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CCCCXXXIV.

Donations aux enfans reputées avancement d’hoirie.

Le pere et la mere ne peuvent avantager l’un de leurs enfans plus que l’autre, soit de meuble, ou d’héritage : pource que toutes donations faites par le pere ou mere à leurs enfans, sont reputées comme avancement d’hoirie, reservé le tiers de Caux.

I semble rigoureux d’ôter absolument aux peres et meres la liberté de faire quelque discernement entre leurs enfans, en recompensant les services et le mérite des uns, et punissant la débauche et la desobeïssance des autres : Il eût été bien plus juste d’exciter dans les enfans le desir de plaire à leurs peres et meres par l’assurance que leur complaisance et leur soin ne seroient pas infructueux : libertatem non possumus auferre parentibus, ne eos plus diligant quos credunt plus mereri, nec filiis reserare possumus studium plus placendi.

Cette predilection n’étant donc point defavorable l’on pourroit quelquefois adoucir la rigueur de la Loy, et avoir quelque égard à l’equitable volonté d’un pere : C’est le sentiment de Mr Cujas en son Commentaire sur la l. Si serous 27. de stip. serv. lib. 27. quest.Papin . non existimandum est temerè omnino et aeerperam judicare eos qui plus deferunt patri & matri quâm juri, plus verecundiae paterna & maternae quam rationi juris : Erubescimus conara has personas pronuntiare quoties de earum jure agitur, etiam si contra eas pronuntiari jus velit.

Cependant la Coûtume en cet Article a fermé autant qu’elle a pû toutes les avenuës à la gratification des peres, l’égalité entre les enfans luy a paru si favorable qu’il est tres-difficile de l’empescher à l’égard des biens qu’elle ordonne être partagez entr’eux également ; et quoy qu’on ait tenté et que l’on tente encore tous les jours de trouver des moyens pour eluder sa disposition, ils ne servent souvent qu’à exciter la jalousie des freres.

Entre toutes les Coûtumes qui ont eu pour but de garder légalité entre les enfans, celle de Normandie a le mieux reüssi, et sa disposition est plus absolué et plus parfalre que celle de la Coûtume de Paris : Elle a crû fort sagement que pour conserver cette égalité ce n’étoit pas assez de défendre en termes generaux aux peres et meres de faire avantage à l’un de leurs enfans plus qu’à l’autre, soit de meuble ou d’héritage ; car l’on pouvoit presumer que ces avantages n’étoient prohibez aux peres et meres qu’à l’égard des enfans qui vouloient prendre pait à leurs successions, et retenir outre cela les dons qui leur avoient été faits ; mais lors qu’ils ne se rendoient point heritiers et qu’ils ne demandoient rien à leur succession, qu’en ce cas ils n’étoient point incapables de recevoir des donations de la part de leurs peres et meres, parce que la Coûtume ne défend ces avantages que pour les enfans qui sont heritiers ; mais lors qu’ils renoncent ils ne peuvent plus être considerez que comme des étran-gers. En effet la Coûtume de Paris en l’Article 303. s’en est expliquée de cette manière Pere et mere ne peuvent par volonté ou autrement en maniere quelconque avantager leurs enfani venans à leur succession l’un plus que l’autre : Il n’y a donc que les enfans qui sont heritiers et qui viennent à la succession de leurs peres et meres qui foient incapables d’avoir quelque avantage.

La Coûtume de Normandie n’a pû souffrir cette inégalité, et pour prevenir cette mauaise explication que l’on pouvoit donner à sa disposition, elle a prudemment ajoûté que toutes donations faites par les pere ou mere sont reputées avancement d’hoirie ; de sorte que tous ces dons étant des partages anticipez de leur succession les enfans ne les peuvent pas reteenir, parce qu’à l’égard de leurs freres et sours ils ne les peuvent posseder que comme heri-tiers et comme avancez en la succession, et par ce moyen soit qu’ils renoncent ou qu’ils siennent à la succession, le rapport de ce qu’ils ont eu est toûjours necessaire et forcé.

Dioù il est évident qu’entre les Coûtumes qui ont intention d’empescher la predilection des peres et meres, et de leur ôter les moyens de faire avantage à l’un de leurs enfans plus qu’aux autres, celle de Normandie a eu beaucoup plus de prevoyance ; car il n’est rien de plus aisé dans la Coûtume de Paris que de rendre vaine et illusoire cette prohibition de favoriser les uns plus que les autres, puis que les peres et meres peuvent donner à l’un d’entr’eux ous leurs meubles et acquests, et le quint de leurs propres, sans qu’il puisse être obligé à les rapporter, pourvû qu’il se tienne à son don et qu’il ne vienne point à la succession : Ainst cette Coûtume défend inutilement ces avantages puis qu’il est si facile d’y contrevenit, et d’une manière si desavantageuse à ceux qui n’ont point de part à la predilection.

Il est vray que suivant la même Coûtume la legitime d’un enfant ne peut être affoiblie ny consumée par les donations qui se font aux autres ; mais la legitime n’étant que la moitié de la portion hereditaire qui appartiendroit en la succession, cela n’empesche pas que les enfans non donataires ne puissent être privez par ces avantages de la moitié de leur portion hereditaire.

Cependant le Commentateur de MrLoüet , 1. D. n. 56. favorise si fort cette illusi on que son peut faire à la regle qui défend de faire avantage à l’un plus qu’à l’autre, qu’il a soûtenu que même dans les Coûtumes qui ne contiennent point ces paroles, venans à la succession, ses enfans donataires qui renoncent ne peuvent être forcez de rapporter ce qui leur a été donné par leurs pere ou mere, parce que cette clause, venans à la succession, y est toûjours sous-entenduë, cûm enim jus abstinendi non sit sublatum, remanet in diSpositione juris communis, dumrmodo alii liberi non defraudentur legitimâ, qui hoc casu supplementum petere possunt, AEgidius.

Tullus in Art. 10o. Cons. Carnut. Ce qui est conforme à l’Authentique Unde si parens, C. de inoffic. testament., ubi enim non est fuccessio, ibi collatio non exigenda.

Mais ces sentimens sont fort opposez à nos Maximes. Il est vray que nous n’avons point d’heritiers necessaires, nul n’est heritier s’il ne veut ; mais la renonciation d’un enfant dans a vûë de profiter de l’avantage qui luy a été fait ne le dispense point de rapporter ce qui luy a ôté donné en cas qu’il excede sa portion hereditaire : Cet Article en donne la raison, parce, lit-il, que toutes donations faites par les pere et mère à leurs enfans sont reputées avancement d’hoirie, ubi naturae debitum, ibi successio ; dans la suite, quod fuit donatio, fit hereditas, et la chose vient à un point où elle n’a pû commencer, res devenit ad eum casum à quo incipere non poruit.

Par ce même principe nous tenons que tout ce qui est donné en ligne directe est propre, et non acquest ; et bien que MrLoüet , l. a. n. 12. ait estimé que la donation faite à l’heritier collateral est un acquest, quia jure naturae non debetur, nous suivons pourtant l’opinion Chassanée de Chassanée, Rub. 4. des Droits appartenans à Gens Mariez, S. 2. verbo acquest, que la lonation est propre, pro ea parte quâ successurus erat La donation des peres à leurs enfans est une succession anticipée, delibatio hereditatis sut hberalitatis appellatione, l. Vn. Cod. de imp. lucr. descript. et c’est pourquoy, dit cette Loy, il n’en est dû aucuns droits ; et Mr Cujas sur cette Loy a remarqué que par la même raison, olim parentes et liberi vicesimam hereditatem non prastabant : Aussi Mr Loüet au lieu que j’ay cité aprés avoir parlé de la Coûtume de Paris, dit qu’il n’en est pas de même dans les autres Coûtumes qui prohibent indistinctement de faire avantage à l’un de ses heritiers, n’ajoû-tant point ces mots, venans à la succession.

Il est vray que nous ne tombons pas dans le même inconvenient qui semble avoit porté Mr Julien Brodeau à embrasser l’opinion contraire ; car parlant des Coûtumes de Touts, d’Anjou, du Mayne, et d’autres où l’on ne peut donner à l’un des heritiers plus qu’à l’autre, il ajoûte qu’il ne peut s’imaginer rien de plus odieux ny de plus rigoureux que la disposition particulière de ces Coûtumes, lesquelles sous pretexte d’égalité rendent les enfans garands du mauvais ménage de leur pere, et les font participans de sa misere et du payement de ses dettes, et l’on contraint une pauvre femme mariée et chargée d’enfans à demeurer sans dot.

Car la prohibition de faire avantage à l’un de ses enfans et le rapport que le fils est obligé, de faire des choses données, n’est introduit qu’en faveur des coheritiers et non des creanciers, et les filles mariées par le pere et qui ne peuvent succeder ne sont point obligées de rapporter ce qui leur a été payé comptant.

Bien que cet Article soit employé dans le Titre des Donations entre vifs, l’on ne doit pas douter que ce qui est défendu par donations entre vifs ne le soit aussi par testament, donation à cause de mort, ou par quelqu’autre manière que ce soit. La Coûtume de Paris pour éviter cette difficulté s’en est exprimée de cette manière en l’Article 303.

Puis que l’on ne peut faire avantage à l’un de ses heritiers plus qu’à l’autre, et que toutes donations sont reputées avancement d’hoitie, il s’enfuit que les choses données doivent necessairement être rapportées, soit que l’on vienne à la succession ou que l’on se tienne à son lon. La Coûtume d’Anjou, Article 334. est conforme à la nôtre.

Mais pour donner une pleine intelligence de cet Article, il est à propos de le diviser en deux parties : Dans la premiere on apprendra la qualité des personnes qui ne peuvent avantager leurs heritiers l’un plus que l’autre : Dans la seconde l’on examinera si toutes sortes de dons et de bienfaits d’un pere envers son enfant sont sujets à rapport, ce que l’on doit rapporter, et enfin en faveur de qui ce rapport doit être fait : Les personnes ausquelles la Coûtume défend d’avantager l’un de leurs heritiers plus que l’autre sont les peres et les meres : Et quoy que l’on ne fasse aucune mention de l’ayeul et de l’ayeule, on ne doit cependant pas douter qu’ils ne soient compris sous cette prohibition.

Les heritiers ausquels il n’est pas permis de faire avantage sont les enfans, et sous ce mot d’enfans il faut comprendre les petits-enfans et tous les descendans en ligne directe : Car c’est une Maxime que lors que la Loy défend en ligne directe de donner à l’heritier, cette prohibi Argentré tion comprend l’heritier de l’heritier ; Argent. Art. 218. gl. 99.

Mais c’est une matière beaucoup plus difficile, de sçavoir si toutes fortes de dons des peres et meres envers leurs enfans sont sujets à rapport : Ce rapport n’étant ordonné que pour conserver l’égalité, il semble que ce soit contrevenir au véritable esprit de la Loy que d’admettre quelque disproportion de quelque nature qu’elle puisse être, et le rapport ne peut être véritablement et actuellement fait qu’en remettant dans la masse tout ce qui en est sorti par la gratification des peres et meres : Nam collatio fit rebus in commune redactis, vel minus capiendo, si quidem conferre intelligitur, is qui tantum ex bons defuncti remittit quantum ex collatione habiturus erat coheres, l. 1. 8. Sed et si, D. de collat. bonor.

La question la plus ordinaire est pour les joüissances et les pensions perçûës par les enfans durant la vie de leurs peres et meres. Le Droit Romain a fait différence entre donner une chose qui produit un fruit, ou donner directement des fruits ; et quand il s’agit de rapport les jurisconsultes distinguent ce qui est donné d’avec les fruits de la chose donnée, ex rebus donatis cructus perceptus in rationem donationis non computatur ; si verb non fundum, sed fructus perceptionem tibi donem, fructus percepti veniunt in computationem donationis, l. In edibus 9. 8. 1. D. de donat Dans le Parlement de Paris l’on a suivi cette même distinction, et lors que l’on demande aux enfans qui viennent à la succession qu’ils rapportent les avantages qui leur ont été faits, on fait la même difference entre ce qui n’est qu’un fruit et un produit de la chose donnée et ce qui tient lieu de capital. L’on ne repute fruits que ce qui provient de la chose données mais ce qui est donné de quelque maniere que ce soit tient lieu de capital ; les fruits sont ce qui est produit par la joüissance de la chose donnée : Par exemple, lors que l’on donne un tonds et une rente, les revenus et les arrerages que le donataire en perçoit ne sont qu’un actessoite et le produit d’une joüissance, et ces fruits ne sont jamais sujets à rapport ; mais lors que l’on donne une lomme par chacun an, des nourritures et des pensions, ce sont autant de sommes capitales qui composent le corps de la donation et qui sont sujettes à rapport.

Ces distinctions nous sont inconnuës en Normandie et suivant nos Usages, soit que le pere dit donné à l’un de ses enfans une terre, soit qu’il ne l’ait avancé que de simples joüissances de pensions ou de nourritures, il n’est pas tenu d’en faire rappoit à la succession, parce que de quelque qualité que soit cette donation entant que pour les fruits on la repute pour alimens que le pere étoit tenu de luy fournir par un droit naturel, et que d’ailleurs il seroit injuste ue ces joüissances et ces pensions qui sont dûës et données pour la nourriture et pour la p fubsistance des enfans pendant la vie de leurs peres consumassent la part héreditaire qu’ils auroient euë en leur succession, et c’est peut-être le seul cas où la gratification du pere a lieu.

Ce qui peut avoir causé la difference de nôtre Usage d’avec celuy de Paris, est qu’à Paris.

Theritier avancé se peut tenir à son don, que s’il ne s’y veut pas tenir il est raisonnable qu’il rapporte sans distinction toutes les choses dont il a profité : mais en Normandie où le rapport est foroé, et où les enfans n’ont pas la liberté de choisir, il seroit dur qu’un fils venant à la succession de son pore trouvàt sa portion hereditaire consumée par des nourritures que son pere étoit obligé par toutes fortes de raisons de luy fournit.

Cette Junisprudence est établie depuis long-temps en cette Province : Par Arrest du 3. Février 16z2. entre Lucas et Traboüillet, le petit-fils qui venoit à la succession de son ayeul par la renonciation de son pere fut condamné de rapporter pout ce qui avoit été donné à son pere avec restitution des fruits du jour de la succession ouverte, et déchargé de rapporter ceux qui avoient été peroûs durant la vie du pere. Autre Arrest donné en l’Audience de la GrandChambre le 17. Mars 1622. entre Nicolas Defchamps heritier de M. Jean Matthieu à canse de Marguerite Matthieu sa fomme, et Godeon des Marests autre heritier dudit Matthieu, par cquel des Marests fut déchargé des mterests du prix de lOffice d’Avocat du Roy. Autre Arrest en l’Audience de la Chambre de Edit du a8. Juin 1623. entre Paul Viart ayant épousé saquelme Heraut appellant, Jean Fremon, et Jean de Bruneval. Autre Arrest du 9. Mars 1638. entre la veuve de Mr Jean Crucifix, Jean Dablon, et autres ; l’on pretendoit faire payer des limens que l’ayeul et tuteur des mineurs avoit fournis aprés la mort de leur pere, et l’on fe ondoit particulierement sur ce que l’ayeul avoit dressé de sa main une forme de compte dans dequel ces alimens étoiont employez en dépense ; la défense des mineurs fut que leur partage. n seroit affoibly, et que leurs coheritiers avoient eu de leur part des avances, et qu’enfin leur ayeul étoit obligé de les nournir puis qu’ils n’avoient point d’autres biens : La Cour en infirmant la Sentence du Bailly de Dieppe qui avoit prononcé contre les mineurs, les déchargea du rapport de leurs alimens ; plaidans Mautry, et Lesdos Mr d’Argentré sur l’Article 597. de la nouvelle Coûtume de Bretagne, qui contient qu’un coheritior n’est point obligé de rapponter les fruits perçûs, ny les interests reçûs du vivant de celuy de lla succession duquel il s’agit, se fait l’Auteur de cette disposition, disant qu’elle fut ajoûtée par son avis, dautant que plusieurs Docteurs étoient de ce sentiment que le rapport Loyseau des ffruirs se devoit faire. Chopin sur la Coûtume d’Anjou, t. 3. n. 1. et suiv. Loyseau des Offic. l. 4. c. 5. Papinien en la l. 1. 3. Cum predium, D. de pign. et hopoth. parlant des fruits, dit qu’ils ne doivent point être rapportez, parce qu’ils n’ont jamais appartenu au debiteur. On peut dire la même chose des fruits de l’héritage donné par le pere, qu’ils ne luy ont jamais appartenu.

Les fruits donc ne sont point sujets à rapport, par ces deux raisons qu’ils tiennent lieu d’amens, et qu’étant consumez ils pourroient se monter à des sommes si considérables qu’ils rempliroient la portion hereditaire des donataires desdits fruits, et l’on peut ajoûter qu’ils ne ont pas moms favorables qu’un possesseur de bonne foy qui ne restitué point les fruits qu’il a perçûs s Et aussi conformément aux Arrests que j’ay remarquez, la Cour en a fait un Reglement par l’Article 95. du Reglement de 1666.

Si neanmoins un pere qui seroit debiteur à sa fille ou à quelqu’un de ses enfans avoit stipulé que les pensions ou les nourritures qu’il promettoit iroient en diminution de ce qu’il de-voir, et qu’il en eût fait l’application et la limitation à une certaine somme, celuy qui auroit eu ces pensions ne pourroit pas se défendre d’en tenir compte sur ce qui luy étoit dû, suivant l’application qui en auroit été faite

Mais comme nous ne fouffrons qu’avec peine la moindre inégalité d’entre les enfans, quelques-uns ont crû que lors que les joüissances ou les pensions données excedoient ce qui étoit nécessaire pour la subsistance d’un enfant, cet excedant devoit être rapporté : C’étoit le sentiment de Berault sur cet Article, que si le pere avoit donné à l’un de ses enfans sa nourri-ture et outre cela les fruits d’une terre, que ces fruits seroient sujets à rapport, parce qu’il auroit un double avantage, sa nourriture et la joüissance d’une terre ; mais cela n’est pas vecitable, et le contraire est decidé par l’Article S5. du Reglement de 1666. qui dit en termes generaux que la joüissance donnée par le pere ne doit pas être remise à partage ; ce mot de jouisance comprend tous les fruits que le fils donataire a perçûs, autrement il faudroit dire que lors qu’un pere a avancé un fils d’une terre on doit en estimer le revenu afin de l’obliger à rapporter ce qui excedera les frais de sa nourriture et de son entretien ; mais il est censé l’avoir consumé, et avoir fait une dépense plus grande en consideration du devoir qu’il avoit, lautius vixisse prasumitur.

Il faut neanmoins remarquer que cette faveur que l’on accorde à l’enfant donataire de pouvoir profiter des pensions et des joüissances au prejudice de ses freres et seurs ne s’étend et n’a lieu que pour celles qui sont perçûës, mais il ne peut exiger le payement des promesses et des avantages qui n’ont point eu leur execution durant la vie du pere ; car toutes les donations et promesses d’un pere envers ses enfans finissent et deviennent sans force et sans vertu dés linstant de sa mort, la qualité de donataire cesse d’être compatible avec celle d’enfant, parce qu’elle blesse cette égalité naturelle qui doit être entre les enfans, et qu’elle viole cette prohibition de faire avantage à un enfant au prejudice des autres, qui est si expressément établie par la Coûtume en cet Article ; car ces joüissances et ces pensions qui seroient dûës étant à prendre sur les effets et sur la masse commune de la succession ce seroit un avant-part que l’enfant donataire leveroit, ce qui renverseroit et l’égalité et la prohibition ordonnée par a Loy de faire avantage ; et bien que l’enfant donataire ne doive pas remettre en partage les joüissances perçûës, il ne s’ensuit pas qu’il puisse demander aprés la mort du pere celles qui luy ont été promises et qui luy sont encore dûës, la raison de la difference est que l’on ne dispense ce donataire de la restitution des fruits qu’à cause qu’ils luy tenoient lieu d’alimens, et qu’apparemment ils ont été consumez pour sa subsistance ; mais il n’est plus saison prés la mort du pere de demander sur sa succession des joüissances promises pour des alimens quand le donataire ne peut plus dire que c’est pour le faire subsister D’ailleurs, quoy que le pere soit maître de son bien durant sa vie, et qu’il puisse disposer de son revenu à sa volonté, cette volonté toutefois n’est pas toûjours suivie aprés sa mort, out ce qu’il a promis et que l’on pouvoit exiger durant sa vie ne le peut et ne le doit pas toûjours être aprés son decez : s’il a promis à la fille plus qu’il ne luy appartiendra pour sa legiime, il pourra bien executer et payer ce qu’il aura promis, mais ce qui restera dû au de-là de la portion legitime ne sera plus exigible aprés sa mort, tant pour le principal que pour les arrérages ; la raison est que tout son pouvoir cesse par sa mort, et qu’alors son bien retompant en la disposition de la Loy il faut suivre nécessairement ce qu’elle prescrit.

La Coûtume Reformée de Bretagne, Article 597. s’en est expliquée nettement, en disant que le coheritier ne sera tenu de rapporter les fruits des héritages ny interests de deniers refûs durant de vivant de celuy de la succession duquel il est question, ny pareillement les nourritures, pensions, &c.

Cette Coûtume ne déchargeant le coheritier que du rapport des fruits reçûs, il s’ensuit necessairement qu’il demanderoit inutilement ceux qui resteroient à percevoir, parce qu’il seroit obligé d’en tenir compte à ses coheritiers, ne pouvant retenir à son profit que ceux qu’il auroit eus. Imbert en son Enchirid. verb. collatio, dit que fructus rei donatae que conferri debet, si extent unâ cum re ipsa in collationem veniunt.

Mr Josias Berault a écrit sur cet Article qu’ayant été consulté sur cette question, il fut d’avis que le fils auquel le pere avoit promis de le nourrir par son Contrat de mariage n’étoit pas re ce vable à demander aprés la mort de son pere cette nourriture qui ne luy avoit pas été fournie s’il étoit autrement, ce soin si particulier que la Coûtume a pris de conserver l’égalité entre es enfans et d’ôter aux peres tous les moyens d’y contrevenir deviendroit inutile, et chacun pourroit l’éluder aisément quand il luy plairoit, et même avec beaucoup plus d’avantage que Sans la Coûtume de Paris : Un pete prevenu d’affection et de faveur pour un de ses enfans luy feroit des promesses excessives, dont on ne presseroit point l’execution pendant sa vie, mais venant à mourir cet enfant bien-aimé par le moyen de ces joüissances ou de ces pensions promises et non payées qu’il auroit laissé accumuler pour n’incommoder pas son pere et son bienfaicteur emporteroit tout son bien au prejudice de tous ses autres freres, ausquels il pourroit rester si peu de leur portion hereditaire qu’il leur seroit plus avantageux de demander leur tiers Coûtumier : En quoy la condition des enfans seroit plus desavantageuse en Nor-mandie qu’à Paris, où la legitime qui est la moitié de ce que l’on auroit pris en la succession du pere ne peut être affoiblie : mais en Normandie tous les autres enfans sefoient reduits par excez des promesses de leur pere à n’avoit pour tous ensemble que le tiers de son biens Et cet inconvenient seroit d’autant plus perilleux que le pere n’étant point obligé de se dépoüiller de son bien, et ces promesses ne luy étant point onereuses par la patience que son fils auroit d’en remettre l’execution aprés sa mort, pour peu qu’un pere eût de panchant à favoriser un de ses enfans il se porteroit aisément à exheréder les autres lors qu’il serolt asseuré qu’il ne luy en coûteroit rien, il pourroit même par chagrin supprimer les quitances qu’il auroit tirées.

Aussi pour empescher une contravention si importante on a fait perpétuellement différence entre les joüissances perçûës et celles qui restoient à percevoir, les premieres n’étant point sujettes à rapport, les autres n’étant point exigibles lors que la chose étoit venuë à un point où elle ne pouvoit commencer, c’est à dire aprés la mort du pere. Cela se prouve par un Arrest donné en la Chambre de l’Edit, au Rapport de Me Bigot, le 2. de Septembre 1603. entre Pharamond du Flo et Pierre Poignand, ayant épousé Abigail du Flo, auparavant veuve de Robert Boulanger ; la Cour faisant droit sur la garantie pretenduë par ledit Poignand contre ledit du tlo pour le principal et arrerages de cent livres de rente pour la dot d’Abigail du Flo sa emme, qui avoient été promises et payées par Pierre du Flo pere audit le Boulanger, et duquel les biens avoient été ajugez par decret, ledit du Flo fut condamné à la garantie du principal, et des arrerages qui écherroient à l’avenir, et déchargé de ceux échûs auparavant, sauf audit Poignand à se pourvoir sur les biens du nommé le Boulanger. La difference que l’on fit entre les arrerages échûs et ceux qui écherroient à l’avenir n’étoit fondée que sur cette maxime, que si les arrerages de la rente promise par le pere sont encore dûs lors de son decez ils ne peuvent pas être demandez.

La question des arrérages de la pension promise par le pere à son fils s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 24. de Janvier 1637. entre Demoiselle Claude Marie veuve di Romain Varin tutrice de son fils, heritier en partie de feu Me Jean Vatin son ayeul, et les autres heritiers dudit Varin ; la Cour condamna lesdits heritiers à tenir compte au mineur des arrerages de quatre cens livres de rente dont son pere avoit été avancé par son veul, échûs durant la tutelle sa portion deduite ; mais le motif de l’Arrest fut que l’ayeul voit été tuteur de son petit-fils, et par consequent à se ipso exigere debuerat, mais ils fuent déchargez des arrerages échûs avant la mort du fils ; et cette distinction que la Cour it entre les arrerages échûs avant la tutelle et ceux échûs durant icelle confirme qu’ils ne ont point exigibles aprés la mort du pere que dans le seul cas de la tutelle. La Cour avoit déja decidé cette question sur ce fait. Du Pin en mariant un de ses fils l’avoit avancé de cent quarante livres de rente, mais en même temps il en avoit pris une Contrelettre : aprés la mort du fils la veuve demanda le tiers de vingt-neuf années d’arrerages de cette pension comme étant un meuble, sans avoir égard à cette Contrelettre qui ne luy pouvoit nuire : l’affaire portée en la Chambre de l’Edit aprés un partage il y eut Arrest en l’année 1647. par lequel on n’ajugea à ladite veuve que le tiers d’une année ; et afin que cette question ne fût plus douteuse au Palais, par l’Article S5. du Reglement de 1666. il est ordonné que ce qui reste dû de la pension ou joüissance donnée par le pere ou autre ascendant lors de la succession échûë ne peut être exigé par celuy auquel elle a été donnée, même en faveur de mariage, si ce n’est la dernière année

Depuis ce Reglement la même chose à été jugée : Le sieur du Hamel avoit deux fils et plusieurs filles dont il en avoit reservé quatre à sa succession en les mariant ; par le Contrat de mariage de l’une desdites filles avec Jean Duval il promit huit mille livres, dont il en paya sepr mille, et pour les mille livres restant il la reserva à sa succession ; mais depuis il constitua cette somme en rente à condition de n’en payer aucuns arrerages pendant sa vie : aprés sa mort les frères et les seurs reservées rapporterent ce qu’ils avoient eu mais Duval demanda les interests des mille livres ; les parties ayant été renvoyées en la Cour, Bouvier pour Duval pretendoit qu’étant question des arrerages d’une rente dotale il n’étoit point dans le cas du Reglement de 1666. Greard pour les sieurs du Hamel répondoit que s’il étoit question d’une rente donnée à une soeur pour son mariage avenant les arrerages en seroient dus, mais cette soeur étant heritière ils étoient dans la véritable espèce du Reglement, et que par consequent Duval ne pouvoit demander qu’une année d’arrerage : Par Arrest du 30. de May 167s. Duval fut debouté de sa demande.

Ces paroles de l’Article 95. du Reglement, sinon la derniere année échûé, ont besoin de quelque explication, pour sçavoir si l’on ne peut demander que l’année du decez, ou bien l’année courante, et celle qui étoit échüë auparavant : L’on peut faire cette distinction, ou le pere a donné la joüissance d’une terre ou d’une rente, ou bien il a promis de payer annuela ement cette somme : s’il est question d’une rente ou d’une pension l’année se compte au prorata du temps, à commencer du jour de la promesse jusqu’au jour du decez : mais faut tenir indistinctement, que soit que l’on ait donné une rente et une pension ou un héritage l’on ne ieut demander qu’une année au temps du decez.

Mais si le fils avoit fait toutes les diligences et les poursuites necessaires pour être payé, eroit-il pas recevable à exiger ce qui luy seroit dûs L’on répond que l’on tomberoit toûjours dans l’inconvenient que l’on veut éviter, et qu’en toutes manieres la succession se trouveroit consumée au prejudice des autres enfans : s’il y avoit neanmoins des deniers saisis comme vraysemblablement le pere les auroit consumez cessant la saisie, il sembleroit raisonnable d’en accorder la main-levée au fils donataire, n’étant pas juste de luy ôter le fruit de sa diligence, ces deniers en consequence de la saisie n’étant pas reputez appartenir au pere ; cependant il est plus à propos d’en demeurer dans la regle generale, qu’il n’y a que ce qui est reçû actuellement qui n’est point sujet à rapport.

Pour les arrerages qui échéent dupant la vie du pere, le fils avancé ne pourroit en être privé par l’avancement que le pere feroit de tous ses biens à ses autres enfans, comme je l’ay remarqué ailleurs ; car ces demissions posterieures à l’avancement étant faites en fraude elles l’empeschent point que le fils avancé ne se fasse payer, les enfans n’étant recevables à pretendre la reduction durant la vie de leur pere

Brodeau sur l’Article 76. de la Coûtume de Paris, n. 22. est d’avis que la remife qu’un pere auroit faite à son fils d’un Treizième ou d’autres droits Seigneuriaux qui luy seroient dûs ne seroient point sujets à rapport entre frères, parce que c’est un acte de generosité qui se féroit même à un étranger, ce qui me paroit failonnable.

La dépense faite par le pere pour l’education de l’un de ses enfans, soit en le faisant instruire aux belles lettres ou aux exercices convenables à sa qualité n’est point sujette à rapport : quelques-uns en exceptent encore les frais faits pour le faire recevoir en quelque profession ou mêtier. C’est le sentiment de Ricard sur l’Article 304. de la Coûtume de Paris, que les frais prdinaires que font les peres et meres pour avancer leurs enfans à quelque condition ne se rapportent point, non pas même ceux qui sont faits pour passer un Docteur en Medecihe à Paris, quoy que la dépense en soit tres-consi dérable. Par l’Article 159. de la Coûtume de Blois les trais de Maitrise de mêtier et de Doctorat ne se rapportent point. Les habits Nuptiaux se rapportent, mais non les habits ordinaires étant compris sous les alimens, I. Quos nos, 5. ultim. de verb. signific. On ne peut aussi demander le rapport des frais du festin des nopces, par ces deux raisons, ditCoquille , sur la Coûtume de Nivernois, Titre des Donations, Article 11.

La premiere, qu’il n’en demeure tien au profit des Mariez : La seconde, que ces frais se sont pour l’honneur de la famille, hac onera ad patrem pertinent, fecundùmBaldum , etBarth . ditPontan . Art. 159. de la Coûtume de Blois.

Par Arrest du 23. de Juillet 1632. en l’Audience de la Grand. Chambre, il fut jugé pour Demoiselle Charlotte de la Faye veuve d’un fils du premier mariage du sieur d’Aubei ménil Betencour, que la donation faite par son beaupere à elle et à ses enfans sortis d’un autre mariage étoit valable et non revocable, parce qu’elle ne tenoit plus lieu de parente par la mort de son mary ny les enfans qu’elle avoit eus d’un autre mariage. On peut dire qu’à la reserve des choses cy-dessus exceptées tous dons faits par les peres à leurs enfans doivent être rapportez nécessairement, et le donataire ne peut pas se tenit à son don et renoncer à la succes-tion, les freères et les soeurs le peuvent forcer à rapporter, puis que c’est en leur faveur et pour garder l’égalité que le rapport est introduit,

On a cherché divers moyens pour eluder la disposition de cet Article, mais pour peu que senfant que lon veut favoriser en tire de profit nonobstant toutes les precautions dont on se sert, ces sortes de fraudes et ces déguisemens ont tarement le succez que l’on espère. J’en proposeray quelques exemples : le premier sera pour les Contrats de vente que le pere fait de son bien à son fils. On a mû plusieurs fois la question, si ces Conttats pouvoient subsister au prejudice des autres enfans et des creanciers du pere ; Ces actes sont toûjours fort fuspects et c’est pourquoy du Moulin en ses Notes sur l’Article 124. de l’ancienne Coûtume de Paris. a écrit que conclusum quod in venditione facta filio vel genero, confessio patris non valet de receptos ttiam si Notarius dicat pretium recepium coram se : Pour donner force à ces Contrats et effacer es presomptions d’un avantage indirect qui en naissent naturellement, Il faut justifier d’un véritable employ qui ait été fait des deniers, soit en payement de dettes legitimes ou en achapr d’autres héritages ; il est encore nécessaire que la chose soit venduë à son juste prix, et quand ces circonstances s’y rencontrent ces Contrats peuvent valoir comme s’ils avoient été faits avec un étranger. Un fils ayant piis de son pere un héritage à fit ffe’ou bail d’héritage sur te contredit qui luy fut formé par ses autres freres la Cour ordonna qu’avant de faire droit l’héritage seroit estimé, et étant demeuré constant qu’il n’y avoit point de fraude le Contrat fut confirmé. Si néanmoins le pere par une telle vente avoit diminué la valeur du reste de son bien ou qu’elle ne pût subsister sans faire prejudice et incommoder les partages qu’il faudroit faire du surplus, en ce cas ce dessein frauduleux ne pourroit être approuvé quoy que la chose eût été venduë à sa juste valeur, et que les deniers en eussent été employez utilement.

C’est un usage en beaucoup de lieux de cette Province, et particulierement dans le Bailliage. de Caux, que les peres en mariant leurs fils ainez ou quelqu’autres de leurs enfans les admettent en communauté, en consequence dequoy le fils aprés la mort de son pere veut lever la moitié des meubles et des acquests faits pendant le temps que cette commonauté a duré, et partager le surplus avec ses coheritiers, ce qui cause fort souvent de la broilillerie dans les famil-les ; mais ces societez ne peuvent acquerir aucun avantage au fils, autrement ce seroit un moyen de violer cette égalité que cet Article veut être gardée, et aprés la mort du pere tout se doit partager suivant la Coûtume, et le fils reçû en société n’a droit que de reprendré ce qu’il a apporté, comme les deniers dotaux de sa femme ou autre chose : cela paroit injuste en quelques rencontres lors qu’il arrive que le travail et l’industrie du fils ont plus contribué pour l’augmentation du bien que celle de son pere, et toutefois il n’en temporte aucun avantage, mais il a dû sçavoir la rigueur de la Loy : Cela fut jugé par Arrest en la Grand. Chambre du 8. d’Aoust 1613. entre des fretes nommez Maurice, et il fut dit que le fils ne participeroit point à la communauté où il avoit été reçû par son pere, quoy que cette association fût portée par écrit et qu’elle eût été faite en faveur de mariage.

Si le pere ou la mere ont acquité les dettes de, l’un de leurs enfans il en est comptable à sles coheritiers : Jacques Piart ayant fait mauvais ménage et étant poursuivi par la Dame Marete, Marie le Mire sa mere en fit sa dette et paya la Dame Marete ; elle avoit employé dans l’obligation qu’elle le faisoit pour la décharge de sa conscience : Aprés la mort de cette mere Romain Piart demanda le rapport de cette somme à Romain Piart son neveu fils de Jacques, à quoy il fut condamné par Sentence du Bailly de Roüen : Sur son appel le Bigot son Avocat pretendoit que cet Article ne parloit que des donations ou des avancemens faits par le pere ou la mere, et qu’étant contre la liberté naturelle que chacun doit avoir de disposer de son bien, il ne falloit point l’étendre aux dettes que le pere ou la mere avoient acquitées pour lun de leurs enfans, que les petits-enfans ne tiroient aucun profit de ce que leur ayeule avoit fait ayant renoncé à la succession de leur pere, et que par consequent leur ayeule n’avoit pû les frustrer de la par qui leur appartenoit en sa succession. Greard pour Romain Piart réponloit qu’ils ne pouvoient se dispenser de rapporter ce que leur pere avoit eu, comme de son chef il avoit rapporté fon avancement, que la distinction entre la donation et la liberation d’une dette n’étoit pas valable, et que l’avantage étoit plus grand de décharger quelqu’un d’une dette que de luy donner quelque bien dont peut-être il n’avoit pas grand besoin ; et quoy que le neveu alléguât qu’il venoit de son chef ayant renoncé à la succession de son pere, cette renonciation ne pouvoit être opposée à des coheritiers, mais à des créanciers qui sont exclus de leurs hypotheques par des enfans qui demandent leur tiers du jour du mariage, mais entre coheritiers il n’y avoit point moyen d’empeschet que ce qu’une branche avoit eu plus que l’autre ne fût rapporté, que cela avoit été jugé par plusieurs Arrests : Par Arrest du 14. de May 1658. la Cour mit sur l’apppel hors de Cour-

Un pere avoit donné à un sien puisné en faveur de mariage quelques héritages situez en Caux, cette donation au temps qu’elle fut faite n’excedoit point le tiers du bien du pere, mais aprés sa mort l’ainé en demanda la reduction, ce qui fut contredit par le puisné qui se sonloit sur ce qu’au temps de la donation il n’y avoit point d’excez, et qu’étant valable elle ne pouvoit être affoiblie par ce qui étoit arrivé depuis, le pere n’ayant rien fait alors que ce qu’il voit pû : Il s’aidoit aussi de cet Article qui excepte les donations du tiers on Caux, d’où il concluoit que joüissant de cet héritage jure donationis non successionis, il falloit suivant les regles considerer les biens du donateur au temps de la donation, et non au temps de la mort du donateur : Il passa neanmoins tout d’une voix à dire qu’il y avoit lieu à la reduction, et que le bien devoit être considéré au temps de la succession échûë, et que ce puisné ne pouvoit prendre cette donation que comme un avancement d’hoirie. Ceux qui ont qualité d’heritiers t en une même succession ne peuvent être donataires, autrement le puisné en Caux y trouveroit ses avantages, selon le different état des affaires de son pere il accepteroit sa succession ou il se tiendroit à son don : Ce n’étoit pas aussi l’intention de la Coûtume en cet Article, elle défend d’avancer un de ses enfans plus que l’autre, et pour cet effet elle déclare que ce qui est donné est reputé avancement d’hoirie, dont elle excepte la donation du tiers en Caux, non qu’elle ne soit pas aussi un avancement, mais elle a voulu conserver au pere cette liberté d’avancer un de ses puisnez au prejudice des autres ; cette exception est contre l’égalité ordifaire de la Coûtume, mais elle étoit necessaire en Caux où les peres ne pouvoient se depar-tir tout d’un coup de leur ancien usage de donner tout à l’ainé : l’Arrest fut donné en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Galentine, le mois de Janvier 1627 On jugea dans cette autre espèce qu’il n’y avoit point d’avancement dont les enfans eussent sujet de se plaindre : Le Maître avoit épousé une femme qui ne possedoit qu’une petite maison en la rué de l’Aumône ( par association ) c’étoit le terme de Messieurs du Bureau des Pauvres qui en étoient les proprietaires, et cette association se fait à vie seulement : Cette temme en obtint la continuation pour la vie de son mary ; depuis ces pauvres gens se voyant âgez furent encore maintenus pour leurs deux plus jeunes enfans un fils et une fille : aprés la mort du pere et de la mère le jeune fils s’en mit en possession, il y fut troublé par les autres enfans qui demanderent part à cette association, et en ayant été refusez par le Bureau, sur leur appel Lesdos leur Avocat remontroit que leurs pere et mere n’avoient demandé cette association pour leurs deux plus jeunes enfans que par cette consideration que l’association ne se faisoit que pour deux personnes, ce qui les avoit obligez de la mettre sous le nom des deux plus jeunes, et que par ce moyen elle dureroit plus long-temps : leur intention étoit neanmoins de rendre ce bien-là commun, autrement ils auroient fait à leurs puisnez un avance-ment qui leur étoit défendu, que l’on devoit en user en cette rencontre comme pour le retrait lignager, car l’héritage rétité par le pere ne demeure pas à celuy des enfans du nom duquel le pere s’est servi, mais l’héritage rétiré est partagé entre tous les enfans : Theroude pour les Intimez insistoit que le don étant fait à eux deux ils en devoient joüir, et qu’on argumentoit mal à propos de l’Article de la Coûtume, par lequel lhéritage rétiré au nom de’un des enfans doit être remis en partage, cette maison ne provenant pas de la famille, et ils ne la tenoient que de la grace des Administrateurs du Bureau : Par Arrest du 7. de Juin on confirma la Sentence.

Dans l’espèce de cet Arrest le pere et la mere n’avoient rien donné du leur, et bien que le pere neglige d’acquerir ou qu’il aime mieux qu’un Contrat soit fait au nom de quelquesuns de ses enfans, il ne contrevient point à cet Article qui ne défend au pere que la donation de son bien en faveur de l’un de ses enfans. Il y a beaucoup plus de difficulté à un droit qui duy est pleinement et parfaitement acquis, comme à une succession pour faire avantage à son tiné ou à quelqu’autre de ses onfans, aussi cette question a été jugée diversement. Le sieur de Colombiere avoit pour fils Paul et Gabriel de Briqueville, aprés la mort de sa mere il senonça à sa succession et fit instituer un tuteur à son fils ainé au nom duquel on accepta la succession de son ayeule ; aprés la moit du sieur de Colombiere son fils ainé voulut prendre preciput en la succession de son pete, et retenir à son profit celle de son ayeule toute entière, ou au moins y prandre encore un prediput comme étant distincte et separée de calle du pere, ce qui luy fut contesté par le puisné, par cette raison que le pere n’avoit pû repudier la succession de sa mere dont il étoit saisi, suivant la Coûtume, pour en avancer son frere, que c’étoit un avantage indirect qu’il ne pouvoit faire, et que sans y avoir égard la succession de l’ayeule devoit être partagée conjointement avec celle du pere comme en faisant partie : La défense de l’ainé fut que nul n’est heritier qui ne veut, et que le pere ne pouvoit être force d’accepter une succession : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 27. de Juillet 1627. il fut jugé que la succession de l’ayeule seroit partagée entre les freres comme succession paternelle et que l’ainé seroit tenu de déclater s’il entendoit prendre preciput : La Loy Julianus, ff. 3. t. quis omissa Cav. inst. 4. l. 29. t. 4. contient une semblable decision, julianus scribit patrem qui filiam sibi substitutam jussit adire hereditatem, legata que ab ipso data sunt ex sententia Edicti prastaturum, quoniam filia patri substituitur in casu, non ut arbitrium eligendi relinquatur : non enim dolo oaret pater, qui proprio honore omisso propter compendium alienam institationem maluit, car comme le pere qui refuse de prendre une succession à laquelle il étoit institué heritier pour la faire passer à sa fille qui luy étoit substituée, dans la pensée de s’exempter par cette voye d’acquiter les legs dont il étoit chargé, est reputé le faire en fraude et pour y gagner au prejudice des legataires ; aussi le pere qui refuse une succession opulente et proprium honorem omitrit pour ménager plusieurs preciputs à son ainé, dolo non caret, il fait une action contraire au voeu de la Loy.

On jugea le contraire en cette espèce : De la Riviere Ecuyer, sieur du Thuy Hebert, ne voulut pas accepter la succession d’un sien neveu, il la prit sous le nom de son fils ainé, et appiremment il ne fit d’abord cette renonciation que par la crainte des dettes de cette sucression, car depuis il la ménagea et en disposa comme luy appartenant : aprés sa mort Gaspar de la Riviere ayant pris preciput, ses puisnez avoient pris possession des biens de cette succession comme faisant partie de la succession paternelle et en avoient jouy quelque temps, aprés quoy leur ainé leur demanda part, et ayant compromis de leur different il fut debouté de sa pretention : Sur son appel il fut soûtenu par Maurry son Avocat que son pere avoit pû renoncer à cette succession, et qu’aprés l’avoir abandonnée il n’avoit pû changer la cause de sa possession, que le pere pour ne prendre pas un droit qui luy pouvoit appartenir n’étoit pas reputé faire un avantage indirect à son alné, et les puisnez n’ont point d’action pour se plaindre non plus qu’un creancier qui ne pourroit reprocher à son debiteur qu’il auroit renoncé en fraude, qui cum possit aliquid quêrere, non id agit ut adquirat, non pertinet ad hoc Edictum, pertinet enim Edictum ad diminuentes patrimonium, non ad eos qui id agunt ne locupletentur, l. Qui autem, D. que in fraud. l. 42. t. 8. le pere n’est reputé faire avantage que quand il diminue sa substance, et par consequent la portion de ses autres enfans pour en entichir un d’entr’eux au prejudice des autres. Il fut remontré au contraire par Gteard plaidant pour Antoine de la Riviere puisné que cette succession venant directement au pere, il n’avoit pû y renoncer pour y donner part à son ainé, parce qu’il sçavoit bien qu’il prendroit part en sa succession, qu’aprés tout le pere avoit pû changer de volonté pour remettre les choses dans l’égalité, que l’Appellant mêmé n’en avoit pas douté s’étant contenté à son preciput, et laissant cette succession toute entière aux puisnez comme faisant partie de la paternelle. Il alléguoit aussi en sa faveur l’Arrest cu-dessus, nonobstant ces raisons on jugea que le pere avoit pû renoncer, et on confirma la Sentence qui avoit ordonné qu’il seroit fait des lots, par Arrest en la Grand. Cham-bre du 9. de Juillet 1665.

On ne peut concilier cet Arrest avec le precedent que par cette distinction, que le premier ut donné dans l’espece d’une succession directe, où les avantages des peres envers l’un de leurs enfans sont plus étroitement défendus que dans la collaterale : cependant c’est aujourd’huy l’usage que le pere peut renoncer à la succession qui luy arrive, quoy qu’il n’ait aucun sujes de le faire.

Il ne suffit pas d’être enfant pour être tenu de rapporter, il faut être heritier ou capable de l’être, car le rapport ou collation de biens ne se fait point qu’entre coheritiers : par le Droit Civil collatio nunquam habet locum nisi inter solos descendentes, qui ascendentibus succedunt, non autem inter transversales, et alios extraneos, quia de his nihil in jure reperitur : Rheinardus, l. 1. c. 20. different. jur. Civil. et Saxonici.

Par ce principe les filles qui ne sont point heritieres et que le pere n’a point reservées à sa succession, ne peuvent être forcées de rapporter ce qui leur a été payé en argent comptant quoy qu’il excede de beaucoup leur legitime ; car si le pere leur avoit donné de l’héritage ou qu’il leur fût encore dû quelque chose, les freres ontune action contr’elles par les Art. CCLIV. et CCLV.

Cette Maxime est certaine quand les filles n’ont point été mariées par le pere comme neritieres, parce qu’alors elles avoient des freres : mais quand le pere qui n’a que des filles les a mariées comme heritieres, on a revoqué en doute si les soeeurs mariées pouvoient e tenir à leurs dons, ou si elles pouvoient être forcées par leurs autres soeurs à rapporter : Un homme avoit quatre filles, en matiant les deux ainées il leur donna à chacune cinq mille livres, à la troisième seize mille livres, et à la quatrième vingt-trois mille livres : la succession du pere étant échûe les deux dernieres se tintent à leur don, les deux autres accepterent la succession et soûtinrent contre leurs seeurs qu’elles devoient partager avec elles et rapporter, ou que leurs donations doivent être reduites à leur legitime : Les sours se dérendirent par l’autorité de la Coûtume qui permet aux peres et meres de marier leurs filles de meubles ou d’héritages, que le pere peut arbitrer le mariage de ses filles selon ses facultez et les partis qui se presentent, qu’il peut donner à l’une plus qu’à l’autre, et qu’on ne peut forcer celles qui renoncent d’être héritieres contre leur volonté, que leur mariage étant payé gaudent bonâ fortunâ, que les filles heritieres n’ont point plus de prerogative que les freres, lesquels quand le mariage est payé ne peuvent rappeller leurs soeurs à partage ny les contraindre à rapporter ce qui leur a été payé, que ce privilege de faire rapporter ou de diminuer le mariage appartient aux fretes et non aux soeurs ; car la Coûtume ne dit en aucun lieu que les soeurs puissent obliger leurs soeurs de rapporter. Les soeurs heritieres alléguerent au con traire, que suivant cet Article le pere et la mere ne peuvent avantager l’un de leurs enfans plus que l’autre, soit de meuble ou d’héritage, et toutes donations faites par les peres et meres à leurs enfans sont reputées avancemens d’hoiries ; et par l’Article suivant ces donations excessives peuvent être revoquées. Ces deux Articles decident nettement cette question ; par le premier, on ne peut avancer l’un plus que l’autre ; et par le second, les heritiers ont un pouvoir et une action pour revoquer, ce qui montre qu’encore que l’enfant donataire renonte, les heritiers peuvent faire réduire sa donation, si elle avoit été faite à un étranger et qu’elle excedat le tiers elle seroit revocable et reductible : les enfans qui renoncent sont comme des étrangers, et par consequent s’ils veulent être donataires et non heritiers, leurs dons doivent être reduits u tiers de tout le bien ; les enfans mêmes en ce cas sont d’une condition pire que les étrangers, parce que l’on peut donner le tiers à un étranger, et on ne le peut donner à un enfant au prejudice de l’autre. La Coûtume ordonne l’égalité entre les enfans d’un même sexe, à l’exception de quelques avantages pour le fils ainé, et si cela a lieu entre les freres pourquoy ne seroit-il pas observé entre les seurs, quand elles sont heritieres ou capables de l’être ; Ce qui est donné aux filles presomptives heritieres en les mariant doit être considéré comme ce qui seroit donné à un frere, ou comme le tiers en Caux qui seroit donné à un puisné : Si depuis cet avancement fait à un puisné le pere faisoit une telle alienation de ses biens qu’il ne luy restât que peu de chose, ce tiers et cet avancement seroit remis en partage avec les autres enfans, et il ne resteroit pas entièrement au donataire ; par la même raison ce qui a été donné à une seur doit être rapporté au profit des autres heritieres. Si ces donations n’étoient reductibles ou sujettes à rapport, un pere porté de passion pour l’une de ses filles emprunteroit des sommes excessives pour payer le mariage qu’il auroit promis et engageroit tout son bien, et la fille à laquelle on auroit fait cet’avantage excessif renonçant à sa succession, ne laisserit à ses seurs que des dettes à payer : Ce qu’on objecte que le mariage a été payé, et partant qu’on ne peut revoquer ny demander de reduction, n’est pas une raison si forte à cause de la qualité de presomptives heritieres qu’elles avoient quand elles furent mariées ; et même dans le fait particulier le pere avoit baillé des rentes qui étoient encore en essence, et il s’étoii obligé en d’autres rentes qui étoient encore dûës : Cette Cause ayant été plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 26. de Juin 1636. entre du Mouchel et Martin ayant épousé les filles de la Croix, et le sieur de la Mare Ausseville Conseiller au Presidial de Roüen, il fut dit qu’il en seroit deliberé. Il ne faut point, à mon avis, faire de différence entre les freres et les soeurs, quand elles ont été mariées comme presomptives heritières : Comme entre treres tous avantages sont sujets à rapport, il en doit être de même entre les filles heritie. res, ou capables de l’être, parce qu’elles n’ont point de freres : Voyez ce que j’ay dit sur l’Article CCLx.

Mais quand les seurs au temps de leurs mariages ont des freres quoy qu’ils decedent avant le pere, elles ne sont point obligées de se rendre heritieres ny de rapporter ce qui leur a été lonné, comme il fut jugé sur ce fait. Raulin le Févre en matiant Françoise le Fevre sa fille ainée à Georges Marc luy donna trois mille livres en argent ; il étoit dit simplement qu’il lonnoit trois mille livres, et la mere ne parla point au Contrat : il avoit un fils qui signa aussi au Contrat de mariage, quelques années aprés ce fils étant allé voyager on reçût de ses nou velles jusques en l’année 1655. et le pere étant mort en 1666. le fils fut encore reputé vivant quou que depuis dix ans l’on n’eût point eu de ses nouvelles : Françoise Tabouret sa mere fut établie sa curatrice, et tutrice de ses autres filles ; elle en maria quelques-unes, et aprés la majorité des autres elle leur rendit compte, et lors de cette action Georges Marc déclara au nom de sa femme qu’il n’entendoit point se porter heritier du pere ; aprés la mort de la mére Georges Marc demanda partage en sa succession, ce qui luy fut contredit par les maris des autres soeurs, à moins que de rappor-ver à la masse de la succession maternelle ce qui luy avoit été donné par le pere, à quoy il fut condamné par Sentence du Vicomte de Roüen : Sur l’appel devant le Bailly, aprés la déclaration du-dit Marc qu’il renonçoit tant pour luy que pour ladite Françoise le Févre sa femme à la succestion de Raoulin le Févre son pere, et qu’il se tenoit à la somme qui luy avoit été donnée et payée par son Contrat de mariage, il fut dit qu’il avoit été mal jugé par le VVicomte, et en ceformant ledit Marc fut déchargé de rapporter la somme par luy reçûë, et qu’il partageroit avec Quitel et ses coheritiers la succession de ladite Françoise Tabouret mere desdites Parties. Ledit Quitel tant pour luy que pour ses coheritiers ayant appellé de cette Sentences le Cahagnes disoit que par la Sentence du Vicomte on avoit rendu la condition des enfans égale, ce qui étoit favorable, qu’il n’étoit pas au pouvoir des peres et meres de favoriser l’un de leurs enfans au prejudice des autres, que tout ce qui avoit été donné à la femme de l’Inrimé étoit reputé avancement d’hoitie, et que les successions du pere et de la mere ayant été confuses l’Intimé ne pouvoit demander part aux biens de la mère qu’en rapportant ce dont il avoit profité de la succession du pere. Je répondis pour l’lntimé qu’en cette Cause il s’agissoit de l’interest et de la seureté publique, qui désire que les Contrats de mariage soient entrerenux inviolablement ; car si un homme qui ne s’étoit marié qu’à cette condition d’avoir pour la dot de sa femme une certaine somme et d’en être payé comptant pouvoit être forcé de rapporter ce qu’il auroit eu, il n’y auroit rien de certain ny d’asseuré dans les Contrats de ma-riage, et cette pretention des Appellans étoit d’autant plus mal fondée que la femme de l’Inrimé n’avoit pas été mariée comme heritiere, et ce qui luy avoit été payé ne luy avoit pas été donné par avancement de succession, le pete s’étoit seulement acquité d’une dette naturelle : et quoy que le frere fût mort avant son pere, et que par ce moyen elle fût devenuë capable de luy succeder si elle vouloit, neanmoins comme nous n’avons point d’heritiers necessaires, elle ne pouvoit être forcée de prendre pait à la succession de son pere, ny de se rendre son heritière, que si ses soeurs pouvoient l’obliger à rapporter elles auroient plus de prerogative que les fteres : Suivant l’Article CCLIV. les freres peuvent revoquer dans l’an et jour du decez de leur pere ou de leur majorité les donations d’heritages quand elles excedent le tiers et par l’Artide CCLV. si le pere ou la mere ont promis or ou angent, ou autres meubles qui soient emcore dûs, les frères ne sont tenus de le payer que jusques à la concurrence du tiers de tous les biens de la succession : D’où il resulte que les freres ne peuvent reduire les donations de meubles que quand ils sont encore dûs ; mais cette action ne leur appartient point pour les denier qui ont été payez. On pretend encore avec aussi peu de raison que les successions parernelle et maternelle soient confuses, ces sortes de biens se confondent si peu que les Seigneurs succederoient plûtost que les biens d’un côté paternel ou maternel passassent aux parens de l’au-tre côté. Il n’y a qu’un seul cas où la Coûtume admet la confusion des successions paternelde et maternelle, à sçavoir pour empescher le trop grand nombre de preciputs que l’alné pour-roit prendre lors qu’il y a des fiefs aux successions de pere et de mère, mais cela n’a lieu que pour les fiefs ; card l’égard des rotures il ne se fait jamais de confusion, et le paternel demeore toûjours perpotuellement distinct et separé du maternel : Par Arrest du premier de Mars 1678. la Sentence fut confirmée.

Encore qu’on ne soit qu’heritier beneficiaire, on est tenu de rapporter quia est verè heres Ricard rapporte un Arrest du Parlement de Patis qui l’a jugé de la sorte, sur la Coûtume de Paris, Article 304. et cela même a été jugé en faveur des creanciers, par Arrest rapporté par MrLoüet , l. ff. n. 13. suivant l’Arrest de Piart que j’ay remarqué cy-dessus, les petits-enfans venant à la succession de leur ayeul sont tenus de rapporter ce qui a été donné à leur pere nonobstant qu’ils renoncent à sa succession : La Coûtume de Paris, Article 308. en a fait une disposition expresse ; L’enfant ayant survécu ses pere et mere, et venant à la succession de ses ayeul on ayeule survivant lesdits pere et mere, est neanmoins tenu de rapporter à la succession de ses ayeul on areule tout ce qui a ôté donné à sesdits pere et mère par sesdits ayeul ou areule, ou moins prendre. Cela est fort equitable, car le petit-fils voulant prendre la place de son pere, quoy qu’il ne soit pas son heritier, néanmoins pour conserver l’égalité il est tenu au même rapport ue son pere s’il étoit vivant et venoit à la succession.

C’est en consideration de cette égalité que ce rapport devient si favorable, que par la jurisprudence du Parlement de Paris si lenfant avantagé par son ayeul paternel s’abstient et se tient à son don, les freres et les soeurs de ce donataire rapportent le don fait à leur frere comme ayant été fait en contemplation de leur pere commun qu’ils representent, fauf leur recours contre leur frere pour leur legitime seulement. Parmy nous ce fils donataire ne pouvant se tenir à son don, il seroit tenu de rapporter ;Brodeau , fut M.Loüet , 1. D. n. 38.Ricard , sur la Coûtume de Paris ; Art. 308. Ce dernier Auteur a aussi remarqué sur l’Art. 303 que les petits-enfans sont tenus de rapporter non seulement les dons et avantages faits à leur pere, mais aussi les sommes de deniers qui leur ont été prétées, quoy qu’on voulût faire de la distinction. entre le don et le prest :Brodeau , fut M.Loüet , l. R. n. 13. toties collationi locus est quoties aliquo incommodo affectus est is qui in potestate est interventu emancipati, l. 1. 8. Quoties de coll. bon. juivant nôtre Usage les enfans ny les petits-enfans ne peuvent pas se tenit à leurs dons, ils sont mêmes forcez de rapporter, et si le pere ou l’ayeul ont payé leurs dettes ils doivent en tenir compte à leurs coheritiers, comme Bérault l’a remarqué sur cet Article, ce qui fut aussi jugé par l’Arrest de Mité que j’ay rapporté sur l’Article CCexClIx.

Mr Loüet a traité cette question, si la femme venant à la succession de ses pere et mere est obligée de rapporter ce qu’ils avoient prété à son mary lors qu’elle renonce à leur succession ; et il rapporte un Arrest qui a jugé pour la negatiur. Ricard a dit la même chose sur l’Article 304. que si le prest est fait au gendre par son beaupère la fille n’ayant point parléu prest et renonçant à la communauté n’est pas tenuë de rapporter à la succession de son pere, farce que si cela avoit lieu il seroit au pouvoir du mary de ruiner sa femme, contre l’esprit de nos Coûtumes qui luy interdisent falienation de leurs biens, et par ce principe la mêmé chose seroit pratiquée en Normandie où les maris ont beaucoup moins de pouvoir d’engagage les biens de leurs femmes.

Ce rapport se fait entre cohetitiers et en leur faveur seulement, mais cette action pour rapporter n’appartient pas aux creanciers comme il fut jugé le 9. de Janvier 1660. plaisans Heroüet pour du Hocquet, Morlet pour Martin Intimé, et Baudry pour Mr le Duc de Longueville : On jugea que la femme de Martin renonçant à la succession de son pere et ne renant que son tiers, n’étoit point obligée de rapporter les meubles donnez à elle et à son mary pour don mobils

Le Fisc seroit encore beaucoup moins favorable à demander ce rapport, par argument de l’Article CCLXIII. C’est aussi le sentiment deChopin , que le Fife qui est en la place d’un coheritier particulier ne peut pas demander aux autres coheritiers qu’ils rapportent ce qui leur l été donné ; DeMor . Paris. l. 2. t. 3. n. 19. On ne. rapporte pas seulement les immeubles Il faut aussi tenir compte des meubles, mais cela n’a lieu pour les meubles qu’en ligne directe En ligne collaterale les meubles donnez ne se rapportent point : Sur cette matiere on peut voir Mr d’Argentré , Article 526. et suivans de la Coûtume de Bretagne.Chopin , de utili Andegav rerum domin. l. 3. t. 3. Art. 180. et sequent : Consuet. AndegaV.Tronçon , sur l’Article 304. de la Coûtume de Paris, les enfans ne sont pas seulement tenus de rapporter ce qui leur a été donné par leurs pere et mere, mais aussi ce qui leur a été prété ; et il a même été jugé par Arrest du Parlement de Paris ; qu’un enfant étoit tenu de rapporter l’argent qui luy avoit été baillé en rente par son père sans être reçû à continuer la rente, parce que le pere est censé s’être porté à prêter de l’argent à son fils en consequence qu’il étoit habile à luy succeder.

Ricard , Coûtume de Paris, Article 304. ce qui paroit rigoureux ; en tout cas il pourroit s’exempter de la restitution du capital en prenant moins en la succession.

Les Offices par la corruption du siecle ayant fait une nouvelle espèce de biens parmy nous, et leur valeur étant tres-incertaine, on a douté long-temps de quelle maniere il en falloir regler le prix lors qu’il s’agit de les rapporter. L’estimation des Offices donnés par le pert ou la mère à leurs enfans se fait selon leur valeur au temps. de la donation et non au temps. de la succession échûë : On a même jugé que le pere pouvoit donner l’office dont il étoit purvû et y mettre tel prix qu’il voudroit, pourvû qu’il ne fût pas moindre que celuy de l’achapt.

Cette question fut jugée, au Rapport de M’Buquet, le 25. de Février 1669. entre les nommez Cyreudes pour la Charge de Procureur du Roy à Conches : l’ainé auquel le pere avoir donné cette Charge pretendoit n’être point obligé de tenir compte à ses freres du prix qu’elle avoit coûté parce qu’alors il étoit mineur, et que depuis la valeur en étoit diminuée par le demembrement des Offices, et par consequent qu’il ne devoit faire ce rapport que sur le prx que l’Office pouvoit valoir au temps du decez du pere, suivant l’opinion des Docteurs sur le S. Imputari, l. Omnimodo. C. de inoffic. testament. et en la Loy Illud, 5. 1. C. de collat. Au contraire le puisné soûtenoit que la pretention de lainé étoit opposée à toutes les Maximes de la Jurisprudence Françoise, suivant laquelle il se falloit regler, et non point par le Droit Romain, parce qu’en France où le rapport se fait seulement de ce qui est donné par le pete au fils tanquam successuro, et non des fruits, lesquels ne se rapportent point si ce n’est depuis la uccession ouverte, il faut rapporter le prix de l’Office eu égard non au temps de la successios chûë, mais du don ou de la resignation de l’Office, et ce pour deux raisons : l’une que l’Office qui est perissable par mort est. au profit, et par consequent au peril du fils dés lors qu’il en est pourvsi, et comme s’il augmentoit de prix par aprés ce seroit à son profit seul et non des autres enfans, aussi-s il diminuoit de valeur et même s’il se perdoit tout à fait, il est raisonnable que cette perte tombe sur luy seul : l’autre raison est que comme il se pratique no-çoirement qu’en matière de choses qui se consument par l’usage comme de meubles perissaples, il en faut rapporter l’estimation au temps que le don qui en a été fait a eu son execution, cela doit avoir lieu à plus forte raison pour les Offices qui se consument et usent tous les jours ainsi que la vie du pourvû, et qu’au surplus la minorité de leur frere n’étoit point confidérabre ayant été jugé capable de l’exercer, ce qui fut jugé au profit du puisné, et sur c qu’il demandoit que l’ainé luy payât les interests du prix de la Charge du jour de l’avancement ou au moins du jour que leur pere avoit couché sur son registre que son intention étoit que on fils payât les interests de sa Charge, néanmoins comme elle n’avoit point été signifiéeà fainé il fut déchargé des interests, et l’on jugea que cela luy tenoit lieu d’avancement, et qu’il n’étoit obligé de rapporter que le principal, vû que s’étant marié son pere ne luy avoit fau aucun autre avancement, et que depuis son mariage il avoit toûjours vécu separément d’avec son pere. Autre Arrest sur ce fait : Mr de la Bucaille Conseiller en la Cour et Commissaire aux Requêtes du Palais, acheta une Charge de Conseiller en la Cour pour son fils ainé dont il payâ soixante et dix mille livres, et en suite il le matia fort avantageusement : aprés la mort du pere procez fut mû entre Mr de la Bucaille fils puisné de Mr de la Bucaille et les enfans de l’ainé qui étoit decedé avant son pere, touchant le rapport de cette Charge de Conseiller, laquelle aprés la mort du fils ainé n’avoit été venduë que quarante-six mille livres, les heritiers de l’ainé pretendoient n’en tenir compte que sur le prix qu’elle avoit été venduë et non sur le prix qu’elle avoit coûté : Ils alléguoient pour leurs raisons que le fils ainé s’étoit laissé conduire par son pere, qu’il n’avoit accepté cette Charge que pour luy obeir, ce qu’il n’auroit pas fait s’il avoit osé s’opposer à la volonté de son père ; cette Charge ayant été achetée par um prix excessif, qu’elle n’avoit été prife que pour donner plus de consideration et d’honneur à la famille, et puis que le puisné y avoit également participé il devoit porter une partie de la perte, mais quand on jugeroit la Cause dans l’étroite rigueur que c’étoit une regle en pas de rapport entre coheritiers de rendre la chose donnée ou de moins prendre : Or puis qu’ils consentoient de rapporter le prix que la Charge avoit été venduë, son offre étoit conforme à la Coûtume et à l’Usage, ne pouvant être assujettis de suppléer le prix qu’elle avoir été achetée : Mr de la Bucaille puisné répondoit qu’il n’en étoit pas de même d’un Office comme d’un fonds et d’une rente qui subsisteroit encore, car les Charges n’ont point de situation, ny de lieu ny de valeur certaine, elles changent de temps en temps, de sorte que le rap-port que l’on est tenu d’en faire ne peut être que du prix qu’elle auroit coûté : qu’aprés tout Il avoit seul profité de cette Charge, non seulement par l’honneur qu’il en avoit reçû ; mais aussi par un mariage avantageux qu’elle luy avoit procuré ; que si elle avoit été venduë par un prix plus grand que celuy de l’achapt, ses heritiers n’autoient pas voulu tenir compte de l’augmentation : Par Atrest du mois de Février 1679. au Rapport de Mr Salet en la GrandChambre, le puisné fut déchargé de la pretention des enfans de l’ainé, qui furent condam-nez de tenir compre du prix que la Charge avoit été achetée. Un mois aprés, à sçavoir le 7. Mars, la même chose fut jugée en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Tiremois Harqueville, entre François Louvel, Mr Eustache Louvel Controleur des restes en la Chambre des Comptes ; Barbe Vauquelin, veuve de Me Eustache Louvel Huissier au Parlement, et Michel Pegot ayant épousé Marie Louvel : En ce procez quatre questions furent agitées. 1. Si Baibe Vauquelin et Eustache Louvel son fils ayant soustrait aprés la mort d’Eustache Louvel pere pouvoient avoir part aux choses soustraites ; 2. Si ladite Barbe Vauquelin en haine des soustractions devoit être privée de la part des meubles que son mary luy avoit donnez par son testament, et si ayant soustrait pour le profit d’Eustache Louvel son fils qui avoit été étably gardien des meubles et scellez apposez aprés la mort du pere, devoit être interdite d’aliener les meubles : 3. Si Eustache Louvel devoit rapporter au profit de la succes-sion dix-huit mille livres, prix de l’Office de Contrôleur des restes en la Chambre des Compres dont il avoit été pourvû du vivant de son pere : 4. Si la succession devoit être partagée entre François et Eustache Louvel seuls, vù la longue absence de Robert Louvel leur frere Je ne parleray en cet endroit que du rapport de l’Office : Ledit Eustache Louvel soûtenoit qu’il n’étoit point obligé de rapporter les dix-huit mille livres, parce qu’il n’en valoit pas huit, que son pere luy auroit fait un prejudice considérable, et que suivant cet Article un pere né peut avantager un de ses enfans plus que l’autre, que par le Concordat de l’Office son pere et luy étoient obligez solidairement au payement desdits dix-huit mille livres, et par cette raison ils étoient censez en avoir payé chacun la moitié, que les neuf mille livres qu’il avoit payez provenoient des emplois qu’il avoit eus et de la bourse de ses amis, et qu’en luy tenant compre de ce qu’il avoit payé il consentoit de remettre l’Office pour être vendu au profit de la succession, et enfin pour se mettre plus qu’à devoir qu’il consentoit de perdre les neuf mille livres qu’il avoit payez : Nonobstant une déclaration si avantageuse ledit Eustache Louvel fut condamné de rapporter, ou de moins prendre en la succession dudit Louvel pere, la somme de dix-huit mille livres portée par le Concordat de l’Office, avec l’interest au denier vingt-cine depuis la mort du pere, et à faute de passer sa déclaration dans le mois il seroit tenu de payer à François Louvel son frère l’interest au denier vingt, de la part qui luy appartenoit ausdits dix-huit mille livres. On a donné un Arrest pareil au Parlement de Paris rapporté par duFresne , l. 5. c. 38. de l’impression de 1652.

’Autre Arrest sur ce fait : Le tuteur de quatre mineurs, un fils et trois filles, donna pour le matiage de la fille ainée l’Office de Sergent qui appartenoit à leur pere : Depuis cet Office ayant été licité pour faits d’Office du mary, la femme ne fut portée que d’une partle de ses droits : les seoeuts devenuës heritieres de leur frere soûtenoient contre leur ainée qu’elle devoit rapporter le prix entier de lOffice : Elle disoit premièrement contre l’Eguillon son tuteur qu’il étoit garand de sa dot, n’ayant dû donner cet Office qu’à une personne solvable et par l’avis des parens, ce qu’il n’avoit pas fait, n’ayant consulté qu’un parent, et en tout cas elle concluoit contre ses soeurs que la perte devoit être commune, et qu’elle n’étoit tenuë de rappor-ter. que ce qu’elle avoit reçû, que le tuteur voyant cet Office inutile l’avoit baillé pour le profit de toute la famille ; par Sentence du Bailly de Roüen le tuteur avoit été déchargé de la garantie : Sur l’appel par Arrest du 2 d’Aoust 1668. la Cour mit l’appellation au neant, et faisant droit sur le surplus des Conclusions des parties l’Appellante fut condamnée à rapporter seusement la somme dont elle avoit été colloquée, les autres soeurs pareillement condamnées de rapporter ce qui avoit été donné à leurs maris pour don mobil ; plaidans Vion, Bondor, et Valée.

Du Pont en mariant Pierre du Pont son fils ainé luy donna par avancement le tiers d’un Navire dont il feroit son profit comme sien, ce Navire ayant été pris fut racheté par le pere qui en fit son profit, et enfin ce Navire ayant pery par un naufrage ; les freres demandoient aux enfans de leur frere ainé qu’ils leur tinssent compte de ce tiers de Navire, ce qu’ayant fait ager, du Fey pour les enfans de l’ainé se défendoit de ce rapport, n’étant pas raisonnable que a legitime de leur pere fût consumée par le don d’un bien si perissable de sa nature et Iujet. tant de risques, que les enfans ne devoient rapporter que les choses dont ils avoient fait leur profit. Il luy fut répondu par les freres plaidans par Maurry, que rés sua domino perit, et comme s’il avoit été avancé d’une somme d’argent qu’il eût joüée il seroit obligé de la rapporter : il en étoit de même de ce Navire, et S’il avoit été pris par les Anglois c’étoit un malheur qu’il devoit porter : Par Arrest du 9. de Decembre 1653. on mit sur l’appel hors de Cour.

Il y a plus de difficulté pour les Offices de la Maison du Roy et de la Reyne, pour sçavoir s’ils sont sujets à rapport ; Il a été jugé au Parlement de Paris qu’un Office de Fourrier de la Maison de la Reyne dont le pere avoit fait recevoir un de ses enfans en survivance étoit sujet à rapport, l’Arrest fondé sur ce que ces Offices quoy que caduques et perissables par la mort sont venaux, reçoivent un prix certain, moyennant lequel on en traite tous les jours par Contrat, et qu’il étoit inutile de dire que l’Office étoit perdu par la mort, parce que par la dis-position du Droit les choses dont l’evenement est douteux peuvent être mises et baillées en partage pour autres choses certaines, quid enim si tantum astimatus sit dubius eventus, l. Item Fresne Labeo 22. 5. ult. et l. sequent. D. Famil. ercisc. Du Fresne, l. 2. c. 27 Bien que l’on convienne des choses qui sont sujettes à rapport, l’on n’est pas neanmoins toûjours d’accord de la manière de les rapporter, ny de la succession à laquelle le rapport doit être fait.

Si la chose donnée se trouve encore entre les mains du donataire et qu’il offre de la, remet. tre en la masse des biens hereditaires au même état qu’elle luy a été baillée, ses coheritiers ont tenus de la reprendre ; que si la chose a augmenté par son travail et par sa dépense, il loit être recompensé par ses coheritiers de ses augmentations et meliorations selon le prix u’elles seront estimées au temps du partage ; que si les coheritiers refusent de les rembourser ils ne pourront demander au donataire que le prix de la chose qu’il devoit rapporter selon sa valeur au temps de la succession échûë, si au contraire il a diminué la chose donnée, il faut uy en precompter la diminution s’il veut la remettresen partage.

Que si le donataire possede encore les choses données, sera-lil à son choix de les retenit et d’en rapporter seulement le prix ; Plusieurs Interpretes du Droit estiment qu’il faut rapporter en essence la chose donnée, suivant la Loy premiere versic. sua quoque bona in mediun conferant, D. de collat. bon. Et Papon rapporte un Arrest qui l’a jugé de la sorte, l. 21. c. 9.

Art. 1. et il semble que ce soit l’intention de la Coûtume, n’ayant pas dit comme en d’autres cas pareils que l’heritier doit rapporter ou moins prendre : En effet c’est quelque avan-gage de pouvoir retenir la chose donnée ; car il est vraysemblable que le pere ou la mere qui n’a donné que par une predilection et pour faire avantage à son enfant, a choisi dans son bien ce qui luy étoit le plus utile et le plus commode, et c’est pourquoy la Coûtume qui ne peut souffrir d’inégalité dans les affections des peres et meres, n’a pas laissé en la liberté du donataire de retenir ce qu’il doit rapporter à la succession, ou d’y prendre moins Il faut neanmoins luy laisser cette faculté, surtout lors qu’il a fait des augmentations. Aussi la Coûtume d’Orléans, Article 306. luy donne le choix de rapporter ou de moins prendre il est vray qu’en quelques rencontres cela ne seroit pas raisonnable : Si par exemple on luy voit donné la plus belle terre, ou une portion d’une terre, et qu’en la retenant les lots ne pûssent être faits commodement, il ne seroit pas juste en ce cas de luy accorder ce droit de retention, et l’estimation qu’il en pourroit paver ne feroit pas cesser le prejudice et l’incomnodité que ce démembrement apporteroit à ses coheritiers : Il ne doit donc avoir la faculté de retenir et de moins prendre, que quand cela ne cause point de perte ny de dommage aux autres interessez, ou qu’il n’est question que d’une somme mobiliaire.

Si la chose que l’on doit rapporter se trouve alienée lors de la succession ouverte, comme le donataire pouvoit en disposer ses coheritiers ne peuvent point troubler les acquereurs ni le forcer à la racheter pour la remettre en la masse des biens hereditaires, il en doit être quitte en rapportant seulement la valeur du don, la collation se faisant seulement de ce qui se trouve en la main du donataire au moment du décez du donateur, l. Ea demum, C. de collat Mais en ce cas il faut rapporter la valeur de la chose donnée, pour cet effet l’on demande quel temps l’on doit considerer ; Quelques-uns sont de ce sentiment que si le prix en est declaré par l’acte de la donation le rapport se doit faire suivant cette estimation, pourvû qu’en la aisant on n’ait point eu dessein de favoriser le donataire ; mais il ne faut pas s’arrêter à l’estimation faite par le donateur, non seulement pour éviter aux avantages que l’on pourroit prati-guer par cette voye, mais principalement lors qu’il S’agit de division ou de partage on doit regler la valeur des choses selon le temps present, l. 62. 5. fin. v. fecundum presens pretium. D. Aad leg. Falcid.

Mais si le pere avoit mal colloqué la dot de sa fille et que le mary fût insolvable, pourroit-on l’obliger à davantage qu’à rapporter l’action qu’elle a contre son mary : J’ay remar-qué sur l’Article CCLx. que cette question ne peut arriver en Normandie que quand le pere a payé comptant la dot de sa fille, car en ce cas il n’est point garant envers sa fille ; mais s’il s’étoit constitué en rente comme il en seroit responsable la soeur en seroit quitte en cedant à ses freres l’action contre le mary, de sorte que la difficulté ne peut tomber que sur ce point, si lors que le pere n’est point gatant envers sa fille de sa dot qu’il a mal colloquée, elle est tenuë de rapporter la somme que son pere a payée pour sa dot, ou de céder simplement ses actions Cette question a été décidée par un Arrest que j’ay remarqué sur l’Article CCCLIX. par lequel une seur fut condamnée de rapporter non seulement ce qui avoit été constitué pour sa dot, mais aussi ce qui avoit été donné au mary pour son don mobil : Voyez Loüer, l. R. n. 54.

Dans les lieux où la communauté a lieu, si les filles ont été mariées par le pere ou la mere des deniers de la communauté, le rapport se doit faire à l’une et à l’autre succession par moitié, mais en Normandie où les conjoints par mariage ne sont point communs, le rapport de l’argent ou des meubles donnez par le pere et la mere ne se fait qu’à la succession du pere.

On avoit neanmoins introduit un usage contraire en la ville d’Alençon, les peres et meres en mariant leurs filles les reservent ordinairement à leur succession en rapportant ce qui leur a été donné à l’une et à l’autre succession, en execution dequoy ce rapport se faisoit par moitié aux deux successions : il fut question de sçavoir si cela se pouvoit faire E Abraham Gilot épousi en premieres nopces Magdeleine le Maître qui luy apporta quelques biens, il en eut fils et filles ; en mariant Magdeleine Gilot sa fille à Thomas Renvoisé, le pere et la mere autorisée de son mary promirent à leur fille par avancement de succession la somme de deux mille livres, et la reserverent à leur succession en rapportant cette somme. Gilot aprés la mort de sa premiere femme contracta un second mariage avec Anne Goüaud, dont il eut des enfans ; cette femme devenuë veuve et tutrice de ses enfans signa une quitance par laquelle elle tenoit quite Renvoisé du tiers de la somme de mille livres qu’il devoit rapporter à la succession de Gilot pere, les autres mille livres étant à rappotter à la succession de Magdeleine le Maître. et en effet Renvoisé en avoit tenu compte aux autres enfans de ladite le Maître ; mais ladite Goüaud s’étant mieux consultée elle obtint entant que besoin des Lettres de récision contre cette quirance, soûtenant que Renvoisé devoit rapporter les deux mille livres à la succession du pere seulement : Sur l’appel d’un incident, je disois pour elle que tout rapport et conference de biens se doit faire à la succession de celuy d’où sont provenus les biens qu’il faut rapporter : pour sçavoir où ce rapport devoit être fait il falloit connoître d’où procedoient les deux mille livres sujets à rapport, cela se connoissoit par la qualité du donateur et des choses données ; le pere étoit le donateur, ce qu’on avoit donné étoit un meuble qui apparte-noit au pere seul, et auquel la mere n’avoit aucune part n’y ayant point de communauté en Normandie ; car lors qu’il y a communauté les dons faits par les petes et meres à leurs enfans communs se rapportent également à la succession tant paternelle que maternelle, lors que les deniers ont été tirez de la bourse commune, car en France la constitution de dot est un office commun des pere et mere, et c’est pourquoy le rapport s’en fait aux deux hereditez : Il falloit encore considerer la qualité de la donation, c’étoit un avancement de succession ; or tout avancement n’étoit qu’une succession anticipée, un prest, une joüissance que le pere laissoit à sa fille, mais qui ne changeoit point la nature et la qualité de la chose donnée, et la personne avancée étoit obligée de la rapporter au même titre et en la même qualité qu’elle luy avoit été donnée : Or ce qui avoit été donné appartenant au pere le rapport en devoit être fait necessairement à sa succession, autrement on détruiroit trois Articles de la Coûtume dont le premier a banny la communauté d’entre le mary et la femme, et ce seroit l’introduire en autorisant que la femme eût part aux meubles que son mary avoit donnez, encore que par la Coûtume elle n’y ait aucun droit qu’aprés sa mort. Ce seroit aussi ruiner l’Art. CCCCX. qui défend aux Gens Mariez de se faire aucun avantage directement ou indirectement, car ce seroit proprement donner à la femme, ce rapport se faisant à sa succession ; enfin il seroit fort aisé d’avancer les enfans d’un second mariage, ce que le pere donneroit étant rapporté par moitié les enfans du second lit auroient cet avantage de prendre une moitié du chef de leur mere. Greard défendoit pour Renvoisé, disant qu’une mere pouvoit s’obliger pour le mariage. de sa fille, et que cette obligation étant bonne c’étoit une dette qu’elle avoit contractée, que suivant nos Maximes le mary qui acquite les dettes de sa femme n’est point reputé luy faire un avantage : Je repliquois que la mere pouvoit s’obliger à la contribution du mariage de sa fille, on ne pouvoit pas neanmoins conclure de-là que cette simple promesse étant demeurée sans effet la femme n’ayant rien payé, mais le mary seul, elle eût cette force et cette vertu de former et de luy acquerir un bien maternel pour faire corps en sa succession et passer à ses heritiers ; que cette promesse de la femme étoit conditionnelle, que n’ayant rien payé on ne pouvoit pas dire que le mary eût acquité sa dette ; quand le mary paye la dette que sa femme a contractée avant le mariage ce n’est pas une donation, car le mary joüissant du bien de sa femme suum negotium gerit non solius uxoris en déchargeant ce bien-là : mais quand il donne par avancement de succession une portion de son bien il demeure toûjours un bien pater-nel, et la femme n’y a point de droit et de part. Lors de la plaidoitie nous citions deux Arrests qui avoient jugé la question pour et contre ; celuy que Renvoisé alléguoit à son avan-tage avoit été donné en la même Grand. Chambre peu de temps auparavant, au Rapport de Mr Salet et contre son avis, le 27. de Février 1669. il n’y avoit que cette seule difference que la femme avoit survécu son mary, ce qui n’étoit point considérable : celuy dont je m’aidois avoit été donné en la Chambre des Enquêtes le 23. de Février 1666. mais les mêmes Juges qui avoient assisté à l’Arrest donné au Rapport de Mr Salet ayant examiné la question, la Cour mit l’appellation et ce, &c. et ayant égard aux Lettres de récision Renvoisé fut condamné de rapporter les deux mille livres à la succession du pere, par Arrest du 20. d’Aoust 1669.

Cet Arrest a été confirmé par un second donné aussi en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr Fermanel, le 20. de Juin 1670. entre Philippes du Val et consorts, et Thomas et René du Hamel, bien que du Val et ses consorts eussent consenti par leurs écrits devant les premiers Juges de rapporter à l’une et à l’autre succession.

Par ce même Arrest on decida cette autre question : Me Jean du Hamel avoit reservé ses filles à sa succession en les mariant, à l’exception de Françoise et Anne du Hamel, et pour les recompenser il donna à sa petite-fille Elisabeth Neveu, fille d’Anne du Hamel, la somme de trois mille livres : Thomas et René du Hamel partageans sa succession avec les filles reservées, elles soûtinrent que les filles mariées non reservées faisant part au profit des freres ils devoient rapporter non seulement ce que ces seurs non reservées avoient eu en mariage, mais qu’il falloir aussi comprendre en ce rapport les trois mille livres donnez à la petite-fille d’Anne du Hamel. On disoit qu’encore qu’autrefois on eût douté de la validité de ces donations, néanmoins que depuis on les avoit approuvées, pourvû que ce qu’on avoit donné à la mere et à sa fille n’excedat point sa legitime : D’où l’on inferoit que la mère et la fille n’étoient considerées que comme une feule personne, puis qu’on ne pouvoit donner à la petite-fille que jus-qu’à la concurrence de la legitime de la mere, et c’est pourquoy l’on ne considere pas ces donations comme des liberalitez, parce qu’elles ne pourroient subsister, mais on repute qu’el. les font une partie de la legitime ; que si la donation faite à la petite-fille ne subsiste que comme étant faite à la mere et à condition qu’elle n’excede point sa legitime, quand il s’agit de rapporter ce que la mère a cu on ne doit pas y comprendre seulement ce qui luy a été donné, mais aussi tout ce qui a été donné à ses enfans : Ces raisons auroient sans doute prevalu, mais la question fut décidée par une clause particulière ; il étoit porté par la donation qu’en cas ju’Elisabeth Neveu mourût sans enfans, l’ayeul vouloit que la donation retournât à luy et ses hoirs : par ce motif les Juges se porterent à décharger les freres du rapport, la donation n’étant point faite à la mere ny aux siens ; en ce cas la donation étoit directement contraire à l’Article CCCexXXI. mais on ne disputoit pas la validité de la donation, il s’agissoit seulement de sçavoir si les freres étoient obligez de la rapporter Par ce même Arrest il fut encore jugé que les rentes constituées dont les debiteurs avoient leurs biens dans la Province du Mayne seroient partagées suivant la Coûtume du domicile du pere qui étoit en Normandie, parce que la succession y étoit échûë suivant les Arrests que j’en ay remarquez ailleurs, et suivant cela les filles reservées avoient part égale, mais celles qui ne l’étoient point ne faisoient point de part au profit des fretes à l’effet de prendre du chef de leur seur une part égale aux rentes du Mayne ; et il fut aussi jugé que le pere ayant donné des rentes qui luy avoient été retrocedées par ses gendres pour de l’argent, les freres ne devoient rapporter que des rentes et non de l’argent, sur ce principe que toutes donations. faites par un pere à son fils sont reputées avancement d’hoitie, collata in liberos à patre donatio censetur pars quedam futurae successionis : On a jugé qu’une somme d’argent promise par un pere par avancement de succession étoit un propre et un immeuble. Un pere en mariant son fils luy promit mille livres par avancement de succession, et où il ne la payeroit pas lors de a celebration du mariage, il s’obligeoit d’en payer l’interest. Aprés la mort de ce fils une fille unique qu’il avoit laissée mourut aussi peu de jours aprés. Barbe de Ilsle, mére de cette filles demanda cette somme de mille livres comme étant un meuble, dont il luy appartenoit la moitié comme heritière de son mary, suivant l’usage local de la Vicomté d’Evreux, et l’autre moitié comme héritière de sa fille : Le pere répondoit que cette somme de mille livres ne pouvoit être censée meuble, ce qu’un pere donne à son fils est un avancement d’hoirie, et tout ce qu’elle y pouvoit pretendre étoit le tiers en doüaire, ce qui ayant été jugé de la sorte devant le premier Juge : Sur l’appel on mit les parties hors de Cour, en la Grand. Chambre de 5. de Juillet 1646. plaidans le Févre, et Lesdos.

Enfin l’on peut douter si la prohibition portée par cet Article d’avantager un de ses enfans plus que l’autre est au profit des créanciers, ou si elle n’a lieu qu’entre coheritiers : On sieut dire que quand la Coûtume défend de donner à un enfant plaes qu’à l’autre, cette pronibition ne concerne que les cohcritiers aequalitatis causa, et non point les créanciers. il en faut user comme dans le cas d’une renonciation, où l’on est obligé de rapporter tout ce que l’on a reçû de ses pere et mère, mais ce rapport n’est introduit qu’en faveur des heritiers pour conserver l’égalité entr’eux, et il ne se fait jamais en faveur des créanciers les heritiers blessez par les avantages faits à un coheritier : On répond pour les créanciers qu’ils peuvent exercer toutes actions de leurs debiteurs, ce qui est si vray que si le de-piteur renonce ou ne veut pas accepter une succession qui luy est échûë, les créanciers se peuvent faire subroger en son lieu, Article CCLXXVIII. la raison est que la bonne foy du commerce ne permet pas que des debiteurs puissent impunément tromper leurs créanciers qui ont contracté avec eux sur l’esperance des biens qu’ils devoient posseder un jour ; de sorte que quand les debiteurs refusent de se servir du pouvoir que la Coûtume leur donne pour reparer le tort qui leur a été fait il doit être permis à leurs creanciers de le faire en leur place ; que s’ils ont droit de se faire subroger pour prendre une succession que leur debiteur refuse d’accepter, ils sont beaucoup plus recevables à demander la revocation d’un acte fait contre la disposition de la Coûtume.

Les dernieres paroles de cet Article, réservé le tiers en Caux, ont fait naître cette difficulté, si le puisné donataire en la Coûtume de Caux pouvoit être poursuivi personnellement pour les dettes du pere : Un particulier du païs de Caux donna à son puisné quelques héritages pour la part qui luy pouvoit appartenir en sa succession : ce puisné étant executé en ses biens pour une dette de son pere par la Demoiselle de Roesse il y forma opposition, dont ayant appellé devant le Bailly il fut dit à tort l’execution : Sur l’appel Carué pour la Demoiselle de Roesse disoit que toutes les donations faites par les peres à leurs enfans étoient reputées avanrement d’hoiries, d’où il s’ensuivoit que ce puisné donataire ne possedoit que pro herede, ce qui l’obligeoit personnellement comme heritier de son pere s’il ne vouloit renoncer à la donation, qu’il ne pouvoit se prevaloir des paroles de cet Article, que toutes donations d’un pere à ses enfans sont reputées avancement d’hoiries, réservé le tiers en Caux : Ces dernieres paroles, reservé le tiers en Caux, ne veulent pas dire que les donations faites par les peres en la Coû-tume de Caux ne doivent point être reputées avancement d’hoities : leur véritable sens est que quoy que les peres ne puissent faire avantage à un de leurs enfans plus qu’aux autres, neanmoins dans la Coûtume de Caux il peut avancer un de ses puisnez du tiers de son bien au prejudice des autres : Lyout répondoit pour l’Intimé qu’il possedoit ces héritages pro donato, non pro herede, que cet Article décidoit expressément que cette donation d’héritage en Gaux à un puisné n’étoit point reputée avancement d’hoitie, mais une simple donation à cause de laquelle il n’étoit obligé aux dettes de son pere qu’hypothecairement : Par Arrest en la Gtand-Chambre du 2. de Decembre 1650. la Cour en emendant la Sentence du Bailly ordonna que celle du Vicomte sortiroit son effet.