donateur possede ce qu’il veut donner entre vifs, c’est assez qu’il veüille faire part des biens qu’il pourra avoir, comme de ceux qu’il possede déja, cette espèrance que le donataire a d’avoir part aux biens à venir du donateur, fait partie de la donation et suffit pour luy acquerir un droit, quoy qu’il ne luy soit pas acquis tirrevocablement, et que le donateur puisse disposer librement des choses qu’il a acquises depuis la donation.

Lors que la donation est faite des biens presens et à venir le donataire ne peut s’en prevaloir qu’en contribuant à tout ce que le donateur doit au temps de sa mort ; mais on de-mande s’il est au pouvoir du donataire de diviser la donation et la faire regler sur les biens seulement que le donateur possedoit au temps de la donation pour se décharger de la contri bution aux dettes qu’il a depuis contractées : Brodeau en son Commentaire sur MrLoüet , l. D. n. 69. rapporte un Arrest par lequel il a été jugé que quand la donation est faite de tous les biens presens et à venir à des enfans nés et à naître, il est au pouvoir du donataire lors que les choses sont entieres et en acceptant la donation pour se décharger du payement des dettes de se restraindre et se tenit aux biens que le donateur possedoit au temps de la donations dautant que ce sont en effet deux donations quoy qu’elles soient portées par un même Acte, tot stipulationes quot res, l. Scire debemus, de verb. oblig. cela est raisonnable lors que le donataire passe sa declaration lors de l’acceptation, comme en l’espèce de l’Arrest rapporté parBrodeau , où les enfans avoient demandé la division des choses données avant l’acceptations quoy que l’on soûtint que l’acceptation devoit être pure et simple, même en celles qui sont d’un droit universel, la separation ne pouvant être faite contre la volonté du testateur, qui avoit entendu donner tout ou rien ; mais on répondoit que celuy qui donne ses biens presens et à venir fait deux donations distinctes et separées, que le donataire par consequent peut diviser avant l’acceptation : D’où il s’enfuit que si le donataire avoit accepté la donation, il ne seroit pas recevable aprés la mort du donateur à diviser la donation.

La donation du tiers de tous les biens comprend generalement tous les biens du testateur en quelque lieu qu’ils soient situez, quia unicum est hominis patrimonium, pourvù neanmoins que par la Coûtume des lieux où les autres biens sont situez il soit permis d’en disposer jufqu’au tiers.

Mais si le donateur avoit donné plus que le tiers de ses biens situez en Normandie, et qu’il en eût encore d’autres situez en d’autres Coûtumes qui ne bornassent point la liberté de donner, c’est une question si ce qui excede les biens de Normandie peut être pris sur les autres biens per modum luitionis, sive astimationis : Brodeau allégue un Arrest qui le jugea de la sorte ; mais il en rapporte en suite un autre contraire du sieur d’Incarville, auquel son oncle ayant donné la Terre d’Incarville située en Normandie, comme la Coûtume ne permer de donner par testament que le tiers des acquests, la donation fut reduite au tiers : L’Auteur Loyse des Notes sur les Instit. Coûtumières de Loysel, l. 2. Tit. 4. Art. 7. dit que s’il n’y voit qu’une feule Terre propre située en une même Coûtume, le legs de cette Terre entière seroit reductible à la quantité dont il est permis de disposer par cette Coûtume, quoy que e testateur eût d’autres héritages en d’autres Coûtumes ; voyezBacquet , des Droits de Justc. 2. n. 163.

l’ay déja remarqué que l’excez en la donation ne la rend pas nulle, et qu’elle est seulement reductible ; il est necessaire d’examiner comment on doit proceder à cette reduction.

Un Gentilhomme nommé Patri épousa une femme qui luy donna une Terre designée par le Contrat ; l’heritier soûtenant que ce don étoit excessif, il demanda à faire trois lots de tout le bien pour en laisser un an donataire, pretendant qu’il n’étoit pas recevable à retrancher ce qui étoit excedant pour retenir le surplus. Je répondois pour Patri que cette question étoit prematurée, et que pour connoître s’il y avoit excez en la donation l’estimation de tout le bien devoit être faite auparavant, et n’étant pas juste de faire des lots puis que sa femme ne luy avoit pas donné le tiers de son bien, mais un certain héritage ; que si par l’estimation il se trouvoit exceder le tiers, en ce cas il seroit en la liberté du donataire de retrancher de sa donation ce qu’il jugeroit à propos, et de la reduire ad legitimum modum : Suivant la l. Sancimus C. de Donat. sa femme avoit pû luy donner telle portion de son bien qu’il luy avoit plû, et ses heritiers ne pouvoient y trouver à rédire que l’excez, il falloir distinguer entre a nullité et l’excez, l’excez ne détruit point l’acte, mais il est reparable en reduisant la donation dans les termes de droit : Par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du mois de Decembre 1665. on ordonna avant que de faire droit sur les conclusions des Parties, qu’estimation seroit faite de tout le bien : En execution de cet Arrest l’estimation ayant été faites eil parut que la donation étoit excessive ; sur quoy par Arrest, au Rapport de Mr Auber, du 7. de Juillet 1666. Patri fut condamné de payer l’excedant du tiers dans six mois, pendant lesquels il payeroit l’interest au denier vingt, et aprés les six mois en cas de non payement au denier quatorze

On peut induire de cet Arrest que quand on donne un certain héritage, si cette portion donnée excede la quorité que la Coûtume permet de donner, le donataire ne peut être contraint d’abandonner la chose donnée : il peut la retenir en diminuant ce qui excede, si mieux Loyse Pheritier ne veut en recevoir la valeur : C’est une des regles remarquées par Loysel en ses nstitutes Coûtumières, l. 2. n. 4. Art. 7. Quand, dit-il, il est permis de disposer d’unt portion le son bien, l’on la peut toute assigner sur une seule piece ; et dans la Note sur cette regle, pourui, dit-on, que cette portion donnée n’excede point le quint ou le quart, ou le tiers des immeubles situex dans la même Coûtume. Cette question avoit été déja decidée par Arrest du 21. de Juillet 165r.

Un Gentilhomme avoit donné une de ses Terres, et voulant que si elle ne remplissoit pas le tiers ce qui en défaudroit fût fourny sur ses autres biens : Aprés la mort du donateur l’hecitier ayant empesché que le donataire ne se mit en possession, par Sentence il eut la deli-vrance de son don, et il fut dit qu’estimation seroit faite des biens, et en cas que cette Terre excodat la valeur du tiers le donataire seroit tenu de rembourser l’excedant. Je soûtenois pour l’heritier Appellant qu’il avoit été mal jugé en deux chefs. 1. Que legata sunt ab herede praestanda, et partant que le donataire n’avoit pû se mettre luy-même en possession des choses sonnées. 2. Que l’heritier ne pouvoit être forcé à vendre son bien. Baudry pour Bretel, sieur l’Imbleval donataire, faisoit distinction entre les legs et les donations entre vifs, que par la donation entre vifs le donataire est saisi dés l’instant que l’acte est parfait, encore même que le donateur ait retenu l’usufruit : pour le second chef que l’heritier ayant la faculté de supléer en deniers en cas que la Terre ne remplit pas le tiers, il n’avoit pas sujet de se plain-ire : Par l’Arrest on mit sur l’appel hors de Cour : Quand la donation est valable et qu’elle n’excede point le tiers, le donataire doit avoir en essence la chose donnée, et l’heritier ne pa peut retenir en offrant de payer l’estimation, nisi justa de causa, dit M’Cujas , sed districte agit ut sibi ea res prastetur que legata est. Par la même raison que l’acheteur ne pourroit être forcé de recevoir en argent le prix de la chose qu’il auroit achetée, mais le venleur est obligé de la bailler s’il est en pouvoir de le faire, donationem persectam nuda con-ventione justinianus ait habere in se necessitatem traditionis, et dans la l. finale, C. de fideicommiss. habet.

ibert. stultus est judex qui damnat in estimationem qui rei restituendae de qua agitur facultatem habet

Bien que cet Article défende si expressément de donner plus que le tiers, on a tenté par divers moyens de se dégager de cette contrainte et d’outrepasser les bornes prescrites par la Loy, cela s’est pratiqué particulièrement en trois rencontres ; la premiere, à l’égard des donations. faites par les femmes à leurs maris en faveur de mariage. Alexandre Fauvel par son Contrat de mariage avec la nommée Thienard, stipula que d’une maison qui composoit tout le bien de fa future épouse et qui étoit évaluée à dix-huit cens livres, il en auroit six cens livres pour son don mobil, six cens livres pour avoir les habits de nopces, et six cens livres pour être la dot : Ces pactions furent arrêtées en la presence de la mère de la fille et de Jean Thienard son cousin germain : Cette femme étant décedée sans enfans, Jean Thienard ne contesta point d’abord cette donation, au contraire il en avoit en quelque sorte consenti l’execution nais ayant fait cession de ses droits à Me Loüis le Page Avocat pour s’acquitter de ce qu’il luy devoit, le Page pretendit que la défunte n’avoit pû donner que le tiers de son bien, ce qui fut jugé par le Vicomte et par le Bailly : Sur l’appel du mary on reptochoit au Page sa qualité de cessionnaire, que son auteur n’eût pas été récevable à contredire une donation qu’il fivoit ratiflée par deux fois, de sorte que quand la donation eût été excessive il n’étoit plus admiffible à la blamer aprés une approbation redoublée ; le fils qui a agreé le testament de son vere ne peut plus l’accuser d’inofficiosité, et aprés tout ce n’étoit pas une véritable donation puis que les six cens livres avoient été employées pour les habits de sa parente et qu’il n’en avoit tiré aucun profit. Il fut répondu par Thienard que sa presence et sa signature au Contrat de mariage ne pouvoient être considérées comme une ratification de sa part, parce qu’il n’avoit pas alors d’interest ny de qualité pour contredire ce qui se passoit, il ignoroit même fi ce que l’on donnoit excedoit le tiers : Par Arrest de l’11. de May 1662. les Sentences furent confirmées ; Theroude plaidoit pour le Page. Autre Arrest pour Marie Videcoq, veuve de Charles le Hucher et tutrice de leurs enfans, pour laquelle je plaidois, et Catherine le Hucher, laquelle avoit donné au Picard son futur époux presque la moitié de sa dot : Par l’Ar-rest du premier de Juin 1663. la donation fut reduite au tiers. Autre Arrest, au Rapport de Mr Busquet, du 3. de Mars 1664. entre François Baudry, sieur de Camrose, et les lieurs de Fresmont et de Tibermont, par lequel il fut jugé que le sieur de Camrose mettant en Religion les deux filles mineures de sa premiere femme ne leur pouvoit donner que les deux tiers du bien maternel, quoy que les parens y prétassent leur consentement.

Il n’en est pas de même du pere qui peut donner tout au mary sans en reserver rien pour a dot de sa fille ; la raison est que le pere peut ne luy rien donner, il est le maître de sa liberalité, et il en peut disposer selon ses sentimens. Jure Romano maritus lucrum totius dotis tipulari posse in casu soluti matrimonii, aut mulierem omnia bona sua in dotem dare posse constat.

Il faut neanmoins remarquer qu’encore que la femme ne puisse donner que le tiers de si legitime, si toutefois elle avoit de l’argent qu’elle eût amassé par son industrie ou autrement elle pourroit disposer du tout.

Cette question finguliere s’offrit au Rapport de M’Busquet le 20. de Decembre 1669.

Le Cerf mariant sa fille à Rocusson, il regla le don mobil à quatorze acres de terre ; aprés sa mort ses biens ayant été saisis réellement, sa fille ayant renoncé à sa succession, demanda son tiers Coûtumier, et Rocusson son mary s’opposa aux fins de distraire les quatorze acres de terre qui luy avoient été données pour son don mobil. Godin creancier posterieur du mariage contredit cette distraction par deux raisons ; la premiere faute d’insinuation, mais cette raison n’étoit pas bonne ; la seconde étoit plus considérable, on demeuroit d’accord que ce don mobil faisoit partie du tiers de la femme, et qu’il n’y avoit que les deux tiers du tiers qui composoient sa dot, sur quoy on disoit que cette donation devoit être reputée faite ou par le pere, ou par la fille, ou par les deux ensemble ; si c’étoit par le pere la fille qui avoit enoncé n’étoit point tenuë de ses faits, et ainsi cette donation étant posterieure à l’hypotheque de son tiers il luy appartenoit tout entier ; que si la donation avoit été faite par la fille, ce qui semble être véritable puis qu’elle diminuë un tiers de sa legitime, il falloit reduire la donation à ce que la fille pouvoit donner, qui est le tiers, et en ce faisant le mary perdoit l’excedant. Pour reputer la donation faite par le pere et par la fille conjointement, il faudroit que cela fût porté par le Contrat, sed nunquam presumitur animus donandi, ubicumque potest oadere alia prasumptio. Pour resolution de cette difficulté il faut dire que la donation a été faite par la fille du bien de son pere, et reglée par son pere qui avoit pû limiter le don mobil à ce qui luy a plû pour donner cet excedant au mary : on se fondoit sur ce que le pere au temps de la donation avoit assez de biens pour la fournir, et qu’étant une pure liberalité de sa part Il avoit pû la regler à sa volonté : Il fut jugé par l’Arrest que Rocusson auroit les quatorze acres de terre, dont il en seroit pris jusqu’à la concurrence d’un tiers sur les biens de la femme, et le reste sur les biens du pere.

Voicy un second cas où l’on a pretendu qu’une personne pouvoit disposer non seulement du tiers, mais generalement de tous ses biens ; car il sembloit que la Coûtume en réttanchant à un chacun la faculté de disposer pleinement de ses biens n’avoit eu pour objet que l’interest des parens, de sorte que lors que cette consideration vient à cesser cette curarelle legale doit pareillement cesser, et la volonté de l’homme n’étant plus caprive il luy doit être permis de disposer absolument de ses biens. On s’éloigne souvent de l’esprit de nôtre Coûtume, quand on veut se regler sur les autres Coûtumes ; car les principes en étant souvent fort differens et fort opposez, on tombe ordinairement dans l’erreur en pensant profiter de ces Ma-ximes étrangeres, alienis perimus exemplis. L’exemple des Arrests rendus dans les autres Parlemens et dans les autres Coûtumes servirent de pretexte pour introduire une jurisprudence contraire à nôtre Coûtume. 1. On voulut mettre en usage en cette Province le Titre Unde vir & uxor, en se conformant aux Arrests du Parlement de Paris, comme je l’ay remarqué sur l’Article CXLVI. on jugea même que le batard qui n’avoit point de parens pouvoit donner tous ses biens, comme je l’ay aussi remarqué sur le même Article. Ainsi contre la dispo-sition generale de cet Article qui reduit les donations entre vifs au tiers des immeubles, on voit approuvé dans les espèces de ces Arrests des donations universelles de tous les immeubles.

Mais comme en ces Arrests il n’avoit passé que de peu de voix multis contradicentibus, l’égarement ne dura pas long-temps : la même difficulté se presenta devant les mêmes Juges qui donnerent un jugement conforme à cet Article, et pour ne laisser plus les choses dans l’incertitude on en a fait un Reglement par l’Article 94. du Reglement de 1666. comme je l’ay remarqué sur l’Art. 146. Enfin l’on a taché d’mtroduire cette Maxime, que les donations pour causes pies n’étoient point comprises fous la rigueur de cet Article : autrefois caes sortes de donations. Justinien étoient plus autorisées. Justinien disoit, rerum Ecclesiae donatarum optimum esse modum immensitatem. nunc non tantùm expedit fortasse, dit M’d’Argentré , caterum ut pietas hac in re maximè colenda sit, c tamen coli dobet, ne altera è diverso pietas offendi possit. Puis que la Coûtume n’a pas dispensé les donations pour cas pitoyables de la necessité de l’insinuation, Art. CCCCXLVIII. l’on peut asseurer que son intention n’a pas été de les excepter de la prohibition generale portée par cet Article

La reduction des donations excessives se fait toûjours au profit des heritiers ; mais pourroit-elle point être demandée par le donateur lors que par une profusion aveugle il est reduit dans l’impuissance d’accomplir ce qu’il a promis : La donation est plus souvent un acte d’imprudence qu’un effet de gratitude ou de generosité, et c’est pourquoy entre les conditions que Ciceron en ses Offices désire pour bien donner et exercer une véritable liberalité il met celle-cy, ne benignitas major sit quam facultates. Non est optimi patrisfamilias donare, dit MrCujas , et frrquentius peccavero, si pro donatario quam si contra donatorem judicavero. Tu dona omnia bona tua stultè et insipienter, insipide nescis fortasse que bona habeas. En effet cette imprudence engage souvent les esprits foibles et mal sensez à donner au de-là de leur pouvoirs nais en ce cas la Loy en a compassion, ne les obligeant à accomplir leurs promesses qu’autant Cuj qu’ils peuvent le faire, sans tomber dans la nécessité, l. Guj ex donatione. D. de Donat. l. Inter eos, de re judicatâ, ne liberalitate suâ inops fieri periclitetur, l. Ne liberalitate eod.

Il n’est pas aussi raisonnable de luy faire payer l’interest d’un argent qu’il auroit donné, eum qui donationis causâ pecuniam promisit de mora solutionis pecuniae usuras solvere non debere summe aequitatis est, maximè cum in bona fidei contractibus donationis Species non deputetur. l. Eum qui eod.

Si dans un cas opposé quelqu’un en donnant une somme d’argent stipuloit durant sa vie seulement un interest plus grand que celuy qui est permis par les Edits du Roy, le donataire seroit-il recevable à en demander la reduction : Une femme nommée Hamon donna à Nicolas Lucas son neveu stipulé par son pere une somme de sept cens livres, à condition de luj faire cinquante livres de rente durant sa vie seulement : ce Contrat ayant été fait en l’anée 1668. depuis la reduction des rentes au denier dix-huit, le donataire fit reduire l’interest sur ce prix là : Sur l’appel je dis pour cette femme que cette stipulation n’étoit point usuraire, noc in fraudem usurarum, que l’usure ne se rencontroit que dans le cas d’une constitution de deniers lors que l’on bailloit de l’argent pour en tirer un interest à perpétuité, et dont le de biteur ne pouvoit se liberer qu’en rendant le capital entier, qu’au fait dont il s’agissoit le capital n’étoit pas seulement aliené il étoit donné irrevocablement, et l’interest n’en étoit sti-pulé que pour un temps incertain et durant la vie de la donatrice seulement, et que par consequent elle avoir pû apposer cette condition à sa donation, que le donataire étoit tenu de d’executer ou de renoncer à la donation, cette condition n’étant point contraire aux loix ny aux bonnes moeurs, car on auroit pû stipuler un interest plus grand que le legitime pour un temps certain ou incertain, aprés lequel il cesseroit sans restitution du principal suivant la doctrine de du Moulin de Usuris quest. de Reditibus temporalibus. De l’Epiney répondoit que l’usure étant odieuse elle ne doit jamais être permife quelque couleur qu’on luy puisse donvier, qu’encore que cet interest ne fût stipulé que durant la vie de la donatrice, il pouvoit être payé durant un si long-temps que le principal seroit absorbé, et que l’Ordonnance étant generale l’on ne pouvoit stipuler un interest plus grand que celuy qu’elle permettoit : Par Arrest en la Grand-Chambre du premier de Juillet 167o. la Cour en cassant la Sentence confirma le Contrat.

Non seulement on a de l’indulgence pour le donateur lors qu’il a donné au de-là de ses Aristo facultez, mais il n’est pas même garand de sa liberalité, l. Aristo de Donat. D. si l’on ne luy reproche du dol ou de la mauvaise foy ; cette regle peut souffrir quelque exception selon la e qualité des donations. Si le pere a donné des rentes ou des héritages pour la dot de sa filles ou le frere pour la dot de sa seur, ils sont tenus de faire valoir la donation, parce qu’ils étoient obligez de la doter ; mais si la dot n’a été promife que par une pure liberalité et sans aucune bligation, le donateur ne peut être inquieté pour faire subsister son bien-fait ; si un heritier s’étoit tenu à son don pour sa portion hereditaire et qu’il fût évincé en tout ou partie, il en auroit ecompense contre ses coheritiers ;Papon . l. 20. t. 5. Arrest 4. Charondas en ses Resp. 1. 7. c. 121.

On fait encore cette distinction, si celuy qui avoit promis une somme de deniers baille en payement une rente ou un héritage il s’engage à la garantie ; La raison est qu’il n’avoit romis que de l’argent comptant, et que s’il l’avoit payé la donation auroit eu toute son execution, mais ayant baillé une autre chose pour s’acquitter il est tenu de la garantir. il en seroit autrement si d’abord il avoit donné ce fonds, car n’ayant point eu intention de donner autre chose le donataire s’en doit contenter. Cette question s’offrit en la Grand-Chambre entre Saint et le Soudain, touchant une rente donnée par un oncle à sa niéce par son Contrat de mariage : les Juges ayant été partis en opinions en procedant au jugement du parta-ge en la Chambre des Enquêtes, il passa à dire que l’oncle n’étoit point tenu à la garantie : Par Arrest du 23. de May 1670. M Buquet Rapporteur, M’de Cambremont Compartiteur, à l’avis duquel il passa.

La matière de la garantie est encore problematique à l’égard des donations pour causes pies.

Berault cite un Arrest par lequel les heritiers de celuy qui avoit donné une rente à l’Eglise furent ondamnez de la faire valoir. On jugea le contraire dans cette espèce : Le Curé de Bois-Bourdel donna au Tresor de sa Paroisse une rente qu’il avoit acquise ; le debiteur d’icelle étant devenu insolvable, les heritiers furent condamnez de la payer : Sur leur appel, Heroüet soûtenoit que le donateur ayant donné liberalement et sans y être obligé, les donataires ne pouvoient pretendre de garantie quoy qu’elle fût faite à l’Eglise, en tout cas il falloit faire différence entre la donation d’un certtain corps et d’une certaine chose, et la donation d’une rente à laquelle le donateur avoit obligé tous ses biens ; au premier cas la garantie n’est point duë, car l’on presume que le donateur n’a eu intention de donner que le droit qu’il avoit en la chose données au second cas, lors que le donateur se constituoit personnellement debiteur, il n’y avoit que sa seule impuissance qui le pût exempter de payer ce qu’il avoit promis : Theroude répondoit qu’il ne s’agissoit pas proprement d’une donation, mais d’un Contrat synallagmatique, facie t facias, la donation étant faite à la charge de celebrer des Messes : Par Arrest du 28. de anvier 1656. les heritiers furent déchargez de la garantie. Cet Arrest est contraire à celuy rapporté par Bérault, par lequel nonobstant que l’on eût donné une chose particuliere certum corpus, néanmoins les heritiers furent condamnez de la garantir Il ne suffit pas de sçavoir quelles personnes sont capables de donner, et ce qu’elles peuvent donner, et comment elles le peuvent, il faut encore sçavoir quelles personnes sont apables de donations : Car quoy que la Coûtume en cet Article permette à la personne âgée de vingt ans accomplis de donner le tiers de ses immeubles à qui bon luy semble, et qu’elle n’excepte que l’heritier immediat du donateur et celuy qui descend de luy en droite ligne, il est certain neanmoins que plusieurs autres personnes sont incapables de donations : La Coûtume s’étoit expliquée en la même maniere pour les donations testamentaires en l’Art. CCCCXXII sermettant au testateur de donner le tiers de ses acquests à qui bon luy semble, autre toutefois qu’à sa femme et parens d’icelle, et j’ay remarqué sur cet Article qu’il y avoit des personnes à qui il n’étoit pas permis de donner ; et comme l’incapacité de ces personnes pour les donations testamentaires a pareillement lieu pour les donations entre vifs, je renvoye le Lecteur à ce que j’en ay dit

Ces paroles, a qui bon luy semble, presupposent apparemment une personne qui soit vivante et qui existe dans l’être des choses, de sorte que l’on peut douter si l’on peut donner à celuy qui n’est point encore né ; La donation doit avoir un objet certain et connu, et sur lequel on puisse répandre un bien-fait, et qui soit en état de l’accepter, puis que par le défaut d’acceptation la donation est nulle : l. Seia, D. de mort. cau. donat. Et bien que régulierement celuy qui est conçû soit reputé né, lors qu’il s’agit de son avantage, on oppose au contraire cette autre Maxime, que donatio sine animo et affectu recipientis non consistit, l. In omnibus de obligat. et act. de sorte qu’il faut suspendre la validité de la donation jusqu’à ce que celuy qui n’est point encore né soit en état de la pouvoit accepter, et cependant le donateur peut changer de volonté et la revoquer. On allégue en faveur de la donation que l’on peut bien donner à la personne qui n’est point encore née, puis que l’on peut bien donner les choses qui n’existent point encore, mais que l’on espere que la nature produira. On peut donner par exemple le fruit qui proviendra d’une certaine chose ; or celuy qui est conçû au ventre de sa mere joüit en toutes rencontres de tous les avantages qu’il pourroit avoir s’il étoit déja Boërius venu au monde, c’est le sentiment de Boêtius en sa Decis. 172. voyez Hotoman en ses Ques pllustres, Quest. 6.

On ne peut donner à son heritier immediat ; mais cette prohibition doit-elle s’étendre à l’heritier de l’heritier immediat : Par la disposition du Droit heres heredis censetur ipsius testavoris heres. l. Si quis filiusfamilias de adquir. vel omn. hered. Et par la Loy 17o. De verb. signif. heredis appellatione omnes significari successores credendum est, et si verbis expressi non sint. Par l’Article 168. de la Coûtume de Blois le don fait à l’heritier de l’heritier immediat est reputé fait à l’heritier immediat, et hoc fraudis evitandae causa, dit Pontanus sur le même Article. Et c’est aussi l’opinion la plus commune, que quand l’on ne peut donner à l’heritier immediat, il est défendu de donner à l’heritier de l’heritier, hoc majore fraude fit cum persona interponiur, dit M d’Argentré , Art. 218. gl. 9. n. 7. et. 8. l. Qui testamentum, D. de probat. quod si pliud admittimus, quis non videt patentem fenestram aperiri fraudibus, si quod patri donari prohibetur donatur ejus filio. En effet la disposition de la Loy peut être fort aisément éludée, et c’est inutilement que l’on défend de donner à son heritier immediat s’il est permis de donner à lheritier d’iceluy, et ces donations sont encore beaucoup moins soûtenables lors que le donateur n’a considéré que la personne de son heritier immediat, et que le donataire n’a point mérité cette liberalité par ses services, ou que la donation est faite à d’enfant de coluy auquel l’on ne peut donner, donatum filio videtur donatum patri ; quidquid naturali sanguine continuatur unum & idem corpus existimatur ; ex sanguinis continuatione idem corpus, idem sanguis ; Molinin Cons. Par. 8. 1. C’est donc une même chose de donner au pere et au fils, et la raison est pareille pour l’un comme pour l’autre.

On peut asseurer néanmoins que la Coûtume n’a pas eu desséin d’improuver ces donations. en ligne collaterale en la personne de l’heritier de l’heritier immediat ; car s’étant nettement expliquée pour la ligne directe, et ayant déclaré que non seulement l’heritier immediat, mais mé. me tous les descendans du donateur en ligne directe étoient incapables de ces donations, il est évident que son intention n’a pas été de passer plus avant ny d’étendre sa prohibition plus loin que les deux cas qu’elle avoit exceptez ; de sorte que la donation peut subsister pourve qu’elle ne soit pas faite à l’heritier immediat, ou à un descendant du donateur en ligne directe : la faculté de donner a si peu d’étenduë, et la Coûtume la renferme dans des limites si étroites, que pourvû que l’on ne donne point d’atteinte à cette égalité qu’elle veut être gardée entre les enfans, l’homme ne doit pas être reduit dans cet esclavage qu’il ne puisse donner des marques de fon estime et de son amitié à celuy des heritiers de son heritier collateral qu’il en jugera le plus digne.

Cette question a été fort long-temps problematique au Parlement de Paris, si en ligne collaterale l’on pouvoit donner à l’enfant de la personne prohibée : Mais enfin on a jugé pour l’affirmative, par cette raison que dans la ligne collaterale l’égalité ne doit pas être gardée étroitement, parce, dit MrLoüet , 1. D. n. 17. que celuy qui n’a point d’enfans ne doit rien à ses parens collateraux : Cette Maxime a été confirmée en cette Province par l’Art. XCIl. du Reglement de 1666. suivant lequel l’on ne peut donner aucune part de son immeuble à fes descendans, mais bien aux descendans de l’heritier immediat en ligne collaterale, ce qui est conforme à cet Article qui n’a excepté que les deux cas dont j’ay fait mention. L’ancienne Coûtume contenoit une disposition contraire, mais ayant été omise par les Reformateurs de la Coûtume, leur intention a été de permettre la donation à l’heritier de lheritier immediat en ligne collaterale. Il y a même apparence que cette ancienne Coûtume n’étoit plus en usage long-temps avant qu’elle fût reformée, Bérault ayant remarqué un Arrest de l’annés 1522. qui approuvoit ces donations, mais il n’en a pas rapporté la véritable espèce, et dautant qu’il decidoit plusieurs notables questions, il ne sera pas inutile de sçavoir ce qui fut jugé.

Richard du Val avoit eu trois enfans, Ancel Prêtre, Jean et Roger du Val ; Jean laissa deux enfans, Roger et Marthieu : de Roger fils de Richard sortit Pierre du Val Prêtre : Ancel avoit eu toute la succession paternelle, et il avoit fait plusieurs acquests. Jean son frere étoit mort le premier, Ancel donna tous ses acquests à Roger fils de Jean. Aprés la mort d’Ancel son frere pretendit que tous ces acquests luy appartenoient comme plus proche du défunt, ce qui luy fut contesté par Jean son neveu qui en étoit donataire : Par Arrest li donation fut confirmée pour le tiers, et les deux autres tiers furent ajugez à Roger, desquels acquests ledit donataire feroit trois lots, dont deux seroient choisis par son oncle.

L’on peut faire ces refsexions sur cet Arrest. 1. Que Roger fils de Jean avoit eu l’ancienne succession de son oncle, et par consequent qu’en succession de propre la representation a eu dien de tout temps entre les oncles et les neveux, et que les neveux descendus de l’ainé ont exclus leurs oncles puisnez en la Coûtume de Caux. 2. Que Roger fils de Jean qui étoit heritier au propre fut jugé capable du tiers de la donation des acquests, et ainsi l’on peut être heritier au propre et donataire du tiers des acquests ; et ces paroles, pourvû que le donataire ne soit heritier immediat du donateur, ne doivent être entenduës que des donations faites à l’heritier des biens de la succession où il a part. 3. Que la donation de tous les acquests doit être reduite au tiers. Et enfin que le donataire est obligé de faire les los Outre les Arrests remarquez par Berault sur cet Article, par lesquels les donations faites ux enfans de l’heritier ont été confirmées, il fut encore jugé de la sorte au Rapport de Mr de Toufreville le Roux le 3. d’Avril 1655. M. Marin Boscher avoit donné à Me Martin Boscher son neveu trois acres de terre avec retention d’usufruit et à condition de le faire inhumer ; cette donation fut contredite par Nicolas Coüillart sorti d’une fille de Laurens Boscher frère du dona-reur, se fondant sur cette raison que le pere et le fils ne sont cenfez qu’une même personne et que la Coûtume défend de faire avantage à l’un de ses heritiers plus qu’à l’autre : Le donataire répondoit que son pere étant encore vivant il n’étoit point l’heritier du donateur, si l’intention de la Coûtume eût été de comprendre sous sa prohibition le fils de l’heritier en ligne collaterale elle s’en fût expliquée comme elle a fait pour la ligne directe ; mais ayant imité sa prohibition à l’heritier immediat, elle a par consequent rendu les enfans de l’heritier immediat capables de recevoir une donation : La Cour en reformant la Sentence du Bailly. qui annulloit la donation, la déclara valable. L’affection du donateur peut s’étendre sur le fils sans passer par le canal du pere, il peut aimer l’un et haïr l’autre, due sunt respectu donantis ; mais en la ligne directe l’amour paternel fait une telle liaison entre les peres et les enfans, que c’est avec justice qu’on les repute une même personne. Autre Arrest, au Rapport de Mi Fermanel, de 17. de Juillet 1657. par lequel la donation faite par le sieur de la Fremondiere aux puisnez du sieur de Herbouville son heritier immediat, du tiers d’une succes sion en Caux, fut confirmée

Si au temps de la donation le donataire étoit l’heritier presomptif du donateur, mais au temps de son decez il s’en trouvoit exclus par un plus proche, on pourroit revoquer en doute si cette donation qui étoit aalle dans son origine pouvoit devenir bonne dans la suite : Nan quod ab initio non valuit, remporis tractu convalescere non potest. J’estime néanmoins que comme on n’est pas recevable à debattre la validité d’une donation dutant la vie du donateur, il suffi t qu’au temps de sa mort la chose soit venuë à un point où elle puisse subsister, res a eum casum pervenerit à quo incipere potuit.

Si au contraite la donation avoit été faite à l’heritier de l’heritier, et qu’au temps de la mort du donateur ce donataire se trouvât heritier immediat, la donation deviendroit nulle. Ce fut une des principales decisions de l’Arrest rendu entre la veuve et les heritiers de feu Me Nicolas le Cert Procureur en la Cour, et le Cetf l’un de ses neveux : Me Nicolas le Cers voyant que son frere étoit mauvais ménager, et qu’il seroit son heritier s’il fût mort avant luy, il tacha d’asseurer le bien à fon neveu par des donations ; mais ce frère étant mort avant luy, le neveu se trouvant heritier de son oncle avec les soaurs du défunt, on jugea que la donation ne pouvoit plus subsister : je rapporteray cet Arrest plus amplement sur l’Article CCCCXLIV.

On peut encore douter si l’on peut être heritier, et donataire aux biens ausquels on ne peut succeder, c’est à dire si un heritier au propre peut être donataire des acquests et è contra, cela est sans difficulté : les Coûtumes qui prohibent d’être heritier et donataire s’entendent d’une même espèce de biens, comme heritier des propres et donataire d’une partie d’iceux, ou heritier aux acquests et donataire de quelques acquests, au prejudice des coheritiers qui ont droit de succeder ; mais il n’est point défendu de donner à son heritier des biens, à l’égard desquels il est comme étranger, et ausquels il ne pourra succeder par la Coûtume, suivant l’Arl est Fresne de Camrose que j’ay remarqué cy-dessus ; cela même a été jugé pour une succession de Normandie, par Arrest du Parlement de Paris rapporté par du Fresne, l. 1. c. 47. de l’impression de 1652 Cette prohibition de donner à l’égard des collateraux n’a lieu que pour les immeubles, car pour les meubles on peut les donner à un de ses heritiers collateraux, ce que l’on induit des Articles CCCCXXV. et CCCCXXXIII. mais Bérault a mal entendu l’Arrest qu’il cite sur l’Article 425. entre le Cat et lfore, en lespère duquel la donation des meubles et du tiers des acquests avoit été faite à un neveu qui ne pouvoit être héritier aux meubles et acquests.

Me Nicolas le Grand Curé de Cany avoit fait don à Nicolas le Grand son neveu de trois acres de terte qu’il avoit retitées à droit de lignage, et qui par consequent étoient un propre : Il avoit aussi constitué sous le nom de René le Grand fils d’un sien frere cinquante livres de rente à retention d’usufruit, et à condition que la proprieté luy en retourneroit en cas de predecez de son neveu, et sous les noms tant de Nicolas que de René ses neveux il avoit constitué en rente quatorze cens livres, et déclaré qu’il leur en faisoit don aux conditions cy-dessus : Ce donateur étant mort Aldenée le Grand, veuve d’Antoine Martel fille de son frère ainé et sa seule heritiere au propre en Caux, contredit les donations : Par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 8. d’Aoust 1630. elles furent confirmées : Ainsi l’on jugea que la donation du tiers du propre étoit valable en faveur de celuy qui en étoit exclus par la fille de l’ainé seule heritiere au propre en Gaux. On jugea aussi qu’en ligne collaterale on pouvoit donner ses meubles à un de ses heritiers, non seulement à l’égard de René le Grand qui étoit fils de son heritier immediat, mais aussi de Nicolas le Grand son autre neveu dont le pere étoit mort, et par consequent heritier immediat.

Sur cela l’on peut former cette difficulté, si le donateur qui n’auroit que des meubles pourroit les donner à un de ses heritiers au prejudice de tous les autres, ou s’il faudroit reduire la donation aux termes de l’Article CCCCxxIx : mais cet Article 429. est singulier pour empescher que les maris ne fissent de trop grands avantages à leurs femmes, c’est pourquov Il ne peut être étendu à d’autres cas, et la Coûtume ayant permis à celuy qui n’a point de femme ny d’enfans de donner tous ses meubles, il peut user de predilection en faveur de l’un de ses heritiers collateraux.

La seconde limitation que la Coûtume apporte à la liberté de donner le tiers de tous ses immeubles, est que le donataire ne soit point descendant du donateur en droite ligne Ces termes, ou descendant de luy an droite ligne, qui se peuvent appliquer ou rapporter à l’heritier immediat aussi-bien qu’au donateur, ont fait naître plusieurs difficultez décidées par les Arrests citez par Bérault et par ceux que j’ay remarquez, par lesquels on a déclaré valables. les donations faites aux descendans de l’heritier immediat en ligne collaterale. En effet si ces mots n’avoient pas leur relation au donateur, il s’ensuivroit qu’il auroit plus de liberté de faire du bien à un de ses heritiers en ligne directe qu’en collaterale, ce qui seroit contraire à l’Article CecexxXIv.

La raison principale de cette prohibition de donner en ligne directe étant fondée sur l’égadité que l’on veut garder entre les enfans, on a douté fort long-temps au Palais si les filles qui ne sont point heritieres étoient comprises sous la disposition de cet Article. On s’imagipoit autrefois qu’aprés avoir été mariées quelque modique qu’eût été la liberalité de leur pere, elles n’étoient plus capables d’aucune donation de sa part, comme je l’ay remarqué sur l’Article CCLII. parce qu’en laissant cette liberté aux peres d’augmenter leur dot aprés les avoir mariées ils tromperoient leurs fils et les femmes qu’ils auroient épousées, sous l’esperance que leurs successions se trouveroient exemptes et déchargées dumariage de leurs filles, ce qui leur avoit fait trouver des partis avantageux, et neanmoins elles seroient déchuës de leur esperance par le rappel à partage des filles ; mais nonobstant ces raisons il est permis aux peres d’augmenter la dot de leurs filles, pourvû que la donation n’excede point leur legitime.

Quoy qu’il ne se rencontre aucun empeschement pour la validité de la donation en la personne des donateurs et des donataires, et que même la donation soit solemnelle et qu’elle n’excede point les bornes prescrites par la Coûtume, cela ne suffit pas quelquefois pour luj donner son effet ; car il arrive souvent que le donateur y appose des moyens et des conditions de l’accomplissement et de l’evenement, desquelles dépend fa force et son execution.

On ajoûte ordinairement dans les donations une condition, un moyen, une cause, et un nom ou demonstration et designation de la chose donnée ; Plerumque, disent les Jurisconfultes Romains, in institutionibus & conditionibus adjiciuntur, vel conditio, vel modus, vel causa sel demonstratio : la condition et le moyen regardent le temps futur, la cause et la demonstration concernent le temps present ou le passé.

Il est necessaire que le donateur nomme la personne à laquelle il donne, et la chose qu’il onne, ou qu’il la démontre et la designe par certaines marques afin que l’on puisse sçavoir son intention, et comme il se peut surprendre en la demonstration qu’il en fait, c’est une uestion si son erreur dans le nom ou la demonstration de la personne ou de la chose peut donner atteinte à la donation ; L’erreur au nom n’est pas considérable, pourvû que l’on sçathe certainement par d’autres marques la personne à laquelle on a eu volonté de donner, 8. 6i qui demonstr. instit. de legat

Pour la defignation de la chose donnée elle est inutile ou necessaire ; elle est inutile et suerfluë lors que la chose est d’ailleurs assez connuë sans avoir besoin de la demonstration que le donateur en a faite, comme s’il avoit dit, je donne Stichus mon efclave qui est né dans ma naison ; cette designation particulière qu’il fait de Stichus est inutile, puis que sans cela l’on ne doutoit point que le donateur n’eût entendu parler de luy, et c’est pourquoy qua nd il ne seroit pas né dans sa maison, le legs ne laisseroit pas d’être bon, et c’est en ce cas que fase lemonstratio non vitiat legatum.

Lors que la designation est necessaire, dautant que l’on ne pourroit connoître autrement la chose donnée, il faut qu’elle soit véritable ; la fausseté qui s’y rencontre rend la donation nulle, hec enim quae causam legati omnem continet, hanc veram esse oportet, et si sit falsa nullun verit legatum,Cujac . in Comment. l. 73. 5. 1. de condit. et demonstr. Si par exemple le maty donne à sa femme l’habit qu’il a fait faire pour elle, il faut pour faire valoir ce legs que l’on lit fait un habit, car s’il n’y en a point il ne luy sera rien dûC’est encore une regle de droit, que falsa causa non vitiat legatum ; bien que le donateur déclare qu’il donne à Pierre à cause qu’il a eu soin de ses affaires, la donation sera bonne encore que Pierre n’ait jamais pris soin des affaires du donateur, S. Longé instit. de legat. nam ratio legandi non coheret legato, et ideo adjectione falsae causa non vitiatur legatum ; mais cette rause fausse qui ne rend point nulle la donation ne s’entend, suivant le sentiment des Docteurs, que de la cause impulsive, et non poit de la cause finale, laquelle ne se trouvant point véritable la donation ne peut subsister. Menochius de Prasumpt. l. 4. prasumpt. 24.

Il faut aussi prendre garde que la cause ne soit pas exprimée conditionnellement ; par exemple, lors que l’on dome en ces termes à quelqu’un, s’il a fait telle chose, et non pas parce qu’il la faite, multum refert causam legandi testator expresserit causative, puta per dictionen ( quia ) an conditionaliter per dictionem 1Siys Nam isto casu si faisa sit, legatum non debetur. llo licet falsa sit, debetur, D. S. Longé instit. de legat. l. demonstr. 8. Quod autem. S. Ac si de condit. et demonstr. Barry de condit. et demonstr. l. 1. n. 2.

Ce que le Droit Romain appelle modum & conditionem se distingue principalement par leurs termes : Modus est, dit M Cujas en son Paratitle, de condit. et demonstr. D. adjectio quod lagatarium ex legato testator facere voluerit. Lors que le donateur donne à la charge de faire ou pour faire telle et telle chose, il se conçoit en Latin par ces dictions ut, ita ut, et en François par les mots de pour et à la charge, et la condition par ces dictions, si, lors, et au cas, et autres semblables, si le donateur a dit par exemple, je donne cent écus à Titius à la charge d’en donner cinquante à Movius, où je donne à Marie deux cens écus pour la marier, c’est un moyen ou une déclaration de l’employ que le testateur veut être fait de la chose qu’il donne, mais qui ne suspend point la donation, et qui ne la rend point conditionnelle, l. Utilitas, 5. 1. D. de vanumiss. testament. que si le testateur avoit dit, je donne cent écus à Titius, s’il en donne cinquante à Muvius, ce seroit une condition, le donataire ne pourroit demander la delivrance de son legs ou de sa donation avant que de l’avoir executée ; il y a donc cette difference inter modum & conditionem, que quand la charge apposée par le donateur ne retarde point le payement ou la delivrance de la chose donnée, semper modus, non conditio debet intelligi, si au con-traire il faut executer la charge avant que le payement, conditio non modus intelligitur, l. cas 8o D. de condit. et demonstr. Mantica de conject. ult. vol. l. 10. c. 5. n. 15. et 16.

Suivant cette doctrine il a été jugé au Parlement de Paris qu’une donation faite à une fille Fresne pour la marier n’emportoit point de condition, et que le payement pouvoit en être demandé, bien que la fille ne fût pas encore mariée ; du Fresne en son Journ. d’Audien. l. 1. c. 88. de l’impression de 1652. Et Charondas en ses Réponses, 1. 7. c. 8. cite un autre Arrest, par dequel une donation d’héritage ayant été faite à la charge et condition que le donataire ne le pourroit aliener avant l’age de vingt-cinq ans, et le donataire étant mort aprés le donateur avant que d’avoir atteint vingt-cinq ans, que cette donation n’étoit point conditionnelle, et qu’elle passoit aux heritiers du donataire.

La même chose a été jugée en ce Parlement sur ce fait : Une mere fut instituée tutrice à ses trois filles, et saisie de tous leurs biens à la charge de payer neuf cens livres à chaque fille lors qu’elles seroient prêtes de se marier, et où elle passeroit à un second mariage qu’elle leur donneroit à chacune six cens livres pour les marier. La mère ayant passé en de secondes nopces avec Torin, elle donna à sa fille ainée en la mariant neuf cens livres pour la succession paternelle, et les six cens livres qu’elle avoit promises : La seconde fille étant morte, celle qui restoit à marier demanda dix-huit cens livres aux heritiers de Torin, qui offrirent les neur cens livres pour les biens du pere, et les six cens livres promises par la mere lors qu’elle se marieroit, et pour les autres six cens livres que l’on demandoit à la representation de la seur qui étoit décedée, ils pretendoient qu’elles n’étoient point dûës la condition n’étant point arrivée ; néanmoins les heritiers ayant été condamnez par le Vicomte ils en furent déchargez par le Bailly, dont la fille ayant appellé, Pilastre son Avocat disoit que la promesse de la mere n’étoit point conditionnelle, cette clause pour la marier, continebat modum non conditionem, et elle marquoit seulement la cause impulsive de la donation : ainsi sa sour étant morte aprés ses ans nubils la donation luy avoit été pleinement acquise, et par consequent elle étoit transmissible à ses heritiers ; aprés tout ce n’étoit pas tant une donation que leur legitime en la succession de leur mere. Moysant pour les heritiers répondoit que ces clauses, pour se marier, emportoient une condition, et alléguoit pour le prouver la l. Sancimus, C. de Nupt. mais la donation ne contenoit pas ces termes si nupserit, si nuptiae sequantur, auquel cas la promesse auroit été conditionnelle : Par Arrest du 5. d’Avril 1650. la Sentence du Bailly fut cassée, et les heritiers condamnez au payement des six cens livres pour la part de la sour décédée l’ay remarqué que la diction, si, regarde toûjours l’avenir, et qu’elle emporte une condition, de sorte que quand le mot si signifie le temps present ou le passé, il ne fait point de condition et ne suspend point la donation, mais elle a son effet ou elle est nulle dés son commencement : par exemple, Si Jacques m’a donné cent écus, j’en donne cent à Pierre, en ce cas il n’y a rien à attendre ; car ou il est véritable que Jacques m’a donné cent écus, et en ce cas la donation faite à Pierre aura son effet sur le champ, que si Jacques ne m’a rien donné, Pierre ne peut rien demander.

Il y a des conditions de Droit qui viennent de la Loy, les autres de Fait qui viennent de la volonté de l’homme, l. Multum de condit. et demonstr. Il y en a qui consistent à bailler quelque chose, les autres à faire ou ne pas faire, l. In facto eod. et de ces conditions les unes sont casuelles, les autres potestatives, et les autres mixtes ; sçavoir casuelles et potestatives, I. Vnica, 5. Sin autem aliquid sub conditione de Cad. toll. C. les casuelles sont celles qui dépendent du hazard et de l’evenement, ut si navis ex Asia venerit, et quand la condition manque la donation est nulle ; car le donateur ayant fait dépendre sa disposition du hazard, on considere l’evenement. Les potestatives dépendent de la volonté de celuy à qui l’on donne, si Titit decem dederis ; mais quand il a voulu executer la condition et qu’elle est empeschée par un autaee, la disposition a lieu nonobstant qu’elle n’ait point été executée, 1. Quae sub conditione S. Quoties de condit. instit. la condition mixte est celle qui dépend en partie du hazard, et en partie de la volonté, si Romam iverit.

Il y a encore des conditions expresses et des conditions tacites : La condition expresse est exprimée par ces dictions si, quand, pouros, au cas, et autres semblables : La condition tacite est celle qui est entenduë de droit, ou que natura inest, ou qui s’induit des paroles et de la oensée du testateur.

Le donataire est tenu d’accomplir les conditions qui luy sont imposées ; néanmoins toutes conditions ne sont pas obligatoires, on examine si elles sont legitimes ou deshonnêtes, possibles ou impossibles, et même si l’execution en est utile ou inutile : j’appelle utiles celles qui engagent indispensablement le donataire à les accomplir, ou qui aneantissent la donation lors qu’elles arrivent ou n’artivent pas, et je mets en ce rang les conditions possibles et honnêtes : et au contraire les inutiles sont les deshonnêtes et les impossibles qui ne font aucun prejudice à la donation, obtinuit turpes, vel impossibiles conditiones testamentis adscriptas pro nullis haberi.

Mais il y a des conditions difficiles et compliquées, que les Grecs appellent aovcdnuc, et dont nous avons des exemples dans la l. Si Titius de condit. et demonstr. et d’antres do nt la nature et la qualité est ambigue qui sont approuvées par les uns et rejettées par les autres Les conditions que l’on appose le plus ordinairement dans les donations sont de se matier ou de ne se matier point, si nupserit, vel si non nupserit ; le retour de la chose donnée au donafaire, si le donataire décede sans enfans, et la prohibition d’aliener la chose donnée La condition qui regarde le mariage est conçûë en termes affirmatifs, s’il se marie, ou en termes negatifs, s’il ne se marie point. Pour sçavoir quand la condition conçûë affirmativement doit être accomplie, il faut remarquer que bien qu’aucun ne puisse être obligé à se ma-tier par la crainte d’une peine, on peut bien neanmoins l’y engager par l’esperance de quelque avantage, aliud est enim eligendi matrimonii pena metu libertatem auferre, aliud ad matrimonium certa lege invitari, l. Titio centum, 5. 1. de condit. et demonstr. de sorte que si l’on don-noit mille écus à Jacques à condition d’épouser Marie il seroit exclus de cette donation s’il l’executoit point cette condition, pourvû qu’il pûst le faire avec bien-seance et sans faire de prejudice à sa reputation, si honestè poterit tales nuptias contrahere, l. Vter ex fratribus, Cum ita, 5. 1. de condit. et demonstr. Varin donna par son testament à Marie le Bouleur la femme tous ses meubles à la charge de payer trois mille livres à ses enfans, et en cas que contre la bonne opinion qu’il avoit de sa conduite elle passât en de secondes nopces elle seroit obligée de payer à ses enfans la somme de mille livres. Cette femme s’étant remariéeu sieur de la Chesnaye, Bonaventure Varin, fils du testateur, demanda les six mille livres à ce second mary de sa mere qui s’en défendit par cette raison, que cette clause étoit contre les bonnes moeurs et pour empescher la liberté du mariage, inhonestum est vinculo pena matrimonia obstringi, la condition de viduité ne peut être imposée, et hec conditio, si non nupse-rit in legatis remittitur, l. Servo, S. 1. D. ad Senat. Consult. Trebellianum : On disoit au contraire que cette disposition étoit civile n’empeschant point la liberté du mariage, mais faisant seulement cesser un gain et un profit : Aliud est auferre, aliud temperare, aliud legem non nubendi ponere, aliud modum nubendo statuere :Tertull . de Monooamia : Il ne s’agit pas d’une condi-tion qui emporte une peine en cas de mariage, le testamesst de son premier mary ne l’assuettissoit pas à une perpetuelle viduité, il l’invitoit seulement par une recompense à conser-ver le souvenir de leurs premieres affections en la personne de leurs enfans : Aliud est à Justinien nuptiis penâ deterreri, aliud ad viduitatem pramio invitari, nec enim par eademque ratio estamittere debita, et lucra non capere, l. fin. 6. 2. C. de Codicillis : La Novelle 22. de Justinien y est expresse, S. 43. et 44. La femme est obligée ou de renoncer à la donation si elle veur passer à un second mariage, ou d’accomplir la condition qui luy est ordonnée, aut ad naptis venire, aut abrenunciare praceptioni, aut si hoc noluerit et honorat defunctum, omnino abstinere de cetero à nuptiis : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 17. de Decembre 1658. la Cour faisant droit au principal condamna ce second mary à payer les six mille livres, plaidans Doublet, et Durand. Robert, l. 2. c. 7. rerum judic. a rapporté un Arrest du Parlement de Paris conforme à celuy que je viens de citer, et une donation mutuelle faite sous cette condition, que si le survivant se remarioit elle seroit nulle, fut jugée valable.

Le donateur peut ordonner que la donation n’aura point d’effet si le donataire épouse une ersonne indigne, ou une étrangere, ou d’une certaine famille, et pour reputer une femme indigne il suffit qu’elle ne soit point de la naissance et de la qualité de celuy qu’elle épouse toutes ces conditions n’empeschent point la liberté du mariage, parce que le donataire peut le contracter avec d’autres personnes, si plures persona comprehense fuerint, magis placuit cuilibet eorum si nupserit amissuram legatum, nec videri tali conditione viduitatem indictam, cum alii cuilibet satis commode possit nubere, D. l. Cum ira de condit. et demonstr Cette condition, si elle se marie avec Titius, seroit obligatoire, pourvû que Titius fût un party sortable, et qu’elle pût l’épouser sans blesser son honneur, si honesté, dit cette même Loy, cum ita, cum Titio nubere possit, dubium non erit quin si non paruerit conditioni, excluda tur à legato, si au contraire Titius étoit indigne de son alliance elle seroit dispensée d’executer cette condition, que enim Titio nubere jubetur, cateris omnibus nubere prohibetur : En effes lors que la bien-seance ne permet pas d’épouser celuy que l’on vous choisit, cette condition troduit le même effet que s’il étoit défendu en termes generaux de se marier, et la condition est même encore plus dure que celle si non nupserit, nam, dit la Loy, cateris omnibus nubere prohibetur, & Titio cui inhonestè nuptura sit nubere jubetur.

Si la donation étoit faite à condition de ne se pouvoir matier que par la volonté et le consentement de celuy que le donateur nommeroit, cette condition seroit incivile comme faisant obstacle à la liberté du mariage, l. Cum tale, S. Cum arbitratu Titii de condit. et demonstr. mais si le donateur avoit seulement ordonné de demander l’avis des parens la condition devroit être suivie car tant s’en faut qu’il soit contre la nature et la liberté du mariage de consulter ses parens sur le choix que l’on veut faire, c’est pecher contre l’honnêteté que de ne le faire pas, et l’on ne peut considerer comme une peine et une contrainte le devoir que l’on rend ses proches.

Lors que la condition est exprimée en termes negatifs, si non nupserit, pour sçavoir si elle doit être accomplie, l’on distingue entre le droit ancien et nouveau, et entre les premieres et secondes nopces. Par le droit ancien cette condition, si non nupferit, étoit entièrement roprouvée comme contraire à l’utilité publique et à la procreation d’enfans, quod in fraudem legis ad impediendas nuptias adscriptum est nullam vim habet, l. Heres meus, 79. 8. 4. l. Cum tale legatum, 5. 6. l. Titio, 7i. 6. 1. De condit. et demonstr. Neanmoins lors que cette condition. ne tendoit qu’à empescher un second mariage, et que le sujet pour lequel on enjoignoit de garder la viduité étoit favorable, les Jurisconsultes en ce cas ont répondu pour la condition. quod si ita scriptum est, si à liberis impuberibus ne nupserit, legem locum non habere, quia magis cura liberorum quêm viduitas indiceretur

Mais aujourd’huy cela n’est plus observé que pour les premieres nopces, et aprés plusieurs Justinien changemens sur cette matière Justinien ordonna par l’Authentique cui relictum de indicta vid. tol. que la condition de ne point passer à de secondes nopces étoit ficite, et qu’elle empor étoit la perte du legs pour celuy lequel y contrevenoit ; et Mantica asseure que hec sententiâ frequentissimo doctorum calculo recepta est : de conject. ult. vol. l. 1l. c. 19. Ricard en son Traité des Dispositions Conditionnelles, c. 5. sect. 2. rapporte un Arrest du Parlement de Paris qui l’a jugé de la sorte, et cet Auteur ajoûte que ces conditions qui vont à empescher la liberté des mariages n’ont été faites que pour les secondes nopces, et qu’à l’égard des premieres le droit est toûjours demeuré stable, et que l’on ne doute pas même à present que les conditions qui vont à empescher la liberté des mariages ne sont d’aucune consideration, mais qu’il faut prendre garde que pour donner lieu à cette doctrine il est necessaire que la condition qui àpour objet la privation du mariage en empesche la liberté ; car si elle n’étoit attachée simplement qu’à cette privation et qu’elle n’emportât pas la necessité en cette même personne le s’abstenir du mariage ou de perdre la liberalité qui luy est faite, il n’y a pas de difficulté qu’elle seroit valable : mais le donateur peut valablement interdire le mariage à l’égard de certaines personnes comme je l’ay remarqué cy. dessus, et au contraire il peut obliger le donataire d’épouser one certaine personne.

Bérault et Godefroy ont été d’opinion differente sur la validité de cette condition, si non Justinien mupserit ; le premier a crû qu’elle n’étoit pas licite, Godefroy a suivi l’autorité de Justinien ; quelques-uns ont été de ce sentiment, qu’elle ne doit être executée que quand le testateur degue à une autre femme qu’à la sienne, l. Avia, 5. Titio de condit. et demonstr. que si le mary par un effet de sa jalousie enjoignoit à sa femme une perpetuelle viduité, cette condition seroit rejettée comme contraire à la liberté du martage, l. Servo, 5. 1. Ad Sendt. Consult.

Trebelt-

Cette condition si sine liberis decesserit, est encore fort ordinaire dans les donations entre vifs, et sur tout dans les testamens qui se font dans les lieux où les institutions d’heritier et les substitutions sont permises ; les Docteurs ont traité une infinité de questions en expliquant ces paroles, mais comme elles n’ont pour la pluspart aucun usage parmy nous, je les passeray sous silence

On ne revoque pas en douté que cette condition si sine liberis decesserit, ne soit licite ; mais la difficulté consiste à sçavoir en quel cas on peut dite qu’elle est avenuë, quando impleta censeatur : On a demandé par exemple, si lors que le donataire ne laisse qu’un enfant la condi-tion n’est pas avenuë, et s’il ne faut pas qu’il y en ait plusieurs, le donateur ayant parlé en termes pluriels ; mais l’opinion la plus commune et la plus véritable est qu’un seul enfant suffit pour faire manquer la condition ou pour empescher la substitution.

Ce n’est pas assez d’avoir laissé des enfans, un homme peut en avoir de trois qualitez différentes, c’est à sçavoir les enfans legitimes et naturels tout ensemble, les legitimes feule-ment, et les naturels : Les premiers sont ceux qui sont nez d’un mariage folemnel et valablement contracté ; les seconds sont les adoptifs ; et les troisièmes les batards. Cette condition si fine liberis decesserit ne s’entend point de ces deux dernieres espèces d’enfans, mais seulement des premiers.

Mais on demande si les enfans naturels qui ont été legitimez n’auront pas le même avantage ; Pour la resolution de cette difficulté les Docteurs disent que cette formule si sine si-peris peut être conçûë en quatre manières : la première, si sine liberis decesserit, vel si sine filiis decesserit ; la seconde, si sine filiis legitimis & naturalibus ; la troisiéme, si sine liberis legitimatis, vel si sine liberis ex legitimo matrimonio natis ; et la quatriéme, si ces paroles sont repetées si sine filiis legitimis, & ex legitimo matrimonio nâtis.

Par la premiere formule les legitimez par Récrit du Prince sont contenus dans la condition, au prejudice du substitué, suivant l’opinion des Docteurs ; par la seconde, les legi-timez par le mariage subsequent empeschent que la condition n’ait son évenement ; par la troisiéme, qui fait mention de liberis legitimè natis, vel ex legitimo matrimonio natis, les legitinez par Récrit du Prince sont exclus, mais les legitimez par mariage sobsequent sont repu-tez comme d’un mariage legitimement contracté ; sur la quatriéme, les sentimens des Docteurs sont fort partagez à cause de ces paroles redoublées, si sine liberis legitimis & naturalibus & ex legitimo matrimonio natis, qui font presumer que le testateur n’a voulu appeller à sa succession que les enfans qui seroient nez dans un moriage legitimement et folemnellement contracté : les autres rejettent cette opmion comme trop rigoureuse, et du Moulin sur les Conseils d’Alexandre, 1. 7. Cons. 5. dit que illa verba ex se legitimè natis sunt apposita ad excludendum tantum legitimatos per rescriptum Principis, Barry de condit. et demonstr. l. 17. t. 12.

Mantica de conject. ult. vol. l. 11. c. 1o.

Il est sans difficulté que le mot liberi comprend non seulement les enfans issus du donateur, mais aussi ses petits-enfans et tous ses descendans ; mais s’il s’étoit servi du mot de fils les petits-enfans et les descendans feroient-ils manquer la condition : Il faut tenir que tous les descendans sont comptis sous le nom de fils, et du Moulin sur le Conseil 37. l. 6. d’Alexandre, ajoûte que filii appellatione nepotem contineri, multo facilius in conditione quam in dis-positione.

On étend même ce mot de fils jusqu’aux filles, et soit que le donateur ait parlé d’enfans ou de fils, si sine liberis, aut si sine filiis femine continebuntur & facient deficere conditionem dantica de conject. ult. vol. l. 11. t. 6. n. 8. Barry de condit. et demonstr. l. 17. t. 12. n. 20.

Si toutefois la clause contenoit ces mots, si sine filin masculis decesserit, les femmes en seroient excluses.

C’est une question, dit Tronçon sur l’Article 272. de la Coûtume de Paris, altissima eruditione dignissima, si la donation d’une terre étant faite en faveur de mariage avec cette con-dition, s’il y a fils du mariage, il suffit qu’il soit né un enfant bien qu’il soit mort incontinent aprés, etiam si momento durasset, sufficeret conditionem extitisse : Le Parlement de Paris a jugé pour la negative : Il y a sur ce sujet deux Loix contraires dans le Droit Romain, la l. Ex facto, S. 7. D. ad Senat. Consult. Trebell. si quis susceperit filium, & eum vivus amiserit. videbitur sine liberis decessisse. La l. 4. C. quando dies legat. ced. dit au contraire, satis esse natos liberos, licet postea decesserint. Ces paroles, s’il y a enfans, semblent desirer qu’il y ait les enfans au temps que la donation doit avoir son effet.

Mrdu Val , de rebus dub. tract. 3. propose cette question : Une mere avoit donné un heritage à sa fille et à ses enfans nés et à naître, la mère de ces enfans ayant vendu cet heri-tage, ses enfans qui avoient renoncé troublerent l’acquereur, on demande si leur action est egitime ; La raison de douter est que la donatrice a voulu donner premierement à sa fille. et en suite à fes petits-enfans, l. Pero. 69. 8. Fratre de legat. 2. on a jugé néanmoins a u Parlement de Paris que le legs étoit reputé fait à la fille seulement, et bien qu’il fût fait rnention des enfans et que la clause contint ces termes, pour être propre à elle et à ses enfans, que hec verba non disponebant : ratio enim legandi nihil difponit, neque cohaeret legato, l. Cum tale, S. Cuz alsam de condit : et demonstr. hic autem liberi et si designentur tam nati quam nascituri non sunt tamen in diçpositione.

La troisième condition que les donateurs apposent quelquefois à leurs dons est la défense d’aliener : Les Docteurs ne sont pas d’accord sur cette question, si ces prohibitions d’aliener sont valables à l’égard d’un étranger, et lon fait différence entre les prohibitions contractuel les et les testamentaires.

La prohibition d’aliener peut être faite en trois manieres, ou par la Loy, ou par un Cont rat, ou par un Testament ; lors qu’elle est faite par la Loy pour une cause publique et perpétuelle elle est inviolable, 1. Vbi lex, D. de fidejuss. quand elle est portée par un Contrag. elle n’a point d’effet, suivant le Droit Romain ; elle produit véritablement une action au donateur contre le donataire et ses heritiers, mais elle n’empesche point la translation de la proprieté ny la prescription, l. Ea lege de condict. ob caus. Lors que la prohibition d’aliener est portée par un testament les Interpretes du Droit Civil la reputent valable : Mr d’Argentré au contraire est d’avis, nulla testatoris prohibitione aut dominii transtationem aut prascriptionen impediri posse : son raisonnement est qu’un particulier, ny même un Juge, n’a pas assez d’auporité pour tirer hors du commerce une chose laquelle en est susceptible, Art. 266.

Par la jurisprudence des Arrests celuy qui donne ce que la Coûtume luy permet de donner peut valablement apposer la prohibition d’aliener. Le sieur de Bedasne donna un héritage à une sienne bâtarde à condition qu’elle ne pourroit l’aliener, et qu’en cas qu’elle mourût sans enfans et les enfans de ses enfans l’héritage retourneroit aux enfans du donateur ou à ses neritiers : Cette fille ayant été mariée nonobstant la prohibition d’aliener le mary vendit une partie des choses données qu’il remplaça neanmoins sur un autre fonds, mais aprés la mort du mary et de la femme ils furent aussi vendus par leur fils qui par aprés moutut sans enfans ; les heriiers du sieur de Bedasne obtinrent des Lettres de Loy apparente pour rentrer en la possession du fonds que leur pere avoit donné, les heritiers du fils s’étant chargez de garantie pour les acquereurs disoient que cette prohibition d’aliener étoit nulle, n’étant pas au pouvoir des particuliers de retrancher du commerce les choses dont il est permis de disposer, que ces prohibitions cont tractuelles sont défenduës par le Droit Romain ; en tout cas cette stipulation du retour des choses données aux heritiers du donataire ne pouvoit valoir que pour les choses qui se trouservoient encore en la succession du donataire ou de ses heritiers : Il étoit même de l’interest public de n’autoriser pas ces espèces de Contrats qui broüilleroient les familles, si l’on pouvoit deposseder des acqueréurs de bonne foy en vertu de conditions que le temps avoit renduës inconnuës : les heritiets faisoient valoir la loy du Contrat que la donation n’ayant été faite qu’à cette condition l’on ne pouvoit empescher qu’elle n’eût son execution, puis qu’elle étoit avenuë : Par Arrest du 14. de Novembre 1633. il fut dit à bonne cause la Loy apparente ; plaidans Coquerel, et Baudry.

Ao procez de Guibert contre le Pelletier, il étoit question de sçavoir si les heritiers du donateur pouvoient revendiquer le fonds donné sous cette condition, qu’en cas d’alienation par le donataire le donateur ou ses heritiers pourrolent s’en temettte en possession : Par Arrest du 11. de Juillet 1623. il fut jugé au profit des heritiers du donateur que la prescription ne couroit contr’eux que du jour de l’alienation, quoy que l’héritage eût été durant trois generations en la famille du donataire, l. Ea lege de condict. ob can. l. ult. de ann. except. la donation avoit été faite sous cette condition, que si le donataire ou ses hoirs alienoient hors de leur famille la chose donnée, le donateur ou ses hoirs pourroient la reprendre en payant trente livres. Il paroissoit rigoureux qu’aprés cinquante ou soixante années de possession le donateur ou ses heritiers fussent recevables à troubler les acquereurs, qui pouvoient alléguer que la condition et la faculté de faire quelque those se prescrit par quarante ans, que depuis la donation trois ou quatre generations étoient passées, de sorte que quand c’eût été une fubstitution elle ne pourroit exceder le troisième degré. Les descendans du donateur representoient que la prescription n’avoit pû commencer que du jour de l’alienation, dautant que l’action n’étoit ouverte que de ce temps-là, actio nondum natâ prascribi non potest, qu’ils avoient formé leur demande dans les dix ans du jour de la vente, et qu’il étoit juste d’aecomplir la loy que le donateur avoit imposée.

Le donataire ne peut s’en dispenser lors qu’il peut l’accomplir. Marie Larchevéque veuve du sieur d’Epreville Coton qui étoit Gentilhomme, par son Contrat de mariage avec du Crodsieur de Limerville, luy donna le tiers de ses meubles à condition qu’il acheteroit une Charge de Secretaire et qu’il la garderoit pendant vingt ans, à faute dequoy la donation seroit nulle, que si toutefois elle mouroit dans l’année du mariage la donation auroit son effet : Durant quatre innées que ce mariage dura du Croq ne traita point d’un Office de Secrétaire, et nonobstant le contredit des heritiers de cette Demoiselle la donation ayant été jugée valable par Sentence des Requêtes du Palais : Sur l’appel des sieurs de Pidasne et du Ménil-Vasse, Maurry et de Freville leurs Avocats remontroient que la donation étant conditionnelle elle étoit nulle à faute par le mary d’en avoir accomply la conditlon, non alias datura, sa volonté étoit juste, car étant veuve d’un Gentilhomme elle vouloit conserver sa qualité en obligeant son second mary de se faire pourvoir d’un Office de Secretaire, et ayant pû executer cette condition durant quatre années que ce mariage avoit duré il devoit s’en imputer la faute : Theroude pretensoit pour du Croq que ce défaut eût été considérable si cette Demoiselle avoit survécu son mary, parce qu’elle n’eûr pû joüir de la qualité de Noble l’ayant perduë par son mariage avec tedit du Croq, mais l’ayant predécedé l’execution de la condition luy auroit été inutile, qu’aprés tout ce n’étoit pas une donation conditionnelle, sed sub modo, modus autem non adrmpletus non facit deficere donationem. On tépondoit qu’en tout cas modus esset conditionaliter ronceptus, mais que l’on ne pouvoit concevoir une condition en des termes plus précis : Par Arrest du 23. de Janvier 1663. le mary fut privé de la donation.

On expliqua favorablement pour une mére la clause d’une donation qu’elle avoit faite à son fils en faveur de son mariage, de son doüaire et de son bien à la charge d’une pension, et à cette condition que si son fils mouroit sans enfans le tout luy reviendroit ; le fils laissa un enfant qui mourut quelque temps aprés sans enfans : lors que la mere voulut reprendre la possession de son bien elle y fut troublée par sa propre fille qui étoit heritière de son neveur et qui soûtenoit que la condition n’étoit point arrivée, le fils ayant laissé un enfant. La mere xé pondoit que cette condition du retour en cas que son fils ou l’enfant de son fils mourût avant elle sans enfans étoit sous-entenduë naturellement : her conditio inerat tacitè, suivant cette belle decision de Papinien en la l. Cum abus, D. de condit. et demonstr. minus scriptum plus cogitatum erat ; elle ne s’étoit pas exprimée plus clairement dans l’esperance que son fils la survivroit ou les enfans qui naltroient de luy, mais cet ordre naturel étant troublé on devoit presumer qu’elle ne s’étoit dépoüillée de son bien que par un excez d’affection qu’elle avoit oeu pour son fils et pour les enfans qui naitroient de luy : Par Arrest du 21. de Mars 1670l’on confirma la Sentence qui maintenoit la mere en la possession de son bien.

An conditio tacita, si sine liberis decesserit naturaliter inest donationi vel substitutioni, vide l. Cum avus de condit. et demonstr. l. Generaliter, C. de instit. et substit. l. Cum acutissimi, C. de fideicommiss. et Mantica lib ro. t. 7. et sequent. Barry de condit. et demonstr. l. 17. t. 17.

La Coûtume ne permet de donner entre vifs le tiers des immeubles qu’à la charge de contribuer à ce que doit le donateur lors de la donation, cette contribution est ordonnée fort justement, non enim plus est in donatione bonorum, quam quod superest deducto are alieno, l. Mudier bona, D. de jure dotal.

La question étoit autrefois fort douteuse, si celuy qui possedoit tout ou partie des bienu du défunt à titre singulier, soit de vente, d’échange, ou de donation, étoit tenu aux dettes Par la disposition de la Loy AEris alient, C. de donat. il n’y étoit point obligé, aris alieni necessitas non ejus est, qui titulo particulari possidet, sed totius juris universalis successoris onus est, qui ne peut être que l’heritier, parce que l’heredité ne peut être déferée qu’à droit successif, soit ab intestat ou par testament ; mais si elle est venduë ou donnée on acquiert bien un droit universel, sed titulus universalis non est, et ideo venditâ quantumcumque bereditate non fit empior Argentré beres emptâ licet hereditate. Argent. Art. 219. gl. 7. n. 3. et sequent. l’heritierinstitué étoit obligé d’acquitter les dettes, l. 1. 6i cert. patr. Mais si le donataire particulier, per modum quota, étoit déchargé du payement des dettes l’on pourroit donner plus que le tiers de ses immeubles, et c’est pourquoy nôtre Coûtume, non plus que celle de Paris, ne fait point de distinction. entre l’heritier universel et particulier, l’un et l’autre est tenu à la contribution des dettes à proportion de ce qu’il amende des biens du donateur.

Le donataire toutefois n’est tenu de contribuer qu’aux dettes contractées lors de la donation entre vifs, car la donation étant parfaite il n’est plus au pouvoir du donateur de la dimi-nuer ou de la rendre inutile : ce que la Coûtume a prudemment ordonné pour faire cesser cette question qui est si problematique entre les Docteurs ;Argentré , Article 219. gl. 7.

Loüet , I. D. n. 69.

Mais par quelle voye les creanciers peuvent-ils se pourvoir contre le donataire : Il est constant que par la disposition du Droit les créanciers n’ont aucune action, encore bien que par la donation le donataire eût été chargé de payer les dettes, l. 2. C. de pact. l. 2. de hered. vend. I. Cum res, l. Cum filio tuo, C. de donat. mais ils sont tenus de s’adresser contre le donateur ou son heritier. Mr Boyer en sa Decision 204. estime que le donataire qui est chargé d’une dette peut être contraint personnellement de la payer pour éviter le circuit par argument de la I. Dominus de condict. indebit. D. et suivant l’opinion commune les créanciers ne peuvent formes leur demande directement et par une action personnelle contre le donataire avant la discussion des biens du donateur ou de ses heritiers ; que s’ils sont insolvables ou que le donateur n’ait autuns fieritiers, on peut s’adresser directement contre le donataire universel des biens du donateur, comme étant en la place de l’heritier, l. His verbis, D. de hered. inst. sed hodie, dit M’d’Argentré , fpreta juris civilis subtilitate rectae dantur actiones creditoribus hereditariis adversus donatarios. De donat. Art. 219. gl. 7. Imbert en son Enchirid. Vid. de verb. differentia ; Loüer, l. D. n. 53. et 69.

Si la donation n’étoit pas du tiers des immeubles le creancier n’auroit pas une action personelle, et ne pourroit s’attaquer directement contre le donataire : la raison est que la Coûtume ermettant de donner le tiers, le donataire n’est point tenu au payement des dettes quand il l’en a point été chargé, si la chose donnée deduction faite des dettes du donateur n’excede soint le tiers ; mais lors que la donation est du tiers le donataire est tenu de répondre à la semande des creanciers jusqu’à la valeur de son don puis que la Coûtume l’y oblige expref. ément, et ce seroit un circuit inutile et plein de dol de renvoyer l’action contre les heritierss sela peut être juste lors que le donataire n’est point tenu des dettes et qu’il ne peut être poursuivi par les créanciers que lors que le donateur et ses heritiers sont insolvables ; mais les he-citiers même ayant une action contre le donataire, il seroit super flu de renvoyer les créanciers contr’eux étant naturellement subrogez à leurs droits, et pouvant par consequent exer-cer toutes les actions qui leur appartiennent, et je n’estime pas qu’en ce cas les Lettres de subrogation soient necessaires, par cette raison que la Coûtume oblige expressément le donataire à la contribution aux dettes. Si la donation étoit faite à l’heritier presomptif et par avan-éement d’hoirie, il pourroit être poursuivi sans discution suivant l’Article 52. de la Coûtume d’Amiens, sed teneretur solvere usque ad concurrentiam donationis tantum ;Molin . ad Art. 82. de la Coûtume d’Artois : Par Arrest donné en la Chambre de l’Edit le 10. d’Avril 1605. entre Damours et Suhart, un neveu donataire de son oncle et son heritier presomptif fut conlamné personnellement envers les créanciers de son oncle anterieurs de la donation, nonob-stant sa défense de ne devoir être condamné que comme un acheteur ; mais il fut dit qu’il ne seroit tenu de payer que jusqu’à la concurrence de la valeur des choses données.

Puis que j’ay parlé des actions que les creanciers et les heritiers du donateur ont contre les donataires, il faut sçavoir aussi quelles sont les actions que les donataires ou legataires peuvent exercer contre les heritiers du donateur, et s’ils peuvent être convenus personnelsement pour la part et portion qu’ils prennent aux biens du donateur et hypothecairement pour le tout, ou s’ils en sont tenus solidairement : Dans les lieux où les heritiers ne sont tenus personnellement aux dettes que pour la part qu’ils succedent, et hypothecairement pour le tout, les opinions des Auteurs François sont différentes sur ce point, si à l’égard des donataires et legataires l’action hypothecaire se peut liviser comme la personnelle.Bacquet , des Droits de Justice, c. 8. n. 26. pretend que c’est une Loy établie que l’hypotheque ne se divise point dans les païs Coûtumiers : Et Mornac sur la Loy Si creditores i8. C. de pactis, cite un Arrest par lequel un heritier fut condamné à payer un legs hypothecairement pour le tout : Ricard a combatu cette opinion en son Traité des Donat. p. 2. c. 1. sect. 4. et pretend que l’action hypothecaire ne surpasse point la personnelle à l’égard das-legataines, et son raisonnement est que le testament n’a son effet que par la mort du testateur, et qu’ainsi l’obligation n’ayant son être que contre les heritiers, et cette obli-ation n’étant point solidaire des fa naissance ils ne peuvent être tenus que pour leur part et portion.

Cette difficulté ne peut être fformée que pour les donations testamentaires ; car à l’égard des donations entre vifs comme elles ont leur effet du vivant du donateur, on peut poursuivre pour la delivrance des choses données si le donateur en avoit retenu l’usufruit, de la même manière que l’on feroit pour tous les autres faits du donateur ; mais comme en Normandie les heritiers sont tenus solidairement de ses faits et non point pour leur part, on ne peut pas douter qu’il ne puisse être convenu hypothecairement pour le tout ; mais à l’égard des legataires si l’obligation avoit sa naissance contre les heritiers, il y auroit apparence de dire que l’action hypothecaire ne surpasseroit point la personnelle ; mais quoy que l’action ne prenne son être contre les heritiers qu’aprés la mort, il ne s’enfuit pas que l’obligation n’ait commencé en la personne du testateur, et que par consequent ses heritiers ne puissent être con-venus pour le payement des legs de la même maniere qu’ils le seroient pour les autres faits du testateur ; de sorte qu’en Normandie bien loin que laction hypothecaire pûst être divisée, l’action personnelle peut être exercée solidairement contre les heritiers.

Bien que les heritiers dûssent executer religieusement les dispositions de ceux ausquels ils succedent lors qu’elles sont conformes aux Loix, néanmoins ils s’acquitent presque toûjours avec regret de ce devoir, et il faut que la donation soit tres-parfaite lors que l’heritier se desfaisit volontairement, cependant il n’est pas raisonnable qu’il profite du retardement qu’il apporte à lexecution de la donation ; ce qui donne lien à cette question, s’il doit être condamné aux dommages et interests envers les legataires, et de quel temps les interests doivent oommencer ?

Pour expliquer cette matiere il faut examiner ces deux points ; le premier, si l’interest peut être demandé de toutes sortes de donations mobiliaires ou immobiliaires ; et le second, de quel temps les fruits et les interests peuvent être dûs, si c’est du jour de la donation et du decez du donateur, ou du jour de la demande ?

Lors que le legs ou la donation est mobiliaire lon fait distinction entre la donation d’une fomme de deniers ou de quelque meuble destiné pour servir et qui ne consiste point en argent monnoyé : dans le premier cas l’on ne doute point que les deniers donnez ne puissent produire interest au profit des donataires ; mais pour les autres legs qui ne sont que pour l’usage. du légataire il n’en est point dû d’interest, si le donateur n’avoit expressément ordonné qu’ils fussent vendus et que les deniers en fussent employez pour la subsistance du légataire : cette doctrine est prise de la l. 3. 5. Si auro, D. de usuris : si auro & argento facto per fideicommi. sum relicto mora intervenerit, an usurarum estimatio facienda sit tractari solet : Planè si materiam istam ideo reliquit, ut ea distracta, pecuniaque refecta fideicommissa solverentur, aut alimenta prastarentur, non oportere frustrationem esse impunitam responderi oportet : quod si fortè ideo reliquit ut his vasis uteretar, non fine rubore desidérabuntur usurae, ideoque non exigentur.

Pour les donations immobiliaires il n’y a point de difficulté que les fruits en sont dûs, car la chose appartenant au donataire les fruits qui en proviennent ne peuvent être retenus par d’heritier.

Mais nos Auteurs ne conviennent pas de quel temps les fruits et les interests sont dûs, fi c’est du jour du décez du donateur lors que la donation est entre vifs et que le donateur a retenu l’usufruit, ou lors que la donation est testamentaire, si c’est du jour de la demande seulement : Quelques-uns tont distinction entre les donations de choses mobihares et les donations d’immeubles : Pour les donations mobiliaires que les interefts n’en penvent être dûs avant la demande, parce qu’ils ne portent pas de profit de leur natore, et amsi que les heritiers n’étans pas en demeure jusqu’à ce qu’ils foient requis il ne seroit pas juste de leur faire ayer un interest dont ils n’ont point profité ; mais quant aux donations d’immeubles, que Bacquet les heritiers sont tenus de restituer les fruits dés le jour du decez du donateur : Bacquer, des Droits de Justice, c. 8. n. 25.

D’autres sont d’un sentiment contraire, et tiennent indistinctement qu’à l’égard des legs et des dispositions testamentaires les fruits et les interests des donations mobiliaires ou immobilianes ne peuvent être pretendus avant la demande ; car le légataire ne peut être dit vérita-ble proprietaire de l’héritage qui luy a été laissé par testament jusqu’à ce qu’il ait declaré qu’il occeptoit la liberalité du défunt et qu’il ait demandé la delivrance du legs qui luy a été fait, et durant qu’il est en demeure de ce faire la possession de l’heritier est legitime ;Ricard , des Donat. p. 2. c. 3.

Il me paroit fort raisonnable que l’interest d’une somme de deniers qui a été léguée ne commence que du jour de la demande, parce que l’argent ne produit aucun fruit naturellement, et qu’il n’est dû que lors que celuy qui le doit est en demeure de payer : Il est vray que par le Droit Romain l’interest d’un legs ou d’un fideicommis n’est dû que depuis la contestation en cause : In legatis & fideicommissis fructus post litis contestationem, non ex die mortis consequuntur, l. ubt. C. de asur. et fruct. legat. mais l’Article 60. de l’Ordonnance d’Orleans porte en termes exprés, que contre les condamnez à payer certaines sommes de deniers dût par cedule ou obligation seront ajugez les dommages et interests requis pour le retardement du payement, à compter du jour de l’ajournement qui leur a été fait. Aussi il n’y a point de difficulté sur ce point, que linterest d’un legs mobilier n’est point dû avant la demande.

Les fruits des immeubles donnez entre vifs sont dûs du jour que la donation a été acceptée ou du décez du donateur lors qu’il a retenu l’usufruit : lheritier qui est en demeure de faire le delaissement de la chose donnée ne peut excuser son injuste détention sur ce pretexte qu’il ne sçait point si le donataire acceptera la chose donnée, l’acceptation ayant été faite durant la vie du donateur.

Il ne reste donc plus de difficulté que pour les legs testamentaires : or comme ils sont dûs dés le moment de la mort du donateur, l’on ne peut dire que la possession de l’heritier soit legitime et qu’il soit en bonne foy lors qu’il a eu connoissance du testament ; car bien que le legs ne soit pas incontinent agreé par le légataire, néanmoins l’heritier ne pouvant douter qu’il sera tenu de restituer le legs lors qu’il luy sera demandé, ne peut jamais être en bonne foy, quoy que l’acceptation du legs n’ait point encore été faite ; la connoissance qu’il a euë du testament le constituant en mauvaise foy dés le premier moment de sa possession, ne pouvant joüir d’une chose qu’il sçavoit bien ne faire plus partie des biens hereditaires.

Par l’ancienne et nouvelle Coûtume de Bretagne, Tître des Donations, Art. 1. la donation n’est point valable si elle est faite en haine ou fraude des presomptifs heritiers. Mr d’Ar-gentré témoigne qu’à la derniere reformation de la Coûtume il fit ajoûter ce mot en haine : Il a été plus utile de l’ômettre, car on fe porte rarement à donner que par quelque dépit ou aversion contre ses heritiers, et les donations qui se font pour recompense de véritables services sont rares et mediocres : C’est pourquoy ces paroles, en haine et en fraude, ne peuven servir qu’à fournir des pretextes pour contredire toutes sortes de donations : Ces moyens de nullité ne seroient pas admissibles en Normandie où l’on n’est pas reçû à prouver des faits de suggestion contre une donation entre vifs, ce qui a été aussi jugé au Parlement de Paris par Arrest du 10. de Juillet 1647.


CCCCXXXII.

Donation à l’heritier seul.

Neanmoins si le donateur n’a qu’un heritier seul, il luy peut donner tout son héritage et biens immeubles.

L’on peut induire de cet Article que la prohibition de donner n’a d’autre fondement que la faveur de lheritier presomptif, et la conservation des biens dans les familles, de sorte que cette consideration venant à cesser, il devoit être en la liberté de celuy qui n’avoit point d’heritiers de donner tous ses biens, et la prohibition de ne donner que le tiers devoit être entenduë dans le cas où le donateur auroit des heritiers ; mais outre l’interest des heritiers les Seigneurs en ont un singulier qui consiste au Droit de Desherance, ce qui fait que la proibition de donner plus que le tiers est generale, et qu’il n’est jamais permis de donner da-vantage, quoy que l’on n’ait aucuns parens capables de succeder.

Bien que cet Article dispose en termes generaux que l’on ne peut faire avantage à l’un de ses heritiers plus qu’à l’autre, cela neanmoins ne s’entend que des immeubles ; car en l’Article preredent, dont celuy-cy fait partie, il n’est parlé que de la donation d’héritages et de biens immeubles, car pour les meubles la Coûtume en l’Article CCCCXXV. permet à un chacun d’en disposer comme bon luy semble et sans aucune distinction de personnes.

La différente manière de succeder et la distinction de propres et d’acquests a donné lieu à cette question, si ce qui est donné tient nature de propre ou d’acquest ? Cette difficulté ne peut arriver que rarement en Normandie, car dans la ligne directe ny dans la collaterale on de peut donner de ses immeubles à un heritier plus qu’à l’autre, et ainsi prenant les biens du défunt à droit successif, ils deviennent tous propres en la personne des heritiers. Si neanmoins suivant cet Article un homme avoit donné tous ses biens à son unique heritier, ou s’il en voit plusieurs et qu’il leur eût donné à chacun par une donation entre vifs la part qu’il auroit euë en la succession du donateur et que chaque heritier se fût tenu à son don, on demande si en ce cas prenant le bien par donation et non à droit d’heredité cette acceptation changeroit la nature des biens et rendroit acquest ce qui auroit été propre si on l’eût pris à titre d’heritier ? Il est sans doute qu’en ligne directe toutes donations étant reputées un avancement d’hoirie les biens conserveroient leur qualité de propre et le deviendroient par la suc-Brodeau cession. Pour les donations faites en ligne collaterala les usages en sonn differens. Brodean sur MrLoüet , l. a. n. 3. est d’avis qu’en ligne collaterale toutes donations, tant de propres que d’acquests, tiennent nature d’acquests au donataire, ce qu’il confirme par l’autorité des Arrests du Parlement de Paris, ce qui n’est pas en ligne dirocte ; dont, dit-il, on ne peut rendre aucune raison de diversité, sinon que les peres et meres sont censez une même perfonne ; de sorte que la donation leur est un avant-partage, et les collateraux sont considerez comme des étrangers.

Mais puis qu’en la ligne collaterale il n’est point permis de donner de ses immeubles à un heritier plus qu’à l’autre, quand les heritiers ne prendroient pas les biens ab intestat, mais comme donataires, néanmoins ils seroient reputez ne les posseder qu’à droit successif, parce que la donation ne leur acquiert rien de nouveau, et qu’ils ne possedent en vertu d’icelle que ce qui leur étoit asseuré par la Loy, et qui ne leur pouvoit être ôté par le donateur contre leur volonté, ainsi la donation ne change point la qualité des biens que le droit successif leur donne et leur imprime ; j’ay déja touché cette question sur l’Article CCXLVII. et j’en ditay encore un mot sur l’Article suivant.


Le Lecteur sera averti que le texte de l’article 433. ayant été oublié par mégarde ; ent la page 279. aprés la Ligne 11. est icy suppleé à ce defaut.


Article CCCCXXXIII.

Heritiers ne peuvent être avantagez.

Et s’il y a plusieurs Heritiers, il leur peut donner à tous ensemble : mais-ne peut avantager. d’un plus que l’autre, comme il a été dit cy. dessus.

Pour donner lieu à cette disposition, &c.

Pour donner lieu à cette disposition de ne faire aucun avantage à un heritier plus qu’à l’autre, il faut que ce soient des heritiers d’une même ligne, ejusdem stemmatis, comme je viens de le remarquer ; car autrement on peut donner du paternel à lhéritier au maternel, et è contra, on peut donner des propres à l’heritier aux acquests, et des acquests à l’heritier au propre.

Naturellement l’homme se porte à la liberté, et il tache de se dégager de ce qui le retient dans la contrainte ; la prohibition de donner à l’heritier immediat et aux descendans du donateur êtoit generale, on a tâché toutefois d’éluder cette Loy par des raisons et des considera-tions qui ont été réçûës favorablement, parce que l’on remettoit les choses dans le droit commun ; cette prohibition avoit pour son motif principal l’égalité entre coheritiers, et par ce même principe la Coûtume a ordonné le rapport de ce que chaque coheritier a eu plus que l’autre : or cette égalité et ce rapport ne peuvent se pratiquer qu’entre ceux qui partagent les mêmes biens et la même succession. On a donc estimé que quand il y avoit diversité de sucressions et de biens, la disposition de la Coûtume devoit cessen Cette diversité procede ou de la situation des biens lors qu’ils sont situez en diverses Coûtumes, en l’une desquelles le donataire est exclus de la succession du donateur encore qu’il puisse luy succeder en l’autre, ou de la difference des patrimoines, comme sont les biens paternels et maternels qui ne peuvent passer d’une ligne à l’autre, ou de la qualité des biens dont les uns ont été acquis par le donateur, les autres luy tiennent lieu de propre luy étant échûs par successions les uns sont nobles, les autres roturiers ; les uns ont été pris par preciput par l’aîné, les autres ont été laissez aux puisnez comme des échetes ausquelles l’ainé ny ses descendans ne peuvent succeder en ce regard. Toutes ces considerations differentes se peuvent rencontrer en la Coûtume de cette Province

L’Article S3. du Reglement de 1666. ne parle que de la diversité qui se rencontre entre les propres et les acquests, qui fait que l’on a jugé que celuy qui est heritier en l’un d’iceux peut être donataire en l’autre, contre cette regle que j’expliqueray plus amplement dans la suite, qu’on ne peut être heritier et donataire tout ensemble.

Cette question fut ainsi jugée par les Arrests rapportez par Berault sur cet Art. CCCCXXXIII entre Boüillon, la veuve Roland et autres, du 5. de Février 16o8. et 4. de Mars 1613. Ce qui fut aussi jugé par l’Arrest remarqué par le même Auteur sur l’Article CCCCXXV. entre le Cat et lsoré, sa femme et ses seurs se portant heritieres aux meubles et acquests de Jean Iforé leur frere ainé, et Jean lsoré le jeune neveu se disant legataire universel aux meubles, et donataire du tiers des acquests dudit défunt lsoré : ledit lsoré le jeune étoit heritier aux propres dudit Jean Isoré l’ainé, et ses soeurs comme plus proches heritieres aux meubles et acquests, la representation au premier degré n’étant point reçûë avant la Coûtume Reformée aux meubles et acquests, comme on peut voir par l’Article CCCIV. qui est employé pour Coûtume nouvelle, ce que Berault n’a pas remarqué ayant allégué cet Arrest pour prouver que l’on peut donner ses meubles à son heritier en ligne collaterale, comme je l’ay remarqué sur l’Article CCCexXXI. au lieu qu’il fut jugé que Jean lsoré étant heritier de son oncle au propre et non aux meubles et acquests, les meubles luy appartenoient en vertu du testament fait en sa faveur, et le tiers des acquests en consequence de la donation qui luy en avoit été faite : Cet Arrest fut rendu le 22. de Decembre 1536. et se trouve aux Registres de la Cour, dans lesquels on trouve la Sentence et les raisons des parties. La même chose a été jugée par le Parlement de Paris pour une Cause de Normandie entre le Févre et Blanbâton, Fresne de 23. d’Avril 1625. par un Arrest rapporté par du Fresne, l. c. 47. de l’impression de 1652. dont ie parleray dans la suite, et une donation entre vifs faite par le sieur de Blanbâton à un nommé le Févre son frere uterin, qui étoit de ses propres paternels, a été déclarée bonne et valable, encore que le sieur de Blanbâton frère consanguin et heritier aux propres paternels fût heritier aux meubles et acquests de son frere, et qu’il ne soit permis par la Coûtume de Nor-mandie de donner à son heritier immediat, c’est à dire que l’on ne pouvoit être heritier et donataire ; l’Arrest fondé, dit cet Auteur, sur ce que les Coûtumes qui prohibent d’être heritier et donataire s’entendent d’une même espèce de bien, comme heritier des propres et do-nataire de partie d’iceux, ou heritier des meubles et acquests et donataire de quelques acquests particuliers au prejudice des coheritiers qui ont droit d’y succeder ; mais qu’il nr’étoit pas prohibe de donner à son heritier des biens pour le rogard desquels il est comme étranger, et ausquels il ne pourroit succeder par la Coûtume n’étant pas de la ligne, comme au fait present : le Févre frere uterin donataire étoit inhabile à succeder à son frere pour la terre qui luy avoit été donnée qui étoit un propre paternel, et encore que suivant le Droit Civil unins hominis non sint diversâ patrimonia, l. Jurisperitos, ff. de excusat. tutor. néanmoins en païs Coûtumier nons avons d’autres Maximes.

Mr Jean Ricard en son Traité des Donat. 1. part. sect. 15. a remarqué un Arrest du Parlement de Paris qui a jugé la question à l’égard des biens situez en diverses Coûtumes, ce qui n’a point été decidé par aucun Arrest en ce Parlement ; mais la defficulté s’étant presentée sur ce que la Dame du Boësse avoit fait don au sieur de Sullemont le Guerchois de partie de ses héritages situez en Caux ausquels il ne pouvoit succeder, mais bien Mr le Guerchois Avocat General son frère comme ainé en fuccession collaterale, suivant les Articles CCC. et CCCIII. la donation fut confirmée par Sentence arbitrale renduë par Messieurs de Vigneral et Buquet Conseillers en la Cour, encore que ledit fieur de Sullemont fût heritier en partie aux biens de la Dame du Boësse fituez hors la Coûtume de Caux Il n’y a en cette Province que la Coûtume generale et la Coûtume de Caux que l’on puisse considerer comme deux Coûtumes differentes, n’y ayant d’ailleurs que des usages locaux de peu de consideration, mais ces deux Coûtumes sont reputées entierement distinctes et sepaées en plusieurs choses.

a l’égard des biens paternels et matemels on a la même liberté d’en disposer en faveur de ceux qui ne peuvent succeder en l’un ny en l’autre d’iceux dans les Coûtumes conformes à la nôtre en laquelle les biens ne peuvent passer d’une ligne à l’autre, ce qui fut ainsi jugé en la Chambre des Enquêtes le 24. de May 1631. entre Paquet le Gros, sieur des Ruaux, et le Comte, sieur de la Richardiere, au Rapport de Mr du Candal, par lequel on confirma une donation du bien maternel faite à un frère de pere, le donateur n’ayant pas d’enfans, et il fut jugé qu’elle n’étoit point contraire à l’Article CCCCXXXI. qui défend de donner à ses heritiers.

On peut dire néanmoins que par le moyen de ces donations on peut faire passer aisément le héritages d’une ligne à l’autre ; mais la Coûtume n’ayant pas rétranché cette liberté de donner telle portion de son bien que lon veut choisir, on ne peut empescher ces donations quand la personne en est capable

Il en est de même des biens ausquels les puisnez ne peuvent succeder, comme il arrire lors que la succession du donateur consiste en un fief-noble que l’ainé peut choisir par preciput, alors il semble que le puisné peut être donataire de partie de ce fief aussi-bien quun étranger, ce qui fut jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le 4. d’Aoust 1637. entre les sieurs de Boisdanemets, plaidans Coquerel et Giot.

Un de nos Auteurs modernes, à sçavoirRicard , des Donat. p. 1. c. 3. sect. 15. n. 676. et suivans, a traité à fonds cette question, si celuy qui en termes generaux ne peut être heritier et légataire ou donataire peut avoir les deux qualitez sous divers respects ? Pour expliquer ces sentimens il propose quatre espèces : La première, si celuy qui est hetier d’une certaine espèce de biens comme des propres paternels, peut être légataire des siens d’une autre nature comme des propres maternels dans lesquels il ne peut rien pretendre en qualité d’heritier, et ce quoy que les biens soient situez sous une même Coûtume ? La seconde, si ne pouvant pas avoir les deux qualitez lors que les biens sont situez sous mêmes Coûtumes, sçavoir si la difference des Coûtumes y peut apporter quelque raison particulière pour dire qu’il peut être heritier des propres paternels étans en une Coûtume, et donataire des biens maternels situez sous une autre ? La troisiéme, si une personne étant habile à sucéeder en une Coûtume et étant exclus de la succession par un autre, comme au cas des ne-veux qui succedent avec leurs oncles sous la Coûtume de Paris en la succession de leurs oncles decedez, et ne sont pas admis par la Coûtume de Senlis, sçavoir si les neveux peuvent être heritiers sous Paris et legataires sous Senlis qui n’a point reçû la representation en ligne collaterale ? Et la quatrième, si celuy qui est habile en toutes les Coûtumes où le défunt avoit ses biens en plusieurs espèces peut valablement declarer qu’il renonce à l’espece de biens sur daquelle il a son legs à prendre, ou aux biens situez en une Coûtume sur lesquels son legs luy a été assigné, et avoir part en ce faisant en qualité d’heritier aux autres biens de la sucession ?

Cet Auteur pretend que cette matière n’a point été entenduë, qu’elle est fort incertaine en nôtre Jurisprudence, et que cette obscurité procede de ce que Me Charles du Moulin n’a pas recherché la decision de ces questions dans leurs principes, et qu’il s’est fondé pour les refoudre sur un Arrest communément appellé l’Arrest des Bureaux, et il conclud qu’il est necessaire que celuy qui veut avoir ces deux qualitez ne soit pas habile à succeder dans la Coû-tume en laquelle il veut prendre son avantage, et qu’ainsi il faut tenir sans distinction que ny en consequence de la difference des biens, ny par leurs differentes situations en differentes Coûtumes aucun n’est capable de conjoindre ces deux qualitez, ce qui satisfait aux pre-nière, seconde et quatrième questions qu’il a proposées.

Pour établir sa proposition il pose deux principes qu’il pretend indubitables ; le premier, que la qualité d’heritier est indivisible, et qu’il ne dépend pas de nous de la reduire en une espèce de biens non plus que dans une Province particuliere, unicum est hominis patrimonium.

Le deuxième principe resulte de ce que ce ne sont pas les biens qui nous font heritiers, mais l’habilité qui procede des Loix ou des Coûtumes avec la déclaration de nôtre volonté par l’adition d’heredité.

Et de-là il s’ensuit que la difference des Coûtumes et la diversité des biens ne font rien à l’effet qu’aucun puisse avoir ces deux qualitez d’heritier et de légataire ensemble, puis que celle d’heritier n’est point attachée aux biens de la succession, et qu’elle ne dépend que de l’habilité que la Coûtume luy donne et de l’adition qui procede de sa volonté, si bien que l’un et l’autre ayant une fois concouru ensemble et ayant prêté son consentement à la capacité que les Coûtumes luy donnent, il a cette qualité generale qui le rend inhabile à conserver celle de légataire : Nos Coûtumes sont conçûës en termes personnels, de sorte qu’interdisant en general à l’heritier de pouvoir être légataire, il suffit qu’il ait le titre d’heritier pour tomber dans la prohibition de la Loy.

S’il falloit decider ces difficultez par la disposition du Droit Romain, les principes que l’on a posez seroient indubitables, parce qu’on ne connoit point dans cette jurisprudence cette distinction de propres et d’acquests, et de biens paternels et maternels, et que d’ailleurs les Loix Romaines étoient également observées dans toute l’etenduë de l’Empire, de sorte qu’on n’y entendoit point parler de differens heritiers, dont les uns étoient habiles à succeder à certains biens et les autres en étoient exclus ; on n’y voit point de diversité de biens ny de différence de Coûtumes.

Toutes ces distinctions sont établies par les Coûtumes qui ont distingué les biens d’une même personne et la capacité d’y succeder, en telle maniere qu’il semble que ce soient les successions de differentes personnes : Ce sont les termes de du Moulin sur l’Article 121. de la Coûtume de Paris, h. 17. quia autoritate consuetudinis que distinguit patrimonia videntur duae quasi duorum hominum hereditates : Ainsi cette Maxime du Droit que unicum est patrimonium, ne peut avoir lieu qu’en la ligne directe, où nous n’avons ny différence de biens ny diversité, d’heritiers.

Suivant cette distinction on répond à ce premier raisonnement que la qualité d’heritier est indivisible, qu’il ne s’enfuit pas de-là que l’on ne puisse être heritier et donataire ; car puis que l’on n’est pas toûjours capable de succeder à tous les biens d’un même homme, il s’ensuit que la qualité d’heritier n’est indivisible et ne peut être appliquée ny étenduë que pour les biens ausquels on a été habile à succeder : l’habilité de succeder ne procedant point de nous, mais des Loix et des Coûtumes ; suivant le second principe de l’Auteur, elle ne peut avoir effet que dans les personnes et pour les biens où elle autorise cette habilité, de sorte, par exemple, que la Coûtume ne permettant point que les parens paternels succedent aux piens maternels, ou que les parens les plus éloignez prennent part aux acquests avec les plus proches, ou que les neveux succedent avec leurs oncles dans les Coûtumes qui n’ont point admis la representation, on ne peut pas dire que la qualité d’heritier aux propres paternels soit indivisible, à l’effet que ces parens qui ne peuvent jamais rien avoir à droit hereditaire aux biens maternels soient incapables de la donation de ces mêmes biens.

Car suivant qu’il fut representé par MrBignon , lors qu’il conclud en l’Arrest dont je parleray dans la suite, par nos Coûtumes un homme meurt avec plusieurs patrimoines, et tout autant qu’il y a de Coûtumes où il a laissé des biens ce sont autant de differens patrimoines et de differens partages que chacune de ces Coûtumes regle comme il luy plaist, sans se mettre en peine de ce que l’autre ordonne aux regles de laquelle elle n’obeit point : par cette raison il n’y a point d’inconvenient qu’une même personne puisse être heritier d’un défunt en une Coûtume, et son legataire en même temps en une autre Une Coûtume disposant qu’on ne peut être heritier et légataire, elle ne parle et ne peut parler que pour elle, et que partant c’étoit assez que sous elle on n’eût qu’une de ces qualitez : Il est donc vray de dire, suivant l’opinion de duMoulin , que l’on peut être heritier et legataire en différentes Coûtumes, pourvû que l’on ne prenne rien en chacune qu’en l’une ou l’autre de ces deux qualitez : On peut encore être heritier d’une ligne et legataire des biens de l’autre, quoy que les biens de l’une et de l’autre ligne soient situez sous une même Coûtume, parce qu’il luffit qu’il y ait quelque difference pour faire que ces deux qualitez d’heritier et de legataire soient renduës compatibles :Molin . in Cons. par. Art. 12. n. 10 et sequent.

Si les resolutions de Mr Charles du Moulin n’avoient eu pour fondement que l’Arrest des Bureaux, il est certain qu’il ne pourroit valoir de décision pour les quatre questions ou especes proposées cy-devant, et cet Arrest auroit seulement decidé la troisiéme, qui est le seul cas où cet Auteur veut que l’on puisse être heritier et legataire, à sçavoir lors qu’une personne est habile à succeder en une Coûtume et qu’il est exclus de la succession par une autre, comme au cas des neveux qui succedent en collaterale avec les oncles sous la Coûtume de Paris. en la succession de leurs oncles, et qui ne sont pas admis par la Coûtume de Senlis.

Cependant suivant le principe que cet Auteur a posé que la qualité d’heritier est indivisible, la qualité d’heritier et de donataire n’est pas moins incompatible en cette espèce que dans les autres ; s’il ne dépend pas de nous de la reduire en une certaine espece de biens non plus que dans une Province particulière, c’est assez pour établir l’incompatibilité d’heritier et de legataire que l’on foit habile à succeder dans une Coûtume, quoy que l’on en soit exclus dans une autre, ainsi le neveu qui seroit habile à succeder avec son oncle en la Coûtume de Paris. nonobstant qu’il en fût exclus sous la Coûtume de Senlis ne pourroit être heritier et donafaire, parce qu’un homme n’ayant qu’un patrimoine il suffit que la qualité se rencontre une fois en la personne de quelqu’un pour ne pouvoir être legataire en la même succession, non pas même des biens qui seroient situez en une Coûtume où il ne pourroit prendre aucune chose en qualité d’heritier : aussi pour soûtenir l’opinion contraire on peut se servir de son raisonnement, que quand on ne prend rien en la succession en un lieu rien n’empesche qu’on ne puisse y être legataire quoy qu’on soit heritier dans les autres Coûtumes, parce que nos Coûtumes se renfermant dans leurs territoires elles ne peuvent pas donner la Loy l’une à l’autre.

Il semble aussi que la Jurisprudence du Parlement de Paris soit contraire aux Maximes que cet Auteur a établies, quoy qu’il pretende qu’il y ait de la contrarieté entre les Arrests qui Fresne sont inserez dans le Journal des Audiences, et que du Fresne ait fort peu digeré cette matière, et que difficilement il a pû remarquer le véritable motif de ces Arrests : Celuy qui fut rendu en l’Audience de la Grand-Chambre le 21. d’Avril 1621. a jugé indistinctement que l’on pouvoit être heritier et légataire en differentes Coûtumes, encore que le legataire pût être heritier en toutes ces Coûtumes ; et il est certain que lors que la Cause fut plaidée les Avocats disputerent pleinement cette question, de sçavoir si la qualité d’heritier et de legafaire étoit compatible ; Et pour la negative on allégua les mêmes raisons, que la difference des Coûtumes n’étoit point capable de faire qu’une même personne pûst être héritière et legataire, mais qu’il falloir pour cela que celuy qui veut avoir ces deux qualitez ne soit pas habile à succeder en la Coûtume en laquelle il pretend recueillir l’avantage qui luy a été fait, et que c’étoit le seul cas auquel la qualité d’heritier et de legataire soit compatible.

Il est vray que pour répondre à cet Arrest l’on pretend que celuy qui a donné au Public le Plaidoyé de Mr Bignon Avocat General, a eu pour but de faire paroître que la Cour avoit jugé la question generale, et qu’il a omis la raison decisive sur laquelle il fonda ses Conclusions.

Et pour établir le véritable fondement de l’Arrest, comme il s’agissoit de sçavoir si la qualité d’heritier et de legataire pouvoit être soufferte en la Coûtume d’Anjou, ce même Auteur rapporte l’Article 337. de cette Coûtume, où aprés avoir dit que les donations permises par les precedens Articles doivent avoir effet pourvû qu’elles se trouvent faites à des personnes qui ne soient pas les heritiers presomptifs du donateur, il ajoûte que cela fit la raison de l’Arrest ; car personne Coûtumière à son fils ou fille, ou aux enfans de son fils ou fille, ou autre heritier prefomptif qu’il ait ne peut plus donner qu’à un autre ny faire la condition pire ou meil-seure que de l’autre ; D’où il conclud que par là il se voit que la Coûtume n’a pas eu intention de prohiber indistinctement la donation au profit de l’heritier presomptif, mais seule-ment de luy faire avantage plus qu’aux autres, ce qui n’empeschoit pas la liberté de luy laisser à titre de don ou de legs la portion qui luy étoit destinée par la Coûtume, ce qu’il con-firme par l’autorité de nôtre Coûtume en cet Article, où elle permet à celuy qui n’a qu’un heritier de luy donner tous ses biens.

Je n’entreprendray pas de donner le véritable sens de la Coûtume d’Anjou, mais j’ose bien asseurer que presupposant que l’on gardât cette regle en Normandie que l’on ne peut être heritier et donataire en diverses Coûtumes, que la donation faite à l’heritier presomptif de la portion qui luy étoit destinée par la Coûtume ne seroit pas un moyen suffisant pour faire subsister en sa personne la seule qualité de legataire et effacer celle d’heritier, pour eluder la regle qui ne souffriroit pas que même en diverses Coûtumes on fût heritier et donataire ; la raison est que quoy que la Coûtume permette en cet Article de donner à son presomptif heritier, toutefois elle déclare en l’Article suivant que toutes donations faites aux enfans sont reputées avancemens d’hoiries : ainsi ce qui seroit donné à l’heritier presomptif étant reputé un avancement d’hoirie, le donataire ne le possedant qu’à titre d’hoirie il ne pourroit être considéré que comme heritier, ce qui le rendroit incapable d’être legataire dans une autre Coûtume.

Mais sans rechercher davantage quelle est la véritable Maxime du Parlement de Paris sur cette matière, c’est une regle certaine en Normandie que l’on peut être heritier et légataire d’une même personne, non seulement en diverses Coûtumes, mals aussi dans une même Coûtume, ce qui n’est point contraire à la l. 1. et 2. C. de adquir. hered. qui portent que non orest quis scindere hereditatem, elles ne s’entendent que de celuy qui ne veut accepter cette succession qu’en partie, à laquelle toute entière il est capable de succeder.

Et pour refoudre les quatre questions qui ont été proposées cu-devant : La première, si celuy qui est heritier d’une certaine espèce de biens, comme des propres paternels, peut être legataire

Manque l’Article CCCXXXIII

Et S’il y à plusieurs heritiers, il leur peut donner à tous ensemble : mais ne peut avantager l’un plus que l’autre, comme à êté dit cy-dessus.. placiter 93.

gratification des peres, l’égalité entre les enfans juy a paru si favorable qu’il est tres-difficile de l’empescher à l’égard des biens qu’elle ordonne être partagez entr’eux également ; et quoy qu’on ait tenté et que l’on tente encore tous les jours de trouver des moyens pour eluder sa disposition, ils ne servent souvent qu’à exciter la jalousie des freres.

Entre toutes les Coûtumes qui ont eu pour but de garder légalité entre les enfans, celle

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potest quis scindere hereditatem, elles ne s’entendent que de celuy qui ne veut accepter cette succession qu’en partie, à laquelle toute entière il est capable de succeder.

Et pour refoudre les quatre questions qui ont été proposées cy-devant : La première, si celuy qui est heritier d’une certaine espèce de biens, comme des propres paternels, peut être legataire des biens d’une autre hature, comme des propres maternels dans lesquels il ne peut rien pretendre en qualité d’heritier nonobstant que les biens soient situez en une même Coûtume ? On en peut prendre la décision dans l’Article 93. du Reglement de 1666. suivant lequel on peut donner partie des acquests à celuy qui est seulement heritier au propre, et partie des propres à celuy qui est seulement heritier aux acquests. Puis donc que dans une même Coûtume l’heritier au propre et qui ne l’est point aux acquests est capable de la donation aux ac-quests, parce qu’il est étranger en cette succession, l’heritier au propre paternel est encore plus capable de la donation du propre maternel, parce qu’il n’est point heritier et n’a jamais eu aucune habilité pour y succeder, et les Seigneurs feodaux y succederoient plûtost ; mais pour les acquests l’heritier au propre n’en est pas incapable de droit, au contraire il pourroit y prendre part s’il n’en étoit exclus par un parent plus proche du défunt.

La resolution de la seconde question fe fait par les mêmes principes, et pour rendre un parent heritier des propres paternels capable de la donation des propres maternels il n’est pas necessaire que ces biens soient situez en differentes Coûtumes, et c’est pourquoy l’Arrest du Fresne 23. d’Avril 1625. remarqué par du Fresne, et qui fut donné pour un procez évoqué de Normandie, est entièrement conforme à nos Maximes.

Pour la troisième espece, si une personne étant habile à succeder en une Coûtume et qui est exclus par une autre, peut être heritier en l’une et legataire en l’autre : L’affirmative en est soûtenue generalement par tous les Auteurs ; car suivant que je l’ay déja remarqué, la difference que les Coûtumes ont établie entre les biens d’une même personne fait que celuy qui succede à une certaine espèce de biens est comme étranger en la succession des autres biens dont il est exclus par la Coûtume, et bien que la qualité d’heritier soit personnelle et comme telle inseparable de la personne de l’heritier qu’elle suit par tout, en sorte qu’il suffit qu’elle subsiste et qu’in aliquo sit heres, néanmoins comme ce sont les Coûtumes qui donnent la capacité de succeder ou qui excluent de la succession, il n’y a point d’inconvenient que celuy qui n’est point ou qui ne peut être heritier en une Coûtume et en certains biens soit donataire de ces biens, la qualité d’heritier et de donataire regardant plûtost ce qui est réel que ce qui est personnel, et la prohibition de la Coûtume ne régarde pas tant la personne que les biens : VoyezLoüet , l. ff. n. 16. et 17. et Brodeau en cet endroit.

Pour la quatrième question, si celuy qui est capable de succeder en toutes les Coûtumes où le défunt avoit ses biens en diverses espèces peut valablement declarer qu’il renonce à succeder à l’espece de biens sur lesquels il a son legs à prendre : On ne peut former cette difficulté en Normandie, parce que la Coûtume défend la donation d’immeubles à l’un de ses heritiers au prejudice des autres, ce qui empescheroit le donataire de se prevaloir de son avantage quand même il renonceroit à la succession.


CCCCXXXIV.

Donations aux enfans reputées avancement d’hoirie.

Le pere et la mere ne peuvent avantager l’un de leurs enfans plus que l’autre, soit de meuble, ou d’héritage : pource que toutes donations faites par le pere ou mere à leurs enfans, sont reputées comme avancement d’hoirie, reservé le tiers de Caux.

I semble rigoureux d’ôter absolument aux peres et meres la liberté de faire quelque discernement entre leurs enfans, en recompensant les services et le mérite des uns, et punissant la débauche et la desobeïssance des autres : Il eût été bien plus juste d’exciter dans les enfans le desir de plaire à leurs peres et meres par l’assurance que leur complaisance et leur soin ne seroient pas infructueux : libertatem non possumus auferre parentibus, ne eos plus diligant quos credunt plus mereri, nec filiis reserare possumus studium plus placendi.

Cette predilection n’étant donc point defavorable l’on pourroit quelquefois adoucir la rigueur de la Loy, et avoir quelque égard à l’equitable volonté d’un pere : C’est le sentiment de Mr Cujas en son Commentaire sur la l. Si serous 27. de stip. serv. lib. 27. quest.Papin . non existimandum est temerè omnino et aeerperam judicare eos qui plus deferunt patri & matri quâm juri, plus verecundiae paterna & maternae quam rationi juris : Erubescimus conara has personas pronuntiare quoties de earum jure agitur, etiam si contra eas pronuntiari jus velit.

Cependant la Coûtume en cet Article a fermé autant qu’elle a pû toutes les avenuës à la gratification des peres, l’égalité entre les enfans luy a paru si favorable qu’il est tres-difficile de l’empescher à l’égard des biens qu’elle ordonne être partagez entr’eux également ; et quoy qu’on ait tenté et que l’on tente encore tous les jours de trouver des moyens pour eluder sa disposition, ils ne servent souvent qu’à exciter la jalousie des freres.

Entre toutes les Coûtumes qui ont eu pour but de garder légalité entre les enfans, celle de Normandie a le mieux reüssi, et sa disposition est plus absolué et plus parfalre que celle de la Coûtume de Paris : Elle a crû fort sagement que pour conserver cette égalité ce n’étoit pas assez de défendre en termes generaux aux peres et meres de faire avantage à l’un de leurs enfans plus qu’à l’autre, soit de meuble ou d’héritage ; car l’on pouvoit presumer que ces avantages n’étoient prohibez aux peres et meres qu’à l’égard des enfans qui vouloient prendre pait à leurs successions, et retenir outre cela les dons qui leur avoient été faits ; mais lors qu’ils ne se rendoient point heritiers et qu’ils ne demandoient rien à leur succession, qu’en ce cas ils n’étoient point incapables de recevoir des donations de la part de leurs peres et meres, parce que la Coûtume ne défend ces avantages que pour les enfans qui sont heritiers ; mais lors qu’ils renoncent ils ne peuvent plus être considerez que comme des étran-gers. En effet la Coûtume de Paris en l’Article 303. s’en est expliquée de cette manière Pere et mere ne peuvent par volonté ou autrement en maniere quelconque avantager leurs enfani venans à leur succession l’un plus que l’autre : Il n’y a donc que les enfans qui sont heritiers et qui viennent à la succession de leurs peres et meres qui foient incapables d’avoir quelque avantage.

La Coûtume de Normandie n’a pû souffrir cette inégalité, et pour prevenir cette mauaise explication que l’on pouvoit donner à sa disposition, elle a prudemment ajoûté que toutes donations faites par les pere ou mere sont reputées avancement d’hoirie ; de sorte que tous ces dons étant des partages anticipez de leur succession les enfans ne les peuvent pas reteenir, parce qu’à l’égard de leurs freres et sours ils ne les peuvent posseder que comme heri-tiers et comme avancez en la succession, et par ce moyen soit qu’ils renoncent ou qu’ils siennent à la succession, le rapport de ce qu’ils ont eu est toûjours necessaire et forcé.

Dioù il est évident qu’entre les Coûtumes qui ont intention d’empescher la predilection des peres et meres, et de leur ôter les moyens de faire avantage à l’un de leurs enfans plus qu’aux autres, celle de Normandie a eu beaucoup plus de prevoyance ; car il n’est rien de plus aisé dans la Coûtume de Paris que de rendre vaine et illusoire cette prohibition de favoriser les uns plus que les autres, puis que les peres et meres peuvent donner à l’un d’entr’eux ous leurs meubles et acquests, et le quint de leurs propres, sans qu’il puisse être obligé à les rapporter, pourvû qu’il se tienne à son don et qu’il ne vienne point à la succession : Ainst cette Coûtume défend inutilement ces avantages puis qu’il est si facile d’y contrevenit, et d’une manière si desavantageuse à ceux qui n’ont point de part à la predilection.

Il est vray que suivant la même Coûtume la legitime d’un enfant ne peut être affoiblie ny consumée par les donations qui se font aux autres ; mais la legitime n’étant que la moitié de la portion hereditaire qui appartiendroit en la succession, cela n’empesche pas que les enfans non donataires ne puissent être privez par ces avantages de la moitié de leur portion hereditaire.

Cependant le Commentateur de MrLoüet , 1. D. n. 56. favorise si fort cette illusi on que son peut faire à la regle qui défend de faire avantage à l’un plus qu’à l’autre, qu’il a soûtenu que même dans les Coûtumes qui ne contiennent point ces paroles, venans à la succession, ses enfans donataires qui renoncent ne peuvent être forcez de rapporter ce qui leur a été donné par leurs pere ou mere, parce que cette clause, venans à la succession, y est toûjours sous-entenduë, cûm enim jus abstinendi non sit sublatum, remanet in diSpositione juris communis, dumrmodo alii liberi non defraudentur legitimâ, qui hoc casu supplementum petere possunt, AEgidius.

Tullus in Art. 10o. Cons. Carnut. Ce qui est conforme à l’Authentique Unde si parens, C. de inoffic. testament., ubi enim non est fuccessio, ibi collatio non exigenda.

Mais ces sentimens sont fort opposez à nos Maximes. Il est vray que nous n’avons point d’heritiers necessaires, nul n’est heritier s’il ne veut ; mais la renonciation d’un enfant dans a vûë de profiter de l’avantage qui luy a été fait ne le dispense point de rapporter ce qui luy a ôté donné en cas qu’il excede sa portion hereditaire : Cet Article en donne la raison, parce, lit-il, que toutes donations faites par les pere et mère à leurs enfans sont reputées avancement d’hoirie, ubi naturae debitum, ibi successio ; dans la suite, quod fuit donatio, fit hereditas, et la chose vient à un point où elle n’a pû commencer, res devenit ad eum casum à quo incipere non poruit.

Par ce même principe nous tenons que tout ce qui est donné en ligne directe est propre, et non acquest ; et bien que MrLoüet , l. a. n. 12. ait estimé que la donation faite à l’heritier collateral est un acquest, quia jure naturae non debetur, nous suivons pourtant l’opinion Chassanée de Chassanée, Rub. 4. des Droits appartenans à Gens Mariez, S. 2. verbo acquest, que la lonation est propre, pro ea parte quâ successurus erat La donation des peres à leurs enfans est une succession anticipée, delibatio hereditatis sut hberalitatis appellatione, l. Vn. Cod. de imp. lucr. descript. et c’est pourquoy, dit cette Loy, il n’en est dû aucuns droits ; et Mr Cujas sur cette Loy a remarqué que par la même raison, olim parentes et liberi vicesimam hereditatem non prastabant : Aussi Mr Loüet au lieu que j’ay cité aprés avoir parlé de la Coûtume de Paris, dit qu’il n’en est pas de même dans les autres Coûtumes qui prohibent indistinctement de faire avantage à l’un de ses heritiers, n’ajoû-tant point ces mots, venans à la succession.

Il est vray que nous ne tombons pas dans le même inconvenient qui semble avoit porté Mr Julien Brodeau à embrasser l’opinion contraire ; car parlant des Coûtumes de Touts, d’Anjou, du Mayne, et d’autres où l’on ne peut donner à l’un des heritiers plus qu’à l’autre, il ajoûte qu’il ne peut s’imaginer rien de plus odieux ny de plus rigoureux que la disposition particulière de ces Coûtumes, lesquelles sous pretexte d’égalité rendent les enfans garands du mauvais ménage de leur pere, et les font participans de sa misere et du payement de ses dettes, et l’on contraint une pauvre femme mariée et chargée d’enfans à demeurer sans dot.

Car la prohibition de faire avantage à l’un de ses enfans et le rapport que le fils est obligé, de faire des choses données, n’est introduit qu’en faveur des coheritiers et non des creanciers, et les filles mariées par le pere et qui ne peuvent succeder ne sont point obligées de rapporter ce qui leur a été payé comptant.

Bien que cet Article soit employé dans le Titre des Donations entre vifs, l’on ne doit pas douter que ce qui est défendu par donations entre vifs ne le soit aussi par testament, donation à cause de mort, ou par quelqu’autre manière que ce soit. La Coûtume de Paris pour éviter cette difficulté s’en est exprimée de cette manière en l’Article 303.

Puis que l’on ne peut faire avantage à l’un de ses heritiers plus qu’à l’autre, et que toutes donations sont reputées avancement d’hoitie, il s’enfuit que les choses données doivent necessairement être rapportées, soit que l’on vienne à la succession ou que l’on se tienne à son lon. La Coûtume d’Anjou, Article 334. est conforme à la nôtre.

Mais pour donner une pleine intelligence de cet Article, il est à propos de le diviser en deux parties : Dans la premiere on apprendra la qualité des personnes qui ne peuvent avantager leurs heritiers l’un plus que l’autre : Dans la seconde l’on examinera si toutes sortes de dons et de bienfaits d’un pere envers son enfant sont sujets à rapport, ce que l’on doit rapporter, et enfin en faveur de qui ce rapport doit être fait : Les personnes ausquelles la Coûtume défend d’avantager l’un de leurs heritiers plus que l’autre sont les peres et les meres : Et quoy que l’on ne fasse aucune mention de l’ayeul et de l’ayeule, on ne doit cependant pas douter qu’ils ne soient compris sous cette prohibition.

Les heritiers ausquels il n’est pas permis de faire avantage sont les enfans, et sous ce mot d’enfans il faut comprendre les petits-enfans et tous les descendans en ligne directe : Car c’est une Maxime que lors que la Loy défend en ligne directe de donner à l’heritier, cette prohibi Argentré tion comprend l’heritier de l’heritier ; Argent. Art. 218. gl. 99.

Mais c’est une matière beaucoup plus difficile, de sçavoir si toutes fortes de dons des peres et meres envers leurs enfans sont sujets à rapport : Ce rapport n’étant ordonné que pour conserver l’égalité, il semble que ce soit contrevenir au véritable esprit de la Loy que d’admettre quelque disproportion de quelque nature qu’elle puisse être, et le rapport ne peut être véritablement et actuellement fait qu’en remettant dans la masse tout ce qui en est sorti par la gratification des peres et meres : Nam collatio fit rebus in commune redactis, vel minus capiendo, si quidem conferre intelligitur, is qui tantum ex bons defuncti remittit quantum ex collatione habiturus erat coheres, l. 1. 8. Sed et si, D. de collat. bonor.

La question la plus ordinaire est pour les joüissances et les pensions perçûës par les enfans durant la vie de leurs peres et meres. Le Droit Romain a fait différence entre donner une chose qui produit un fruit, ou donner directement des fruits ; et quand il s’agit de rapport les jurisconsultes distinguent ce qui est donné d’avec les fruits de la chose donnée, ex rebus donatis cructus perceptus in rationem donationis non computatur ; si verb non fundum, sed fructus perceptionem tibi donem, fructus percepti veniunt in computationem donationis, l. In edibus 9. 8. 1. D. de donat Dans le Parlement de Paris l’on a suivi cette même distinction, et lors que l’on demande aux enfans qui viennent à la succession qu’ils rapportent les avantages qui leur ont été faits, on fait la même difference entre ce qui n’est qu’un fruit et un produit de la chose donnée et ce qui tient lieu de capital. L’on ne repute fruits que ce qui provient de la chose données mais ce qui est donné de quelque maniere que ce soit tient lieu de capital ; les fruits sont ce qui est produit par la joüissance de la chose donnée : Par exemple, lors que l’on donne un tonds et une rente, les revenus et les arrerages que le donataire en perçoit ne sont qu’un actessoite et le produit d’une joüissance, et ces fruits ne sont jamais sujets à rapport ; mais lors que l’on donne une lomme par chacun an, des nourritures et des pensions, ce sont autant de sommes capitales qui composent le corps de la donation et qui sont sujettes à rapport.

Ces distinctions nous sont inconnuës en Normandie et suivant nos Usages, soit que le pere dit donné à l’un de ses enfans une terre, soit qu’il ne l’ait avancé que de simples joüissances de pensions ou de nourritures, il n’est pas tenu d’en faire rappoit à la succession, parce que de quelque qualité que soit cette donation entant que pour les fruits on la repute pour alimens que le pere étoit tenu de luy fournir par un droit naturel, et que d’ailleurs il seroit injuste ue ces joüissances et ces pensions qui sont dûës et données pour la nourriture et pour la p fubsistance des enfans pendant la vie de leurs peres consumassent la part héreditaire qu’ils auroient euë en leur succession, et c’est peut-être le seul cas où la gratification du pere a lieu.

Ce qui peut avoir causé la difference de nôtre Usage d’avec celuy de Paris, est qu’à Paris.

Theritier avancé se peut tenir à son don, que s’il ne s’y veut pas tenir il est raisonnable qu’il rapporte sans distinction toutes les choses dont il a profité : mais en Normandie où le rapport est foroé, et où les enfans n’ont pas la liberté de choisir, il seroit dur qu’un fils venant à la succession de son pore trouvàt sa portion hereditaire consumée par des nourritures que son pere étoit obligé par toutes fortes de raisons de luy fournit.

Cette Junisprudence est établie depuis long-temps en cette Province : Par Arrest du 3. Février 16z2. entre Lucas et Traboüillet, le petit-fils qui venoit à la succession de son ayeul par la renonciation de son pere fut condamné de rapporter pout ce qui avoit été donné à son pere avec restitution des fruits du jour de la succession ouverte, et déchargé de rapporter ceux qui avoient été peroûs durant la vie du pere. Autre Arrest donné en l’Audience de la GrandChambre le 17. Mars 1622. entre Nicolas Defchamps heritier de M. Jean Matthieu à canse de Marguerite Matthieu sa fomme, et Godeon des Marests autre heritier dudit Matthieu, par cquel des Marests fut déchargé des mterests du prix de lOffice d’Avocat du Roy. Autre Arrest en l’Audience de la Chambre de Edit du a8. Juin 1623. entre Paul Viart ayant épousé saquelme Heraut appellant, Jean Fremon, et Jean de Bruneval. Autre Arrest du 9. Mars 1638. entre la veuve de Mr Jean Crucifix, Jean Dablon, et autres ; l’on pretendoit faire payer des limens que l’ayeul et tuteur des mineurs avoit fournis aprés la mort de leur pere, et l’on fe ondoit particulierement sur ce que l’ayeul avoit dressé de sa main une forme de compte dans dequel ces alimens étoiont employez en dépense ; la défense des mineurs fut que leur partage. n seroit affoibly, et que leurs coheritiers avoient eu de leur part des avances, et qu’enfin leur ayeul étoit obligé de les nournir puis qu’ils n’avoient point d’autres biens : La Cour en infirmant la Sentence du Bailly de Dieppe qui avoit prononcé contre les mineurs, les déchargea du rapport de leurs alimens ; plaidans Mautry, et Lesdos Mr d’Argentré sur l’Article 597. de la nouvelle Coûtume de Bretagne, qui contient qu’un coheritior n’est point obligé de rapponter les fruits perçûs, ny les interests reçûs du vivant de celuy de lla succession duquel il s’agit, se fait l’Auteur de cette disposition, disant qu’elle fut ajoûtée par son avis, dautant que plusieurs Docteurs étoient de ce sentiment que le rapport Loyseau des ffruirs se devoit faire. Chopin sur la Coûtume d’Anjou, t. 3. n. 1. et suiv. Loyseau des Offic. l. 4. c. 5. Papinien en la l. 1. 3. Cum predium, D. de pign. et hopoth. parlant des fruits, dit qu’ils ne doivent point être rapportez, parce qu’ils n’ont jamais appartenu au debiteur. On peut dire la même chose des fruits de l’héritage donné par le pere, qu’ils ne luy ont jamais appartenu.

Les fruits donc ne sont point sujets à rapport, par ces deux raisons qu’ils tiennent lieu d’amens, et qu’étant consumez ils pourroient se monter à des sommes si considérables qu’ils rempliroient la portion hereditaire des donataires desdits fruits, et l’on peut ajoûter qu’ils ne ont pas moms favorables qu’un possesseur de bonne foy qui ne restitué point les fruits qu’il a perçûs s Et aussi conformément aux Arrests que j’ay remarquez, la Cour en a fait un Reglement par l’Article 95. du Reglement de 1666.

Si neanmoins un pere qui seroit debiteur à sa fille ou à quelqu’un de ses enfans avoit stipulé que les pensions ou les nourritures qu’il promettoit iroient en diminution de ce qu’il de-voir, et qu’il en eût fait l’application et la limitation à une certaine somme, celuy qui auroit eu ces pensions ne pourroit pas se défendre d’en tenir compte sur ce qui luy étoit dû, suivant l’application qui en auroit été faite

Mais comme nous ne fouffrons qu’avec peine la moindre inégalité d’entre les enfans, quelques-uns ont crû que lors que les joüissances ou les pensions données excedoient ce qui étoit nécessaire pour la subsistance d’un enfant, cet excedant devoit être rapporté : C’étoit le sentiment de Berault sur cet Article, que si le pere avoit donné à l’un de ses enfans sa nourri-ture et outre cela les fruits d’une terre, que ces fruits seroient sujets à rapport, parce qu’il auroit un double avantage, sa nourriture et la joüissance d’une terre ; mais cela n’est pas vecitable, et le contraire est decidé par l’Article S5. du Reglement de 1666. qui dit en termes generaux que la joüissance donnée par le pere ne doit pas être remise à partage ; ce mot de jouisance comprend tous les fruits que le fils donataire a perçûs, autrement il faudroit dire que lors qu’un pere a avancé un fils d’une terre on doit en estimer le revenu afin de l’obliger à rapporter ce qui excedera les frais de sa nourriture et de son entretien ; mais il est censé l’avoir consumé, et avoir fait une dépense plus grande en consideration du devoir qu’il avoit, lautius vixisse prasumitur.

Il faut neanmoins remarquer que cette faveur que l’on accorde à l’enfant donataire de pouvoir profiter des pensions et des joüissances au prejudice de ses freres et seurs ne s’étend et n’a lieu que pour celles qui sont perçûës, mais il ne peut exiger le payement des promesses et des avantages qui n’ont point eu leur execution durant la vie du pere ; car toutes les donations et promesses d’un pere envers ses enfans finissent et deviennent sans force et sans vertu dés linstant de sa mort, la qualité de donataire cesse d’être compatible avec celle d’enfant, parce qu’elle blesse cette égalité naturelle qui doit être entre les enfans, et qu’elle viole cette prohibition de faire avantage à un enfant au prejudice des autres, qui est si expressément établie par la Coûtume en cet Article ; car ces joüissances et ces pensions qui seroient dûës étant à prendre sur les effets et sur la masse commune de la succession ce seroit un avant-part que l’enfant donataire leveroit, ce qui renverseroit et l’égalité et la prohibition ordonnée par a Loy de faire avantage ; et bien que l’enfant donataire ne doive pas remettre en partage les joüissances perçûës, il ne s’ensuit pas qu’il puisse demander aprés la mort du pere celles qui luy ont été promises et qui luy sont encore dûës, la raison de la difference est que l’on ne dispense ce donataire de la restitution des fruits qu’à cause qu’ils luy tenoient lieu d’alimens, et qu’apparemment ils ont été consumez pour sa subsistance ; mais il n’est plus saison prés la mort du pere de demander sur sa succession des joüissances promises pour des alimens quand le donataire ne peut plus dire que c’est pour le faire subsister D’ailleurs, quoy que le pere soit maître de son bien durant sa vie, et qu’il puisse disposer de son revenu à sa volonté, cette volonté toutefois n’est pas toûjours suivie aprés sa mort, out ce qu’il a promis et que l’on pouvoit exiger durant sa vie ne le peut et ne le doit pas toûjours être aprés son decez : s’il a promis à la fille plus qu’il ne luy appartiendra pour sa legiime, il pourra bien executer et payer ce qu’il aura promis, mais ce qui restera dû au de-là de la portion legitime ne sera plus exigible aprés sa mort, tant pour le principal que pour les arrérages ; la raison est que tout son pouvoir cesse par sa mort, et qu’alors son bien retompant en la disposition de la Loy il faut suivre nécessairement ce qu’elle prescrit.

La Coûtume Reformée de Bretagne, Article 597. s’en est expliquée nettement, en disant que le coheritier ne sera tenu de rapporter les fruits des héritages ny interests de deniers refûs durant de vivant de celuy de la succession duquel il est question, ny pareillement les nourritures, pensions, &c.

Cette Coûtume ne déchargeant le coheritier que du rapport des fruits reçûs, il s’ensuit necessairement qu’il demanderoit inutilement ceux qui resteroient à percevoir, parce qu’il seroit obligé d’en tenir compte à ses coheritiers, ne pouvant retenir à son profit que ceux qu’il auroit eus. Imbert en son Enchirid. verb. collatio, dit que fructus rei donatae que conferri debet, si extent unâ cum re ipsa in collationem veniunt.

Mr Josias Berault a écrit sur cet Article qu’ayant été consulté sur cette question, il fut d’avis que le fils auquel le pere avoit promis de le nourrir par son Contrat de mariage n’étoit pas re ce vable à demander aprés la mort de son pere cette nourriture qui ne luy avoit pas été fournie s’il étoit autrement, ce soin si particulier que la Coûtume a pris de conserver l’égalité entre es enfans et d’ôter aux peres tous les moyens d’y contrevenir deviendroit inutile, et chacun pourroit l’éluder aisément quand il luy plairoit, et même avec beaucoup plus d’avantage que Sans la Coûtume de Paris : Un pete prevenu d’affection et de faveur pour un de ses enfans luy feroit des promesses excessives, dont on ne presseroit point l’execution pendant sa vie, mais venant à mourir cet enfant bien-aimé par le moyen de ces joüissances ou de ces pensions promises et non payées qu’il auroit laissé accumuler pour n’incommoder pas son pere et son bienfaicteur emporteroit tout son bien au prejudice de tous ses autres freres, ausquels il pourroit rester si peu de leur portion hereditaire qu’il leur seroit plus avantageux de demander leur tiers Coûtumier : En quoy la condition des enfans seroit plus desavantageuse en Nor-mandie qu’à Paris, où la legitime qui est la moitié de ce que l’on auroit pris en la succession du pere ne peut être affoiblie : mais en Normandie tous les autres enfans sefoient reduits par excez des promesses de leur pere à n’avoit pour tous ensemble que le tiers de son biens Et cet inconvenient seroit d’autant plus perilleux que le pere n’étant point obligé de se dépoüiller de son bien, et ces promesses ne luy étant point onereuses par la patience que son fils auroit d’en remettre l’execution aprés sa mort, pour peu qu’un pere eût de panchant à favoriser un de ses enfans il se porteroit aisément à exheréder les autres lors qu’il serolt asseuré qu’il ne luy en coûteroit rien, il pourroit même par chagrin supprimer les quitances qu’il auroit tirées.

Aussi pour empescher une contravention si importante on a fait perpétuellement différence entre les joüissances perçûës et celles qui restoient à percevoir, les premieres n’étant point sujettes à rapport, les autres n’étant point exigibles lors que la chose étoit venuë à un point où elle ne pouvoit commencer, c’est à dire aprés la mort du pere. Cela se prouve par un Arrest donné en la Chambre de l’Edit, au Rapport de Me Bigot, le 2. de Septembre 1603. entre Pharamond du Flo et Pierre Poignand, ayant épousé Abigail du Flo, auparavant veuve de Robert Boulanger ; la Cour faisant droit sur la garantie pretenduë par ledit Poignand contre ledit du tlo pour le principal et arrerages de cent livres de rente pour la dot d’Abigail du Flo sa emme, qui avoient été promises et payées par Pierre du Flo pere audit le Boulanger, et duquel les biens avoient été ajugez par decret, ledit du Flo fut condamné à la garantie du principal, et des arrerages qui écherroient à l’avenir, et déchargé de ceux échûs auparavant, sauf audit Poignand à se pourvoir sur les biens du nommé le Boulanger. La difference que l’on fit entre les arrerages échûs et ceux qui écherroient à l’avenir n’étoit fondée que sur cette maxime, que si les arrerages de la rente promise par le pere sont encore dûs lors de son decez ils ne peuvent pas être demandez.

La question des arrérages de la pension promise par le pere à son fils s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 24. de Janvier 1637. entre Demoiselle Claude Marie veuve di Romain Varin tutrice de son fils, heritier en partie de feu Me Jean Vatin son ayeul, et les autres heritiers dudit Varin ; la Cour condamna lesdits heritiers à tenir compte au mineur des arrerages de quatre cens livres de rente dont son pere avoit été avancé par son veul, échûs durant la tutelle sa portion deduite ; mais le motif de l’Arrest fut que l’ayeul voit été tuteur de son petit-fils, et par consequent à se ipso exigere debuerat, mais ils fuent déchargez des arrerages échûs avant la mort du fils ; et cette distinction que la Cour it entre les arrerages échûs avant la tutelle et ceux échûs durant icelle confirme qu’ils ne ont point exigibles aprés la mort du pere que dans le seul cas de la tutelle. La Cour avoit déja decidé cette question sur ce fait. Du Pin en mariant un de ses fils l’avoit avancé de cent quarante livres de rente, mais en même temps il en avoit pris une Contrelettre : aprés la mort du fils la veuve demanda le tiers de vingt-neuf années d’arrerages de cette pension comme étant un meuble, sans avoir égard à cette Contrelettre qui ne luy pouvoit nuire : l’affaire portée en la Chambre de l’Edit aprés un partage il y eut Arrest en l’année 1647. par lequel on n’ajugea à ladite veuve que le tiers d’une année ; et afin que cette question ne fût plus douteuse au Palais, par l’Article S5. du Reglement de 1666. il est ordonné que ce qui reste dû de la pension ou joüissance donnée par le pere ou autre ascendant lors de la succession échûë ne peut être exigé par celuy auquel elle a été donnée, même en faveur de mariage, si ce n’est la dernière année

Depuis ce Reglement la même chose à été jugée : Le sieur du Hamel avoit deux fils et plusieurs filles dont il en avoit reservé quatre à sa succession en les mariant ; par le Contrat de mariage de l’une desdites filles avec Jean Duval il promit huit mille livres, dont il en paya sepr mille, et pour les mille livres restant il la reserva à sa succession ; mais depuis il constitua cette somme en rente à condition de n’en payer aucuns arrerages pendant sa vie : aprés sa mort les frères et les seurs reservées rapporterent ce qu’ils avoient eu mais Duval demanda les interests des mille livres ; les parties ayant été renvoyées en la Cour, Bouvier pour Duval pretendoit qu’étant question des arrerages d’une rente dotale il n’étoit point dans le cas du Reglement de 1666. Greard pour les sieurs du Hamel répondoit que s’il étoit question d’une rente donnée à une soeur pour son mariage avenant les arrerages en seroient dus, mais cette soeur étant heritière ils étoient dans la véritable espèce du Reglement, et que par consequent Duval ne pouvoit demander qu’une année d’arrerage : Par Arrest du 30. de May 167s. Duval fut debouté de sa demande.

Ces paroles de l’Article 95. du Reglement, sinon la derniere année échûé, ont besoin de quelque explication, pour sçavoir si l’on ne peut demander que l’année du decez, ou bien l’année courante, et celle qui étoit échüë auparavant : L’on peut faire cette distinction, ou le pere a donné la joüissance d’une terre ou d’une rente, ou bien il a promis de payer annuela ement cette somme : s’il est question d’une rente ou d’une pension l’année se compte au prorata du temps, à commencer du jour de la promesse jusqu’au jour du decez : mais faut tenir indistinctement, que soit que l’on ait donné une rente et une pension ou un héritage l’on ne ieut demander qu’une année au temps du decez.

Mais si le fils avoit fait toutes les diligences et les poursuites necessaires pour être payé, eroit-il pas recevable à exiger ce qui luy seroit dûs L’on répond que l’on tomberoit toûjours dans l’inconvenient que l’on veut éviter, et qu’en toutes manieres la succession se trouveroit consumée au prejudice des autres enfans : s’il y avoit neanmoins des deniers saisis comme vraysemblablement le pere les auroit consumez cessant la saisie, il sembleroit raisonnable d’en accorder la main-levée au fils donataire, n’étant pas juste de luy ôter le fruit de sa diligence, ces deniers en consequence de la saisie n’étant pas reputez appartenir au pere ; cependant il est plus à propos d’en demeurer dans la regle generale, qu’il n’y a que ce qui est reçû actuellement qui n’est point sujet à rapport.

Pour les arrerages qui échéent dupant la vie du pere, le fils avancé ne pourroit en être privé par l’avancement que le pere feroit de tous ses biens à ses autres enfans, comme je l’ay remarqué ailleurs ; car ces demissions posterieures à l’avancement étant faites en fraude elles l’empeschent point que le fils avancé ne se fasse payer, les enfans n’étant recevables à pretendre la reduction durant la vie de leur pere

Brodeau sur l’Article 76. de la Coûtume de Paris, n. 22. est d’avis que la remife qu’un pere auroit faite à son fils d’un Treizième ou d’autres droits Seigneuriaux qui luy seroient dûs ne seroient point sujets à rapport entre frères, parce que c’est un acte de generosité qui se féroit même à un étranger, ce qui me paroit failonnable.

La dépense faite par le pere pour l’education de l’un de ses enfans, soit en le faisant instruire aux belles lettres ou aux exercices convenables à sa qualité n’est point sujette à rapport : quelques-uns en exceptent encore les frais faits pour le faire recevoir en quelque profession ou mêtier. C’est le sentiment de Ricard sur l’Article 304. de la Coûtume de Paris, que les frais prdinaires que font les peres et meres pour avancer leurs enfans à quelque condition ne se rapportent point, non pas même ceux qui sont faits pour passer un Docteur en Medecihe à Paris, quoy que la dépense en soit tres-consi dérable. Par l’Article 159. de la Coûtume de Blois les trais de Maitrise de mêtier et de Doctorat ne se rapportent point. Les habits Nuptiaux se rapportent, mais non les habits ordinaires étant compris sous les alimens, I. Quos nos, 5. ultim. de verb. signific. On ne peut aussi demander le rapport des frais du festin des nopces, par ces deux raisons, ditCoquille , sur la Coûtume de Nivernois, Titre des Donations, Article 11.

La premiere, qu’il n’en demeure tien au profit des Mariez : La seconde, que ces frais se sont pour l’honneur de la famille, hac onera ad patrem pertinent, fecundùmBaldum , etBarth . ditPontan . Art. 159. de la Coûtume de Blois.

Par Arrest du 23. de Juillet 1632. en l’Audience de la Grand. Chambre, il fut jugé pour Demoiselle Charlotte de la Faye veuve d’un fils du premier mariage du sieur d’Aubei ménil Betencour, que la donation faite par son beaupere à elle et à ses enfans sortis d’un autre mariage étoit valable et non revocable, parce qu’elle ne tenoit plus lieu de parente par la mort de son mary ny les enfans qu’elle avoit eus d’un autre mariage. On peut dire qu’à la reserve des choses cy-dessus exceptées tous dons faits par les peres à leurs enfans doivent être rapportez nécessairement, et le donataire ne peut pas se tenit à son don et renoncer à la succes-tion, les freères et les soeurs le peuvent forcer à rapporter, puis que c’est en leur faveur et pour garder l’égalité que le rapport est introduit,

On a cherché divers moyens pour eluder la disposition de cet Article, mais pour peu que senfant que lon veut favoriser en tire de profit nonobstant toutes les precautions dont on se sert, ces sortes de fraudes et ces déguisemens ont tarement le succez que l’on espère. J’en proposeray quelques exemples : le premier sera pour les Contrats de vente que le pere fait de son bien à son fils. On a mû plusieurs fois la question, si ces Conttats pouvoient subsister au prejudice des autres enfans et des creanciers du pere ; Ces actes sont toûjours fort fuspects et c’est pourquoy du Moulin en ses Notes sur l’Article 124. de l’ancienne Coûtume de Paris. a écrit que conclusum quod in venditione facta filio vel genero, confessio patris non valet de receptos ttiam si Notarius dicat pretium recepium coram se : Pour donner force à ces Contrats et effacer es presomptions d’un avantage indirect qui en naissent naturellement, Il faut justifier d’un véritable employ qui ait été fait des deniers, soit en payement de dettes legitimes ou en achapr d’autres héritages ; il est encore nécessaire que la chose soit venduë à son juste prix, et quand ces circonstances s’y rencontrent ces Contrats peuvent valoir comme s’ils avoient été faits avec un étranger. Un fils ayant piis de son pere un héritage à fit ffe’ou bail d’héritage sur te contredit qui luy fut formé par ses autres freres la Cour ordonna qu’avant de faire droit l’héritage seroit estimé, et étant demeuré constant qu’il n’y avoit point de fraude le Contrat fut confirmé. Si néanmoins le pere par une telle vente avoit diminué la valeur du reste de son bien ou qu’elle ne pût subsister sans faire prejudice et incommoder les partages qu’il faudroit faire du surplus, en ce cas ce dessein frauduleux ne pourroit être approuvé quoy que la chose eût été venduë à sa juste valeur, et que les deniers en eussent été employez utilement.

C’est un usage en beaucoup de lieux de cette Province, et particulierement dans le Bailliage. de Caux, que les peres en mariant leurs fils ainez ou quelqu’autres de leurs enfans les admettent en communauté, en consequence dequoy le fils aprés la mort de son pere veut lever la moitié des meubles et des acquests faits pendant le temps que cette commonauté a duré, et partager le surplus avec ses coheritiers, ce qui cause fort souvent de la broilillerie dans les famil-les ; mais ces societez ne peuvent acquerir aucun avantage au fils, autrement ce seroit un moyen de violer cette égalité que cet Article veut être gardée, et aprés la mort du pere tout se doit partager suivant la Coûtume, et le fils reçû en société n’a droit que de reprendré ce qu’il a apporté, comme les deniers dotaux de sa femme ou autre chose : cela paroit injuste en quelques rencontres lors qu’il arrive que le travail et l’industrie du fils ont plus contribué pour l’augmentation du bien que celle de son pere, et toutefois il n’en temporte aucun avantage, mais il a dû sçavoir la rigueur de la Loy : Cela fut jugé par Arrest en la Grand. Chambre du 8. d’Aoust 1613. entre des fretes nommez Maurice, et il fut dit que le fils ne participeroit point à la communauté où il avoit été reçû par son pere, quoy que cette association fût portée par écrit et qu’elle eût été faite en faveur de mariage.

Si le pere ou la mere ont acquité les dettes de, l’un de leurs enfans il en est comptable à sles coheritiers : Jacques Piart ayant fait mauvais ménage et étant poursuivi par la Dame Marete, Marie le Mire sa mere en fit sa dette et paya la Dame Marete ; elle avoit employé dans l’obligation qu’elle le faisoit pour la décharge de sa conscience : Aprés la mort de cette mere Romain Piart demanda le rapport de cette somme à Romain Piart son neveu fils de Jacques, à quoy il fut condamné par Sentence du Bailly de Roüen : Sur son appel le Bigot son Avocat pretendoit que cet Article ne parloit que des donations ou des avancemens faits par le pere ou la mere, et qu’étant contre la liberté naturelle que chacun doit avoir de disposer de son bien, il ne falloit point l’étendre aux dettes que le pere ou la mere avoient acquitées pour lun de leurs enfans, que les petits-enfans ne tiroient aucun profit de ce que leur ayeule avoit fait ayant renoncé à la succession de leur pere, et que par consequent leur ayeule n’avoit pû les frustrer de la par qui leur appartenoit en sa succession. Greard pour Romain Piart réponloit qu’ils ne pouvoient se dispenser de rapporter ce que leur pere avoit eu, comme de son chef il avoit rapporté fon avancement, que la distinction entre la donation et la liberation d’une dette n’étoit pas valable, et que l’avantage étoit plus grand de décharger quelqu’un d’une dette que de luy donner quelque bien dont peut-être il n’avoit pas grand besoin ; et quoy que le neveu alléguât qu’il venoit de son chef ayant renoncé à la succession de son pere, cette renonciation ne pouvoit être opposée à des coheritiers, mais à des créanciers qui sont exclus de leurs hypotheques par des enfans qui demandent leur tiers du jour du mariage, mais entre coheritiers il n’y avoit point moyen d’empeschet que ce qu’une branche avoit eu plus que l’autre ne fût rapporté, que cela avoit été jugé par plusieurs Arrests : Par Arrest du 14. de May 1658. la Cour mit sur l’apppel hors de Cour-

Un pere avoit donné à un sien puisné en faveur de mariage quelques héritages situez en Caux, cette donation au temps qu’elle fut faite n’excedoit point le tiers du bien du pere, mais aprés sa mort l’ainé en demanda la reduction, ce qui fut contredit par le puisné qui se sonloit sur ce qu’au temps de la donation il n’y avoit point d’excez, et qu’étant valable elle ne pouvoit être affoiblie par ce qui étoit arrivé depuis, le pere n’ayant rien fait alors que ce qu’il voit pû : Il s’aidoit aussi de cet Article qui excepte les donations du tiers on Caux, d’où il concluoit que joüissant de cet héritage jure donationis non successionis, il falloit suivant les regles considerer les biens du donateur au temps de la donation, et non au temps de la mort du donateur : Il passa neanmoins tout d’une voix à dire qu’il y avoit lieu à la reduction, et que le bien devoit être considéré au temps de la succession échûë, et que ce puisné ne pouvoit prendre cette donation que comme un avancement d’hoirie. Ceux qui ont qualité d’heritiers t en une même succession ne peuvent être donataires, autrement le puisné en Caux y trouveroit ses avantages, selon le different état des affaires de son pere il accepteroit sa succession ou il se tiendroit à son don : Ce n’étoit pas aussi l’intention de la Coûtume en cet Article, elle défend d’avancer un de ses enfans plus que l’autre, et pour cet effet elle déclare que ce qui est donné est reputé avancement d’hoirie, dont elle excepte la donation du tiers en Caux, non qu’elle ne soit pas aussi un avancement, mais elle a voulu conserver au pere cette liberté d’avancer un de ses puisnez au prejudice des autres ; cette exception est contre l’égalité ordifaire de la Coûtume, mais elle étoit necessaire en Caux où les peres ne pouvoient se depar-tir tout d’un coup de leur ancien usage de donner tout à l’ainé : l’Arrest fut donné en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Galentine, le mois de Janvier 1627 On jugea dans cette autre espèce qu’il n’y avoit point d’avancement dont les enfans eussent sujet de se plaindre : Le Maître avoit épousé une femme qui ne possedoit qu’une petite maison en la rué de l’Aumône ( par association ) c’étoit le terme de Messieurs du Bureau des Pauvres qui en étoient les proprietaires, et cette association se fait à vie seulement : Cette temme en obtint la continuation pour la vie de son mary ; depuis ces pauvres gens se voyant âgez furent encore maintenus pour leurs deux plus jeunes enfans un fils et une fille : aprés la mort du pere et de la mère le jeune fils s’en mit en possession, il y fut troublé par les autres enfans qui demanderent part à cette association, et en ayant été refusez par le Bureau, sur leur appel Lesdos leur Avocat remontroit que leurs pere et mere n’avoient demandé cette association pour leurs deux plus jeunes enfans que par cette consideration que l’association ne se faisoit que pour deux personnes, ce qui les avoit obligez de la mettre sous le nom des deux plus jeunes, et que par ce moyen elle dureroit plus long-temps : leur intention étoit neanmoins de rendre ce bien-là commun, autrement ils auroient fait à leurs puisnez un avance-ment qui leur étoit défendu, que l’on devoit en user en cette rencontre comme pour le retrait lignager, car l’héritage rétité par le pere ne demeure pas à celuy des enfans du nom duquel le pere s’est servi, mais l’héritage rétiré est partagé entre tous les enfans : Theroude pour les Intimez insistoit que le don étant fait à eux deux ils en devoient joüir, et qu’on argumentoit mal à propos de l’Article de la Coûtume, par lequel lhéritage rétiré au nom de’un des enfans doit être remis en partage, cette maison ne provenant pas de la famille, et ils ne la tenoient que de la grace des Administrateurs du Bureau : Par Arrest du 7. de Juin on confirma la Sentence.

Dans l’espèce de cet Arrest le pere et la mere n’avoient rien donné du leur, et bien que le pere neglige d’acquerir ou qu’il aime mieux qu’un Contrat soit fait au nom de quelquesuns de ses enfans, il ne contrevient point à cet Article qui ne défend au pere que la donation de son bien en faveur de l’un de ses enfans. Il y a beaucoup plus de difficulté à un droit qui duy est pleinement et parfaitement acquis, comme à une succession pour faire avantage à son tiné ou à quelqu’autre de ses onfans, aussi cette question a été jugée diversement. Le sieur de Colombiere avoit pour fils Paul et Gabriel de Briqueville, aprés la mort de sa mere il senonça à sa succession et fit instituer un tuteur à son fils ainé au nom duquel on accepta la succession de son ayeule ; aprés la moit du sieur de Colombiere son fils ainé voulut prendre preciput en la succession de son pete, et retenir à son profit celle de son ayeule toute entière, ou au moins y prandre encore un prediput comme étant distincte et separée de calle du pere, ce qui luy fut contesté par le puisné, par cette raison que le pere n’avoit pû repudier la succession de sa mere dont il étoit saisi, suivant la Coûtume, pour en avancer son frere, que c’étoit un avantage indirect qu’il ne pouvoit faire, et que sans y avoir égard la succession de l’ayeule devoit être partagée conjointement avec celle du pere comme en faisant partie : La défense de l’ainé fut que nul n’est heritier qui ne veut, et que le pere ne pouvoit être force d’accepter une succession : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 27. de Juillet 1627. il fut jugé que la succession de l’ayeule seroit partagée entre les freres comme succession paternelle et que l’ainé seroit tenu de déclater s’il entendoit prendre preciput : La Loy Julianus, ff. 3. t. quis omissa Cav. inst. 4. l. 29. t. 4. contient une semblable decision, julianus scribit patrem qui filiam sibi substitutam jussit adire hereditatem, legata que ab ipso data sunt ex sententia Edicti prastaturum, quoniam filia patri substituitur in casu, non ut arbitrium eligendi relinquatur : non enim dolo oaret pater, qui proprio honore omisso propter compendium alienam institationem maluit, car comme le pere qui refuse de prendre une succession à laquelle il étoit institué heritier pour la faire passer à sa fille qui luy étoit substituée, dans la pensée de s’exempter par cette voye d’acquiter les legs dont il étoit chargé, est reputé le faire en fraude et pour y gagner au prejudice des legataires ; aussi le pere qui refuse une succession opulente et proprium honorem omitrit pour ménager plusieurs preciputs à son ainé, dolo non caret, il fait une action contraire au voeu de la Loy.

On jugea le contraire en cette espèce : De la Riviere Ecuyer, sieur du Thuy Hebert, ne voulut pas accepter la succession d’un sien neveu, il la prit sous le nom de son fils ainé, et appiremment il ne fit d’abord cette renonciation que par la crainte des dettes de cette sucression, car depuis il la ménagea et en disposa comme luy appartenant : aprés sa mort Gaspar de la Riviere ayant pris preciput, ses puisnez avoient pris possession des biens de cette succession comme faisant partie de la succession paternelle et en avoient jouy quelque temps, aprés quoy leur ainé leur demanda part, et ayant compromis de leur different il fut debouté de sa pretention : Sur son appel il fut soûtenu par Maurry son Avocat que son pere avoit pû renoncer à cette succession, et qu’aprés l’avoir abandonnée il n’avoit pû changer la cause de sa possession, que le pere pour ne prendre pas un droit qui luy pouvoit appartenir n’étoit pas reputé faire un avantage indirect à son alné, et les puisnez n’ont point d’action pour se plaindre non plus qu’un creancier qui ne pourroit reprocher à son debiteur qu’il auroit renoncé en fraude, qui cum possit aliquid quêrere, non id agit ut adquirat, non pertinet ad hoc Edictum, pertinet enim Edictum ad diminuentes patrimonium, non ad eos qui id agunt ne locupletentur, l. Qui autem, D. que in fraud. l. 42. t. 8. le pere n’est reputé faire avantage que quand il diminue sa substance, et par consequent la portion de ses autres enfans pour en entichir un d’entr’eux au prejudice des autres. Il fut remontré au contraire par Gteard plaidant pour Antoine de la Riviere puisné que cette succession venant directement au pere, il n’avoit pû y renoncer pour y donner part à son ainé, parce qu’il sçavoit bien qu’il prendroit part en sa succession, qu’aprés tout le pere avoit pû changer de volonté pour remettre les choses dans l’égalité, que l’Appellant mêmé n’en avoit pas douté s’étant contenté à son preciput, et laissant cette succession toute entière aux puisnez comme faisant partie de la paternelle. Il alléguoit aussi en sa faveur l’Arrest cu-dessus, nonobstant ces raisons on jugea que le pere avoit pû renoncer, et on confirma la Sentence qui avoit ordonné qu’il seroit fait des lots, par Arrest en la Grand. Cham-bre du 9. de Juillet 1665.

On ne peut concilier cet Arrest avec le precedent que par cette distinction, que le premier ut donné dans l’espece d’une succession directe, où les avantages des peres envers l’un de leurs enfans sont plus étroitement défendus que dans la collaterale : cependant c’est aujourd’huy l’usage que le pere peut renoncer à la succession qui luy arrive, quoy qu’il n’ait aucun sujes de le faire.

Il ne suffit pas d’être enfant pour être tenu de rapporter, il faut être heritier ou capable de l’être, car le rapport ou collation de biens ne se fait point qu’entre coheritiers : par le Droit Civil collatio nunquam habet locum nisi inter solos descendentes, qui ascendentibus succedunt, non autem inter transversales, et alios extraneos, quia de his nihil in jure reperitur : Rheinardus, l. 1. c. 20. different. jur. Civil. et Saxonici.

Par ce principe les filles qui ne sont point heritieres et que le pere n’a point reservées à sa succession, ne peuvent être forcées de rapporter ce qui leur a été payé en argent comptant quoy qu’il excede de beaucoup leur legitime ; car si le pere leur avoit donné de l’héritage ou qu’il leur fût encore dû quelque chose, les freres ontune action contr’elles par les Art. CCLIV. et CCLV.

Cette Maxime est certaine quand les filles n’ont point été mariées par le pere comme neritieres, parce qu’alors elles avoient des freres : mais quand le pere qui n’a que des filles les a mariées comme heritieres, on a revoqué en doute si les soeeurs mariées pouvoient e tenir à leurs dons, ou si elles pouvoient être forcées par leurs autres soeurs à rapporter : Un homme avoit quatre filles, en matiant les deux ainées il leur donna à chacune cinq mille livres, à la troisième seize mille livres, et à la quatrième vingt-trois mille livres : la succession du pere étant échûe les deux dernieres se tintent à leur don, les deux autres accepterent la succession et soûtinrent contre leurs seeurs qu’elles devoient partager avec elles et rapporter, ou que leurs donations doivent être reduites à leur legitime : Les sours se dérendirent par l’autorité de la Coûtume qui permet aux peres et meres de marier leurs filles de meubles ou d’héritages, que le pere peut arbitrer le mariage de ses filles selon ses facultez et les partis qui se presentent, qu’il peut donner à l’une plus qu’à l’autre, et qu’on ne peut forcer celles qui renoncent d’être héritieres contre leur volonté, que leur mariage étant payé gaudent bonâ fortunâ, que les filles heritieres n’ont point plus de prerogative que les freres, lesquels quand le mariage est payé ne peuvent rappeller leurs soeurs à partage ny les contraindre à rapporter ce qui leur a été payé, que ce privilege de faire rapporter ou de diminuer le mariage appartient aux fretes et non aux soeurs ; car la Coûtume ne dit en aucun lieu que les soeurs puissent obliger leurs soeurs de rapporter. Les soeurs heritieres alléguerent au con traire, que suivant cet Article le pere et la mere ne peuvent avantager l’un de leurs enfans plus que l’autre, soit de meuble ou d’héritage, et toutes donations faites par les peres et meres à leurs enfans sont reputées avancemens d’hoiries ; et par l’Article suivant ces donations excessives peuvent être revoquées. Ces deux Articles decident nettement cette question ; par le premier, on ne peut avancer l’un plus que l’autre ; et par le second, les heritiers ont un pouvoir et une action pour revoquer, ce qui montre qu’encore que l’enfant donataire renonte, les heritiers peuvent faire réduire sa donation, si elle avoit été faite à un étranger et qu’elle excedat le tiers elle seroit revocable et reductible : les enfans qui renoncent sont comme des étrangers, et par consequent s’ils veulent être donataires et non heritiers, leurs dons doivent être reduits u tiers de tout le bien ; les enfans mêmes en ce cas sont d’une condition pire que les étrangers, parce que l’on peut donner le tiers à un étranger, et on ne le peut donner à un enfant au prejudice de l’autre. La Coûtume ordonne l’égalité entre les enfans d’un même sexe, à l’exception de quelques avantages pour le fils ainé, et si cela a lieu entre les freres pourquoy ne seroit-il pas observé entre les seurs, quand elles sont heritieres ou capables de l’être ; Ce qui est donné aux filles presomptives heritieres en les mariant doit être considéré comme ce qui seroit donné à un frere, ou comme le tiers en Caux qui seroit donné à un puisné : Si depuis cet avancement fait à un puisné le pere faisoit une telle alienation de ses biens qu’il ne luy restât que peu de chose, ce tiers et cet avancement seroit remis en partage avec les autres enfans, et il ne resteroit pas entièrement au donataire ; par la même raison ce qui a été donné à une seur doit être rapporté au profit des autres heritieres. Si ces donations n’étoient reductibles ou sujettes à rapport, un pere porté de passion pour l’une de ses filles emprunteroit des sommes excessives pour payer le mariage qu’il auroit promis et engageroit tout son bien, et la fille à laquelle on auroit fait cet’avantage excessif renonçant à sa succession, ne laisserit à ses seurs que des dettes à payer : Ce qu’on objecte que le mariage a été payé, et partant qu’on ne peut revoquer ny demander de reduction, n’est pas une raison si forte à cause de la qualité de presomptives heritieres qu’elles avoient quand elles furent mariées ; et même dans le fait particulier le pere avoit baillé des rentes qui étoient encore en essence, et il s’étoii obligé en d’autres rentes qui étoient encore dûës : Cette Cause ayant été plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 26. de Juin 1636. entre du Mouchel et Martin ayant épousé les filles de la Croix, et le sieur de la Mare Ausseville Conseiller au Presidial de Roüen, il fut dit qu’il en seroit deliberé. Il ne faut point, à mon avis, faire de différence entre les freres et les soeurs, quand elles ont été mariées comme presomptives heritières : Comme entre treres tous avantages sont sujets à rapport, il en doit être de même entre les filles heritie. res, ou capables de l’être, parce qu’elles n’ont point de freres : Voyez ce que j’ay dit sur l’Article CCLx.

Mais quand les seurs au temps de leurs mariages ont des freres quoy qu’ils decedent avant le pere, elles ne sont point obligées de se rendre heritieres ny de rapporter ce qui leur a été lonné, comme il fut jugé sur ce fait. Raulin le Févre en matiant Françoise le Fevre sa fille ainée à Georges Marc luy donna trois mille livres en argent ; il étoit dit simplement qu’il lonnoit trois mille livres, et la mere ne parla point au Contrat : il avoit un fils qui signa aussi au Contrat de mariage, quelques années aprés ce fils étant allé voyager on reçût de ses nou velles jusques en l’année 1655. et le pere étant mort en 1666. le fils fut encore reputé vivant quou que depuis dix ans l’on n’eût point eu de ses nouvelles : Françoise Tabouret sa mere fut établie sa curatrice, et tutrice de ses autres filles ; elle en maria quelques-unes, et aprés la majorité des autres elle leur rendit compte, et lors de cette action Georges Marc déclara au nom de sa femme qu’il n’entendoit point se porter heritier du pere ; aprés la mort de la mére Georges Marc demanda partage en sa succession, ce qui luy fut contredit par les maris des autres soeurs, à moins que de rappor-ver à la masse de la succession maternelle ce qui luy avoit été donné par le pere, à quoy il fut condamné par Sentence du Vicomte de Roüen : Sur l’appel devant le Bailly, aprés la déclaration du-dit Marc qu’il renonçoit tant pour luy que pour ladite Françoise le Févre sa femme à la succestion de Raoulin le Févre son pere, et qu’il se tenoit à la somme qui luy avoit été donnée et payée par son Contrat de mariage, il fut dit qu’il avoit été mal jugé par le VVicomte, et en ceformant ledit Marc fut déchargé de rapporter la somme par luy reçûë, et qu’il partageroit avec Quitel et ses coheritiers la succession de ladite Françoise Tabouret mere desdites Parties. Ledit Quitel tant pour luy que pour ses coheritiers ayant appellé de cette Sentences le Cahagnes disoit que par la Sentence du Vicomte on avoit rendu la condition des enfans égale, ce qui étoit favorable, qu’il n’étoit pas au pouvoir des peres et meres de favoriser l’un de leurs enfans au prejudice des autres, que tout ce qui avoit été donné à la femme de l’Inrimé étoit reputé avancement d’hoitie, et que les successions du pere et de la mere ayant été confuses l’Intimé ne pouvoit demander part aux biens de la mère qu’en rapportant ce dont il avoit profité de la succession du pere. Je répondis pour l’lntimé qu’en cette Cause il s’agissoit de l’interest et de la seureté publique, qui désire que les Contrats de mariage soient entrerenux inviolablement ; car si un homme qui ne s’étoit marié qu’à cette condition d’avoir pour la dot de sa femme une certaine somme et d’en être payé comptant pouvoit être forcé de rapporter ce qu’il auroit eu, il n’y auroit rien de certain ny d’asseuré dans les Contrats de ma-riage, et cette pretention des Appellans étoit d’autant plus mal fondée que la femme de l’Inrimé n’avoit pas été mariée comme heritiere, et ce qui luy avoit été payé ne luy avoit pas été donné par avancement de succession, le pete s’étoit seulement acquité d’une dette naturelle : et quoy que le frere fût mort avant son pere, et que par ce moyen elle fût devenuë capable de luy succeder si elle vouloit, neanmoins comme nous n’avons point d’heritiers necessaires, elle ne pouvoit être forcée de prendre pait à la succession de son pere, ny de se rendre son heritière, que si ses soeurs pouvoient l’obliger à rapporter elles auroient plus de prerogative que les fteres : Suivant l’Article CCLIV. les freres peuvent revoquer dans l’an et jour du decez de leur pere ou de leur majorité les donations d’heritages quand elles excedent le tiers et par l’Artide CCLV. si le pere ou la mere ont promis or ou angent, ou autres meubles qui soient emcore dûs, les frères ne sont tenus de le payer que jusques à la concurrence du tiers de tous les biens de la succession : D’où il resulte que les freres ne peuvent reduire les donations de meubles que quand ils sont encore dûs ; mais cette action ne leur appartient point pour les denier qui ont été payez. On pretend encore avec aussi peu de raison que les successions parernelle et maternelle soient confuses, ces sortes de biens se confondent si peu que les Seigneurs succederoient plûtost que les biens d’un côté paternel ou maternel passassent aux parens de l’au-tre côté. Il n’y a qu’un seul cas où la Coûtume admet la confusion des successions paternelde et maternelle, à sçavoir pour empescher le trop grand nombre de preciputs que l’alné pour-roit prendre lors qu’il y a des fiefs aux successions de pere et de mère, mais cela n’a lieu que pour les fiefs ; card l’égard des rotures il ne se fait jamais de confusion, et le paternel demeore toûjours perpotuellement distinct et separé du maternel : Par Arrest du premier de Mars 1678. la Sentence fut confirmée.

Encore qu’on ne soit qu’heritier beneficiaire, on est tenu de rapporter quia est verè heres Ricard rapporte un Arrest du Parlement de Patis qui l’a jugé de la sorte, sur la Coûtume de Paris, Article 304. et cela même a été jugé en faveur des creanciers, par Arrest rapporté par MrLoüet , l. ff. n. 13. suivant l’Arrest de Piart que j’ay remarqué cy-dessus, les petits-enfans venant à la succession de leur ayeul sont tenus de rapporter ce qui a été donné à leur pere nonobstant qu’ils renoncent à sa succession : La Coûtume de Paris, Article 308. en a fait une disposition expresse ; L’enfant ayant survécu ses pere et mere, et venant à la succession de ses ayeul on ayeule survivant lesdits pere et mere, est neanmoins tenu de rapporter à la succession de ses ayeul on areule tout ce qui a ôté donné à sesdits pere et mère par sesdits ayeul ou areule, ou moins prendre. Cela est fort equitable, car le petit-fils voulant prendre la place de son pere, quoy qu’il ne soit pas son heritier, néanmoins pour conserver l’égalité il est tenu au même rapport ue son pere s’il étoit vivant et venoit à la succession.

C’est en consideration de cette égalité que ce rapport devient si favorable, que par la jurisprudence du Parlement de Paris si lenfant avantagé par son ayeul paternel s’abstient et se tient à son don, les freres et les soeurs de ce donataire rapportent le don fait à leur frere comme ayant été fait en contemplation de leur pere commun qu’ils representent, fauf leur recours contre leur frere pour leur legitime seulement. Parmy nous ce fils donataire ne pouvant se tenir à son don, il seroit tenu de rapporter ;Brodeau , fut M.Loüet , 1. D. n. 38.Ricard , sur la Coûtume de Paris ; Art. 308. Ce dernier Auteur a aussi remarqué sur l’Art. 303 que les petits-enfans sont tenus de rapporter non seulement les dons et avantages faits à leur pere, mais aussi les sommes de deniers qui leur ont été prétées, quoy qu’on voulût faire de la distinction. entre le don et le prest :Brodeau , fut M.Loüet , l. R. n. 13. toties collationi locus est quoties aliquo incommodo affectus est is qui in potestate est interventu emancipati, l. 1. 8. Quoties de coll. bon. juivant nôtre Usage les enfans ny les petits-enfans ne peuvent pas se tenit à leurs dons, ils sont mêmes forcez de rapporter, et si le pere ou l’ayeul ont payé leurs dettes ils doivent en tenir compte à leurs coheritiers, comme Bérault l’a remarqué sur cet Article, ce qui fut aussi jugé par l’Arrest de Mité que j’ay rapporté sur l’Article CCexClIx.

Mr Loüet a traité cette question, si la femme venant à la succession de ses pere et mere est obligée de rapporter ce qu’ils avoient prété à son mary lors qu’elle renonce à leur succession ; et il rapporte un Arrest qui a jugé pour la negatiur. Ricard a dit la même chose sur l’Article 304. que si le prest est fait au gendre par son beaupère la fille n’ayant point parléu prest et renonçant à la communauté n’est pas tenuë de rapporter à la succession de son pere, farce que si cela avoit lieu il seroit au pouvoir du mary de ruiner sa femme, contre l’esprit de nos Coûtumes qui luy interdisent falienation de leurs biens, et par ce principe la mêmé chose seroit pratiquée en Normandie où les maris ont beaucoup moins de pouvoir d’engagage les biens de leurs femmes.

Ce rapport se fait entre cohetitiers et en leur faveur seulement, mais cette action pour rapporter n’appartient pas aux creanciers comme il fut jugé le 9. de Janvier 1660. plaisans Heroüet pour du Hocquet, Morlet pour Martin Intimé, et Baudry pour Mr le Duc de Longueville : On jugea que la femme de Martin renonçant à la succession de son pere et ne renant que son tiers, n’étoit point obligée de rapporter les meubles donnez à elle et à son mary pour don mobils

Le Fisc seroit encore beaucoup moins favorable à demander ce rapport, par argument de l’Article CCLXIII. C’est aussi le sentiment deChopin , que le Fife qui est en la place d’un coheritier particulier ne peut pas demander aux autres coheritiers qu’ils rapportent ce qui leur l été donné ; DeMor . Paris. l. 2. t. 3. n. 19. On ne. rapporte pas seulement les immeubles Il faut aussi tenir compte des meubles, mais cela n’a lieu pour les meubles qu’en ligne directe En ligne collaterale les meubles donnez ne se rapportent point : Sur cette matiere on peut voir Mr d’Argentré , Article 526. et suivans de la Coûtume de Bretagne.Chopin , de utili Andegav rerum domin. l. 3. t. 3. Art. 180. et sequent : Consuet. AndegaV.Tronçon , sur l’Article 304. de la Coûtume de Paris, les enfans ne sont pas seulement tenus de rapporter ce qui leur a été donné par leurs pere et mere, mais aussi ce qui leur a été prété ; et il a même été jugé par Arrest du Parlement de Paris ; qu’un enfant étoit tenu de rapporter l’argent qui luy avoit été baillé en rente par son père sans être reçû à continuer la rente, parce que le pere est censé s’être porté à prêter de l’argent à son fils en consequence qu’il étoit habile à luy succeder.

Ricard , Coûtume de Paris, Article 304. ce qui paroit rigoureux ; en tout cas il pourroit s’exempter de la restitution du capital en prenant moins en la succession.

Les Offices par la corruption du siecle ayant fait une nouvelle espèce de biens parmy nous, et leur valeur étant tres-incertaine, on a douté long-temps de quelle maniere il en falloir regler le prix lors qu’il s’agit de les rapporter. L’estimation des Offices donnés par le pert ou la mère à leurs enfans se fait selon leur valeur au temps. de la donation et non au temps. de la succession échûë : On a même jugé que le pere pouvoit donner l’office dont il étoit purvû et y mettre tel prix qu’il voudroit, pourvû qu’il ne fût pas moindre que celuy de l’achapt.

Cette question fut jugée, au Rapport de M’Buquet, le 25. de Février 1669. entre les nommez Cyreudes pour la Charge de Procureur du Roy à Conches : l’ainé auquel le pere avoir donné cette Charge pretendoit n’être point obligé de tenir compte à ses freres du prix qu’elle avoit coûté parce qu’alors il étoit mineur, et que depuis la valeur en étoit diminuée par le demembrement des Offices, et par consequent qu’il ne devoit faire ce rapport que sur le prx que l’Office pouvoit valoir au temps du decez du pere, suivant l’opinion des Docteurs sur le S. Imputari, l. Omnimodo. C. de inoffic. testament. et en la Loy Illud, 5. 1. C. de collat. Au contraire le puisné soûtenoit que la pretention de lainé étoit opposée à toutes les Maximes de la Jurisprudence Françoise, suivant laquelle il se falloit regler, et non point par le Droit Romain, parce qu’en France où le rapport se fait seulement de ce qui est donné par le pete au fils tanquam successuro, et non des fruits, lesquels ne se rapportent point si ce n’est depuis la uccession ouverte, il faut rapporter le prix de l’Office eu égard non au temps de la successios chûë, mais du don ou de la resignation de l’Office, et ce pour deux raisons : l’une que l’Office qui est perissable par mort est. au profit, et par consequent au peril du fils dés lors qu’il en est pourvsi, et comme s’il augmentoit de prix par aprés ce seroit à son profit seul et non des autres enfans, aussi-s il diminuoit de valeur et même s’il se perdoit tout à fait, il est raisonnable que cette perte tombe sur luy seul : l’autre raison est que comme il se pratique no-çoirement qu’en matière de choses qui se consument par l’usage comme de meubles perissaples, il en faut rapporter l’estimation au temps que le don qui en a été fait a eu son execution, cela doit avoir lieu à plus forte raison pour les Offices qui se consument et usent tous les jours ainsi que la vie du pourvû, et qu’au surplus la minorité de leur frere n’étoit point confidérabre ayant été jugé capable de l’exercer, ce qui fut jugé au profit du puisné, et sur c qu’il demandoit que l’ainé luy payât les interests du prix de la Charge du jour de l’avancement ou au moins du jour que leur pere avoit couché sur son registre que son intention étoit que on fils payât les interests de sa Charge, néanmoins comme elle n’avoit point été signifiéeà fainé il fut déchargé des interests, et l’on jugea que cela luy tenoit lieu d’avancement, et qu’il n’étoit obligé de rapporter que le principal, vû que s’étant marié son pere ne luy avoit fau aucun autre avancement, et que depuis son mariage il avoit toûjours vécu separément d’avec son pere. Autre Arrest sur ce fait : Mr de la Bucaille Conseiller en la Cour et Commissaire aux Requêtes du Palais, acheta une Charge de Conseiller en la Cour pour son fils ainé dont il payâ soixante et dix mille livres, et en suite il le matia fort avantageusement : aprés la mort du pere procez fut mû entre Mr de la Bucaille fils puisné de Mr de la Bucaille et les enfans de l’ainé qui étoit decedé avant son pere, touchant le rapport de cette Charge de Conseiller, laquelle aprés la mort du fils ainé n’avoit été venduë que quarante-six mille livres, les heritiers de l’ainé pretendoient n’en tenir compte que sur le prix qu’elle avoit été venduë et non sur le prix qu’elle avoit coûté : Ils alléguoient pour leurs raisons que le fils ainé s’étoit laissé conduire par son pere, qu’il n’avoit accepté cette Charge que pour luy obeir, ce qu’il n’auroit pas fait s’il avoit osé s’opposer à la volonté de son père ; cette Charge ayant été achetée par um prix excessif, qu’elle n’avoit été prife que pour donner plus de consideration et d’honneur à la famille, et puis que le puisné y avoit également participé il devoit porter une partie de la perte, mais quand on jugeroit la Cause dans l’étroite rigueur que c’étoit une regle en pas de rapport entre coheritiers de rendre la chose donnée ou de moins prendre : Or puis qu’ils consentoient de rapporter le prix que la Charge avoit été venduë, son offre étoit conforme à la Coûtume et à l’Usage, ne pouvant être assujettis de suppléer le prix qu’elle avoir été achetée : Mr de la Bucaille puisné répondoit qu’il n’en étoit pas de même d’un Office comme d’un fonds et d’une rente qui subsisteroit encore, car les Charges n’ont point de situation, ny de lieu ny de valeur certaine, elles changent de temps en temps, de sorte que le rap-port que l’on est tenu d’en faire ne peut être que du prix qu’elle auroit coûté : qu’aprés tout Il avoit seul profité de cette Charge, non seulement par l’honneur qu’il en avoit reçû ; mais aussi par un mariage avantageux qu’elle luy avoit procuré ; que si elle avoit été venduë par un prix plus grand que celuy de l’achapt, ses heritiers n’autoient pas voulu tenir compte de l’augmentation : Par Atrest du mois de Février 1679. au Rapport de Mr Salet en la GrandChambre, le puisné fut déchargé de la pretention des enfans de l’ainé, qui furent condam-nez de tenir compre du prix que la Charge avoit été achetée. Un mois aprés, à sçavoir le 7. Mars, la même chose fut jugée en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Tiremois Harqueville, entre François Louvel, Mr Eustache Louvel Controleur des restes en la Chambre des Comptes ; Barbe Vauquelin, veuve de Me Eustache Louvel Huissier au Parlement, et Michel Pegot ayant épousé Marie Louvel : En ce procez quatre questions furent agitées. 1. Si Baibe Vauquelin et Eustache Louvel son fils ayant soustrait aprés la mort d’Eustache Louvel pere pouvoient avoir part aux choses soustraites ; 2. Si ladite Barbe Vauquelin en haine des soustractions devoit être privée de la part des meubles que son mary luy avoit donnez par son testament, et si ayant soustrait pour le profit d’Eustache Louvel son fils qui avoit été étably gardien des meubles et scellez apposez aprés la mort du pere, devoit être interdite d’aliener les meubles : 3. Si Eustache Louvel devoit rapporter au profit de la succes-sion dix-huit mille livres, prix de l’Office de Contrôleur des restes en la Chambre des Compres dont il avoit été pourvû du vivant de son pere : 4. Si la succession devoit être partagée entre François et Eustache Louvel seuls, vù la longue absence de Robert Louvel leur frere Je ne parleray en cet endroit que du rapport de l’Office : Ledit Eustache Louvel soûtenoit qu’il n’étoit point obligé de rapporter les dix-huit mille livres, parce qu’il n’en valoit pas huit, que son pere luy auroit fait un prejudice considérable, et que suivant cet Article un pere né peut avantager un de ses enfans plus que l’autre, que par le Concordat de l’Office son pere et luy étoient obligez solidairement au payement desdits dix-huit mille livres, et par cette raison ils étoient censez en avoir payé chacun la moitié, que les neuf mille livres qu’il avoit payez provenoient des emplois qu’il avoit eus et de la bourse de ses amis, et qu’en luy tenant compre de ce qu’il avoit payé il consentoit de remettre l’Office pour être vendu au profit de la succession, et enfin pour se mettre plus qu’à devoir qu’il consentoit de perdre les neuf mille livres qu’il avoit payez : Nonobstant une déclaration si avantageuse ledit Eustache Louvel fut condamné de rapporter, ou de moins prendre en la succession dudit Louvel pere, la somme de dix-huit mille livres portée par le Concordat de l’Office, avec l’interest au denier vingt-cine depuis la mort du pere, et à faute de passer sa déclaration dans le mois il seroit tenu de payer à François Louvel son frère l’interest au denier vingt, de la part qui luy appartenoit ausdits dix-huit mille livres. On a donné un Arrest pareil au Parlement de Paris rapporté par duFresne , l. 5. c. 38. de l’impression de 1652.

’Autre Arrest sur ce fait : Le tuteur de quatre mineurs, un fils et trois filles, donna pour le matiage de la fille ainée l’Office de Sergent qui appartenoit à leur pere : Depuis cet Office ayant été licité pour faits d’Office du mary, la femme ne fut portée que d’une partle de ses droits : les seoeuts devenuës heritieres de leur frere soûtenoient contre leur ainée qu’elle devoit rapporter le prix entier de lOffice : Elle disoit premièrement contre l’Eguillon son tuteur qu’il étoit garand de sa dot, n’ayant dû donner cet Office qu’à une personne solvable et par l’avis des parens, ce qu’il n’avoit pas fait, n’ayant consulté qu’un parent, et en tout cas elle concluoit contre ses soeurs que la perte devoit être commune, et qu’elle n’étoit tenuë de rappor-ter. que ce qu’elle avoit reçû, que le tuteur voyant cet Office inutile l’avoit baillé pour le profit de toute la famille ; par Sentence du Bailly de Roüen le tuteur avoit été déchargé de la garantie : Sur l’appel par Arrest du 2 d’Aoust 1668. la Cour mit l’appellation au neant, et faisant droit sur le surplus des Conclusions des parties l’Appellante fut condamnée à rapporter seusement la somme dont elle avoit été colloquée, les autres soeurs pareillement condamnées de rapporter ce qui avoit été donné à leurs maris pour don mobil ; plaidans Vion, Bondor, et Valée.

Du Pont en mariant Pierre du Pont son fils ainé luy donna par avancement le tiers d’un Navire dont il feroit son profit comme sien, ce Navire ayant été pris fut racheté par le pere qui en fit son profit, et enfin ce Navire ayant pery par un naufrage ; les freres demandoient aux enfans de leur frere ainé qu’ils leur tinssent compte de ce tiers de Navire, ce qu’ayant fait ager, du Fey pour les enfans de l’ainé se défendoit de ce rapport, n’étant pas raisonnable que a legitime de leur pere fût consumée par le don d’un bien si perissable de sa nature et Iujet. tant de risques, que les enfans ne devoient rapporter que les choses dont ils avoient fait leur profit. Il luy fut répondu par les freres plaidans par Maurry, que rés sua domino perit, et comme s’il avoit été avancé d’une somme d’argent qu’il eût joüée il seroit obligé de la rapporter : il en étoit de même de ce Navire, et S’il avoit été pris par les Anglois c’étoit un malheur qu’il devoit porter : Par Arrest du 9. de Decembre 1653. on mit sur l’appel hors de Cour.

Il y a plus de difficulté pour les Offices de la Maison du Roy et de la Reyne, pour sçavoir s’ils sont sujets à rapport ; Il a été jugé au Parlement de Paris qu’un Office de Fourrier de la Maison de la Reyne dont le pere avoit fait recevoir un de ses enfans en survivance étoit sujet à rapport, l’Arrest fondé sur ce que ces Offices quoy que caduques et perissables par la mort sont venaux, reçoivent un prix certain, moyennant lequel on en traite tous les jours par Contrat, et qu’il étoit inutile de dire que l’Office étoit perdu par la mort, parce que par la dis-position du Droit les choses dont l’evenement est douteux peuvent être mises et baillées en partage pour autres choses certaines, quid enim si tantum astimatus sit dubius eventus, l. Item Fresne Labeo 22. 5. ult. et l. sequent. D. Famil. ercisc. Du Fresne, l. 2. c. 27 Bien que l’on convienne des choses qui sont sujettes à rapport, l’on n’est pas neanmoins toûjours d’accord de la manière de les rapporter, ny de la succession à laquelle le rapport doit être fait.

Si la chose donnée se trouve encore entre les mains du donataire et qu’il offre de la, remet. tre en la masse des biens hereditaires au même état qu’elle luy a été baillée, ses coheritiers ont tenus de la reprendre ; que si la chose a augmenté par son travail et par sa dépense, il loit être recompensé par ses coheritiers de ses augmentations et meliorations selon le prix u’elles seront estimées au temps du partage ; que si les coheritiers refusent de les rembourser ils ne pourront demander au donataire que le prix de la chose qu’il devoit rapporter selon sa valeur au temps de la succession échûë, si au contraire il a diminué la chose donnée, il faut uy en precompter la diminution s’il veut la remettresen partage.

Que si le donataire possede encore les choses données, sera-lil à son choix de les retenit et d’en rapporter seulement le prix ; Plusieurs Interpretes du Droit estiment qu’il faut rapporter en essence la chose donnée, suivant la Loy premiere versic. sua quoque bona in mediun conferant, D. de collat. bon. Et Papon rapporte un Arrest qui l’a jugé de la sorte, l. 21. c. 9.

Art. 1. et il semble que ce soit l’intention de la Coûtume, n’ayant pas dit comme en d’autres cas pareils que l’heritier doit rapporter ou moins prendre : En effet c’est quelque avan-gage de pouvoir retenir la chose donnée ; car il est vraysemblable que le pere ou la mere qui n’a donné que par une predilection et pour faire avantage à son enfant, a choisi dans son bien ce qui luy étoit le plus utile et le plus commode, et c’est pourquoy la Coûtume qui ne peut souffrir d’inégalité dans les affections des peres et meres, n’a pas laissé en la liberté du donataire de retenir ce qu’il doit rapporter à la succession, ou d’y prendre moins Il faut neanmoins luy laisser cette faculté, surtout lors qu’il a fait des augmentations. Aussi la Coûtume d’Orléans, Article 306. luy donne le choix de rapporter ou de moins prendre il est vray qu’en quelques rencontres cela ne seroit pas raisonnable : Si par exemple on luy voit donné la plus belle terre, ou une portion d’une terre, et qu’en la retenant les lots ne pûssent être faits commodement, il ne seroit pas juste en ce cas de luy accorder ce droit de retention, et l’estimation qu’il en pourroit paver ne feroit pas cesser le prejudice et l’incomnodité que ce démembrement apporteroit à ses coheritiers : Il ne doit donc avoir la faculté de retenir et de moins prendre, que quand cela ne cause point de perte ny de dommage aux autres interessez, ou qu’il n’est question que d’une somme mobiliaire.

Si la chose que l’on doit rapporter se trouve alienée lors de la succession ouverte, comme le donataire pouvoit en disposer ses coheritiers ne peuvent point troubler les acquereurs ni le forcer à la racheter pour la remettre en la masse des biens hereditaires, il en doit être quitte en rapportant seulement la valeur du don, la collation se faisant seulement de ce qui se trouve en la main du donataire au moment du décez du donateur, l. Ea demum, C. de collat Mais en ce cas il faut rapporter la valeur de la chose donnée, pour cet effet l’on demande quel temps l’on doit considerer ; Quelques-uns sont de ce sentiment que si le prix en est declaré par l’acte de la donation le rapport se doit faire suivant cette estimation, pourvû qu’en la aisant on n’ait point eu dessein de favoriser le donataire ; mais il ne faut pas s’arrêter à l’estimation faite par le donateur, non seulement pour éviter aux avantages que l’on pourroit prati-guer par cette voye, mais principalement lors qu’il S’agit de division ou de partage on doit regler la valeur des choses selon le temps present, l. 62. 5. fin. v. fecundum presens pretium. D. Aad leg. Falcid.

Mais si le pere avoit mal colloqué la dot de sa fille et que le mary fût insolvable, pourroit-on l’obliger à davantage qu’à rapporter l’action qu’elle a contre son mary : J’ay remar-qué sur l’Article CCLx. que cette question ne peut arriver en Normandie que quand le pere a payé comptant la dot de sa fille, car en ce cas il n’est point garant envers sa fille ; mais s’il s’étoit constitué en rente comme il en seroit responsable la soeur en seroit quitte en cedant à ses freres l’action contre le mary, de sorte que la difficulté ne peut tomber que sur ce point, si lors que le pere n’est point gatant envers sa fille de sa dot qu’il a mal colloquée, elle est tenuë de rapporter la somme que son pere a payée pour sa dot, ou de céder simplement ses actions Cette question a été décidée par un Arrest que j’ay remarqué sur l’Article CCCLIX. par lequel une seur fut condamnée de rapporter non seulement ce qui avoit été constitué pour sa dot, mais aussi ce qui avoit été donné au mary pour son don mobil : Voyez Loüer, l. R. n. 54.

Dans les lieux où la communauté a lieu, si les filles ont été mariées par le pere ou la mere des deniers de la communauté, le rapport se doit faire à l’une et à l’autre succession par moitié, mais en Normandie où les conjoints par mariage ne sont point communs, le rapport de l’argent ou des meubles donnez par le pere et la mere ne se fait qu’à la succession du pere.

On avoit neanmoins introduit un usage contraire en la ville d’Alençon, les peres et meres en mariant leurs filles les reservent ordinairement à leur succession en rapportant ce qui leur a été donné à l’une et à l’autre succession, en execution dequoy ce rapport se faisoit par moitié aux deux successions : il fut question de sçavoir si cela se pouvoit faire E Abraham Gilot épousi en premieres nopces Magdeleine le Maître qui luy apporta quelques biens, il en eut fils et filles ; en mariant Magdeleine Gilot sa fille à Thomas Renvoisé, le pere et la mere autorisée de son mary promirent à leur fille par avancement de succession la somme de deux mille livres, et la reserverent à leur succession en rapportant cette somme. Gilot aprés la mort de sa premiere femme contracta un second mariage avec Anne Goüaud, dont il eut des enfans ; cette femme devenuë veuve et tutrice de ses enfans signa une quitance par laquelle elle tenoit quite Renvoisé du tiers de la somme de mille livres qu’il devoit rapporter à la succession de Gilot pere, les autres mille livres étant à rappotter à la succession de Magdeleine le Maître. et en effet Renvoisé en avoit tenu compte aux autres enfans de ladite le Maître ; mais ladite Goüaud s’étant mieux consultée elle obtint entant que besoin des Lettres de récision contre cette quirance, soûtenant que Renvoisé devoit rapporter les deux mille livres à la succession du pere seulement : Sur l’appel d’un incident, je disois pour elle que tout rapport et conference de biens se doit faire à la succession de celuy d’où sont provenus les biens qu’il faut rapporter : pour sçavoir où ce rapport devoit être fait il falloit connoître d’où procedoient les deux mille livres sujets à rapport, cela se connoissoit par la qualité du donateur et des choses données ; le pere étoit le donateur, ce qu’on avoit donné étoit un meuble qui apparte-noit au pere seul, et auquel la mere n’avoit aucune part n’y ayant point de communauté en Normandie ; car lors qu’il y a communauté les dons faits par les petes et meres à leurs enfans communs se rapportent également à la succession tant paternelle que maternelle, lors que les deniers ont été tirez de la bourse commune, car en France la constitution de dot est un office commun des pere et mere, et c’est pourquoy le rapport s’en fait aux deux hereditez : Il falloit encore considerer la qualité de la donation, c’étoit un avancement de succession ; or tout avancement n’étoit qu’une succession anticipée, un prest, une joüissance que le pere laissoit à sa fille, mais qui ne changeoit point la nature et la qualité de la chose donnée, et la personne avancée étoit obligée de la rapporter au même titre et en la même qualité qu’elle luy avoit été donnée : Or ce qui avoit été donné appartenant au pere le rapport en devoit être fait necessairement à sa succession, autrement on détruiroit trois Articles de la Coûtume dont le premier a banny la communauté d’entre le mary et la femme, et ce seroit l’introduire en autorisant que la femme eût part aux meubles que son mary avoit donnez, encore que par la Coûtume elle n’y ait aucun droit qu’aprés sa mort. Ce seroit aussi ruiner l’Art. CCCCX. qui défend aux Gens Mariez de se faire aucun avantage directement ou indirectement, car ce seroit proprement donner à la femme, ce rapport se faisant à sa succession ; enfin il seroit fort aisé d’avancer les enfans d’un second mariage, ce que le pere donneroit étant rapporté par moitié les enfans du second lit auroient cet avantage de prendre une moitié du chef de leur mere. Greard défendoit pour Renvoisé, disant qu’une mere pouvoit s’obliger pour le mariage. de sa fille, et que cette obligation étant bonne c’étoit une dette qu’elle avoit contractée, que suivant nos Maximes le mary qui acquite les dettes de sa femme n’est point reputé luy faire un avantage : Je repliquois que la mere pouvoit s’obliger à la contribution du mariage de sa fille, on ne pouvoit pas neanmoins conclure de-là que cette simple promesse étant demeurée sans effet la femme n’ayant rien payé, mais le mary seul, elle eût cette force et cette vertu de former et de luy acquerir un bien maternel pour faire corps en sa succession et passer à ses heritiers ; que cette promesse de la femme étoit conditionnelle, que n’ayant rien payé on ne pouvoit pas dire que le mary eût acquité sa dette ; quand le mary paye la dette que sa femme a contractée avant le mariage ce n’est pas une donation, car le mary joüissant du bien de sa femme suum negotium gerit non solius uxoris en déchargeant ce bien-là : mais quand il donne par avancement de succession une portion de son bien il demeure toûjours un bien pater-nel, et la femme n’y a point de droit et de part. Lors de la plaidoitie nous citions deux Arrests qui avoient jugé la question pour et contre ; celuy que Renvoisé alléguoit à son avan-tage avoit été donné en la même Grand. Chambre peu de temps auparavant, au Rapport de Mr Salet et contre son avis, le 27. de Février 1669. il n’y avoit que cette seule difference que la femme avoit survécu son mary, ce qui n’étoit point considérable : celuy dont je m’aidois avoit été donné en la Chambre des Enquêtes le 23. de Février 1666. mais les mêmes Juges qui avoient assisté à l’Arrest donné au Rapport de Mr Salet ayant examiné la question, la Cour mit l’appellation et ce, &c. et ayant égard aux Lettres de récision Renvoisé fut condamné de rapporter les deux mille livres à la succession du pere, par Arrest du 20. d’Aoust 1669.

Cet Arrest a été confirmé par un second donné aussi en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr Fermanel, le 20. de Juin 1670. entre Philippes du Val et consorts, et Thomas et René du Hamel, bien que du Val et ses consorts eussent consenti par leurs écrits devant les premiers Juges de rapporter à l’une et à l’autre succession.

Par ce même Arrest on decida cette autre question : Me Jean du Hamel avoit reservé ses filles à sa succession en les mariant, à l’exception de Françoise et Anne du Hamel, et pour les recompenser il donna à sa petite-fille Elisabeth Neveu, fille d’Anne du Hamel, la somme de trois mille livres : Thomas et René du Hamel partageans sa succession avec les filles reservées, elles soûtinrent que les filles mariées non reservées faisant part au profit des freres ils devoient rapporter non seulement ce que ces seurs non reservées avoient eu en mariage, mais qu’il falloir aussi comprendre en ce rapport les trois mille livres donnez à la petite-fille d’Anne du Hamel. On disoit qu’encore qu’autrefois on eût douté de la validité de ces donations, néanmoins que depuis on les avoit approuvées, pourvû que ce qu’on avoit donné à la mere et à sa fille n’excedat point sa legitime : D’où l’on inferoit que la mère et la fille n’étoient considerées que comme une feule personne, puis qu’on ne pouvoit donner à la petite-fille que jus-qu’à la concurrence de la legitime de la mere, et c’est pourquoy l’on ne considere pas ces donations comme des liberalitez, parce qu’elles ne pourroient subsister, mais on repute qu’el. les font une partie de la legitime ; que si la donation faite à la petite-fille ne subsiste que comme étant faite à la mere et à condition qu’elle n’excede point sa legitime, quand il s’agit de rapporter ce que la mère a cu on ne doit pas y comprendre seulement ce qui luy a été donné, mais aussi tout ce qui a été donné à ses enfans : Ces raisons auroient sans doute prevalu, mais la question fut décidée par une clause particulière ; il étoit porté par la donation qu’en cas ju’Elisabeth Neveu mourût sans enfans, l’ayeul vouloit que la donation retournât à luy et ses hoirs : par ce motif les Juges se porterent à décharger les freres du rapport, la donation n’étant point faite à la mere ny aux siens ; en ce cas la donation étoit directement contraire à l’Article CCCexXXI. mais on ne disputoit pas la validité de la donation, il s’agissoit seulement de sçavoir si les freres étoient obligez de la rapporter Par ce même Arrest il fut encore jugé que les rentes constituées dont les debiteurs avoient leurs biens dans la Province du Mayne seroient partagées suivant la Coûtume du domicile du pere qui étoit en Normandie, parce que la succession y étoit échûë suivant les Arrests que j’en ay remarquez ailleurs, et suivant cela les filles reservées avoient part égale, mais celles qui ne l’étoient point ne faisoient point de part au profit des fretes à l’effet de prendre du chef de leur seur une part égale aux rentes du Mayne ; et il fut aussi jugé que le pere ayant donné des rentes qui luy avoient été retrocedées par ses gendres pour de l’argent, les freres ne devoient rapporter que des rentes et non de l’argent, sur ce principe que toutes donations. faites par un pere à son fils sont reputées avancement d’hoitie, collata in liberos à patre donatio censetur pars quedam futurae successionis : On a jugé qu’une somme d’argent promise par un pere par avancement de succession étoit un propre et un immeuble. Un pere en mariant son fils luy promit mille livres par avancement de succession, et où il ne la payeroit pas lors de a celebration du mariage, il s’obligeoit d’en payer l’interest. Aprés la mort de ce fils une fille unique qu’il avoit laissée mourut aussi peu de jours aprés. Barbe de Ilsle, mére de cette filles demanda cette somme de mille livres comme étant un meuble, dont il luy appartenoit la moitié comme heritière de son mary, suivant l’usage local de la Vicomté d’Evreux, et l’autre moitié comme héritière de sa fille : Le pere répondoit que cette somme de mille livres ne pouvoit être censée meuble, ce qu’un pere donne à son fils est un avancement d’hoirie, et tout ce qu’elle y pouvoit pretendre étoit le tiers en doüaire, ce qui ayant été jugé de la sorte devant le premier Juge : Sur l’appel on mit les parties hors de Cour, en la Grand. Chambre de 5. de Juillet 1646. plaidans le Févre, et Lesdos.

Enfin l’on peut douter si la prohibition portée par cet Article d’avantager un de ses enfans plus que l’autre est au profit des créanciers, ou si elle n’a lieu qu’entre coheritiers : On sieut dire que quand la Coûtume défend de donner à un enfant plaes qu’à l’autre, cette pronibition ne concerne que les cohcritiers aequalitatis causa, et non point les créanciers. il en faut user comme dans le cas d’une renonciation, où l’on est obligé de rapporter tout ce que l’on a reçû de ses pere et mère, mais ce rapport n’est introduit qu’en faveur des heritiers pour conserver l’égalité entr’eux, et il ne se fait jamais en faveur des créanciers les heritiers blessez par les avantages faits à un coheritier : On répond pour les créanciers qu’ils peuvent exercer toutes actions de leurs debiteurs, ce qui est si vray que si le de-piteur renonce ou ne veut pas accepter une succession qui luy est échûë, les créanciers se peuvent faire subroger en son lieu, Article CCLXXVIII. la raison est que la bonne foy du commerce ne permet pas que des debiteurs puissent impunément tromper leurs créanciers qui ont contracté avec eux sur l’esperance des biens qu’ils devoient posseder un jour ; de sorte que quand les debiteurs refusent de se servir du pouvoir que la Coûtume leur donne pour reparer le tort qui leur a été fait il doit être permis à leurs creanciers de le faire en leur place ; que s’ils ont droit de se faire subroger pour prendre une succession que leur debiteur refuse d’accepter, ils sont beaucoup plus recevables à demander la revocation d’un acte fait contre la disposition de la Coûtume.

Les dernieres paroles de cet Article, réservé le tiers en Caux, ont fait naître cette difficulté, si le puisné donataire en la Coûtume de Caux pouvoit être poursuivi personnellement pour les dettes du pere : Un particulier du païs de Caux donna à son puisné quelques héritages pour la part qui luy pouvoit appartenir en sa succession : ce puisné étant executé en ses biens pour une dette de son pere par la Demoiselle de Roesse il y forma opposition, dont ayant appellé devant le Bailly il fut dit à tort l’execution : Sur l’appel Carué pour la Demoiselle de Roesse disoit que toutes les donations faites par les peres à leurs enfans étoient reputées avanrement d’hoiries, d’où il s’ensuivoit que ce puisné donataire ne possedoit que pro herede, ce qui l’obligeoit personnellement comme heritier de son pere s’il ne vouloit renoncer à la donation, qu’il ne pouvoit se prevaloir des paroles de cet Article, que toutes donations d’un pere à ses enfans sont reputées avancement d’hoiries, réservé le tiers en Caux : Ces dernieres paroles, reservé le tiers en Caux, ne veulent pas dire que les donations faites par les peres en la Coû-tume de Caux ne doivent point être reputées avancement d’hoities : leur véritable sens est que quoy que les peres ne puissent faire avantage à un de leurs enfans plus qu’aux autres, neanmoins dans la Coûtume de Caux il peut avancer un de ses puisnez du tiers de son bien au prejudice des autres : Lyout répondoit pour l’Intimé qu’il possedoit ces héritages pro donato, non pro herede, que cet Article décidoit expressément que cette donation d’héritage en Gaux à un puisné n’étoit point reputée avancement d’hoitie, mais une simple donation à cause de laquelle il n’étoit obligé aux dettes de son pere qu’hypothecairement : Par Arrest en la Gtand-Chambre du 2. de Decembre 1650. la Cour en emendant la Sentence du Bailly ordonna que celle du Vicomte sortiroit son effet.


CCCCXXXV.

Donation contre la Coûtume dans quel temps revocable.

Les heritiers peuvent revoquer les donations faites contre la Coûtume, dans les dix ans du jour du decez du donateur s’ils sont majeurs, et dans dix ans du jour de leur majorité, autrement ils n’y sont plus recevables.

La revocation permise par cet Article et qui doit être faite dans les dix ans du jour de la mort du donateur on de la majorité ne s’entend que des donations faites contre la Coûtume : les revocations fondées sur l’ingratitude ne sont point restreintes à un certain temps, et il n’en est pas question en cet Article.

Ce mot d’heritiers nous apprend deux choses ; la premiere, que le donateur ne peut revoquer ce qu’il a donné quoy qu’il l’ait fait contre la Coûtume, car cette faculté n’appartient qu’aux heritiers ; la seconde, que cette action revocatoire ne peut être exercée par les parens du donateur, c’est à. dire par ses heritiers presomptifs, il faut être effectivement heritier pour exercer cette action. Il semble que la revocation des donations contraires à la Coûtume ne roit point necessaire, quia quoties lex certam formam prascribit et non servatur, actus corruit et Argentré est ipfo jure nullus, Argent. l. cum hi 8. 5. 17. D. de Transact.

Cela peut être vray pour les donations absolument nulles et qui blessent l’interest publie ou les bonnes moeurs, mais pour les donations qui ne pechent que dans lexcez et que la Loy ne reprouve qu’à certains égards et pour le seul interest des heritiers, de sorte qu’elles peuvent valoir et subsister par leur approbation, il étoit raisonnable d’obliger les interessez à s’en laindre dans un certain temps ; et comme les donataires peuvent être plus ou moins favorables, la Coûtume pour cette raison a prescrit des termes plus courts ou plus longs pour re-voquer ces donations selon la faveur des donataires, l’Article CCCCXXXVII. nous en fournit un exemple, et nous en avons vû un autre en l’Article CCLIV. où la Coûtume oblige les freres à revoquer dans l’an et jour du decez du pere ou de leur majorité la donation l’héritages faite par le pere à sa fille.

Il est vray que pour les meubles l’exception en peut être opposée toutefois et quantes qu’ils sont demandez lors qu’ils sont encore dûs, ce qu’on induit de l’Article CCL. V. où la Coûtume permettant aux freres de reduire la donation d’argent et de meubles promis par le pere quand ils sont encore dûs, elle ne limite aucun temps pour le faire ; mais la difficulté a été grande pour les rentes constituées, pour sçavoir si la donation on devoit être revoquée dans l’an et jour comme celle des héritages, ou si on le pouvoit faire dans les dix ans ; Sile vere avoit constitué la rente sur ses biens, le frere, à mon avis, pourroit aea faire reduire toutefois et quantes qu’elle luy seroit demandée, nam quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum ; mais quand le pere a cedé des rentes à prendre sur des particuliers, on a jugé au Rapport de Mr Auber que la revocation devoit en être faite dans les dix ans, parce que souvent on n’en a point de connoissance, et qu’il n’en est pas de même comme des héritages qui ont une assiete visible et certaine.

On a pareillement jugé au Rapport de Mr le Coigneux en 1622. qu’un legataire qui n’avoit point demandé son legs dans les dix ans ne pourroit en empescher la reduction en vertu de cet Article qui ne s’entend que de la donation où le donateur est dessaisi, et non des legs testamentaires, que l’heritier n’a interest de contester que lors qu’ils luy sont demandez.


CCCCXXXVI.

Partie de succession ne prive de la donation du tiers.

Celuy qui a fait don par avancement de succession de partie de ses biens n’est privé de donner le tiers du reste de ses héritages à personne étrange, ou qui n’attend part en sa succession,

Il est évident par cet Article que tout ce qui est donné par avancement de succession n’est point censé une pure liberalité, puis que la Coûtume permet de donner le tiers de ce qui este, ce qui decide cette question qu’à quelque titre que l’heritier prenne une succession pro donato aut pro herede c’est toûjours un propre. Berault sur cet Article se fondant sur l’Arrest de Falla qu’il a remarqué sur l’Article CCLII. dit que la donation faite à la fille par le pere ou la mère depuis son mariage ne peut subsister, mais cet Arrest de Falla n’a jamais été suivi-


CCCCXXXVII.

Donation d’héritage au batard quand peut être revoquée.

Nul ne peut donner à son fils naturel partie de son héritage, ne le faire tomber en ses mains directement ou indirectement, que les heritiers ne le puissent revoquer dans l’an et jour du decez du donateur.

En consequence de ces paroles, nul ne peut donner à son fils naturel on a douté si la fille y est comprise ; Là-dessus les Docteurs ont agité la question, an masculinum concipiat femininum ? Du Moulin a fait distinction entre les Coûtumes et les Contrats, de feud. 8. 19. gl. 1. n. 1. et sequent. Bartole et Alciat ont aussi traité cette matière sur la Loy premiere, et sur la Loy Pronunciatio de verb. signif. D’autres ont fait différence inter filios et liberos ; les uns veulent que sous ce terme de fils les filles ne soient point comprises, mais que le mot d’enfans comprend l’un et l’autre sexe. Du Moulin a rejetté cette opinion, et veut sub nomine iliorum filias etiam contineri, quia regulariter masculinum concipit femininum, et on le pratique de la sorte. On a aussi douté si sub nomine filiorum nepotes continentur. La Loy Quid si nepotes, D. de testament. tutela y est formelle : Quid si filios dixerit nepotes non continentur ; et l’addition à la Glose sur la Loy Lucius Titius de leg. 3. contient ces noms, si testator ita prohibuerit ne filit falienent, nepotes non continebuntur. Il est vray que par la l. 84. de verb. signif. filii appellatioue iberos omnes intelligimus.

Pour concilier ces Antinomies apparentes, Alciat en ses Paradoxes, l. 3. c. 14. dit qu’in legis difpositione tam in favorabilibus quam in odiosis filiorum appellatione nepotes continentur, sed in hominum dispositionibus, comme les Testamens et les Contrats non intelliguntur, quia in hujusmodi actibus non fit extensio. Du Moulin est de ce sentiment, qu’in benigna legis interpregatione filiorum appellatione nepotes continentur, ce qui est plus equitable.

Cet Article termine cette question si célèbre au Parlement de Paris, si les bâtards sont capables de donations universelles, 2. part. du Jour. des Aud. l. 4. c. 46. Nôtre Coûtume les mprouve absolument, et elle ne permet pas même à un pere de donner à son fils naturel une partie de son héritage directement ou indirectement, toutefois elle favorise ces lonations en ce point, que les heritiers sont tenus de les revoquer dans l’an et jour du decez du donateur ; et bien que cet Article soit placé sous le Titre des Donations entre vifs, la même prohibition a lieu pour les donations testamentaires.

Cette défense de donner s’étend indistinctement à toutes sortes de bâtards : Bien qu’ils ne soient pas tous également defavorables à cause de l’état different de leurs peres et meres, ceux qui sont issus d’une conjonction incestueuse ou adulterine étant beaucoup plus odieux que ceux dont les peres n’étoient point engagez dans le mariage, toutefois tous bâtards de quelque condition qu’ils soient sont incapables de toutes donations d’héritages de leurs peres et meres : leur condition est égale, et l’on doit leur fournit indistinctement les alimens quelque odieuse et detestable que soit la conjonction qui leur a donné l’être ; ces alimens se reglent selon la Jualité des peres et les biens qu’ils possedent, on les accorde un peu plus largement contre des heritiers collateraux que contre les enfans legitimes.

Puis que la Coûtume ne permet pas au pere de donner à son fils naturel aucune partie de ses immeubles, il est obligé neanmoins de le mettre en état de gagner sa vie. On a jugé au Parlement de Paris que ce n’étoit pas assez à un pere d’avoir fait apprendre métier à une fille naturelle, et qu’elle peut encore demander des alimens ou une somme par forme de doti 2. partie du Journal des Audiences, l. 1. c. 24. On a même jugé qu’il y avoit une obligation naturelle du pere de nourrir ses filles adulterines ; mais comme une fille étant en âge d’être mariée n’a plus besoin d’alimens, l’opinion des Docteurs a été que celuy qui devoit les alimens devoit la dot, parce qu’autrement une fille seroit reduite à se prostituer, ibid. Voyez les Arrests de ce Parlement que j’ay remarquez sur l’Article CCLXXV.

La Jurisprudence Romaine a extrémement varié sur cette matière, ce qui a donné lieu à Mr d’Argentré de faire une forte déclamation contre l’inconstance de ces Loix, Art. CCCCI.

En cette Province quoy que la donation d’héritages en faveur des bâtards soit défenduë, on favorise néanmoins autant qu’il fe peut les dons qui n’excedent point ce qui est necessaire pour seur subsistance, et sur tout ce qui est donné pour le mariage des filles.

Un pere en mariant sa fille naturelle luy donna six cens livres, dont il en paya quatre cens comptant, et pour les deux cens livres restans il les constitua sur luy en vingt livres de rentes ses heritiers se défendirent du payement de cette rente, pretendant que sous le mot d’heritares les immeubles tels que les rentes constituées étoient comprises, et que ce cas tomboit sous le terme indirectement ; un homme donnera beaucoup d’argent pour le payement duquel il se constituëra en rente, et celuy qui se constituë en rente vend à prendre sur tous ses biens, ce seroit eluder ouvertement la disposition de cet Article ; au contraire il fut remontré que cette comme ayant été promise pour le mariage d’une fille elle étoit favorable, et que d’ailleurs les deux cens livres auroient pû être aisément prises sur les meubles ; cette affaire néanmoins pour la consequence demeura partagée.

Ine semblable question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 17. de Juillet 167r.

De Houderot avoit donné par son testament soixante livres de rente à son bâtard, et quarante livres de rente à sa bâtarde à prendre sur tous ses biens ; le sieur de Houdetot son heritier rollateral contredit la donation, et l’affaire avoit été portée au Bureau des Pauvres Valides de Roüen, dont le sieur de Houdetot ayant appellé comme d’incompetence, du Hamel soûtenoit que le Bureau ne pouvoit connoître de la validité d’un testament, au principal il con-eluoit suivant cet Article que le legs étoit nul, le pere n’ayant pû donner une rente non plus qu’un héritage par un testament qui d’ailleurs étoit nul n’ayant point été lû, que cette rente étant à prendre sur tous les biens et ne s’étant point trouvé de meubles c’étoit véritablement lonner un héritage, puis que les héritages du testateur en demeuroient chargez : Louvel pour ces bâtards répondoit qu’on ne pouvoit contester les dons qui n’excedoient point ce qui étoit necessaire pour les alimens, il alléguoit même que le testateur avoit laissé plus de meubles qu’il n’en falloit pour executer la donation, et l’heritier les ayant pris sans inventaire il l’étoit pas recevable à alléguer le contraire ; il s’aidoit aussi des Arrests rapportez par Bérault sur l’Article CexLVI. et sur cet Article, qui ont confirmé des donations d’immeubles faites aux filles naturelles pour les marier : Par l’Arrest il fut dit mal, nullement et incompetemment procedé par le Bureau, et faisant droit au principal la donation declarée nulle, et nean-noins on ajugea quarante livres de rente à la fille naturelle, pour laquelle il luy seroit payé quatre cens livres pour la matier, et on ajugea soixante livres de pension au bâtard jusqu’à ce que l’heritier luy eût fait apprendre un mêtier pour gagner sa vie ; et au surplus défenses leur furent faites de prendre le nom de Houderot.

Par autre Arrest du 12. de Juillet 1661. plaidans Renaut et Doublet, on ajugea à un bâtard adulterin cent livres de rente viagere sur la succession du pere, alimeaetorum prestatio pulsat verecundiam, quelque odieuse que soit la naissance, l. Pecuniae, S. De aliment. legat.

Le sieur de Soqueville, Major dans le Château de Dieppe, donna à sa bâtarde six cens livres de rente viagere, le tuteur de ses enfans contesta cette donation, il disoit même qu’elle excedoit la legitime : Je répondois pour cette fille que cette rente étant viagere et pour la ma-rier elle luy tenoit lieu d’alimens, qu’il y avoit une obligation naturelle du pere de la pourvoir, et qu’au surplus elle n’étoit point excessive : Par Arrest du 11. de Juillet 1653. on redui-it par provision la donation à quatre cens livres de rente en attendant l’estimation des biens du donateur ; Pilastre plaidoit pour le tuteur.

Ces donations quand elles ne sont point excessives sont si favorables, que pour peu que l’heritier les ait approuvées ou consenties il n’est plus recevable à les contester. Le Chevalier, sieur de Sainte Marie, donna tous ses meubles à son bâtard et à sa bâtarde ; depuis craignant qu’aprés sa mort le sieur de Sainte Marie son frère ne s’emparât de tous ses meubles, il leur donna par un autre Contrat un héritage de peu de valeur en la presence et du consentement de son frere son presomptif heritier, qu’il déclara saisir de tous ses autres immeubles : cette donation fut insinuée du consentement même de l’héritier ; le sieur de Sainte Marie aprés la mort de son frere fit prendre la succession par benefice d’inventaire à une certaine niéce, et sous son nom il fait casser la donation faite à ses bâtards avec un valet qu’il leur avoit fait nstituer pour tuteur, depuis il se porta heritier absolu, et mariant cette bâtarde il luy donna seulement deux cens livres ; le batard devenu majeur appella de cette Sentence, et remontroit par Noleval son Avocat que cette donation d’immeubles avoit été substituée à la dona-tion des meubles, n’ayant changé la donation de meubles qu’en consequence du consentement de lheritier, et ce consentement étoit d’autant plus fort qu’en faveur d’iceluy son frere favoit saisi de tous ses immeubles, ainsi il ne pouvoit alléguer qu’il n’y avoit consenti que par force et dans la crainte que son frere ne le privât du surplus de son bien. Lyout pour le sieur de Sainte Marie se fondoit sur la disposition expresse de cet Article, et maintenoit que le consentement donné par l’heritier presomptit du vivant de celuy dont il esperoit la succession n’é-roit pas valable, parce que l’on presumoit qu’il n’étoit point volontaire, de sorte qu’il n’étoit point privé de vouloir faire annuller ce qui avoit été fait contre la disposition de la Loy : Par Arrest du 29. d’Avril 1659. la Sentence fut cassée, et la donation confirmée avec restitution de fruits du jour de l’action, en rendant au sieur de Sainte Marie ce qu’il avoit payé pour le mariage de la fille ; les circonstances particulieres porterent la Cour à confirmer la donation.

Par ce même principe suivant l’Arrest rapporté par Bérault on confirma la donation de cinq cens livres de rente faite par un Prêtre à son bâtard, et le motif de l’Arrest fut que les heritiers avoient agréé la donation, et que les meubles leur étoient demeurez que le pere auroit pû donner à son bâtard ; les Parties étoient Hervé Brazard, heritier aux acquests de acques Marguerie, et Moulagni, fils naturel dudit Marguerie.


CCCCXXXVIII.

Bâtards, de quelles donations sont capables.

Et neanmoins les bastards sont capables de toutes donations d’autres personnes que de leurs peres et meres.

On apprend par cet Article que les bâtards ne sont pas incapables de donations, et que la trohibition de leur donner portée par l’Article precedent n’est pas fondée sur une incapacité. naturelle ; mais la Coûtume a sagement prevû que les peres par un dereglement d’esprit pourroient avoir des affections plus fortes pour leurs bâtards que pour leurs enfans legitimes, et que pour cette raison il n’étoit pas juste de leur laisser cette liberté de leur faire tels avantages qu’il leur plairoit,

Me Josias Berault ayant proposé la question, si les bâtards sont capables de recevoir les dons ui leur sont faits par leurs ayeuls, conclud pour la negative. Godefroy a tenu l’opinion contraire ; mais celle de Berault me semble plus conforme à l’esprit de la Coûtume, et la pro-ibition faite au pere doit s’étendre à layeul, quoy qu’on ne puisse pas craindre tant de dereglement de sa part, autrement on pourroit faire indirectement ce que la Coûtume défend


CCCCXXXIX.

Mineurs et autres êtans en puissance d’autruy, s’ils peuvent donner, et à qui ?

Les mineurs, et autres personnes étans en puissance de tuteur, gardain, ou curateur ne peuvent donner directement ou indirectement au profit de leurs tuteurs, gardains, ou curateurs leurs enfans ou presomptifs heritiers, meubles ou immeubles pendant le temps de leur administration, et jusques à ce qu’ils ayent rendu compte, ny mêmes à leurs pedagogues, pendant le temps qu’ils sont en leur charge.

La prohibition de donner aux tuteurs est fondée sur le pouvoir et l’autorité que les personnes nommées en cet Article ont sur ceux qui leur sont soûmis : la volonté libre est l’ame de la donation, mais la liberté n’est jamais presumée lors que le donateur dépend de celuy qui doit profiter de la donation, et à l’égard du don que le mineur seroit à son tuteur, cette proibition de donner est d’autant plus juste que le pupille n’agissant que par les organes de son tuteur, ce seroit luy à proprement parler qui feroit la donation.

Mr Jean Ricard en son Traité des Donations, p. 1. c. 3. sect. 3. n’approuve point cette raison, et il s’étonne que nos Auteurs se soient laissez emporter à dire aprés Mr Bourdin, que la raison de l’Ordonnance d’où cet Article est tiré procede de cette regle du Droit Civil, qu’un tuteur ne peut autoriser son pupille en son propre fait, et que si le mineur ne peut disposer au profit de son tuteur, c’est par la raison que le tuteur ne peut pas prêter son autorité pour les choses qui le concernent, puis que rien n’empesche que pour cette cause on ne uy crée un autre tuteur

Mais lintention de l’Ordonnance n’a pas été d’empescher absolument que le pupille ne donnât à son tuteur s’il y étoit obligé et que sa famille trouvat à propos de le faire, elle n’a dé-endu que les donations que le tuteur exigeroit luy seul de son pupille et en l’absence de toute sa parenté, et en ce cas il est vray de dire que cela ne se peut par cette raison, que le tuteur autoriseroit son pupille en son propre fait,

Cet Article n’étoit pas necessaire, lOrdonnance de François l. Article 131. y étant expresse, plusieurs autres Coûtumes contiennent une pareille disposition.

Lors que la qualité de tuteur se rencontre en la personne des peres et des meres, il ne faut pas la considerer pour en induire une nullité des donations qui leur seroient faites par sieurs propres enfans, car apparemment l’Ordonnance et la Coûtume ne parlent que des tuteurs étrangers et non des peres et meres tuteurs de leurs enfans, que l’on ne peut raison nablement soupçonner de vouloir profiter du bien de leurs enfans par de mauvaises voyes.

Mr Bourdin en son Commentaire sur l’Ordonnance de 1539. en a excepté les peres et les meres, et cette exception a paru si juste aux Reformateurs de la Coûtume de Paris, que par l’Article 276. aprés avoir étably cette même Loy que l’on ne peut disposer au profit de ses tureurs ont ajoûté ces paroles, peuvent toutefois difposer au profit de leurs pere et mere, encorep u’ils soient de la qualité susdite, pourvû que lors du testament et decez du testateur ledit pere et mere ne soient remariez

Je ne pense pas aussi qu’il faille étendre cette prohibition de donner au tuteur à celuy que nous appellons tuteur consulaire, car toute sa fonction consistant à donner avis au tuteur prinsipal lors qu’il en est requis, et n’ayant point l’administration des biens du pupille ny la con-duite de sa personne, et par consequent n’ayant aucun compte à luy rendre ny aucun pouvoir sur luy, la raison de l’Ordonnance et de la Coûtume cesse entièrement Quelques-uns sont de ce sentiment, que les enfans du tuteur sont capables de donations de la part du pupillesrs que leur pere est mort, bien qu’ils n’ayent pas encore rendu compre, Ordonnance ny la Coûtume ne comprenant point expressément les enfans du tuteur, et qu’elle n’a été étenduë jusqu’à eux par l’interpretation des Arrests qu’entant que par l’interposition de leurs personnes le tuteur pourroit en profiter directement ou indirectement ; de sorte que cette consideration cessant par sa mort l’effet en doit aussi cesser, puis que les persuasions et l’autorité ne sont plus à craindre

Mais la Coûtume ayant improuvé ces donations jusqu’à ce que le compte ait été rendu, l’on ne peut dire que le motif en ait cessé en la personne des enfans du tuteur jusqu’à ce que le compte ait été rendu. Ces donations ne sont pas défenduës par cette seule raison, que les persuasions et l’autorité du tuteur induiroient aisément le pupille à donner, on a encore con sidéré que le pupille avant la rendition de son compte ignore sa fortune, ce qui fait qu’il donne aveuglement ne sçachant pas ce qu’il fait, et s’il est en état de pouvoir donner. Or cette consideration doit valoir contre les enfans du tuteur comme elle auroit eu lleu contre leur peres aussi par cet Article la Coûtume ne prohibe pas seulement de donner aux tuteurs, elle étend sa prohibition à leurs enfans ou presomptifs heritiers, ainsi les enfans et les heritiers étant nommez en la prohibition, tout ce qui est défendu pour le tuteur est aussi prohibé pour eux.

La Coûtume n’ayant prohibé ces donations que jusqu’à ce que le compte soit rendu, est-il encore nécessaire que le reliqua en soit payé en cas qu’il s’y en trouve : On peut dite que le tuteur qui reste redevable a encore entre ses mains le bien de son pupille, ce qui le tient encore en quelque façon dans sa dépendance : aussi la Coûtume Reformée de Bretagne ne por ne pas sa prohibition jusqu’à ce que le tuteur ait rendu compte, il faut encore qu’il ait saisle mineur de ses biens et revenus ; mais la Coûtume ayant limité la prohibition de donner jusqu’aprés le compte rendu il ne faut point l’etendre plus avant : Aprés cela le pupille n’a rien à craindre de la part de son tuteur, et il est parfaitement instruit de l’état de ses affaires ; de sorte que sa volonté étant entièrement libre, on ne doit pas traiter le tuteur comme une personne indigne à qui il est toûjours défendu de donner. Par le Droit Civil le tuteur ne pou-voit point marier sa pupille avec son fils bien que la tutelle fût finie, mais seulement aprés voir rendu compte, l. Si patris, C. de interd. matrimon, aussi la prohibition de donner doit resser aprés le compte rendu, le pupille qui a fait rendre compte à son tuteur n’étant plus presumé capable d’indoction.

Bien que cet Article ne parle que de tuteurs, curateurs et gardiens, on a toutefois étendu la prohibition à plusieurs autres personnes : on y a compris les Novices ; car étant sous la dépendance de leurs Superieurs l’on a presumé qu’ils ne seroient pas capables de leur resister, et sur cette consideration on a déclaré nulles les donations qu’ils avoient faites à leurs Monasteres ; et j’ay remarqué sur l’Article CCCeXII. un Arrest du Parlement, par lequel le legs fait à un Convent dont un des Religieux avoit été le Confesseur de la testatrice avoit été déclaré nul. En effet les Arrests ayant étendu la disposition de l’Ordonnance et de la Coûtume, et aux Medecins et autres personnes qui pouvoient avoir de l’autorité sur les testateurs, il y avoit lieu de l’appliquer aux Novices et à ceux qui disposent en faveur de leurs Confesseurs ou Directeurs : la Loy 20. C. de Epist. et Cler. commença de retrancher ces sortes de Constantin liberalitez, peu de temps aprés qu’elles avoient été permises en faveur de la Religion par l’Empereur Constantin.

Les donations faites aux Juges, Avocats, Procureurs et Solliciteurs sont nulles par le Droit Civil et par la Jurisprudence des Arrests : Nam qui in potestate publica est positus & in honore potest esse terribilis ; mais l’Ordonnance d’Orléans y apporte ce temperament, qu’elles ne sont prohibées que lors qu’elles sont faites par les parties plaidantes devant eux ; de sorte que quand il n’y a plus de procez et qu’il est fini, ces personnes ne sont point incapables de donations : Titio Stichum do, quia patrocinio ejus liberatus sum ; la liberalité devient juste en ce temps. où la crainte et la necessité ont cessé.

On fait encore cette distinction pour les Avocats et les Procureurs, qu’il ne leur est pas ermis de traiter avec leurs Cliens par Contrats ou Promesses pendant le cours du procez mais pour les testamens qui ne sont confirmez que par la mort, ils en sont capables, leur miistere et leurs fonctions n’étant plus necessaires aux testateurs ;Boniface , t. 2. l. 1. Tit. 1. c. 2.

Sur ce principe l’on confirma la donation faite à Me Adrian Dehors Avocat en la Cour : La Dame de Bacqueville aprés la mort du sieur de Freulleville son mary commit le soin de toutes ses affaires à Me Adrian Dehors qui étoit son conseil, et auquel elle confla tous les titres de son bien : Pour recompense des services qu’il luy avoit rendus elle luy donna le tiers de ses biens, et par son testament qu’elle fit deux jours seulement avant sa mort, aprés quelques legs particuliers elle fit son legataire residuaire le frère dudit sieur Dehors, et donna à la fille tinée dudit sieur Dehors Avocat la somme de mille livres : Francier, sieur de Jumigni heritier de cette Dame, contesta la donation et le testament : sur son appel qui declaroit l’un et fautre valable, Dubose son Avocat fondoit la nullité de ces donations sur la qualité de Me Adrian Dehors, étant l’Avocat et le depositaire de toutes les écritures de la donatrice, ce qui le rendoit incapable de la donation, suivant cet Article qui devoit être étendu aux Avocats qui n’ont pas moins de pouvoir et d’autorité sur les personnes qui ont besoin de leb secours que les Medecins en ont sur leurs mâlades, et c’est pourquoy la donation d’un malade à son Medecin st nulle, l. Medicus de variis, et Extraor. Cognit. et Peleus a remarqué un Arrest du Parlement de Paris contre un Solliciteur qui étoit saisi des pieces, que Me Dehors n’étoit point plus favora le, ayant en ses mains tous les titres du bien de la Dame de Bacqueville, et même la pluspart de ses biens étoient encore litigieux : Me Adrian Dehors défendant sa Cause represent qu’il n’y avoit aucune loy qui déclarât les Avocats incapables de donations, et puis que le Droit Romain ne les avoit prohibées que pour les Medecins, il s’ensuivoit qu’elles étoient permises pour les Avocats, nam qui de uno negat, de aliis affirmat, la seule paction de quota litis est improuvée : d’ailleurs cette donation avoit été faite sans sa participation, et l’on ne pouvoit luy reprocher qu’il l’eût suggerée, et sa qualité de parent plûtost que celle d’Avocat en avoit été le véritable motif, et bien que la donation faite par un malade à son Medecin soit prohibée, outefois celle de parent s’y étant trouvée jointe elle avoit été jugée assez forte pour valider une donation, ce qui devoit avoir lieu à plus forte raison pour celle dont il s’agissoit : Par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre du 28. d’Avril 1654. la Sentence fut confirmée. La même chose fut jugée au Parlement de Paris le 30. d’Avril 1640. la donation faite par une femme veuve de tous ses biens au profit de Me Charles Thomas son cousin, et son Procureur en toutes ses Causes dans le temps même qu’il occupoit pour elle fut confirmée, n’y ayant en ce cas particulier aucune incapacité en la personne du donataire.

La fonction des Medecins et des Apoticaires étant plus necessaire, on a étendu contr’eux la disposition de l’Ordonnance : la Loy Archiatri, C. de Profes. et Medic. ne leur a pas même permis de traiter avec leurs malades de leurs salaires qu’aprés leur guerison ; cela neanmoins ne se doit entendre que du Medecin ordinaire, car un autre Medecin ne seroit pas incapable de donation pour avoir été appellé quelquefois à visiter le donateur en sa maladie, comme le Parlement de Paris l’a jugé, 2. partie du Journal des Audiences, l. 1. c. 40.Cambolas , l. 2. c. 3.

Mais comme les Medecins, les Chirurgiens et les Apoticaires ne doivent pas se prevaloir du besoin que l’on a de leurs fonctions pour exiger des presens ou des obligations de leurs malades, il seroit honteux d’autre côté de payer d’ingratitude le secours et l’assistance qu’ils uroient renduë dans un grand peril et une exirême nécessité. Un Chirurgien en s’étant engagé dans le peril de la maladie contagieuse pour assister un Laboureur nommé le Sage et sa femme, il travailla si heureusement par ses soins et par ses remedes qu’il leur redonna la santé, le Sage pour recompense de ses services luy fit une obligation de quatre cens livres ; mais depuis il en prit des Lettres de récision qui furent entérinées par le Vicomte de Gisors, et bi ordonna que les medicamens fournis par le Chirurgien seroient estimez : Sur lappel le Bailly avoit cassé la Sentence et debouté le Sage de ses Lettres de récision ; le Sage pour ses moyens d’appel disoit que ce Chiruigien étoit déja engagé dans le peril, et qu’il ne luy avoit fait cette obligation que dans la crainte d’être abandonné, ce qui la rendoit nulle ; car si le malade qui n’avoit point d’argent comptant ne promettoit pas ce qui luy étoit demandé, il demeureroit destitué de tout secours, c’est par cette raison que les obligations de cette qualité ont été défenduës ; si Medicus cui curandos oculos qui eis laborabat periculum amittendorum eorum per adversa medicamina inferendo compulit, ut et possessiones suas ager venderet, incivile factum Preses Provinciae coerceat, rém-que restitui jubeat, l. Si Medicus de Extraor. Cognit. D. C’est aussi la decision de la Loy Archatri, c. de Profes. et Medic. La Medecine et la Jurisprudence ont ce rapport qu’elles tendent à la felicité de la vie ; l’une conserve les biens du corps, l’autre les biens de la fortune ; et comme dans les fonctions des Jurisconsultes toute paction sordide est défenduë avant le procez terminé, litis causa malo more pecuniam tibi promissam ipfe profiteris, si vero post causam actam pecunia causa est honoraria summa peti potest usque ad probabilem quaotithuem : De même dans la Medecine c’est une paction illicite d’engager un malade au é payement d’une certaine somme ; ce célèbre Medecin Paracelse ayant exigé une pareille obligation d’un malade dont la guerison étoit fort difficile elle fut declarée nulle, et son falaire fut modéré à une somme proportionnée à son travail : Le Chirurgien reprochoit à l’Appellant son ingratitude, qu’il n’y avoit point d’obligation proportionnée au service qu’il luy avoit rendu, mences officii & eximii laboris inastimabilis, que cessant sa promesse il ne se fût pas engagé dans un si grand peril, siquis aliquem à latronibus vel hostibus eripuerit, & aliquid ab eo pro ipfo accipiat t hec donatio irrevocabilis est, nam merces eximii laboris appellanda, quod saluti contemplatione certo modo astimmari non placuit, l. Si pater, 5. 1. D. de donat. la maladie contagieuse est encore quolque, chose de plus terrible qu’un voleur ou qu’un ennemy : La Cause ayant été appointée au Conseil, par Arrest du 5. de Février 1635. la Sentence du Bailly fut confirmée.

Le Parlement de Tolose a étendu l’Ordonnance jusqu’aux apprentifs ; mais par Arrest donné en la Chambre des Enquêtes au Rapport de Mr d’Anviray, l’on confirma une donation faite par un serviteur à son maître de tous ses biens, à la charge de le nourrir et de payer ses dettes et de le faire enterret ; cet apprentif en ayant pris des Lettres de restitution il en fut debouté.

Cet Article défend de donner directement ny indirectement aux tuteurs, curatenrs et aux autres personnes de cette qualité, ny à leurs enfans et presomptifs heritiers. On donne indirectement en deux manieres, ou par déguisement de Contrats, ou par interposition de per-sonnes : Pour découvrir le déguisement d’un Contrat il ne faut pas s’arrêtes à la forme ou à la denomination que les contractans luy ont donnée ; car s’ils ont déguisé sous le nom de vente une véritable donation, et que cela paroisse par des preuves certaines ou des presomptions violentes, ce Contrat sera pris pour un avantage indirect et sujet à la prohibltion de la Loy si la donation se trouve faite à une personne prohibée et interdite par les Loix de la recevoir, l. 5. 8. si donationes, et S. Circa venditiones, l. 22. 8. Si inter virum & uxor. De donat. inter virum & uxor

L’autre moyen de donner indirectement est par l’interposition de personnes ; mais on demande en quel cas lon doit presumer cette interposition de personnes, et jusqu’à quel degré de parenté elle doit être étenduë à l’effet de rendre une donation nulle ; Par le Droit Romain. cette interposition de personnes n’étoit presumée que contre ceux qui étoient sous la puissance de la personne à laquelle il étoit défendu de donner, l. 3. l. 5. 8. Generaliter, l. 22.

S. Oratio, D. de donat. inter virum & uxor. et régulierement nous ne considerons que deux sortes de personnes qui sont tellement conjointes que leurs interests ne peuvent être separez, comme le pere et les enfans, le mary et la femme : mais la Coûtume n’a pas toûjours suivi ette regle : à l’égard de la femme mariée elle n’a pas restreint l’interposition de personnes et la prohibition de luy donner à elle ou à ses enfans seulement, elle l’a étenduë par l’Artie CCCCXXII. à ses parens generalement, et par cet Article elle borne cette prohibition de donner aux tuteurs et aux autres personnes qu’elle marque à leurs enfans et leurs presomptifs heritiers, hors ces personnes il n’est point défendu de donner à leurs autres parens ; ce n’est pas neanmoins que l’interpofition de personnes ne soit toûjours défenduë lors que la donation est faite pour tourner au profit de la personne prohibée, en ce cas quelque nom que l’on ait emprunté soit de parens ou d’antres la donation ne peut subsister, mais nos Coûtumes ne défendent pas seulement de donner directement ; il n’est pas permis de le faire indi-cectement par l’interposition de personnes, et l’on passe encore quelquefois plus avant, car il est même défendu en quelques rencontres de donner non seulement aux enfans et heritiers presomptifs de celuy qui est interdit de recevoir la donation, mais encore à ses parens.


CCCCXL.

Reduction de la donation de la totalité des acquesis et conquests.

Donation faite de la totalité des acquests et conquests immeubles, ne vaut que jusques à la concurrence du tiers de tous les biens du donateur. Neanmoins où il y auroit divers heritiers au propre, et aux acquests et conquests, la donation de la totalité desdits acquests et conquests ne vaut que pour un tiers des-dits acquests et conquests, nonobstant que ladite donation ait été faite en Contrat de mariage portant cette clause ( que autrement n’eût été fait ) en quelque lieu que le Contrat soit fait et passé.

Soit qu’on donne tous ses propres ou tous ses acquests la donation ne peut exceder le tiers les biens du donateur, et cette liberté de donner est encore restreinte quand le donateur a divers heritiers, les uns au propre, les autres aux acquests ; en ce cas la donation de la totalité du propre ou des acquests se rgduit au tiers du propre, ou au tiers des acquests.

Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le premier de Juillet 1664. par le Contrat de mariage de la nommée Carré avec Toussaint Morel, elle consentoit qu’en cas qu’elle redecedât son mary il joüit de tous ses immeubles ; cette condition étant arrivée Fourneron tainé et Guillon heritiers de cette femme mirent en action le mary pour l’obliger à leur des daisser la joüissance du bien de sa femme ; il s’en défendit en vertu de la clause portée par son Contrat de mariage, si mieux ils n’aimoient luy laisser la proprieté da tiers : Le Vicomte l’ayant jugé de la sorte, sur l’appel le Bailly cassa la Sentence et déclara la donation nulle faute d’insinuation : Morel en ayant appellé, Mautry son Avocat disoit que l’usufruit étoit in immeuble qui reçoit estimation, et comme la Coûtume permet de donner le tiers de ses immeubles il avoit pû donner l’usufruit de tout son bien, pourvû qu’il n’excedat point la vaseur du tiers, ce qu’il confirmoit par l’autorité de M’d’Argentré sur l’Article 218. de la Coû-tume de Bretagne, gl. 5. n. 18. Certum est usumfructum inter bona immobilia haberi, ideoque in bonorum immobilium ineunda quantitate estimationem recipere, l. Corruptionem, C. de usufr. Je défendois pour les Intimez, et representois que les donations ne sont point soûtenuës d’aucune faveur par nôtre Coûtume, et qu’on ne faisoit jamais d’extension favorable des paroles de la Loy pour les faire valoir, sur tout quand il ne paroissoit point que le donateur eût en intention de donner autre chose que ce qu’il avoit designé : le Contrat de mariage ne parloit oint de donation, il étoit seulement porté que la femme consentoit qu’en cas qu’elle mourût la premiere, son mary joüit de tous ses immeubles. Or il y avoit une difference con-fidérable entre consentir une simple joüissance et donner une proprieté ; le don de l’usufruit étoit incertain et conditionnel, il pouvoit arriver que le mary seroit mort avant sa femme, pu que leur mariage eût duré si long-temps que l’usufruit eût été de courte durée ; la dona tion de la proprieté étant beaucoup plus importante, on ne doit pas la faire valoit par exrension ou par equipollence, elle doit être faite en termes exprés : la femme donc n’ayant donné u’un usufruit qui est un immeuble il faut en reduire le don au tiers, et comme si l’on avoit donné le tiers des propres par testament on ne pourroit pas transferer cette donation sur les cquests, sur ce pretexte que l’on peut en donner le tiers par testament ; il faut dire la même hose en cette rencontre, que la femme n’ayant donné que de l’usufruit on ne peut demander que de l’usufruit, sur tout quand il paroit que le donateur n’a point eu l’intention de dis-oser de la proprieté de ses immeubles : ainsi aprés la déclaration des heritiers qu’ils ne s’atrétoient point au défaut d’insinuation, vû que par la jurisprudence des Arrests l’insinuation n’étoit point necessaire pour la donation que la femme fait au mary, et qu’ils consentoient qu’elle eût effet pour le tiers de l’usufruit : On cassa les Sentences du Bailly et du Vicomte et en reformant la donation fut reduite au tiers de l’usufruit ; on jugea la question generale : Voyez un Arrest sur l’Article CCCex. qui semble contraire, mais dans l’espèce de cet Arress a donation étoit expresse, dans celle-cy la femme consentoit simplement que son mary joûit lurant sa vie de ses immeubles.

Les dernieres paroles de cet Article marquent que la Coûtume est réelle, car elle déclare qu’en quelque lieu que le Contrat soit fait et passé on ne peut exceder sa disposition ; et quoy que le donateur n’y ait point son domicile, et que même il n’en soit point originaire, et que par consequent la Coûtume n’ait point de pouvoir sur sa personne, il ne peut toutefois disoser des immeubles qui ont leur assiete dans son détroit que conformément à sa dispo-dition.


CCCCXLI.

Tiers donné de tous les biens comme se prend.

Celuy auquel donation a été faite du tiers de tous les biens doit avoir la tierce partie du propre, et la tierce partie des acquests et conquests du donateur.

Suivant l’Arrest de du Cesne rapporté par Berault sur cet Article, on a jugé que la donation de certains biens, certorum corporum, étoit bonne quand elle n’excedoit point le tiers de tout de bien, encore bien qu’elle emportât tous les biens maternels, et le donataire dans son plaidoyé sembloit demeurer d’accord que si le donateur avoit donné la totalité de ses biens naternels, en ce cas la donation eût été reductible au tiers du bien maternel ; cela peut être soûtenu par argument tiré de l’Article precedent, où lors qu’il y a diversité d’heritiers ar propre et aux acquests le don de la totalité des acquests ne vaut que jusqu’à la concurrence du tiers des acquests : mais il y a quelque difference, car la Coûtume ne fait à l’égard d’une même personne que de deux sortes de biens, les propres et les acquests, et comme on succede diversement à ces biens-là, quand il y a diversité d’heritiers, elle n’a point permis qu’on s-pûst donner entièrement tous ses propres ou tous ses acquests ; mais étant deux successions différentes en deux manieres par la nature des biens et par la qualité des personnes, en ce cas pour ne donner pas ouverture à frustrer entièrement un heritier de la succession qui luy revenoit, on a trouvé juste de ne permettre que la donation du tiers du propre ou des acquests, comme si le défunt n’avoit eu qu’une sorte de bien du propre ou des acquests. On ne peut dire la même chose des heritiers paternels et maternels ; la succession est véritablement fort differente pour les personnes, mais pour le bien à l’égard du défunt ce n’est qu’un propre, unicum patrimonium, par consequent il peut en disposer du tiers, autrement on seroit diverses sections du bien d’une même personne pour l’empescher de donner le tiers quoy que la Coûtume luy donne cette liberté. C’est neanmoins le sentiment de Godefroy ; mais la Coûtume n’a point obligé les donateurs à conserver une égalité entre les heritiers paternels et maternels.

Mr d’Argentré dit que cette même question fit grand bruit en Bretagne, pour une donation faite par Messire Jean de Laval Comte de Châteaubriand, de certaines terres, ce qui n’excedoir pas le tiers de son bien : les heritiers du côté et ligne d’où procedoient les choses données pretendoient la faire reduire au tiers des biens de cette ligne, et Mr d’Argentré appuye ce party : Il convient que quoad donationes onerosas et jura creditorum unicum est hominis patrimonium, il ne faut point faire de distinction, tous les biens sont également obligez, mais qu’il n’en est pas de même quoad dispositiones lucrativas quo titulo plus tertia de unaquaque hereditati alienare non licet ; sa raison est que la prohibition de donner plus que le tiers est établie à l’égard des heritiers, nec alia fuit mens consuetudinis, quam ut fortunae avitae cuique genti firma starent, sed in eo nullam rationem dici posse, cur de pluribus hereditatibus et jure eodem alteri, aut Argentré uni jus suum periret, Argent. Art. 218. gl. 9. n. 12.

Ricard , des Donat. 2. p. c. 1. sect. 3. n’a pas été de ce sentiment ; il est permis, dit-il, d’appliquer une donation sur les biens d’une nature seulement, et laisser les autres biens à hheritier qui les doit prendre, sans que celuy auquel appartient l’espèce de biens sur lesquels e legs a été laissé puisse pretendre son recours ; Cela a été jugé par l’Arrest de du Cesne, et par les autres dont je parleray dans la suite.

Mais pour le recours auquel les heritiers au propre paternel et aux acquests furent condamnez envers les heritiers maternels, c’est ce qui ne paroit pas raisonnable, et Mr d’Argentré Je prouve fort bien, nam praterquam quod uni heredi nulla actio contra alium dari potest, de eo quod facto communis auctoris accidit, ita multo majorem rationem habet non decedere quod lege desertur, quam recuperatorias actiones dari heredibus inter se. Ces actions en recours ne restituent as en essence les propres qui ont été donnez, l’estimation qu’il faut faire pour obtenir cette recompense a de longues suites ; elle ne se fait point sans peine et sans dépense, iniquissima aepe et empta astimatorum arbitria, cur ergo hac in re intemperantiae donatoris, potius quam justae heredis querelae obsequi lex voluerit, ibid. Ricard n’approuve point aussi ce recours ; dautant que a Coûtume ne charge pas cette sorte de biens du payement des legs comme d’une dette necessaire, mais elle permet d’en disposer par un donateur à sa volonté comme il auroit pû faire par vente ou autres dispositions ; de sorte qu’étant distraits de la succession par une donation ou un testament, l’heritier ne peut pretendre aucune recompense, parce qu’il n’a jamais rien eu de present en la proprieté, pour raison dequoy il puisse intenter une action en recoursRicard , ibid.

Depuis l’Arrest de du Cesne la question a été plaidée deux fois, tant pour la validité de la donation que pour l’action en recours. Une femme nommée Charles avoit des biens paternels et maternels, et aussi divers héeritiers ; elle donna au nommé le Clerc un héritage qui composoit tout le bien maternel : Tiais son heritier maternel forma action contre le Clerc devant le Vicomte du Pontdelarche pour faire reduire la donation au tiers des biens mâternels, fauf à faire porter le surplus sur les biens paternels ; le Vicomte du Pontdelarche le jugea de la sorte, et Tiais ayant appellé du Bailly sur un incident, il representoit au principal que bien que les biens paternels et maternels fussent confondus en la personne de la do-natrice, néanmois entre ses heritiers ils devoient être considèrez comme deux differentes successions, et comme si déja elles étoient possedées par deux differentes personnes elle n’avoit pû en donner que le tiers, la Coûtume ayant voulu sagement conserver le bien dans chaque famille, ces successions étoient tellement distinctes que l’on avoit jugé que l’on pouvoit disposer du tiers de ses biens paternels en faveur de l’heritier maternel comme à un étrangers ainsi cette donation ayant épuisé tout le bien maternel elle devoit être reduite au tiers, et le bien paternel en porter sa part au sol la livre et à proportion du bien dont il héritoit ; la donatrice n’avoit pu disposer de son bien que collective non distributive, c’est à dire donner le tiers des biens paternels et le tiers des biens maternels, suivant l’Article precedent. De Cahagnes pour le Glerc s’aidoit de l’Arrest de du Cesne, il mettoit différence entre la donation d’un certain bien, certi corporis, et la donation generale de tous les biens paternels ou maternels, per universitatem, auquel cas il faudroit la reduire au tiers des biens maternels, comme la donation de la totalité des acquests se reduit au tiers desdits acquests, mais cette donation étant pecifique et n’excedant point le tiers elle étoit valable : Bigot sur lequel on demandoit ce recours soûtenoit qu’il n’en devoit point, la donatrice n’ayant point eu l’intention de le charger de cette donation, et ayant pû donner telle sorte de bien qu’il luy a plû, pourvû qu’il n’y eût point d’excez : Par Arrest du 17. de Juin 1655. on cassa la Sentence, et en reformant le Clere fut maintenu en la possession et proprieté de lhéritage à luy donné, et sur la recompense demandée par Tiais les parties appointées à écrire et produires Mais la question fut decidée en la Chambre de l’Edit le 29. de Juillet 1665. entre le Perit, sieur de S. Jean, et Baudard ; il fut jugé qu’encore qu’un particulier eût donné tout son bien naternel, les heritiers maternels n’avoient point de recours sur les heritiers paternels, parce l’il faut prendre la succession en l’état où elle se trouve. Les deux Arrests cu-dessus ont été donnez pour des donations, j’en ay remarqué un autre sur l’Article CCCCVIII. pour une lienation du bien maternel faite par le défunt, dont on demandoit recompense sur le paternel Voicy une autre espèce assez difficile : Nicolas Talus, sieur d’Amertot, avoit donné à ses deux niéces quatre cens livres de rente à prendre sur tous ses biens en general ; il déceda et aissa pour son heritier Robert Talus frere de ces niéces : il se mût question entre la veuve et Robert Talus, pour sçavoir sur quels biens les quatre cens livres de rente devoient être payées : Robert Talus soûtenoit qu’il les falloir lever sur les acquests en general, et partage. entr’eux ce qui resteroit : la veuve l’empeschoit, disant que cette donation ne pouvoit diminuer ses droits, et qu’elle ne pouvoit être executée que sur la part de l’heritier, sans être obligée d’y contribuer. Le Bailly de Roüen ayant jugé au profit de la veuve, sur l’appel la Sentence fut confirmée par Arrest en la Chambre des Enquêtes le 20. de Juillet 1606. et l’Arrest prononcé le 27. la raison de douter étoit que par cet Article celuy auquel donation été faite de tous les biens doit avoir la tierce partie du propre et la tierce partie des acquests ; d’où il s’ensuit que le donataire de quelque rente sur tous les biens la doit prendre tant sur le propre que sur les acquests sans que la part de la veuve en puisse être exemptée, puis que le mary de son vivant peut disposer de ses acquests, et les termes de cet Article semblent être precis contre la veuve, car il contient que celuy auquel donation est faite de tous les biens doit avoir la tierce partie du propre et la tierce partie des acquests et conquests, la Coûtume n’ayant pas parlé seulement du tiers des acquests, mais ayant fait aussi mention des conquests, elle a fait entendre que le mary peut donner de ses conquests au prejudice de sa femme, autrement le mot d’acquests seroit superslu ; on jugea neanmoins le contraire par l’Arrest, et c’est aussi une jurisprudence certaine que le mary ne peut donner par testament ses conquests u prejudice des droits de sa femme ; la raison est que le testament n’ayant son execution qu’aprés la mort du testateur, le droit est pleinement acquis à la veuve. Ces mots, de tous ses biens s’entendent seulement de ceux qui sont presents et qui appartenoient au donateur au temps. de la donation, et non des biens à venir et qui sont échûs ou acquis depuis la donation, quia non potest videri donatum, quod non est donantis, l. Absenti, de donat.


CCCCXLII.

Charges des donataires.

Les donataires sont tenus porter toutes rentes foncieres et seigneuriales, et autres charges réelles dûës à raison des choses à eux données, encore qu’il n’en fût fait mention en la donation, sans qu’ils en puissent demander recompense aux heritiers du donateur.

La Coûtume aprés avoir reglé ce que l’on peut donner entre vifs, parle des charges et des dettes où le donateur est tenu de contribuer. Elle décide en cet Article que les rentes foncieres et Seigneuriales, et les autres charges réelles dûës à raison des choses données doivent être toûjours acquitées par les donataires, et qu’encore qu’il n’en fût pas fait mention en la donation, ils sont tenus de les porter sans en pouvoir demander recompense aux heritiers du donateur : ainsi pour ces sortes de charges il n’y échet aucune contribution, et elles tombent toûjours absolument à la charge du donataire.


CCCCXLIII.

Et où les choses données seroient moindres que le tiers des biens du donateur, elles seront déchargées des dettes hypothecaires et personnelles du donateur, jusques à la concurrence de la valeur du tiers, discution prealablement faite des meubles.

En cet Article la Coûtume décharge le donataire des dettes hypothecaires et personnelles du donateur quand les choses données sont moindres que le tiers des biens du donateur ; car quand la donation est du tiers entier, le donataire contribué aux dettes de la maniere que je à ay expliqué sur l’Article CCCexxXI.


CCCCXLIV.

Donner et retenir.

Donner et retenir ne vaut rien.


CCCCXLV.

Comment s’entend donner et retenir.

Donner et retenir est quand le donateur s’est reservé la puissance de disposer librement de la chose par luy donnée entre vifs, ou qu’il demeure en la pofsession d’icelle.

Plusieurs Coûtumes sont conformes à la nôtre ; Paris, Articles 174. et 175. Orléans, Articles 283. et 284.

Ce seroit donner imaginairement que de retenir la libre disposition de la chose donnée On rendroit ce Contrat fort commun si l’on pouvoit donner et en même temps faire dépendre de sa pure volonté l’effet de la donation, et il ne resteroit aucune différence entre la do-nation entre vifs et la testamentaire : Il faut donc pour donner entre vifs que le donateur se dessaisisse actuellement de la proprieté, et sans en pouvoir retenir la disposition ; Est enim verentio prasertim diuturna testis non tam ponitentiae post actum, quim simulati actâs initio ipfius, Argentré Argent. Art. 226. gl. 1. La nécessité que l’on impose au donateur de se dessaisir modere ses emportemens et le fait donner avec plus de circonspection.

C’est un usage general que la tradition naturelle ou civile est necessaire, Moribus Galliae placitum donationis citra traditionem veram aut fictam nullius est momenti, Baro in posteriori parte Comment. Ad Tit. de rer. Divis. instit. Et Me Charles du Moulin en son Conseil 60. est de ce sentiment, que c’est même donner et retenir si le donateur retient par devers luy et demeure saisi du Contrat de donation, parce que demeurant saisi de l’acte qui en fait la preuve il fait assez paroître son intention que l’execution de la donation dépende de sa volonté : si donator omnes schedas, etiam protocola penes se trahat in sua potestate, tunc apparet quod donatio non est conclusa : Mr d’Argentré n’estime l’opinion de du Moulin véritable que quand la donation a été faite à un absent, ou qu’elle n’a point été acceptée, mais qu’aprés l’acceptation il ne dépend plus du donateur de ruiner la donation si la possession a été transferée, Art. 226. gl. 1. Pour concllier les sentimens de ces deux Auteurs, l’on peut dire que l’opinion de du Moulin est veritable lors que le donateur demeure saisi de l’original de la donation, et que le donataire n’est point entré en possession quoy que la donation ait été acceptée ; mais lors que la donation a été acceptée et que le donataire a pris actuellement la possession de la chose donnée, elle ne deviendroit pas aulle encore que le donateur eût retenu l’original de la donation, car cette retention peut être faite par d’autres motifs que celuy de vouloir demeurer le maître de la chose données que s’il paroissoit au contraire que le donateur eût retenu le Contrat, par ce seul motif de pouvoir revoquer ou annuller la donation, ce seroit proprement donner et retenir. Par l’Atrest du Cerf que j’ay rapporté sur l’Article CCCCXXXI. un des motifs de l’Arrest fut que l donateur étoit toûjours demeuré saisi des Contrats, et qu’ils avoient été trouvez parmy ses écritures. La Loy 1. C. de donat. désire pour la perfection d’une donation que l’instrument en soit expedié, et qu’il soit mis entre les mains d’une personne publique ; et dans le Paragraphe dernier de la Loy finale, de donat. D. le Jurisconsulte refoud que la donation d’une somme d’argent faite par une ayeule à son petit-fls absent étoit parfaite bien qu’elle en eût toûjours reçù les interests, et qu’elle fût demeurée saisie de l’acte : Respondi cum debitor Labeoni nepoti obligatus esset perfectam esse donationem ; de sorte que la decision de cette question, si c’est donner et retenir lors que le donateur retient par devers soy l’original de la donation, dépend le plus souvent des circonstances du fait

en consequence de cette Loy qui désire que le donateur se dessaisisse et qu’il ne puisse retenir ce qu’il donne, on a demandé si la donation des biens-meubles ou immeubles que le lonateur possede maintenant et qu’il delaissera ou qui se trouveront lors de son decez et à la charge d’acquiter ses dettes est bonne et valable : Car n’est-ce pas véritablement donner et retenir lors que le donateur ne se lie point les mains, et qu’au contraire il peut disposer librement des choses données, qu’il peut les diminuer ou les augmenter, et même rendre la do-nation entierement inutile et illusoire par les dettes qu’il peut contracter, et ausquelles les thoses données demeurent affectées : Et c’est pourquoy par la disposition expresse de plusieurs Goûtumes ces donations sont nulles : Nevers, des Donat. Art. 3. Auvergne, c. 14. Art. 19. et 20. Bourbonnois, 212. sur tout les donations de cette nature ne peuvent valoir à l’égard les propres : Car pour les meubles et le tiers des acquests puis qu’il est permis d’en disposer par testament, l’on pourroit les faire valoir comme donations à cause de mort et testamentaires ; mais n’étant permis de donner de ses propres qu’entre vifs, il faut que, celuy qui en veut disposer en cette manière se lie entierement les mains, sans que l’execution de la dona tion ait trait au jour du decez, autrement c’est donner et retenir, la donation ne pouvant valoir comme testamentaire.

Pour la resolution de ces difficultez il faut premierement établir ce principe que la regle donner et retenir ne vaut, n’a lied que quand il s’agit de la donation d’une chosé particuliere, vertae rei, et qu’il faut faire difference entre la donation d’une chose singulière et la donation Masuer enerale de tous les biens ou de partie d’iceux, inter donationes omnium bonorum, vel partis eorum, & donationem rei singularis ; Masuer, Tit. de legat. n. 2. et 3. En second lieu il faut faire distinction des choses données et de la maniere qu’elles ont été données : lors que la donation est faite des immeubles et des meubles que le donateur aura lors de son decez elle est valable, parce que c’est une donation universelle où il n’est requis aucune tradition, et laquelle n’a son effet que pour les biens que le donateur laisse lors de son decez, et l’on presume que le donateur n’a entendu donner que cela, et que durant sa vie il se constitué possesseur au nom du donataire, et il suffit que le donataire ait l’esperance de pouvoir profiter de ce qui restera ors du décez du donateur : On fonde cette decision sur la Loy Ex hac scriptura 1i6. de donat.

D. sciant lieredes mei me vestem meam universam et res cateras quascunqué in diem mortis mea mecum habui, illi et libertis meis vivum donasse : Le Jurisconsulte Ulpian resoud dominium ad li-bertos benigna interpretatione pertinere, quoy qu’il n’y ait aucune tradition réelle, ny chose equipoliente, ny retention d’usufruit, ny clause de constitution ou precaire ; mais l’on feint qu’inest tacite et juris intellectu clausula constituti, quamvis non exprimatur.

La question a été plus grande pour la donation des propres entre vifs, dautant qu’on ne pourroit le faire valoir comme testamentaire, comme je viens de le dire : Et le Commentareur de MrLoüet , l. D. n. 10. dit qu’à l’égard de la donation des meubles et acquests elle fut confirmée par Arrest du Parlement de Paris, et qu’à l’égard de la donation des propres elle fut appointée au Conseil ; mais presupposant que ces donations universelles sont valables pour ce qui reste de biens au donateur lors de son decez, et parce que l’on feint et l’on fupplée par une favorable interpretation une clause de constitut ou precaire, il y a lieu et pareille raison de faire valoir la donation pour le tiers des propres qui resteront au donateur, comme pour les acquests et les meubles.

Mais il semble que c’est faire une illusion manifeste à cette regle, donner et retenir ne vaut que d’approuver les donations de biens que le donateur a et aura en mourant, à la charge que ce que le donateur se trouvera devoir alors sera payé par le donataire, puis que le donateur peut créer tant de dettes qu’il rendra le don inutile : Cependant ces espèces de donations ont été confirmées par les Arrests rapportez par Mr Loüet et son Commentateur, I. D. n. 10. par cette raison que la donation étoit parfaite dés son commencement, et que l’execution seule et la consommation d’icelle étoit differée C’est une jurisprudence generale que la regle donner et retenir n’a point lieu pour les donations faites en faveur de mariage, non seulement à l’égard de celles que les conjoints se font l’un à l’autre, parce qu’en ce cas ils semblent posseder l’un et l’autre, mais aussi pour celles qui sont faites par un étranger ; tous les soupçons de fraude qui naissent de la retention que le donateur fait dé la chose donnée cessent en cette rencontre, et c’est pourquoy du Moulin sur l’Article 160. de l’ancienne Coûtume de Paris a dit que la regle donner et retenir ne vaut, étant contre les fraudes elle n’a lieu en Contrat de mariage : De laLande , Att. 183. de la Coûtume d’Orléans : Brodeau sur MLoüet , 1. D. n. 10.


CCCCXLVI.

Ce n’est donner et retenir, quand l’on donne la proprieté d’aucun héritage, retenu à soy l’usufrait la vie durant ou à temps, ou quand il y a cause de constitur, ou precaire, auquel cas vaut telle donation.

Cet Article étoit necessaire, parce qu’autrefois la tradition réelle et actuelle des choses donmées étoit abfolument requise pour la validité des donations, mais apresent par le Droit Coû-tumier il suffit que la proprieté et la possession de droit soit transferée sans qu’il soit besoin pour cet effet de saisine, de nantissement, ou de quelques autres solemnitez : La translation de la proprieté et de la possession a été renduë dépendante de la volonté des parties, et c’est pourquoy la Coûtume admet la retention d’usufruit pour une tradition réelle à l’effer de donner accomplissement à la donation ; de sorte qu’aprés la mort du donateur le donataire demeure faisi de plein droit de la chose donnée, et il pourroit intenter complainte contre l’heritier qui voudroit luy contester sa possession

Lors que l’on a donné entre vifs la proprieté d’un héritage, la clause de constitut ou precaire n’empesche pas la translation de la proprieté, mais lors que l’on ne donne qu’une joüissance recaite, non seulement le donateur demeure proprietaire, mais même les fruits peuvent être prrêtez par ses créanciers, comme il fut jugé sur ce fait. Le sieur Baron de Villars donna au siour de Fautereau son fils une Terre par forme de precaire, et tant qu’il plairoit à son pere : Le sieur d’Epreville, creancier du sieur de Villars, fit saisir les fermages de cette terre, et pour maintenir sa saisie il alléguoit que celuy qui donne par precaire demeure toûjours proriétaire de la chose, et que par consequent cette terre appartenant encore à son debiteur il avoit pû en saisir les fruits : Le sieur de la Marc pretendoit au contraire, que la donation l’avoit rendu seigneur de la terre, et que quand même la clause de precaire en conserveroit la proprieté au donateur, les fruits et la joüissance ne pouvoient luy être ôtez par ses créanciers : Le Juge du Ponteaudemer l’avoit maintenu en la joüissance des fruits échûs et à échoir : Sut l’appel du sieur d’Epreville par Arrest du 18. de Mars 1617. la Sentence fut cassée, entant que l’on auroit ajugé au sieur de la Mare les fruits à échoir, et confirmée pour les fermages. échûs comme étant meubles. Cette joüissance precaire laissée par un pere à son fils ne pouvoit pas empescher les créanciers du pere d’exercer leurs actions et de saisir les fruits, elle ne le pourroit pas même à l’égard d’un étranger qui ne pourroit pas obliger les créanciers à se pourvoir par la saisie réelle, cela n’a lieu que pour les acquereurs qui possadent à titre onereux et non pour les donataires.


CCCCXLVII.

Donation comment reputée à cause de mort, et testamentaire.

Toutes donations faites par personnes gisans malades de la maladie dont ils decedent, sont reputées à cause de mort et testamentaires, ores que telles donations soient conçûës par termes de donations d’entre vifs si elles ne sont faites et passées devant Tabellions quarante jours avant la mort du donateur, et insiquées dans lesdits quarante jours

Cet Article est fort different du Droit Civil : Suivant cette Jurisprudence chacun demeuger inévitable et proche de sa mort ; ainsi la maladie dont il decedoit ne formoit aucun ob-troit maître de son bien jusqu’aui dernier soûpir de sa vie, et quoy qu’il fût reduit en un dantacle à sa liberté : il pouvoit par tel acte qu’il luy plaisoit, soit par donation entre vifs ou à cause de mort, disposer de ses biens sans aucune consideration de l’état où il se trouvoit ; de forte que l’on ne s’informoit jamais du temps de sa mort, ny de sa maladie, ny de sa santé, et lors qu’il donnoit dans la demiere extremité de sa maladie, non tam mortis causâ, quam noriens donare dicebatur, l. Seia, 8. Cum pater D. de mort. caus. donat.

C’est l’opinion commune des Docteurs fondée sur cette Loy Seia, que la donation faite par une personne malade purement et simplement et sans mention de la mort ne laisse d’être reputée une donation entre vifs ; Bartole et la Glose sur cette Loy Seia,Julius Clarus , l. 4. 8. Donano, quest. 4. MrCujas , ad lib. 13. Resp.Papin . estime que la donation faite irrevocablement et sans aucune condition de retour, bien qu’elle soit faite par une personne mourante, ne doit pas être considérée comme une donation à cause de mort, nec mutare quod decumbens donavit, & quia morti proximus, quia non tam mortis causâ, quam moriens donavit, denique moriens donavit, sed inter vivos non mortis causâ, & moriendi momentum vitae reputatur non morti.

Deux celebres Docteurs Canonistes, Butrigarius et Imola, ont agité cette question sur le C. 2. Extrav. de Consuet. si la donation faite par un homme malade doit être censée entre vifs ou à cause de mort ; Suivant l’opinion du premier elle étoit à cause de mort, eo quod infirmus in dubio non creditur actum inter vivos facere, sed magis ultima voluntatis, C. de his Ex-trav. de sepult. et l. Titia, 5. ultim. D. de donat. causâ mortis, comme au contraire l’on ne presume point que celuy qui est en bonne fanté fasse quelque acte en contemplation de la mort : au contraire Imola disoit qu’une donation faite par un homme malade pouvoit être entre vifs, s’il n’y étoit point fait mention de la mort, D. l. Seia. Balde prouve par cette Loy qu’un homme est capable de contracter jusqu’au dernier soûpir de sa vie, si la crainte de la mort ne trouble aeoint don esprit ; neque enim agritudo corporis impedimentum contractibus al nominibus sanae mentis gerendis prestat justum, l. Sanum mente, C. de transact La premiere opinion a prevalu dans l’usage, et tous actes passez par une personne malade sont censez faits dans la pensée de la mort, et par consequent tiennent la nature des donations à cause de murt pour éviter les fraudes ; car une personne mourante sçachant bien qu’elle ne pourroit donner par testament, disposeroit de ses biens par une disposition entre vifs.

La Coûtume en cet Article dispose aussi que toutes donations faites par : personnes malades de la maladie dont elles decedent sont reputées à cause de mort, bien que : telles donations soient conçûës entre vifs, et cette disposition est fondée sur plusieurs raisons ; l’experience a fait connoître que les plus avares deviennent liberaux lors qu’ils se sentent en état de quitter sa possession de leurs biens, ce que ne pouvant plus faire par des donations testamentaires ils e feroient par des donations entre vifs, ayant toûjours plus de panchant à faire prejudice à leurs heritiers qu’à se dépoüiller eux-mêmes de leurs biens ; et c’est pourquoy la Coûtume prevoyant que celuy qui donne entre vifs durant sa maladie, ne l’auroit peut-être pas fait s’i n’avoit pas été reduit en cet état, et si son esprit avoit été assez tranquille pour faire re flexion sur un acte d’aussi grande importance comme est une donation ; elle veut que cette donation soit presumée faite dans la prevoyance de la mort prochaine, et qu’elle ait été l’unique moti de sa liberalité, parce qu’il croyoit être bientost en état de ne posseder plus ce qu’il donnoit ce qui peut empescher encore les suggestions, étant beaucoup plus aisé de supposer ou d’eziger un acte de donation à cause de mort sous la forme d’une donation entre vifs Enfin il seroit facile d’éluder la disposition de la Coûtume qui ne permet de donner par restament que le tiers de ses acquests. L’Article 227. de la Coûtume de Paris contient une disposition pareille, et les donations faites par personnes gisans au lit malades de la maladie dont ils decedent, quoy que conçûës entre, vifs, sont reputées à cause de mort.

Cependant nôtre Coûtume ne s’est pas tant éloignée de la disposition du Droit Civil comme celle do Paris ; comme il pouvoit arriver qu’au temps de la donation le donateur n’étoi attaqué que d’une maladie legere qui ne luy donnoit aucune pensée de la mort, la Coûtume n’a pas voulu absolument que toutes donations faites pendant la maladie de laquelle le donateur est mort fussent toûjours reputées à cause de mort ou testamentaires, elle y apporte cette restriction en limitant un temps dans lequel le donateur doit vivre pour faire subsister la donation en la nature et en la qualité de donation entre vifs, la presomption que le donateur n’a fait cette liberalité que dans la vë d’une mort prochaine n’ayant plus tant de force et de vraysemblance lors qu’il ne decede qu’aprés un cettain temps ; et c’est pourquoy sans annul. er entièrement une telle disposition elle s’est contentée d’en reduire l’effet à moins que ce que l’on peut donner lors que l’on est en pleine santé.

Plusieurs autres Coûtumes désirent comme la nôtre que le donateur ait survécu plusieurs tours : Celle de Montargis, c. 13. Article 8. dit que la donation n’est point reputée entre vifs et irrevocable, si le donateur n’a survécu trente jours aprés la donation ; les autres demansent quarante jours ; Auxerre, Article 218. Sens, Article 108.

D’autres Coûtumes desapprouvent si fort les donations faites par personnes malades, qu’au sieu de les convertir en donations testamentaires elles les déclarent absolument nulles ; Bregagne, Article 209. Blois, Article 171.

en consequence de la restriction portée par cet Article, à sçavoir que ces donations ne laissent pas d’être valables pourvû qu’elles soient passées devant Tabellions quarante jours avant la mort du testateur, et insinuées dans le même temps, on réttanche plusieurs difficultez traitées par nos Auteurs, si les donations faites par personnes attaquées de maladies mortelles et incurables, comme de pulmonie ou d’hydropisie, doivent être reputées testamentaires, quoy que conçûës entre vifs ; Car cet Article limitant un temps dans lequel le donateur malade doit survivre, il n’importe de quel mal il soit atraqué pourvû qu’il vive quarante jours depuis la donation mais la difficulté reste encore pour ces maladies qui ont trait à la mort, qui n’empeschent point ses malades de se lover et de sortir, ainsi n’étant point gisans on ne peut pas leur appliquer la disposition de cet Article : VoyezTronçon ,Brodeau , et Ricard sur l’Article 277. de la Coûtume de Paris ;. Lesiet, 1. D. n. 11.

Suivant cet Article ces sortes de maladies ne rendroient pas la donation tectamentaire, car la Coûtume ne prononce pas absolument et indistinctement comme celle de Paris, que toutes donations conçûës entre vifs et faites par personnes gisans malades sont testamentaires, elle ne les déclare telles qu’en cas que le donateur ne survive pas les quarante jours ; de sorte que vraysemblablement la Coûtume n’a entendu parler que de ces maladies violentes qui emporrent le malade avant les quarante jours : Ricard a estimé la disposition de nôtre Coûtume et des autres qui luy sont conformes fort equitables ; il approuve neanmoins davantage celles qui laissent ce point à l’arbitrage du Juge et à la discussion de la vérité, comme plus justes et plus conformes à l’esprit et à la raison de la Loy, dautant que par ce moyen on penetre dans le fonds de la volonté du donateur, et on découvre par quel motif il a disposé de son bien, et s’il y a apparence qu’il eût donné en cas qu’il ne se fût pas vû plus proche de sa fin, qui est la pierre de touche pour discerner si la donation est entre vis ou à cause de mortRicard , des Donat. part. 1. c. 3. sect. 1. n. 102. mais cela donneroit lieu à une infinité de procez, et il est plus à propos de limiter le temps que le donateur doit survivre pour faire cesser plusieurs contestations sur la qualité de la maladie du donateur, et touchant ses intentions et les motifs de la donation.

On a demandé si une donation entre vifs faite par une femme grosse doit tomber dans le cas de cet Article : Mais on répond qu’on ne doit pas mettre au nombre des maladies ce qui est un effet ordinaire de la nature ;Ricard , ibid. Guarin, sieur de Bouclon, par une donation entre vifs donna à l’Hopital le tiers de ses mmeubles, il moutut deux ou trois jours aprés ; ses heritiets soûtenoient la donation nulle suivant cet Article, le donateur n’ayant survécu que deux ou trois jours, et qu’au temps de la donation il étoit déja malade et travaillé d’une fluxion sur le poulmon étant âgé de quatre-vingt ans, senio confectus : Bigot pour les Administrateurs de lHôtel.-Dieu répondoit que cette donation n’avoit point été faite par un homme malade, le donateur s’étant transporté à l’Hopital pour en passer le Contrat, ayant même encore depuis assisté aux Assemblées de la Maifon de Ville, ce qui prouvoit qu’il n’étoit point gisant, et que par consequent on ne pouvoit s’aider de cet Article : Par Arrest du 14. d’Aoust 1653. la donation fut confirmée : Cor-poris debilitas ratione etatis senio confecte donationem non vitiat, l. Senectus, & ibi : Glos. C. de donat.

Un Curé malade de la maladie dont il mourut huit jours aprés, donna aux enfans de son trere tous ses meubles qu’il vouloit leur être livrez aprés sa mort : cette donation fut passée devant Notaires et acceptée, mais étant à cause de mort on forma la question, si les solemtitez prescrites pour les testamens y étoient requises : Gteard pour les heritiers appellans d’une Sentence qui la jugeoit valable, disoit qu’elle avoit été surprise d’une personne qui n’a voit plus la liberté de son esprit étant attaqué au cerveau d’un mal que les Medecins par leur artestation appelloient Cephalique, que cette donation étant testamentaire puis que sa disposition se referoit au temps de la mort, et ayant été faite par une personne malade de la mala-die dont il étoit decedé, elle ne pouvoit valoir, les formes prescrites pour les testamens n’y ayant point été gardées : Maurry pretendoit pour les donataires que c’étoit une donation entre vifs, la disposition en étant parfaite et l’erecution feule différée aprés la mort, et quoy ue le donateur fût malade cela n’étoit considérable que pour faire que suivant la Coûtume la donation fût reputée testamentaire, à l’effet de la restreindre aux choses que l’on peut donner par testament, mais qu’il ne s’ensuivoit pas qu’elle fût nulle ; la Cour par Arrest du 25. de Juin 1665. mit sur l’appel hors de Cour.

Ces termes, ores qu’elle soit congûé par termes de donations entre vifs, ont été prudemment ajoûtez pour éviter aux fraudes ; une petsonne eût donné par un acte de donation entre vifs ce qu’il ne pouvoit donner à cause de mort : cela même a été prevû par les Jurisconsultes Romains, l. Filiae emancipata, ff. solut. matrim. l. Si filius de donat. D. valla de reb. dub. l. 3. Les Coûtumes de Blois, de Nevers, et d’Auvergne sont conformes : Pour faire le discernement des donations entre vifs et à cause de mort, on considere plûtost la cause et l’ef-fer que les termes ;Bouguier , 1. D. n. 12.

Lors que les donations conçûës par termes entre vifs sont converties et reputées donations. à cause de mort et testamentaires, l’on demande si pour leur validité il est necessaire qu’elles soient revétuës de toutes les formes requises pour les testamens, ou qu’au moins l’on y ait gardé celles qui sont ordonnées pour les donations entre vifs : l’ay remarqué sur l’Article CCCeXXVII. que l’on peut donner à cause de mort en deux manieres, ou par Contrat ou par Testament, et que nous avons deux espèces de donations à cause de mort, que l’une procede de la disposition de l’homme lors qu’elle est qualifiée telle par le Contrat, fautre de la disposition de la Loy lors qu’une donation conçûë entre vifs est reputée à cause de mort, comme en cet Article ; mais la difficulté consiste à sçavoir quelles formalitez sont necessaires pour la validité des unes et des autres Par la disposition du Droit Civil pour faire valoir une donation à cause de mort, la presence du donateur et du donataire étoit requise, la tradition même devoit intervenir, nam mortis causa donatur quod prasens presenti donat. l. 35. de donat. caus. mort. elle devoit être faite en la presence de cinq témoins, l. ult. 8. ult. C. de donat. l’acceptation étoit également necessaire pour les donations à cause de mort comme pour les donations entre vifs, l. ult. C. de donat. raus. mort. In hoc autem à testumento differebat, quod testamento hereditas dari poterat non per mortis caus. donati Mant. de conject. ult. vol. l. l. t. 12.

Plusieurs estiment que toutes sortes de donations à cause de mort sont nulles, si toutes les formalitez des testamens n’y ont été gardées, parce qu’elles sont semblables en toutes choses aux testamens ; ad exemplum legatorum redacta fuit donatio causâ mortis, et quodcumque in egatis constitutum est, in ea accipiendum, l. Illud in princip. D. de donat. caus. mort. et il ne faut point distinguer si elles ont été faites par un Contrat par un homme qui étoit en santé ou qui étoit malade ; car si l’on vouloit admetire dans le païs Coûtumier les donations à cause de mort, et que l’on ne fût point obligé de garder tout ce que la Coûtume ordonne pour les testamens, il seroit permis de faire des testamens sans solemnitez, et toutes les sages precautions des Loix et des Coûtumes pour empescher les surprises et les fuggestions deviendroient inutiles, et l’on choisiroit beaucoup plûtost de faire une donation à cause de mort qui est un Contrat fort simple, que de s’engager aux formalitez scrupuleuses des testamens.

On allégue contre cette opinion qu’à l’égard d’une donation à cause de mort faite par une peronne qui étoit en santé il suffit qu’elle ait été acceptée, et que par l’Ordonnance de 1539. les donations à cause de mort ne sont point sujettes à insinuation, parce qu’elles se peuvent revoquer par le donateur jusques à la mort ; et pour la donation conçûë par termes entre vifs par une personne malade, il n’est point necessaire d’y ajoûter la solemnité des testamens ; car pien que la maladie du testateur la fasse reputer donation testamentaire suivant cet Artiele et’Article 277. de la Coûtume de Paris, il ne s’enfuit pas qu’elle doive être faite comme on testament, mais seulement que la faculté de disposer de son bien par une donation entre vifs doit être restreinte à l’égard d’une personne malade de la maladie dont il decede, à ce dont il est permis de disposer par testament, l’intention de la Coûtume n’ayant pas été d’augmenter la solemnité des donations, mais simplement de borner la liberalité du donateur ; et la Coûtume n’a voulu dire autre chose, sinon qu’encore que ces sortes de donations soient re étuës des solemnitez des donations entre vifs, néanmoins étant faites en contemplation de a mort elles n’ont que l’effet des donations à cause de mort ; c’est de la sorte que Me René Chopin a interpreté l’Article 277. de la Coûtume de Paris, ayant remarqué que sa disposstion n’a pas été faite pour annuller la donation, mais seulement pour la reduire à ce qu’il est permis de donner par testament.

Suivant la Jurisprudence du Parlement de Paris remarquée par Me Claude Blondeau dans a cinquième partie du Journal du Palais, l’on a fait différence entre les donations faites pour cause de mort par des personnes en santé, et celles qui sont faites par des personnes en extré. nité de maladie : celles-là sont valables quoy qu’elles ne soient pas revétuës des formalitez les testamens, celles-cy ne peuvent subsister à moins qu’elles ne soient accompagnées de ls olemnité des testamens : et sur ce fujet l’on peut voir un Arrest rapporté dans la premiere artie du Journal des Audiences, l. 3. c. 23. de l’impression de 1652. où Mr l’Avocat Geneal Bignon conclud que l’on ne pouvoit douter qu’un homme en santé qui s’en va à la guerre ou en quelque voyage, ou pour quelqu’autre occasion que ce soit, ne puisse disposer partiulierement de son bien à cause de mort par Contrat an forme de donation conditionnée mais que la même chose n’est pas loisible à un homme qui est au lit malade de la maladie dont il décede, sans y garder la forme d’un testament, que cela seroit d’une trop petilleuse consequence pour les suggestions, et ce seroit leur ouvrir la porte et favoriser les desseins de ceux qui ne travaillent qu’à surprendre les volontez dernières ; et si l’on dit que la Coûtume approuve une donation faite en cet état de maladie et la reduit seulement à une moindre disposition, pourvû que le mot entre vifs y soit exprimé cela n’y fait rien ; car outre que cet acte est soûtenu par la disposition du Droit Romain qui le conservoit tout entier sans reduction, grée qu’il étoit considéré comme fait plûtost par un homme mourant, que condetionné à cause de mort. Ce même acte par nôtre Usage a une forme legitime étant conçû en termes de donaton entre vifs, autrement si cela avoir lieu ce seroit bien abreger du chemin aux dispûsitions dernieres, où sans penser faire un testament l’on poutroit produire un testament en forme de Contrat, et suivant ces raisons la donation fut déclarée nulle ; mais Mr le Premie President avertit les Avocats que la Cour avoit jugé la Cause pour les personpes mourantes, de sorte qu’à l’égard d’une donation à cause de mort faite par une personne malade, mais non point à l’extrémité, ou par une personne en santé, elles sont valables pourvû qu’elles soient revétuës de la solemnité des donations entre vifs, quoy que l’on n’y ait pas gardé la fornalité des testamens : l’Auteur du Journal du Palais dans la cinquième partie, napporte om Arrest qui l’a jugé de la sorte. Ricard a fort amplement traité cette matière, des Donat. p. 1. c. 2.

Cette même question s’offrit en ce Parlement en l’Audience de la Grand-Chambre Le 26. Mars 1689. entre les nommez Noel : Le sieur Noel avoit passé un Contrat de societé avee un sien geveu, par lequel il reconnoissoit que son neven avoit apporté quatre mille livres pour employer en marchandises, et le lendemain par un Contrat de donation à cause de mort passé devant deux Notaires et deux témoins il luy donna tous ses meubles ; cette donation n’avoit point été acceptée par le neveu, et ayant obtenu la delivrance de son legs par Sentences du Vicomte et du Bailly, fondées sur ce motif que le donataire avoit signé au Con-trat, ce qui ne se trouva pas véritable sur l’appel des autres neveux du donateur, Greard et de l’Epiney leurs Avocats remontrerent que la donation à cause de mort devoit être accomplie de toutes les formes de la donation entre vils ou de testament, parce que la Coû-tume n’avoit approuvé que ces deux espèces de donations, que si dans quelques Articles elle a fait mention de donations à cause de mort, elle s’en étoit servie comme d’un synonime avec le mot de testament, ou bien elle avoit entendu parler de la donation conçûë en forme d’entre vifs, mais dont l’execution et l’effer tenoit de la nature du testament : Or la donation dont il s’agissoit n’avoit ny la forme du iestament, parce qu’il n’étoit point fait mention qu’elle eût été lué au testateur, ny la solemnité de la donation entre vifs n’ayant point étép ncceptée par le donataire ; qu’il y avoit d’ailleurs une vchemente suspicion qu’elle avoit été sur prise du donateur, qui avoit crû signer un autre Acte en consequence de la société qu’il avoit contractée le jour precedent avec son neveu, n’étant pas vraysemblable que le lendez main il luy eût fait donation de tous ses meubles : d’Angerville pour le neveu donataire representa que la Coûtume ayant fait mention en plusieurs Articles de la donatlon à cause de mort, elle avoit apparemment étably une troisième espèce de donation qui n’étoit assujettié ny aux formalitez des testamens ny à la solemnité des donations entre vifs, et que pour sa validité c’étoit assez qu’elle fût en la forme des autres Contrats, ayant été passée devant deux Notaires et signée de deux témoins : Mr l’Avocat General de Prefontaines conclud que la donation étoit nulle, et neanmoins que cette donation ayant été faite pour recompense de services il étoit juste d’ajuger quelque chose au donaiaire : Par l’Arrest la donation fut declarée nulle.

Il est sans doute que les donations conçûës entre vifs faites par personnes malades de la maladie dont ils decedent sont valables, quoy qu’elles ne soient pas revétuës des formalitez des testamens, la Coûtume ayant voulu seulement que ces donations fussent reputées tessamentaires et à cause de mort, et non entre vifs, quoy qu’elles en eussent l’apparence et la forme.

Ces paroles, conçûes entre vifs, montrent qu’elles ont la forme de donations entre vifs, et non la forme des donations à cause de mort, mais elles sont reputées telles par une fiction de la Coûtume, car il est impossible qu’un même acte ait deux formes differentes En second lieu, la Coûtume ne déclare cette donation conçûë entre vifs testamentaire et à cause de mort qu’en cas que le donateur décede de cette maladie dans les quarante jours, de sorte que l’évenement en est incertain, et la qualité de la donation, pour sçavoir si elle de meurera entre vifs, ou si elle sera reputée testamentaire, est suspenduë jusqu’aprés les quatante jours.

En troisième lieu, la Coûtume dit qu’elles sont reputées testamentaires et à cause de mort. Ce mot de reputées dénote une fiction, ce qui montre que la donation en soy en la forme qu’elle est concûë est une véritable donation entre vifs, et que ce n’est que par une disposition de la Coûtume qu’elle est reputée testamentaire pour produire les mêmes effets ; car la fiction ne change point la nature de la chose, elle en change seulement les effets.

Il s’ensuit de ces principes que s’il n’est pas necessaire pour faire valoir ces donations d’y observer les formalitez des testamens, il est besoin qu’elles soient revétuës de toutes les sosemnitez des donations entre vifs ; car bien que la qualité de la donation dépende de l’ave-nir, il faut que la forme en laquelle elle est conçûë dépende du temps present, parce qu’un acte doit recevoir sa perfection dans le même temps qu’il est fait, bien que l’execution en puisse être suspenduë par l’évenement d’une condition incertaine, ce qui est d’autant plus necessaire que cette espèce de donation entre vifs n’est pas simplement et purement repubée testamentaire et à cause de mort, parce que le donateur est mort de la maladie dont il étoit attaqué, car elle ne laisse pas de conserver sa premiere qualité, pourvû qu’il ne decede qu’aprés les quarante jours ; mais quoy que la donation conçûë entre vifs eût été faite par une personne mourante elle ne laisseroit pas de valoir comme donation à cause de mort pourvû qu’elle fût parfaite, et l’on n’y suivroit pas la distinction que les Arrests du Parlement de Parls y ont pportée ; aussi nos donations ne sont pas de si grande importance, n’étant permis de donner par testament et à cause de mort que le tiers des acquests L’on ne doit pas estimer aussi que la Coûtume n’ait approuvé aucune sorte de donation à ause de mort sinon qu’elle soit comprise dans un testament, ou qu’elle soit revétuë des solemnitez que la Coûtume désire ; car outre que la Coûtume en plusieurs Articles a parlé fort distinctement de donations à cause de mort, et de testamens, il est d’un usage notoire que plusieurs personnes en santé passent des Contrats de donation en cas de predecez, et par consequent revocables ; mais le point de la question consiste à sçavoir quelles formalitez sont requises pour la validité de ces donations, s’il suffit qu’elles soient passées devant deux Notaires et signées de deux témoins, ou s’il est besoin qu’elles soient acceptées et insinuées, ou si l’acceptation seule est requise, ou si enfin étant conçûës à cause de mort il est indispensablement necessaire qu’elles soient revétuës de toutes les formalitez des testamens Il faut dire que lon peut donner à cause de mort par un Contrat comme par un testament, ce qui constituë en quelque sorte une troisième espèce de donation ; mais que quant à la forme des donations nous n’en avons que de deux sortes, et que toutes donations doivent être accomplies selon la solemnité des donations entre vifs, ou selon les formalitez des testamens de sorte que la donation à cause de mort faite par un Contrat doit être acceptée et insinuée, quoy que l’Ordonnance de 1539. ne les assujettisse pas à l’insinuation, ou elle doit être faite dans les formes prescrites pour la validité des testamens.

Il faut enfin remarquer que cet Article ne s’entend que des donations d’immeubles et non de la donation de meubles, comme il a été jugé sur ce fait. Desores par un Contrat entre vifs lonna quelques meubles à Beaufsieu l’un de ses heritiers, cette donation fut contestée par le Forestier qui étoit un autre heritier ; il se fondoit sur cet Article, suivant lequel toutes donations faites par personnes gisans malades de la maladie dont ils decedent sont reputées à cause de mort : Cette donation faite à Beaussieu étoit de cette qualité, Desores étant mort peu de temps. aprés : or n’étant plus considèrée que comme une donation testamentaire elle ne pouvoit subsister, n’étant pas accomplie suivant les formes prescrites par les testamens : Le Vicomte de S. Lo avoit declaré la donation nulle, le Bailly l’avoit confirmée : Sur l’appel le Petit pour le Porestier citoit un Arrest du Parlement de Paris rapporté dans le Journal des Audiences, l. 3. c. 22. de l’impression de 1652. qu’il disoit être fondé sur la Coûtume de Paris, laquelle est conforme à la nôtre : Theroude pour Desores prouvoit par les termes de cet Article même u’il ne pouvoit être entendu que de, la donation d’immeubles, puis qu’il étoit dit à la fin viceluy qu’il falloit qu’elles fussent insinuées dans les quarante jours, ce qui ne pouvoit s’appliquer aux donations de meubles parce que l’insinuation n’y est point requise, et en quelque emps et par quelque acte qu’elles se fassent elles sont bonnes, la Coûtume ne designant aucun temps avant la mort du testateur dans lequel il soit besoin de les faire : Par Arrest du 10. de Decembre 1655. la Cour mit sur l’appel hors de Cour.


CCCCXLVIII.

Insinuation de donations.

Toutes donations de choses immeubles faites entre vifs, de pere à fils en faveur de mariage, ou cause pitoyable, doivent être insinuées et acceptées dans les quatre mois suivant l’Ordonnance, fors et excepté les donations faites aux puisnez en Caux.

La Coûtume a parlé cy-devant des personnes qui sont capables de donner entre vifs, elle a réglé la portion et la qualité du bien dont on peut disposer, elle a même expliqué le temps et l’état où il falloir être pour pouvoir donner valablement ; maintenant elle prescrit la forme et la solemnité qu’il faut garder aux donations entre vifs, en quoy nos Reformateurs ont mité la méthode des Jurisconsultes Romains pour les testamens : Ils ont traité premièrement de la qualité de la personne, et en suite ils sont descendus à la solemnité de l’acte : Si queramus an valeat testamentum, in primis inquirere debemus an qui fecerit testamentum habuerit factio-nem ; Deinde si habuerit requiremus, an si secundùm regulas juris civilis testatus sit : l. 4. D. de testament

Cet Article établit deux solemnitez qui sont absolument necessaires pour faire valoir une lonation, l’acceptation et l’insinuation. L’acceptation est necessaire entre le donateur et le lonataire, et l’insinuation entre le donataire, les heritiers et les créanciers du donateur.

La nécessité de l’acceptation est établie par le Droit Romain, en la I. Nec ambagi, C. de lonat. l. Absenti, eod. et par le Droit Canonique dans le C. Si tibi absenti de prab. in 6. L’Oronnance de 1539. est expresse aux Art. 132. et 133. et la Declaration de l’année 1549. aprés l’acceptation le donateur ne peut plus se repentir ny revoquer ce qu’il a fait ; et de la part du donateur l’acceptation doit être expresse, l’Acte doit contenir le mot d’acceptant, et l’acceptation doit être signée du donataire ; et si ces deux solemnitez manquent la donatlon est imparfaite, le défaut de solemnité ne pouvant être suppleé par aucune équipollence : Il est vray queMonthelon , chap. 29. rapporte un Arrest du Parlement de Paris, par lequel il avoit été jugé que l’insinuation requise par le donataire valoit d’acceptation, mais il s’étoit trompé, son erreur a été rélevée par Me Julien Brodeau en son Commentaire fut Mi Loüer, I. D. n. 4. où il asseure que Monthelon avoit pris cet Arrest à contre sens ; l’insinuation ne peut valoir d’acceptation, parce qu’il faut accepter avant que d’insinuer, et c’est l’acceptation et non l’insinuation qui engage et qui lie les volontez du donateur et du donataire les uns vec les autres, et qui parfait et accomplit la donation ; le consentement du donateur ne suffit pas, celuy du donataire est necessaire, et c’est pourquoy il faut qu’il soit exprés et formel pa l’acceptation ; bien que l’acceptation expresse soit si absolument requise, on en dispense néannoins les donations faites par Contrat de mariage, à l’égard desquelles on admet l’accepta-tion par equipollence, la presence des conjoints et la consommation du mariage verifiant asses l’acceptation des dons qui leur sont faits par le Contrat : Les Arrests du Parlement de Paris. qui l’ont jugé de la sorte sont rapportez par Mr Julien Brodeau en son Commentaire sur MrLoüet , 1. D. n. 4. et par M. Jean Marie ;Ricard , des Donat. n. 835. et suivans. Dans le Parlement de Tolose l’on fuit aussi cette jurisprudence ; Mr deCambolas , l. 5. c. 7.

On n’a pas la même indulgence pour les mineurs, leur âge ne les dispense point de la rigueur de l’Ordonnance, et le défaut d’acceptation nuit au mineur comme au majeur ; et quoy que l’Ordonnance ne parle point expressément des mineurs, on ne peut dire qu’ils en soient exceptez, quia statutum est prohibitorium, et qu’il s’étend contre toutes sortes de personnes quelques favorables qu’elles puissent être ;Monthelon , Arrest 101.Bouguier , Arrest 2. Brodeau sur M.Loüet , 1. D. n. 58.Ricard , des Donat. n. 844. ce qui a lieu même contre l’E-llise, quoy que Mr deCambolas , l. 5. c. 7. estime que les donations en faveur de la cause pieuse loient valables sans acceptation, suivant la Loy Si quis donaverit, C. de sacro. Eccles. Augustinus qui est une Constitution qu’Antonius Augustinus a le premier donnée au public ; mais cette Constitution n’a point été suivie

Puis que l’acceptation est requise même à l’égard des mineurs, il faut sçavoir par qui elle peut être faite pour eux ; le pere peut l’accepter pour ses enfans en qualité de legitime administrateur et le tuteur pour ses mineurs, sans être obligé de prendre l’avis des parens, ny qu’il ait besoin d’un pouvoir special, et il a toûjours assez d’autorité quand il s’agit de leur bien et de leur utilité,Loüet , 1. D. n. 55. mais au moins en ce cas l’acceptation doit être signée par le tuteur, autrement la donation n’est point valablement acceptée, suivant l’Arrest remarqué par MrLoüet , 1. D. n. 58. Le défaut d’acceptation qui pourroit être allégué par l’heritier ou par un creancier ne pourroit être opposé par le tuteur qui auroit donné à son mineur, parce qu’il étoit de son devoir et de sa diligence de luy faire créer un curateur à l’effet d’accepter la donation,Brodeau , ibid. Me JeanRicard , des Donat. n. 865. est d’avis contraire, parce, dit-il, que si le pere ou le tuteur eussent voulu donner la perfection à ce qu’ils avoient commencé, ils n’eussent pas manqué d’apporter leurs soins à faire créer un curateur à l’effet de cette acceptation. On répond que le pere et le tuteur s’étant une fois engagez ne peuvent plus se resilier, et s’ils n’ont pas accompli ce qui étoit requis pour leur ôter le moyen de se repentir contre l’interest de leur mineur, ils n’en peuvent tirer avantage à son prejudice ; aussi le même Auteur avouc que la chose donnée ne peut pas être rétirée des mains du donataire, non pas directement à cause de la donation, mais par une autre raison qui resulte de ce que le tuteur est responsable de sa negligence, ce qui revient à la même chose.Ricard , des Donat. p. 1. c. 4. sect. 1. a traité cette question, si le mineur qui est capable de signer peut valablement accepter ; Et aprés avoit rappoité les raisons de part et d’autre, et qu’il a conclud pour la negative, il dit que cette question est encore problematique au Palais.

On demande si les Notaires ont le même pouvoir d’accepter pour les mineurs ; Mais l’on ne doute plus aujourd’huy que ces acceptations ne sont pas suffisantes.

Il en est de même à l’égard des majeurs, les acceptations faites par les Nutaires pour eux sont de nulle consideration, et elles n’ont effet que du jour qu’elles ont été ratifiées par les donataires en personne, ou par Procureur specialement fondé du vivant du donateur, et que einstrument de la donation soit inseré en la note de ladite acceptation suivant l’Ordonnance : Brodeau en son Commentaire sur MrLoüet , 1. D. n. 4.Ricard , n. 865.Coquille , quest. 165 ce qui a été jugé en ce Parlement en la Chambre des Enquêtes, le 3. de Février 1653. au Rapport de Mr Salet, entre Thomas Doublet et Toussaint Doublet. Une donation acceptée par un Tabellion fut déclarée nulle, quoy que l’insinuation en eût été requise par un Procureur du Bailliage au nom du donateur et du donataire.

Il y a eu neanmoins des Arrests en ce Parlement, par lesquels une donation acceptée sans procuration par un parent du donataire a été déclarée bonne, parce que depuis le donataire en avoit requis l’insinuation par Arrest du 12. de Juillet 1649. au Rapport de Mr de le Place en la Chambre des Enquêtes : Cet Arrest étoit contraire à l’Ordonnance, mais l’Artes rapporté par Monthelon nous avoit fait tomber dans cette erreur que l’acceptation requise par le donataire valoit d’acceptation, et il me souvient que dans la plaidoirie d’une cause qui fut appointée au Conseil sur cette même question on ne s’appuya que sur l’autorité de cet Arrest que l’on croyoit être véritable : On peut induire de l’Article CCLXXXVI. que l’acceptation n’est point suppleée par l’insinuation requise par le donataire ; par cet Article la donation du tiers de Caux faite par le pere en faveur de ses puisnez n’est point sujette à insinuation. du vivant du donateur, mais elle le doit être six mois aprés sa mort, et en ce cas l’insinuation.

vaut d’acceptation : or si dans les regles et suivant l’usage de la Province l’insinuation esit valu d’acceptation, il eût été super slu d’en faire une disposition particuliere, au contraire il faut conclure de-là que si dans un cas si favorable l’acceptation est suppleée par l’insinuatiom par un privilege particulier, dans toute autre rencontre l’insinuation ne peut valoir d’acceptation : que si l’on a jugé depuis que le Notaire, quoy qu’il soit personne publique, ne peut accepter valablement pour un absent, suivant l’Arrest de Doublet dont je viens de parler, nonobstant que l’insinuation en eût été requise au nom du donateur et du donataire par un Procureur du Bailliage de Roüen qui étoit encore une personne publique, un parent a beaucoup moins de pouvoir et de qualité pour accepter avec effet une donation : Il est si fort ne-sessaire que celuy qui accepte pour un autre ait une qualité suffisante, que suivant le sentiment deRicard , des Donat. n. 848. l’acceptation faite par une femme mariée sans l’auro-ité de son mary ne seroit pas valable, non plus que celle d’un mineur sans le consentement et l’approbation de son tuteur. Un Prêtre avoit donné à ses petits neveux certain héritage. qu’il avoit acquis, cette donation n’avoit point été acceptée, mais le pere des mineurs ayant fait une transaction avec le donateur pour quelques autres affaires il étoit dit en ces termes, sans déroger à la donation des enfans d’un tel, dont les parties sont demeurez contens et ont signé : On pretendit que cela valoit d’acceptation, le Juge declara la donation valable. Barbey pour l’Appellant conclud qu’elle étoit nulle faute d’acceptation, suivant l’Ordonnance de 1539 Art. 132. et les Arrests remarquez par MBouguier , 1. D. et la Coûtume requerant expressément l’acceptation elle ne pouvoit être suppléée. Durand pour les mineurs répondoit que leur pere comme leur tuteur naturel et legitime avoit pû accepter valablement pour eux cette donation, que les paroles de la transaction avoient la même force qu’une acceptation expresses étant dit sans déroger à la donation dont les parties sont demeurez contens : C’étoit l’accepter assez expressément que de n’avoir point voulu y déroger, n’étant pas nécessaite que le terme d’accepter y fût employé : Par Arrest du 7. d’Aoust 1664. la donation fut confirmée.

Un Seigneur fit donation à un particulier de la joüissance d’une terre sa vie durant, cette donation ne fut point acceptée par le donataire ny insinuée, mais il joüit du revenu de cette terre durant plusieurs années que le fermier luy paya, car il n’en joüit point par ses mains aprés plusieurs années on luy contesta cette donation, et on luy demanda même la restitution des joüissances : le donataire disoit que la joülissance valoit bien par équipollence une acceptation, et à l’égard de l’insinuation les heritiers du donateur n’étoient point capables de l’opposer : On répondoit pour l’insinuation que pendant la vie du donateur et du donataire elle pouvoit être faite, mais non aprés le décez de l’un ou de l’autre quand les quatre mois sont passez ; dans le fait le donateur étoit decedé avant que l’insinuation fût faite, pour l’aceptation depuis l’Ordonnance non seulement elle a été jugée nécessaire, mais de l’essente même de la donation. Il restoit à sçavoir si cette acceptation peut être suppleée par équipolsence, et si cette joüissance est équipollente à une acceptation ; Il n’y a qu’un cas ou l’on upplée l’acceptation, qui est le Contrat de mariage, la faveur de ce Contrat étant si grande qu’elle supplée même le nantissement et la realisation, la donation étant faite en contemplation du mariage, si le mariage ne s’accomplit point quand il y auroit acceptation elle ne seroit pas bonne ; mais d’avoir reçû les fermages de cette métairie par les mains d’un fermier, ce n’est ny acceptation ny équipollence : si le donataire se fût mis en possession et qu’il eûr joûy par ses mains, cela eût pû faire une difficulté considérable : Par Arrest du Parlement de Paris. du 21. de Janvier 1620. au Rapport de Mr de Saintot, la donation fut infirmée, et le donafaire déchargé de la restitution des joüissances.

Quand on dit que l’acceptation est de l’essence de la donation, il ne faut pas conclure de-là que l’on ne puisse accepter depuis que l’acte est fait, mais cela veut dire que la donation ne peut jamais valoir sans acceptation ; quand la donation est faite à un absent, il n’est pas neressaire que le Notaire accepte pour luy pour en induire qu’elle seroit nulle, eo ipfo, et que l’on ne pourroit par aprés faire une acceptation, et qu’il faudroit recommencer ou avoir une pouvelle signature du donateur ; car bien qu’il soit vray que le donateur puisse revoquer une dlonation qui n’est point acceptée sans donner aucun temps au donataire pour l’accepter, non pas même celuy de quatre mois, néanmoins il est sans doute que tant que le donateur et le lonataire vivent, le donataire peut accepter sans en parler au donateur, et il n’a pas besoin l’un nouveau consentement ou d’une nouvelle signature, pourvû qu’il n’ait point revoqué, nais il faut que l’acceptation soit dans le corps de la donation, ou que l’on la transcrive, et qu’au bas de cette copie ou de la minute on mette que le donataire l’a acceptée ; mais lors que celuy qui étoit absent veut accepter la donation, il est absolument necessaire que l’instrument de la donation soit inseré dans l’acceptation, l’Ordonnance de 1549. y est expresse en ces termes, pouroû que l’instrument de la donation soit inseré en la note, acte et instrument de ladite acce-pration : et quoy que suivant la remarque deRicard , des Donat. p. 1. c. 4. sect. 1. il ait été jugé au Parlement de Paris que l’instrument de la donation est reputé suffisamment inseré Sans l’acte de la donation lors qu’elle est faite au pied du Contrat de donation, parce que ces leux actes étant incorporez l’un dans l’autre n’en composent qu’un seul, neanmoins l’Ordonnance est si expresse au contraire que cela reçoit beaucoup de difficulté

L’acceptation est necessaire pour faire valoir la donation entre le donateur et le donataire, car étant acceptée le donateur est obligé de delivrer et de delaisser la chose donnée, et ce dessaisissement actuel de la proprieté de la chose donnée est une des marques les plus essentielles d’une donation entre vifs faite sans déguisement et sans fraude.

Mais Pinsinuation est particulièrement necessaire contre les creanciers du donateur, et même contre les heritiers. On a réglé par trois Ordonnances la forme des insinuations : La premiere de l’année 1534. Art. 132. contient que toutes donations doivent être insinuées et enregistrées aux Jurisdictions ordinaires des parties et des choses données : La seconde est de Henry Il. Art. 2. pour laver la difficulté pour les donations remunératoires, et cette Ordonnance contient que sous le nom de donations seront comprises et sujettes à l’insinuation les donations faites par Contrat le maniage et autres donations entre vifs, bien qu’elles ne soient simples, ains remuneratoires où autrement : La troisième est l’Ordonnance de Moulins de l’année 1566. Art. 10 elle ajoûre en l’Art. 58. qu’elles seront insinuées dans les quatre mois dn jour de la datte d’icelles, autrement qu’elles seront nulles, tant à l’égard des creanciers que de l’heritier du donateur.

Il ne sera pas inutile d’examiner comment et dans quel temps l’insinuation doit être faite, quelles personnes sont recevables à opposer ce défaut, et si l’insinuation est necessaire en touses sortes de donations, et enfin en quelle forme elle doit être faite : ra forme des insinuations est que les donations soient publiées et enrégistrées aux Greffes des Jurisdictions où les choses données sont situées. Il ne suffit pas que l’insinuation soit employée sur le Contrat, il faut encore qu’elle soit enrégistrée pour éviter aux frabdes et afin que l’on puisse en avoir connoissance, et c’est pourquoy par Arrest en la Chambre de l’Edit de nois de Juillet 1629. entre le sieur de Vaux S. Clair, et le sieur de l’Isle, une insinuation qui ne contenoit point l’enrégistrement de la donation fût déclarée. nulle : et par Arrest du Parlement de Paris il a été jugé qu’encore que la donation eût été faite en Jugement le man-quement d’insinuation la rendoit nulle ;Loüet , I. D. n. 22. Il faut aussi qu’elle soit lûs publiquement en Audience les Assises tenantes, et si les quatre mois étoient prests à expirer avant le jour des Assises, on peut faire publier la donation en un jour extraordinaire, à la charge de reiterer cette publication aux prochaines Assises Le donataire a quatre mois pour faire insinuer sa donation s’il est demeurant dans le Royaume, et six mois s’il est absent et hors du Royaume, et les obligations contractées par le donatour entre la donation et l’insinuation faite dans les quatre mois, ne peuvent avoir d’hypothe-que au prejudice du donataire, parce que l’insinuation en ce cas a un effet retroactif ; ainsi jugé par Arrest en la Grand. Chambre du 26. de Juin 1626. Il en seroit autrement si l’insinuation avoit été requise aprés les quatre mois, elle ne serviroit au donataire que du jour qu’elle auroit été faite, et les dettes contractées par le donateur seroient préférables à la donation.

Il y a des personnes qui ne sont pas recevables à opposer le défaut d’insinuation, le donareur ne le peut alléguer, car il n’a point d’interest à l’insinuation qui n’est point requise pour son regard, mais seulement pour les créanciers et pour les heritiers, et par la même raison il ne peut revoquer la donation avant l’insinuation : On a fait cette question, si celuy qui avoit signé au Contrat de donation et depuis avoit acquis les choses données pouvoit objecter le défaut d’insinuation : Un Gentilhomme avoit été present et avoit signé au Contrat de mariage d’un sien domestique auquel on faifoit donation de quelques immeubles, ce Gentilhomme qui avoit acquis les heritages donnez étant troublé par les enfans du donataire, leur opposoit que la donation n’avoit point été insinuée ; les enfans répondoient que cette défense étoit mal seante en sa bouche, les Loix n’ont ordonné l’insinuation des donations que pour les rendre notoires et publiques, et pour éviter les fraudes et la surprise : or il n’importoit point par quelle voye l’on ait eu connoissance de la donation, ou par celle de la publication, ou pour avoir signé au Contrat, il suffit que l’on en ait eu une parfaite connoissance : celuy qui a signé à l’acte de donation ne peut se plaindre d’avoir été surpris en achetant ce qu’il n’ignoroit point n’appartenir plus à son vendeur à cause du don qu’il en avoit fait, et l’insinuation ne fen auroit pas mieux informé que son propre fait et sa signature : Le Juge de Tinchebray voit ajugé l’héritage aux enfans, dont l’acquereur ayant appellé la Sentence fut confirmée par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 24. de Février 1668. Coquille étoit d’un sentiment conforme à cet Arrest, Quest. 165. Me Jean Ricard est d’opinion contraire, par cette raison que l’insinuation étant désirée pour empescher les fraudes et afin que la proprieté des choses ne demeurât pas dans l’incertitude, ceux lesquels y ont été presents ne sont pas obligez d’en faire un autre jugement jusqu’à ce qu’elle ait été suivie d’insinuation, qui est une cormalité nécessaire, et il cite un Arrest du Parlement de Paris qui la jugé de la sorte ; il s’aide aussi de l’autorité de Mr le President du Faure en son Code, de Donat. que sub modo, defin. 8. de Donat. par. 1. c. 4. sect. 3. gl. 1. n. 1. 49. le seigneur qui a en sa saisine un Contrat de donation et a recû les lots et ventes ne laisse pas de se prevaloir du défaut d’insinuation s’il se rencontre qu’il y ait interest en une autre qualité : En effet il semble que cette science d’un particulier et sa signature en un acte ne dispense pas le donataire d’accomplir ce qui est prescrit par la

Loy pour faire subsister un acte, et celuy qui acquiert la chose donnée peut dire qu’il ost en bonne foy quoy qu’il n’ait pas ignoré la chose, parce qu’il s’est appuyé sur l’autorité de la Loy qui déclare nulles les donations non insinuées, de sorte que la science et la certitude que l’on a de la donation ne doit pas excuser ces manquemens de solemnitez qui se rencontrent en l’acte : La Cour se porta à confirmer la donation par la qualité de l’acquereur, c’étoit un Gentilhomme qui avoit acquis ce qu’il sçavoit bien avoir été donné à son domestique, que si ce même Gentilhomme avoit revendu ce même héritage à un tiers, l’exception des enfans ne leur eût pû servir contre luy.

Puis que le donateur ne peut pas se prevaloir du défaut d’insinuation, il semble que fes heritiers ne peuvent pas l’objecter, parce que celuy qu’ils representent ne l’auroit oû faire, quoy que l’Ordonnance de Moulins, Article 58. dispose en termes exprés, qu’à faute d’insinuation seront et demeureront les donations nulles et de nul effet et valeur, tant pour le regard du creancier que de Pheritier du donnant. L’on n’a pas laissé de douter longtemps. en ce Parlement, si les heritiers étoient recevables à proposer cette nullité : Mais enfin il a été jugé plusieurs fois suivant l’Ordonnance que l’insinuation étoit requise tant à l’égard des eritiers comme des creanciers ; ce qui est fondé sur ces raisons, que l’heritier n’est pas cense contester le fait du défunt, mais accuser seulement la negligence du donataire : et d’ailleurs lheritier a un pareil interest que les creanciers que la donation soit insinuée, car en acceptant ne succession il s’engage à payer toutes les dettes dont elle est chargée : Il est donc juste qu’il soit informé des donations faites par le défunt avant que de se déclarer heritier, parce qu’ils gnorent souvent ce qui s’est passé dans leurs familles, et que par cette raison ils ont besoin d’en être instruits ;Coquille , Quest. 165.Bacquet , des Droits de Justice, c. 21. n. 36. et suivans.

Dans les Coûtumes où le mary peut donner à la femme les heritiers du mary ne peuvent objecter à la femme le défaut d’insinuation, car elle auroit cette exception contr’eux, que le mary étant le maître et ayant la direction des actions de sa femme il étoit de son devoir de requerir l’insinuation : Tout administrateur de la personne et des biens d’autruy doit veilles à la conservation des actions de celuy qui est sous sa conduite. On a en suite traité cetti question, si la femme ne doit pas en tout cas faire insinuer dans les quatre mois aprés le decez de son mary : Me Jean Ricard a soûtenu que Mr Loüet s’étoit trompé lors qu’il avoit ssuré en la l. I. n. 1. que les heritiers n’étoient pas recevables à opposer le défaut d’insinuation à la femme, pourvû qu’elle eût fait insinuer la donation dans les quatre mois aprés la mort du mary et non autrement ; et aussi que MrLoüet , 1. D. n. 4. avoit luy.-même réconnu son erreur et déclaré que l’Arrest avoit été rendu contre son avis, que l’heritier du mary étoit du tout non recevable à objecter à la femme le manquement d’insinuation, et à se prevaloir de ce qu’elle ne l’avoit pas faite depuis qu’elle étoit devenuë libre, et ainsi qu’il falloir rendre garde de n’expliquer pas ce que dit cet Auteur sous le nombre 1. de la I. I. par le Chap. 4. de la l. D. comme avoit fait son Commentateur, vû qu’au contraire le contenu en la l. 1. doit être corrigé par ce qu’il a dit sous la I. D.Ricard , n. 1244. Je m’engagerois inutilement à démeler cette difficulté, parce que suivant nos Maximes elle ne peut naître en cette Province où les donations du mary à la femme sont generalement défenduës. en tout temps.

Les Receveurs des Amendes ne sont point des parties capables d’objecter le manquement l’insinuation. Arrest du 27. de May 1609. entre Marguerite le Roy veuve du Tenneur et tutrice de ses enfans, et Baumer Receveur des Amendes : l’avancement de succession fait par de Tenneur à ses enfans n’avoit point été insinué, il fut depuis executé à mort et condamné en de grosses amendes ; le Receveur des Amendes voulut debattre la donation faute d’insinuation, nonobstant son contredit elle fut confirmée, quia de hpotheca non acebatur ; la dona-tion ne peut être annullée faute d’insinuation suivant l’Ordonnance de Moulins, que par l’horitier ou par le creancier, mais le Fise n’est creancier ny heritier.

Il y a donc des personnes qui ne sont pas recevables à objecter le défaut d’insinuation, mais s il y en a peu qui soient dispensées de la rigueur de l’Ordonnance, ou qui soient restituables pour avoir ômis cette solemnité : Il est sans doute que les donations faites par le Roy aux particuliers ou par les particuliers au Roy n’y sont point comprises, la question a été longtemps problematique.

On a douté à l’égard des mineurs pour sçavoir s’ils en pouvoient être dispensez, ou en tout cas s’il y avoit lieu de les restituer contre le défaut d’insinuation : Les Arrests du Parlement de Paris sur ce sujet ont été fort differens en quelques cas et sur des circonstances particulieres ; les mineurs ont été relevez du défaut d’insinuation suivant la l. Minorib. C. de donat. ante nupt. quoy qu’ils ne pûssent l’être du défaut d’acceptation ; ces Arrests ne pouvoient servir de loy, parce que la pluspart portoient cette clause, sans tirer à consequence : aussi quand la question a parû sans aucunes circonstances particulières et dans les termes generaux elle tté jugée contre les mineurs, parce que les Loix leur ont bien accordé de la protection et des privileges pour conserver ce qui leur appartient, mais quand il s’agit d’acquerir ou de rendre leur condition meilleure ils n’ont jamais été dispensez du droit commun, et c’est maintenant une jurisprudence certaine ; voyez Brodeau en son Commentaire sur M.Loüet , l. D. n. 58. et S8.Ricard , des Donat. part. 1. c. 4. sect. 3. gl. 3.

L’on pretend néanmoins qu’il faut faire distinction entre les heritiers et les créanciers, et que si par quelques Arrests on avoit jugé que les mineurs n’étoient point restituables, sauf leur recours contre leurs tuteurs ou curateurs, c’étoit alors que les donations étoient contestées par les créanciers du donateur, mais qu’il ne s’en trouvoit point qui eussent été rendus. au profit des heritiers, parce que comme le donateur ne pourroit pas arguer la donation par ce défaut, son heritier qui est tenu de ses faits ne la pourroit pas contester : cette question. s’offrit en la Chambre des Enquêtes du Parlement de Paris entre Mr le Prince de Guimené d’une part, et Mr le Comte de Rochefort Abbé de Vendôme d’autre, sur la validité d’une donation faite par feu Mr le Duc de Monbason audit sieur Comte de Rochefort, on alléguoit pour nullité contre cette donation qu’elle n’avoit point été insinuée : Par Arrest du S. de Septembre 1655. aprés une plaidoitie de trois Audiences les parties furent appointées au Conseil, et cependant on ordonna que par provision la donation seroit executée. On allégua lors de la plaidoirie un Arrest donné en la même Chambre le 18. d’Aoust 1640. au Rapport de Mi Gilpert, pour une donation faite à un mineur sans insinuation contre l’heritier du donateur.

La Jurisprudence de ce Parlement n’est pas si incertaine, les mineurs en cette rencontr n’ont aucun privilege, soit que le défaut d’insinuation leur soit objecté par les créanciers ou par les heritiers.

I n’y a point de doute que les rustiques et les ignorans ne soient comptis sous l’Ordonnance.

Il ne reste plus qu’à éclaircir ce point, si toutes espèces de donations doivent être nécesfairement insinuées

Bien que l’Ordonnance de 1539. se fût expliquée en termes generaux, et que par ces mots, toutes donations, on ne dûst point faire de distinction sur la nature et la quasité des donations, néanmoins comme celles qui sont faites pour recompense de services ou en faveur de mariage ne passoient pas dans le sentiment de plusieurs pour de véritables donations, Henty Il. fit ane Ordonnance en l’année 1549. par laquelle il déclara que sous le nom de donations l’on devoit comprendre celles qui sont faites par Contrats de mariage et toutes autres, bien qu’elles ne fussent simples : et l’Ordonnance de Moulins, Art. 58. veut que toutes donations faites sentre vifs mutuelles, reciproques, onereuses en faveur de mariage, et autres de quelque forme et qualité qu’elles puissent être faites entre vifs soient insinuées aprés les quatre mois, le tout à peine de nullité, tant à l’égard de l’heritier que du creancier.

Lors de la Reformation de la Coûtume on empluya cet Article pour Coûtume nouvelle, mais l’on ne se contenta pas de dire en termes generaux comme on avoit fait par l’Ordonnance de Henry Il. et par celle de Moulins, que les donations d’immeubles faites entre vifs en faveur de mariage devoient être insinuées dans les quatre mois. Nos Reformateurs previrent encore fort prudemment que ces paroles, en faveur de mariage, ne fetoient, pas cesser toutes les difficultez, et que l’on pourroit douter si les donations faites en directe seroient sujettes à la forme de l’insinnation : ce fut pour cette raison qu’ils s’expliquerent en cette manière, que les donations de pere à fils en faveur de mariage devoient être insinuées, excepté tou-tefois celles faites par les peres à leurs puisnez en Caux.

L’on peut remarquer par la lecture des Arestographes du Parlement de Paris que ces paroles, de pere à fils, ont été ajoûtées soit à propos pour prevenir cette célèbre question que l’on a formée au Parlement de Patis, à sçavoir si les donations faites par pete et mere en faveur de mariage de leurs enfans, soit fils ou filles, sont sujettes à l’insinuation à l’égard des creanciers : Dans la troisième et quatrième Partie du Joutnal du Palais cette matiere est doctement traitée, et l’Auteur y a rapporté les Arrests qui ont decidé, que non seulement les donations faites par pere et mere en faveur du mariage de leurs enfans ne sont point sujettes à l’insinuation à l’égard des créanciers, mais même que les donations de cette qualité ne sont point reductibles à la quantité des biens que les peres et meres peuvent donner à leurs enfans suivant leurs conditions et facultez au temps qu’ils les ont mariez, Entre les raisons et les autoritez dont cet Auteur se sert pour prouver que par toute la Franee l’Article 58. de l’Ordonnance de Moulins a lieu, il cite l’Art. CCCCXLVIII. de la Coûtume de mandie qu’il appelle la sage Coûtume, parce qu’en effet il n’y a gueres de cas importans qu’elle n’ait prevûs ; mais comme la disposition de cet Article est contraire à la proposition qu’il veur établir, qué la donatlon de pere à fils en faveur de mariage n’est point sujette à l’insinuation, il ajoûte que cette disposition particulière étant contre le droit commun, Bérault, fameux Commentateur de cette Coûtume sur cet Article, en excepte la dot des filles, et en rapporte un Arrest du 8. Mars 1600. rendu au Parlement de Normandie contre les créanciers du pere donateur, et que dans l’espèce de cet Arrest le seul motif, ainsi que l’obsorve ce Commentateur, fut que l’Ordonnance des insinuations n’avoit point parlé des dois, mais seulement des donations, et sur cet Arrest le même Auteut fait ces observations qu’il a été donné depuis l’Ordonnance de Moulins et qu’il justifie deux choses ; la premiere, que l’Ordonnance ne comprend point les avancemens d’hoirie faits par pere et mère dans le Contrat de mariage de leurs enfans ; la seconde, que les dots des filles ne sont pas plus privilegiées que ce qui est donné aux mâles en Contract de mariage par leurs pere et mere On ne pouvoit donner à nôtre Coûtume plus à propos qu’en cette rencontre cet éloge, d’avoir sagement prevâ les cas les plus importans, puis qu’en effet elle a suppleé ce qui semploit manquer à la disposition de l’Ordonnance, et qu’elle s’est expliquée si nettement pour les donations en faveur de mariage qu’il n’y a point eu lieu parmy nous de douter, comme on a fait ailleurs, que les donations en faveur de mariage, même celles de pere à fils, ne fussent sujettos à l’insinuation, et l’on peut soûtenir qu’en ce faisant nos Reformateurs ont mieux entendu le véritable sens de l’Ordonnance ; car les pretextes dont on s’est servi pour eluder sa disposition, en n’y comprenant que les donations faites en faveur de mariage par des collateraux ou par des étrangers, me paroissent peu solides : car encore qu’il y ait une presom-ption naturelle que les peres et meres en mariant leurs enfans leur fassent quelques avance mens, néanmoins comme ces donations et ces avancemens peuvent être plus ou moins grands, et qu’ils peuvent même comprendre tous leurs biens, il est à propos afin que les étrangers ne soient pas surpris, que ces donations soient renduës publiques et notoires ; et c’est pourquoy nôtre Coûtume qui a voulu prevenit autant que les lumières de la prudence le pouvoient permettre, les fraudes, les tromperies, et les mauvaises explications que l’on pouvoit donner à les dispositions, ne s’est pas contentée d’avoir ordonné dans l’Article CCXLIV. que si le pere promis à l’un de ses enfans en faveur de mariage de luy garder sa succession cette promesse oit insinuée, elle a encore jugé nécessaire en expliquant l’Ordonnance d’y ajoûter que les donations de pere à fils en faveur de mariage étoient sujettes à l’insinuatlon.

Mais parce que l’Auteur du Journal en citant l’Arrest remarqué par Berault sur cet Artis cle y a fait des reflexions qui ne sont pas conformes à l’esprit de nôtre Coûtume, il est important de faire observer qu’encore que la dot promise à la fille ne soit point sujette à l’insi-quation, lon ne doit pas conclure de l’Arrest remarqué par Berault que lOrdonnance de Moulins ne comprend point les avancemens d’hoitie faits par pere et mère dans le Contrat de mariage. de leurs enfans, et que si la dot des filles n’y a point été comprise ce n’a pas été par cette raison qu’elle soit plus privilegiée que ce qui est donné aux mâles dans un Contrat de mariage, mais que l’Arrest est fondé sur une autre consideration qu’il est necessaire de faire remarquer

Il n’y a pas d’apparence en Normandie de soûtenir que lOrdonnance de Moulins ne comprend point les avancemens d’hoitie faits par les pere et mère à leur fils dans leur Contrat de mariage, puis que cet Article qui les y comprend expressément déclare que c’est conformément à l’Ordonnance, ce que la Coûtume avoit déja déecidé par l’Artirle CCXLIV.

Il est vray que cela n’a pas été étendu à la dot, et que sous le mot de fils les filles n’ont point été comprises, mais la raison en est apparente. En Normandie les filles ne succedent point tant qu’il y a des mâles ou descendans des mâles, elles sont seulement reputées créancieres naturelles de leur pere ; in tam necessariis conjunctisque personis sub liberalitatis nomine ebitum naturale persolvitur : l. Vnica, C. de impon. lucrat. descript. Et Pontanus sur l’Art. 89. de la Coûtume de Blois, dit que hoc casu pater proprié donare non intelligitur, sed magis anticiare tempus in debito rest tuendo : lors que leur pere les a mariées et qu’il n’a point acquité les comesses qu’il leur a faites elles viennent sur ses biens dans l’ordre et l’hypotheque de eurs Contrats de mariage, s’ils sont en bonne forme et s’ils ont été reconnus suivant le Reglement de 1600. ce qui ôte aux creanciers tout fujet de se plaindre ; car outre qu’ils ont ù avoir connoissance des Contrats de mariage, qui doivent necessairement avoit été rendus publics pour acquerir hypotheque, on peut encore leur opposer qu’ils ont dû prevoir que les filles mariées pouvoient être creancieres de leur pere par cette presomption naturelle, que les peres et meres dotent toûjours leurs filles en les mariant, et c’est par cette raison que le Droit Romain les exemproit de l’insinuation, l. 31. 6. de jure dot. D’ailleurs à l’égard du gendre, la promesse faite par le pere est plûtost un Contrat et une obligation qu’une donation : Contractus sunt potius quam donationes, nempe pensationes onerum matrimonii ; & hoc jus semper obrinuit ut dotes non insiuuarentur actis sive gestis publicis,Cujac . Ad l. 11. c. de dot. promiss.

Pour la reduction de la dot les creanciers anterieurs au mariage n’ont pas interest de la denander, parce que la dot n’étant reputée qu’une dette du pere, la fille n’en peut être payée sur ses biens que dans l’ordré de son hypotheque ; et par ce même principe que les filles ne sont que de simples creancieres, les créanciers posterieurs à leur Contrat de mariage ne pouvoans ignorer cette qualité, ne sont pas admissibles à demander la reduction, parce qu’ayant contracté avec le pere depuis le mariage de sa fille ils ne peuvent se plaindre que le pere ait tromis une dot excessive à sa fille pour les frauder, ny se prevaloir de la croyance qu’ils ont euë que le pere n’auroit donné que proportionnément à ses facultez, puis que par la notorieté du Contrat de mariage ils ont pû en être pleinement informez. Il est vray que l’on peut répondre que par cette raison les avancements d’hoiries doivent être exempts de l’insinuation, puis que la presomption n’est pas moins violente : mais il y a cette difference qu’ordinairement les peres ne font pas de grands avantages à leurs filles lors qu’ils ont des fils, et que d’ailleurs étant un droit public que les filles ne sont reputées que creancieres pour leur dot, et que leur hypotheque ne se prend que du jour de leur Contrat de matiage quand il a été reconnu suivant le Reglement de l’année 1600. personne ne peut être trompé que volontairement.

Par ce même principe ce que le pere donne à sa fille aprés l’avoir mariée par augmentation de dot peut valoir sans l’insinuation, parce que ces donations ne pouvant avoir leur effet par a Coûtume qu’en cas qu’elles n’excedent point la legitime de la fille, elles sont considerées comme un supplément qui doit avoir les mêmes prerogatives que son principal : On jugea neanmoins le contraire par un Arrest le 17. de Juin 1662. dont j’ay déja parlé ailleurs. Sur un appel du Juge de Coûtance une donation faite par un pere par son testament à ses filles mariées de son propre, non insinuée et n’ayant pas vécu trois mois aprés son testament, fut declarée nulle, les Juges étant dans cette croyance qu’il n’est permis au pere de donner à sa fille qu’en la mariant, et que cette augmentation de dot étoit contre la Coûtume, d’où ils concluoient qu’il ne falloir point ajoûter grace sur grace, et qu’il ne falloit pomt approuver ces donations si elles n’étoient revétuës. de toutes les solemnitez necessaires pour les donations qui seroient faites à des étrangers, telles que sont les filles en Normandie, et de faize Juges en la Grand. Chambre qui jugerent incidemment un partage de la Chambre des Enquêtes, il n’y en eut que quaire qui fussent d’avis contraire, Mr d’Amiens Rapporteur, Mi de Monfort Compartiteur, à l’avis duquel il passa entre Hainel et Valières : mais ayant fait voit ailleurs que le pere peut donner à sa fille autrement qu’en la mariant, et cette maxime établie par nombre d’Arrests, et même étant cettain que si ces donations étoient reputées pour de vérit ables iberalitez elles seroient contraires à l’Art. CCCexXXI. qui ne permet point de donner à celuy qui descend du donateur en droite ligne, et que par cette raison pour leur donner force on les 2 regardées comme un supplément de legitime, il me semble que ce qui n’est point necessaire pour la legitime ne l’est point pour le supplément de cette même legitime : En ce cas les filles ne peuvent être reputées étrangetes, parce qu’en leurs personnes il se rencontreroit un obstacle essentiel à la validité de la donation, pour être descendantes du donateur en droite igne ; les autres circonstances que le pere avoit donné de son propre par testament, et qu’il n’avoit point vécu trois mois, ne peuvent avoir été le motif de l’Arrest ; car si ces circonances eussent produit une nullité elle n’auroit pû être Effacée par l’insinuation, mais ces con-ditions requises par la Coûtume n’ont pas lieu pour les dons que les peres font à leurs filles pour leur legitime.

Cette Maxime que je viens d’établit que les dots promises par les peres et meres à leurs enfans en les mariant ne sont pas de véritables donations en Normandie, et que par conse quent elles ne sont point sujettes à l’insinuation, n’a pas lieu seulement en Normandie, elle été autorisée par plusieurs Arrests du Parlement de Paris qui ont considéré ces donations comme l’acquit d’une obligation naturelle et morale :Brodeau , en son Commentaire sur Mr Loüer I. D. n. 6t.Ricard , des Donat. part. 1. c. 4. sect. 3. gl. 1.

Cela donc ne reçoit point de doute entre le donataire et les heritiers du donateur, mais la difficulté est restée à l’égard des creanciers du donateur posterieurs à la donation, plusieurs ayant estimé qu’il falloir faire différence entre les heritiers et les créanciers, ceux-cy ayant pû ignorer la donation dont ils ne pouvoient avoir connoissance que par les actes publics dont l’insinuation est le plus notoire : Cette question est debatuë de part et d’autre par Me Jean Ricard au lieu preallégué, qui conclud que ce combat de raisons demandoit un Arrest solemnel pour terminer la question, pour sçavoir si les donations qui sont faites en faveur de ma-riage par les peres à leurs enfans sont exempts d’insinuation aussi-bien à l’égard des créanciers que des heritiers du donateurs

Elle n’est pas si malaisée à decider en Normandie à l’égard des donations que le pere fait à ses fils en faveur de mariage, alles sont indispensablement sujettes à l’insinuation par la disposition expresse de cet Article. Pour le don du pere à la fille comme il n’a pas l’essence de la véritable donation qui est la pure liberalité du donateur, non enim est beneficium, sed officium facere quod debeas, quoy que la fille n’ait pas d’action contre son pere pour la pourvoir, on ne doit pas reputer ce qui est promis par le pere que comme une obligation pour la validité de laquelle il suffit qu’elle soit reconnuë ou passée devant Notaires.

Et dautant que suivant cet Article la donation du pere au fils doit être insinuée, cela fit naître cette question singuliere pour le doüaire d’une veuve. Campion avoit deux fils, et aprés avoir marié son ainé il leur fit une démission generale de tous ses biens, rétenant seulement une pension, les enfans partagerent la succession et en joüirent quelque temps : le puisné mourut le premier et sans enfans, et le pere par aprés, et enfin le fils ainé : La veuve de l’alné ayant pretendu doüaire sur la succession entière du pere, il luy fut contredit par les creanciers du puisné, soûtenant que pour le partage du puisné c’étoit une succession collaterale, sur laquelle il ne luy étoit dû auoun doüaire : Il fut répondu par la veuve que la donation n’ayant point été insinuée la proprieté n’en avoit point été transmise ny acquise aux enfans : En effet si ce pere depuis sa démission avoit contracté des dettes les enfans n’eussent pû contredire le droit et l’hypotheque des creanciers vâ le défaut d’insinuation, que ce même manquement peroit à son benefice, et que le pere s’étoit conservé la proprieté de son bien, et son puisné étant mort avant luy il étoit demeuré saisi de la proprieté des mêmes biens dont il avoit fait vancement à ses enfans, cette donation étant un avancement de succession dont la proprieté de s’acquiert que par l’insinuation : Il fut repliqué par les creanciers qu’entre les freres ce Contrat n’étoit point sujet à insinuation, et que c’étoit une succession partagée entr’eux en consequence de la démission qui leur en avoit été faite par leur pere, ce qui leur en avoit pleinément transféré la proprieté, et ils en étoient entrez en joüissance, que le pere n’avoit pù obliger son partage à ses dettes, et comme le pere n’auroit pû succeder à son fils puisné au prejudice de son ainé, il étoit sans difficulté que c’étoit une succession collaterale sur laquelle cette veuve ne pouvoit avoir doüaire : Par Arrost en la Grand-Chambre du premier de Mars 1849. au Rapport de Mr Auber, la veuve fut deboutée de sa demande. Chopin a été d’avis que partis hereditariae datio fratri facta non eget insinuatione de utili.And . dom. l. 3. c. 1. t. 4. n. 8. Quoy qu’il soit vray qu’en vertu d’un avancement les enfans ne soient pas abfolument proprietaires, et que honobstant les partages qui en ont été faits entre les frores ils puissent en changer l’ordre aprés le decez de leur pere, lors qu’il est arrivé quelque changement par la mort de quelque ftere, comme il fut jugé en la Cause des sieurs le Forestier Ozeville, où l’alné fut reçû à prendre preciput nonobstant que les freres eussent artagé l’avancement qui leur avoit été fait par leur pere, néanmoins à l’égard des créanciers quand le peré a donné la proprieté les enfans la peuvent affecter à leurs dettes, suivant les Arrests que j’en ay remarquez ailleurs ; et comme le frere ne pourroit opposer le manquement d’insinuation, parce qu’à son égard c’est un partage, aussi sa veuve n’est point feceva-ble à y demander un doüaire.

Autre Arrest sur ce fait du 1S. de Fevfier 1653. au Rapport de Mr Fermanel, aprés en voir consulté la Grand. Chambre : Le Sauvage au droit de Collete Morel sa mère demandoit le tiers des héritages de Thomas Morel son pere à Boesset dernier acquereur d’iceux Cet acquereur representa que Pierre Quesney avoit donné à Thomas Morel son neven et son heritier presomptif par son Contrat de mariage la moitié de ses immeubles, et Morel en étant devenu proprietaire en vertu de cêtte donation, le Sauvage son petit-fils ne les pouvoit posseder au droit de sa mere que comme étant devenuë heritière de Thomas Morel son pere, et par consequent qu’il pouvoit demander le tiers sur les autres biens de son pere, vû qu’il joüissoit de ceux qui luy avoient été donnez : mais le Sauvage répondoit que sa mere ayant sor-vécu Thomas Morel son pere, elle étoit devenuë heritière dudit Quesney son grand oncle, et par cette raison il possedoit ces héritages non en vertu de la donation qui avoit été faire à son ayeul, fhais comme hieritier de sa mere qui avoit succedé à son onde, parce que E donation qui avoit été faite à Thomas Morel son ayeul n’ayant point été, insinoée elle étoit nulle et ne luy avoit pû acquerir ny transmettre la proprieté des choses données : la raison de douter étoit que cette donation avoit été faite à l’heritier presomptif, mais cet heritier tant mort avant le donatéur son oncle, sa fille prenoit ce bien non comme son heritière, mais comme venant de son chef à la succession de son grand oncle, de sorte que les acquereurs des héritages donnez ne se pouvoient prevaloir de la donation faite à leur vendeur à cause du défaut d’insinuation que lheritière du donateur étoit recevable à leur opposer : par l’Arrest la donation fut déclarée nulle. Autre Arrest au Rapport de Mr Côté du 23. de Juin 665. entre le Pelletier et de l’Epine

On a douté fort long-temps si le don mobil que la femme fait au maty par le Contrat de mariage suivant l’usage de Normandie, quand ce don mobil consisteen héritage étoit sujet à insiquation : Il paroit par les Commentaires de Me JosiasBerault , que lors qu’il écrivoit cette difff culté n’avoit pas encore été pleinément decidée au Palais : Il rapporte véritablement des Arrests par lesquels la donation faite par la femme à son futut mary par le Contrat de mariage d’une somme de deniers à prendre sur ses immeubles n’étoit point sujette à infinuation, et quoy qu’il dûst tenit suivant ces Arrests que l’insinuation n’étoit point necessaire pour la donation des immeubles, puis que lon avoit jugé que les deniers donnez à prendre sur les immeubles dffectoient les immeubles nonobstant le défaut d’msinuation ; néanmoins il avoit ajoûté qu’il en seroit autrement de la donation d’immeubles, ce qui avoit fait tombet dans lerreur presque tous les Juges subalternes que l’on a eu beaucoup de peine à détromper, encore qu’il y ait ong-temps que ce né soit plus une chosé douteusé, la question ayant été deoidde par un’treatrand nombre d’Arrests dont j’en rapporteray quelques-uns. Marguerite lEeuyer donna pour don mobil à Jacques le Noir le tiers de ses héritages ; Marie le Noit issué de ce mariage fut nariée à Nicolas Regnaud, auquel on donna aussi le tiers des héritages de Marie le Noir qui étoient ceux de Marguerite l’Ecuyer sa mere, ce qui fut fait du consentement dudit le Noit son pere qui remit le don qui luy avoit été fait. Regnaud ne fit point insinuer son Contrat de mariage ; et aprés la mort de Marle le Noir sa femme sans enfans, un nommé l’Ecuyur son heritier contredit la donation vâ le défaut d’insinuation : Régnaud et le Févre anquel il avoit cedé son droit alléguerent qu’en ces sortes de donations l’infinuation n’étoit point requise, n’étant faite au mary que pour luy aider à supporter la dépense et les charges du manage : par la Sentence du Juge de Longueville les défenses de Regnaud avoient été jugées pertinentes, ce qui fut confirmé par Arrest du 8. de Juin 1636. en l’Audience de la Grand. Chambre.

De qu’il y avoit de particulier étoit que le Noir avoit remis le don qui luy avoit été fait, ce qui n’étoit pas contredit par ses heritiers.

Autre Arrest en la Grand-Chambre du 4. de Juillet 1645. entre les nommez Coton, plaidans Baudry et le Févre : On jugea que ce n’étoient pas des donations, mais des pactions du mariage, sous la foy desquelles il avoit été accompli. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit du 29. de Juillet 1650. Caruë plaidant pour du Tresor Ecuyer sieur de Larturie, appellant d’une Sentence qui déclaroit la donation nulle faute d’insinuation, et de la Lande pour e sieur de S. Clair de Vaux, la Sentence fut cassée et la donation declarée valable. Voyez ls Arrests de Mr Loüer, 1. D. n. 22. et les Plaidoyers de Mr Servin, tom. 2. Sponsalitia largitas est ppecialu contractus.

Autre Arrest par Rapport du 21. de Juin 1853. entre Bonnemain Plongeon, et le Cert.

Aotre Arrest du 24. de Juillet 1653. La question fut encore decidée en termes plus avantareux en l’Audience de la Grand. Chambre le 8. de Juin 1663. une femme qui avoit des meu-oles et des immeubles avoit donné ses meubles et l’usufruit de tous ses immeubles à son maty : le Vicomte et le Bailly ayant suivi l’opinion de Berault avoient declaré la donation nulle Pur Arrest les Sentences furent cassées, et la donation de l’usufruit de tous les immeubles reduite aun tiers de lusufruit, entre Marc Hodierne ayant épousé Jeanne Vandin Appellant, et François Vandin lntimé, plaidans Theroude et Lyout. La Cour jugea nettement la quesion, quoy que la femme eût des meubles dont le mary avoit profité L’opinion de Berault fut suivie par un Arrest du 14. d’Aoust 1649. au Rapport de Mr de Sainte Helene ; on jugea même que la femme étoit recevable à debattre le don mobil qu’elle avoit fait pour le défaut d’insinuation. Un frère en mariant sa seut heritière de sa mere donna au mary le tiers des héritages appartenant à sa seur pour son don mobil, le mary vendit tout dle bien de sa femme à Groscol qui stipula un remplacement des deux tiers sur une rente de douze aens livres qu’il bailla au mary en la presence et du confentement de sa femme qui signa an Contrat : aprés la mort du mary la femme voulant rentrer en la possession de ses herita ges, l’acquereur soûtint qu’elle devoit se contenter pour ses deux tiers à cette rente de douze cens livres qu’il s’obligeoit de luy faire valoir, et même d’en bailler caution : la femme et le tuteur des enfans demanderent le remplacement entier, le mary n’ayant pas fait insinuer le Contrat de mariage, refusant d’accepter aucune rente, l’acquereur suivant la Coûtume en’Article CCCCexL. étant obligé de quiter l’héritage ou d’en payer lestimation : Le Juge Sans s’expfiquer davantage avoit ordonné qu’il seroit fait une estimation : Sur l’appel du tuteur il fut dit en reformant la Sentence qu’il seroit fait estimation de tout l’héritage, et que sor le prix le tuteur seroit payé en deniers, si mieux l’acquereur n’aimoit quitter le fonds.

Mais depuis on a donné des Arrests contraires, et afin que l’on n’en dautât plus la Cour en f a fait un Reglement, Article 74. du Reglement de 1666.

On a pareillement agité la question, si ce qui est donné à un Prêtre pour luy servir de Tître est sujet à insinuation ; Par Arrest du 23. de Juillet 1623. on jugea que cette espèce de donation en devoit être dispensée, entre Vautier ayant épousé la veuve d’Estienne de Lastelle, et Blondel. Cette même question ayant été plaidée en l’Audience de la Chambre de l’Edit elle fut appointée au Conseil le 30. de Mars 1650. Brodeau en son Commentaire sur M.Loüet , I. D. n. 56. dit avoir été jugé au Parlement de Paris que ces donations faites par un pere son fils pour luy servit de Titre étoient dispensées de lansinuation, mais que cela n’auroit pas Fresne de lieu pour la donation faite par un oncle à son neveu, qui fut jugée nulle faute d’insinuaon. Voyez du Fresne en son Journal de l’impression de 1652. 1. 7. t. 33.Ricard , des Donat. part. 1. c. 14. sect. 3.Boniface , tom. 1. l. 2. t. 18. c. 2.

Les donations pour causes pitoyables doivent être insinuées suivant cet Article, cependant lors qu’elles sont faites à condition de célebrer des Services on les considere comme des Contrats synallagmatiques, et sur cette consideration on les dispense de l’insinuation. Baudart un mois avant que de se faire Renigreux dans les Croisiers de CaEn leur donna trente-sept livres de rente qui composoient tout son bien maternel : aprés sa Profession les Religieux firent executer les biens de l’obligé à la rente : le Petit, sieur de S. Jean, heritier maternel de Baudart s’y étant opposé, par Sentence du Bailly de Caen la rente fut ajugée aux Croisiers : le Petit sur son appel fit ajourner les heriters paternels pour y contribuer à proportion, et il proposoit pour moyens d’appel qu’il étoit fondé en la disposition expresse de l’Ordonnance et de la Coûtume, qui desirent que les donations onereuses et pour causes pitoyables soient insinuées ; et contre les heritiers paternels il s’aidoit de l’Arrest du Cesne rapporté par Bérault ur l’Article CCCCXII. où j’ay aussi remarqué celuy. cy : Par Arrest du 29. de Juillet 1665. ni Cour mir sur l’appel et mandement hors de Cour. L’heritier paternel s’appelloit Baudart.

Par la Jurisprudence du Parlement de Paris, les donations à charge de Fondations sont dispensées de l’insinuation : VoyezRicard , part. 1. c. 2. sect. 3. n. 1182. Mantica, l. 6. t. 3.

L’insinuation n’est necessaire que pour les immeubles, et non pour les meubles.

La Coûtume ne s’est point expliquée sur la qualité du Juge devant lequel l’insinuation doit être requise, ny du lieu où elle doit être publiée et enregistrée ; mais les Ordonnances y ont suffiamment pourvû par l’Art. 132. de l’Oidonnance de 1639. les donations doivent être insinuées et enrégistrées en nos Cours et Jurisdictions ordinaires des parties et des choses données.

Ces paroles, en nos Cours et Jurisdictions brdinaires, ont fait naître ces deux questions : la première, si les Vicomtes étoient capables de tecevoir des insinuations, et si elles étoient valables lors qu’elles avoient été publiées et enregistrées aux Greffes de leurs Jurisdictions : Il sem-ble que l’on n’en peut douter lors que la donation est faite à des totutiers et de terres rotures ; car l’Ordonnance prescrivant de faire ces insinuations dans les Jurisdictions ordinaires et les Vicomtes étant de cette qualité ils sont expressément compris dans sa disposition, et les Baillifs leur opposent inutilement qu’ils n’ont point d’Assises, puis que l’Ordonnance ny la Coûtume n’ont point requis que cette insinuation se fasse aux Assises.

C’est neanmoins un usage certain que les insinuations non seülement he fe peuvent faire ue devant le Bailly, mais il est encore nécessaire qu’elles foient lues aux jours d’Assises, et odefroy qui avoit du panchant à rendre les Vicomtes competers de connoître des insinuations convient que c’est l’usage commun, et Bérault a remarqué un Arrest de l’année 1629. don-né pour servir de Reglement, suivant lequel les insinuations doivent être faites devant le Bailly.

En consequence de ces mêmes paroles, Jurisdictions ordinaires, les Officiers des Seigneurs ont pretendu que les insinuations pouvoient êtte faites en leurs Sieges lors que les parties avoient leurs domiciles, et que les choses données y étoient situées : la question en fut plaidée en l’Audience de la Grand. Chambre l’11. Roust 1678. entre la Demoiselle de Maloisel appellante, et Me de Maloisel Docteur en Medecine intimé, et par l’Arrest qui intervint la donation faite à l’appellante par un de ses freres fut declarée nulle, parce qu’elle n’avoit été insinuée que dans une Haute-Justice, plaidans de Cahagnes, et Greard. Cette question est decidée par ce terme exprés de l’Ordonnance, en nos Cours et Jurisdictions ordinaires, d’oû I resulte que l’insinuation ne peut être faite que devant les Juges Royaux : Iste textus declarat coram quo judice insinuatio fieri debeat. En nos Couts, ergo coram judicibus Regiis & sic non valeret insinuatio facta coram judicibus Baronum vel aliorum Dominorum :Rebuf . tract. de donat. nsin. gl. 5. Et par l’Article 2. de l’Ordonnance dé 1548. l’insinuation doit être faite en la Jurisdiction Royale. Il faut encote remarquer que tout Juge ordinaire n’est pas competent de recevoir les insinuations, il doit être le Juge ordinaire des parties.

Pour le lieu où linsinuation doit être faite par les termes de lArticle 132. de l’Ordonnance le 1539. on la doit faire en deux lieux, au domicile des parties, et dans le lieu de la situation les choses données. Godefroy a traité cette question, et il estime que lon ne peut se dispenser d’enregistrer les insinuations en ces deux lieux, fuivant le sentiment de Mr Bourdin sur cet Article de l’Ordonnance.Rebufe , au lieu preallégué, dit que plusieurs étoient aussi de ce sentiment, lors que le damicile du donateur étoit en un lieu, et la chose située en un autre lieus mais il répond que cela est véritable quand la chose est située au lieu du domicile, et qu’en ce cas finsindation doit être faite devant le Juge des parties et de la chose, et que quand la chose est située ailleurs il suffit de la faire devant le Juge de la chose : Cette difficulté est levée par l’Ordonnance de Henty Il. de l’année 1548. Art. 2. qui ordonne que l’insinuation se fasse n la Jurisdiction Royale dans les lieux où les choses sont assises, et nous le pratiquons de la sorte.

Comme les Bailliages de Normandie sont composez de plusieurs Vicomtez il ne suffiroit pas que l’infinuation fût faite dans un siege principal du Bailliage, si ce n’étoit pas dans la Vicomté où les choses données sont assises : C’est aussi le sentiment deBacquet , des Droits de Justice, c. 21. n. 3979. l’insinuation ne doit pas être faite dans le Siege capital et general de la Prevôté, Bailliage ou Seneschaussée, mais au Siege particulier de la Prevôté, Seneschaur sée ou Bailliage de l’assierte des choses données, et si elles sont situées dans une Haute-Justice sinsinuation fe doit faire au Siege du Bailliage dans lequel la Haute-Justice est enclavée.

Si la donation est faite d’une rente foncière elle sera infinuée au lieu de la situation de l’heritage sur lequel elle est dde : Si c’étoit une rente constituée, Bacquet au lieu preallégué, n. 398. dit qu’il faut insinuer la donation au domicile du donateur et du donataire, et du debiteur de la rente : Il suffiroit, à mon avis, d’en faire l’insinuation aux lieux de la situation des biens du debitent.


CCCCXLIX.

Revocation de donation pour survenance d’enfans.

Donation faite d’héritage par homme ou femme n’ayant enfans, peut ête revoquée par le donateur, avenant qu’il ait enfans procréez en loyal mariage :

reservé celle faite en faveur de mariage, et pour la dot de la femme, laquelle est revoquée quant à la proprieté seulement, demeurant l’usufruit à la femme : et si elle est faite au mary, la femme aura doüaire sur les choses données

Plusieurs Docteurs ont été de ce sentiment que la donation peut être revoquée dans le cas de cet Article, tant pour la proprieté que pour la joüissance ; parce, dit MrTiraqueau , que le mary doit s’imputer s’il n’a prevû que la dot donnée par un étranger qui n’avoit point d’enfans étoit revocable par la survenance d’enfans. Nôtre Coûtume est plus equitable, il étoi juste de laisser au mary la joüissance de la dot, puis qu’elle est destinée pour les alimens de sa femme et pour supporter les charges du mariage, et si l’on reproche au mary qu’il a dû prevoir cet inconvenient, on répond que le donateur est beaucoup moins excusable d’avoir Tiraq donné avec tant de facilité et d’imprudence : Tirad. Tract. de donat. in contract. matrim. fact. n. 67.

Cette matière de la revocation des donations en cas de survenance d’enfans ayant été trairée à fonds par un grand nombre de celebres Auteurs, je me dispenseray de rapporter ce qu’ils en ont dit, et parleray seulement de quelques Arrests pour l’explication de cet Article.

En consequence de cet Article qui permet la revocation des donations pour la survenance d’enfans on agita cette question, si un particulier ayant donné tous ses biens à ses freres ses presomptifs heritiers, et depuis s’étant marté sa veuve pouvoit y demander doüaire : Le gage donna tous ses biens à ses freres, retenant seulement l’usufruit d’iceux, depuis il se maria, et étant mort sans enfans sa veuve pretendant avoir doüaire disoit que cette donation étoit comme un avancement de succession, et comme une seconde femme ne laissoit pas d’avoir doüaire sur le tiers des enfans sortis du premier mariage, de même puis que les enfans auroien donné ouverture à la revocation de la donation, la même faveur se rencontroit pour son doüire : On luy répondoit que sa condition n’étoit point égale à celle des enfans, que la Coûtume ayant marqué et specifié les biens sur lesquels son doüaire pouvoit être pris, à sçavoir sur ceux dont son mary étoit saisi lors de ses épousailles, elle étoit excluse expressément dé le pouvoir avoir sur éeux dont il s’agissoit, puis que son mary n’en étoit plus saisi lors de ses épousailles, et ale ne pouvoit se plaindre d’avoir été deçûë, dautant qu’elle n’avoit pas ignoré la donation ; aussi elle n’appelloit de la Sentence qui l’avoit deboutée de sa demande que vingrnuit ans aprés, ayant executé volontairement cette Sentence durant tout ce temps-là : Par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 25. de May 1655. la Sentefice fut confirmée

Mr Loüet témoigaee que c APOae est une Maxime reçûë au Palais, que donationes ob causam onevrosam factae vel compensatoriae non revocantur ex supervenientia liberorum, l. D. n. 52. Journal les Audiences, 2. part. l. 5. c. 24. mais la difficulté consiste à discerner la cause de la donation, si elle est véritablement faite ob causam onerosam, et an nécesse sit ut onus sit non solum ex parte donatarii, sed etiam ex parte donantis ; par exemple, si quelque parent ou quelque amy donne en faveur de mariage, mais on ne considere pas ces donations comme faites ob rausam, et elles sont revocables, parce que c’est une pure liberalité, néanmoins étant rigoureux que les mariez fussent trompez cet Article y apporte un temperament : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes du premier de Mars 1636. au Rapport de Mr Roussel, entre les enfans de Robert le Vicomte d’une part, et Vincent Prevostière et Marie le Bigot sa femme d’autre part, l’on confirma une donation de douze cens livres faite pour recompense de services et à retention d’usufruit, sans pouvoir être revoquée par la survenance d’enfans. L’Ar-rest fut rendu conformément à celuy rapporté par Papon en son Recueil d’Arrests, 1. 7. 1. des Donat. Art. 14. et cet Auteur en son Traité sur la I. Unquam, dit que si la donation étoit xcessive et qu’elle surpassat de beaucoup les services elle seroit reductible. VoyezMainard , l. 4. c. 12.Molin . de revocat. donat.

Marie le Saunier donna à Me Paul Baudoüin qui avoit épousé Elisabeth le Saunier sa seur le tiers de tous ses biens, s’en réservant seulement l’usufruit ; la donation étoit causée pour recompenses de services, et en cas qu’elle se mariât et qu’ayant des enfans elle revoquât la donation elle s’obligeoit de payer à Baudoiin la somme de quinze cens livres pour le recompenser des bons services qu’il luy avoit rendus : elle se maria et eut des enfans, mais elle mourut sans avoir revoqué la donation : Baudoüin demanda l’execution du Contrat de donation, elle fut declarée nulle par le Vicomte de Roüen ; le Bailly en reformant la Sentence du Vicomte ajugea quinze cens livres à Baudoüin. André de Bourigni qui avoit épousé adite Marie le Saunier concluoit qu’il avoit été mal jugé, dautant que la revocation n’étoit point necessaire et qu’elle se faisoit de plein droit, et cette faculté passoit en la personne des eletant, per modum condictionis, l. 3. C. de donat. que fiunt sub modo. Maurry le jeune tépondoit qu’il falloit s’attacher aux termes de la donation et de la Coûtume, que cette donation n’étoit point gratuite, et que la donatrice s’étoit obligée de la revoquer, que suivant l’Article CCCCXLIX. le donateur peut revoquer, mais ce terme peut mis affirmativement n’emporte point d’obligation ny de hécessité de le faire de lorte que si celuy qui peut revoquer ne le fait point, la donation ne laisse point de subsister : Par Arrest du 5. de Juillet 1652. la SenEtence fut cassée, et on ajugea seulement trois cens livres audit Baudoüin. Ainsi il fut jugé que la donation est revoquée de plein droit par la naissance d’enfans.


CCCCL

Reduction de la donation de tous les biens à charge d’aliments.

Donation faite de tous les biens à la charge d’aliments, soit par dimission ou autrement, n’est vallable que jusques à la concurrence du tiers, sauf à déduire les aliments sur les meubles et fruits des deux autres tiers.

Il arrive souvent que les heritiers prelomptifs du donâteur veulent se mettré en la place de ceux qu’il a choisis pour luy fournir ses aliments, ce qui n’est pas raisonnable, quid enim si cateros heredes suos evitavit, et qui etiam verecundiam atque idoneam domum sequi maluit. l. 10. D. de aliment. legat. et i61.Cujac . Ad lib. 9. respons.Papin .