Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CCCCXLIX.

Revocation de donation pour survenance d’enfans.

Donation faite d’héritage par homme ou femme n’ayant enfans, peut ête revoquée par le donateur, avenant qu’il ait enfans procréez en loyal mariage :

reservé celle faite en faveur de mariage, et pour la dot de la femme, laquelle est revoquée quant à la proprieté seulement, demeurant l’usufruit à la femme : et si elle est faite au mary, la femme aura doüaire sur les choses données

Plusieurs Docteurs ont été de ce sentiment que la donation peut être revoquée dans le cas de cet Article, tant pour la proprieté que pour la joüissance ; parce, dit MrTiraqueau , que le mary doit s’imputer s’il n’a prevû que la dot donnée par un étranger qui n’avoit point d’enfans étoit revocable par la survenance d’enfans. Nôtre Coûtume est plus equitable, il étoi juste de laisser au mary la joüissance de la dot, puis qu’elle est destinée pour les alimens de sa femme et pour supporter les charges du mariage, et si l’on reproche au mary qu’il a dû prevoir cet inconvenient, on répond que le donateur est beaucoup moins excusable d’avoir Tiraq donné avec tant de facilité et d’imprudence : Tirad. Tract. de donat. in contract. matrim. fact. n. 67.

Cette matière de la revocation des donations en cas de survenance d’enfans ayant été trairée à fonds par un grand nombre de celebres Auteurs, je me dispenseray de rapporter ce qu’ils en ont dit, et parleray seulement de quelques Arrests pour l’explication de cet Article.

En consequence de cet Article qui permet la revocation des donations pour la survenance d’enfans on agita cette question, si un particulier ayant donné tous ses biens à ses freres ses presomptifs heritiers, et depuis s’étant marté sa veuve pouvoit y demander doüaire : Le gage donna tous ses biens à ses freres, retenant seulement l’usufruit d’iceux, depuis il se maria, et étant mort sans enfans sa veuve pretendant avoir doüaire disoit que cette donation étoit comme un avancement de succession, et comme une seconde femme ne laissoit pas d’avoir doüaire sur le tiers des enfans sortis du premier mariage, de même puis que les enfans auroien donné ouverture à la revocation de la donation, la même faveur se rencontroit pour son doüire : On luy répondoit que sa condition n’étoit point égale à celle des enfans, que la Coûtume ayant marqué et specifié les biens sur lesquels son doüaire pouvoit être pris, à sçavoir sur ceux dont son mary étoit saisi lors de ses épousailles, elle étoit excluse expressément dé le pouvoir avoir sur éeux dont il s’agissoit, puis que son mary n’en étoit plus saisi lors de ses épousailles, et ale ne pouvoit se plaindre d’avoir été deçûë, dautant qu’elle n’avoit pas ignoré la donation ; aussi elle n’appelloit de la Sentence qui l’avoit deboutée de sa demande que vingrnuit ans aprés, ayant executé volontairement cette Sentence durant tout ce temps-là : Par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 25. de May 1655. la Sentefice fut confirmée

Mr Loüet témoigaee que c APOae est une Maxime reçûë au Palais, que donationes ob causam onevrosam factae vel compensatoriae non revocantur ex supervenientia liberorum, l. D. n. 52. Journal les Audiences, 2. part. l. 5. c. 24. mais la difficulté consiste à discerner la cause de la donation, si elle est véritablement faite ob causam onerosam, et an nécesse sit ut onus sit non solum ex parte donatarii, sed etiam ex parte donantis ; par exemple, si quelque parent ou quelque amy donne en faveur de mariage, mais on ne considere pas ces donations comme faites ob rausam, et elles sont revocables, parce que c’est une pure liberalité, néanmoins étant rigoureux que les mariez fussent trompez cet Article y apporte un temperament : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes du premier de Mars 1636. au Rapport de Mr Roussel, entre les enfans de Robert le Vicomte d’une part, et Vincent Prevostière et Marie le Bigot sa femme d’autre part, l’on confirma une donation de douze cens livres faite pour recompense de services et à retention d’usufruit, sans pouvoir être revoquée par la survenance d’enfans. L’Ar-rest fut rendu conformément à celuy rapporté par Papon en son Recueil d’Arrests, 1. 7. 1. des Donat. Art. 14. et cet Auteur en son Traité sur la I. Unquam, dit que si la donation étoit xcessive et qu’elle surpassat de beaucoup les services elle seroit reductible. VoyezMainard , l. 4. c. 12.Molin . de revocat. donat.

Marie le Saunier donna à Me Paul Baudoüin qui avoit épousé Elisabeth le Saunier sa seur le tiers de tous ses biens, s’en réservant seulement l’usufruit ; la donation étoit causée pour recompenses de services, et en cas qu’elle se mariât et qu’ayant des enfans elle revoquât la donation elle s’obligeoit de payer à Baudoiin la somme de quinze cens livres pour le recompenser des bons services qu’il luy avoit rendus : elle se maria et eut des enfans, mais elle mourut sans avoir revoqué la donation : Baudoüin demanda l’execution du Contrat de donation, elle fut declarée nulle par le Vicomte de Roüen ; le Bailly en reformant la Sentence du Vicomte ajugea quinze cens livres à Baudoüin. André de Bourigni qui avoit épousé adite Marie le Saunier concluoit qu’il avoit été mal jugé, dautant que la revocation n’étoit point necessaire et qu’elle se faisoit de plein droit, et cette faculté passoit en la personne des eletant, per modum condictionis, l. 3. C. de donat. que fiunt sub modo. Maurry le jeune tépondoit qu’il falloit s’attacher aux termes de la donation et de la Coûtume, que cette donation n’étoit point gratuite, et que la donatrice s’étoit obligée de la revoquer, que suivant l’Article CCCCXLIX. le donateur peut revoquer, mais ce terme peut mis affirmativement n’emporte point d’obligation ny de hécessité de le faire de lorte que si celuy qui peut revoquer ne le fait point, la donation ne laisse point de subsister : Par Arrest du 5. de Juillet 1652. la SenEtence fut cassée, et on ajugea seulement trois cens livres audit Baudoüin. Ainsi il fut jugé que la donation est revoquée de plein droit par la naissance d’enfans.