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DU DOUAIRE.

ES dispositions contenuës en ce Tître sont d’un grand usage dans la societé civile, c’est pourquoy la connoissance en est fort necessaire ; les matieres qui y sont traitées ont beaucoup d’étenduë que le Tître ne promet d’abord ; il n’y est pas seulement parlé du doüaire des femmes, mais aussi de tous les effets civils que le mariage produit : cette conjonction qui unit des personnes qui n’avoient auparavant aucune liaison entr’elles, ne se peut faire que sous beaucoup de conditions reciporuqes, on y ménage les interests et les avantages de ceux qui contractent, et l’on tâche en même temps d’assurer la fortune et la con-dition de la posterité que l’on espere en devoir naître.

Mais la Loy qui n’ignore pas les déreglemens qu’un amour aveugle peut produire, et qui connoît aussi la foiblesse des femmes, ne leur permet pas de contracter à leur volonté ; elle impose aux hommes et aux femmes des conditions qu’ils sont obligez de garder, et quelque grande que soit leur affection, leurs donations ne peuvent exceder les bornes qui leur sont prescrites.

C’est un usage presque universel de donner quelque recompense à la femme, non pas seulement comme un prix de la virginité, propter delibatum pudicitiaee florem ; car les veuves qui se remarient en seroient privées, mais à cause de la dot qu’elle apporte au mary, et qu’elle luy donne en quelques lieux toute entiere ; c’est pourquoy chez les Hebreux la veuve étoit entretenuë sur les biens du mary, et même s’ils ne suffisoient pas pour elle et pour les enfans, elle étoit preferée,Seld . de Success. ad leg. Hebr.

Cette recompense a été reglée fort diversement, soit à l’égard de la qualité ou de la quantité. Les Empereurs permirent la donation à cause de nopces, dos data remunerationem propter nuptias meretur, dit la l. dos data C. de don. prop. vel ante nupt. Cette donation étoit une remuneration de la part du mary envers sa femme, ut soluto matrimonio melius prospiciatur mulieri : Auth. de don. prop. nupt. et dautant qu’elle tenoit lieu de compensation de la dot, elle étoit appellée des Grecs MOTGREC, quasi antidos ; et dans le Droit Cano-nique, elle est appellée dotalitium, C. plerumque de don. inter vir. & uxor. aux Decret.

Ces donations, à cause de nopces, étoient inconnuës aux anciens Jurisconsultes : Elles ne furent approuvées que par les Empereurs ; et quelques Interpretes l’ont estimée si favorable, qu’ils ont crû qu’elle pouvoit être demandée sans stipulation, solâ conditione legis, Accurse bien qu’Accurse soit d’un sentiment contraire, ce qui est conforme à nôtre Coûtume.

Les Empereurs permirent donc au mary la donation à cause de nopces, pourvû qu’elle fust égale à la portion que la femme luy avoit donnée, l. cum mulaeae C. Cod. Cette égalité étoit necessaire au commencement, mais cela fut depuis changé, par les Grecs en leurs MOTGREC, id est, id quo mortuo morito superstiti uxori redditur supra dotem, et cet MOTGREC étoit au commencement la moitié ; depuis il fut reduit au quart ; et enfin il fut arrêté que quand il n’y auroit point de stipulation expresse, il ne seroit que du quart :Harmen . l. 4. c. 10.

Dans les Provinces de France qui gardent le Droit Romain, il ne se pratique pas comme Justinien il a été ordonné par Justinien : Dans les COntrats de mariage on y employe ordinairement une convention reciproque pour le gain de survie, c’est à dire que le mary au cas qu’il predécede, donne à sa femme une somme qui luy doit être restituée outre et par dessus sa dot, c’est ce qu’on appelle augment de dot. Colombel en les Inst. part. 3. t. 30. MrMainard , l. 4. c. 56. a écrit qu’à Tolose l’augment de dot est de la moitié, et neanmoins que la proprieté n’en est acquise à la femme que quand elle survit à son mary ; Cambolas l. 5. c. 1. Gregor, Tolos Tolos. in suntag. l. 8. c. 7.

Mais quittons les Grecs et les Romains pour découvrir ce qui se pratiquoit autrefois dans les Gaules et parmy nos voisins ; car il seroit mal aisé de trouver une entiere conformité de nôtre doüaire avec la donation à cause de nopces des ROmains, et l’hypobolon des Grecs ; le nom et la chose ont toûjours été particuliers aux François, comme dit Pontanus en sa Preface sur le Tître du Doüaire de la Coûtume de Blois. On peut dire cependant que quoy qu’il ne se trouve pas une relation parfaite entre nôtre doüaire et la donation, propter nuptias, et l’augment de dot, ils ne laissent pas d’avoir un même principe, et de se ressembler en beaucoup de choses. Pontanus a crû que le Doüaire Coûtumier étoit une imitation de ce que Justinien avoit établi par ses Authentiques. Il donnoit à la femme qui n’avoit point de dot, ou qui n’en avoit qu’une mediocre, la troisiéme ou quatriéme partie des biens du mary, lorsqu’il n’avoit que trois enfans, que s’il y en avoit davantage, la femme avoit autant qu’un enfant ; Auth. aeraeterea Cod. unde vir. & uxor. et Auth. de exhib. reis §. 9. quoniam vero Coll. 6. Pontanus sur l’Article 177. de la Coûtume de Blois. C’est aussi l’opinion de Mr d’Argentré , dans sa Preface sur le Tître de mariage in fine.

Cette coûtume de doter les femmes étoit fort ancienne dans les Gaules et dans l’Allemagne ; Viri quantas pecunias ab uxoribus acceperunt, tantas ex suis bonis aestimatione factâ cum dotibus communicant, hujus omnis peaeuniae conjunctim ratio habetur, fructus servantur, uter eorum vita superavarit, ad eum pars utriusque cum fructibus superiorum temporum pervenit. Tacite rapporte à peu prés la même chose des Allemans, de moribus German. dotem non uxor marito, sed maritus uxori adfert. Nous apprenons par ce passage que le terme de Dot signifioit ce que depuis l’on a nommé Doüaire. Dans les Loix des Bourguignons t. 42. et t. 62. mulier si ad alius nuptias transierit, perdet omnia, praeter dotem tamen quam à marito suo acceperat quamdiu vixerit filio proprietate servatâ, ce qui signifie manifestement le Doüaire. Mr Bignon confirme cette verité par plusieurs exemples, in notis adMarculph . l. 1. c. 15. Et par l’Ordonnance qui fut faite par Jean Roy d’Angleterre, dont je parleray incontinent, on se sert de ce terme de Dot pour exprimer le Doüaire : assignatur viduae pro dote suâ tertia para totius terrae mariti sui, nisi de minori dotata sit, ce qui fait voir qu’en ce temps-là le doüaire coûtumier et le doüaire prefix étoient en usage.

Depuis cette espece de constitution de dot fut appellée doarium, et dotalitium. Saumaize dit que les François apprirent cette Coûtume dans leurs voyages d’Outremer, parce qu’en ce temps l’MOTGREC des Grecs étoit de la troisième partie des biens du mary, de modo usur. l. 4. Cet Auteur rapporte en ce même endroit un certain Formulaire Grec, dont les Notaires se servoient dans les Contrats de mariage, qui a quelque rapport avec les nôtres : XXXXX

XXXXXXXXXXX : Si le mary decede avant sa femme

et sans avoir fait testament, la femme remportera pour son doüaire le tiers du bien qu’elle avoit donné à son mary.

Mais l’usage du doüaire est beaucoupo plus ancien parmy nous, et même parmy nos voisins, que le voyage d’Outremer, il étoit même limité presque par tout comme parmy nous à la tierce partie. Rheinardus en son Traité de differentiâ juris civilis et Savon. l. 1. c. 33. dit que jure Saxonica uxoribus ex bonis defuncti mariti tertia pars omnium bonorum debetur. Baro dans son Epître dedicatoire, de jure beneficiorum, quod à jure Longobardico manat, quod vidua marito mortuo tertiam fructuam vel aliam partem quoad dum vivit apud Gallos lucratur.

Marculphe nous a conservé la formule de ces donations, le mary pouvoit donner l’usufruit de tous ses biens, tant propres que conquests, tam de alode quàm de comparato. Mar-culph. l. 2. c. 7. Il est vray que Philippe de Beaumanoir a écrit qu’en l’année 1214. Philippe Auguste regla le doüaire à la moitié des biens du mary, et il ajoûte qu’auparavant cet établissement du bon Roy Philippes, nul femme n’avoit doüaire, fors cil qui luy fut con-venu au mariage. C’est sur cette Ordonnance que la Coûtume de Paris est fondée, qui regle le doüaire coûtumier à la moitié des biens.

Mais en Normandie l’on peut dire que le doüaire a toûjours eu lieu, et qu’il consistoit comme il fait encore à present, au tiers des biens dont le mary étoit saisi lors de son mariage. Voicy les termes de nôtre ancienne Coûtume, comme ils sont rapportés parLith -leton l. 1. c. 5. de douverer : Tenant en douver, est lou homme est seisi de certeins terres et tenemens, et pren femme et de vie ; la femme aprés le decés de son Baron sera endouvée de la tierce partie de tiels terres et tenemens qui furent à son Baron en ascuns tems durant la couverture à tenir par la femme, par terme de sa vie.

Les Ecossois l’appellent aussi Doüaire, et est tertia pars totius tenementi viri sui, quod habuit Skenaeus tempore dispensationis. Skeneus l. 2. c. 20. de leg. Scot. Par une Ordonnance de l’an 1215. de Jean Roy d’Angleterre, le doüaire fut limité au tiers des biens du mary. Nous observons encore cette Loy : et dans les Provinces voisines, comme la Bretagne, l’Anjou et le Maine, la femme n’a que le tiers en doüaire.


CCCLXVII.

Doüaire quand se gagne, et en quoy consiste.

La femme gagne son doüaire au coucher : et consiste le doüaire en l’usufruit du tiers des choses immeubles dont le mary est saisi lors de leurs épousailles, et de ce qui luy est depuis échû constant le mariage en ligne directe, encore que lesdits biens fussent échûs à ses pere et mere ou autre ascendant par succession collaterale, donation, acquests ou autrement.

Cet Article continent trois notables decisions : Par la premiere, la Coûtume dispose quand et comment la femme gagne son doüaire. On apprend par la deuxiéme, en quoy il consiste. Et par la troisiéme, sur quels biens elle peut le demander.

Ces paroles, la femme gagne son doüaire au coucher, signifient simplement que la femme ne gagne entierement son doüaire, et ne luy est pleinement acquis qu’aprés avoir entré dans le lit nuptial. La benediction nuptiale, son entrée et sa reception dans la maison de son mary, n’achevent point la perfection de l’acte ; il faut qu’elle couche avec son mary pour acquerir son doüaire : c’est ce qui donne la derniere perfection à ce droit.

Plusieurs Coûtumes sont conformes à la nôtre. Chartres Art. 52. Clermont en Beauvoisis Art. 259. Et c’étopit l’ancien usage de la France, suivant ce proverbe rapporté par Loiset en ses Inst. Coût. l. 5. 1. 3. art. 51. Au coucher la femme gagne son doüaire.

Ce seroit icy le lieu de traiter ces celebres questions, si le doüaire doit commencer du jour du Contrat de mariage, ou de la celebration d’iceluy, quelle est son hypotheque, et s’il doit être preferé à la dot ; mais je reserve ces matieres sur l’Art. CCCCCLXXXXIII.

Quand la Coûtume déclare que la femme gagne son doüaire au coucher, elle n’accorde ce benefice qu’à la femme legitime, et dont le mariage a été valablement contracté : Mais on peut douter si toutes les femmes legitimes peuvent avoir doüaire coûtumier sur les biens de leurs maris, comme les femmes des Aubeins, des Bâtards, de ceux qui meurent sans heritiers, et de ceux dont les biens ont été confisquez.

Pour les maris dont les biens ont été confisquez, puisque la Coûtume en l’Art. CCCXXXIII. ne prive pas leurs femmes de prendre part à leurs meubles et acquests, il est sans doute qu’elles ne peuvent être privées de leur doüaire par la faute du mary ; et il ne peut y avoir de difficulté pour les veuves de ceux qui meurent sans hetritiers, ny pour les bâtards, car puisqu’il est permis à ces sortes de personnes de contracter mariage, il s’ensuit que leurs femmes legitimes peuvent joüir de toutes les prerogatives et droits que la Coûtume donne aux autres femmes.

Par l’Article 312. de la Coûtume d’Orleans, les veuves des Bâtards et des Aubeins, et de ceux qui n’ont point d’heritiers, ne perdent pas leurs doüaires et communautez de biens, et autres conventions de mariage.

Cela neanmoins reçoit de la difficulté à l’égard des Aubeins. Pour l’éclaircir, ces distinctions sont necessaires.

Lorsque les Etrangers se ssont mariez avant leur établissement en France, et que les pactions ont été faites selon les loix de leur païs, où il n’est point parlé du droit de doüaire ou de communauté. Ils ne participent point à nôtre Droit Coûtumier quelque longue que soit leur demeure et leur habitation, parce qu’il n’y a point raison de dire qu’il faille suppléer à des COntrats de cette qualité, et de les interpreter par la Coûtume du lieu de leur domicile, à laquelle les contractans ne penserent jamais, parce que l’on n’admet point d’interpretation n’y d’extension pour les Contrats. Il faut s’attacher ponctuellement aux termes convenus par les parties ; sur tout étant manifeste que les contractans n’ont point eu d’égard à nos droits coûtumiers, et que c’étoit au contraire une chose fort éloignée de leurs moeurs et de leurs intentions, aussi bien que des loix du païs de leur origine.

Et bien que ces Etrangezs aprés leur mariage ayent obtenu des Lettres de naturalité, elles n’ont pas un effet retroactif, pour rendre les impetrans capables des effets civils qui appartiennent aux personnes mariées suivant les Coûtumes de France : car le benefice de naturalité rend bien les Etrangers capables de tous les droits de Cité et de Bourgeoisie, et de ce qui dépend de la maniere de l’executer ; mais pour les affaires passées, et les droits qui naissent d’un Contrat et de la convention des parties ; il n’y a pas d’apprence, non plus que si quelqu’un avoit contracté mariage au païs de droit écrit, où il n’y a point de communauté, et venoit par aprés demeurer en un païs où la communauté auroit lieu, le nou-veau domicile ne changeroit rien à son Contrat.

Mais si les Etrangers suivant les loix de leur païs avoient stipulé des droits de doüaire et de communauté, les conventions matrimoniales devroient être gardées, parce que les Contrats de mariage sont du droit des gens, qui doit avoir lieu par tout, puis que le mariage dont le Contrat n’est qu’un accessoire a son institution de ce droit des gens commun à tous les hommes ; et par cette raison les veuves des Aubeins doivent joüir de l’effet de leurs conventions matrimoniales, au préjudice du fisc, soit que le Contrat de mariage ait été fait en France, soit au païs des conjoints, pourvû que la veuve se soit retirée en France devant ou aprés la mort de son mary, et qu’elle y reside ; et telle est, dit de la Lande sur l’Art. 312. de la Coûtume d’Orleans, la pratique de la CHambre du Tresor. Ces conventions neanmoins pour le doüaire et la communauté ne seroient executées que suivant la Coûtume de Normandie, si le mariage y étoit dissous.

Que si les Etrangers se marient en France sans Contrat, seront-ils capables des droits de Doüaire, de communauté, et de tous les autres droits qui naissent des Contrats ? Par les Maximes du Droit François l’Etranger est capable de tous Contrats, pour s’obliger et pour obliger un autre, et neanmoins il n’est pas capable d’aucune succession, ny par Testament, ny ab intestat ; soit pour y succeder, soit pour faire qu’on luy succede : Tellement que si un Etranger qui a pû contracter mariage, et faire telles pactions qu’il luy a plû, n’en a point fait, et s’est marié sans Contrat ; il est vray de dire qu’en ce cas, la Coûtume luy fait un Contrat, et qu’elle le supplée, parce qu’il ne s’agit pas d’un Testament ou d’une succession, mais d’un Contrat, duquel étant capable, il semble avoir tacitement consenty à toutes les suites et effets en se mariant, et demeurant en un lieu où il y a Coûtume expresse pour cela.

Cela est si raisonnable, qu’autrement ce seroit interdire l’usage du mariage, ôtant les moyens donner et de recevoir les choses qui font subsister les personnes en cet état.

Que si l’Etranger naturalisé va prendre femme en son païs, et dans l’an la ramener en France, au lieu de son domicile, quoy qu’en plusieurs lieux on regarde precisément le lieu où le mariage se contracte et se celebre ; neanmoins suivant l’opinion la plus commune des Docteurs, sur la Loy exigere D. de Judic. les conventions matrimoniales se doivent plûtost regler selon la Loy du domicile du mary, qu’il a eu auparavant et depuis le mariage ; et en consequence la femme acquiert tous les droits qui appartiennent à gens mariés, selon la Coûtume du lieu, parce que ce mariage a cet effet et cette vertu de communiquer à la femme toutes les prerogatives de son mary, et de la faire participer aux avantages de la Fresne Coûtume. Sur cette matiere on peut voir les Arrests rapportez par du Fresne, l. 2. c. 83. col. 3. et c. 26. de l’impression de l’an 1662.

Les Contrats de mariage contiennent presque toûjours ces deux obligations reciproques : l’une du Doüaire de la part du mary, l’autre de la Dot de la part de la femme : cela a fait naître quelquefois cette difficulté, si lorsque le mary n’a pû être payé de la dot, il est recevable à contredire le doüaire, en cas que sa femme se fist separer, ou si ses heritiers seroient reçûs à opposer cette exception. Par l’Article 190. de la Coûtume de Blois, le doüaire est dû, quoy que la femme n’ait rien apporté avec son mary : Et du Moulin en ses Apostilles sur cet Article, y apporter cette restriction, nisi dotem promiserit, & fefellerit ; à moins qu’elle n’ait promis dot, et n’ait trompé ; et pour soûtenir son avis il cite l’Auth. sed quae nihil. Cod. de pactis conv. Et plusieurs Auteurs tiennent, que si le pere de la fille ne paye point au mary la dot qu’il luy a promise, il ne sera point tenu de la nourrir, quia deceptis, non decipientibus jura subveniunt. Et c’est aussi le sentiment de GuyPapé , Dec. 274. quod si dos non fuerit soluta, mulier non debet habere augmentum dotis. Decius Cons. 644. n. 10 Et Mr Cambolas rapporté un Arrest du Parlement de Tolose, par lequel on ajugé que l’agument de dot n’étoit dû à la femme qu’à proportion de la dot qui avoit été payée, l. 3. c. 2. suivant la Nov. 2. C. ult. bien que fides habita esset de dote. Voyez Chopin sur la Coûtume de Paris, l. 2. t. 2. n. 4.

Mais cette opinion ne seroit pas suivie en cette Province, l’Authent. sed quae nihil, et la Nov. 91. ne parlant que de la donation à cause de nopces et de l’augment de dot, l’on ne peut en faire d’application à nôtre doüaire, parce que ces donations n’étoient approuvées qu’à cette condition, que la dot fut effectivement payée, et qu’elle fust d’une valeur égale à la donation à cause de nopces : aequalitas omnino servanda est in dote et in donatione ante nuptias, non tantùm in lutris exinde proventuris, sed etiam aen praestatione, & utriusque constitutione : Or le doüaire n’est pas acquis à la femme par la consideration de la dot qu’elle apporte à son mary, et il ne luy appartiendroit pas moins encore qu’elle ne fust point dotée ; car pour les filles, c’est propremaent praemium delibata pudicitiae, et il ne seroit pas raisonnable de leur faire porter l’impuissance ou la tromperie de leurs parens : la raison de du Moulin pourroit valoir contre la femme libre, laquelle auroit promis ce qu’elle ne pouvoit donner, et que son mary n’auroit pû recevoir nonobstant toutes ses diligences ; il semble que sa tromperie la rendroit indique du doüaire ; mais puisque la dot n’est point la cause impulsive et finale du doüaire, le defaut de payement n’emporte point la privation du doüaire ; si neanmoins par une paction expresse le mary n’avoit gagé doüaire à la femme, qu’à cette condition qu’il seroit payé de la dot qui luy a été promise, cette convention comme civile devroit être gardée.

La seconde partie de cet Article contient, que le Doüaire consiste en l’usufruit du tiers des choses immeubles.

Les Coûtumes de France reglent diversement la quantité du doüaire ; celle de Paris le limite à la moitié, Article 248. celle de Bourgongne, Tit. des Droits app. à gens mariez, 86. contient une pareille disposition. Par l’Article 455. de la nouvelle Coûtume de Bretagne, le doüaire est limité au tiers, en quoy elle est conforme à la nôtre ; mais elle differe en ce point, que ce tiers ne se regle point selon les biens dont le mary étoit saisi lorsqu’il épousa sa femme, mais au tiers de ce dont il a pû avoir saisine ou droiture durant le mariage ; et par nôtre Coûtume elle n’a doüaire que sur les biens dont il étoit saisi lors des épousailles, ou qui luy sont échûs en ligne directe.

Tous les Legislateurs doivent prendre garde de ne se ervir par dans leurs loix de termes ambigus. Quelques Coûtumes en reglant le doüaire des femmes, ayant usé du terme d’heritage au lieu de celuy d’immeubles, ont fait tomber plusieurs praticiens dans cette erreur, que les rentes constituées ne sont point sujettes au doüaire de la femme, et que ce mot heritage devoit se prendre en sa naturelle signification. Nôtre Coûtume a sagement prévû cette difficulté en se servant du mot d’immeubles, sous lequel nous comprenons non seulement les rentes constituées, mais aussi les Offices comme on le verra dans la suite.

Ce n’est pas une chose douteuse que quand le mariage est Contracté en Normandie entre personnes qui y sont domiciliées, le doüaire ne peut consister qu’au tiers des biens du mary ; mais si un Normand épouse uyne femme qui ait son domicile sous une Coûtume, où le doüaire Coûtumier soit de la moitié des biens du mary, ou qu’elle stipule un doüaire prefix à la moitié ; cette stipulation ne sera pas valable pour les biens en Normandie. C’est une question celebre si les conventions matrimoniales doivent être reglées par la Coûtume du lieu où le COntrat de mariage a été passé, ou par la Loy du domicile du mary ? Mais comme je parleray ailleurs de cette matiere, je me contenteray de dire qu’à l’égard du doüaire, il doit toûjours être reglé par la Coûtume du lieu, où les biens sujets au doüaire sont situés, parce que c’est un droit réel et foncier, et que les Coûtumes étant réelles, les particuliers n’y peuvent déroger par leurs parctions ; cela même a été jugé au Parlement de Paris, comme je le remarqueray sur l’Article CCCLXXXIX.

Quoy que suivant cet Article le doüaire de la femme consiste au tiers de l’usufruit des biens du mary ; il n’est pas toûjours necessaire qu’elle ait le tiers du revenu ; il suffit qu’elle joüisse du tiers des heritages suivant leur valeur : de sorte qu’il peut arriver que son lot à doüaire produira moins que le tiers du revenu, parce qu’il ne sera pas si bien bâty ou planté, mais la joüissance pleine et entiere des choses contenuës en son lot luy appartient, tant des droits utiles que profitables, comme de la presentation aux Offices et Benefices, et autres droits honorifiques.

Et pour entrer en la joüissance de ce tiers, elle est tenuë de faire les lots à ses frais ; c’est l’usage certain de cette Province, quoy que du Moulin estime que cela n’ait lieu que quand la femme agit pour la delivrance de son doüaire contre l’heritier qui la laissoit joüir par indivis, en sa Note en l’Art. 124. de la Coûtume d’Artois : Mais cet usage est si certain, que quand même il y a divers heritiers, les uns aux biens paternels, les autres aux maternels ; la veuve est obligée de faire des lots distincts et separez, comme il fut jugé en l’Au-dience de la Grand-Chambre le 27. de May l’an 1637. plaidans Eustache et Lyout.

Or comme il ne doit rester entre les biens d’un homme que ce qui luy reste aprés ses dettes acquittées, la femme ne peut joüir de ce tiers qu’aux charges de droit, en payant pour sa contribution le tiers des charges et des dettes.

Les charges sont ordinaires ou extraordinaires, et j’appelle charges ordinaires les rentes foncieres, droits et redevances, qui sont, onera rei, et qui se doivent payer par ceux qui joüissent du fonds ; si bien que la femme sera tenuë d’acquitter toutes sortes de charges qui seront duës à cause du fonds, et qui écherront durant la joüissance : Usufructus legato fructuarius alia onera agnoscit ut puta stipendium, tributum vel salarium, ou solarium comme en la l. 15. ff. qui potiores in pign. Il est juste que la doüairiere acquitte les charges réelles, ordinaires et certaines, parce qu’en cette consideration on luy baille un doüaire plus fort à cause que ces charges ordinaires et certaines diminuent les fruits,Molin . de feudis 833. gl. 1. num. 157.

Par ces même raison la veuve doit entretenir les chemins et le pavé des ruës dans les Villes, et autres charges semblables, si quid cloacarij nomine debeatur, vel si quid ad formam aqua daectus quae per agrum transit, pendatur, ad onus fructurarij pertinebit, sed et si quid ad collationem via puto hoc quoque fructuarium subiturum : car parmy les Romains tous les heritages étoient obligés à ces sujettions, solemnia erant hac patrimoniporum anera, dit Me Denis Godefroy sur cette Loy. Pontanus sur l’Art. 189. de la Coûtume de Blois, est aussi d’avis que la veuve est tenuë à toutes ces charges ; elle ne doit neanmoins à cause de son doüaire aucun relief au Seigneur feodal, ny aveu, ny foy, ny hommage.

Pour les arrerages échus avant la joüissance, ils sont du nombre des dettes mobiliaires, dont il sera parlé dans la suite ; et ils doivent être acquittés par l’heritier, l. 39. apud Julianum 9. haeres ff. de leg. 1. Et si la doüairiere est forcée de les avancer comme possedant le fonds obligé, elle en a recompense sur le proprietaire, leg. cùm poss. §. ult. de censib.

Les charges extraordinaires sont ces impositions, et ces taxes qui sont demandées par le Prince, que si elles ont precedé la joüissance du doüaire, elles seront acquittées de la même sorte que les dettes mobiliaires, et pour les autres qui surviennent durant la joüissance, je toucheray la question sur l’Article CCCLXXV.

Quant aux dettes elles sont mobiliaires ou immobiliaires : Pour les dettes mobiliaires anterieures du mariage, la femme n’y contribuë point à cause de son doüaire, et elle n’y est point obligée, en cas qu’elle renonce à la succession de son mary. Il est bien vray que les creanciers peuvent arrêter les fruits de son doüaire, parce qu’il est affecté à leurs creances, mais les heritiers sont obligés de l’en décharger, et de les acquitter sur les deux autres tiers qui leur restent : il fut ainsi jugé le 9. de Novembre 1660. en la Chambre des Vacations, entre Robert de Brevedent, sieur d’Oissel, ayant épousé Demoiselle de Biville, auparavant veuve de Jaques Parent, sieur de Boscauliévre, appellant de Sentence renduë aux Requêtes du Palais, anticipé et demander suivant le Mandement de la Cour du 9. de Juillet : et Me Jaques Hatel, ayant épousé Madelaine Vereul, Tutrice de Marguerite Jens sa fille ; la Chambre mit l’Appellation et ce dont, et en reformant déchargea ledit Brevedent de la contribution et payement des dettes mobiliaires, duës avant le mariage de la-dite de Viville avec ledit Parent, sauf en cas que lesdits deux tiers ne fussent suffisans à y faire contribuer ledit Brevedent pour le surplus, et non seulement la doüairiere ne contribuë point aux dettes mobiliaires qui ont été creées avant son mariage ; elle est même exempte des arrerages des rentes qui sont échus constant son mariage, bien que l’obligation et l’hypotheque en soient anterieures : La raison est qu’il seroit au pouvoir d’un mary Chopin mauvais ménager de priver sa femme de son doüaire, en ne payant aucuns arrerages ou cachant ses dettes, Alioquin, dit Chopiae, aeris alieni reticaentia futurae uxori insidiaretur, l. 3. t. 1. c. 3. de la Proprieté des biens d’Anjou. Cette question fut décidée par Arrest rendu au Rapport de Me Sallet le 10. de Janvier 1662. en la Grand-Chambre, entre Rasse et Glatigny, conformément à un Arrest précedent du 18. de Juillet 1630. Il est vray que si les deux tiers ne suffisoient pas pour le payement des arrerages, elle seroit tenuë de les acquitter ou de renoncer à son doüaire, car les creanciers ne peuvent rien perdre.

Elle n’est donc tenuë de contribuer qu’aux dettes immobiliaires et hypothecaires anteretieures du mariage, et controllées suivant un Arrest donné au Rapport de Mr Ferrare en la Chambre de l’Edit ; au mois de Juillet 1657. conformément à un Arrest precedent donné en la Chambre des Enquêtes. Il sembloit que ce defaut de Controlle ne devoit point priver les creanciers de leur hypotheque ; le Controlle n’étant necessaire qu’entre ceux dont les Contrats sont sujets à cette formalité : Or comme les Contrats de mariage en sont exempts, et que pour acquerir l’hypotheque ils n’ont besoin d’autre solemnité que d’être passés ou reconnus devant Notaires ; un creancier dont le Contrat est parfait en cette sorte, ne devoit pas avoir moins de force, la formalité ne luy étant necessaire que contre ceux dont les Contrats doivent être Controllés : et les creanciers étoient d’autant plus favorables qu’il ne s’agissoit pas d’hypotheque, mais de regler la contribution aux dettes entre une veuve et des heritiers ; et comme ces heritiers ne pouvoient pas être déchargés de la rente par le defaut de Controlle ; la veuve ne pouvoit non plus objkecter ce defaut, puisque la charge retomboit sur les heritiers ; et que par consequent à leur égard elle avoit plus que le tiers. Il fut jugé neanmoins que le Contrat de la femme étant solemnel et parfait, autant qu’il devoit l’être ; et au contraire celuy du creancier manquant en la forme par le defaut du Controlle, il ne pouvoit prévaloir sur celuy de la femme. C’est pour cette même raison qu’un Contrat passé dans le ressort du Parlement de Paris où le Controlle n’est point necessaire seroit préferable en hypotheque à un Contrat passé en cette Province qui ne seroit point Controllé, parce que le premier seroit solemnel et parfait selon les loix du lieu où il auroit été passé, Article 135. du Reglement de l’an 1666.

La femme n’auroit pas le même avantage contre celuy qui auroit acquis du mary avant son mariage, quoy que son Contrat ne fût pas Controllé, parce qu’elle n’a doüaire que sur les biens dont elle a trouvé son mary saisi : et il n’est pas de l’acquereur comme du creancier : l’acquereur ne demande rien, mais le creancier pour être payé, est forcé d’agir sur les biens du mary, et pour avoir la preference il a besoin que son Contrat soit Controllé ; ce qui se pratique aussi contre les creanciers qui ne peuvent troubler celuy qui a acquis avant qu’ils fussent creanciers, quoy que leurs Contrats soient Controllés et que celuy de l’acquereur ne le soit pas.

On fait aussi cette question, si l’on peut obliger la doüairiere de consigner le principal des rentes où elle contribuë ? On répond que les heritiers ny les creanciers ne l’y peuvent forcer, lors que les biens du mary ne sont point saisis réellement : mais quand il y a saisie, en ce cas comme toutes les dettes sont liquides, et que les deniers doivent être distribuez aux creanciers, il ne seroit pas raisonnable d’imposer cette necessité aux creanciers d’entreprendre un second decret pour être payés du tiers de la veuve : Cela fut jugé en la Cham-bre des Enquêtes le 13. de Decembre 1651. au Rapport de Mr du Val, entre le sieur de Poitrincour et la Dame de Poix.

Tout ce que j’ay dit de la contribution aux dettes de la part de la doüairiere n’est point problematique en Normandie, mais cela n’a pas laissé de partager les opinions dans les Coûtumes mêmes, qui sont entierement conformes à la nôtre.

Par l’Art. 319. de la Coûtume d’Anjou, la femme qui survit son mary a droit d’avoir pour doüaire et par usufruit sa vie durant la tierce partie des heritages et choses immeubles, dont son mary étoit Seigneur au temps de son mariage et durant iceluy. Chopin l. 3. t. 1. de mulier. dotal. n. 25. a tenu que, Annuo quidem vectigali fructuaria cogitur satisfacere seu praediario jure, seu nummis comparato ante initas nuptias, et pour les dettes mobiliaires, qu’elle est exempte d’y contribuer.

Au contraire, Dupineau dernier Commentateur de la Coûtume d’Anjou sur l’Art. 299. a combaty l’opinion de Chopin ; son raisonnement est que suivant l’opinion des Docteurs, les usufruictiers ne sont point tenus au payement des dettes des proprietaires, et qu’il faut faire distinction entre l’usufruit de tous les biens ou d’une certaine portion par quotité, et l’usufruit de quelques-uns des biens par quantité, quand même elle seroit par quotité sur aucune espece d’iceux. Quant à l’heritier universel de tous les biens, que les dettes diminuent son usufruit, parce qu’aprés avoir épuisé tous les meubles, il faut venir à la distra-ction des immeubles : Mais si l’usufruit est de certaines choses particulieres ou de la quotité d’icelles, non seulement l’usufruictier n’est point contribuable aux dettes, mais encore elles ne diminuent point son usufruit, sauf au proprietaire heritier ou autre à payer les dettes, et que c’est le veritable sens de la Loy derniere, ff. de usuf. leg. l. 8. §. ult. l. 9. de leg. 2. comme il est amplement traitté parBenedicti , l. Rainut. Veaebo, caetera bona, n. 42. et par Covarr Covart. Variar. resol. l. 2. c. 2. n. 13. Or quoy que par la Coûtume d’Anjou, la doüairiere ait son doüaire par quotité, neanmoins puisque cet usufruit n’est pas du tiers de tous les biens, le doüaire ne se prenant pas sur les meubles et sur les acquests, la doüairiere n’est point contribuable aux dettes réelles et foncieres ; neanmoins cet Auteur avouë que l’autorité de Chopin l’a emporté, ce qui me paroît raisonnable, car la Coûtume s’étant nette-ment expliquée que l’heritier ne doit être chargé du doüaire au delà du tiers des biens du mary, ce tiers ne doit consister qu’en ce qui reste aprés les charges levées, bona enim non sunt, nisi deducto are alieno.

On a pareillement revoqué en doute, si la doüairiere est obligée de contribuer au mariage des filles. Godefroy a proposé cette difficulté, et il resout que suivant l’opinion la plus commune, la doüairiere n’est point sujette à cette contribution, parce que les filles n’ont rien aux biens du pere de son vivant, et qu’avant son decez le doüaire est acquis à la femme.

On doit faire distinction entre les filles, car leurs droits peuvent être de differente qulité : ou elles sont issuës d’un premier mariage du mary de la doüairiere, ou elles sont ses filles. a l’égard des filles sorties d’un autre mariage, ou elles ont été mariées avant les secondes nopces de leur pere, et en ce cas si le pere a promis une dot à sa fille, c’est une dette qu’il a contractée, et à laquelle par consequent la seconde femme est tenuë de contribuer, comme étant anterieure de son mariage : Et en ce point le raisonnement de Godefroy ne peut valoir en faveur de la doüairiere, car quand il seroit vray que les filles n’auroient rien aux biens de leur pere de son vivant, et qu’avant son decez le doüaire seroit acquis à la seconde femme, cela ne pourroit avoir lieu que quand le pere a promis et s’est obligé depuis son second mariage ; mais lorsqu’il a promis et qu’il s’est obligé auparavant, cette seconde femme ne peut pas dire que son doüaire est auparavant, et que les filles n’ont rien aux biens de leur pere, cela ne peut être allegué que quand le pere n’a rien promis ; mais lorsqu’il s’est engagé, comme cette promesse est legitime et qu’elle ne peut dire qu’elle ait été faite en fraude de ses droits, elle ne peut se défendre de la contribution, comme si le pere avoit payé durant son second mariage les promesses faites à ses filles en les mariant, en ce cas la femme auroit son doüaire exempt de cette contribution, comme d’une charge éteinte, comme il a été jugé par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre, le 13. de Mars 1665.

Que si elles ont été mariées depuis, la veuve pourroit objecter que son mary n’auroit pû diminuer son doüaire par une obligation volontaire, et qu’il ne doit pas être en sa liberté de luy faire prejudice par des promesses excessives, ou en tout cas purement vo-lontaires : Il est certain neanmoins qu’elle doit contribuer au mariage des filles, quoy que son mary ne s’y soit obligé que depuis son second mariage, suivant un Arrest donné en la Chambre des Enquêtes, sur ce fait, le 23. d’Aoust 1656. Un homme qui avoit des filles d’un premier mariage, aprés en avoir contracté un second constitua une rente pour la dot de l’une de sesdites filles : aprés sa mort cette seconde femme prétendit que son doüaire luy devoit être ajugé en exemption de cette rente, parce qu’elle avoit été creée depuis son mariage. On répondoit que la rente donnée par le pere à sa fille luy tenoit lieu de legitime, qui prenoit hypotheque du jour du mariage du pere. Il est vray qu’il pouvoit la marier d’un Chapeau de Roses, et qu’il ne pouvoit être forcé de luy donner aucune chose ; d’où l’on pouvoit induire que c’étoit une pure liberalité ; mais tout ce raisonnement cesse quand il s’est obligé : car comme il y avoit toûjours une obligation naturelle, quoy que civilement il ne pûst être forcé de l’acquiter, elle devient necessaire par son fait. La Coûtume n’a point voulu forcer le pere à donner à ses filles, pour engager les filles à meriter cette grâce ; mais elle ne luy a pas défendu de s’acquiter d’une obligation si naturelle quand il le juge à propos ; au contraire la Coûtume ne luy a point imposé cette loy, parce qu’elle a presumé favorablement de sa pieté paternelle, qu’il se porteroit infailliblement à satisfaire à son devoir ; ainsi la donation faite par le pere à sa fille en la mariant devient une dette naturelle, qui prend son origine du moment qu’il s’est mis en état de devenir pere. La Coûtume a laissé en la liberté des peres de regler la portion qu’il leur plaist de donner à leurs filles ; mais quand ils l’ont arbitrée, elle leur tient lieu de legitime ; à l’exemple du tiers destiné pour la legitime des fils, qui prend hypotheque du jour du Contrat de mariage du pere, les sommes qu’il promet pour le mariage de ses filles ont le même privilege. Les Parties étoient Pinchon et de la Mort.

Quant aux filles de la doüairiere, son doüaire ne contribuë point à leur mariage quand elle n’en a point parlé : car en ce cas son doüaire étant plus ancien que la dot de sa fille, il ne peut être diminué pour une dette à laquelle elle n’a point consenti : mais lorsqu’elle a promis conjointement avec son mary, il ne semble pas juste de décharger son doüaire de cette contribution.

Pour le mariage des soeurs du mary, c’est une charge incontestable du doüaire, bien qu’elles soient devenuës heritieres de leur frere. Cousin, sieur de la Haye, étant mort sans enfans, Jeanne de Rimaçon sa veuve demanda son doüaire sur sa succession : Jean Haissant, mary de Marguerite Cousin, et Marie et Anne Cousin heritieres du sieur de la Haye, luy accorderent doüaire sur les deux tiers de la succession, prétendans que l’autre tiers leur appartenoit pour leurs legitimes. Le Vicomte l’ayant jugé de la sorte, le Bailly cassa la Sentence, les soeurs appellantes disoient que leur légitime étant une dette anterieure du mariage de l’intimée, elle étoit tenuë d’y contribuer : La veuve prétendoit que les soeurs étant devenuës heritieres de leur frere, elles avoient confondu leur action par l’adition de son heredité : Par Arrest du 13. de Mars 1665. le doüaire fut chargé de la contribution au mariage des soeurs, laquelle la Cour liquida par le même Arrest.

Bien que la Coûtume n’assigne le doüaire que sur les immeubles, et qu’il ne soit point dû regulierement sur les meubles, parce qu’ils ne produisent aucun fruit ; neanmoins au defaut d’immeubles le mary peut constituer un doüaire sur ses meubles, et stipuler que sa femme jouïra d’une certaine somme : et cette stipulation est si favorable, que quelques Coûtumes de France donnent à la veuve pour son doüaire une partie des meubles, lorsque le mary n’a point d’immeubles, ou qu’il n’a rien acquis, quoy qu’il n’en eust été rien convenu par le Contrat de mariage. Par l’Article 221. de la Coûtume d’Orleans, si le mary n’a point de propres, la femme a pour son doüaire le quart des acquests de la portion de l’heritier, et s’il n’y a point d’acquests le quart des meubles. Bourbon. t. des Gens Mariez, Article 257.

Une constitution de doüaire sur des meubles a été jugée valable, par Arrest donné en la Chambre de l’Edit du 26. de Juin 1619. Un mary qui n’avoit point d’immeubles avoit consenti qu’en cas de predecez, la somme de six cens livres fust prise sur ses meubles pour tenir lieu de doüaire à sa femme, et depuis la proprieté de ces six cens livres ayant été pretenduë par les enfans, elle leur fut ajugée nonobstant le contredit des creanciers, qui soûtenoient que le doüaire ne pouvoit être constitué sur des meubles ; car la femme y prenant part, il ne seroit pas juste qu’elle eust doüaire sur l’autre portion qui resteroit aux creanciers ou aux heritiers, et que ces pactions leur étant inconnuës elles ne pouvoient valoir à leur prejudice. Il fut representé pour les enfans qu’il n’étoit point défendu à celuy qui n’avoit point d’immeubles d’assurer un doüaire à sa femme sur des meubles, et ayant été destinez et appliquez à cet effet par le Contrat de mariage, cette paction devoit être executée.

On peut donc stipuler un doüaire sur des meubles, mais on peut même ajoûter que cette somme mobiliaire delaissée à la femme pour son doüaire appartiendra aprés sa mort aux enfans pour leur tenir lieu de legitime. Surquoy l’on peut former cette question, si ces enfans venans à mourir, et cette somme n’ayant point été remplacée, elle doit être encore considerée comme un immeuble, et comme un propre pour appartenir à l’heritier au propre : On peut dire que la fiction ne peut aller si loin, et que la destination ayant eu son effet, ces deniers en la personne des enfans ont repris leur premiere nature de meubles.

Et cela me paroist sans difficulté, lorsque les enfans sont morts aprés leur majorité ; mais parce que suivant l’Article CCCCCXII. les deniers donnez à des mineurs pour être empployez en achapt de rente ou d’heritage, sont reputez immeubles pendant leur minorité.

On peut induire de cette disposition, que les deniers destinez pour leur legitime doivent tenir nature d’immeuble et de propre ; mais on répond que n’ayant pas été stipulé, que les deniers destinez pour tenir lieu de doüaire et de tiers à la veuve et aux enfans, seroient employez en achapt de rente ou d’heritage, il suffit que la stipulation ait eu tout son effet, lorsque ces deniers ont servy pour tenir lieu de tiers et de doüaire ; mais que la destination n’ayant point passé plus avant, ces deniers demeurent necessairement en leur premiere nature, aprés que la stipulation portée par le Contrat a été pleinement consommée.

Au temps de la Reformation de la Coûtume l’on ne connoissoit que deux sortes d’immeubles, les heritages et les rentes constituées : Comme les rentes constituées n’ont pas une durée permanente, on peut douter si l’usufruit ou le doüaire est éteint par le rachapt qui en a été fait. il faut tenir certainement que les deniers procedans du rachapt, sont reputez à l’égard de la doüairiere de la même nature que les rentes rachetées, pour y avoir le même droit qu’elles y avoient auparavant ; car generalement la chose subrogée prend la nature de celle en la place de laquelle elle est subrogée. Cette espece de mutation n’éteint point l’usufruit, quoy que souvent l’usufruit s’éteint par la mutation de la chose. l. reperi. §. rei mutatione. D. quib. mod. usuf. Or bien loin que le rachapt éteigne le doüaire, que les heritiers sont tenus de prendre les deniers pour continuer la rente ou pour les remplacer, si la veuve ne s’en charge en baillant caution, comme il a été jugé entre la veuve de Robert Courant, et Jean Courant, fils dudit Robert.

La corruption du siecle et la venalité des charges ont produit une troisiéme espece d’immeubles ; le prix des Offices est devenu si immense, qu’il fait souvent la meilleure partie du bien des familles, et c’est pourquoy l’on n’a plus balancé à les reputer immeubles à l’égard des femmes : on les partage, et on en regle les droits de la même maniere que pour les autres immeubles, et c’est inutilement que l’on cherche la décision de ces matieres dans nos anciens Auteurs, parce que la jurisprudence en est nouvelle, et qu’elle s’est établie depuis que les Offices sont venus à un prix excessif.

Les femmes y ont eu les mêmes droits que sur les autres immeubles. On leur a donné doüaire sur les Offices lorsque leurs maris en étoient pourvûs au temps de leur mariage ; mais n’ayant point de suite par hypotheque, et la femme ne pouvant par consequent attaquer le resignataire de son mary pour luy fournir son doüaire sur l’Office, comme elle auroit pû faire contre l’acquereur de son heritage, on luy en a donné recompense sur les autres biens, ce qui a été jugé par plusieurs Arrests du Parlement de Paris : Brodeau sur Me Loüet L. D. n. 63. et de ce Parlement. Arrest du 7. de Decembre 1628. entre Mr Bouchart Conseiller en la Cour, et Tuvache ayant épousé Marie Lair, veuve de Thomas le Carpentier, Huissier en la Cour, sur le doüaire qu’elle pretendoit sur l’Office d’Huissier, vendu du vivant de son mary. Autre Arrest pour Dame Anne Sallet, veuve de Me Alorge, sieur d’Ardanville, contre les Sieurs et Demoiselle de Rassent, Heurtaut et autres creanciers dudit sieur Alorge ; la Cause fut plaidée le 8. de Juin 1652. par Coquerel pour la veuve et les enfans, qui soûtenoient que le doüaire ne pouvoit être disputé sur les Offices qui sont immeubles, que le remploy en cas d’alienation en étoit dû sur les autres biens ; car si lorsque le mary reçoit le rachapt des rentes qui appartiennent à sa femme, elle en a recompense sur ses autres biens, suivant l’Article CCCLXVI. elle la doit avoir pareillement sur l’Office qui n’est pas moins immeuble qu’une rente. Il fut répondu par Motlet et Heroüet, et par moy pour les creanciers, que le doüaire n’étoit point dû sur les Offices, parce que suivant la nouvelle Coûtume il ne peut être demandé que sur les immeubles, et par l’ancienne Coûtume sur les heritages. Suivant la Coûtume les Offices ne sont immeubles que quand ils sont saisis, et cela même n’a lieu que pour les Offices venaux, et non pour les Offices de Judicature, qui étoient attachez à la personne ; que par Arrest du Parlement de Paris rap-porté dans le Journal des Audiences, l. 1. c. 98. de l’impression de 1652. il avoit été jugé que la veuve d’un Conseiller de la Cour étoit non recevable à demander doüaire sur les deniers provenans de la vente d’un Office de Conseiller en la Cour ; qu’en cette Cause l’on étoit en termes beaucoup plus avantageux ; car l’on ne demandoit pas un doüaire sur les deniers d’un office, au contraire l’Office ayant été vendu, les deniers en avoient été dissipez ; mais l’on en pretendoit le remploy sur les autres biens ; que l’on ne devoit point étendre l’exemple des rentes aux Offices, puisque la Coûtume n’en avoit point parlé : la Cause ayant été appointée au Conseil, par Arrest au Rapport de Mr du Houley du 14. de Juin 1660. on ajugea à la veuve et aux enfans le remploy de l’Office sur les autres biens.

Fresne Du Fresne sur l’Article 112. de la Cûtume d’Amiens, Tître du Doüaire, dit qu’à Paris on fait difference entre le doüaire Coûtumier et le doüaire Prefix sur les Offices. En la Coûtume de Paris le doüaire Coûtumier est un droit de proprieté que la Coûtume transfere aux enfans dés le moment du mariage, ce qui n’est pas du doüaire prefix qui n’est qu’une dette hypothecaire de même qualité que le commun des rentes constituées, et comme une dette acquise par tout autre creancier, qui vient en contribution au sol la livre sur le prix des Offices comme sur les autres meubles. En Normandie l’on ne fait point cette distinction, le doüaire prefix est de la même qualité que le Coûtumier sur les Offices comme sur les immeubles, il ne vient point en contribution au sol la livre sur les meubles, cette action n’ayant point de lieu parmy nous, les creanciers sont payez sur les meubles comme sur les immeubles, selon l’ordre de leurs hypotheques.Ricard , sur l’Art. 95. de la Coûtume de Paris, pose pour une maxime certaine au Parlement de Paris, que la femme ne prend point de doüaire Coûtumier sur les Offices que in subsidium, et en cas qu’il n’y ait point d’autres biens sujets à doüaire.

Plusieurs sont de ce sentiment, que pour acquerir le doüaire à la femme, le mary est reputé saisi aussi-tost qu’il a levé les provisions au Sceau, quoy que l’on n’ait point procedé à sa reception ; que si le mary laisse perdre l’Office à faute d’avoir payé le droit Annuel, lorsqu’il est ouvert, on ne doute plus que la femme n’en puisse demander recompense sur les autres biens du mary, en consequence de l’Article CCCXXXIII. suivant lequel, quand le mary confisque, la femme ne laisse pas d’avoir ses droits. les opinions sont differentes seulement sur ce point, sçavoir si cette recompense luy est dûë indistinctement, soit qu’elle ait renoncé ou qu’elle soit heritier de son mary ? En cas de renon-ciation, l’on convient que cette recompense luy est dûë, mais on n’est pas d’accord qu’elle luy appartienne lorsqu’elle est heritiere. Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre le 12. de Mars 1671. Jouvin étoit prouvû d’un Office de Referendaire en la Chancellerie de Roüen, lorsqu’il épousa Marie Pesnelle : Il fit plusieurs acquisitions constant son mariage ; mais ayant été tué, et sa Charge ayant été perduë faute d’avoir payé le droit Annuel, un particulier la leva aux parties casuelles, et par accommodement il donna deux mille livres aux heritiers : Marie Pesnelle sa veuve demanda doüaire sur cette Charge, il ne luy fut ajugé que sur ces deux milles livres ; sur l’appel de la veuve le Bailly cassa la Sentence, et luy accorda doüaire sur le prix que l’Office avoit été acheté, qui étoit de sept mille livres. Il étoit constant qu’au temps de la mort de son mary, il valoit onze mille livres. Sur l’appel de Jouvin, frere du défunt, de Cahaignes son Avocat convenoit, que quand l’Office étoit perdu par la faute du mary, et que la femme renonçoit à sa succession, elle en avoit recompense sur les autres biens ; mais quand elle étoit heritiere, bien loin d’en avoir recompense, elle étoit obligée de contribuer au remploy de cette Charge, puisqu’il n’y avoit point de meubles ny d’acquests que le propre ne fust remplacé.

Le Page répondoit qu’il seroit injuste de luy faire porter la peine de la negligence de son mary, et de luy faire remplacer une Charge qu’il avoit perduë volontairement, que la raison et la cause du remploy des biens alienez durant le mariage, cessoit en cette rencontre, la Coûtume ayant presumé que les deniers provenans de la vente des propres étoient entrez dans les meubles, ou qu’ils avoient été employez en acquisitions, et que par consequent il étoit juste que la femme contribuât au remploy à proportion de ce qu’elle prenoit aux meubles et acquests ; mais cet Office ayant été perdu, il n’en étoit rien entré dans la masse des meubles et des acquests ; et comme elle pourroit demander aux heritiers du mary la recompense de son doüaire sur les heritages qu’il auroit alienez, nonobstant sa qualité d’heritiere de son mary, elle pouvoit demander la même chose, puisque c’étoit une alienation volontaire qu’il en avoit faite. Les Juges furent de differens avis, et on prononça seulement qu’elle auroit doüaire, sauf les contributions pour le remploy de ses propres, laissant par ce moyen la question indecise ; on cassa neanmoins la Sentence, en ce qu’elle regloit le doüaire sur le prix de l’achapt, et non sur le prix de la derniere venduë. Que si l’Office étoit supprimé par l’autorité du Prince sans aucun remboursement, la femme n’auroit pas de recompense, non plus que si un heritage avoit pery, si fundus chasmate periisset ; mais si le Roy don-noit quelque recompense, elle auroit le tiers en doüaire, et c’est en quoy le doüaire prefix a l’avantage sur le doüaire Coûtumier ; le premier ne souffrant point de diminution, quelque accident qui puisse arriver ; mais le Coûtumier peut diminuer quand la perte des biens arrive par une force majeure.

Ce n’est pas assez d’avoir expliqué la nature et la qualité des biens sur lesquels le doüaire peut être levé, car la Coûtume ne le donnant que sur les biens dont la femme a trouvé son mary saisi lors des épousailles, il peut naître plusieurs difficultez sur l’explication de ce terme saisi.

La femme ne pouvant avoir doüaire que sur les immeubles dont son mary étoit saisi lors des épousailles, il semble qu’elle ne doit pas le pretendre sur les heritages qu’il avoit vendus auparavant, bien qu’il les ait retirez depuis en vertu de la faculté de retrait qu’il avoit retenuë. Il se mût procez sur cette question devant le Juge d’Argenten : Pierre Troterel avoit aliené quelque fonds avant son mariage avec faculté de retrait, et l’ayant retiré, aprés sa mort Olivier Troterel son fils demanda sur ces mêmes biens son tiers Coûtumier : Soeur Marie de Roussel, Abbesse de Vignats, l’avoit fait debouter de sa pretention ; sur l’appel, par Arrest du 23. de Decembre 1658. au Rapport de Mr du Houley, on ordonna que sur les heritages vendus par Pierre Troterel avant son mariage, et retirez depuis en vertu de la faculté de retrait, ledit Olivier en auroit le tiers, en contribuant pour un tiers aux deniers déboursez pour parvenir au retrait, ce qui est raisonnable ; la faculté de retrait faisant partie de la chose, et appartenant au mary, la pretention de la femme et des enfans est dans les termes de cet Article, et cet Arrest est conforme à celuy de Caux, que j’ay remarqué sur l’Article CCCXXIX.

On peut aussi agiter cette question, si l’on doit compter entre les biens dont le mary étoit saissi,’laction récisoire qu’il pourroit exercer ? Chopin en propose l’exemple en un mineur qui auroit vendu avant son mariage, et depuis aprés avoir obtenu des Lettres de récision, en autoir transigé moyennant une somme d’argent ; il semble que l’acquereur est en seureté aprés la ratification faite par le majeur, qui s’est departy de ses moyens de récision, et comme le mary pouvoit laisser perir l’action récisoire, en ne se faisant pas restituer dans la trente-cinquiéme année de son âge, il a pû la remettre moyennant un supplément qui luy est fait, de sorte que la transaction doit avoir un effet retroactif au temps du Contrat : a quoy l’on répond pour la femme, que l’action récisoire fait partie des biens du mary, qu’elle est de même condition que l’heritage que l’on peut retirer ; car on n’est point reputé privé et dépoüillé d’un bien, lorsqu’on a droit d’en demander la restitution. l. nemo. ff. de in integ. rest. La restitution remet les choses en leur premier état, l. quod si minor §. restitutio, ff. de min. ce qui est si veritable, que la chose venduë retourne en la main du vendeur en la même qualité qu’elle étoit auparavant, comme Tiraqueau le prouve dans le §. 13. gl. 1. n. 70. du Retrait Lign. d’où il s’ensuit que cette action ayant augmenté le doüaire de la femme, le mary n’a pû la remettre ny en transiger à son prejudice, puisqu’elle auroit pû l’exercer de son chef, l. si cujus §. 1. de usufr. c’est le sentiment deChopin , l. 3. t. 1. n. 15. de la Proprieté des biens d’Anjou, à moins que le procez dont le mary a transigé ne fust douteux ; car en ce cas le mary n’est pas interdit de terminer un procez, dont l’evenement étoit incertain.

Pour acquerir actuellement ce doüaire sur les biens du mary, il ne suffit pas qu’il en soit saisi par une simple joüissance, il faut que la proprieté luy en appartienne ; bien qu’il fust en possession d’une terre au temps de son mariage, si depuis il en étoit depossedé, faute de tître valable, la femme ne pourroit en demander recompense sur les autres biens, non enim videtur habere â quo res evinci potest. Si au contraire le mary se laissoit dépoüiller d’un heritage qui luy appartiendroit par un tître authentique, suivant le sentiment de Mr d’Argen -tré, elle y auroit doüaire, quod non habet, & habere debuit ad viduam pro tertia parte spectat, de la même sorte qu’on a jugé la recompense sur les autres biens du mary qui a negligé de conserver son Office, en payant le droit Annuel.

On a favorisé la femme en cette autre espece : on repute le mary saisi des biens qu’elle luy donne par son Contrat de mariage aux fins de luy donner doüaire sur iceux, pourvû neanmoins qu’au temps de la mort du mary, ou de la separation de biens, il en soit encore saisi, et qu’ils se trouvent en essence ; car autrement s’il les avoit alienez, elle ne pourroit troubler les acquereurs, comme il a été jugé par plusieurs Arrests, et la Cour l’a décidé par l’Article 71. du Reglement de l’an 1666. Et c’est aussi le sentiment de Mr d’Argentré, Article 433. gl. 2. n. 8. Suivant cet Article 71. du Reglement, la femme n’a point de doüaire sur l’heritage qu’elle a donné pour don mobil, quand il est aliené ; mais on demande si elle peut y avoir doüaire sans contribuer aux dettes qu’il a contractées depuis son mariage ? Cette question s’offrit en la Chambre de la Tournelle, au Rapport de Mr de la Basorge, entre Guerout et Bellezaize ; les opinions furent partagées. Le fait étoit qu’une femme trouvant encore son mary saisi des heritages donnez pour don mobil, y demandoit doüaire sans contribuer aux dettes qu’il avoit conractées depuis son mariage : Le procez ayant été départagé en la Grand-Chambre, par Arrest du 16. de Mars 1667. il fut dit qu’elle y contribuëroit. Le motif de l’Arrest fut que la femme n’a doüaire sur le don mobil, que lorsqu’il se trouve dans la succession du mary, et qu’elle n’en auroit point s’il l’avoit aliené ; et qu’ayant la liberté de le pouvoir vendre, sans que la femme y puisse rien pretendre, il peut pareillement l’hypothequer. Contre ces raisons on alleguait l’Article du Reglement qui donne doüaire sur le don mobil, lorsqu’il se trouve en essence ; ce qui est inutile s’il peut l’hypothequer, suivant cet Arrest l’Art. du Reglement ne regarde que les heritiers.

Nos Commentateurs se trouvent partagez sur cette question, si la femme peut avoir doüaire sur les heritages retirez à droit de sang par son mary ? Berault conclud indistinctement pour la negative : Godefroy fait cette distinction, que si les heritages étoient échûs au mary en ligne directe, sans vente, elle y doit avoir doüaire ; que si la succession est échuë en ligne collaterale, le doüaire ne luy est point dû. Il seroit juste de suivre l’opinion deGodefroy , s’il paroissoit que l’alienation eust été faite en fraude de la femme, et pour la frustrer du doüaire qui luy auroit appartenu ; mais quand la vente est veritable et sans suspicion de dol, sans distinguer si les biens seroient parvenus au mary en ligne directe ou collaterale, il semble que la femme n’a point droit de doüaire sur les heritages retirez à droit de lignage, ce qui a lieu pareillement pour ceux qu’il auroit eus par retrait feodal ; la raison est que le mary déboursant des deniers pour parvenir au retrait lignager ou feodal, les heritages retirez sont de veritables acquests ; mais la Coûtume en l’Article CCCCLXXXIII. les repu-tant propres, la femme n’y peut prendre part, comme aux acquests, et elle ne peut y demander doüaire son mary n’en étant point saisi lors de son mariage : Que si les biens re-tournoient au mary à droit de commise, de desherence, ou par quelqu’autre voye de reversion, ils seroient sujets au doüaire, parce qu’ils retournent au mary imemdiatement et sans aucun déboursement de deniers à cause du fief dont il étoit saisi, et tanquam jure accrescendi, auquel droit la femme doit participer, comme étant une augmentation naturelle, par la même raison que la diminution de la valeur des biens affoibliroit son doüaire.

Il se trouve des biens sur lesquels la femme ne peut avoir doüaire, encore que son mary en fust actuellement saisi et proprietaire au temps des épousailles : ce sont les rentes constituées qui ont été rachetées constant le mariage ; comme il est necessaire pour la vadlité de ces rentes que le debiteur ait une faculté perpetuelle et absolument libre de les racheter, il ne peut être troublé par la femme pour avoir usé d’une faculté qui luy appartient sans condition, comme il a été jugé par Arrest du 7. de Février 1623. entre la Vastine, Hurard, et autres ; par lequel une femme ayant demandé doüaire sur des rentes rachetées, elle en fut deboutée. Aussi la Cour l’a décidé par l’Art. 76. du Reglement de l’an 1666. Il est vray que la femme peut en demander recompense sur les autres biens du mary ; mais comme souvent il ne s’en trouve point, ce recours devient inutile.Chopin , de la Proprieté des biens d’Anjou, l. 3. c. 1. n. 13. son opinion est conforme à nôtre Usage.

Cette question fut fort agitée entre les nommez Alexandre et la veuve de de la Mare, pour sçavoir si une femme ayant épousé un mineur, durant la minorité duquel on avoit racheté quelques rentes constituées, qui n’avoient point été remployées par son tuteur lors du mariage, elle auroit doüaire sur les deniers provenans de ces rachapts ? Le procez ayant été jugé, au Rapport de Mr Deshommets, il étoit d’avis qu’elle ne pouvoit avoir de doüaire ; Mr de Fermanel Compartiteur, soûtenoit le contraire ; et par Arrest du premier d’Avril 1667. il passa à dire qu’elle auroit doüaire, et que l’Article CCCCCXIII. avoit aussi-bien lieu pour les doüairieres que pour les heritiers.

Outre les rentes, si le mary possedoit un heritage par fieffe ou bail à rente, et que pendant le mariage il en fust dépossedé faute d’avoir payé les arrerages, s’il tomboit en com-mise pour felonnie envers son Seigneur, s’il étoit confisqué pour crime, si son ingratitude envers son bienfaicteur avoit donné lieu à revoquer les donations de terres qu’on luy auroit faites, on demande si en tous ces cas le doüaire de la femme seroit conservé ? En consequence de cet Article qui le luy attribuë sur tous les biens dont son mary est saisi, et si elle en seroit privée suivant cette regle. Le droit du donateur étant resolu, le droit du donataire l’est pareillement.

Loyseau Toutes ces grandes difficultez se décident par la distinction rapportée parLoyseau , l. 6. c. 3. du Deguerpissement. Il faut examiner si la Commise procede d’une cause necessaire, ou d’une cause volontaire, ex causa necessaria, aut ex causa voluntaria. On estime la cause necessaire quand la chose arrive, ex necessitate pacti impressi in ipsa traditione rei, nous en avons un emple en la l. lex vectigali. D. de Pigni. Lex vectigali fundo dicta erat, ut si post certum tempus vectigal solutum non esset, fundus ad Dominum rediret. Il paroist que le preneur à rente ne possedoit l’heritage qu’à condition de la payer ; de sorte que n’y ayant pas satisfait, le bailleur a pû s’en remettre en possession en vertu de la condition employée par le Contrat, et on ne peut objecter que cette resolution du Contrat est volontaire, parce que le possesseur pouvoit payer les arrerages s’il avoit voulu, et qu’ainsi c’est une simple negligence et une simple omission ; en ce cas le mary étant dépossedé ex necessitate pacti in ipsa traditione rei impressi ; la femme souffre la perte de doüaire, bien que ce soit par la faute de son mary.

Il est vray que l’on ne peut imputer à la femme ce que cette loy objecte au creancier, qu’il pouvoit reparer la negligence du preteur, ce que n’ayant pas fait, la resolution du Contrat étoit necessaire, cum in exolutione vectigalis tam debitor quam creditor cessassent, et partant le creancier est puny justement de son peu de soin ; mais la femme étant en la puissance de son mary, et n’ayant point la liberté de ses actions, on ne peut luy imputer de negligence ; neanmoins on a refusé la femme de son doüaire, par Arrest du Parlement de Paris rapporté par Tronçon sur l’Article 117. de la Coûtume de Paris, quoy que le procez pour la resolution du Contrat ne fust point jugé, et que la femme aprés la mort de son mary offrist le payement de tous les arrerages ; mais comme les pactions commissoires ne sont point favorables, je n’estime pas qu’on en usast si rigoureusement parmy nous si la Commise n’étoit point jugée, et que la veuve offrist cederi satisfactione moram purgare ; que si la Commise avoit été jugée durant le mariage, alors le bailleur ayant usé de son droit, et la chose étant pleinement consommée, il ne resteroit à la femme qu’une action en recompense sur les autres biens du mary.

Mais quant aux autres cas cy-dessus, si la resolution étoit arrivée par une action purement volontaire de la part du mary, sa faute et son crime ne seroient point de prejudice au droit de sa femme, et nôtre Coûtume est bien éloignée de cette rigueur, puisque nonobstant la confiscation du mary, elle conserve à la femme sa part aux meubles et aux acquests, ausquels elle n’a point de part qu’en qualité d’heritiere, Article CCCXXXIII.

Mais le doüaire luy étant acquis en vertu de son Contrat de mariage, encore qu’elle renonce, le mary ne peut l’en priver par sa mauvaise conduite ; comme au contraire le de-saveu fait par la femme, de son Seigneur, n’ôteroit pas au mary la joüissance qui luy appartient des biens de sa femme, pourvû qu’il ne l’eust point avoüée. Il est vray que par l’Article CCCCCXLIV. lorsque la femme est condamnée pour crime, la condamnation est portée non seulement sur les fruits, mais aussi sur tous les autres biens de quelque qualitée qu’ils soient, si les fruits n’y peuvent suffire, en quoy la condition du mary est pire que celle de la femme ; car celle-cy ne souffre aucune diminution de ses droits par la faute de son mary, suivant ledit Article CCCXXXIII. et au contraire si la femme commet quelque crime, les condamnations sont acquitées sur les fruits qui luy appartiennent ; mais l’on doit en quelque sorte imputer au mary la mauvaise conduite de sa femme.

Enfin voicy encore une autre cas où la femme ne peut demander son doüaire sur les biens dont elle trouve son mary saisi, et cette matiere se presente souvent. Un mary fait échange de ses heritages avec d’autres ; aprés sa mort, ou aprés la separation civile de la femme, elle demande doüaire aux detenteurs des heritages dont son mary étoit saisi lors de ses épousailles ; ils s’en défendent en offrant de la faire joüir du contr-échange, et de le faire valoir jussqu’à la concurrence de ce qui luy appartient pour son doüaire. La femme répond qu’il y a grande difference entre le doüaire et la legitime des enfans ; qu’à l’égard des enfans les acquereurs, lors qu’ils sont poursuivis par les enfans pour leur fournir leur tiers Coûtumier, peuvent bien se maintenir en payant l’estimation du fonds qu’ils ont acquis, sui-vant l’Article CCCCIII. Mais les acquereurs, ou ceux qui possedent par échange les biens du mary, n’ont pas le même avantage contre la femme, le doüaire de laquelle est expressément assigné sur les biens dont elle a trouvé son mary saisi : comme il s’agit d’un usu-fruit, la Cour l’a facilement accordé sur tous les heritages, sauf le recours sur le dernier acquereur. Le droit des enfans est de la nouvelle Coûtume et plus rigoureux, parce qu’il ôte la proprieté ; qu’on ne peut luy ôter son gage et son assurance pour la contraindre d’accepter un fonds moins commode, et qui peut être affecté à d’autres dettes qu’à celles de son mary, enfin qui peut être de moindre prix et plus difficile à faire valoir ; ou s’il en faloit venir à l’estimation, ce seroit engager une pauvre veuve en des procez et en des frais immenses, qui consumeroient son doüaire ; qu’en un mot elle n’est point obligée de prendre le change. Le permutant repliquoit que la femme n’ayant qu’un usufruit, elle étoit moins favorable que les enfans ; qu’on pouvoit dire qu’on luy gageoit doüaire sur les biens de son mary, puisque ceux qu’il avoit eus en contr-échange entroient en leur place, quia subrogatum sapiebat naturam subrogati ; que l’on offroit de convenir d’estimateurs pour justifier l’égalité des choses échangées ; que l’on s’obligeoit encore de la faire joüir sans aucun trouble ; que le refus d’offres si raisonnables ne pouvoit proceder que d’un caprice ou d’une opiniâtreté malicieuse, pour faire de la vexation sans aucun benefice ; par l’ancienne Jurisprudence l’on ne pouvoit obliger la femme de prendre son doüaire sur les heritages baillez en contr’échange à son mary, ny même sur ce qu’il avoit acquis constant le mariage ; mais on a changé cet usage, comme on l’apprend par un Arrest du 27. de J. 1670. entre Moyse Vereuïl, appellant du Bailly de Caux à Montivilliers, et Demoiselle Marie du Mouchel, femme civilement separée d’avec Pierre Corbiere, Lieutenant en l’Amirauté de Fescamp, intimée sur l’action formée par ladite du Mouchel contre ledit Vereüil, pour luy quitter la possession des heritages qu’il avoit acquis de son mary pour en joüir pour son tiers, et pour remplacement de sa dot ; par Sentence du Vicomte de Monsivilliers on avoit ajugé le doüaire et le remplacement de sa dot sur les biens dont ledit Corbiere étoit saisi lors de son mariage ; sur l’appel de cette Sentence le Bailly l’avoit reformée, et ordonné que pour ses droits de doüaire et de dot, liquidez à la somme de six mille six cens livres, elle étoit envoyée en la possession des heritages échangez par ledit Vereuïl contre ledit Corbiere, et ledit Vereüil renvoyé en son contr-échange. Sur l’appel de Vereuüil la Cour mit l’appellation et ce dont étoit appellé au neant ; et en reformant renvoya les Parties proceder à l’estimation de l’échange et du contr-échange, ensemble des autres biens dont ledit Corbiere étoit saisi, pour être procedé à la liquidation des droits de ladite du Mouchel.

Autre Arrest du premier d’Avril 1663. au Rapport de Mr Deshommets, entre Demoiselle Marie Alexandre, femme civilement separée d’avec Martin du Porquet son mary, appellant ; et Loüis de Roncherole Ecuyer, sieur de la Mare ; en la presence de Marin du Por-quet, fils aîné dudit Martin du Porquet ; et il fut jugé que ledit Alexandre prendroit son tiers à doüaire sur la terre de Breteville, qui avoit été baillée en échange à son mary par ledit sieur de Roncherole, et que si elle ne suffisoit pas, il luy seroit fourny sur la terre d’Ameronville, qui avoit appartenu à son mary.

Suivant ces Arrests la femme est tenuë de prendre son doüaire sur les biens baillez en contréchange à son mary ; mais on n’a pas encore décidé si les acquereurs se peuvent prevaloir contre la femme, de la faculté qui leur est accordée contre les enfans par l’Article CCCCIII. mais n’ayant qu’un usufruit il ne seroit pas juste de l’engager à fournir des remplacemens, et il n’y auroit pas même de seureté pour les acquereurs, qui pourroient encore être troubliez par les enfans, qui n’accepteroient pas ces remplacements.

La Coûtume ne donne pas seulement doüaire sur les biens dont le mary est saisi, mais aussi sur ceux qui luy sont échûs en ligne directe ; presque toutes les Coûtumes de France sont conformes à cet Article : en effet il est juste de donner doüaire sur les successions de cette qualité, à cause de cette esperance certaine et de ce droit naturel que les enfans ont sur les biens de leurs peres, l. cum ratio D. de bonis Dam.

Mais bien que les paroles, en ligne directe, puissent être entenduës également des Descendans comme des Asendans en cet endroit, neanmoins on ne peut les appliquer qu’aux ascendans, comme il fut jugé dans cette espece. Matthieu Queriel avoit un fils de son premier mariage ; ce fils mourut aprés avoir fait quelques acquisitions, ausquelles son pere succede : aprés la mort du pere la veuve demanda doüaire sur les acquisitions, soûtenant que cette succession du fils au pere étoit une succession directe, laquelle étant échûë à son mary constant son mariage, il luy appartenoit doüaire suivant cet Article. On répondoit que sans examiner si c’étoit une succession directe, il faloit s’attacher au veritable esprit de la Coûtume, laquelle donnoit doüaire à la femme sur les biens échüs à son mary en ligne directe, dans cette seule vûë que le plus souvent ceux qui se marient sont enfans de famille, qui n’ont que la seule esperance des biens de leur pere, et le doüaire des femmes n’est assignée que sur cette esperance : Pour cette cause il étoit raisonnable de leur promettre un doüaire non seulement sur les biens dont leurs maris étoient saisis, mais aussi sur ceux qui leur pouvoient échoir en ligne directe, et la Coûtume explique son intention en ajoûtant ces mots, encore que lesdits biens fussent échûs à pere et à mere ou autres ascendans par succession collaterale. Ces paroles marquent ouvertement qu’elle ne pensoit pas à ces funestes successions, qui n’appartiennent aux peres que turbato mortalitatis ordine, et au defaut d’autres descendans qui les auroient exclus. La Coûtume de Blois a prevenu cette difficulté, elle donne doüaire à la femme sur ce qui avient constant le mariage en ligne directe : mais elle ajoûte ce mot, en ligne de ses ascendans. Le Victomte de S. Lo avoit ajugé doüaire à la femme ; sur l’appel en la Cour on cassa la Sentence, et la femme fut deboutée de sa demande par Arrest au Rapport de Mr de Brinon, du 28. de Juillet 1653. entre Martin Queriel et Cardine le Brasseur.

Par la disposition de la Coûtume, le frere aîné n’est pas seulement saisi de la succession, il en fait même les fruits siens, jusqu’à ce que partage luy soit demandé par ses freres, et dans la Coûtume de Caux il joüit encore de cette prerogative, qu’il peut rembourser le tiers de ses puisnez.

En consequence de ces dispositions l’on a formé ces questions, si la femme avoit doüaire sur la succession du frere lorsqu’il decede depuis son mariage, sans avoir demandé partage à son frere aîné ? Par un Arrest donné en la Chambre des Enquêtes 1618. entre N. le Maignen, veuve de Jean Martin, et Jean Martel acquereur des heritages de Jean Martin, on ajugea doüaire à la femme sur les heritages venus de la succession des freres : L’acquereur soûtenoit que la femme ne peut avoir doüaire sur les biens échûs d’une succession collaterale, mais seulement sur ceux qui viennent en ligne directe ; or on ne doute point que la succession du frere ne soit en ligne collaterale : On répondoit en faveur de la veuve que l’aîné étoit saisi de l’ancienne succession du pere, qu’il en fait les fruits siens jusqu’à ce que partage luy soit demandé par ses freres, que s’ils ne luy demandent rien, il demeure seul seigneur et proprietaire de la succession paternelle ou maternelle, et que d’ailleurs les biens étant en Caux il avoit la faculté de retenir le tiers ; de sorte qu’il est vray de dire, que l’aîné a toûjours été saisi de la succession sans en avoir jamais perdu la possession : il n’acquiert rien de nouveau par la mort de ses freres, mais seulement l’action en partage qu’ils pouvoient avoir contre luy cesse, et est éteinte par leur mort. Or puis donc que le mary étoit non seulement saisi, mais qu’il en étoit encore le proprietaire, on ne peut contester le doüaire à la femme, et cette succession doit être considerée comme procendante directement du pere ; mais le raisonnement paroist plus subtil que solide, ce que la Coûtume donne à l’aîné ne luy attribuë aucun droit propeitaire, il profite de la negligence de ses freres, entant que pour la joüissance ; mais ils demeurent toûjours les maî-tres, et les veritables seigneurs de leurs partages, sur lesquels par consequent la veuve n’a rien à prétendre.

Aussi le contraire a été jugé depuis en cette espece, où la pretention de la femme avoit beaucoup plus d’apparence ; et par Arrest du premier de Juillet 1656. au Rapport de Mr de sainte Heleine, il fut dit qu’une veuve ne pouvoit avoir doüaire sur le bien échû à son mary par le decez de son frere, bien que le défunt l’eût reconnu pour son heritier, et qu’en faveur de son mariage il eût promis de luy garder sa succession.

La liquidation du doüaire étant faite, et le doüaire n’étant qu’un usufruit, il semble que la femme ne puisse prendre possession de cet usufruit qu’aux charges ordinaires, ausquelles tous les usufruitiers sont sujets, et notamment de bailler caution ; l. si cujus ff. de usuf. et cette caution doit contenir deux choses suivant la Loy 1. ff. de usuf. quemadm. caut. La premiere, qu’un usufruitier en usera comme un bon pere de famille, arbitrio boni viri re utetur salvâ ejus substantiâ, l. usuf. C. de usuf. La seconde, que l’usufruitier ou ses heritiers restitueront les choses dont ils auront eu la joüissance, aprés l’usufruit fini, l. illud. Cod. de leg. La pluspart de nos Auteurs sont de ce sentiment, que la veuve n’est point exempte de bailler cette caution, GuidoPapé , dec. 248.Pontanus , Art. 189. l. 2. t. 2.Chopin , sur la Coûtume de Paris. Par l’Article 3. t. du Doüaire, de la Coûtume de Nivernois, la doüairiere avant que de pouvoir joüir de son doüaire, est tenuë pour les immeubles, de bailler telle caution qu’elle pourra. La Coûtume de Paris, Article 264. et celle d’Orleans, Article 218. obligent la veuve qui se remarie, de bailler bonne et suffisante caution, ce qui est fondé sur la l. cum lex Cod. de admin. et peric. tut. Mais quand la veuve ne peut donner caution, on établit un sequestre des fruits que la veuve perçoit par les mains de ce sequestre.

Le doüaire étant acquis à la femme, et par l’autorité de la Loy, et en vertu de la stipulation portée par son Contrat de mariage, elle n’est point obligée de bailler caution pour entrer en la joüissance de son doüaire ; c’est un droit réel qui fait partie des conventions matrimoniales, et qui luy tient lieu de recompense pour la dot qu’elle a apportée à son mary, cessant laquelle clause le mariage n’eût pas été contracté. On peut ajoûter que le doüaire luy tient lieu d’alimens, qui ne peuvent être refusez faute de caution ; et quand l’usufruit est acquis par la disposition de la Loy, la caution n’est point dûë, l. ult. §. si autem Cod. de aeon. quae liber.

On peut encore revoquer en douter, si le doüaire peut être demandé sur les biens donnez au mary par son Contrat de mariage, par un parent autre qu’un ascendant, ou par un étranger ? On peut dire qu’en donnant l’hypotheque au doüaire du jour du Contrat, le mary n’est point encore saisi des choses données, puisque la donation et le doüaire ont un même principe, et qu’ils commencent dans un même moment : Il faut tenir neanmoins que les biens sont sujets au doüaire ; car bien qu’à l’égard de l’hypotheque on considere le temps du Contrat, toutesfois la Coûtume étendant le droit de doüaire sur tous les biens dont le mary est saisi lors des épousailles, on ne peut refuser le doüaire puisque dés le moment que le Contrat a été signé, le mary donataire a été fait proprietaire des choses don-nées ; aussi la Cour l’a jugé de la sorte, pour le don mobil fait au mary par la femme même. Il est vray qu’on y apporte cette condition, pourvû qu’il soit encore la possession du mary ; mais cela est fondé sur cette raison particuliere, que le don mobiol étant fait pour les frais de nopces, on presume qu’il n’en a fait l’alienation que pour l’employer à cette dépense là.

Comme le doüaire est un usufruit qui finit par la mort naturelle, il peut aussi cesser et s’éteindre par la mort civile. Dans le Journal des Audiences du Parlement de Paris, l’on rapporte un Arrest par lequel une veuve s’étant renduë Religieuse, il luy fut permis de joüir de son doüaire par forme de pension viagere. L’Auteur ajoûte que s’il eût été excessif, au lieu qu’il n’étoit que de trente écus, la Cour l’eût moderé, et qu’il semble ( comme L’Auth. ingressi n’est point gardée en France ) que le Monastere ne peut non plus profiter des doüaires appartenans aux femmes, que participer à leurs successions. Du Moulin en ses Notes sur les Cons. d’Alex. tom. 1. estome qu’un doüaire et un usufruit est éteint par l’entrée en Religion. On disoit au contraire, que le doüaire n’est éteint que par la mort naturelle : c’est le sentiment de Févrer, qui cite un Arrest du Parlement de Dijon, par lequel l’on a jugé que le doüaire et l’usufruit se conservent nonobsyant la Profession de Religion, parce que le Monachisme non inducit capitis diminutionem. Voyez les Auteurs qu’il cite, l. 2. c. 4. n. 38.

Cette question fut décidée par un Arrest remarqué par Berault sur l’Article 273. Les heritiers soûtenoient que le Monachisme étoit une mort civile, capitis diminutio vel adoptio in aliam familiam, que capitis diminution perit ususfructus, t. quib. mod. usuf. amitt. Les Carmelites pretendoient que le doüaire ne pouvoit s’éteindre que la mort naturelle, qu’il tenoit lieu d’aliaeens, quae damnato in metallum relinqui possent, et que partant elle étoit capable de conserver son doüaire : Par l’Arrest les heritiers furent déchargez du doüaire.

Cette décision paroît raisonnable, bien qu’en d’autres cas la mort civile n’emporte pas l’extinction du doüaire ; mais c’est par cette raison qu’elle n’empesche pas que les alimens ne soient necessaires au condamné. Quand une veuve entre en Religioln, outre que l’entrée des Monasteres doit être gratuite, il importe à l’Etat que les biens ne soient pas portez dans les Monasteres ; ainsi cette incapacité de posseder des biens étant jointe à l’interest public éteint le doüaire. Aussi l’Arrest du Parlement de Paris n’eût pour motif que la modicité du doüaire.

Lorsque les lots ont été choisis, si dans les lots de la femme il se trouve quelques rentes sur un debiteur insolvable, avant qu’elle en puisse demander recompense sur les autres biens de la succession, sera-t’elle tenuë de discuter les biens de l’obligé, ou pourra-t’elle agir contre les heritiers de son mary pour luy fournir une autre rente, en y contribuant deduction faite de son tiers ? Cette question fut jugée au Rapport de Mr Puchot l’11. de Juillet 1674. entre Robert le Bel, appellant de Sentence qui le condamnoit à fournir une autre rente à Demoiselle Catherine le Roux, veuve de Jacques le Bel, et en secondes nopces femme du sieur de Livraye, et ledit de Livraye et sa femme intimez. Cette femme avoit quinze cens livres de doüaire, et ne pouvant être payée de cent-cinquante livres de rente, elle forma action contre les heritiers de son premier mary pour luy bailler une autre rente ; l’appellant soûtenoit qu’elle étoit obligée de decretter les biens de l’obligé : par Arrest la Sentence fut confirmée, et en ce faisant les heritiers condamnez de fournir une autre rente.


CCCLXVIII.

De quel jour est dû.

Doüaire n’est dû sinon du jour qu’il est demandé, s’il n’est autrement convenu par le traité de mariage.

Le doüaire n’est dû que quand il est demandé. On pourroit pareillement conclure que le doüaire ne seroit point dû s’il n’avoit été stipulée par le Contrat de mariage, et qu’il ne seroit pas necessaire que la femme y eût renoncé par une convention expresse.

Le contraire est veritable, le doüaire étant acquis à la femme par la disposition du droit commun, elle n’a pas besoin de le stipuler pour se l’acquerir, il est toûjours dû ; bien qu’il n’en soit pas fait mention dans le Contrat de mariage, et elle n’en peut être excluse que par une dérogation expresse à la Coûtume. La Coûtume de Paris en l’Article 247. y est formelle : la femme est düée du doüaire Coûtumier, posé que par exprés dans le Contrat de mariage il ne luy eût pas été constitué n’y octroyé aucun doüaire ; on peut sur cette question user de ce Dileme, aut cogitatum aut non cogitatum. Si c’est le premier, il faloit que la dérogation à la Coûtume fût expresse, et les heritiers qui s’en voudroient prevaloir auroient dû s’en expliquer clairement : Si au contraire on n’y a point pensé, il est sans difficulté que la Coûtume que l’on peut appeller le Contrat de mariage public, doit servir de regle.

Il faut donc que la renonciation soit exprimée en des termes si formels, qu’elle n’ait besoin d’explication : Jusques-là même que par Arrest du Parlement de Paris du 2. de Mars 1648. remarqué par Ricard sur cet Article 247. de la Coûtume de Paris ; il a été jugé qu’une femme qui n’avoit aucuns biens, ayant épousé un homme fort riche, et par le Contrat de mariage ayant été stipulé qu’elle ne pourroit rien pretendre sur les biens de son mary, tant acquis qu’à acquerir, et en consequence qu’elle prendroit quatre cens livres de rente pendant la vie de son mary, trois mille livres la derniere année, et ne laisseroit pas de prendre son doüaire aux termes de la Coûtume.

Or puisque le doüaire appartient à la femme par la disposition de la Loy seule, qu’il est dû encore bien qu’il n’ait point été stipulé, et qu’il n’y ait pas même de Contrat de mariage, il semble que la demande n’en étoit pas necessaire ; c’est par cette raison qu’on l’appelle doüaire Coûtumier. Par les Loix d’Ecosse qui ont été composées apparemment sur nôtre ancienne Coûtume, comme on le peut remarquer par certains mots, qui sont de l’ancien langage Normand, il est porté que si rationabilis dos, c’est à dire doüaire, sine nominatione certa pertatur ; cela veut aussi dire sans stipulation, certi juris est quod heres tenebitur assignare tertiam partem totius liberi tenementi quod antecessor suûs habuit in domanio tempori quo ipsam desponsavit. Leg. Scot. l. 2. c. 16. Art. 60.

La Coûtume de Paris, Article 256. est contraire à la nôtre. Doüaire Coûtumier ou Prefix saisit sans qu’il soit besoin d’en faire aucune demande en jugement, le coucher étant la seule condition que la Coûtume impose à la femme pour gagner pleinement son doüaire ; il est dû dés le moment que cette condition a été executée. Par plusieurs autres Coûtumes de la France le doüaire est dû à la femme, et elle en est saisie dés le decez de son mary sans aucune demande ny sommation precedente : Nivernois tître de Doüaire, Art. 24. Bourbonnois, Art. 250. Troyes, Art. 86.

Neanmoins nôtre Coûtume n’est pas la seule qui en ait disposé de la sorte, celle de Blois est conforme, Art. 190. et celle d’Orleans, Art. 219. Mais on demande si cet Article doit être étendu au doüaire prefix, et si les arrerages n’en seront dûs à la femme que du jour de la demande ; car regulierement les fruits et les interests ne sont dûs que du jour de la demande et de la cessation de payement. Plusieurs estiment que le doüaire prefix est une espece de constitution que le mary fait sur ses biens, et qui commence à courir de plein droit et sans interpellation dés le moment qu’il y a ouverture au doüaire.

Et de laLande , sur l’Article 219. de la Coûtume d’Orleans, témoigne qu’il l’a vû juger plus de deux fois de la sorte. Cependant cet Article étant general, il semble que l’on ne doit point faire de distinction entre le doüaire Coûtumier et le doüaire Prefix.

Pour prevenir ces difficultez, et parce qu’il pourroit arriver qu’une veuve toute occupée de la douleur oublieroit ses interests, et ne se souviendroit pas de demander son doüaire, il ne se fait gueres de Contrats de mariage où cette clause ne se trouve employée, que la femme aura son doüaire sans être obligée d’en faire aucune demande. Il n’est pas requis que cette demande soit judiciaire, il suffit d’une simple sommation ; ce qui se garde aussi à Paris, suivant un Arrest rapporté dans la Bibliotheque du Droit François, in verbo Doüaire.

Mais ne suffit-il pas que la veuve s’adresse aux heritiers, sans être obligée de faire la demande de son doüaire auxc acquereurs des biens de son mary, s’il ne reste pas assez de bien non aliené pour le remplir ? L’Arrest remarqué parTerrien , l. 2. c. 7. ne jugea pas comme Godefroy l’a écrit, qu’il ne suffit pas de s’adresser aux heritiers pour les heritages vendus durant le mariage, mais qu’il est necessaire de se pourvoir contre les acquereurs. Il fut seule-ment dit que la veuve qui demandoit son doüaire au fils de son mary, s’adresseroit à ceux qui étoient tenans des heritages et rentes, qui avoient été vendus durant le mariage ; mais cette question a été décidée, au Rapport de Mr du Val, le 13. de Decembre 1655. entre le Sieur de Poitrincour et la Dame de Poix, et il fut dit que la diligence faite contre l’heritier operoit contre l’acquereur, parce que par la Coûtume c’est assez que la femme en fasse la demande, que c’est une charge qui suit le fonds, et que l’acquereur n’a pû ignorer. Ce qui me paroîtroit rigoureux et contre la maxime de Droit, que possessor bonae fidei fructur suos fecit etiam ex alienâ re perceptos. Il n’est tenu de la restitution des fruits que du jour qu’il a été troublé, et que par consequent il a cessé d’être en bonne foy ; c’est le sentiment de du Fresne Fresne sur l’Article 110. tître du Doüaire de la Coûtume d’Amiens, que la veuve demandant le doüaire Coûtumier à l’acquereur de bonne foy des heritages de son mary, ne doit les fruits que du jour de la contestation en cause ; mais la diligence faite contre l’heritier luy donne lieu de demander personnellement à l’acquereur tous les arrerages s’il n’abandonne point le fonds, parce que c’est un droit réel, et c’est comme il faut entendre l’Arrest ; car s’il deguerpissoit, il ne seroit pas tenu de rapporter les fruits, sauf la recompense de la veuve sur les autres biens et sur les heritages de son mary.

Ce même Auteur fait difference entre le Doüaire Coûtumier, qui consiste en la joüissance d’un fonds, et le doüaire Prefix comme une rente ; car, dit-il, pour le prefix il y a l’action personnelle et hypothecaire contre les tiers detenteur, et les deux actions concurrentes ensemble sont qu’il est tenu de payer et continuer personnellement la rente, et hypothecairement tous les arrerages, ce qui n’est pas de même du doüaire Coûtumier ; comme il n’y a que l’action petitoire contre le detenteur, il n’est tenu de la restitution des fruits, que du jour de la demande ; mais en Normandie la veuve pour son doüaire Coûtumier ou Prefix, peut saisir sur le tiers detenteur, les fruits des heritages qui y sont affectez.

On a pareillement agité cette question, si la demande que la veuve a faite de son doüaire aux heritiers du mary, peut valoir de diligence pour la succession du beaupere, échûë longtemps depuis. un fils qui s’étoit marié du consentement de son pere, mourut le premier, sa veuve ayant renoncé à sa succession, demanda son doüaire, dont acte judiciaire luy fut accordé : Le pere vécut encore dix ans depuis, et l’heritier joüit pendant vingt années sans être interpellé par la veuve de luy payer son doüaire : Lorsqu’elle en forma la demande, elle representa que c’étoit assez qu’elle l’eût demandé aprés la mort de son mary, pour luy être acquis sur la succession du fils et du pere, qu’elle n’avoit qu’un seul doüaire sur l’une et l’autre succession, que la possession en étoit seulement differée aprés la mort du pere, et qu’alors il n’avoit point été necessaire de faire une nouvelle diligence, parce qu’elle ne le prenoit que sur la part qui fût échûë à son mary s’il eût été vivant au temps du decez de son pere, que son doüaire n’avoit qu’une seule cause, qui étoit son mariage, et qu’elle ne le prenoit que sur une seule succession, à sçavoir sur celle de son mary, qui fût venuë à ses enfans si elle en avoit eu.

L’heritier répondoit qu’il y avoit deux successions differentes, qu’elle avoit renoncé à l’une et accepté l’autre, que la demande faite pour l’une ne suffisoit point pour l’autre, puisque le doüaire n’est dû qu’en vertu d’une demande formelle, elle a dû faire cette interpellation à l’heritier du pere, qui étoit la partie competente, qu’il a perçû les fruits sans contredit, et qu’il en a usé comme de son bien, et cependant la restitution d’un si grand nombre d’arrerages le reduiroit à l’aumône ; qu’aprés tout elle ne pouvoit imputer cette perte qu’à sa ne-gligence : Par Arrest du 8. de Février 1628. qui est aussi rapporté parBerault , le doüaire fut ajugé avec les arrerages échûs depuis le decez du beaupere.

La Coûtume en cet Article ne fait point mention du temps auquel il y a ouverture à la demande du doüaire : Il est certain que regulierement il est dû aprés le decez du mary ; mais comme les Jurisconsultes font de deux especes de mort, l’une naturelle, l’autre civile, l’on a douté s’il y a ouverture au doüaire par la seule mort civile du mary.

En quelques cas la mort civile équipole à la mort naturelle, en quelques autres elle n’a pas tant d’étenduë et ne produit pas les mêmes effets : Dans les Contrats ce terme de mort ne s’entend ordinairement que de la mort naturelle, quand il est employé par la Loy il comprend le plus souvent l’une et l’autre ; et lorsque par la mort civile le mary souffre la perte de ses biens et qu’il devient incapable de les posseder, comme il arrive par le bannissement perpetuel, ou par la condamnation aux Galeres à perpetuité, ou par la Profession Monastique, il y a ouverture au doüaire comme par la mort naturelle ; mais si la condamnation qui emporte confiscation n’étoit jugée que par contumace, l’absent est reputé vivant, la femme n’a point d’action pour ses conventions matrimoniales, suivant les Arrests rapportez par MrLoüet , L. D. n. 36. La même maxime est gardée au Parlement de Tolose, et la dot ne fait point de retour à la femme, et la substitution n’est point ouverte quand le mary est condamné à mort par defauts, parce qu’il peut être restitué contre la contumace, et rentrer en la possession de ses biens ; Mr deCambolas , l. 1. c. 41.Mainard , l. 4. c. 56.

Par la jurisprudence du Parlement de Paris, cette espece de mort civile qui procede du mauvais ménage du mary, et qui n’est fondé que sur la separation de biens, n’équipole point à la mort naturelle, et la femme en ce cas ne peut du vivant d’iceluy pretendre doüaire, mais seulement une pension. Il est vray que Brodeau ajoûte que cela est particulier pour le doüaire ; mais pour les autres conventions matrimoniales ; quand il s’agit de la repetition d’icelles, la separation de biens qui rend le mary mort civilement, équipole à la mort naturelle ; Brodeau sur MrLoüet , L. C. n. 26. et L. D. n. 36. De la Lande sur l’Article 23. de la Coûtume d’Orleans est d’avis que le doüaire n’est acquis que par la seule mort naturelle du mary, parce que les contractans lors de la constitution du doüaire n’ont eu en vûë que ce genre de mort, nam nec humanum nec civile est tam tristem casum & adversam fortunam spectare.

Bacquet des Droits de Justice, c. 15. n. 61.

En Normandie par la separation en vertu de Lettres du Prince, ou par le decret de tous les biens du mary, ou de la meilleure partie d’iceux, il y a ouverture au doüaire, ce qui est expressément décidé par la Coûtume d’Anjou, Article 319. en cas de dissipation ou de mauvais ménage, ou que les biens du mary soient decretez, la femme peut s’opposer pour son doüaire : Celle du Mayne dit la même chose, Art. 33. Celle de Nivernois, tître de Doûaire, Art. 6. exprime plusieurs cas où le doüaire peut être demandé si le mary tombe en pauvreté par son mauvais ménage, s’il est banny, ou absent par un trop long espace de temps, ou s’il tombe en quelque inconvenient, par lequel vray-semblablement les biens soient en état de perir.

On peut alleguer pour raison de la difference de nôtre Usage avec celuy de Paris, que par la Coûtume de Paris la femme a la moitié des biens de son mary pour son doüaire, et que par consequent il n’est pas juste de luy accorder le doüaire qu’au seul cas de la mort naturelle.

Par nôtre Coûtume la femme n’ayant que le tiers, sa pension alimentaire ne pouvant être gueres moindre, on attribuë plus aisément le même effet à la mort civile qu’à la mort naturelle.

Nous nous appuyons encore sur cette consideration, que le doüaire tenant lieu de recompense à la femme à cause de la diminution qu’elle a pû souffrir en sa dot par le don mobil qu’elle a fait à son mary, étant d’ailleurs destiné pour la subsistance d’elle et de sa famille, elle est tres-favorable à le demander, pour se défendre contre la necessité et le malheur où lar la profusion et la débauche de son mary elle tomberoit ; et dans un cas si pitoyable on peut dire avec raison, que la mort civile du mary a le même effet que la naturelle, puisque par sa mauvaise conduite sa famille se trouve privée de son secours et de ses soins, de la même maniere que s’il étoit mort naturellement.

Aussi quoy que l’esprit de nôtre Coûtume ne soit pas de rendre la condition des femmes fort avantageuse, au moins elle leur conserve ce qu’elle leur accorde avec toute l’exactitude et la précaution possible, et l’on ne permet point qu’elles souffrent de dommage par la mauvaise conduite de leurs maris ; jusques-là même qu’une femme s’étant separée pour les grandes rigueurs de son mary, on ne luy accorda pas seulement son doüaire, mais aussi part aux meubles et aux acquests, comme si le mary eût été mort, si mieux n’aimoit le mary luy payer cinq cens livres annuellement, la somme de douze cens livres qui luy avoit été ajugée pour avoir des meubles, six cens cinquante livres qu’elle auroit reçûës par provision, et ce fut par cette consideration que le mary étoit un Marchand, dont la pluspart des biens consistoient en meubles : l’Arrest fut donné pour Marguerite de Caux, femme de Pierre de Rouves, au Rapport de Mr de Vigneral, le 29. de Novembre 1660. il est vray que c’est un Arrest extraordinaire ; mais on usa de cette rigueur contre le mary à cause des mauvais traitemens dont il avoit usé, et que si dés lors l’on n’avoit conservé les interests et les droits de la femme, le mary n’auroit pas manqué de l’en frustrer. Cette jurisprudence que nous observons recompense les femmes du peu d’avantage que la Coûtume leur fait dans les autres rencontres. La Coûtume de Paris paroit fort avantageuse aux femmes à cause de la communauté, mais leur condition est plus assurée dans cette Province, où leur complaisance et leur amour pour leurs maris ne leur est jamais prejudiciable. Nôtre Coûtume ne leur est pas liberale, mais elle assure et conserve leurs droits avec beaucoup de prudence et de soin ; et quelques actes qu’elles puissent faire constant leur mariage, leurs droits n’en souffrent aucune diminution, et au contraire la liberté qu’elles ont ailleurs de s’engager avec leurs maris, rend souvent inutiles tous les avantages qui leur sont accordez.

Suivant l’Art. CCCXXXIII. avenant que le mary confisque, la femme ne laisse pas d’avoir la part aux meubles et conquests que la Coûtume luy donne, et bien que la Coûtume ne se soit point expliquée pour le doüaire, il est sans difficulté que la femme n’en est point privée par la confiscation du mary. Chopin en ses Commentaires sur la Coûtume de Paris, L. 2. T. 2. n. 18. a rapporté un ancien Arrest de l’Echiquier, par lequel il fut jugé que la femme de Thomas de Gorges n’auroit point de doüaire sur les biens de son mary, quod relicta Thomae de Gorges non haberet dotem de terrae dicti Thomae. la diction dotem signifie doüaire, suivant l’ancien langage ; mais depuis que la severité des siecles passez a été moderée, l’on a fait ceder la rigueur à l’equité naturelle et civile.

Aprés avoir donné cette liberté à la femme de pouvoir demander son doüaire aprés la mort naturelle ou civile de son mary, on en conteste souvent la delivrance en plusieurs rencontres, sur tout lorsque les biens du mary sont saisis réellement et vendus par decret, sur quoy l’on agite ordinairement ces deux questions : La premiere, si elle peut avoir son doüaire en essence, ou si elle est tenuë de le prendre en deniers : Et la seconde, si elle doit contribuer au frais du decret ?

Pour la premiere, Tronçon sur l’Article 247. de la Coûtume de Paris fait cette distinction, que s’il y a des creanciers hypothecaires qui precedent le doüaire, l’opposition formée par la femme aux fins de distraire, n’empesche point l’ajudication par decret des biens du mary sujets au doüaire ; que si les creanciers sont posterieurs au Contrat de mariage, en ce cas l’ajudication se doit faire à la charge de son doüaire en essence. Brodeau sur MrLoüet , L. F. n. 24. rapporte les Arrests du Parlement de Paris qui l’ont jugé de la sorte. Voyez Loyseau Loyseau du Deguerpissement, l. 3. c. 9. n. 13. C’est encore un Usage à Paris, que quand une ajudication par decret d’un heritage sujet à doüaire Coûtumier a été faite à la requête d’un creancier precedent le Contrat de mariage, l’ajudicataire ne peut être poursuivi, supposé même que le prix entiers du decret n’ait point été consommé par les creanciers precedans le doüaire, parce qu’il n’y a rien de son fait, et que c’est la Justice qui a fait l’ordre et la disposition du prix de son ajudication par luy consignée, sauf à se pourvoir contre les creanciers posterieurs au Contrat de mariage. Brodeau sur MrLoüet , L. F. n. 24.

C’étoit autrefois un Usage, que quand les deux tiers des dettes étoient anterieures du mariage, la veuve ne prenoit son doüaire que sur les deniers pour éviter deux decrets : Nous pratiquons aujourd’huy, que quand la femme prend son doüaire en essence, elle doit payer le tiers des dettes anterieures, et bailler caution de faire payer les deux autres tiers en exemption des frais du decret, à faute dequoy elle est évincée, sauf à prendre son doüaire en ar-gent, comme il fut jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le 12. de Decembre 1668. entre la femme de Talbot et le sieur de S. Laurens. Autre Arrest entre les nommez Potier, freres creanciers de Potier leur frere aîné, contre sa veuve, du 16. de Mars 1655. Autre Arrest du 31. de Juillet 1663. entre la Dame Desaleurs et Anne Lescaley, femme separée d’avec Bertelot son mary. Ce qui est raisonnable, autrement l’on seroit souvent obligé de faire deux decrets pour un, et de saisir tout de nouveau le doüaire de la femme pour les frais du decret, lorsqu’il est entrepris pour une dette anterieure, et que la femme en a souffert la continuation sans faire offre de payer le tiers de la datte, il semble juste qu’elle y contribuë ; que s’il est poursuivi pour une dette posterieure, et qu’il n’y ait point de creanciers anterieurs opposans, soit qu’elle choisisse son doüaire en essence, ou qu’elle le prenne en deniers, elle n’est point contribuable aux frais. Un decret étant fait pour une dette posterieure au mariage, et s’étant trouvé des creanciers opposans pour dettes anterieures, qui avoient soûtenu que faute par la femme de consigner le tiers de leurs dettes et de donner caution de faire payer les deux autres tiers, elle devoit être évincée de son doüaire en essence, et en consequence la femme ayant demandé son doüaire en deniers, on pretendoit la faire contribuer aux frais du decret, par cette raison qu’elle avoit donné lieu au decret de son doüaire, faute d’avoir consigné le tiers des dettes anterieures, et donné caution des deux autres tiers. On jugea neanmoins, au Rapport de Mr Busquet, le 14. de Juillet 1668. qu’elle n’étoit point tenuë à cette contribution, puisque le decret avoit été fait pour une dette posterieure ; quelques-uns estimoient qu’en la déchargeant de contribuer aux frais des diligences, il étoit juste au moins qu’elle payât son tiers des frais de la consignation et de la taxe des Juges. Les Arestographes du Parlement de Paris rapportent un Arrest donné sur cette question, si la femme qui s’oppose pour son doüaire aux criées de l’immeuble de son mary condamné en grosses amendes, peut l’avoir en essence ? Le Receveur des Amendes pretendoit, que speciali fisci pri-vilegio, lorsque le Fisc habet partem in fundo, il peut contraindre celuy qui a part à vendre pour la commodité du Fisc, afin que Minori pretio fundus distrahatur, suivant la Loy unique, de vendit. rer. Fiscal. cum privato comm. que la veuve étoit sans interest, puisqu’on luy offroit la juste valeur de son doüaire. La veuve contestoit cette pretention, par cette raison que partem habebat in fundo ante Fiscum, que la Loy unique n’avoit lieu que quando Fiscus partem in fundo sibi vendicabat, non idem si tantum hypothecam ; Il fut dit par l’Arrest que la terre seroit venduë à la charge du droit de doüaire, pour en joüir par la veuve tant que doüaire auroit lieu ;Loüet , L. F. n. 24. On donneroit en cette Province le même avantage à la veuve, car la confiscation du mary ne diminuë point les droits de la femme, suivant l’Article CCCXXXIII.

Ce n’est pas assez d’avoir mis la femme en possession de son doüaire pour en joüir durant sa vie, on fait encore cette question, si lorsqu’elle decede avant la recolte des fruits, fructibus nondum collectis, ses heritiers doivent gagner tous les fruits de l’année, ou s’ils en auront seulement à proportion du temps qu’elle a vécu durant l’année ? Suivant le droit Civil l’heritier de l’usufruitier n’y avoit rien, lorsque les fruits étoient encore pendans par les racines au temps du decez de l’usufruitier, L. si fructuarius D. quemadmodum usufructus amittitur ; si au contraire elle decedoit incontinent aprés la recolte, elle gagnoit les fruits de toute l’année, et même les fermages, quoy que les termes n’en fussent pas encore échûs, L. defuncta D. de usufr. Il est vray qu’en cas de divorce, les fruits étoient partagez, non ex die locationis, sed habiaea ratione praecedentis temporis, quo mulier in matrimonis fuerat ; non pas du jour du bail à loüage, mais à raison du temps precedent que la femme avoit été en mariage.

Nôtre Usage n’est pas conforme à celuy du Parlement de Paris, où l’on fait difference entre les heritiers du mary qui joüissoit des biens dotaux de sa femme, et les heritiers de la doüairiere. Les heritiers de la doüairiere, lorsqu’elle decede en la saison que les fruits sont pendans par les racines, encore qu’ils soient prests à recueillir n’y ont aucune part, ils appartiennent au proprietaire ; et non seulement les heritiers n’y ont rien du tout, mais même le proprietaire n’est point tenu de rembourser les labours et semences, et cette jurisprudence est fondée sur cette distinction de l’usufruit qui appartient à quelqu’un ; ratione juris ; comme la doüairiere qui n’a cet usufruit qu’en vertu de son Contrat de mariage, et pour une cause purement lucrative, et tout ce qu’elle a perçû durant sa vie luy appartient, quand même elle decederoit incontinent aprés la recolte des fruits ; que si elle meurt avant la recolte, quoy que les fruits soient prests à recueillir, les heritiers n’y ont rien ; suivant la Loy defuncta de usufr. MrLoüet , L. F. n. 10. et les Auteurs citez parBrodeau , et de la Lande sur l’Article 210. et pour les priver encore de la recompense des labours et semences, on leur oppose cette raison, que lorsque la doüairiere avoit commencé sa joüissance ; elle avoit profité des terres qui étoient ensemencées, sans faire aucun remboursement des labours et semences, et que par consequent il n’est pas juste de leur rendre ceux qui sont faits : mais il faut remarquer que Montelon et Brodeau rapportent differemment cet Arrest ; le premier dit que le proprietaire fut déchargé de restituer les labours et semences ; et Brodeau au contraire dit qu’il fut condamné de rendre les frais et les façons des vignes.

Il n’en est pas de même à l’égard des heritiers de celuy auquel l’usufruit appartient, rationè oneris, comme le mary ou le Beneficier, dont le premier supporte les charges du mariage, et l’autre doit service à son Eglise.

Mais suivant le sentiment de Coquille sur l’Article 9. tître du Doüaire de la Coûtume de Nivernois, le doüaire ne doit pas être consideré en toutes choses comme un simple usufruit : Le doüaire est donné à la femme pour luy tenir lieu d’une honnête provision, et pour soûtenir le rang et la dignité de son mary ; or les alimens étant dûs par chaque jour, les fruits doivent être acquis à la veuve à proportion de ce qu’elle a vécu.

La Coûtume de Bretagne n’est pas si rigoureuse contre les heritiers de la doüairiere : Par l’Article 600. s’il y a doüairiere ou autre usufruitier decedé, et que les terres soient ensemencées, le proprietaire prendra ce qui sera en terre en payant et remboursant les semences en grains et labours, à l’arbitrage des Laboureurs du païs ; surquoy Mr d’Argentré dit que sa Coûtume procul exulat divisiones legales fructuum inter vivum et uxorem, L. fructus, L. divortio, D. sol. marvim. L. defuncta, D. de usufr. et constituit hanc regulam, quoties scilicet lege vel consuetudine ususfructus consolidatur proprietati vel ex doarii causa, vel ex viagio vel dissolutione matrimonii fructus qui solo inhaerent proprietario ; id est Domino soli deferri, non aliter tamen Argentré quàm refusis impensis sementis & culturae : Argent. ad D. Artic. novae consuetudinis.

Nôtre Usage est conforme au sentiment deCoquille , et nous ne faisons point de difference entre les heritiers de la doüairiere, et les heritiers du mary, pour la joüissance du bien de la femme, et nous les reputons également favorables pour leur donner une portion des fruits quoy qu’ils ne soient pas perçûs selon la proportion qui sera declarée cy-après.

Nôtre Jurisprudence peut être fondée sur cette raison, qu’en cette Province il ne se fait presque point de mariage où le mary n’ait un don mobil, qui se monte ordinairement au tiers des biens de la femme ; c’est pourquoy le doüaire n’étant pas absolument gratuit et lucratif, mais tenans lieu de recompense à la femme, il est juste que les heritiers gagnent les fruits à proportion de la joüissance de l’année. Cette question n’a pas été seulement jugée par l’Arrest du Manissier, rapporté par Berault sur l’Article 382. mais aussi par un autre Arrest donné en la Chambre de l’Edit le 2. de Juillet 1662. entre Jean Paul des Fontaines, fils d’un premier mariage, appellant, et Anne François des Fontaines intimé : l’on confirma une Sentence qui ordonnoit que les heritiers de la doüairiere auroient par provision le prorata des rentes Seigneuriales à elle baillées pour partir de son doüaire, et par l’Arrest la provision fut convertie en definitive.

Pour regler cette portion qui appartient aux heritiers de la doüairiere, nous ne suivons pas aussi la disinction établie par le Droit en Loy defuncta de usufr, Mat. D. des fruits pendans par les racines, et des fruits qui ont été perçûs au temps de la mort. Nôtre Coûtume a étably une autre regle en l’Article CCCCCV. à sçavoir qu’aprés le jour de S. Jean, les fruits, grains, et foins, sont reputez meubles ; et les pommes et raisins aprés le premier jour de Septembre : Suivant cette regle, lors que la doüairiere décede aprés la saint Jean, les heritiers ont les fruits, grains, et foin ; si elle meurt aprés le premier jour de Septembre, ils ont aussi les pommes et raisins, ce qui ne se pratique pas seulement lors que la veuve joüit par ses mains des heritages affectez à son doüaire ; mais aussi lors qu’elle les a baillez à ferme, nonobstant l’Article CCCCCX, par lequel les deniers des fermages sont censez meubles, du jour que les fruits sont perçûs ; car cet Article n’a lieu qu’entre divers heritiers, et non point pour la doüairiere, laquelle lors que son fermier joüit, est reputée joüir elle même par ses mains.

Que si la doüairiere meurt avant la S. Jean, ses heritiers n’ont part aux fruits qu’à proportion du temps que la joüissance a duré, et parce qu’il y auroit de la difficulté à regler cette proportion du temps dans l’incertitude du jour que l’on feroit commencer l’année de la joüissance, pour éviter cet embarras, et cette confusion où les interpretes du droit sont tombez en expliquant la Loy Divortio solut, mavr. on a fait commencer le temps de la joüissance au premier jour de l’année, suivant l’Arrest donné entre les heritiers du sieur Bigtas et sa veuve, que je rapporteray sur l’Article CCCLXXXII.

Lors qu’il y a ouverture au doüaire par la mort naturelle, il reste encore cette difficulté ; sçavoir quelle part la femme peut avoir aux fruits, lors que le mary meurt avant la S. Jean ? Il a été jugé en l’Audience de la Grand-Chambre l’an 1667. entre Michel de ROncherolles, Marquis de Maineville, Claude de Bigars et Demoiselle Catherine de Launey, veuve du sieur de Bigars, que le doüaire courroit de die in diem, et que la veuve autoir le prorata des levées et du revenu de son défunt mary ; et pour regler ce prorata, l’on fait commencer l’année au premier de Janvier, suivant l’Arrest donné entre les mêmes parties le 17. de Juillet 1664. que je remarqueray sur l’Article CCCLXXXII. par lequel il fût jugé que l’heritier du mary mort avant la S. Jean, auroit part aux fruits et aux revenus de la femme, à proportion de l’année que l’on feroit commencer au premier de Janvier ; et quand le mary décederoit aprés la saint Jean, quoy que les fruits soient ameublis, suivant l’Article CCCCCV. la femme ne laisseroit pas d’avoir son doüaire à proportion de l’année.

En consequence de cet Arrest qui ne donne le doüaire que quand il a été demandé, on a revoqué en doute si les interests des deniers dotaux étoient dûs lors qu’ils n’étoient point stipulez, et qu’ils n’avoient point été demandez. Par l’ancien Droit on faisoit difference entre la demande des interests faite par le mary, et la demande faite par la femme : Nec enim ut actio ex stipulaty de dote ex parte mulieriae, est bonae fides, ita ex parte viri, quinimo ex parte ejus stricta est : ut in striaetis judiciis usurae non veniunt, nisi sint in stipulationem deductae, l. 3. c. de usur, et même pour la dot, jure veteri non debentur usurae marito sine stipulatione, l. 2. c. de dot. Justinien promis.Cujac . Consule. 16. Mais enfin, Justinien abolit cette ridicule subtilité du Droit ancien, car puis que le mary supporte les frais du mariage, et qu’il fournit les alimens à la femme, cette demande d’interest des deniers dotaux est beaucoup plus favorable de sa part que de celle de la femme ; et c’est pourquoy par le §. praeterea l. ult. C. de jure dot. etiàm marito dotis promissae usurae debentur ipso jure post biennium. Autrefois en cette Province on avoit de la peine à juger cette condamnation d’interests, quoy que dûs legitimement, par la faveur, la nature et la qualité de la dette, du jour de la celebration du mariage, quia sustinet onera matrimonii l. si quis pro uxor. §. 1. de donat. inter vir. & uxor. Cela fût premierement jugé pour le sieur Desmeres d’Auvers, quoy qu’il y eût une clause fort défavorable dans le COntrat de mariage ; et depuis on a jugé la même chose sur l’appel d’une Sentence qui en avoit refusé le Gendre, la Sentence, fût cassée, et le pere de la femme condamnée aux interests du jour du terme Justinien échû ; car on ne donne point le biennium accordé par Justinien, plaidans Heusé et Heroüet, le 28. de Septembre 1652. en la Chambre des Vacations ; et le 23. de Juin 1632. en la Chambre de l’Edit on avoit jugé le contraire. Henry le Roux sieur de la Haye, contesta à Jacob de Guilbert, sieur de la Riviere Séqueville, l’interest de la Dot, qui ne fût jugé que du jour de la demande ; en se fondoit sur la l. 22. D. de donat. Mais cette Loy ne parle pas de la Dot, et à l’égard du mary, ce n’est pas une donation ; car la Dot luy étant promise pour supporter les frais du mariage, les interests en doivent courir de ce jour là, et l’on ne doute plus de cette maxime.

Que si les interests de la Dot promise au mary luy sont dûs naturellemment et sans interpellation, ils ne sont pas moins legitimement acquis à la femme, et même à ses heritiers, quand ils ont été reçûs par le mary, quoy qu’il n’y en eût pas de consignation actuelle ou de remploy suivant les Loix que j’ay rapportées cy-dessus, la demande de la femme étoit encore plus favorable que celle du mary, et c’est une maxime certaine à Paris ; et pour montrer Saumaise combien cette demande d’interests de la part de la femme est legitime, Saumaise a remarqué que les Acheriens donnoient le nom d’aliment à cet interest, que les maris étoient tenus de payer à leurs femmes tandis qu’ils retenoient leur dot en leurs mains, MOTGREC vocabant illam usuram quae dimissis uxoribus ex dote quam non redderet maritus ad earum alimentum praestabat de modo usur. c. 4. ce qui n’a pas lieu seulement pour la femme, mais aussi pour les heritiers, comme il fût jugé en cette espece. Zacharie le Blanc joüissoit à droit de viduité de quarante livres de rente, le debiteur étant décedé, il s’opposa pour les arrerages : Et Dalençon, sieur de Mireville pour le principal : Le Blanc en vertu de la procuration du sieur de Mireville reçût le principal, qui demeura en ses mains ; aprés sa mort ses heritiers furent poursuivis pour les arrerages : ils s’en défendirent, et remontrerent que l’on ne peut considerer cette rente comme dotale, que le Blanc n’en avoit pas reçû le rachat comme mary, mais comme Procureur du proprietaire ; que la faveur de la Dot cessoit en la personne des heritiers qui avoient dû former leur action pour repeter le principal de cette vente, dont on n’avoit point fait de constitution depuis ledit rachat, qu’il est bien vray que quand le mary reçoit constant le mariage le rachat des rentes appartenantes à sa femme, elles sont reputées consignées, mais ce rachat avoit été fait aprés la mort de la femme, et par consequent c’estoit une somme mobiliaire et non dotale, qui ne pouvoit produire d’interest sans stipulation : Par Sentence les heritiers du mary furent condamnez, et sur l’appel elle fut confirmée par Arrest en la Cour de l’Edit le 11. de Decembre 1641. plaidans Aleaume, Laloüel et Moy.

Par cet Article la femme n’a doüaire que du jour qu’il est demandé, que si par son Contrat de mariage elle avoit renoncé à prendre doüaire, cette renonciation seroit valable, ce qui a été jugé par Arrest du 8. de Decembre 1656. plaidans Hurard et Maunourry.


CCCLXIX.

Femme quand a doüaire sur les biens du pere et ayeul de son mary.

Si le pere ou ayeul du mary ont consenty le mariage, ou s’ils y ont été presens, la femme aura doüaire sur leur succession, bien qu’elle échée depuis le decez de son mary, pour telle part et portion qui luy en eust pû appartenir si elle fust avenuë de son vivant : et ne pourra avoir doüaire sur les biens que le pere ; la mere, ou ayeul, auroient acquis, ou qui leur seroit échû depuis le decez du mary.

Puisque suivant l’Article CCCLXVII. le doüaire consiste en l’usufruit des choses immeubles, dont le mary est saisi lors des épousailles, et de ce qui luy est échû constant le maria-ge en ligne directe ; il semble que la veuve du fils ne peut pretendre aucun doüaire sur les biens du pere de son mary, quand le mary predecede son pere, parce qu’il n’en étoit pas saisi lors de leurs épousailles, et qu’étant mort le premier, il ne luy est rien échû en ligne directe.

Mais comme le plus souvent ce sont des enfans de famille qui s’engagent dans le mariage, et que le doüaire de leurs femmes auroit été fort mediocre leurs maris décedans avant leurs peres, s’il ne leur eût été dû que sur les iens dont ils étoient saisis au temps de leurs mariages. La Coûtume en faveur du doüaire fait en cet Article une exception à cette Loy gene-rale, qu’elle avoit établie par l’Article CCCLXVII. les femmes qui épousent des enfans de famille, considerant principalement l’esperance de la succession des peres, il n’eût pas été raisonnable qu’elles eussent été privées de leur doüaire, quand il arrive que la mort trouble l’ordre de la nature.

On a prevenu cet inconvenient par cet Article qui donne doüaire sur la succession du pere et de l’ayeul du mary, quoy qu’elle arrive depuis sa mort, pour telle part et portion qui eût dû luy appartenir si elle fût échuë de son vivant ; elle ne fait toutefois cette grave que sous cette condition fort legitime, que le pere ou l’ayeul du mary ayent consenty au mariage, ce qui marque le soin particulier que la Coûtume a eu de retenir les enfans dans le respect et dans l’obeïssance envers leurs peres et meres, en privant leurs femmes et leurs enfans, et du doüaire et de leur legitime, quand ils se sont mariez sans leur consentement ; et cette peine leur est justement imposée, n’étant pas supportable qu’aprés avoir méprisé l’autorité d’un pere et étre entrée dans sa famille sans son aveu, elle profite de son bien, et soit recompensée de la subornation qu’elle a commise.

Cet Article est en usage depuis long-temps en cette Province : Lithleton le rapporte en cette maniere, Douvoment ex assensu patris est lou pere est saisi de tenement en feu, et son fils est heritier partie quand il est épousé, et douve sa femme à l’huis du moutier de parcel des terres ou tenemens, et son pere de assent et assigne la quantité et les parcels, en ce cas aprés la mort de le fils la femme entrera en même le parcel sans autre assignement. Lithl. l. 1. c. 5. et par les Loix d’Ecosse, l. 2. c. 16. art. 70. quand le mariage a été fait du consentement du pere, et le fils predecede, le pere est tenu de garnier le doüaire.

Plusieurs autres Coûtumes de France ont pareillement pourvû aux femmes qui épousent des enfans de famille, en charngeant d’un demy doüaire les peres et meres qui ont consenty aux mariages de leurs enfans, et qui leur survivent ; Anjou, Article 303. Mayne, Art. 347.

Poitou, Article 260.

Que si les femmes souffrent ce juste châtiment pour n’avoir pas gardé les regles de l’honneur et de la bien-seance, que ne meritent point les enfans qui manquent à ce devoir, où toutes les Loix divines et humaines les obligent si étroitement ? et bien que cette obeïssance soit dûë sans exception, et que les enfans ne puissent s’en dispenser que pour des causes tres-importantes, elle est requise principalement lorsqu’il s’agit de leur mariage ; car outre que l’affection et la sagesse des peres fait presumer que leur choix est plus sortable et plus judicieux que celuy d’une jeunesse aveugle et emportée, le mariage qui est la source et l’origine des familles, et le prejudice et l’infamie que produit une alliance honteuse et inégale, ne se terminant pas à la seule personne de celuy qui s’y est engagé, mais se répandant en quelque sorte sur toute sa famille, passant même jusqu’à la posterité ; il est tresjuste qu’un fils ne puisse pas se marier sans le consentement de son pere, et l’approbation de sa famille.

Toute l’antiquité, tant sacrée que profane, confirme que le consentement des peres étoit requis et necessaire pour la validité du mariage des enfans de famille. Cette obligation et ce devoir est fondé sur l’autorité des Loix divines, naturelles et humaines, et sur l’exemple de toutes les Nations qui ont suivi les regles de l’honnêteté publique. Ce n’a été que dans les derniers siecles de tenebres et d’ignorance que l’on a commencé d’établir une doctrine contraire, et que l’autorité paternelle a été méprisée jusqu’à ce point, que les enfans n’étoient plus obligez de requerir le consentement de leurs peres, que par bien-seance.

On impute aux Docteurs Canonistes l’ateration de l’ancienne discipline ; ils ont été de trois opinions differentes ; suivant la premiere opinion le droit Canonique est conforme au droit Civil, et ceux qui le soûtiennent enseignent que par toutes les autoritez du droit Canonique, qui parlent du consentement des peres, il est requis de necessité et non point par la seule raison de l’honnêteté et de la bien-seance : les autres ne considerent l’omission de ce devoir que comme un acte de simple desobeïssance, l’approbation des peres n’étant requise que par la seule raison de l’honnêteté, et non pas comme une condition necessaire pour la validité du mariage. La troisiéme opinion qui tient le milieu entre les deux precedentes, fait distinction entre le droit ancien et nouveau, c’est à dire entre le Decret et les Decretales, et suivant le premier le consentement des peres est absolument requis, et suivant le dernier il n’est point necessaire : Enfin quelques-uns tiennent que nonobstant le defaut de consentement le mariage devient indissoluble si les choses en sont plus entieres, et que la consomma-tion se soit ensuivie.

Pour montrer, suivant la premierre opinion, que les anciens Canons sont conformes au droit Evariste Civil, on cite le Decret du Pape Evariste que Gratian même a inseré dans son REcueil 30. q. 5.

Aliter legitimum non sit connubium, nisi ab his qui super ipsam foeminam dominationem habere videntur, et à quibus custoditur, uxor peratur, et à parentibus et propinquioribus uxor desponsetur.

Par un Canon d’un Concile de Carthage, il est ordonné que sponsum & sponsam cum sint benedicendi à Sacerdote, à parentibus vel paranymphis offerri jubet Sacerdoti : Et le PapeLeon , c. 32. q. 2. dit que paterno arbitrio junctae viris carent culpâ. Et Gratian exposant ce passage ajoûte, eum ergo dicitur paterno arbitrio junctae viris, datur intelligi quod paternus consensus desideratur in nuptiis nec sine eo legitimae habeantur nuptiae. Et pour confirmier ce q’il dit, il cite S. Ambroise : Honorantur parentes Rebeccae munaeribus, consulitur puellae non de sponsalibus, illa enim ju-dicium expectat parentûm : non est enim virginalis pudoris eligere maritum, sed jam desponsata viro de profectionis consulitur die, &c.

Et parce que l’on pretend que ces anciens Canons ont été corrigez par des Constitutions posterieures des Papes, plusieurs celebres Jurisconsultes ont entrepris de montrer qu’elles ne sont point contraires à l’ancienne discipline, pourvû qu’on les entende dans leur veritable sens. Le Decret du PapeNicolas , rapporté dans la Cause 27. q. 2. a servy de pretexte pour renverser l’autorité paternelle. Mr de Marca dans sa Dissertation du mariage l’a crû de la sorte.

Il y a six cens ans, dit-il, que l’autorité du Pape Nicolas mal comprise commença à donner lieu à ce relâchement de discipline, à faire recevoir l’opinion qui n’invalidoit point les mariages clandestins ; car répondant aux demandes des Bulgariens, aprés avoir exposé l’ordre de la solennité des nopces pratiquées en l’Eglise d’Occident, sçavoir le consentement des parties, celuy de leurs peres, la Benediction du Prêtre, les arrhes, l’anneau, la dot, l’écriture, les oblations et le voile : il ajoûte sur la fin, peccatum autem esse, si haec cuncta in nuptiali foedere non interveniant non dicimus. D’où l’on a conclu que le Pape ne mettoit pas le consentement des peres ny la Benediction du Prêtre pour des conditions necessaires.

Duaren en son Commentaire sur le tître Sol. Matrim. avoit aussi expliqué les paroles de ce Decret du PapeNicolas , de cette maniere, solus sufficiat secundùm leges consensus eorum, de quorum conjunctione agitur, qui aeolus si defuerit, caetera etiam cum ipso celebrata frustrantur. Sur quoy que Duaren dit que ce mot solus est ajoûté pour exclure le coucher, et non le consentement des autres personnes. Multum enim interest an dicamus sufficere solum consensum eorum, &c. An vero sufficere consensum eorum tantum de quorum conjunctione agitur. Car encore que le Pape Nicolas ne fasse pas mention du consentement des parens, il est clair toutefois qu’il faut entendre ces paroles de la sorte ; la raison est qu’il ne s’agissoit pas de la qualité des personnes, et l’on ne proposoit pas que celuy qui vouloit contracter mariage fût enfant de famille ; la question étoit seulement de sçavoir, si outre le consentement des parties le coucher et la consommation étoient necessaires ? sur quoy le Pape répond, que le consentement suffit.

C’est aussi comme il faut entendre la réponse du PapeInnocent . C. tuae de sponsal. et matr.

On le consultoit pour sçavoir quelles paroles faisoient le mariage, et il répond matrimonium contrahi per legitimum viri et mulieros consensum. Or comme il ne s’agissoit point de la qualité des personnes, et que peut-être les parties contractantes n’étoient plus sous la puissance de leurs peres, ou qu’il pouvoit être encore qu’ils ne s’opposoient point au mariage, il eût été hors de propos de faire mention dans ce Rescrit du consentement des peres.

Le Rescrit du PapeLucius , Cap. cum causam de Rapt. aux Decretales, fait beaucoup plus de difficulté ; ce Pape étoit consulté sur ce fait. Un certain Chevalier avoit épousé une femme contre le gré de ses parens, et le mariage avoit été consommé ; mais depuis cette femme étant entrée dans un Monastere vouloit se separer, pretendant avoir été ravie par ce Chevalier ; sur quoy le Pape répond eam non posse viri consortium declinare, quia raptor dici non debet cum hahuerit mulieris assensum, licet parentes reclamarent, à quibus dicitur eam rapuisse. Mais, ditDua -ren, la dissolution de ce mariage parut rigoureuse au PapeLucius , à cause de la consommation qui s’étoit ensuivie, et c’est pourquoy l’on ne doit pas en inferer qu’il ait en dessein d’a-broger tous les anciens Canons, mais seulement d’y corriger et changer quelque chose : voulant que leur autorité demeurât entiere, lorsqu’il n’y avoit point eu de consommation ; cet Auteur neanmoins ne peut approuver cette Constitution.

Maître GentianHeruet , Docteur de Sorbonne, dans cette belle Harangue qu’il composa par l’ordre de Henry Il. pour prononcer en l’Assemblée de Trente, prouve par l’ancien et par le nouveau Testament, et par le droit Civil et Canonique, que le consentement des peres est necessaire, et que le mariage des enfans de famille n’est legitime ny valable, s’il a été contracté sans l’approbation de leurs peres, et il soûtient, comme ont faitDuaren ,Connan , etOldendorpius , que quelques favorables que paroissent pour l’opinion contraire les Constitutions des PapesNicolas , Innocent etLucius , elles n’abrogent point les anciens Canons.

Mais nonobstant les raisonnemens et les autoritez rapportées par ces sçavans hommes, le Concile de Trente a décidé le contraire ; il anathemarise ceux qui disent que les mariages des enfans de famille contractez sans le consentement de leurs peres sont nuls, Sess. 24. c. 1. de matr. dubitandum non est clandestina matrimonia libero contrahentium consensu facta rata et vera esse matrimonia.

Le Roy Henry Il. ne pouvant approuver ce decret du Concile, pour empescher les abus et les desordres qui en pouvoient naître, et pour conserver l’autorité des peres et assurer le repos et l’honneur des familles, fit une Ordonnance en l’année 1556. par laquelle les enfans de famille qui contractent des mariages clandestins contre le consentement de leurs peres et meres, peuvent pour une telle irreverence et ingratitude être exheredez par leurs peres et meres, et chacun d’eux exclus de leurs successions. Il est vray que cette même Ordonnance exempte de cette peine les mariages contractez par les fils qui excedent trente ans, et les filles ayant vingt-cinq ans passez et accomplis.

L’Empereur Charles-Quint n’approuvant pas aussi ce Decret du Concile de Trente, publia une Loy pour les Païs-Bas, par laquelle il punissoit par de certaines peines les enfans de famille qui contractoient mariage sans le consentement de leurs peres et meres ; et par l’Ar-ticle 40. de l’Ordonnance de Blois, il est porté que les Ordonnances faites encontre les enfans contractans mariage sans le consentement de leur peres, meres, tuteurs et curateurs, seront gardées.

L’Ordonnance du mois de Janvier 1629. étoit encore plus rigoureuse ; l’Article 29. contient que l’Ordonnance de Blois touchant les mariages clandestins sera exactement observée, et y ajoûtant que le Roy vouloit que tous mariages contractez contre ladite Ordonnance fussent declarez non valablement contractez ; et par l’Article 169. le Roy desirant conserver l’autorité des peres sur leurs enfans, l’honneur et la liberté des mariages, et la reverence dûë à un si saint Sacrement, et empescher qu’à l’avenir plusieurs personnes de qualité ne soient alliées de personnes indignes et de moeurs dissemblables, il renouvelle les Ordonnances pour la punition du crime de Rapt, et ajoûtant à icelles il veut que ceux qui commettront Rapt et enlevement de veuves, fils et filles étant sous la puissance des peres, meres, tuteurs et parens, ou qui entreprendront de les suborner pourles marier, &c.

Enfin l’Ordonnance de l’an 1639. a presque entierement rétably le droit de la puissance paternelle ; car par l’Article 2. elle dispose que le contenu en l’Edit de l’an 1556. et les Articles 40. 41. 42. et 43. de l’Ordonnance de Blois seront observez ; et elle y ajoûte que la peine de Rapt demeure encouruë, nonobstant les consentemens qui pourroient intervenir par aprés de la part des parties ariées, tuteurs et curateurs : elle declare aussi les veuves, fils et filles moindres de vingt-cinq ans, qui auront contracté mariage contre la teneur desdites Ordonnances, privez et dechûs par leur seul fait, ensemble les enfans qui en naîtront et leurs hoirs, indignes et incapables à jamais des successions de leurs peres, meres, ayeuls et ayeules, et de toutes autres directes et collaterales : et comme les causes de mariage sont fort ordinaires, plusieurs questions ont été mûës en explication de ces Ordon-nances.

Quoy que celle de Henry Il. ne soûtint par entierement l’autorité paternelle, elle déplut neanmoins à beaucoup de gens pour des raisons differentes. D’un côté ceux qui suivoient la décision du Concile de Trente, ne pouvoient souffrir que l’on punît si rigoureusement les enfans qui s’étoient mariez contre la volonté de leurs peres, puisque ces mariages étoient reputez valables : si l’Ordonnance les faisoit subsister, et reputoit legitimes les enfans issus de ces conjonctions, il n’étoit pas raisonnable de leur imposer aucun châtiment, et l’on pouvoit appli-Tertullien quer à cette Ordonnance ce que Terrullien avoit dit de la Loy qui fut faite contre les Chrétiens, ô sententiam necessitate confusam, parcit et saevit, dissimulat et animadvertit ; et c’est pourquoy pour la décrier on publia que l’interest public n’en étoit que le pretexte, et qu’elle n’avoit été faite que par l’autorité d’un Favori, pour empescher le mariage de son fils qu’il n’approuvoit point. D’autre part l’on trouvoit étrange que l’on se fût si fort relâché de l’ancienne discipline, et que l’on reputât legitimes des mariages que l’ancienne Eglise avoit con-siderez comme des concubinages : sur tout l’on ne pouvoit approuvez que les enfans pûssent secoüer le joug de l’autorité paternelle, et sans autre peine que celle de l’exheredation, qui n’étoit pas proportionnée à l’offense, et que même aprés un certain âge ils pûssent impunément violer le respect qu’ils devoient à leurs peres.

Mais il est aisé de justifier la conduite et la prudence du Roy Henry Il. car voyant que les remontrances faites par ses Ambassadeurs pour la conservation de la puissance paternelle demeuroient sans effet, et ne voulant pas neanmoins toucher aux décisions du Concile, il usa de toute son autorité pour empescher les abus et maintenir l’honnêteté publique : ainsi ne pouvant pas declarer nuls et invalides les mariages contractez par les enfans de famille contre la volonté de leurs peres, puisque le Concile les avoit approuvez, pour retenir les enfans dans le respect, il donna le pouvoir aux peres de les exhereder, lorsqu’ils venoient à manquer à leur devoir.

Il est vray qu’à l’égard du mariage cette Ordonnance n’engage pas les enfans dans la necessité d’une obeïssance perpetuelle et inviolable ; mais alors on crût faire beaucoup en faveur des peres de les rendre maîtres de leurs enfans jusqu’à l’âge de trente ans pour les fils, et de vingt-cinq pour les filles : car à dire le vray, si la puissance des peres est fondée sur le droit naturel et divin, il semble que les années ne peuvent être un moyen legitime pour dispenser les enfans du respect et de la deference qu’ils doivent avoir pour les sentimens de leurs peres, sur tout lorsqu’il s’agit de leurs mariages, parce que faisant partie de la famille de leurs peres, ils n’y doivent introduire que des objets qui leur soient agreables ; et comme ils peuvent succeder à leur succession et à leurs biens, il leur doit être défendu perpetuellement de leur donner des heritiers contre leur volonté : Aussi les Patriarches qui ne se conduisoient que par la Loy de la nature, n’étoient pas moins obeïssans aprés cet âge qu’ils l’étoient auparavant ; et l’on apprend par leurs exemples qui sont si dignes d’imitations, que dans un âge beaucoup plus avancé que celuy de trente ans, ils laisserent le soin à leurs peres de leur choisir des femmes : le profane Esaü fut le seul qui viola cette regle, et si son pere ne separa point les mariages qu’il avoit contractez sans son aveu, ce fut par un excez de tendresse qu’il avoit pour luy, comme étant son fils aîné.

Moïse La Loy qui fut depuis publiée par Moïse étoit encore plus favorable aux peres, car sans faire aucune distinction d’âge, les peres avoient le pouvoir de dissoudre ou de confirmer le mariage de leurs fils ou filles, Exode 22. 117. ce qui étoit pareillement observé chez les Romains, où la puissance des peres sur les enfans ne finissoit que par leur mort ; et tant s’en faut que leurs enfans en quelque âge qu’ils fussent pûssent contracter mariage contre leur volonté, qu’au contraire ils pouvoient reprendre leurs fils et les ôter à leurs femmes, et leurs filles à leurs maris, ausquels ils les avoient données.

O indignum facinus adolescentes optimos, Bene convenientes, concordes cum viris Repentè vidas faciet spurcitia patris.

Et dans Ennius une fille se plaint de son pere en ces termes.

Injuriâ abs te afficior indignâ, pater ; Nam si improbum Chresphontem existimaveras, Cur me huic locabas nuptiis, sin est probus Cur talem invitum invitam cogis linquere ?

a quoy le pere répond.

Nullâ te indignâ, Nata, afficio injuriâ, Si probus est bene locavi ; sin autem est improbus Divortii te liberabo incommodis.

Et Ulpian dans la l. 32. §. 19. de Donat. inter vir. & uxor. si socer nurui ; vel duo consoceri invitis filiis nuntium remiserint, donatio erit irrita, quamvis concordantibus viro & uxore, secundùm rescriptum Imperatoris nostri cum patre comprobatum est ; sed quoad ipsos inter quos donatio facta est finitum est matrimonium. Ce qui nous apprend qu’avant que les Empereurs eussent changé cette Jurisprudence, il étoit au pouvoir des peres de dissoudre les mariages de leurs enfans, bien qu’ils eussent été contractez par leur autorité.

Il est vray que par l’émancipation le fils devenoit le maître de ses actions, parce que le pere s’étoit dépoüillé volontairement de son pouvoir ; et cependant si le fils émancipé contractoit mariage avec une personne infame, le pere rentroit dans ses premiers droits, et pou-voit le punir par la peine de l’exheredation, parce que cela tournoit à la honte et au deshonneur de la famille, pertinet enim hoc ad dedecaes et infamiam familiae, dit le Jurisconsulte en Justinien la l. 3. §. si emancipatus D. de bonor. possess. cont. tab. et Justinien en la Novelle 115.

Nonobstant ces autoritez la disposition de l’Ordonnance peut être soûtenuë par la raison et par les exemples ; car cet empire absolu des peres sur leurs enfans n’est pas perpetuel en toutes choses, la nature en a limité la durée pour leurs actions morales, jusqu’à ce que les années les ayent rendus capables de se conduire et de se gouverner, et qu’ils soient en état de former une nouvelle maison, et de devenir eux-mêmes peres de familles : Ainsi les autres animaux abandonnent le soin de leurs petits lorsqu’ils les ont mis en état de se défendre et de chercher leur vie, magnus est amor bestiarum in educandis, custodiendisque eis quae procrearunt usque ad eum finem, dum possint se ipsa defendere, Cicero de Nat. Deo. l. 2. Et c’est pourquoy, Aristote suivant le sentiment d’Aristote, Politic. l. 1. c. ult. et hic. l. 5. c. 10. Il faut considerer les enfans de famille en trois temps differens ; le premier, lorsque leur jugement est encore foible et imparfait, et qu’ils ne sont point encore capables de faire un discernement solide des choses ; le second, lorsqu’ils sont d’un esprit et d’un jugement meur ; mais ils font encore partie de la maison paternelle ; et le troisiéme, lorsqu’ils ont formé une famille à part, et qu’ils sont sortis de la maison de leurs peres. Dans le premier temps toutes leurs actions dépendent de la volonté de leurs peres : AEtas prima, seu brutum pecus, Ut educetur mentis alienae indiget.

Or on ne peut, suivant l’ordre de la nature, en commettre la conduite à l’adutres qu’à ceux qui les ont mis au monde.

Durant le second temps, lorsqu’ils sont capables d’agir avec jugement, ils ont la liberté de toutes leurs actions, à la reserve de celles qui concernent, ou qui importent à l’honneur et à l’état de la famille de leurs peres et meres ; car en faisant encore partie d’icelle, il est raisonnable qu’ils y ayent de grands égards, et que les membres s’accordent avec leur chef.

Dans le troisiéme temps les enfans sont entierement les maîtres de leur conduite et de leurs actions, en conservant neanmoins toûjours le respect, l’obeïssance et la pieté qu’ils doivent à leurs peres. VideGrot . de jure Belli et Pacis, l. 2. c. 5. n. 2.

Aristote Aristote avoit apparemment emprunté cette morale des Loix deSolon , de Pirtacus et deHalicarnasse Charondas , dont Denis d’Halicarnasse a fait mention, l. 3. Antiq. Rom. Suivant ces Loix la puissance paternelle ne duroit que trois ans aprés la puberté, ou durant le temps que les enfans n’étoient point mariez, ou jusqu’à ce qu’ils fussent employez dans le rôle de ceux qui avoient atteint leur âge viril ; d’où l’on infere que lorsque les enfans de famille sont parvenus à un âge assez avancé pour se conduire avec prudence, quoy qu’en contractant mariage sans le consentement de leurs peres, ils blessent la pieté et manquent au devoir et à la gratitude où ils sont tenus envers eux ; neanmoins leurs mariages ne doivent pas être separez ny annullez : Cette espece de desobeïssance ne suffit pas pour rendre le mariage nul ; car encore que les Loix Romaines l’ordonnent de la sorte, cela n’est pas fondé sur le droit de la nature, mais sur la volonté des Legislateurs, non ex Natura est, sed ex juris Conditorum voluntate, Grotius ibid. n. 10. car autrement comme les enfans doivent le même respect à leur mere, le mariage contracté sans leur consentement seroit aussi nul ; et cependant par le même Droit Romain l’opposition ou le defaut du consentement de la part de la mere ne rend point le mariage nul, et même le fils émancipé peut se marier contre la volonté de son pere : ce que Grotius confirme aussi par l’exemple d’Esaü, dont les mariages ne furent pas annullez par son Browerus pere, ny ses enfans ne furent pas reputez illegitimes, quoy qu’il les desaprouvât extrémement, Vide Bromerum de jure Connub. apud Batav. l. 1. c. 5. n. 10. et seq.

Bien que les esprits et les corps ne naissent point égaux, et que les uns soient plus avancez que les autres, il étoit neanmoins à propos de regler un temps aprés lequel un homme étoit presumé avoir atteint sa parfaite maturité, et être devenu capable d’exercer toutes les facultez morales de la vie civile, et sur tout de contracter mariage sans une dépendance absoluë et necessaire. Plusieurs estiment que par le Droit Romain l’âge legitime et parfait étoit celuy de vingt-cinq ans : Les Interpertes de droit et la Glose ont expliqué de cette maniere ces paroles legitimae aetatis, de la l. ex duobus. D. de negot. gest. l. 1. et ult. c. de his qui jure Justinien et imp. et par la Novel. 115. c. 8. §. 11. Justinien ne permet point à un pere d’exhereder sa fille, lorsqu’elle s’est mariée aprés vingt-cinq ans, bien qu’il n’y ait point consenty.

Nos Ordonnances ont encore eu plus d’égard pour la puissance des peres, en bornant la liberté des mâles jusqu’à trente années, et celle des filles jusqu’à vingt-cinq années. Le Parlement de Paris en quelques rencontres a encore étendu plus loin le pouvoir des peres, ayant même aprés l’âge de trente ans declaré nuls les mariages des enfans de famille, lorsqu’ils avoient été contractez ou qu’on vouloit les contracter avec une personne infame ou d’une condition fort inégale, ou que le commerce de ces personnes avoit commencé par la débauche avant l’âge de vingt-cinq ans, sur tout lorsque l’on avoit passé outre au prejudice des défenses de le contracter ou de se frequenter. On en trouvera des exemples dans le Journal des Audiences du Parlement de Paris.

Le Parlement de Provence a donné un Arrest fort remarquable sur ce sujet ; car sur la requisition de Mr le Procureur General, défenses furent faites aux fils de famille majeurs de vingt-cinq ans, et jusqu’à trente, de contracter mariage sans le consentement de leurs peres à peine de nullité.

En ce Parlement l’on a jugé quelque chose de semblable. Beau Gendre étant mineur, contracta mariage avec une fille, et la celebration en fut faite dans la Chapelle d’une Commanderie voisine, en la presence de son frere aîné, qui avoit aussi signé au Contrat de ma-riage : Le pere ayant demandé la cassation de ce mariage, les mariez le soûtinrent valable, et qu’en tout cas il luy fût permis de le celebrer de nouveau, puisqu’il avoit atteint l’âge de vingt-cinq ans, sauf à son pere à user de ses droits. Par Arrest en la Chambre de la Tournelle du 5. Aoust 1662. le mariage fut declaré nul et clandestinement contracté : mais la Cour ne prononça rien sur la permission demandée par le fils de le contracter de nouveau.

On n’a point aussi approuvé les détours et les surprises dont l’on avoit usé pour engager un fils de famille dans un mariage. Me Jean le Paon n’étant âgé que de vingt-deux ans, fut allicié par une Demoiselle nommée Jeanne Potier, qui exigea de luy par écrit une promesse de l’épouser ; mais le beaupere et la mere de cette fille sçachant bien que ces promesses de mariage étoient nulles par le defaut d’âge dudit le Paon, et que l’execution en seroit empêchée par l’opposition du pere, ils surprirent de luy une seconde promesse, par laquelle il s’o-bligeoit de payer à cette fille une somme de trois mille livres, tant pour argent prêté que pour la desinteresser : neanmoins elle fit si peu de fonds sur cette promesse, que lors qu’elle se maria avec Jacques Parent, Ecuyer sieur de Bouteville, quoy qu’elle n’eût aucuns biens, elle n’osa en faire mention dans son Contrat de mariage, et depuis l’année 1655. qu’elle avoit êté faite, le sieur le Paon n’en avoit point entendu parler jusqu’à l’année 1673. que le sieur de Bouteville et sa femme le firent condamner au payement de cette obligation, par Sentence du Juge de Caudebec : ledit le Paon en ayant appellé, je remontray pour luy que les Ordonnances défendroient inutilement la subornation des enfans de famille, si les obligations que l’on exigeroit d’eux à faute d’accomplir les promesses de mariage qu’ils auroient faites sans le consentement de leurs peres, pouvoient avoir leur effet : Ce seroit un moyen fort aisé pour eluder l’Ordonnance, l’obligation étant causée pour le desinteressement de la personne à qui la promesse de mariage avoit été faite, elle ne pouvoit subsister, et d’ailleurs la cause de l’obligation étoit visiblement fausse ; car l’Appellant demeurant dans la même Paroisse où cette fille avoit son domicile, et ne l’ayant hantée que durant peu de temps, elle n’avoit pas lieu de pretendre aucun desinteressement, et pour l’argent prêté, le peu de bien de la mere et de sa fille faisoit assez connoître qu’il leur étoit impossible d’avoir prêté une somme si considerable : Le Févre le jeune répondoit pour le sieur de Bouteville et pour sa femme, que ladite Demoiselle Potier n’avoit point eu le dessein de se prevaloir de la promesse de mariage, mais qu’ayant prêté son argent à l’Appellant qui étoit majeur suivant la Coûtume et capable de contracter, il ne pouvoit sans une mauvaise foy luy refuser la restitution de l’argent qu’elle luy avoit prêté : Par Arrest, en l’Audience de la Grand-Chambre, du 24. de Janvier 1673. la Sentence fut cassée, et ledit le Paon déchargé du payement de l’obligation.

Puisque par le Droit Civil l’émancipation brisoit les chaînes des enfans de famille, et les mettoit en une pleine disposition de leurs actions, le mariage ayant le même effet parmy nous que l’émancipation, il semble raisonnable que les enfans qui deviennent en état de se remarier avant l’âge de vingt-cinq ans, ne retombent plus sous la puissance de leurs peres, mais qu’on leur doit laisser la liberté de choisir une personne qui leur soit agreable, sans faire aucune distinction entre les fils et les filles ; la raison est que la puissance paternelle ayant cessé par le mariage, ne peut plus revivre ; non solet enim jus semel extinctum reviviscere, l. 66. §. 1. de leg. 2. l. 10. §. penult. D. de in rem verso, l. 98. §. 9. de solut. Sur tout la fille ayant passé de la puissance du pere en celle du mary, elle peut dire aprés la mort de son mary qu’elle a acquis deux fois sa liberté, et c’est aussi la disposition du Droit Canonique, C. ult. c. ae2. q. 2. viduae si nubere voluerint illis nubant quos propuia voluntare habere maritos voluerint, ne extra voluntate parentûm, vel suam cogantur maritos accipere.

Au contraire le Droit Romain qui a eu toûjours plus d’égard à ce qui étoit honnête qu’à ce qui pouvoit être permis, et qui conserve en toutes choses l’interest des peres, ne faisoit point finir la puissance paternelle par le mariage des enfans : la seule émancipation les mettoit en une pleine ilberté, et neanmoins les filles émancipées devenant veuves avant l’âge de vingt-cinq ans, retomboient dans l’obligation et la necessité de requerir le consentement de leurs peres. Viduae intra vigessimum quintum annum degentes, etiam si emancipationis libertate gandent, tamen in secundas nuptias sine patris sententia aeon conveniant, l. Viduae : l. in convictione c. de Nupt. Il est uray que la Glose et quelques Docteurs estiment que le consentement du Covarr pere n’est requis que par la raison de l’honnêteté, de honestare et non de rigore Covarru. part. 2. c. 3. §. n. 4. et ils font difference entre le conseil et le consentement ; il n’y a pas d’obligation precise à suivre le conseil que l’on donne, mais quand le consentement est requis, il y a necessité absoluë de l’obtenir : Or en la Loy Viduae ; le mot sententia se prend pour consilium : Ergo, ditBrowerus , ratione honestatis ESaeERLUETTE necessarium est ut viduae explorent consensum parentum, sed necessarium non est ex ratione legis ut exorent consensum : de jure connub. l. 1. c. 15. n. 6. et seq. Mr Cujas n’est pas de ce sentiment, et sans subtiliser sur les paroles, il resout que le fils emancipé quoy que mineur de vingt-cinq ans, peut contracter mariage contre la volonté de son pere, mais que la veuve mineure de vingt-cinq ans n’a pas cette liberté, lib. 3. c. 5. Observat.

Maître JacquesGodefroy , dans ses Notes sur le Code Theodosien, explique bien plus favorablement pour les peres les paroles de cette Loy : Viduae C. de Nupt. 5. sine patris sententiae aeconveniat, quae quidem verba contra quam nonnulli censent, naen quod honestum sit aut aeaternae reverentiae consentaneum continent, verum praecisam necessitatem important, adeoque imperativa sunt.

Les Loix Romaines avoient tant de défiance de la conduite de ces jeunes veuves, que quand elles n’avoient plus leurs peres, elles les obligeoient de requerir le consentement de leurs proches parens : Publicè, dit cette même Loy, Viduae ; consulatur affinitas, adhibeatur frequentia procerum, & sententia propinquorum.

Pour empêcher aussi que ces jeunes esprits ne fussent prevenus et subornez par ces mauvaises inductions des personnes qui approchoient d’elles, ny par des proxenetes qui se mé-loient de faire des mariages, cette même Loy ajoûte ces défenses, in oppugnationem cessent itaque sequestres et interpretes taciti renuntiique corrupti, ce qui étoit fort commun parmy les Romains ; c’est pourquoy S. Jerôme exhortant Fusia à demeurer en viduité luy donne ce conseil, cave nutrices et gerulas ESPERLUETaeE hujusmodi venenata animalia, quae de corio tuo satiari ventrem suum cupiunt, non suadent quod tibi, sed quod sibi prosit & saepe illud obgarniunt.

Sola ne perpetuâ moerens carpêre juventâ, Nec dulces natos Veneris nec praemia noris ? L’Ordonnance de l’année 1639. a passé plus avant par l’Article 2. les veuves, fils et filles moindres de vingt-cinq ans qui auront contracté mariage contre la teneur des Ordonnances sont privées et dechûës par leur fait, ensemble les enfans qui en naîtront et leurs hoirs, indignes et incapables à jamais des successions de leurs peres et meres, et ayeuls, et de routes autres directes et collaterales. Cette questin est traitée dans la 2. part. du jour des Audiences, l. 5. c. 11. et par l’Arrest il fût jugé qu’une veuve mineure de vingt-cinq ans ne peut se remarier sans le consentement de son pere.

Nos Ordonnances parlent si expressément des meres, que l’on ne peut douter que leur consentement pour le mariage de leurs enfans, ne soit également requis et necessaire comme celuy des peres, la generation étant le principe et la source de l’amour et de l’obeïssance que les enfans doivent avoir pour ceux qui les ont engendrez, les meres ont une grande part en cette obligation : il est vray qu’à l’égard du mariage des enfans, les peres y ont un interest particulier, car les enfans succedent à leur nom et font part de leur famille ; et c’est par cette raison que le fils quoy qu’émancipé pouvoit être exheredé par son pere, lors qu’il contractoit une alliance indigne, Novel. 115. c. 3. Mais le Droit Romain n’accordoit pas ce pouvoir à la mere, parce que ce deshonneur ne la touchoit pas de si prés, les enfans suivans la famille du pere et non celle de la mere, l. 196. §. 1. de verb. sign. Mais cette consideration n’exempte pas les enfans des autres devoirs de respect et de pieté ausquels la nature les assujettit envers leurs meres.

La Jurisprudence Romaine avoit fait naître cette difficulté, car la puissance maternelle y étant inconnuë, et la necessité du consentement des peres pour la validité du mariage de leurs enfans, étant un effet de la puissance paternelle, il ne paroissoit pas d’obligation de requerir la volonté des meres.

Mais cette puissance que les Loix Romaines donnoient seulement aux peres ne détruisoit point ce droit, et cette autorité que la nature établit en faveur des meres ; et quoy que le commandement des peres soit de plus grands poids et de plus grande étenduë, les enfans ne laissent pas d’être soûmis aux volontez de leurs meres, les Loix naturelles, divines et humaines les engageant également à reverer leurs peres et leurs meres ; ils y sont expressément obligez par le Droit Romain, l. 6. D. de in juss. voc. l. 1. §. 1. D. de obseq. parent. et patr. potest. l. 3. et 4. C. de patr. potest. Aussi quoy que parmy les Romains la mere ne pût pas dissoudre le mariage que son fils avoit contracté sans son consentement, neanmoins les Loix civiles ne pouvans pas détruire le droit naturel, on trouvoit mal-honnête si le pere même accordoit sa fille sans la participation de sa mere. Scipion l’Africain ayant promis en mariage sa jeune fille sans en avoir communiqué à sa femme, elle luy en témoigna du chagrin, nihil de com-muni filia secum consultabatur, non si Tiberio Graccho darte expertem consilii debuisse matrem esse,Livius . l. 38. Hist. et dans Terence in Phormione, Act. 4. Scen. 5. un pere parle en cette sorte.

Transito ad uxorem meam, ut conveniat hanc priùs quàm hic habeat, Volo ipsius quoque voluaetate hac fieri ne se ejectam praedicet.

Et dans ce même Auteur in Heautont. Une mere dit à son fils en la presence de son mary, Nate mi ego Pol dabo tibi illam lepida, quam tu facilè ames aeFiliam Phanocratae nostri.

Et Catulle remontre à une fille en ces termes ;

Virginitas non tota tua est, ex parte parentum est, Tertia pars matri data, pars data tertia patri, Tertia sola tua est, noli pugnare duobus Qui genero sua jura simul cum dote dederunt.

Une vieille fille avoit suborné un jeune homme âgé de vingt ans, et la celebration du mariage avoit été faite un Prêtre inconnû et sans proclamation de bans ; il en fut informé comme d’un Rapt, sur la plainte de la mere, par le Juge du Havre. L’affaire étant portée en l’Audience de la Tournelle, Durand pour cette pretenduë femme soûtenoit que l’autorité de la mere n’étoit pas égale à celle du pere, que ce jeune homme étant majeur, suivant la Coûtume, et n’ayant point de pere il avoit pû se marier avec l’appellante qui étoit d’une condition égale. Le Brun faisoit voir pour la mere qu’à l’égard du mariage son autorité n’étoit point moindre que celle du pere ; que cette vieille fille étoit convaincuë de Rapt et de subornation, qu’elle n’avoit aucuns biens, et que le mariage avoit été contracté clandestinement. Le fils pour lequel je plaidois reconnoissoit sa faute, et employoit le secours et les raisons de sa mere : Par Arrest du 28. de Janvier 1659. on déclara le mariage nul et non valablement contracté, et on ordonna que le Prêtre qui l’avoit celebré seroit pris et aprehendé au corps, et qu’il seroit informé des moyens dont on s’étoit servy pour parvenir à la celebration de ce mariage.

Autre Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 5. de Février 1665. entre Langlois et le Gingois, Huissier aux Requêtes du Palais, qui avoit épousé la mere dudit Langlois ; sur l’opposition de la mare et du beau-pere, il fut dit qu’avant faire droit les parens de Langlois seroient assemblez pour déliberer sur le mariage qu’il vouloit contracter, quoy qu’il soûtint qu’étant âgé de vingt et un an, il avoit la faculté de se marier à sa volonté : Plaidant Theroulde et Cloüet : Il est considerable que la Cour n’eût pas d’égard à l’opposition seule de la mere, parce qu’elle étoit remariée, et ce fut pour cette raison qu’elle ordonna que les parens seroient aussi consultez.

Il faut faire cette difference entre le pere et la mere, que le pere qui marie ses enfans n’est point obligé de prendre conseil de ses parens, la mere ne le peut sans leur en communiquer ; les Loix à cause de la foiblesse de leur sexe et de la legereté de leur esprit n’ayant pas trouvé à propos de leur donner un pouvoir si absolu qu’aux peres, le pere est le chef de la famille, et aprés son decez la mere prend sa place ; mais avec cette condition de ne rien faire que par l’avis des parens, l. 1. et 2. c. de Nupt.

On a traité cette question au Parlement de Paris, si un fils naturel et illegitime mineur pouvoit se marier sans le consentement de sa mere naturelle ; la mere se plaignoit que son fils l’avoit méprisée, et qu’elle avoit droit de s’opposer à son mariage qui luy étoit desavantageux ; que dans le droit naturel il n’y avoit point de difference entre les enfans naturels et les legitimes, les uns et les autres sortent tout d’un même sang, la nature les oblige tous à même devoir ; ce sont droits immuables dont l’on ne se peut dispenser.

Le fils soûtenoit que sa mere ne pouvoit donner atteinte à son mariage, que n’étant qu’une mere naturelle, son consentement n’étoit point necessaire ; quand les Ordonnances ont requis le consentement des peres et meres, cela s’est toûjours entendu des peres et meres legitimes, parce qu’il n’y a qu’eux qui ont leurs enfans en leur puissance, in potestate nostra sunt liberi quos ex justis nuptiis procreavimus, Inst. de Patr. Potest. Ceux qui naissent hors le mariage n’ont ny pere ny mere qui soient reconnus par la Loy. Par l’Arrest sur l’appel comme d’abus de la mere, la Cour mit les parties hors de Cour, Journ. des Aud. 2. Part. l. 4. c. 36.

La puissance des peres et meres ne doit pas être tyrannique et insurmontable, soit en forçant leurs enfans de se marier contre leur volonté, ou en refusant sans cause raisonnable leur consentement au choix que leurs enfans ont fait ; la fille neanmoins par l’ancien Droit

Romain étoit tenuë d’avoir cette déference pour les volontez de son pere, pourvû qu’il ne luy presentait point une personne indigne ou infame, tunc autem solùm dissentiendi à patre licentia filiae conceditur, si indignum moribus vel turpem sponsum pater et eligat, l. 12. §. 1. D. de sponsal.

Par le Droit Canonique dans les Tit. de sponsal. et de impuber. despons. aux Decret. les enfans sans distinction de sexe ne peuvent être forcez par leurs parens d’accepter un party qui ne leur agrée pas, ce qui est tres-raisonnable ; car les coeurs ne peuvent être forcez, et l’empire des peres ne s’étend point sur l’esprit, et l’on ne peut esperer d’avoir de l’union et de l’amour conjugal entre des personnes qui sont liées ensemble contre leur volonté ; et c’est pour-quoy Panegyris répond fort à propos à son pere,

Stultitia est, pater, venatum ducere invitas canes, Hostis est uxor quae invita ad nuptum viro datur,

Plautus , Act. 1. Scen. 2. Stich.

Les mêmes Loix qui ont si equitablement défendu que les peres ne puissent forcer leurs enfans pour le mariage, ont aussi sagement ordonné que les peres ne puissent pas par caprice ou par haine refuser leur consentement lors qu’ils en sont requis par leurs enfans ; en ce cas ils peuvent implorer le secours et l’autorité du Magistrat, qui est le pere commun des uns et des autres ; c’est la disposition de la Loy 19. D. de Ritu Nupt. qui liberos quos habent in potestate, injuria prohibuerint ducere uxores, vel nubere, vel qui dotem dare nolunt ex constitutione Divorum Severi aeSPERLUETTE Antonini ; per Praesides, Proconsules Provinciarum coguntur in matrimonium collocare.

Mais comme le respect, l’obeïssance et l’honneur des enfans envers leurs parens sont commandez si étroitement, on ne doit écouter leurs plaintes qu’avec beaucoup de circonspe-ction, et lors que les peres paroissent inexorables sans cause et sans raison, et que leurs enfans reçoivent un prejudice notable par leur opiniâtreté : La personne des peres est sainte et sacrée, et les accusations de la part des enfans sont odieuses, la Loy ne les écoute qu’avec Justinien peine et avec regret, et comme dit Justinien en sa Nov. 22. c. 24. Lex erubescit liberos castigatores parentibus statuere ; mais lorsqu’il s’agit du mariage des enfans, comme cela regarde l’interest de la Republique, l’action ne leur peut être refusée, si les sentimens des peres et des enfans ne s’accordent pas : C’est en ce cas que l’autorité paternelle doit avoir quelque moderation, silicet aliquando eaeiam contra patris voluntatem ea, quae alioqui reprehensionem non merentur, filio facere nusquam ea libertas necessaria est, tamquam in matrimonio.Quintil . declam. 25.

Il ne sera pas inutile d’examiner les causes pour lesquelles les peres peuvent refuser leur consentement aux mariages de leurs enfans ; car on apprendra par là que quand ces raisons cessent, le Magistrat aprés avoir consulté la famille peut donner la permission aux enfans de passer outre à leur mariage.

En ces rencontres l’on doit avoir toûjours de grands égards à l’opposition des peres pour maintenir et conserver leur autorité pour peu qu’il y en ait de sujet, et faire valoir leurs raisons quand elles sont apparentes ; mais comme le plus souvent les moyens d’opposition dépendent des circonstances du fait, il est assez mal-aisé d’en donner des regles generales, et la décision en doit être laissée à la prudence des Juges ; il ne faudroit recevoir ces actions de la part des enfans qu’aprés l’âge de vingt-cinq ans, si les raisons n’en sont tres-favorables.

La Loy permet à la fille de refuser le mary que son pere luy a choisi, lorsqu’il est de mauvaises moeurs, ou noté de quelque infamie, l. 12. §. 1. D. de sponsal. Un pere a beaucoup plus de raison d’empescher que ses enfans ne contractent pas mariage avec des personnes indignes. On repute une personne indigne, lors qu’on ne peut l’épouser sans honte et sans blesser l’honnêteté, comme il arriveroit si le fils de famille vouloit épouser une fille débauchée : Turpis enim & gentium moribus indigna sponsa meretrix est, l. 20. C. de Adult. l. 41. l. 43.

D. de Ritu Nupt. Et c’est pourquoy le fils emancipé pouvoit être exheredé par son pere, si ignominiosam et dedecori futuram patri duxisset, l. 3. §. 5. de bonor. poss. cont. tab. ce qui doit avoir lieu, encore même que l’on ne puisse imputer à la fille que la seule faute de s’être abandonnée à celuy qui la veut épouser, quoy que Menochius avec des excuses et des raisons d’amour ait entrepris de prouver le contraire, l. 2. cent. 4. cas. 328. Car comme dit la l. 20. C. ad l. Jul. de Aduaet. foedissima est earum pudicitia quae suum pudorem alienis libidinibus prosternunt. Les filles n’ayant rien de plus precieux que leur virginité, la chasteté doit être perpetuelle ; et quelque couleur que celle qui s’est laissée surprendre puisse donner à sa faute, on doit craindre avec raison une seconde rechûte ; de sorte qu’un pere a un juste sujet de luy refuser l’entrée dans sa famille.

L’indignité peut proceder d’une infamie de droit ou de fait ; les infames de droit sont ceux qui sont notez par quelques jugemens ; les infames de fait sont les gens de mauvaises moeurs, dont la conduite est impure et scandaleuse ; si la fille faisoit un si mauvais choix que de prendre un homme de cette qualité, l’opposition d’un pere seroit tres-raisonnable.

L’inégalité de condition, si elle étoit considerable, fourniroit encore au pere et à la mere un moyen legitime d’opposition ; car bien que le mariage soit du droit de la nature qui n’a mis aucune difference entre les hommes, et que suivant la l. humiles C. de Incest. et Inutil. Nupt. les personnes les plus qualifiées puissent épouser des femmes d’une condition vile et abjecte, toutefois cela n’a lieu que pour les personnes qui sont absolument libres ; mais quand il s’agit de forcer une pere à donner son approbation au mariage de son fils, les raisons en doivent être importantes, et il faut que la condition du fils en devienne fort avantageuse en toutes manieres.

Le peu de fortune et de biens peut encore rendre legitime l’opposition d’un pere : Il est vray que Dos est magna parentum virtus, Et meruens alterius viri Certo foedere castitas.

Et que l’honnête amour se doit regler par le merite, et non point par les richesses, ne pretio conjugium conciliatum dicatur. Argu. l. 3. D. de Donat. inter vir. & uxor. Neanmoins ces nobles et genereux sentimens ne doivent pas toûjours être écoutez, et le peu d’experience d’un jeune homme ne doit pas prevaloir sur les sages conseils d’un pere.

Aprés cela je proposeray quelques exemples considerables d’enfans de famille, ausquels l’on a permis de contracter mariage contre la volonté de leurs peres. Un jeune homme de Bernay avoit obtenu un Mandement de la Cour, pour faire juger que nonobstant l’opposition de son pere, il luy seroit permis de se marier avec une fille d’une condition et d’une fortune avantageuse ; la Cour renvoya les parties devant les parens pour en deliberer, par Arrest du 14. de Février 1645. Les parties s’appelloient Toûtain.

Autre Arrest sur ce fait : François de la Cervelle, Ecuyer sieur d’Aussay, avoir une fille sortie de son premier mariage, nommée Françoise de la Cervelle, étant âgée de vingt-cinq ans elle fut recherchée par Richard Grandin, sieur de Glatigny, fils d’un Officier d’Avranches, ce qui ne déplut pas au commencement à son pere ; mais dans la suite s’étant opposé à ce mariage, la Cour eut égard au contredit du pere, et par un premier Arrest du 12. de Février 1670. elle ordonna que durant un mois cette fille se retireroit dans un Monastere dont l’on conviendroit, afin que si elle persistoit à vouloir ce party, les pactions de mariage fussent arrêtées par trois parens paternels, et trois parens maternels : Aprés le temps expiré la fille ayant perseveré, et le pere étant demeuré inflexible aprés plusieurs remises, on permit à la fille de passer outre à la celebration de son mariage. Le pere alleguoit pour cause principale de son refus l’inégalité de condition ; car Grandin n’étoit point Gentilhomme, mais il étoit fils d’un Officier.

La cause de la Demoiselle Magdeleine Benard n’étoit pas si favorable : Jean de Boismilon fils illegitime du sieur Baron de Montenay, qui avoit neanmoins obtenu du Roy des Lettres de legitimation et d’annoblissement, étant en Garnison dans la ville de Caën, eut entrée dans la maison de Me Thomas Benard, Ecuyer sieur de Rotot, Tresorier de France à Caën : il gagna l’esprit de cette Demoiselle, et nonobstant l’opposition de son pere, elle accepta la recherche du sieur de Boismilon : Elle disoit pour sa justification que son pere en avoit aprouvé le dessein, par l’entrée qu’il luy avoit donnée dans sa maison, et par les visites familieres qu’il luy avoit permises : a quoy il fut répondu par le pere, qu’il l’avoit reçû avec civilité, parce qu’il se disoit être de la maison de Montenay, mais aussi-tost qu’il avoit découvert le defaut de sa naissance, il luy en avoit défendu l’entrée. Par un premier Arrest donné en la Chambre de la Tournelle le 20. de Decembre 1670. la Cour ordonna à la fille de se retirer chez son pere pendant dix-huit mois, et cependant défenses furent faites au sieur de Boismilon de la voir.

Ainsi quoy qu’alors elle fût âgée de vingt-cinq ans ; on ne luy permit pas de se marier contre la volonté de son pere. Mais aprés les dix-huit mois cette fille ayant persisté dans son choix, il fut permis au sieur de Boismilon de passer outre au mariage, nonobstant la resistance de son pere et de tous les parens ; plaidans le Page, Greart, Lyout le jeune, et Moy.

Voicy encore une espece singuliere où l’on n’ût point d’égard à la volonté du pere et de la mere ; ils avoient marié leur fille à l’âge de neuf ans avec un homme qui avoit plus de trentecinq ans, et ce mariage avoit été celebré sans aucune proclamation de Bans, dans une Chap-pelle qui servoit d’aide à l’Eglise de leur Paroisse. L’Oncle paternel de cette fille poursuivit la dissolution de ce mariage, comme ayant été contracté contre la disposition du Droit Civil et Canonique ; le pere et la mere justifierent la precipitation de ce mariage, par la raison de leur vieillesse et de leur infirmité, et par la crainte qu’un Gentilhomme leur voisin n’en disposast à sa discretion : Mais sur tout ils soûtenoient qu’un Oncle n’étoit pas recevable à contredire un mariage contracté par le consentement et l’autorité du pere et de la mere, que l’on devoit presumer de leur pieté naturelle, qu’ils n’avoient rien fait que pour l’avantage de leur fille ; qu’en tout cas lorsqu’elle auroit acquis ses ans de puberté, il seroit en sa liberté de refuser ce mariage, ou de l’accepter, c. 7. Extrav. de despons. impub. Aprés que les parties se furent presentées en l’Audience, la Cour remarqua un aveuglement si extraordinaire du pere et de la mere, et une precipitation si inexcusable, qu’elle déclara le mariage nul, et ordonna que suivant l’offre de l’Oncle, cette fille seroit mise à ses dépens chez un des parens : Par Arrest du 4. May 1632. Les Parties s’appelloient Galie.

Lors que les peres et meres décedent avant que leurs enfans ayent atteint l’âge de vingtcinq ans, les Ordonnances imposent encore aux mineurs de nouvlles chaînes, et il ne leur est pas permis de se marier sans l’aveu de leurs tuteurs et curateurs, et de leurs parens : Cette Loy est fondée sur leur propre interest afin qu’ils ne s’engagent pas mal à propos en des mariages inégaux et honteux, et que leur peu d’experience et la foiblesse de leur jugement ne donne pas l’occasion de les surprendre, et de faire honte à leur famille par une alliance infame.

Le Droit Romain ne donnoit des bornes à la liberté du mariage qu’en faveur des peres, et c’est pourquoy la tutelle finissant aprés la pleine puberté, il n’étoit plus necessaire de requerir le consentement de leurs tuteurs, et beaucoup moins de leurs curateurs, lors qu’aprés la tutelle finie on avoit trouvé à propos de leur en donner : cela n’avoit lieu que pour les mâles : car pour les filles étant toûjours en une perpetuelle tutelle, il ne leur étoit pas permis de se marier sans en avoir consulté leurs tuteurs. Pour le Droit Canonique il n’oblige pas même les enfans à requerir necessairement le consentement des peres : On ne doit pas s’étonner si les mineurs peuvent négliger impunément celuy de leurs tuteurs ou curateurs.

Dans toutes les Coûtumes où la majorité n’est acquise qu’aprés vingt-cinq ans accomplis, on ne doute point que pour ceux qui sont en tutelle ou curatelle, l’autorité et le consentement des tuteurs et des parens ne soit necessaire : Mais la Coûtume de Normandie déclarant les personnes majeures aprés vingt ans accomplis, et par consequent la qualité et la fonction de tuteur cessant entierement, il semble qu’il ne reste plus aucune obligation à leurs pupilles de requerir leurs suffrages, et l’Ordonnance ne doit étre entenduë que de ceux qui sont encore soûmis à l’autorité de leurs tuteurs ou curateurs.

Il est certain neanmoins qu’en Normandie comme par toute la France, les personnes étant au dessous de vingt-cinq ans sont reputées mineures, lorsqu’il s’agit de leurs mariages ; et leurs tuteurs et parens ont pouvoir de s’y opposer lors qu’ils en ont des moyens legitimes.

Il est vray qu’il y a cette difference que l’on n’oblige que fort rarement et pour de grandes considerations les pere et mere à déclarer les causes de leur refus, et que pour peu qu’elles soient apparentes on y a beaucoup d’égard et de déference ; de sorte qu’il suffit presque aux peres et meres de dire que le mariage ne leur agrée pas : Mais on ne garde pas ces mesures avec les tuteurs et parens ; leur opposition doit avoir des motifs importans, et la seule raison du peu d’avantage que le mineur y rencontre, n’est pas considerable, lors qu’ils n’alleguent rien contre la personne et qu’ils ne blâment point l’alliance et la condition : C’est la distinction et le temperament que les Arrests y ont apporté : Par Arrest du 27. de Novembre 1659. entre le Boulenger Huissier aux Requêtes du Palais, et les autres parens de Jean Basire âgé de vingt-deux ans et demy, et Marie le Clerot : La Cour mit sur l’appel comme d’abus des parens hors de Cour, leur opposition n’étant fondée sur aucune cause qui fût importante.

Au contraire l’on eut égard à l’opposition d’un Tuteur en cette espece. Michel Roussel avoit été mis en pension à Caën par Me George de Banville Lieutenant General à Vire, son Tuteur, pour y continuer ses études : aussi-tost qu’il eut vingt ans accomplis, un solliciteur de procez nommé Auber le tira de la maison où son Tuteur l’avoit placé, et luy fit signer un Contrat de mariage avec une de ses filles ; le sieur de Banville ayant appris ce qui s’étoit fait par la publication des Bans, il s’y opposa, et l’affaire étant portée en l’Audience de la Grand-Chambre, de l’Epiney, pour ledit Roussel, soûtenoit que la qualité du sieur de Banville étnt finie par la majorité de son pupille, il n’avoit plus de droit de s’opposer à son mariage, que n’ayant plus de pere ny de mere, et étant âgé de vingt ans accomplis, la Loy le laissoit à sa propre conduite, et luy donnoit la liberté de se marier, comme il le jugeroit à propos, l’âge de vingt-cinq et de trente années n’étant requis qu’en faveur des peres et meres, que l’Ordonnance qui parloit des Tuteurs et Curateurs ne pouvoit être alleguée contre luy qui n’avoit plus de Tuteur ny de Curateur, l’administration et la qualité de son Tuteur ayant cessé au moment qu’il avoit eu vingt ans accomplis, étant devenu maître de sa personne et de l’administration de son bien : Theroulde pour Auber se défendoit de la subornation qu’on luy imputoit, et soûtenoit que leur condition étoit égale, et qu’il avoit crû pouvoir contracter avec un homme qui étoit maître de ses actions : Mais je representay pour le sieur de Banville, qu’un choix aveugle et déreglé ne pouvoit être approuvé ; l’honnêteté publique et l’interest des familles doivent toûjours être considerez dans les mariages, que toutes ces choses étoient blessées par le mariage où ce jeune homme âgé seulement de vingt ans et quel-ques mois vouloit s’engager, qu’il ne s’agissoit pas de rompre un mariage parfait et consommé, mais seulement d’empescher qu’il ne fût contracté, ce qui rendoit l’opposition du sieur de Banville beaucoup plus favorable ; car les raisons qui sont soûtenuës par l’honnêteté publique et par l’interest des familles, ont bien plus de poids et font une plus forte impression dans les esprits des Juges, que lors qu’elles sont affoiblies par les plaintes d’une fille deshonorée, et par les gemissemens d’enfans que leur innocence rend dignes de compassion. Or il ne suffisoit point à ce que jeune homme pour autoriser le mauvais choix qu’on luy avoit fait faire de se prevaloir de son âge de vingt ans ; car aprés ce temps l’Ordonnance conserve encore aux Tuteurs et Curateurs une autorité legitime, pour empescher le mariage de leurs pupilles, lorsqu’il ne leur est point honnête et avantageux, et la voix de Roussel ne doit point être entenduë tandis qu’il est encore en la puissance de celuy qui l’a suborné, bien que la Coûtume de Normandie ait anticipé le terme ordinaire de la majorité ; cette liberté neanmoins n’est pas pleine et universelle, elle reçoit une restriction pour les mariages. Par l’Article CCLXI. les freres mêmes peuvent remettre le mariage de leurs soeurs pendant une année, et par l’Art. CCLXIV. lorsqu’ils ne le peuvent plus differer, c’est seulement quand il se presente une personne convenable : mais cela ne peut plus être revoqué en doute aprés l’Ordonnance de Blois, Art. 41. et 42. et celle de l’an 1639. Elles sont generales par tout le Royaume, et elles conservent et confirment par tout l’autorité des Tuteurs à l’égard des mariages : Et comme on ne pourroit pas soûtenir qu’en Normandie un fils auroit la liberté de se marier aprés vingt ans ac-acomplis, à cause qu’il est le maître de toutes ses autres actions, on peut conclure par la même raison que jusques à l’âge de vingt-cinq ans, il reste assez d’autorité au Tuteur pour empescher un mariage honteux et inégal, ce qui paroissoit au fait dont il s’agit. Roussel a l’hon-neur d’appartenir à plusieurs personnes de condition, et possede un bien considerable ; la femme qu’il veut épouser est fille d’un solliciteur de procez, accusé de concussions et de fabrication de témoins, à cause dequoy il est decreté en prise de corps : Par Arrest du 6. de Février 1671. il fut dit à bonne cause l’opposition du Tuteur et des Parens, défenses faites aux parties de s’épouser ny de se frequenter, quoy que les parties alleguassent pour se rendre favorables, que le sieur de Banville n’avoit formé cette action que pour s’exempter de rendre compte.

Aprés le decez du pere et de la mere, lorsqu’il s’agit du mariage des soeurs, l’autorité des freres majeurs ne doit point être méprisée par elles, quoy que les Loix ne les engagent pas dans une obligation si étroite de respect et de soûmission envers leurs freres ; ils peuvent intenter l’action en Rapt lors qu’elles entreprennent de se marier sans leur consentement ; mais leur opposition seule n’est pas suffisante, si la conduite des soeurs est approuvée par le reste de la famille. Jouvin avoit recherché Marie Pesnelle, soeur des sieurs Pesnelle ; sa recherche avoit été agreée par les parens ; mais depuis les freres avoient remontré aux parens qu’ils avoient sujet de ne le vouloir pas, pour n’être pas assez accommodé en ses affaires ; sur quoy les parens avoient arrêté de s’en informer. Jouvin voyant l’aversion des freres, et ayant gagné l’inclination de la soeur, l’Official de Roüen luy permit de faire proceder à la celebration de son mariage sans aucune proclamation de Bans, parce qu’aprés la celebration les parties ne consommeroient le mariage qu’aprés un Ban publié, et que la celebra-tion seroit nulle en cas qu’aprés la proclamation il se rencontrât un empeschement dirimant.

Les freres rendirent plainte en Rapt, et appellerent comme d’abus de ce qui fait avoit été par l’Official ; et Jouvin et ladite Pesnelle sa femme appellerent aussi de ce qui fait avoit été par le Lieutenant Criminel, disant qu’il n’y avoit point de Rapt aprés la demande qu’il avoit faite aux parens, et le consentement qu’ils y avoient donné ; qu’ils en étoient les seuls juges competens, et quoy que les freres eussent été d’une opinion contraire, le sentiment des autres parens étant en beaucoup plus grand nombre devoit prevaloir ; qu’il n’y avoit point d’abus, l’Evêque pouvant dispenser des Bans, et quoy que l’Ordonnance eût restreint cette liberté, ce defaut n’étoit point considerable lorsqu’il ne se rencontroit d’ailleurs aucun empeschement dirimant le mariage, que si les Bans étoient de l’essence on n’en eût jamais accordé la Dispense. Par Arrest du 8. de Juillet 1661. sur l’appel du Bailly on cassa la Sentence, et sur l’action en Rapt hors de Cour, et sur l’appel comme d’abus, il fut dit qu’il avoit été mal, nullement et abusivement procedé, entant que la Dispense des trois Bans, défenses furent faites à l’Official de donner de pareils Jugemens, et aux Curez de proceder à la celebration des mariages qu’aprés la proclamation de Bans : il étoit constant qu’il n’y avoit point de Rapt ; plaidans Bigot, le Bouvier, Theroulde, et Maurry. Il parut étrange que l’Official eût ordonné qu’aprés la celebration il seroit publié un Ban ; cependant le mariage fut confirmé, parce qu’il n’y avoit aucun empeschement dirimant, et que d’ailleurs les parens avoient donné leur consentement, et les freres n’alleguoient rien de considerable.

On jugea autrement en la Cause de l’Heureux Procureur au Bailliage de Roüen, contre sa soeur ; elle étoit recherchée par un jeune homme du Neufchâtel, et comme elle étoit âgée de vingt-trois ans, elle pretendoit avoir la liberté de se marier. Sur l’opposition du frere il fut ordonné que les parens seroient assemblez pour deliberer de ce mariage, et la pluspart ayant été d’avis que le party n’étoit point avantageux à la fille, on luy avoit fait défenses de se marier. Sur l’appel, Mannourry son Avocat soûtenoit que l’Ordonnance n’étoit qu’en faveur des peres et des meres, qu’prés vingt ans elle étoit majeure, et par consequent maîtresse de ses actions ; qu’elle n’étoit pas obligée de suivre l’avis des parens, sur tout puisqu’il n’y avoit rien à dire n’y à la condition n’y à la personne qu’elle avoit choisie. De Cahagnes, pour le frere s’aidoit des Ordonnances, qu’une fille à l’égard du mariage ne le pouvoit contracter avant l’âge de vingt-cinq ans : Par Arrest du premier de Decembre 1673. il fut dit auparavant que de faire droit, que la fille seroit mise en une maison dont les parties conviendroient, et que le jeune homme bailleroit une declaration de son bien pour être communiquée aux parens, pour ce fait et vû par la Cour être ordonné ce que de raison. On ne trouva pas à propos de permettre à une fille de cet âge-là de contracter mariage contre le voeu de toute sa parenté ; mais aussi la Cour ne jugea pas juste de s’en rapporter absolument à l’avis des parens qui pouvoient être prevenus, et qu’il étoit raifonnable d’entrer en connoissance de cause, pour sçavoir si le party étoit sortable et avantageux à la fille, ce qui est conforme à a disposition du Droit. L’opposition formée par un beau-frere ne seroit pas si considérable, comme il fut jugé en l’Audience de la Grand. Chambre le 3. de Janvier 1668. Un beau-frere fut debouté d’un Mandement qu’il avoit obtenu pour empescher le mariage de la soeur de sa temme mineure de vingt ans : le Petit, son Avocat, soûtenoit que bien qu’elle n’eûr plus son pere ny sa mère, elle ne pouvoit contracter mariage sans le consentement de ses freres avant lage de vingt-cino ans ; qu’étant bean-frere et ayant été son tuteur, il avoit qualité pour s’y opposer : De TEpiney alléguoit au contraire pour la fille, que n’ayant plus de pere py de mere, ny de tuteur, elle étoit devenuë capable de disposer de sa personne comme de ses biens ; que par l’Article CCLXI. elle peut demander mariage à ses freres, quand elle est gée de vingt ans, et le frere ne le peut differer plus d’un an, suivant l’Article CCLXIV. qu’en cette Cause il n’y avoit pas même de freres ; que c’étoit un beau-frere qui vouloit empescher le mariage de sa belle-soeur, parce qu’il étoit son heritier presomptif, n’alléguant aucune cause legitime de son opposition. Dans la question generale il ne faut pas tenir que la fille aprés ingt ans se puisse matier sans favis de ses parens à cause de la foiblesse de son fexe, et on ne la pas permis à un garçon, quoy que majeur, lorsque les parens s’y opposent avec raisons nais un beau-frere n’a pas le même droit qu’un frere, lorsqu’il n’est point assisté de parens Ayant fait voir que les enfans sont indispensablement obligez de requerir le consentement de leurs peres et meres, il s’enfuit que leur desobeissance ne doit pas être impunie ; mais on ne convient pas touchant la peine que les Loix leur imposent, ny jusqu’à quelles personnes elle doit s’étendre

a légard de la femme que le fils de famille épouse contre la volonté de son pere, elle est privée par cet Article de prendre doüaire sur le bien du pere, lorsque son fils le predecede : pour le fils, quoy que son châtiment ordinaire soit lexheredation, il est important d’examiner ce que le Droit Canonique et Civil, et nos Ordonnances, et sur tout celle de l’an 1639. ont disposé sur cette matière.

Les Constitutions des Papes et le Concile de Trente faisant subsister les mariages des ensans de famille nonobstant le defaut de consentement des peres, cette desobeissance ne leur à pas semblé digne d’aucun châtiment, et puisque le mariage ne peut être dissous, il y auroit de la contradiction à punit une action que l’on approuve et que l’on confirme C’est une grande Controverse entre les Interpretes du Droit Civil, si les enfans, fils ou filles, peuvent être exheredez par leurs peres pour cette cause seulement d’avoirt contracté nariage sans leur autorité : Quod ego, dit MrCujas , lib. 3. Obser. c. 5. sine ulla distinctione semper negavi sioe sui, sive emancioati sint, at utroque casu si se ad infamem & turpem personam auptiis contractis se applicaverint liberi justa erit exheredationis causa. Mr Cujas s’est fondé sur cette Loy du JurisconsultePaulus , l. 2. sentenc. t. 19. eorum qui in potestate patris sunt, sine voluntate ejus matrimonia jure non-contrahuntur, sed contracta non solvuntur ; contemplatio enin ublicae utilitatis commodis privatorum prafertur. Il avoué neanmoins que suivant cette Loy la urisprudence civile est fort imparfaite, censet enim uxorem injustam esse, injustos liberos, injustas nuptias, nec eas tamen dissolvit

Au contraire Hotoman dans ses Questions Illustres, Quast. 9. examinant cette proposition, on matrimonii sine auctoritate parentum contracti pena ulla constituta sit ; Il refout que non seulement injusta nuptiae dicumntur, injustique ipsi conjuges, injusti liberi ; mais aussi que ces mariages ne peuvent subsister, l. 2. D. de Ritu Nupt. on ne leur donne pas même le nom de nariage en la 1. Dotis 88. de Jure Dor. quelque constitution de dot qui ait été faite, elle n’est point valable, et la promesse de dot ne produit aucune obligation, parce qu’où il n’y a point Justinien de mariage, il ne peut y avoir de dot, l. 3. de Jure Dot. Justinien s’en est exprimé encore plus clairement dans les Instit. 5. 12. Nec vir, nec uxor, nec matrimonium, nec dos intelligitur, urquoy Vinnius dit, pena ergo communis earum injustarum conjunctionum est, quod ipso jure tales nuptiae nullae sint

Deux passages du Droit ont donné lieu à cette diversité d’opinions ; le premier est celuy du JurisconsultePaulus , dont je viens de parler ; et le second est d’Ulpian , qui conseilloit à un pere qui vouloit reprendre sa fille qui s’étoit mariée, de n’user pas rigoureusement de son autorité, l. 1. 8. fin. D. de liberis exhib. et duc. mais on oppose à l’autorité de Paulus une autre réponse du même Jurisconsulte en la l. 2. D. de Ritus Nupt. où il enseigne Nuptias jure contractas non esse, neque consistere posse, nisi confentiant omnes, id est qui coeunt, quorumque in porestate sunt. Or ce qui ne peut subsister et qui est fait contre le Droit, est sans doute nul et de nul effet ; et dans la l. 11. D. de Statu hom. il tient encore eum qui vivente, et ignorante aeparre de conjunctione filiae conceptus est, licet post mortem avi natus justum filium ei ex quo conceptus est non videri. Et l’on apprend d’Apulée que c’étoit l’usaege parmy les Romains ; Nuptiae in villa et patre non consentiente facta legitima non possunt videri, ac per hoc spurius ille nascatur. l. 6.

Pour conciller ces Loix qui paroissent contraires, quelques-uns êstiment que les paroles de Paulus dans le Livre second de ses Sentences, r. 19. peuvent être expliquées en cette manière, qu’il étoit de l’utilité publique que le pere ne pûst dissoudre le mariage de son fils, Ulpian auquel il avoiggronsenty ; et pour le passage d’Ulbian qu’il n’y est point parlé du mariage Browerus contracté conp et la volonté d’un pere. Broberus de Jure Connub. l. l. c. 7. n. 17. Si la Jurisprudence Romaine est douteuse sur ce sujet, elle ne l’est point par le Droit François. Il est permis aux peres par l’Ordonnance de Henty Il. d’exhéréder les enfans qui se sont mariez vant l’âge de vingt-cinq et de trente ans : En explication de cette Ordonnance on a douté qusques ou et sur quelles personhes on pouvoit étendre l’effet de cêtte exheredation ; il est cettain que quand elle est prononcée valiblement, le Ils exheredé ne peut en’éviter la peine, pourvû que la recondiliation ne s’en soit pas ensuivie, car elle fait cesser toutes les exheredations ; mais on demande s’il est besoin d’avoir quelque preuve par écrit, qui marque la re-conciliations I suffit, dit la Loy, si le pere offensam clémentiâ fiexit licet scriptura non provetas, aliis tamen rationibus doceri hihil impedit, l. 1. C. famil. ercisc. Neanmoins par un Ar-rest rapporté dans la seconde partie du Journal des Audiences du Parlement de Paris, l. 3. c. 18. quoy qu’un pere eût donné la Benediction à son fils qu’il avoit exheredé auparavant, il a été jugé que la Benediction feule n’étoit pas suffisante pour détruire une exheredation cite par un acte Iolennel.

III y a plus de difficulté pour sçavoir si l’exheredation prononcée contre le fils a lieu contre les petits enfans : On peut dire que l’exheredation serdit inutile et illusoire si les petits fils néritoient au sieu de leur pere, et comme le petit fils est venu du mariage qui a causé l’ex heredation, il faut qu’elle produise son effet.

Les Jutisconsultes Romains ont fait cette distinction où le fils exheredé survivoit à son pere, et en ce cas les petits fils étoient exclus de la succession de l’ayeul, que s’il predecedoit sun pete ses enfans venoient à la succession de leur ayeul, l’exheredation ne subsistant plus.

C’est la décislon de la Loy si ex patronis, ff. de bonis libert. si pater me exheredavit, avus meus patrem meum, et prior avus décesserit, ab utriusque libertis me repelli ; sed si ante pater decessisset, postea abbis, dicendùm érit nihil mihi nocere pdtris exhieredationem. La Loy si quis posthumos 8. 2. de libert. et posth. dit la même chose, et c’est l’espèce de l’Arrest rapporté parRobert , l. 2. c. 9. Mais on avoit introduit depuis une Jurisprudence plus benigne, qui n’étendoit point li peine de l’exheredation plus avant que sur la personne de l’exheredé, et soit qu’il predecedat son pere, ou qu’il le survécût, les petits enfans ont été jugez capables de succeder à leur ayeul ; il fut ainsi jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le premier d’Avril 1632. Bauche avoit exheredé son fils pour sa desobeissance, s’étant marié contre sa volonté, il confirma lette exheredation par son Testament ; neanmoins aprés la mort de son. pere Il demanda partage à ses freres, pretendant que son exheredation étoit nulle, ayant été faite cum elogio, et que d’ailleurs il s’étoit reconcilié avec son pere qu’en tout cas ses enfans étoient admissibles à cette succession, suivant l’Arrest de Hué Chaufecire, ceux de Rainbourg, de Fil-être, et autres. On répondoit pour les freres que l’exheredation étoit valable, pouvant être faite cum elogio, quand la cause en est véritable, et que pour prouver une reconciliation il faloit des entrevûës publiques dans la maison et dans la famille, et non point un commerce secret et particulier, que ses enfans n’y pouvoient venir à sa representation, quia viventis jullus est heres : Par l’Arrest on déclara l’exheredation valable, et neanmoins l’on ajugeà aux petits enfans la part qui auroit appartenu à leur pere : Voyez Chopin sur la Coûtume d’Anjou, l. 3. c. 1. qui cite plusieurs Atrests conformes Depuis ces Arrests l’Ordonnance de l’an 1639. est intervenuë, qui à rendu cette Jurisprudence incertaine ; car suivant les Articles. 2. et 3. non seulement l’exheredation s’étendoit sur celuy qui avoit contracté mariage contre l’Ordonnance, mais aussi sur les enfans qui en naîtroienti et par cette même Ordonnance le Rapt de persuasion et de subornation est puny aussi bien que le Rapt de violence, et les enfans qui naissent de tels mariages sont dechrez indignes et incapables de legitime, et de toûtes successions directes et collaterales qui leur pourroient échoir.

On à eu de la pethe à pratiquer l’Ordonnance dans la rigueur, neanmoins elle a été suivie en ce Parlement. Gaspar Fromont fut allicié à l’âge de vingt ans par le Sieur et Demoiselle Brunet, qui luy firent épouser Heleine Brunet leur fille ; le sieur de la Benardière Receveur des Tailles à Alençon, fit informer du Rapt de son fils, et par Arrest rendu par contumace en l’année 1650. le mariage fut declaré nul, et le pere et la mgre de la fille furent bannis et condamnez en de grosses amendes ; depuis le pere en fut déchargé, n’ayant pas été trouvé oupable du Rapt dont ll étoit accusé : Gaspar Fromont et Heleine Brunet se retirerent à Belesme où Ils continuerent leur hantise et leur demeure ensemble, et eurent plusieurs enfans : Gaspar Fromont aprés sa majorité presenta Requête à l’Official de Seez, contenant que doutant de la validité de la celebration de son mariage, il demandoit permission de proceder à une nouvelle celebration ; l’Official leur ayant ordonné de se separer pour quelque temps, il leur permit en suite de se marier, et leur donna Dispense des trois Bans. Depuis le sieur de la Benardière et son fils étant morts, la mere declara revoquer l’exheredation qu’elle avoit signée, protestant qu’elle n’y avoit consenty que pour complaire à son mary, à condition neanmoins que sa succession seroit partagée également, et que le fils de l’aîné n’y auroit aucun avantage : Gaspar Fromont sorty de ce mariage voulant prendre possession de la terre de Forbounois, Pierre Fromont s’y opposa, et l’affaire portée en la Cour, et par Fromont, Marie, Loüise, Heleine, Marguerite, et Magdeleine Fromont ses seurs, appellantes d’une Sentence du Juge de Belesme, par laquelle sur l’action du sieur de la Benardiere contre Heleine Brunet, défenses avoient été faites à ladite Brunet de prendre la qualité de veuve de Gaspar Fromont, et incidemment intimez, contre Pierre Fromont sieur de Mieuxé, fils puisné du sieur de la Benardiere, intimé et appellant comme d’abus de la permission accordée audit Gaspar Fromont et à ladite Brunet par l’Official de Seez, au Siege de Mortagne, de celebrer le mariage et de la Dispense des trois Bans : De Freville pour ledit Gaspar Fromont, disoit que le mariage de leur pere et mere avoit été rendu legitime, quoy qu’il eût été contracté durant leur minorité et sans le consentement de leurs parens, en consequence du consentement de la mere, qu’elle avoit declaré par son Testament, ayant aussi revoqué l’exheredation à laquelle son mary l’avoit obligée de signer, et reconnu ses petits enfans pour ses heritiers ; le pere même y avoit tacitement consenty par son silence, et quand la premiere celebration faite pendant la minorité auroit été defectueuse, le defaut en étoit effacé par la seconde celebration qui avoit été faite dans toutes les formes, dans un temps où les parties étoient majeures et hors la puissance de leurs parens, et ainsi l’on ne pouvoit douter que les Appellans ne fussent des enfans legitimes, ausquels le sieur de Mieuxé ne pouvoit contester la part qui leur appartient en la succession de leur ayeul, nonobssant l’exheredation dont la peine ne pouvoit passer jusqu’à eux, l’Ordonnance de l’an 1639. ne pouvant avoir lieu en ce cas : Du Quesne, Avocat, employoit les mêmes raisons pour les soeurs : Greard, pour le sieur de Mieuxé, soûtenoit que quand le mariage seroit legitime, les enfans sortis de cette conjonction ne pourroient rien pretendre en la succession du sieur de la Benardiere, vû l’exheredation par luy fulminée contre son fils, laquelle suivant l’Ordonnance de l’an 1639. passoit aux petits enfans : quant à la succession de la mere il est vray qu’elle avoit revoqué l’exheredation, mais elle privoit son fils ainé de tout preciput, et avoit limité le mariage des filles à cinq mille livres ; mais aprés tout c’étoit la Loy qui donnoit la succession et non pas le consentement des parents, il étoit impossible que le mariage pûst être reputé civil, la pernission de l’Official avoit été surprise sur de faux énoncez, n’ayant pas declaré leur qualité d’enfans de famille, le Rapt qui avoit été commis, et les défenfes qui avoient été faites. Il n’y a point eu de separation entre les conjoints telle qu’elle étoit requise, et la Dispense des trois Bans étoit une contravention à l’Ordonnance : mais quand ces defauts ne rendroient pas ce mariage nul, il suffit de dire qu’il y avoit incapacité formelle en la personne des contractans, le Rapt commis en la personne d’un mineur enfant de famille, et la nullité de la premiere celebration, en telle sorte que par l’Ordonnance de l’an 1639. les enfans sortis d’une telle conjonction ne peuvent pretendre aucun droit de legitime et de partage en la succession des peres et meres : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 15. de Juillet 1672. la Cour faisant droit sur l’appel comme d’abus, dit qu’il avoit été mal et abusivement procedé par l’Official, entant que la Dispense de la proclamation des trois Bans, défenses aux Officiaux de donner de pareilles Dispenses, et faisant droit sur l’appel du Bailly, l’appellation et ce dont, et en reformant, et faisant droit au principal, a ajugé audit Pierre Fromont la succession paternelle, sur laquelle neanmoins il sera pris la somme de quarante mille livres qui sont ajugez audit Gaspar Fromont et à ses soeurs, si mieux ledit Pierre Fromont n’aimoit leur quitter le tiers de la succession du pere, et à l’égard de la succession de la mere ordonné qu’elle sera partagée également.

Par Arrest en la Grand-Chambre du 8. de Mars 1658. au Rapport de Mr Auber, entre les nommez Fossé pere et fils, il a été jugé que l’exheredation prononcée contre le fils pour s’être marié contre la volonté de son pere, ne dispensoit point le pere de donner les alimens tolluntur capitis diminutione. Le Commentateur de MrLoüet , l. a. n. 5. dit que par Arrest à son fils et aux enfans sortis de ce mariage, quia alimenta debentur deportato et incapaci ; nec du Parlement il a été jugé qu’un fils âgé de vingt-cinq ans exhéredé par ses pere et mere pour s’être marié à une personne inégale, n’étoit pas recevable à leur demander des alimens, et qu’il étoit même tenu de rendre ceux qu’il avoit reçûs en vertu d’une Sentence de provision, étant une maxime dont tous les Docteurs demeurent d’accord que pour les mêmes causes qu’un fils peut être exheredé, les alimens luy peuvent être déniez, Glossa ad num. 115. ut cum de appell. cog. §. sive igitur Deus, le Journal des Audiences l. 6. c. 40. Il y a un Arrest par lequel on ajugea une provision à l’enfant de l’exheredé qui êtoit mort avant son pere ; mais la validité de l’exheredation n’étoit pas encore jugée, le respect et la deference que les enfans doivent avoir pour les sentimens et les actions de leurs peres et meres étant si grande, il paroîtroit fort étrange si un fils entreprenoit de s’opposer au mariage de sa mere : Cette question néanmoins s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre, entre Demoiselle Loüise de Chantelou, veuve de Mr le Capelain, et Mr le Capelain sieur de Chuonnet, Conseiller au Presidial de Coûtance, ladite de Chantelou pour soûtenir le mariage qu’elle vouloit contracter avec Jean Felice âgé de vingt-quatre ans, disoit que les mauvais traitemens qu’elle avoir reçûs de lon fils l’avoient portée à chercher du secours et de l’assistance, et quoy qu’il n’eûr ucune autorité sur elle, et qu’au contraire il luy dûst du respect et de l’obeissance, néanmoins il avoit porté sa temérité jusqu’à ce point de vouloir empescher son mariage, et que la liberté du mariage n’étoit bornée par aucun temps, et qu’il étoit permis de le contracter en tout âge, bien qu’une femme ne fust plus en état d’avoir des enfans, parce que le mariage pouvoit se contracter par ces trois motifs, propter bonum fidei Sacramenti & prolis ; la femme et le mary se servent d’aide et de support l’un à l’autre dans leurs infirmitez, et dans les incommoditez de leur vieillesse.

Le fils reprochoit à sa mere que le choix qu’elle avoit fait de cet homme étoit indigne d’elle, ayant été serviteur en la maison de son défunt mary, le servant à pied comme son laquais et son palestenier, que l’inégalité de leur âge marquoit encore le déreglement de son esprit, étant âgée de cinquante ans, et ayant eu douze ou quinze enfans, qu’on ne pouvoit luy imputer qu’il manquast de respect en voulant empécher l’injure qu’elle faisoit à la mémoire de son défunt mary, et la honte et l’opprobre dont elle couvriroit toute sa famille. Il y avoit grande différence entre le mariage d’un homme et celuy d’une femme ; l’homme communique sa qualité à la femme qu’il épouse, coruscat radiis maritalibus femina D. de Senat. et quelque basse et servile que soit sa condition, s’il est Gentilhomme il l’éleve à la qualité de Demoiselle ; mais lors qu’une emme de condition épouse un roturier, elle perd son rang et sa qualité, et par la Loy Libertum c. 3. c. de Nupt. l’affranchy, qui épousoit sa Patrone ou la fille de son Patron, étoit puny extraordinairement, hujusmodi enim conjunctiones odiose sunt. Par Arrest du mois de Juin 1617. au Raport de Mr le Roux, la Cour fit défence à peine de la vie à ladite de Chantelou et audit Felice de contracter mariage, et les condamna en l’amende pour s’être fréquentez au préjudice des désences : Mais nonobstant ces défences ayant contracté mariage, par Arrest du mois de Juillet1618. ils furent condamnez chacun en cinquante écus d’amende, et ladite de Chantelou privée de tous les avantages qu’elle pouvoit pretendre. Mais ces paroles de l’Arrest donnerent lieu à une nouvelle contestation, le fils soûtenoit qu’elle étoit privée de son doüaire, et que c’étoit un avantage qu’elle prenoit sur les biens de son premier mary, dont elle s’étoit renduë indigne par ce mariage honteux qu’elle avoir contracté, et par l’offense qu’elle avoit faite à sa mémoire ; au contraire la mere reresentoit que les profits et les avantages dont elle étoit dechuë devoient être entendus des dons et augmentations qui provenoient de la liberalité de son premier mary, qui se revoquoient pour ingratitude, ou pour indignité ; mais à l’égard des droits qui luy étoient acquis par la Coûtume, comme le doüaire dans la disposition ou le bienfait du mary ; elle ne le perdoit oint, vû principalement qu’il étoit destiné pour les alimens qui sont dûs mêmes aux bannis et aux reléguez, l. 3. si in metallum D. de his quae pro non scriptis, la Cour par Arrest du 30. d’Aoust ensuivant, ordonna qu’elle seroit payée de son doüaire Par l’ancien Droit Romain la femme de condition libre qui épousoit un esclave perdoit sa Justinien berté, Justinien crût que le châtiment étoit trop rigoureux, ut quae libera constituta erat & decepta, vel rapta infelici libidine contrae naturalem suorum libertatem deducatur in servitutem : Mais. il ordonna que l’esclave qui avoit artenté de contracter de telles Nopces seroit puny competenti castigatione, et seroit separé d’avec cette femme, la c. l. 7. Art. 24. de S. C. Claud. toll. et l. 9. t. 11. de Mulièrib. que se propriis serv. conjung. Nous avons une Ordonnance conforme au Droit Romain.

Nos Ordonnances ont marqué le temps auquel ceux qui sont soûmis à la puissance d’autruy, peuvent ou ne peuvent pas contracter mariage : D’autre part, les Loix nous apprennent aussi à quel âge la nature rend les hommes capables des actes du mariage ; car comme il est certain que l’homme n’est pas habile pour la generation en tous les âges et en tous les états de sa vie, on les a distinguez en plusieurs parties pour marquer les temps où il en peut être capable : Les sentimens des Medecins, des Philosophes, des Legislateurs et des Jurisconsultes ont été fort differens. Les Medecins qui n’ont recherché que la disposition des corps et leur vertu prolifique, ont réglé l’âge selon la force et la diversité des temperamens, ars medica non est Aristote quaee annos numeret : Platon et Aristote ont reculé fort loin le temps propre au mariage,Plato . Arist lib. 5. de Rep. Arist. lib. 7. c. 17. politic. Le premier ne permettoit le mariage qu’à trente ans pour les hommes et à vingt ans pour les filles : Le fecond mettoit encore le terme plus loin pour les hommes, il falloit avoir trente-sept ans pour les mâles, pour les filles il le regloit à dix-huit ans ; mais ces Philosophes ne recherchoient pas tant le temps que l’on pouvoit être apable du mariage, que celuy où l’on pouvoit engendrer des enfans robustes et vigoureux pour le service de la Republique : Les Legislateurs ont avancé le temps, considérant principalement non ce qui arrive quelquefois, mais ce qui arrive ordinairement ; ils ont décidé que les hommes à quatorze ans et les filles à douze ans étoient capables du mariage : Les Jurisronsdlpes ont pareillement définy le temps propre au mariage aprés la puberté.

Nous ne trouvons point de décision oxpresse sur cette matière dans la Loy Mosaique, mais des Rabbins ont lécrit qu’il n’étoit ipas permis aux mâles de se marier qu’aprés avoir atteint gge de treige ans et un jour, et aux filles aprés douze ans et un jour.Buxtorf . tract. Smnago.

Jud. c. 3. et tract. de Divort. et spon. Hebr. par. 1. n. 11.Selden . Uxor’Hebraea l. 2. c. 3. et suivunt cette Doctrine, l’Histoire Sainte a remarqué qu’Ammon et Jofias Roys de Juda eurent les enfans à quatorze ans, à. Reg. 7. 8. 19. et c. 22. V.

Cette quostion s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre ; Me Gilles Vivien Ecuyer, sieur des Ohommes, Lientenant à’Avranches, avoit fait épouser à son fils une fille âgée seulement de idix ans deux mois et vingt-cind jours, nommée Colombe Chrêtien ; ce maringe si precipité ne fut pas de longue durée, car cette fille qui étoit infirme mourut fix semaines aprés. le sieur des Ghommes se faisit de tous les meubles, ppretendant que ce mariage avoit été va lablement contracté. Demoiselle Marie du Ménil-adelée, sour uterine de la défunte et son heritière aux meubles et acquests, foûtmt an contraire, que sa soeur n’étoit point dans un age habile au maringe, et que par consequent il étoit nul. La Cause portée en la Cour en consequence des recusations proposées contre les Juges d’Avranches, Gyot pour le sieur des Chommes se fondoit for l’autorité des dispositions Canoniques : car bien que suivant le Canon ubi non est consensus, aux Decret. de Despons. impub. l’âge déterminé pour le mariage, soit de douge ans pour les filles et de quatorze pour les mâles, neanmoms ce terme peut être uvancé lorsque malitiùisupplet êtatem c de illis C : puberes. (. fina. Cod. Et Coyatruvias expliquant ce que l’on doit entendre par ce terme malice, dit qu’elle consiste en deux choses sin discretioneo scilicet : ud consensum conjugalem intelligendum, & in potentia ad carnalem copulams Covarr et Covaur. 6. P. c. 5. de Matr. et c’est pourquoy dans le Ch. tux nobis, cette malice est appellée prudence ; de sorrt que Jorsque porentia ad topulam et discretio ad confensum conjugalem se rencontrent, on ne doit pas s’attacher exactement au nombre des années, comme il est contrenu dans le C. continebatur, si autem fuerit etati proxima, ut in undecimo vel circu duodeci-Covarruvias muem : Et Covatruvias au feu preallégué expliquant ces paroles utati proximas dit que celuy. la est reputé proche de la puberté qui est âgé de dix ans et demy si c’est on mâle, et dé neut ans et demy si c’est une fille, Glos. in 5. pupillas instit. de inutil. stipul. & in l. pupillun D. de Regul. jur. Et l’on ne peut douter que les mâles et les filles ne foient capables des actes du mariage aprés les exemples qui en font rapportez. Saint Gregoire Gregoirt fait mention d’un enfant qui avoit engrossé sa nourrice à l’âge de neuf ans, fib. 2. dial. c. 19. et S. Jerôme parle d’un autre qui avoit fait la même chose n’étant âgé que de dix ans ; et il ajoûte que Salomon engendra Roboam à dix ans, et qu’Achas n’en avoit qu’onze lorsqu’il devint pere. d’Etechias.

Je répondois pour la Demoiselle du Ménil-adelée, que la nature ne precipite jamais ses ouvrages, et que le parrage qu’elle a fait des temps et des saifons pour la production et la durée de ses creatures, est inalterable ; et comme si cette fouveraine Sagesse avoit redouté que l’homi ne par son ignorance ne penetrât pas assez avant dans ses secrets et dans ses merveilles, et ne comprit pas le bel ordre qu’elle avoit étably, elle a donné à chaque chose un caracteré mmuable et particulier qui nous instruit de sa qualité, de fon usage, et de fa durée en effer la vie de l’homme est partagée en divers âges, et chaque saison de ses Jours a ses usages differens et ses proprietez particulières ; et comme dans la composition de l’homme elle se proposoit principalement pour but la propagation de son espèce en luy donnant la vertu de la perpetuer, elle a reglé soit à propos le temps qui le rendoit propre à cet acte ; et afin que l’on ne s’y trompât point, elle luy a imprimé quelques marques visibles, et c’étoit par elles que les anciens jugeoient de la éapacité du mariage, ne le permettant point que quand ils remarquoient dans l’un et l’autre sexe ces témoignages et ces enseignes de la faculté geherarlve

Cependant comme la pudeur et l’honnêteté ne permettoient pas d’aller chercher ces marques secretes de la faculté generative, et que peut-être même il soit véritable, selon la pensée de plusieurs Interpreres, que les anclens Romains n’ayent jamais fait ce honteux examen de ces parties que la nature a commandé de cacher, pour juger de la puberté : L’Empereur Ju stinien établit uné autre regle pour juger de la force et de l’aptitude des corps pour la generation ; car comme il pourroit arriver que nonobstant tous ces signes plusieurs n’en étoient pas capables, et qu’au contraire il y en avoit d’une conformation si parfaite et si avancée Justinien qu’ils n’avoient point besoin d’attendre que les marques parussent. Justinien pour faire cesser cette incertitude regla le temps du mariage à un cettain âge où les hommes et les femmes e trouveroient ordinairement capables de le contracter ; ce qui a fait dire à un Jurisconsulte que hec etatis definitio à Justiniano facta partim naturalis, partim civilis dici debet ; naturalis quatenus naturam et frrquentiorem naturae cursum sequitur : Civilis quatenus à legum conditore Brower certo annorum numéro determinatur ; Broyar. de Jure Connub. apud Batavos l. 2. C. 3. n. 15. Justas nuptius inter se contrahunt masculi quidem puberes, feminae autem viripotentes ; femina autem post impletos 12. onnos omnimodo pubescere judicantur ; masculi vero post excessum 14. dnnorum puberes evistimantur l. fini. Ce quando Tufori et Curat. esse desinunt. Guivant cette Loy pour être parfaitement pubere, et en consequence habile au mariage, il ne suffit pas d’avoir commencé la douzième ou la quatorzième année, il faut que le cours en soit entièrement achevé, et que lon en ait, atteint jusqu’aux derniers momens. Ce terme étoit inviolable, lon ne pouvoit lanticiper sans crime et sans châtiment par la Loy falsus D. quod faiso tut. auct. gestum est 5. 1. et 2. tutor ob dolum malum tenetur, qui filiae impuberi ad contrahendum matrimonium auctoritatem suam accom. modaverit, et la rigueur y étoit si grande que lon pardonnoit avec peine cette precipitation au pere. Vix ignoscendum patri, dit la même Loy, qui filiam suam maturius in domum sponsi verducere voluit ; affectu enim propensiore magis quam dolo malo fecisse videtur. Que si lon ne pardonnoit pas au pere, quoy que la puissance soit absolué, que par la presomption de n’avoir agy que par un sentiment paternel, et par une impatience excusable de vouloir établir a condition de sa fille, le défendeur ne doit pas esperer que sa precipitation luy soit utile et avantageuse

Quant aux Constitutions Canoniques, il est vray que dans le titre de Desponsat. imp. aux Decretales, il y en a quelques-unes qui semblent remettre en usage lancienne opinion de Cassius, qui vouloit que la puberté et la capacité pour le mariage fust plûtost reglée par la constitution du corps que par le nombre des années, ex habitu corporis potius quâm ex etate et que l’on peut prevenir le terme ordinaire par le pretexte d’une forte conformation des corps, ou lors que la malice peut suppléer le defaut de l’âge : Et dans le Ch. 3. Isidore soûtient, eum efse puberem qui ex habitu corporis pubertatem ostendit & generare jam potest, et que puerperae sunt que in annis puerilibus pariunt, ce qui est aussi approuvé par la Glose sur le mon generare, solam pubertatem seu generalem vigorem considerari, ut possint vinculo conjugali sociari : Mais par le Ch. 2. du même titre, il est expressément défendu ne aliqui, quorum uterque vel alter ad atatem legibus vel canonibus determinatam non pervenerit conjungantur. Et l’autorité l’Isidore doit dautant moins prevaloir qu’il témoigne n’avoir pas entendu ces deux mots de pubes et de puerpera : nam cum pubem pudentiam corporis interpretatur, miserè fallitur ; son erreut n’est pas moins grossiere lorsqu’il ajoûte que puerpera est que annis puerilibus parit ; au contraire le Jurisconsulte Paulus nous apprend en la Loy 163. 5. 1. de verb. signif. que puerpera est que vecens est à partu : Covarruvias estime qu’il n’est pas permis d’anticiper le temps définy par les Loix, que quand ces deux conditions s’y rencontrent, potentia & habitus corporis, & malitia seu discretio et ppudentia : Mais, à dire le vray, si l’on suivoit la disposition du Droit Ca-nonique, ce seroit mettre les choses dans l’incertitude, et on n’auroit jamais de regle certaine ; car comment faire le discernement de cette malice qui doit supléer le defaut de l’age, et qui peut-elle contribuer pour la generation : si l’on fuit aussi la disposition du Ch. Continebatur, on n’aura point de temps prefix et certain pour être habile à contracter mariage, car une fille peut se marier si atati fuerit proxima, c’est à dire in undecimo vel circa duodecimum annum ; la plose sur ce Ch. dit que la fille est proche de sa puberté lorsqu’il ne s’en faut plus que six mois. Ce qui est conforme à la L non tantumde excus. tutor. que pupillorum atas propé pubertatem Covarruvias est, cum semestre tempus reliquum fuerit ; et Covartuvias aprés avoir dit que hec est communis opinio in contractu conjugali, fait une observation fort considérable, judex qui illam atatem aruitrari debet puerum esse proximum pubertati maximè adducendus est conjecturis et cautissimè id agit ut tamen id raro : Part. 2 c. 5. de Matrim.

Cette incertitude et cette varieté de l’âge propre au mariage que le Droit Canonique a établie, fait bien connoître que la disposition du Droit Civil est beaucoup plus raisonnable ; Justinien car Justinien voulant limiter un temps certain, a suivi ce qui arrive le plus souvent, à sçavoir que les hommes à quatorze ans, et les filles à douze, peuvent être capables des actes du mariage, bien que cela ne soit pas toûjours véritable, ou qu’au contraire il s’en trouve avant cet âge qui puissent engendrer

On ne doit pas neanmoins ajoûter beaucoup de creance à ces Histoires de ces deux enfans, qui doivent avoir fait des enfans à leurs nourrisses à l’âge de neuf et de dix ans ; il faloir avoir beaucoup de credulité pour s’en rapporter à la bonne foy de ces femmes, et être fort convaincu de leur chasteté. Saint serôme, et ceux qui l’ont suivi, peuvent avoir été surpris. à cet égard, comme il l’a attesté lorsqu’il a écrit que Salomon n’avoit que douze ans lorsqu’il engendra Roboam, et qu’Achas n’en avoit qu’onze quand il fut pere d’Ezechias. Gregorius Tholosanus l’holosanus en fait la preuve en cette manière, que Roboam étoit âgé de quarante ans lorsqu’il succeda à Salomon son pere, et que Salomon n’avoit que cinquante-deux ans lorsqu’il mourut, étant devenu Roy à douze ans, et ayant regné quarante ans : D’où il s’ensuit qu’il étoit devenu pere à l’âge de douze ans, Syntagm. juris Civ. l. 9. c. 7. n. 8. et 9. Deux celebres Chronologistes sont d’une opinion contraire ; Funccius a écrit que Salomon parvint à la Royauté à l’âge de seize ans, et qu’il mourut étant âgé de cinquante, six ans. Carion le fait âgé de vingt ans lors de son avenement à la Couronne, et il marque à soixante ans le temps. de son decez. Sextus Calvisius fait une autre supputation de cette manière, que David engendra Salomon en la vingtième année de son Regne, et qu’il regna quarante ans, d’où il s’enfuit que Salomon étoit âgé de vingt ans lorsqu’il succeda à son pere ; or il paroit par le Texte facré qu’il regna quarante ans, et l’on apprend du 12. Ch. du 2. Livre des Chroniques, que Roboam êtoit âgé de quarante-un an lorsqu’il commença son Regne, ainsi Salo-Vossius mon étoit âgé de dix-neuf ans lorsqu’il engendra Roboam : lfaac Vossius a crû que Salomon n’engendra Roboam que dans son extréme vieillesse, et il se fonde sur ce passage des Rois, lib. 1. c. 14. 7. 21. que Salomon dans sa vieillesse prit des femmes étrangeres, et particulierement des Ammonites, dont la mère de Roboam étoit une, et que d’ailleurs il est vray-semblable que Roboam étoit jeune, puisqu’il avoit preferé le conseil des jeunes gens à celuy les anciens serviteurs de son pere

Pour Achas la question paroit plus difficile ; S. Jerôme répondant à Vitalis qui l’avoit consulté sur ces difficultez, luy dit que selon l’ordre de la nature une telle chose étoit impossible, et que c’étoit une extravagance de croire qu’un homme fût capable d’engendrer en cet âge-là ; mais que Dieu par sa Toute-puissance l’avoit permis pour reprocher à ces Princes leur luxure et leur impieté ; Consideremus quod occulté scriptura et Salomonem et Achas volupratis et impietatis accuset. Ex quo conspicuum est homines à parva atate libidini deditos imma-tura eorum sobole demonstrari, quod etiam eo tempore peccare coeperint, quo natura non patitur, mais prevoyant bien que cette réponse ne fatisferoit pas les curieux, il ajoûte que hujusmodi harere questionibus non tam studiosi quam otiosi hominis videri Epistola adVital .

Mais ces éclaircissemens sont necessaires pour imposer silence à ceux qui revoquent en doute a vérité des Saintes Ecritures ; et c’est pourquoy plusieurs Commentateurs ont taché de refoudre cette difficulté, consule Spanhemoum in dubiis Evang. Ad cap. 1.Matthae . W. 9. dubio quinto : Un Auteur moderne a remarqué que l’equivoque d’un mot Hebreu avoit causé l’erreur, et que cette equivoque étoit encore plus grande dans toutes les versions. Dans le 16. thap. du 2. livre des Rois, il est dit qu’Achas étoit âgé de vingt ans quand iceluy commença de régner ; le véritable sens de ce passage est qu’Achas avoit vingt ans quand Jotham son pere commença de régner ; mais S. Jerôme a entendu qu’Achas n’avoit que ces vingt ans quand il commença son regne, n’ayant pas remarqué que le mot Hebreu Bemalcho qui signifit ficeluy se rapportoit à Jotham, et non point à Achas ; et c’est par ce même moyen que l’on concilie cette contrarieté qui paroit entre le 24. chap. du 2. livre des Rois, et le 36. chapître du 2. livre des Chroniques ; dans l’un Joachim étoit âgé de dix-huit ans quand il parvint à la Royauré, dans l’autre il n’avoit que huit ans ; mais il faut entendre cela non du commencenent de son regne, mais du commencement du regne de son pere, comme on le prouve par a supputation des années.

Aprés tout, ny le Droit Canonique, ny les exemples ne peuvent faire la décision du fait dont il étoit question ; puis que la défunte Colombe Chrêtien n’étoit point proche de sa puberté, et qu’elle ne pardissoit point capable des actes du mariage par la confrontation de son corps, n’étant âgée que de dix ans, deux mois et vingt-cinq jours ; et c’est pourquoy comme cela seroit toûjours plein d’incertitude, il est beaucoup plus à propos de se tenir à la regle generale, nam ad ea potius debet jus aptari quae fraequenter et facilé, quam ad ea quae perraro eveniunt I. nam ad ea D. de leg. Cela a été jugé de la sorte par un Arrest folennellement rendu au Parlement de Paris, rapporté parMonthelon , Arrest 138. Et par un autre Arrest donné en ce Parlement pour la Dame Marquise du Neubourg, et les heritiers du sieur de l’Isle Marivaux.

Par Arrest du 15. de Juin 1655. on prononça à tort l’arrest et saisie faite par le sieur des Chommes, et main-levée accordée de tous les meubles à la soeur uterine sur le déduit de 1500. livres pour les frais funeraux payez par le mary

Outre les exemples de ces deux femmes qui furent renduës grosses par des enfans âgez de dix et douze ans. Scaliger in Elog.Grat . Chronol. en rapporte un beaucoup plus singulier, et extraordinaire. Il dit que de son temps en la ville de Leietoure un enfant qui n’avoit pas encore douze ans accomplis, rendit grosse de ses oeuvres la Cousine germaine qui n’avoit pas encore dix ans ; et il assure que la chose étoit certaine, et que de son temps l’histoire en étoit notoire par toute la Guyenne. En ces rencontres il faut dire avecS. Jerôme , non valere naturam contra naturae Dominum.

Lors que les promesses de mariage ont été faites entre des personnes capables de les contracter, ou par des enfans de famille du consentement de leurs peres et mères, celle des par-ties qui refusent de les accomplir en doit porter la peine. On punit neanmoins plus rigoureusement l’homme que la fille ; à l’égard de la fille tous les dons qui luy ont été faits doivent ceder à son profit, et comme ce changement de volonté fait toûjours quelque tort, et que la recherche faite de sa personne a pû détourner d’autres gens qui s’y seroient engagez, on luy ajuge encore des interests ; mais à l’égard de l’homme, l’inexecution des promesses ne luy étant pas ordinairement si desavantageuse pour peu qu’il y ait de sa faute, on ne luy ajuge point d’interests, mais on luy restitue le prix des hardes qu’il a achetées, et l’on n’est pas reçû rendre les hardes, parce que le plus souvent elles ne sont pas à son usage, et luy seroient inutiles ; mais il est mal : aisé d’érablir une regle generale sur ces matieres, et les interesti tant de la part de la fille que du côté de l’homme, sont plus ou moins grands selon les circonstances particulieres du fait.

Puisque l’arbitration de ces interests est incertain, et que les Juges en sont le plus souvent les maîtres, pourroit-on pas stipuler une peine qui seroit payable par celle des parties qui donneroit lieu à l’inexecution des promesses : C’est une Jurisprudence universelle que ces pactions sont contre les bonnes moeurs, inhonestum est vinculo pena matrimonia obstrinei l. Titia D. de verb. oblig. Il est vray que l’Empereur Leon en sa Nov. 18. ut in fponsalib. constituta pona exigatur, voulut rétablir l’ancien Droit Romain qui permettoit de stipuler uné eine pour l’interest des promesses de mariage non accomplies, stipulari uxores futuras et agere in id quod intererat, Aulus Gell. Noct. Attic. l. 4. c. 4. parce, disoit : il, qu’en faisant souffrir cette perte à ceux qui n’executeront pas leurs promesses, ils ne s’y porteront pas si facilement, ut ex pacto definitae pena gravius damnum sibi imminere videns, inconstans ilie tardior. omninâ ad divellenda sponsalia fiat : mais les Novelles de Leon n’ont jamais eu beaticoup d’autorité, et dans tous les Parlemens l’on a suivi la disposition de la Loy Titia. MrLoüet , l.

M. n. 24.Cambolas , l. 2. c. 22. Arrest en ce Parlement du 10 de May 1662. Une fille nommée Loudier poursuivoit un fils de famille pour l’épouser, ou luy payer trois mille livres suivant sa promesse ; le fils, et le pere qui étoit intervenant, soûtenoient que cette promesse étoit nulle, et même qu’elle avoit été faite par un mineur, et que d’ailleurs cette fille s’étant pandonnée à ce jeune garçon, cette promesse n’étoit à vray dire qu’une taxe et une composition qu’elle avoit faite de son honneur, ce qui la rendoit honteuse et nulle : néanmoins on luy ajugea deux mille livres pour tous interests, dommages et dépens. Sur ce sujet les Loix font cette distinction suivant l’observation de Mr Cujas sur la 1. 71. 5. 1. Titit centum de condit. et dem. D. qu’aliud est metu pena auferri libertatem matrimonii quod est contra bonos mores l. 2. de inutil. stipul. C. nam libera matrimonia effe oportet, et ob eam rem sti-ulatio illa non valet. Aliud est ad lucrum invitari puta ad legatum sub certo modo, ut si admittatur ad legatum, si Meviam uxorem duxerit ; non admittetur, si non duceret ; denique aliud est penam de suo inferre, aliud ponam de alieno inferre, c’est à dire si la peine est apposée du fait de quelqu’un, comme si je n’épouse pas une telle femme je bailleray cent écus : cette somme ne pourra être exigée de moy, parce qu’elle empesche la liberté du mariage ; que si la stipulation est du fait d’autruy, comme s’il se matie avec une telle, je luy donneray cent écus, en ce cas ce n’est plus une peine, mais plûtost une recompense pour l’exciter à se marier : Aliud est, ditPapinien , dicta l. Titio centum 5. 1. eligendi matrimonii libertatem pena metu auferri, aliud ad matrimonium certâ lege invitari.

Lorsque le fils meurt avant son pere, il faut que ce pere ou l’ayeul ayent consenty au mariage pour acquerir doüaire sur leur succession, et il n’est pas besoin de prouver que sous ces mots de pere ou d’ayeul, la mere et layeule sont comprises, en ce cas masculinum continet femininum. Que si le pere ou l’ayeul étoient de sentiment contraire au temps du mariage, comme e fils est en la puissance du pere, suffiroit-il d’avoir eu son consentement à l’effet que si le pere mouroit avant son fils, la femme ne fust pas excluse de prendre doüaire sur la succession de l’ayeul : Il semble qu’elle auroit fait tout ce que le devoir et la bien-seance reque-roient d’elle, son mariage ayant été agréé par le pere de son mary, dont le consentement étoit seul necessaire. Car quand la Coûtume requiert le consentement de l’ayeul, c’est en cas seulement ou que le pere fust mort, ou que s’il étoit vivant on n’eust pas negligé de rechercher l’approbation de l’ayeul. Qe s’il ne vouloit pas condescendre aux volontez du pere, en ce cas il seroit rigoureux de priver la veuve de prendre doüaire sur sa succession. Il y a plus d’apparence que la veuve du petit fils ne peut avoir doüaire sur la succession de layeul quand le pere du mary est mort le premier. Le mot d’ayeul n’est point mis inutilement. Le petit fils n’est pas seulement obligé de requerit son consentement lorsqu’il n’a plus de pere, quoy qu’il soit en la puissance de son pere, et que son agrément soit le plus necessaire, il doi aussi s’il est possible se conformer au sentiment de son ayeul, que s’il méprise son autorité il n’est pas juste que sa femme en profite et qu’elle en tire avantage. On demande en suité si ce consentement doit être exprés ou tacite ; L’ancienne Coûtume disoit que si le pere et la mere ne s’accorderent pas au mariage, ains le blâmerent, la femme aprés la mort de son mary n’emporte point de doüaire, fors ce dont il étoit saisi lorsqu’il l’épousa ; d’où l’on concluoit que ce n’étoit pas assez qu’ils n’eussent consenty, il faloit qu’ils l’eussent blamé, et témoigné par quelque action qu’il ne leur étoit pas agreable : et la Glose ajoûte que ce n’étoit pas à la femme à prouver le consentement, mais à la femme le contredit du pere. La Coûtume Reformée requérant le consentement ou la presence du pere, il tombe en charge à la femme de prouver ce consentement puisqu’elle s’en veut prevaloir ; mais il reste encore cette question, si cé consen-rement doit être exprés ou tacite, et de quelle maniere on le peut prouverSi l’on disputoit de la yalidité du mariage, pour prouver ce consentement, il ne seroit pas necessaire que le pere eût signé au Contrat de mariage, si nuptiis tuis pater consentit, nihil oberit tibi quod instrumento ad matrimonium pertinenti non subscripsit, l. 2. c. de Nupt. non requiritur, dit MonsieurCujas , patris consensus expressus, satis est si non contradicat nuptiis, taciturnitas patris consensum includit ; et c’est une maxime certaine que toutes les fois qu’il l’agit de faire valoir le droit des enfans sur la succession de leur pere, valet conjectura de propensâ voluntate patris in liberos et in patris voluntate estimanda major pietatis quâm verborum ratio habetur, ad eo ut si verba fideicommissi cessarent, tamen ex conjectura patris animus & voluntas paterna astimanda esset. L. unum ex famil. S. ultimo de leg. 2. ainsi pour la validité du mariage, quoy que le pere n’eût pas signé au Contrat ou qu’il n’eût pas été present à la celebration d’iceluy, si toutefois il l’avoit approuvé par quelques actions, comme en recevant sa belle fille en sa maison, en luy faisant quelques presens, ou en donnant le nom à ses enfans, cela suffiroit pour induire son consentement et son agrément, sur tout s’il n’avoit point fait d’actes contraires, et s’il n’avoit point témoigné son ressentiment ; car s’il avoit passé jusques à l’exheredation, la revocation n’en seroit pas presumée si facilement.

Ces conjetures pieuses de l’amour paternel, et ces explications favorables n’auroient pas entierement le même effet s’il s’agissoit du doüaire. Chopin sur la Coûtume d’Anjou, de la Proprieté des biens, l. 3. t. 1. c. 2. n. 7. estime qu’il ne suffit pas d’un consentement tacite, mais que le pere doit intervenir au Contrat de mariage, et consentir expressément à iceluy, et qu’aprés le mariage une simple ratification sans une obligation expresse aux promesses de mariage n’auroit pas un effet retroactif, et qu’il a été jugé au Parlement de Paris qu’encore que le pere eût assisté au festin des nopces, baisé sa bru, et qu’il luy eût donné un anneau et témoigné de la joye, cela ne suffisoit pas pour acquerir doüaire à la veuve du fils sur les biens du pere ; l. obligari, S. Tutor. de author. tut. l. siquis mihi bona, 5. jussum, et ibiBartol . D. de adquir. hered. Bien que l’on alléguât au contraire que le consentement tacite n’a pas moins de force que l’exprés, et qu’il doit être indifferent si nous nous faisons entendre par parole ou par effet, l. 2. 5. voluntatem D. solut. matrim. C’est aussi le sentiment de Pineau ur l’Article 303. de la Coûtume d’Anjou, que le consentement doit être exprés, et que les ctes de civilité, de bien-veillance et d’approbation du mariage ne suffisent point quand il s’agit du droit de doüaire.

Le consentement exprés paroit necessaire par la Coûtume d’Anjou, par cette raison que e pere aprés la mort de son fils est obligé de payer à sa veuve un demy doüaire, qui consiste en la moitié de la part du fils : Il semble raisonnable que la preuve de ce consentement soit plus ou moins solennelle, selon la qualité des personnes qui contestent le doüaire. L’heritier du pere est sans doute moins favorable ; mais à l’égard des creanciers ou des acquereurs des biens du pere, si lon établissoit cette jurisprudence que le pere ne peut plus hypothequer ses biens au prejudice du doüaire de la femme de son fils, quand il a consenty à son nariage, pour éviter aux tromperies, la signature du pere au Contrat de mariage seroit ecessaire

Cependant puisque suivant cet Article il suffit que le pere ou layeul ayent consenty au mariage, ou qu’ils y ayent été presents, non seulement le consentement est suffisamment prouvé par la signature au Contrat, mais aussi par le Certificat du Curé qui atteste leur presence : Cela fut jugé de la sorte au Rapport de Mr Cormier, le 19. d’Aoust 1639. en la Chambre de l’Edit, entre Genevieve le Goüessier, femme civilement separée d’avec Gabriel Osmont son mary, appellante du Juge du Pontlevêque, et au principal demanderesse en doüaire sur les heritages dont René Osmont et Catherine de la Riviere, pere et mère dudit Gabriel Osmont, étoient saisis lors de fes épousailles ; contre Catherine Eude, veuve de Pierre Lambert, sieur de la Motte, et autres parties. La difficulté du procez consistoit en ce que le pere et la mere n’avoient point signé au Contrat de mariage ; mais cotte veuve representoit une Attestation du Curé qui les avoit mariez, par laquelle il certifioit les avoir mariez sur la requisition du pere et de la mère ; par l’Arrest le doüaire luy fut ajugé sur la succession du pere.

On a même reçû contre l’heritier du pere des faits de preuve que le pere avoit approuvé et ratifié le mariage. Le sieur de Bonneville fils ayant été recompensé par le Roy de la Lieutenance de Roy dans la ville de Pont. à-Mousson, il y contracta mariage sans avoir obtenu l’agrément de son pièere, mais il étoit âgé de quarante-cinq ans : sur le refus de son pere de luy donner une pension, il le poursuivit en Justice, et il en obtint une de cinq cens livres : Etant décedé, et son pere en suite, sa veuve donna action au sieur de Bonnemare, Tuteur de leurs enfans qui avoient renoncé à la succession du pere, et accepté celle de l’ayeul, pour être payée de sept mille livres qui luy étoient limitez pour son doüaire par son Contrat de mariage ; le Tuteur soûtint qu’il ne luy étoit dû aucun doüaire ny Coûtumier ny Prefix, l’ayeul n’ayant point consenty au mariage de son fils : La veuve offrit de prouver que la reconciliation avoit été faite entre le pere et le fils, que l’ayeul avoit souhaité de voir ses petits enfans, et que le pere n’ayant pû quitter son Gouvernement il luy en avoit envoyé les portraits qu’il avoit reçûs et gardez curieusement : Par Arrest en l’Audienée de la Grand : Chambre du 21. de Janvier 1661. il fut dit qu’avant de faire droit elle feroit preuve de ses faits, et cependant on luy ajugea deux cens livres de provision ; mais cette veuve n’avoit pour parties que ses propres enfans, ce qui rendoit leur opposition moins favorable Mais dans la Cause de la Dame de Bonneville on n’eut point d’égard aux civilitez qu’elle rerendoit avoir renduës à sa belle-mere aprés la celebration du mariage. De la Barre, sieur de Bonneville, épousa Demoiselle Anne de Tiesse sans le consentement de la Dame sa mere, femme en secondes nopces de Desson, sieur de Douville : quelque temps aprés ladite Dame de Bonneville écrivit une lettre pleine de civilitez et d’excuses à sa belle, mere, qui luy fît réponse que son fils s’étant marié sans son aveu, et ne luy ayant pas rendu ce qu’il luy devoit, elle se contentoit de le tenir dans l’indifference, et qu’elle ne luy envoyât point son Contrat de mariage, étant autant qu’elle le pouvoit être sa tres-humble servante. Aprés la mort de la Dame de Douville, la Dame de Bonneville ayant demandé son doüaire sur sa succession, elle en fut deboutée. Sur son appel, Maurry son Avocat representa que comme par la disposition du Droit un fils pouvoit se marier sans le consentement de son pere en ces trois cas, d’absence, de fureur, et de caprivité, il étoit pareillement juste d’excuser un fils pour n’avoir pas requis l’agrément de sa mere, lorsqu’elle avoit contracté de secondes nopces, et même exercé les dernieres rigueurs contre ses enfans : qu’aprés tout sa réponse étoit une atification de ce mariage, n’ayant puny son fils que par une indifférence : Que si l’on avoit ugé qu’une fille mariée par sa mere lorsqu’elle étoit sous les loix d’un second maiy, pouvoit demander sa legitime, nonobstant que la fille mariée par ses pere et mere ne puisse demander que ce qui luy a été promis, parce que l’on presume equitablement que ses sentimens n’avoient pas été libres, on peut confecturer que la mere ne s’étoit declarée plus ouvertement, que ar ce qu’elle en avoit été détournée par son second mary. Valée pour Mr le President de la Barre, et le Quesne pour le Chevalier son frere, répondirent qu’une veuve qui vouloit emporter un doüaire sur la succession de sa belle-mere étoit indispensablement obligée de fariffaire au devoir qui luy étoit ordonné par la Loy : C’est une maxime que res nostra sine facto nostro pignori dari non potest. La Coûtume désire pour acquerir un doüaire que le pere ou la mere y ayent consenty : or pour charger leur succession d’un doüaire il ne suffiroit pas d’un consentement tacite. Voyez Chopin au lieu preallégué. Par Arrest du 16. de Février 1674. en l’Audience de la Grand-Chambre, la Sentence fut confirmée Il est beaucoup plus aisé de comprendre comment un pere est reputé avoir consenty ou tté present au mariage de son fils, que d’expliquer les effets que ce consentement peut produire à l’égard de la femme du fils, et de sçavoir quand, comment et sous quelles conditions. lle peut demander doüaire sur les biens du pere de son mary ; l’on ne convient pas de l’effet que produit le consentement et la presence du pere, car cet Article est le plus mal conçû et le plus obseur de toute la Coûtume, l’explication en est si difficile, que toutes les Chambres du Parlement assemblées n’ont pû convenir de son véritable sens.

Plusieurs estiment que le pere par sa feule presence et par un simple consentemecturer, mariage de son fils s’impose une interdiction generale et absolué de tous ses biens, et soit que son fils le predecede ou qu’il meure aprés luy, que sa veuve prend son doüaire en exemption des dettes qu’il a contractées, et des alienations qu’il a faites depuis son consentement : D’autres ne donnent pas une si grande étenduë au consentement donné par le pere, ils n’accordent le doüaire sur les biens du pere qu’à la charge des dettes contractées par le pere depuis le mariage de son fils, en sorte que la presence ou le simple consentement du pere ne l’engage pas et ne le prive point de la liberté de disposer de son bien, et en consequence que la veuve prenant doüaire sur la part qui auroit appartenu à son mary, elle est sujette aux dettes contractées depuis son mariage, soit que son mary ait predécedé son pere ou qu’il l’ait survécu, parce qu’il ne peut avoir de portion en la succession de son pere, qu’en contribuant aux charges d’icelle.

Il est encore incertain de sçavoir quelle est cette part qui appartenoit au fils lorsqu’il a predecedé son pere, et de quel temps on la doit regler, si c’est au temps de la mort du fils ou du décez du pere

Tous les partis interessez en ces differentes opinions ont travaillé avec beaucoup de chasieur à les soûtenir : Ils ont expliqué l’ancienne et nouvelle Coûtume à leur mode, et la Cour n’ayant pû décider ces difficultez, les opinions s’étant trouvées partagées, on ne pourroit entreprendre sans temérité de les refoudre, et chacun est trop prevenu de la justice de son fentiment, pour pouvoir être convaincu par les raisons que l’on allégueroit au contraire : Il est donc plus à propos d’en attendre la décision de sa Majesté, à laquelle la con-noissance en a été renvoyée.

Lorsque le fils predecede le pere, la Coûtume refuse à la veuve le doüaire sur les biens acquis par le pere ou la mere, ou qui luy sont échûs depuis le decez de leur fils : Cette dernière disposition étoit necessaire pour prevenir cette grande difficulté que les Commentateurs de la Coûtume d’Anjou ont agitée, sçavoir si la veuve du fils pouvoit avoir doüaire sur les piens que le pere ou la mere avoient acquis depuis le decez de son mary La Coûtume d’Anjou dispose comme la nôtre, que si un homme se marie du consentement de ses pere et mere, et il meurt avant sa femme, elle prendra en doüaire la tierce partie de la portion que son mary eût prise en la succession de ses pere et mère, s’il leur eût succedé : On combat cette pretention de la veuve par ces raisons, qu’il est vray que les ensans durant la vie de leurs peres sont reputez en quelque façon proprietaires de leurs biens, à cause de l’esperance presque certaine qu’ils ont d’y pouvoir succeder, etiam vivo patre ux bré.

quodammodo Domini existimantur. l. in suis D. de liber. ac posthum. Mais cette espèrance doit être bornée aux biens que leur pere possedoit au temps de leur decez, étant impossible de feindre qu’ils ayent eu quelque droit à ce que leur pere n’avoit pas encore acquis de leur vivant ainsi le doüaire sur les biens du pere ne procedant que de cette espèrance que le mary avoit de succeder à ses biens, ne peut s’étendre que sur ceux qu’il possedoit lorsqu’il vivoit : D’oû I s’ensuit que ces mots ; s’il leur eût succede, se doivent entendre si le fils eût succedé à ses pere et mere, autrement il faudroit porter son espèrance au de-là de sa vie et au de-là de la vie de ses parens qui l’ont survécu. Pour définir donc à quels biens il a pû succeder, et fixer en suite le doüaire, il faut considerer le temps de sa vie, sans ajoûter une seconde fiction pour le rendre capable aprés son décez de succeder aux biens acquis par ses pere et mère, parce que la fiction ne peut operer au de-là de la nature. Charondas sur la Coûtume de Paris, Article 249. a remarqué que ce que la Coûtume dit des biens échéeans en ligne directe, s’entendoit non seulement de ceux que le pere avoit au temps du mariage, mais aussi de ceux qu’il avoit acquis jusqu’au jour du décez du mary.

On répond pour la veuve que le doüaire luy est dû sur la part qui écherroit à son mary s’il eût survécu ses pere et mere, non par fiction, mais en vertu de leur consentement à on mariage, la femme ayant contracté dans l’esperance que le fils devoit survivre au pere selon l’ordre de la nature : C’est le sentiment deChopin , de la Proprieté des biens d’Anjou, l. 3. c. 1. n. 14. Doario subesse non ea sola qua vivente filio, sed que absumpto pariter morte eo parentes emerunt. Et du Pineau sur l’Article 303. de la Coûtume d’Anjou. La Coûtume de Poitou en l’Article 260. n’est pas conforme à la nôtre, car elle donne indéfiniment le doüaire comme celle d’Anjou et du Mayne.

Nôtre Coûtume refuse véritablement le doüaire à la veuve sur les biens acquis par le pere depuis le decez de son mary ; mais il ne s’enfuit pas qu’elle ne le puisse avoir sur les biens que le pere possedoit au temps du mariage, entant que pour la part qui luy auroit appartenu s’il avoit survécu son père : L’ancienne Coûtume s’en étoit expliquée nettement ; la Coûtume Reformée ayant parlé plus obscurement, a fait naître ces grandes contestations dont je viens de parler ; car ayant dit que la femme aura doüaire sur les biens du pere, bien que leur succession échée depuis le decez du mary, pour telle portion qui luy eût appartenu si elle fût avenuë de son vivant, l’on peut douter si cette portion doit être reglée sur les biens que le pere possedoit au temps de la mort de son fils, ou au temps de sa mort Berault et Godefroy se sont trouvez contraires en opinions sur les questions qu’ils ont traiées sur ce sujet, le premier ayant proposé cette question, si le mary ayant des freres qui seroient morts aprés luy, mais auparavant leur pere commun, sa veuve auroit doüaire sur toute sa succession. Il répond qu’il y a apparence de le luy ajuger : Au contraire Godefroy soûtient que les freres décedez aprés le mary font part au profit de ses enfans, ou de ses heritiers. L’opinion de Bérault a été confirmée par un Arrest donné le 28. d’Avril 1623. entre Hadibert creancier de Clement des Vaux, et la femme et les enfans dudit des Vaux : son pere avoit consenty au mariage, et alors il avoit trois fils ; l’un d’iceux mourut avant Clement des Vaux, et l’autre aprés luy : Enfin le pere étant décedé, les creanciers de Clement des Vaux disoient que sa veuve ne pouvoit prendre doüaire que sur la part qui eût ppartenu à son mary si elle fût échûë de son vivant : or un frere étant décedé depuis son mary, il ne luy étoit point dû sur sa part, que l’on alléguoit inutilement le Texte de l’ancienne Coûtume, la nouvelle ayant expressément déclaré que le doüaire ne peut être pris que sur la part qui eût appartenu à son mary si la succession du pere fût échûe de son vivant.

C’étoit donc de ce temps-là qu’il le faloit regler, et non de celuy de la mort du pere ; ce qui étoit si conforme à l’intention de la Coûtume, que par ce même Article la femme est excluse de prendre doüaire sur les acquests que le pere avoit faits, ny même sur les successions qui luy seroient échûës depuis la mort de son mary.

La femme s’attachoit aux termes de l’ancienne Coûtume au Chapitre du doüaire, suivant daquelle, quand le pere avoit consenty, la femme avoit son doüaire sur la partie qui succedetroit à son mary s’il vivoit. D’où elle concluoit que le pere de son mary n’ayant laissé d’au-tres enfans, le tiers de la succession luy appartenoit pour son doüaire, que ces paroles, qui uy eust appartenis, avoient leur relation au temps de la mort du pere, auquel la part qui pouvoit appartenir au fils devoit être reglée, et auparavant il n’y avoit point de droit ny de por-tion, viventis nulla hereditas. C’est de ce jour-là que l’action en partage a commencé de naitre, et il est inouy que l’on fixe le droit du partage au temps de la mort de l’heritier. On pouvoit repliquer que la Coûtume avoit assez déclaré sa pensée en excluant la femme de prendre doüaire sur les acquests et sur les successions qui étoient échûës depuis ; elle a donc reglé la part du mary sur les biens fseulement ausquels il auroit alors succedé, puisque la femme est privée de doüaire sur l’augmentation arrivée depuis en ses biens, autrement si son intention eût été que l’on considerat le temps de la mort du pere, elle n’eût point ajoûté cette exception, et il eût été ridicule de limiter la part du fils predecedé au temps de la mort du pere, et de l’exclure en même temps sur les biens que depuis il avoit mis en sa main. Il n’y a point de difference de biens en succession directe ; il fut jugé neanmoins que la veuve auroit le tiers entier de la succession du pere, sans le pouvoir prendre sur les acquests faits depuis la mort du fils.

Voila un cas où il est avantageux à la veuve que l’on regle son doüaire au temps de la mort du pere, parce que par le predecez des frères de son mary avant leur pere, son doüaire en est augmenté. Que si l’on établit cette maxime que son doüaire sera contribuable aux lettes contractées par le pere, depuis qu’il a consenty au mariage de son fils ; il luy sera plus utile de le prendre du temps de la mort de son mary, puis qu’aussi bien elle n’auroit point de doüaire sur les acquests et sur les successions qui écherroient au pere ; cependant elle contribuêroit à toutes les destes que le pere auroit contractées jusqu’à son decez Le consentement ou la presence du pere n’affecte et n’engage ses biens au doüaire de sa bru, que pour la part qui appartient à son mary : Cependant il arrive souvent qu’un pere par un excez d’affection pour son fils, et pour luy procurer un mariage avantageux se rend caution de sa dot : Mais comme en Normandie un pere ne peut avancer un de ses enfans plus ue l’autre, cela a fait douter si l’effet de ces cautionnemens pouvoit s’étendre sur les portions les autres enfans ; Par Arrest au Rapport de Mr de Brinon du 29. de Janvier 1653. il a étéj jugé que cette caution obligeoit tout le bien du pere, et qu’elle ne pouvoit être mise entre les avantages indirects, bien que par l’insolvabilité du fils les autres enfans en reçoivent du prejudice ; la raison est que la femme est considérée comme une étrangere, et par consequent le cautionnement du pere est valable à son égard, de la même maniere qu’il le seroit avec un autre

De la naissent ces deux questions ; la première, si les autres enfans peuvent obliger leur belle-soeur à prendre premierement sa dot sur la part de son mary, et ensuite son doüaire sur de surplus, s’il peut le porter : Et la seconde, si la femme du fils lorsque le pere est intervenu caution solidaire de la dot, peut s’attaquer et saisir directement les parts des autres enfans avant que d’avoir diseuté celle de son mary : Je rapporteray des Arrests donnez sur l’une et l’autre question.

Par le Contrat de mariage de Demoiselle Hypolite de Beuvriot avec Jacques le Mazurier, sieur de Sequeville, Vicomte du Havre ; Charles le Mazurier son pere étoit intervenu caution de sa dot, aprés la mort dudit sieur de Sequevile, ses biens ayant été decretez, ladite de Beuvtiot sa veuve s’opposa pour ses droits de dot et doüaire : et l’affaire ayant été renvoyée par Arrest devant Messieurs du Houley et Buquet, Conseillers Commissaires, cette veuve soûtint qu’elle devoit emporter son doüaire avant sa dot, vû qu’il étoit en son option d’empescher que sa dot n’entrast dans les charges, et qu’elle se reservoit à la faire payer sur la succession entière de Charles Mazutier ayeul, comme caution de sa dot par son Contrat de mariage.

Charles le Mazurier soûtenoit le contraire par deux moyens ; par le premier il concluoit que la dot devoit être prise avant le doüaire, vû qu’il s’agissoit d’un decret à l’ordre duquel la dot rend hypotheque du jour du Contrat de mariage ; et le doüaire n’avoit hypotheque que du jour des épousailles, suivant l’Arrest rapporté par Berault sur l’article CCCLXV. et le sentiment de cet Auteur est, que quand l’on dit qu’il est en la liberté de la veuve de faire potter son doüaire avant sa dot, c’est afin qu’elle ne contribué pas au tiers de sa dot comme une charge de droit, et qu’elle la prenne sur les deux autres tiers du bien de son mary s’ils le peuvent porver, autrement il en faut revenir à l’ordre et à l’hypotheque de la lettre ; et pour second moyen il disoit que si l’on avoit quelquefois jugé que la dot étoit preferable au doüaire, on le devoit principalement juger en cette rencontre, où la part qui revenoit au mary de la succession de son pere ne pouvoit porter l’un et l’autre, et que les autres enfans ne peuvent être obligez aux droits de la femme sur la succession de leur ayeul et pere outre les forces d’icelle, ce qui arriveroit si la pretention de ladite de Beuvriot avoit lieu, parce que prenant son doilaire le premier, et le reste qui revenoit à son mary ne suffisant pas pour payer la dot, elle pretendoit revenir sur les frères de son mary, comme heritiers de leur pere qui étoit caution de sa dot ; parce que la caution où le pere intervient pour un de ses enfans, est un avancement de succession, et il arriveroit qu’elle auroit non seulement tout le partage de son mary pour ses droits, et qu’encore les enfans seroient obligez de luy payer le reste de ses pretentions ur les autres biens qu’ils pourroient posseder d’ailleurs, ce qui seroit contraire à la Coûtume et aux Arrests. Par Arrest du18. d’Aoust 1664. il fut dit que ladite Beuvriot seroit colloquée et payée de sa dot sur les biens de son mary, et ensuite de son doüaire, en cas que les biens ne fussent pas suffisans de porter l’un et l’autre.

Voicy un autre Arrest qui semble contraire : Par le Contrat de mariage sous signature privée du mois de Février 1638. de Jean le Messe avec Marguerite Renard, il se constitua en deux cens livres de rente pour la dot de ladite Renard, et Pierre le Messe son pere en intervint caution solidaire ; le mariage fut célèbré dans le même mois de Février, mais le Contrat ne fut reconnu qu’au mois de Novembre ensuivant aprés la mort de Jean le Messe ; ladite Renard sa veuve intenta action en l’an 1670. contre Chrystophe Agasse, ayant épousé la fille et heritière de Pierre le Messe, frère de son mary, et luy demanda six années d’arrerages.

de sa dot, comme étant heritier de Pierre le Messe qui s’en étoit rendu caution solidaire, il y fut condamné par Sentence du Vicomte et du Bailly, dont ayant appellé, je difois pour luy qu’il ne s’agissoit pas de décider la question de la prefèrence de la dot et du doüaire sur les biens du mary, on veut bien accorder cet avantage à la femme de regler elle-même cette reférence selon qu’il luy est plus utile, lorsque la discussion des biens du mary se fait entre es creanciers ; mais en cette Cause il ne s’agissoit point des biens ny des dettes du mary, la qualité des parties, des biens, et de la dette est toute differente. Ladite Renard poursuivit Agasse comme heritier de Pierre le Messe, caution solidaire de sa dot ; or le poursuivant comme creancière du pere, on luy oppose deux Articles formels de la Coûtume, par l’Article CCCLXIXY. la veuve du fils ne peut avoir doüaire que sur la part qui appartient à son mary, et par l’Article CCCCXXXIV. la Coûtume ne permettant pas d’avantager un de fes enfans au prejudice de l’autre, ledit Jean le Messe ne pouvoit avoir de partage que la dette dont son pere l’avoit cautionné ne fût acquittée, et suivant les derniers Arrests quand le fils avoit survécu le pere et qu’il étoit devenu son heritier, sa femme étoit tenuë de contribuer aux dettes du pere, même à celles contractées depuis le mariage, et par cette raison la femme ne peut avoir doüaire que sur ce qui reste à son mary, les charges et dettes déduites, d’où il resultoit que ladite Renard agislant comme créantière du pere, c’éoit une dette où le partage de son mary étoit tenu necessairement de contribüer ; il est vrav que si le pere avoit reçû les deniers, ledit Agasse comme heritier de Pierre le Messe seroi tenu d’y contribier pour une moitié ; mais Jean le Messe en ayant fait son profit, il est tenu d’en décharger ses coheritiees. Ainsi elle ne peut avoir doüaire sur les biens de son mary, que sa dot ne soit levée auparavant ; car puisque les dettes contractées par le pere, même deuis sa presence au mariage, doivent être acquittées avant que la femme du fils prenne son doüaire, il ne peut y avoir de concurrence entre la dot et le doüaire, la dot en cette cause est considérée comme la dette du pere, dont le bien ne doit aucun doüaire à la femme de son fils, que ses dettes ne soient acquittées, et par consequent il ne peut pas même y avoir de concurrence, car la concurrence où la prefèrence ne doivent jamais avoir lieu que pour les dettes d’une même personne. Or la dot est la dette du pere à l’égard de la femme, mais le doüaire est la dette du fils qui ne peut avoir le bien de son pere que sesidettes ne soient acquittées, ainsi la question de la preference ou de la concurrence ne peut être formée que sur la discussion des biens du mary

On convient que le Contrat de mariage luy produit cet avantage, que tout le bien du pere est affecté à l’assurance de ses deniers dotaux, et par cette raison l’Appellant seroit regulière ment obligé de contribüer pour une moitié, si le pere de son mary avoit touché les deniers ; car il ne peut avoir de partage qu’en déchargeant son coheritier de l’effet de son cautionnement, autrement un pere pourroit par cette voye faire avantage à l’un de ses enfans, et en ffet si la pretention de l’Intimé luy pouvoit réüssir, il ne seroit rien de plus aisé que de rendre illusoire la prohibition de la Coûtume, un pere se rendant caution d’une dot tres-consi-dérable qui absorberoit tout son bien, et priveroit ses autres enfans de leur legitime, que ces sortes de cautions ne pouvoient passer que pour un avancement indirect, et pour cet effet e me servois de l’Arrest du sieur le Mazurier.

Maurry pour l’Intimée répondoit qu’il faloit faire difference entre les actions simples et les oppositions aux ordres des deniers des decrets, où l’on juge selon le temps des hypotheques, que quand le Contrat de mariage a été reconnû, la dot a son hypotheque de ce jour là, et le soüaire du jour de la celebration, par l’Article du Reglement de l’an 1666. s’il y a consignation ctuelle de la dot, le doüaire se prend sur toute la succession, et la dot sur le reste qui revient à l’he ritier, et par l’Article soixante et dix du même Reglement, on ajoûte ces termes par forme d’exreption, néanmoins l’hypotheque de la dot doit preferer celle du doüaire, pourvû que le Contrat de mariage soit reconnu avant la celebration ; or il étoit évident par les termes de ces deux arti cles que l’on conservoit l’interest de la femme en luy donnant ses droits les plus entiers que l’on peut, c’est à dire son doüaire entier sur le tout, et sa dot sur le surplus ; mais le second article ne laissoit point d’ambiguité, reglant que l’hypotheque de la dot devoit être preferée à celle du doüaire, quand le Contrat de mariage n’a été reconu que depuis la celebration, son doüaire luy dévoit être ajugé sur le tout, et la dot sur les cautions, si le surplus du bien ne suffisoit pas.

Quant à l’objection qu’on faisoit que le cautionnement du pere devoit être considéré comne un avancement indirect, il faloit faire différence entre les dons et les avantages qu’un pere ait à l’un de ses enfans, et les obligations pour lesquelles il intervient caution envers un étranger ; les premieres ne peuvent exceder sa part, mais les dernieres peuvent aller plus loin et épuiser tout le bien du pere, en cas que le fils fasse mauvais ménage : Il étoit donc sans doute que le pere avoit pû obliger valablement son bien en qualité de caution solidaire, puisque la femme de son fils luy étoit étrangere, et que les stipulations qui la regardoient étoient aussi fortes que celle d’un autre Contrat ; et pour l’Arrest du Mazutier, l’Intimé pretendoit que la Cour s’étoit fondée sur la premiere défense portée par l’Arrest, que s’agissant d’un decret la dot devoit être colloquée la première, parce que l’on suivoit l’hypotheque, celle de la dot commençant du jour du Contrat de mariage, celuy de l’Intimée n’ayant été reconnû qu’aprés le mariage, il falloit changer cet ordre, et preferer le doüaire suivant le soixante et dixième article du Reglement que la Cout a fait.

Je repliquois que la difference que l’on vouloit mettre entre les actions et les simples opositions aux ordres des decrets ne pouvoit avoir lieu aprés tant d’Arrests, qui avoient jugé ue la femme pouvoit se faire payer, soit de son doüaire ou de sa dot, selon qu’elle l’estimoit plus avantageux, et que c’étoit une erreur de s’imaginer que l’hypotheque du doüaire ne commençast que du temps de la celebration, qu’il ne faloit point faire de distinction entre les actions simples, et l’opposition au decrer des biens du maiy, aprés l’Arrest de Sceles qui avoit jugé contre l’opinion deBerault , et les Arrests qu’il avoit citez, ce qui prouve que la Cour ne s’étoit pas fondée sur la premiere raison que le Mazurier avoit alléguée, mais sur ce qu’il remontroit que si ces cautionnemens du pere pour la dot de la femme de son fils étoient Galables, un pere pourroit avancer un de ses enfans de tout son bien, car le fils toucheroit l’argent, et neanmoins tout le bien du pere en seroit garant ; on demeuroit d’accord qu’il y a différence entre le don que le pere fait à son fils, et les obligations où il intervient envers un étranger ; mais il ne falloit pas en cette rencontre considerer la femme comme une personne étrangere, puis que son interest, celuy de son mary et de ses enfans qui pouvoient naître de ce mariage, avoient une liaison trop étroite : Cette cause ayant été plaidée et apointée par Arrest du 17. de Juin 1676. au Rapport de Mr Salet, la Cour mit l’appellation au neant, et ordonna que ladite Renard seroit payée de son doüaire sur les héritages que possedoit son maty, à luy échûs de la succession de son pere, aprés que sur iceux aura été fait diminution de ce à quoy peut monter la diminution de la dot dont le pere de son mary étoit cau-tion, et pourra ledit Agasse, le doüaire de ladite Renard levé, poursuivre recompense de la dot entiere, en principal et arrerages sur les acquereurs des héritages dudit Jean le Melle ; le motif de cet Arrest fust que le Contrat de mariage n’avoit été reconnû que depuis les épousailles, et par consequent suivant l’article 70. du Reglement de 1666. l’hypotheque de la dot ne pouvoit être preférée à celle du doüaire. Il se trouve un pareil Arrest dont voicy le fait, Guillaume Bucaille. maria Jean Bucaille son fils à la fille du sieur Platon Secretaire, qui luy donna 16000. livres dont 12000. furent constituez en dot à la caution solidaire de Bucaille pere ; les biens dudit Jueaille fils furent saisis reellement, ses enfans s’opposerent pour être payez de la dot de leur mere, et conclurent contre le decretant qui étoit leur oncle paternel, qu’il devoit comprenire dans la saisie tous les héritages ayant appartenu à leur ayeul, comme étant intervenu cau-tion de la dot de leur mère ; les autres frères l’empècherent par cette raison que leur partage. ne pouvoit être faisi pour la dette de leur frere ainé ; il fût dit par Sentence du Vicomte et du Bailly qu’ils seroient saisis, sauf leur recours : Sur l’appel Lyout pour le puisné disoit que la dot n’avoit point été payée, le sieur Platon n’ayant baillé qu’un Office de Receveur Payeur des gages de la Chambre des Comptes, qui ne valloit pas les 16000. livres, que s’il étoit permis à un pere de se constituer caution solidaire du mariage reçû par son fils, il pourroit faire passer tout son bien en ses mains au préjudice de ses autres enfans. Maurry répondoit que le sieur Platon ayant cherché cette assurance de la dot qu’il donnoit à sa fille, on ne pouroit l’en priver. Le Vicomte avoit prononcé à bonne cause la demande de Loüis Bucaille, celuy permis de bailler par augmentation une déclaration nouvelle des héritages ayant appartenu à Guillaume Bucaille leur ayeul, ce qui fut confirmé par le Bailly : Sur l’appel par Arrest du 20. d’Aoust 1644. les Sentences furent cassées, et en reformant, il fut ordonné que le denandeur en saisie continuëroit seulement le decret des héritages appartenans et tombezu lot dudit Bucaille ainé, parce que si lors de la distribution des deniers les enfans dudit Jean Bucaille n’étoient pas colloquez et payez des douze mille livres pour la dot d’Ester Platon seur mere, ils pourroient faire decreter l’Office de Receveur Payeur des Gages des Tresoriers de France à Paris, possedé par ledit Jean Bucaille leur pere, et par aprés s’il ne suffisoit pas, tous les autres héritages ayant appartenu à Guillaume Bucaille leur ayeul, caution solidaire de la dot : Cet Arrest est equitable en ce qu’il ordonne, que bien que le pere fût caution solidaire de la dot, la part du fils devoit être discutée avant que de pouvoir saisir les parts des autres enfans. Il en peut neanmoins arriver cet inconvenient, que par cette multiplicité de decrets les biens seront consumez en frais, et que par ce moyen la grace que l’on vouloit faire aux autres enfans leur deviendra prejudiciable.

En consequence de cet Article qui donne doüaire aux femmes sur les biens du pere et de l’ayeul, lors qu’ils ont consenty au mariage, une femme pretendit que son mary ayant succedé à son ayeul elle ne devoit point contribuer aux dettes dont son mary étoit redevable lors de son mariage, dautant que c’étoit sur les biens de layeul et non pas sur ceux de son mary qu’elle prenoit son doüaire. Les sieurs Voisin de Guenonville pere et fils assisterentur mariage de Voisin sieur de la Viardière, fils de lun et petit fils de l’autre, et signerentur Contrat ; ledit sieur de la Viardiere avoit déja dissipé son bien et tout ce qui pouvoit échoit de ladite succession ; le pere mourut le premier, et en suite layeul : ledit sieur de la Viardiere necepra la succession de son ayeul, sa femme se fit separer de biens d’avec luy, et demanda doüaire sur la succession de layeul entant qu’il en étoit échû à son mary, dautant que l’aveul ayant signé à son Contrat de mariage il luy étoit devenu obligé, et au contraire la succession de layeul n’avoit jamais été obligée aux dettes du petit fils, et s’il fût mort avant son ayeul ses créanciers n’y eussent pû pretendre aucun droit, mais elle auroit toûjours eu fon doüaire assuré : Les creanciers répondoient que leurs dettes étoient anterieures de son mariage, et partant qu’elle ne pouvoit avoir doüaire à leur prejudice, que le sieur de la Viardiere avoit obligé à leurs créances tous ses biens presens et avenir, que si la pretention de cette femme avoit lieu il n’y auroit jamais de seureté pour des creanciers qui ne pouvoient toutefois en rechercher une plus grande qu’en contractant avec un homme majeur et avant son mariage : Par Arrest du mois de Decembre 1637. au Rapport de Mr Restout, il fût jugé au profit des oreanciers, et la femme deboutée de son doüaire.


CCCLXX.

Si le pere, ou ayeul n’ont consenty le mariage, la femme n’emporte aprés la mort de son mary doüaire, fors de ce dont son mary étoit saisi lors qu’il l’epousa, ou de ce qu’il luy seroit depuis échû en droite ligne constant le mariage.

Cet Article n’a besoin d’aucune explication, on en peut neanmoins inferer que le consenrement du pere et de fayeul doit être certain, puisque la Coûtume par une expression nega-tive ajoûte que si le pere n’a consenty, dont il relulte evidemment que la femme doit justiher ce consentement.


CCCLXXI.

Doüaire coûtumier.

La femme ne peut avoir doüaire plus que le tiers de l’héritage, quelque convenant qui soit fait au traité de mariage ; et si le mary donne plus que le tiers, ses heritiers le peuvent revoquer aprés son decez.

Cet Article se trouve mot pour mot dans les Loix d’Ecosse, si verâ maritus dotem dat plus tertiâ parte tenementi dos in tanta quantitate stare non poterit, sed mensurabitur ad tertiam cartem, vel minus tertiâ parte, quia minus tertia parte tenementi sui potest quis dare in dotem, plus auem non. Skenaeus l. 2. c. 16. Dans ce passage Dot signifie le Doüaire.

Il est si vray que la femme ne peut avoir plus que le tiers pour son doüaire, qu’une doation de quarante livres de rente faite par un mary par un Contrat de mariage aux enfans de sa femme fut cassée par Arrest du 27. de Février 1627. entre Antoine du Quesne sieur de la Riviere, et Claude Susanne d’Aubigny, ayant épousé les filles heritieres du sieur Helenviliers, et les nommez Pepin et d’Orléans : cette prohibition de donner à la femme est si rigoureuse, qu’il ne peut pas même donner à sa femme ny à ses parens ce que la Coûtume vermet de donner à un étranger ; ces donations ne sont pas défenduës entre vifs seulement comme par le Droit Romain, mais aussi par testament, étant contre la Coûtume ; il n’est pas necessaire pour les faire déclarer nulles d’obtenir des Lettres de recision, nam quod lege probibente fit, nullum est l. non dubium de legibus, quoy qu’ordinairement les voyes de nullité n’ayent point de lieu en France, et je ne doute pas que le mary même en cas de separation civile d’avec sa femme ne pûst faire reduire le doüaire qu’il auroit promis s’il étoit excessif. C’est une grande question si un doüaire ayant été promis plus grand qu’il n’est permis par la Coûume sur des biens situez en cette Province, par un Contrat de mariage passé sous la Coûtu-me de Paris, avec renonciation à la Coûtume de Normandie,, et par un établissement de domicile à Paris, la femme pourroit se prevaloir de cette stipulation. Bérault a traité cette matière sur cet Article et sur les Articles 389. et 538. et il assure avoir été jugé que ces dérogations sont nulles, parce qu’il faut suivre la Coûtume des lieux, ce qu’il étend aux meu-ples et acquests. Je parleray sur l’Article CCCLXXXIX. des meubles et des acquests que son pretend en vertu de la communauté.

pour le doüaire il semble que le Parlement de Paris a donné des Arrests contraires. Par lArrest de Larchant rapporté par MrLoüet , l. C. n. 16. et parMonthelon , Arrest 81. il fut jugé que les Coûtumes étant réelles lon n’y peut déroger à légard du doüaire, nonobstant outes dérogations aux Coûtumes des lieux où les biens sujets au doüaire sont assis, et en ce faisant le doüaire de la Dame de Larchant fut reduit au tiers suivant la Coûtume de Normandie,

Fresne Du Fresne en son journal des Audienees, l. 2. c. 38. de Iimpression de l an 1652. rapporté un Arrest contraire, par laquel il a été jugé qu’il faut regler le doüaire par la Coûtnme du lieu où le Contrat de mariage a été passé, et non par. celle du domicile du mary : l’Atrest fondé sur ce que les Contrats de mariage et les conventions qui en dépendent sont pures. personnelles, et se reglent par la Coûtume du lieu où les personnes ont contracté et suby cette Jurisdiction volontaire, et il n’importe que pour l’exocution il échet bien souvent qu’il faut se pourvoir sur des immeubles situez en des Coûtumes qui sont différentes en leur disposition, parce que ce n’est qu’accessoirement à cause de l’hypotheque ; mais l’accessoire ne doit point donner la loy aux principales conventions d’un Contrat, que cela n’est point contraire à la Loy exigere dotem D. de judiciis, qui décide qu’exigere dotem mulier debet illic ubi maritus domivilium habuit, non ubi dotale instrumentum conscriptum est, parce que la décision du Juriscon-sulte n’est faite que super questione fori competentis in repetitione dotis, et non point sur la question, si les conventions de la femme doivent être reglées par le lieu du Contrat de mariage, ou par celuy du domicile du mary.

Mais les raisons que l’on oppose paroissent plus fortes et plus véritables : quoy que les Contrats de mariage et les conventions qui en dépendent soient confidérées comme personnelles, ce ne peut être qu’à légard des choses qui dépendent du fait et de la pure volonté des contractans : mais cela ne peut avoir lieu pour ce qui dépend entièrement de la Coûtume, car étant réelle il n’est pas au pouvoir des particuliers d’y détoger, ny d’empescher qu’elles ne soient gardées ; et c’est pourquoy l’on ne peut pas appliquer pour le doüaire les raisons dont l’on se sert pour soûtenir la stipulation de la commmnauté, car cette stipulation étant ersonnelle les contractans n’y peuvent contrevenir volontairement ; de sorte que quand le mary pour ruiner la communanté acquiert en des lieux où elle n’a point lieu, on luy peut reprocher qu’il en use de mauvaise foy : mais la femme se doit imputer à elle seule la faute d’avoir stipulé an doüaire plus grand qu’il ne luy pouvoit apparrenit sur les biens de son mary, parce que n’ayant dû ignorer la disposition de la Coûtume elle a dû sçavoir en même temps que lon n’y pouvoit déroger, autrement il seroit fort aisé d’eluder toutes les dispositions des Coûtumes : Il est vray que l’execution n’est qu’un accessoire du Contrat non plus que lhypothe-que ; mais on remonte jusqu’à la stipulation, laquelle étant nulle comme contraire à la Loy ne peut produire audun effet.

Et bien que la Loy exigere dotem semble ne décider que la question. de la competence des Juges, cette décision neanmoins fait consequence pour laction principale ; car puisque l’action pour la repetition de la dot doit être formée devant le Juge du domicile du maty quoy qu’on pûst dire que les contractans s’étoient assujettis à la Jurisdiction du lieu où le Contrat voit été passé, à plus forte raison le doüaire étant réel et étant dû sur des héritages, le droit e n’en peut être reglé que par la Coûtume du lieu où ils sont assis : Aussi l’on peut dire queE l’Arrest rapporté par du Etesne n’a pas décidé la question generale ; car il ne s’agissoit que l’un doüaire prefix de cinq cens livres, et la difficulté tomboit sur ce qu’en la Coûtume de Sens où le Contrat de mariage avoit été passé, le doüaire prefix constitué à la femme étoit sans retour, et en celle de Moûtargis où le mary demeuroit il n’étoit que viager ; mais il ne l’agissoit pas de sçavoir si le doüaire pourroit être stipulé plus grand qu’il n’étoit permis par la Coûtumedes lieux où les immeubles sujets à iceluy sont assis, et suivant ces raisons il a été jugé plusieurs fois au Parlement de Paris, ; que le doüaire doit être réglé suivant la Coûtume des lieux : Loüet etBrodeau , 1. D. n. 44. Chopin sur la Coûtume de Paris, l. 2. t. 2. n. 14. Labbe sur la Coûtume de Berry, t. 8. Art. 15. Et Thomas sur le même Article cite un Arrest, par lequel il fut jugé qu’encore que les conjoints par leur Contrat de mariage se fussent soûmis à la Coûtume d’Orléans où le Contrat avoit été passé, et eussent renoncé à la Coûtume de Berry où les biens du mary étoient situez, toutefois il la faloit suivre pour le doüaire et pour les avantages de la femme. Quoy qu’il en soit ailleurs, c’est une jurisprudence certaine en Normandie que l’on ne peut déroger à la Coûtume, et que le doüaire ne peut exeeder le tiers quelque paction que l’on fasse au contraires

Quoy que la femme ne puisse avoir plus que le tiers pour son doüaire, quelque convention que l’on puisse faire, et en quelque lieu qu’elle soit passée, on peut bien convenit qu’ella aura moins suivant l’Article CCCCLXXIV. mais où le mary auroit promis plus que le tiers en doüaire, Berault forme la question touchant le temps dans lequel il faut agir pour en demander la reduction, et il estime que les heritiers doivent poursuivre dans les din ans, encore que la veuve ne leur en ait fait aucune demande : L’on peut dire au contraire pour les heritiers qu’on ne peut faire de comparaison du doüaire avec les donations, donc on est obligé de faire reduire l’excez dans les dix ans, suivant l’Article OCCCXXXV. Le donataire étant en possession des choses données, les heritiers du donateur peuvent ignorer la donation, et ils sont sans excuse lorsqu’ils laissent écouler le temps dans lequel ils pouvoient se plaindre ; on ne peut reprocher ce silence aux heritiers du mary, car le doüaire n’est dû que lorsqu’il est demandé, et par consequent le temps ne court point à leur prejudice, nam quaae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum, et quand la femme n’autoit point été tenuë d’en faire la demande pour l’avoir stipulé de la sorte par son Contrat de mariage, à moins qu’on

ne luy eût assigné un certain fonds pour son doüaire, et qu’elle n’en eût pris la possession, on ne peut opposer de prescription aux heritiers tandis qu’elle ne s’est point fait ajuger son lot à doüaire ; mais si l’heritier pretendoit avoir été deçû dans la confection des lors à doüaire, il seroit tenu de fe pourvoir dans les dix ans, parce que les lots font un Contrat fait entre la doüairiere et les heritiers du mary, et si la deception consistoit en l’inégalité de la valeur des lots, on feroit obligé de se pourvoir contre iceux comme l’on feroit contre un Contrat de vente où l’on pretendroit qu’il y auroit de la lesion : Godefroy a tenu que non seulement le temps ne peut couvrir l’excez, mais que l’on ne seroit pas même obligé d’obtenir des Lettres de restitution.


CCCLXXII.

Plege du doüaire à quoy n’est tenu.

Celuy qui est plege du doüaire, le doit fournir et faire valoir, encore que la promesse excede le tiers des biens du mary, sans qu’il en puisse demander recours sur les biens dudit mary ou de ses hoirs, quelque contre-lettre ou promesse de garantie qu’il ait de luy.

Cet Article étoit absolument necessaire, la prohibition de donner plus que le tiers en doüaire eût été frustratoire et infructueuse, si la caution que la femme avoit fait intervenir pour son assurance eût en une action en garantie contre le mary ; ainsi contre cette regle de droit que iberato reo, liberatur et fidejussor, la caution du doüaire doit le faire valoir, quoy qu’il soit exclus d’en demander recompense au mary.

C’est une question fort célèbre entre les Jurisconsultes, an liberato reo, liberetur et Fidejussor e Si toutes les exceptions que le principal obligé peut proposer peuvent servir au Fide-usseur, cette matiere est fort embarassée par le Droit Romain, les Interpretes et les Glossareurs l’ont encore obseurcie par leurs gloses et leurs distinctions, de sorte que celuy qui voudra sçavoir la véritable décision de cette matière, selon nos Maximes, ne doit point la chercher dans le Droit Civil à cause de cette distinction qu’il fait entre l’obligation naturelle et civile, l. ubicumque D. de Fidejus. et de cette contradiction qui ne se peut sauver entre la Loy Marcelluus es. D. de Fidejus. et la Loy Is cos bonis. D. de verb. oblig Pour expliquer cette question le plus nettement qu’il me sera possible, il faut remarquer que cette Loy par laquelle omnes exceptiones que competunt reo competunt et Fidejussori n’est pas toûjours véritable ; souvent l’obligation accessoire subsiste plus long-temps que la princiale, et dure encore aprés que l’autre est éteinte, et bien que l’action fidejussoire soit comme combre d’un corps qui se dissipe et ne paroit plus aprés que ce corps est détruit, neanmoins en plusieurs rencontres le Fidejusseur reste obligé sans profiter de la liberation obtenue par le debiteur, ce qui a fait dire à Mr Cujas que non hoc definiuht dicta leges, omnes exceptiones, & ex persona D. de Fidejus. ut omnis exceptio quae competit reo competat et Fidejussori, hoc enim ost falsum, sed axceptionem que Fidejussori competit ex persona debitoris etiam inoito uo-competere veluti exceptionem doli mali l. Fidejussori D. de Donat. mais il ne s’enfuit pas que toutes les exceptions que le principal obligé peut opposer puissent servit au Fidejusseur, et pour marquer cette différence les Jurisconsultes ont fait de deux sortes d’exceptions personnelles et réelles, les exceptions qui sont personnelles ne profitent point à la caution, et dans la Loy exreptiones. D. de excepr. qui établit cette différence entre les exceptions on trouve un exemle des exceptions personnelles qui n’appartiennent point au Fidejusseur, à sçavoir la grace que l’on fait à un pere, à un Patron, à un associé, à on mary, de n’être contraints de payer qu’in quantum facere possunt : On ajoûte l’exemple du mineur, de Fidejus. l. uluim. de celuy qui a fait cession, dont la caution n’est point déchargée, Instit. de replicas.

Il est neanmoins difficile d’appliquer par tout cette exception : Le Velleian est introduit en faveur des femmes, et le Macedonien en faveur des enfans de famille, et toutefois leurs ridejusseurs participent au benefice de h restitution qu’ils ont obtenuë contre leurs obligations. L. si mulier ad S. C. vellei. D. l. sed et fi pater ad S. C. Macedon. On répond que ces restitutions ne sont pas accordées fimplement ratione persona, sed etiam ratione rei, parce que l’obligation est nulle, totam obligationem fenatus improbat ; mais l’on ne peut se servir de cette distinction pour concilier la Loy Is cui bonis interdictum est. D. de verb. oblig. avec la l. Marcellus D. de Fidejus. qui veut ut si quis pro farioso, vel prodigio fidejusserit, Fidejussori non subveniatur.

Le Jurisconsulte estimant que cette exception que le furieux ou le prodigue pouvoit alléguer ne s’étendoit point à sa caution, comme étant attachée à leur personne, et au contraire la Loy Marcellus décharge la caution du prodigue.

Les exceptions réelles sont plus aisées à comprendre. On peut dire suivant la l. cum lex D. de Fidejuss. que quoties lex contractum fieri vetat dispositione probibitoria à rebus sumpta, soit : cause que la chose ne tombe point dans le commerce, ou que la raison de la prohibition est fondée sur l’honnêteté ou sur l’interest public, en tous ces cas l’obligation principale étant nulle, elle demeure sans effet à l’égard du Fidejusseur ; M d’Argentré , Article 464. Glose1.

Mais il est difficile de faire toûjours nn discernement véritable et certain entre les exceptions réelles et personnelles établies par le Droit, ce qui fait naître une infinité de doutes et de procez. La disposition de la Coûtume de Bretagne, Article 184. est beaucoup plus judicieuse et plus aisée, elle veut qu’une personne capable de contracter puisse s’obliger pour une personne incapable, comme pour des mineurs, des prodigues, des furieux, et autres : Cet Ar-ticle fut arrêté en cette manière lors de la reformation de cette Coûtume, par l’avis de bir d’Argentré , qui fit connoître l’obscunité et la contradiction des Loix Romaines sur ce sujet : En effet quel pretexte peut avoir un Fidejusseur de demander sa décharge, puisqu’il bien voulu s’engager à cautionner une personne qu’il connoissoit incapable de contracter, n’étant point défendu de s’obliger et d’intervenir pour une personne de cette qualité : vi toutefois cette incapacité luy étoit inconnuë par le dol du creancier, il seroit juste de le décharger comme le principal obligé ; mais s’il n’a pas ignoré la condition de celuy pour lequel ii est intervenu, nun oportet creditorem circumveniri pratextu inhabilitatis quae erat tempore oblitionis, cum fuerit in potestate Fidejussoris se non obligare En consequence de ces maximes, celuy qui est intervenu garand de la vente des immeuIles faite par une femme separée, est-il condamnable à la garantie envers l’acquereur qui en a été dépossedé par la femme : Laurence Brumare femme civilement separée d’avec Pierre Doulé son mary, vendit quelque portion de ses immeubles ; et cette vente fut garantie, tant par le mary que par Jean Doulé leureils ainé : Jacques Doulé heritier de sa mere fit casser le Contrat, et Jean son frère ainé étant mort sans enfans, il fit prendre sa succession par sa fille miseure ; l’acquereur nommé Gaspar le Grix, voyant que son garand avoit un heritier, il le pour-suivit et le fit condamner en sa garantie ; sur l’appel je soûtenois pour Jacques Doulé pere et juteur de sa fille, que le Contrat de vente étoit nul tant à l’égard du garand que de la femme qui avoit vendu ; et pour cet effet je me servois de l’autorité du Droit, et particulierement de l’exemple du Velleian, car le Reglement de la Cour ayant expressément interdit aux femmes separées, l’alienation de leurs immeubles, on pouvoit dire qu’en ce cas la restitution de la femme n’étoit point personnelle ; elle étoit fondée sur la nullité de l’obligation, quia gotam obligationem Senatus improbabat, que l’acquereur ne se pouvoit plaindre, puis qu’il avoit cquis un bien qu’il ne pouvoit acquerir valablement ; mais je m’appuyois principalement sur les menaces dont le pere avoit usé pour obliger son fils à le cautionner. L’Intimé répondoif qu’il n’avoit contracté que sur l’assurance de la caution qui étoit le fils, et le presomptif herigier de la femme, que comme il sçavoit bien que la femme ne pouvoit vendre, il avoit pris pour son assurance un Fidejusseur capable de s’obliger valablement pour une personne incaable ; les Juges furent partagez en leurs opinions, mais depuis les parties firent une transa-ction. Ce qui rendoit la cause plus favorable pour cette mineure, étoit que le fils ne s’étoit p engagé que par l’autorité de son pere, et aprés plusieurs menaces et intimidations ; cette circonance cessant, puisqu’il n’y a point d’inconvenient qu’une personne capable s’oblige pour une incapable, encore qu’il connoisse son incapacité, le Fidejusseur n’a point de cause de restitution, s’étant engagé volontairement et avec connoissance de cause.


CCCLXXIII.

Ce qui se doit entendre de toutes personnes autres que le pere ou ayeul du mary, lesquels en ce cas ne sont tenus que des arrerages qui écherront leur vie durant et n’y sont obligez leurs hoirs aprés leur mort.

On peut demander pourquoy dans cet Article la Coûtume oblige le pere et l’ayeul du mary à payer seulement durant leur vie le doüaire qu’ils ont promis à la femme de leur fils, et qu’au contraire toute autre personne qui l’a promis est contraint de le payer durant tout le temps qu’il est dû : On répond que si les heritiers du pere ou de l’ayeul étoient obligez à continuer un doüaire excedant le tiers, la Coûtume qui le défend seroit illusoire ; car encore que les heritiers du mary ne fussent pas tenus en cette qualité, ils le seroient d’ailleurs quand le mary auroit succedé à son pere et à son ayeul si leur promesse étoit valable.

Il est vray neanmoins que quand les promesses sont si excessives qu’elles reduisent le pere et l’ayeul dans l’impuissance de les executer, on ne doit pas exercer contr’eux les dernieres extrémitez, il faut se contenter de ce qu’ils peuvent fournir raisonnablement, in quantum facere possunt, suivant l’Arrest donné entre Pièrre le Canu et la veuve de Jean le Canu son fils, e 29. de Janvier 1627. plaidant le Telier et Caruë. Pour obtenir rette grace en faveur dupere et de l’ayeul du mary, on argumente de la dot au doüaire dont la demande n’est pas si avorable, parce qu’elle est en quelque façon lucrative de la part de la femme, et on se sert le l’autorité des Loix, ex diverso 17. solut, matrim. l. sicut de re judic. Ces Loix qui parlent de la promesse de la dot ou de la restitution d’icelle, si pleines de moderation et d’honnêteté, sont aussi gardées parmy nous ; un pere lorsqu’il est poursuivi par sa fille ou par son gendre pour le payement de la dot qu’il a promise à un gendre qui a contracté dans la bonne foy, et qui s’est marié dans l’esperance de recevoir une dot capable de supporter la dépense et les frais de son mariage, n’est pas fort favorable, parce qu’il se doit imputer d’avoir promis ce qu’il ne peut accomplir ; toutefois on ne pourroit sans quelque impieté refuser à un pere dequoy fournir à ses alimens, la raison est que sa promesse est toûjours un effet de sa liberalité, et qu’on ne doit jamais agir contre un bien-faicteur dans la derniere rigueurs Mais ce raisonnement seroit foible contre une femme, qui demanderoit à son beau-pere la restitution de ses deniers dotaux qu’il auroit reçûs ; il ne pourroit demander de grace sur le pretexte de sa liberalité, au contraire on luy reprocheroit avec justice la dissipation qu’il auroit faite d’un bien qui ne luy appartenoit pas, et la femme à cet égard seroit considérée comme une personne étrangere, sur tout si le mariage étoit dissous au temps de son action. On trouve sur ce sujet deux Loix contraires ; la Loy ex diverso 17. D. solut. matrim. si socer ex promissione à Neratius marito conveniatur, solet queri an idem honor habendus sit, scilicet ut in quantum facere possit conveniatur, & hoc justum esse Neracius et Proculus scribunt, et par : la Loy sicut 21. de re judic.

On fait tenir un langage contraie àNeratius , an si cum socero ex promissione agatur in id quod facere porest damnandus sit, quod & id aequum videtur, sed alio jure utimur, ut Neratius scribit.

Pour concilier ces deux Loix qui sont contraires, Antonius Faber Conject. 24. dit que le sens de ces paroles est sed alio jure utimur, equum quidem esse socerum ex promissione dotis solute matrimonio, nunc in solidum condemnari, nunc non condemnari ; regulariter non condemnari ex causa, tamen & ex persona condemnari, hoc est si dolo dotem promiserit, vel si vilis persona sit que pix aliquo honore digna videatur. Et cette explication est conforme à la Loy si de Dote 84. de ur. dot. qui met de la difference entre l’action qui est formée avant le mariage et celle qui n’est commencée qu’aprés la dissolution d’iceluy, le Jurisconsulte estimant que durant le temps que l’alliance continuë, un gendre doit à son beau pere un plus grand respect que quand ce lien a été rompu par la mort de la femme, si manente affinitate dotem promissam tener à socero petit, utique in quantum socer facere potest condemnabitur, si diruptomatrimonio petitur ex causa et personâ, tribuendum puto ; quid enim si socer specie futurae dotis induxerit generum & cum sciret se prestare dotem non posse, id egerit ut genero insidiaretur. sans distinguer si le mariage duroit encore ou s’il étoit dissous, pourvû qu’il ne parût point de dol ni de tromperie de la part du beau-pere, comme il est assez ordinaire que les hommes presument beaucoup plus qu’ils ne doivent de leur bonne fortune et de leurs facultez, il semple juste d’avoir toûjours de la consideration pour la qualité de beau-pere, lorsque son im-puissance est effective et qu’elle n’est point de mauvaise foy ; d’autre côté l’on doit avoit égard à la condition du mary s’il est chargé d’une grande famille, si son bien ne suffit point pour l’entretenir, et selon toutes ces diverses circonstances on pourroit ne condamner pas ce beau-pere ou le condamner rigoureusement.

bien que l’on ne traite pas dans la derniere rigueur un beau-pere, celuy qui seroit interrenu caution de l’execution des promesses de mariage ne joüiroit pas de ce benefice, hoc enim reneficium persona coharet. l. exceptiones D. de except. Les Jurisconsultes ont eu de la peine à accorder cette grace au pere qui avoit promis en dot à sa fille plus qu’il ne pouvoit payer, de ne pouvoir être condamné au de-là de ses forces, quoy que sa promesse fust une pure liberalité, et cependant quand la femme poursuit la restitution de ses deniers dotaux contre le pere de son mary qui les a reçûs, ces mêmes Jurisconsultes sont tous d’accord que ce beaupere doit joüir de la même faveur qu’elle seroit obligée de faire à son pere, quia parentis locum socer obtinet, idem honos ei debetur, et toutefois la demande de la femme en cette rencontre est beaucoup plus favorable, le pere du mary ne peut se prevaloir de la gratitude et de la charité qu’on doit avoir pour son bien-faicteur, puisqu’il n’a rien donné ; d’ailleurs la don étant destinée pour ses alimens et pour la subsistance de sa famille, on ne le peut forcer d’en faire des compositions et des remises, et quoy que son mariage l’engage à respecter le pere de son mary, toutefois lorsqu’il s’agit de la restitution de sa dot elle luy est en quelque façon étrangere. Il faut resoudre pourtant en cette espèce comme en la precedente, que par une raison d’équité selon les circonstances particulieres on doit donner quelque temps pour payer ou bien luy ajuger quelque mediocre pension pour sa subsistance, ce qui n’auroit pas lieu neanmoins si ce beau-pere étoit decreté, et que la femme se presentât à l’ordre pour être colloquée des deniers, en ce cas elle ne seroit pas obligée de relacher son droit et ses interests.

Pour obrenir cette grace de n’être pas condamné dans la derniere rigueur, l’impuissance de ayer ne doit pas être feinte ou affectée, un pere n’en seroit pas quitre pour alléguer que son bien ne seroit pas suffisant ; s’il veut en être crû il doit faire un abandonnement general de son bien en luy donnant dequoy vivre, autrement on n’a point d’égard à sa nécessité ny à son impuissance, comme il fut jugé par l’Arrest de Dugardin dont je parleray ailleurs.

Pierre Clairet, sieur de la Rocque, avoit promis à Jacques Clairet son fils en le mariant deux cens livres de rente, et en même temps ce fils luy en donna une contrepromesse nonobstant icelle il le fit condamner à luy payer ces deux cens livres de rente : Sur l’apel je me servois de deux moyens ; le premier, que cette contrelettre étoit valable au pre-udice de celuy qu’il l’avoit baillée, et comme alors on tenoit que ces contrelettres étoient absolument nulles, je m’appuyois principalement sur l’impuissance du pere de payer cette rente, et pour cet effet le pere offroit de luy bailler dés à present la part qui luy pouvoit appartenit sur son bien, en retenant neanmoins une somme pour sa subsistance ; mais le fils ayant allégué que son pere étoit riche, et qu’il ne faisoit ces offres que par la sollicitation de ses autres enfans, et pour prolonger le procez, on confirma la Sentence en la GrandChambre par Arrest du mois de Juillet 1637. Coquerel plaidoit pour le fils.

Au procez d’entre Guillaume Osmont Ecuyer, sieur Daubry, et Charles du Bois, sieur de Belhostel, et Dame Marie de Monmorancy, il fut jugé en cassant la Sentence donnée en tenant l’ordre des deniers du decret de la Terte da Belhostel, dont les créanciers étoient appellans, que ladite de Monmorancy n’auroit doüaire sur les biens de François du Bois son beau-pere, que sur ce qui en étoit échû à Charles du Bois son mary, devenu heritier de son pere, et quoy que son beau-pere luy eût promis par son Contrat de mariage douze cens livres de doüaire, et que cette promesse eût été insinuée, on jugea que suivant cet Article cette promesse qui excedoit le doüaire ne pouvoit avoir effet que durant la vie du beau-pere pour luy en faire payer les arrerages, quoy que l’on soûtint que cet Article ne s’entendoit que des enfans pour empescher les avantages indirects, et non à l’égard des creanciers posterieurs, au prejudice desquels cette promesse ayant été insinuée devoit valoir ; par Arrest, au Rapport de Mr de Fermanel, du 13. de Decembre 1670


CCCLXXIV.

Doüaire prefix.

Moins que le tiers peut avoir la femme en doüaire s’il est convenu par le traité de mariage.

Nous lisons ces paroles dans la Charte de Jean Roy d’Angleterre : Assignetur viduae pro dote sua tertia pars, qua sua fuit in vita, nisi de minori dotata sit ad ostium Ecclesiae : illud ipsum est quod dotalitium dicitur àClemente III . 3. c. plerumque de Donat. inter vir. & uxor. Puisque suivant cet Article, la femme peut avoir moins que le tiers pour son doüaire, ce ne peut etre une question problematique si elle peut renoncer valablement à prendre aucun doüaire, on ne peut dire que cette paction soit contre les bonnes moeurs ny contre l’honnesteté pulique, le doüaire étant inconnu en tant de païs ; il arrive presque toûjours que la femme ne fait cette renonciation qu’en consideration d’autres avantages qu’elle rencontre dans son mariage ; quoy qu’il en soit le mariage étant contracté volontairement sous cette condition, la semme n’a point sujet de se plaindre : Par la Coûtume de Bretagne le doüaire Coûtumier n’a sieu, mais seulement le constitué, que s’il faut suivant cette Coûtume stipuler un doüaire pour en jouir, on peut bien stipuler que la femme n’en aura point. Cedit enim dispositio legis, hominum conventioni in his quae in privatorum consensum cadunt & materiam habilem reperiunt. Go-defroy sur cet Article a tenu que la doüairiere ne pourroit être restituée contre les partages doüaire qu’elle auroit faits pour dol reel, si la deception n’étoit ultradimidiaire ; mais si la reuve a été surprise, on ne doit pas luy resuser le benefice de restitution.

On allégueroit fort mal à propos en faveur du doüaire le raisonnement des Jurisconsultes Romains, que Reipublica interest dotatas esse mulieres l. solut. matr. D. Nôtre Coûtume n’a pas estimé qu’il fût si important et si necessaire que les femmes fussent dotées en permettant au pere de marier leurs filles sans leur donner aucune chose, ayant jugé que la force et la grandeur de l’état consistoit en la conservation des familles, qui ne subsistent qu’en la personne des mâles, et aprés tout c’est une grande question s’il est utile pour le bien public que les Lycurgue femmes soient dotées. Ces deux illustres Legislateurs, Lyeurgue etSolon , n’étoient pas de ce sentiment, et le premier étant interrogé pourquoy il avoit ordonné que les filles seroient masées sans être dotées, il répondit qu’il l’avoit fait par cette raison qu’il n’y en eût point qui demeurassent à marier faute de bien, et que les autres ne fussent recherchées à cause de leurs tichesses. C’est une plainte assez ordinaire que les femmes riches sont moins respectueuses, et que souvent elles méprisent leurs maris lors qu’ils leurs sont redevables de leur fortune, Dore imperium vendidi, dit un mary dansPlaute . Et c’est pourquoy les Egypriens jaloux de l’autorité maritale, déclaroient esclaves de leurs femmes les maris qui aoient pris de la dot.

Megadore dansPlaute , in Aulularia Act. 3. Scena 5. épousant la fille d’un pauvre homme pour prouver que son choix étoit raisonnable en allégue cette raison

Nam meo quidem animo si idem faciant ceteri Opulentiores pauperum filias, Ut indotatas ducant axores domum, Et multosfiat ciontas concordior, Et nos inoidiâ minore utamur quam utimur.

Nonobstant ces autoritez, il faut avoüer que cette Coûtume de doter les femmes est honneste, legitime et ancienne ; il est souvent parlé de doter les filles dans les Loix divines, ce-luy qui avoit debauché une fille étoit tenu de l’épouser si le pere y donnoit son consentement, que s’il ne l’agréoit pas on le-contraignoit de la doter, quemadmodum est dos Vir-ginum ; ce qui ost aussi confirmé par les Loix Romaines : le Concile d’Arles qui est rapporté dans le c. 30. d. 5. ordonne ut nullum sine dofe fiat conjugium, juxta facultatem fiat dos, nec sine publicis nuptiis quisquam nubere presumat : Ce Canon mérite beaucoup de loüange en défendant les mariages clandestins, mais il paroit extraordinaire en défendant qu’il se fasse aucun mariage sans stipuler une dôt ; on doit laisser en la liberté d’un chacun d’en user selon son inclina-tion, afin que le mérite et la vertu quand elles se rencontrent en des pauvres filles, puissent être recompensées par un mariage avantageux

Quoy qu’il en soit, il étoit plus juste parmy les Romains que parmy nous de doter les femmes, afin qu’elles pûssent subsister aprés la dissolution du mariage ; car autrefois elles ne ti-çoient aucun avantage de leur mariage, et ne profitoient point des biens de leurs maris, elles n’avoient point de part aux meubles ny aux acquests ; on permit depuis aux maris de leur faire quelque donation pour les recompenser de la dot qu’elles leur apportoient : C’est ce que le Droit appelle airioipra donationes ante vel propter nuptias. Et enfin les Empereurs Gtecs introduisirent leur Lofoo7or : Et encore aujourd’huy dans les Provinces qui gardent le Droit Romain, les femmes ne gagnent par le mariage que leur augment de dot ; elles n’ont point de doüaire, elles ne prennent aucune parr aux meubles et acquests, et les maris peuvent seulement leur donner par testament ou à cause de mort.

Ces renonciations doivent preceder la celebration du mariage, autrement elles seroient nulles étant faites à la femme constant iceluy ; elle ne pourroit pas même renoncer à prendre son doüaire sur les biens vendus par sonemary, à moins qu’elle ne pûst en être recompensée sur ses autres biens : Et Mi d’Argentré a raison de blamer l’Article de sa Coûtume, par lequel si la femme consent à l’alienation des propres de son mary, elle perdra son doüaire sur les choses alienées, sans pouvoir pretendre qu’il luy soit remply sur les biens qui resteront aprés le decez du mary ; car le consentement que la femme donne à l’alienation faite par son mary ne doit valoir qu’en ce seul cas, que le reste des biens du mary soit suffisant pour fournir le tiers en doüaire, l. jubemus. C. Ad S. C. vellei. Le mary ne pouvant pas durant le mariage faire des actes qui privent sa femme du droit qui luy étoit acquis.

Puisque la femme peut renoncer à son doüaire, ou qu’on la peut obliger à se contenter du doüaire prefix, le mary peut-il augmenter le doüaire prefix quand il a été stipulé de la sorte ir le Contrat de mariage ; Lachéré par son Contrat de mariage avec la nommée Bigot, luy avoit limité son doüaire à cinquante livres, à condition néanmoins qu’il pourroit, s’il avisoit que bien fust, augmenter son doüaire jusques à une certaine somme, ce qu’il avoit fait : Aprés sa mort Lachéré son heritier contestoit cette augmentation, parce qu’il l’avoit faite constant son mariage, tempore prohibito. La femme répondoit que ce n’étoit que l’exetution de la stipulation portée par son Contrat de mariage ; par Arrest du 16. de Juillet1647. il fut dit qu’elle auroit doüaire par provision sur tous les biens de son mary. Il n’y avoit pas de difficulté dans l’espèce de cet Arrest, dautant que le mary avoit retenu la faculté de le pouvoir faire ; mais cessant cette clause, puisqu’il est défendu au mary de faire aucun : vantage à sa femme durant le mariage, cette augmentation de doüaire ne pourroit valoir.


CCCLXXV.

Charge du doüaire.

Les doüairieres doivent tenir en état les maisons et héritages comme elles leur ont été baillées sans couper les bois autres que ceux qui sont en coupes ordinaires si ce n’est pour reparer les maisons et manoirs, appellé le propriefaire, et par ordonnance de Iustice.

On sçait assez que par ces mots, la veuve doit tenir en état les maisons, l’on entend ce que les Latins appellent sarta tecta, c’est à difodles reparations d’entretenement, et non point les fedifications et grosses reparanions. Ce que la Coûtume de Paris, Article 262. explique en ces termes ; La doüairiere est tenuè d’entretenir les maisons de reparations viageres, qui sont toutes reparations d’entretenement, hors les quatre gros muts, poutres, et entieres couvertures et voutes : Et par le Droit 1. 7. et sequent. D. de usufr. usufructuarius tenetur aedes reficere, hactenus tamen ut sarta tecta habeat. Ce que nôtre Coûtume appelle tenir en état les, maisons : modica agitur refectio ad viduam pertines. Et si l’on veut sçavoir plus exactement ce que la doüaitiere duit faire ou ne faire pas, on l’apprendra de Mr d’Argentré sur l’Article 442. de la Coûtume de Bretagne.

Comme il arrive souvent que les héritages baillez en doüaire sont affectez à des rentes et à des charges foncieres, ou qu’ils sont taxez pour des impositions et des droits extraordinaires, la doüairiere et les proprietaires disputent souvent pour sçavoit qui doit acquiter ces taxes et ces augres impositions ; La distinction de Godefroy sur la l. quaro D. de usufr. leg. me paroit raisonnable, beres, inquit, prastat onera pro jure fructuum percipiendorum : fructuarius vero otera ipfis vel fructibus vel personae impositis, c’est à dire que si la taxe étoit faite pour la conservation de la proprieté, elle doit être payée par le proprietaire ; mais lors que la taxe ou-l’imposition est demandée à cause de la joüissance, elle est due par l’usufruitier : Le Jurisconlulte Ulpian dit en la 1. 7. in fine de usufr. D. que stipendium, solarium, tributum et ali-menta ab ea re relicta usufructuarius agnostere debet ; et en la Loy si pendentes, 5. 3. Cod. si quid Cloacarii nomine debeatur, vel si quid ob formam aqueductus, que per agrum transit pendatur, ad onus fructuarii pertinebit ; et en la I. quero de usufr. leg. D. si fundo legato indictiones temporaria aaeicte sunt idem juris esse in his ppeciebus quae postea indicuntur, quod in vectiralibus dependendis, et ideo hoc onus ad fructuarium pertinet. C’est le sentiment dePontanus , Titre de Doüaire, Article 19. de la Coûtume de Blois, que omnia onera quecumque ea sint, sive parrimonialia, sive imposititia, ordinaria, extraordinaria-ve à predio, vel à persona, intellige nomine pradii debita, al usufructuarium pertinent ; et en ce même Article il combat l’opinion contraire qui a été Boerius Chassanée uivie par Boêtius, sur la Coûtume de Berry, de Feudis, Article 59. et par Chassanée, sur la Coûtume de Bourgogne, Titre des Fiefs

Nous suivons aussi cette jurisprudence ; la veuve est tenué d’acquiter les rentes et charges foncieres, les Tailles et les Droits qui se payent à cause de la joüissance, et les taxes qui se peuvent faire à cause d’icelle. Ricard sur l’Article 262. de la Coûtume de Paris, assure que c’est aussi l’usage à Paris, et que la veuve doit les impenses qui se font et qui sont dûës à rause de la joüissance, comme l’Arrièreban, la Taille, l’Impost pour la fortification du lieu dans lequel la maison fujette au doüaire est assise ; et par Arrest du 3. de Février 1657. au Rapport de Mr de Vigneral, entre Marguerite le Févre, femme civilement separée d’avec Pierre du Buisson appellant, et Noel du Montier et autres ; il fut jugé que ladite le Févre contribuêroit à cause de son doüaire à la taxe des Francs-Fiefs, et à ce moyen elle fut condamnée au payement de deux cens quarante-deux livres tant de sols, pour le tiers de sepr eens vingt-cinq livres, à quoy ladite taxe se montoit : et comme cette taxe n’est dûe que pour la joüissance que l’on a euë pendant vingt années, il ne faudroit y assujettir la veuve qu’à proportion du temps qu’elle auroit joui-

Pour l’Arrièreban, une femme ayant voulu se défendre d’en paver la taxe qui étoit demandée à cause du fief dont elle joüissoit pour son doilaire, elle y fut condamnée par Arres du 27. de Juin 1638. plaidans le Telier et Carué ; cette taxe de l’Arriereban étant une charge extraordinaire demandée par le Prince, et qui par consequens est dûg par l’usufruitier. a Charte Normande porte que le Roy peut la demander ex causa Himinenti, aussi l’Ordonnance de François I. y est expresse.

Il n’en est pas de même des taxes qui se font sur ceux qui possedent des biens du Domaine du Roy, ou qui ont des terres en Franc-Aleu, c’est proprement en ce cas que l’on peut dire que les raxes sur les possesseurs des biens Domaniaux se font pro jure percipiendorum fructuum, pour être maintenu en la possession des biens du Domaine dont on joüit par engagement, et par consequent elle est dde par le proprietaire et non par l’usufruitier. Cette question fut décidée par Arrest du 18. de Detembre 1647. en la Chambre de l’Edit, entre les Demoiselles Poulain appellantes, et Marthe Soyer intimée, et il fut jugé que la Demoiselle Soyer qui joüissoit pour son doüaire de quelques terres dépendantes du Domaine du Rey, n’étoit point obligée de contribuer aux taxes imposées sur lesdits héritages, encore qu’il semblat que e fût une charge des fruits, et la Sentence qui l’avoit jugé de la sorte fut confirmée, plaidans Alorge pour l’Appellante, et Carué pour l’Intimée, conformément à un Arrest donné en la Grand. Chambre le 15. de Janvier en la même année, dont je parleray sur la matière du Franc-Aleu.

La question pour le Franc Aleu doit paroître moins problematique, puisqu’on peut dire que le Roy n’impose les taxes que comme Souverain, et comme par un droit de protections étant de la nature du Franc-Aleu de ne devoir aucun droit ; de sorte que le Prince ne Fnisant cette levée qu’en cette qualité, le proprietaire la doit acquiter, parce qu’en ce faisant il est naintenu dans cette prerogative de ne reconnoître aucun Seigneur feodal ; la question an fut aussi plaidée, et jugée en l’Audience de la Grand. Chambre le 15. de Janvier 1647. Lequillon Sergent à Roüen avoit épousé la veuye du Marchand, laquelle possedoit quelques muisons dans la ville de Roüen, qui furent taxées pour le Franc-Aleu ; on somma Lequillon de payer la taxe, mais quelque temps aprés il mourut. Ses heritiers furent poursuivis par sa veuve ropriétaire de ces maisons pour la décharger de cette taxe, à quoy ayant été condamnez, sur leur appel de Cahagnes leur Avocat representoit que cette taxe étoit onus rei, qui devoit ttre acquitée par le propriétaire ; mais il s’appuyoit principalement sur ce que le mary étant mort avant le payement de la taxe, ses heritiers usoient de leur bonne fortune, le mary ne pouvant plus joüir, ses heritiers ne pouvoient plus être recherchez à l’avenir. De la Hogue pour la veuve tépondoit que cette taxe étant duë à cause de la joüissance, le mary et ses heritiers étoient obligez de la payer : Par l’Arrest on cassa la Sentence, et les heritiers furent déchargez.

Il peut être que cette circonstance de la mort du mary fut le motif de l’Arrest, et que par consequent on n’a pas décidé la question generale ; et en effet plusieurs sont de ce sentiment que le mary doit y contribuer de la même maniere que la veuve a été condamnée de contribuer à la taxe des Francs-Fiefs, suivant l’Arrest rapporté cy-dessus. Cette imposition avoit pour cause da joüissance du fonds, et la taxe étant faite pour les joüissances passées la mort du mary ne pourroit exempter ses heritiers, étant une charge qui se devoit personnellement mais fi l’on examine la véritable cause de la taxe, on réconnoitra qu’elle est demandée pour conserver le proprietaire dans le privilege du Franc-Aleu, et que par consequent il doit l’acquiter seul. Cependant comme ces taxes ne sont point dûës par la nature du Franc-Aleu, et qu’elles ne font exigées contre le Droit commun que par l’autorité du Prince et pour des auses publiques, il seroit rigoureux d’en charger le proprietaire feul : En effet pour les taxes lu Tiers et Danger qui étoient demandées à ceux qui ne le devoient point, ou pour le rachapr et l’extinction de ce droit à ceux qui y étoient sujets, les veuves ont été condamnées d’y contribuer, et on regle ordinairement leur part de cette contribution à un sixième.

La veuve étant obligée non seulement de tenir en état, mais aussi de conserver et de ne diminuer pas les maisons et les terres qui luy sont laissées pour son doifaire, on a revoqué en doute si la veuve se peut servir des Catrieres, Ardoisieres, Sablonnieres, et Marnieres pour fa commodité seulement, ou si elle peut en vendre et en tirer du profit ; Suivant la Loy âtem. de usufr. potest usufructuarius si lapidicinas, arenas et cretifodinas haheat, cedere si velit, & his omnibus uti tanquam bonus paterfamilias : On peut conclure par cette Loy que l’usufruitier Je peut fervir de toutes ces choses comme un bon pere de famille, mais il ne s’ensuit pas qu’il en puisse vendre. Le Droit Civil met au rang des biens dont l’usufruitier pouvoit joûit les Carrieres et autres choses de cette nature, suivant le sentiment des Philosophes, qui soûtenoient que les Carrieres renaissoient lapidicinae renascebantur ; mais le Soleil de nos climat n’a point assez de force et de chaleur pour faire cette production, au moins on n’en a point d’experience, c’est l’opinion de Mr d’Argentré , qui soûtient qu’elles ne renaissent point, ce qui luy fait dire sur l’Art. 60. de la Coûtume, que in his cum solum consumi, cavari, mergi, exportari cor tingat et ad culturam inutile reddi, et substantia fundi mutetur & pereat, non injusta est expostulatio Domini si suae indemnitati consuli à vassallo petat. Que si le Seigneur Feodal peut em-pescher que son vassal ne se serve de ces choses, quoy qu’il soit proprietaire du fonds et que le Seigneur n’y soit interessé que pour l’assurance de ses Droits Seigneuriaux, une doüairiere ou un autre usufruitier ne peut joüir de ces choses que pour les émployer aux repararions es maisons, ou pour la meliotation des terres, comme de la-Marne dont on se sert en plusieurs lieux de cette Profince pour échauffer la terre, qui est la proprieté de la Marne, sans poutefois en pouvoir vendre

Cet usage de marner les terres labourables est fort ancien dans les Gaules, alia est ratio quà Galli et Britanni inoenere alendi terram, quod genus vocant Margam, Spissior ubertas in ea ontelligitur.Plin . l. l6. c. 6. Dans quelques anciens Exemplaires il y a Marla au lieu de Margas et Ménage écrit dans ses Origines que les Angevins, les Manceaux, les Normands, et les Boulonnois, disent Marle au lieu de Marne : Les païsans du païs de Caux l’appellent Mâle : Dans les Capitulaires deCharles le Chauve , page 324. elle est appellée Margilla ; Marga pri mùm post margilla dicta est-

Aprés avoir exprimé les charges où la doüaitière est obligée, on demande quelle peine on luy doit imposer lorsqu’elle neglige de cultiver les terres en leur saison, ou de reparer et d’entrertenir les batimens ; Nôtre Coûtume n’a rien déterminé sur ce sujet ; la l. Irem D. de usufructus dit usufructuarium cogi posse colere, c’est une question fort disputée entre les Docteurs sur la I. divortio D. solut. matr. et ibiBartol . an ob abusum usufructuarius sit expellendus aut privandus jure suo. Chopin estime que la negligence de la veuve est punie par la perte de son doüaire, et que la negligence consiste à ne eultiver pas les vignes, à ne rétablir point les naisons, et à abbatre les bois de haute : fûtaye, l. 3. t. 1. et 3. de la Proprieté des biens Mais la Coûtume reformée de Bretagne, Article 468. y apporte ce temperament, si la doüaivère laisse deperir les terres ; maisons, bois qui portent fruits, moulins, étangs et autres choses. parquoy l’héritage soit moins valant, elle sera dessaisie du doüaire, et sera regardé le dommage qu’elle auroit fait, et d’autant que le dommage sera estimé, le revenu dudit doüaire sera diminue, et ce qui en devra demeurer à ladite doüairiere luy sera laisse par les mains de l’heritier principal.

Ce deperissement doit être considérable, et il consiste au defaut de labourage, et pour les maisons au defaut de reparation ; on ne dépossederoit pas promptement une doüairiere, on la feroit d’abord condamner à mettre les choses en bon état, et n’y fatisfaisant pas on faisitroit le revenu pour être employé à la reparation. de la chose :Tournet , sur l’Article 262. de la Coûtume de Paris, est de ce sentiment, et dit avoir été jugé par Arrest que la femme ayant laissé deteriorer les batimens par sa negligence ne doit pour cela perdre son doüaire, mais on la peut contraindre à faire les reparations de ce qui est ruiné par sa faute, et à desinteresser l’heritier, si toutefois les choses étoient tombées en une décadence si grande que le revenu ne fût pas suffisant pour les rétablir, il seroit juste de pratiquer ce qui est rescrit par la Coûtume de Bretagne pour indemniser le proprietaire.

C’est une doctrine commune que si les maisons sujettes au doüaire perissoient par le feu u par quelqu’autre force majeure, le proprietaire ne seroit pas tenu de les rétablir, car l’usupruit est éteint par la ruine de la chose sur laquelle il est dû, l. repeti. 5. 1. quib. mod. ususfruct. amittitur ; maisChopin , l. 3. l. 1. c. 3. n. 20. de la Proprieté des biens d’Anjou, estime que si l’heritier du mary avoit fait rétablir le moulin ou la maison chargée du doüaire, il seroit tenu de souffrir la continuation d’iceluy. L’usufruit de la place où la maison étoit bâtie restant encore à la femme, le proprietaire seroit obligé de luy en tenir compte, mais elle ne pourroit prendre part au loyer de la maison rebâtie qu’en desinteressant le proprietaire.

Quand la negligence ou la faute de la doüairiere peut causer la perte de la chose, il est sermis au proprietaire de pourvoir à sa seureté, on donne pour exemple les Sergenteries sur lesquelles la veuve a doüaire, quoy que regulierement la doüairière ne soit pas tenuë de bailver caution, toutefois comme la malversation et labus de celuy qui exerce une Sergenterie en pourroit faire perdre la proprieté, il semble juste qu’une doüairiere qui joüit d’une Sergenterie soit obligée d’assurer le proprietaire. Cela fut jugé de la sorte le 12. de Février 1637. entre la nommée Richer veuve de Lieuré, appellante d’une Sentence qui favoit condamnée comme joüissante à doüaire d’une portion de la Sergenterie Royale de Montiviliers, à bailler au fils du premier mariage et heritier de son maty caution de lexercice pour sa part à cause des perils qui en pourroient arriver au proprietaire, et la Sentence fut confirmée par l’Arrest.

La Coûtume de Paris, Article 264. oblige la doüairiere qui se remarie à bailler caution ; car ton prelume qu’un second mary ne se mettra gueres en paine de maintenir lhéritage dont sa femme joüit à doüaire, et par le Droit Civil l’usufruitier y étoit toûjours obligé, t. quemadmodum usufruct. caveat, et cette caution étoit requise si necefsairement, que le donateur même Papé Chassa de lusufruit ne pouvoit pas s’en dispenser, l. 1. c. de-Uisustuct. lGuid. Pap. Decis. 2a8. Chassa. 1. des Droits des gens mariez, 86. in verb. et sera tenuriuBlusieurs distinguent entre l’usutuit constitué par l’homme et l’usufruit constitué par la Loy, la caution est necessaire pour a premiere, l. cum non solum, sin autem as alienum vers. boc procul dubio. C. de bonis, qualib. mais quand l’usufruit étoit dû en vertu de la Coûtume, iomne pouvoit assujettir l’usufruitier à bailler caution, il est certain que la doüairiere n’y est paint obligée s’il n’y en a quelque raison particuliere, ou comme dit Mr d’Argentré , Art. 433. Gl. 2. n. 10. si non de modo & quantitate, sed de jure doarii controversia sit, non est imponenda cautionis necessitas.


CCCLXXVI.

Privation de doüaire.

Femme n’a doüaire sur les biens de son mary, si elle n’étoit avec luy lors de son decez.

Il ne faut pas se persuader que la femme ait satisfait à cet Article, lors qu’aprés avoir abandonné son mary mal à propos, elle retourne seulement auprés de luy dans ces momens qu’il pousse les derniers soûpirs, et que la crainte de perdre son doüaire a été le véritable motit de son retour, imitant en cela les Vautours que l’avidité du carnage appelle auprés des cadavres. L’intention de la Coûtume a été de punir non l’absence et l’éloignement de la femme, nais son mépris et son peu d’affection ; elle peut être absente sans crime lors qu’elle est en voyage pour les affaires de son mary, ou pour sa santé ; on ne pourroit luy imputer de faute si son mary étoit mort : subitement ou par quelqu’autre accident sans pouvoir venir à son secours, et c’est pourquoy la Coûtume de Bretagne dans l’Article 430. qui est conforme à cet Article ajoûte sort à propos, que si elle n’est avec son mary et ne fait son devoir de le garder quand elle le peut faire, elle ne doit être endoirée : Il faut même recevoit favorablement les excuses de sa retraite, sur tout si la colère, la débauche et la mauvaise conduite de son mary luy en ont fourny le sujet, et comme la femme ne mérite son doüaire par sa simple presence, mais par son devoir, par ses respects, et par son attachement auprés de son mary, si elle l’abandonne sans raison et par mépris, elle se rend indigne de son doüaire. Il eût été plus à propos, à mon avis, de concevoir cet Article en cette manière, que la femme n’a doüaire sur les biens de son mary, si ebbe n’étoit avec luy lors de la Rialadie dont il est décedé : car c’est en ce temps. que sa presence et son fecours luy sont le olus necessaires, c’est une des conditions reciproques du mariage de s’assister et de se seccaurir l’un l’autre dans la maladie et dans la santé, et c’est pourquoy M d’Argentré dit, doarii causa et finis ex consuetudine tribuitur obsequit femina, ut propemodum ex causa onerosa tribui videtur, ad D. Art. Gl. 2.

Puis donc que la presence, les soixts et l’assistance qu’une femme doit rendre à son mary, sont une condition essentielle pour pouvoir conserver le doüaire, la separation et l’absence en doivent emporter la privatior,. On peut confirmer la disposition de cet Article par un exemple tiré de la Loy Ea ques marito. D. de Donat. inter vir. & uxor. Ea que à marito suo pecuniam ex causa donationis acceperat, literas ad eum misit hujusmodi : Cum petenti mihi, Domine harissime annuerit indulgentia tua viginti ad expediendas quasdam res meas que summa mihi lumerata est sub ea conditione, ut si per me meosque mores quid steterit quominus in diem vita nostra matrimonium permaneat, sive invito te discessero de domo tua, vel repudium tibi sine querela misere divortiumve per me factum probabitur ; tunc viginti que mihi hac die donationis causa dare voluisti, daturam et restituturam me sine ulla dilatione spondeo : quero an si eadem marito suo repudium miserit vecuniam restituere debeat : Paulus tépondit, pecuniam quam vir uxori donavit ex stipulatione proposita, si conditio ejus extitit, peti posse. Un mary donnoit à sa femme une certaine somme d’argent, à condition que s’il arrivoit separation de leur mariage par son fait ou par sa mauvaise conduite, il pourroit redemander son argent le cas étant arrivé. Le Jurisconsulte répond que a femme doit rendre l’argent ; or le doüaire étant conditionnel suivant cet Article, la femme doit en être privée lors qu’elle n’accomplit point les conditions qui ont en partie donné lieu à la promesse du doüaire.

Sur ces principes il a été jugé par Arrest du Parlement de Paris, rapporté dans la seconde gartie du Journal du Palais, qu’une femme ayant quitté son maty par legereté, sans l’avoir même assisté à la mort, ne peut aprés son decez avoir part en la communauté.


CCCLXXVII.

Ce qui se doit entendre quand elle a abandonné son mary sans cause raisonnable ou que le divorce est-avenu par la faute de la femme : mais s’il avient par la faute du mary, ou de tous deux, elle aura son doüaire.

On trouve dans les Loix d’Ecosse une disposition conforme à cet Article, si in vita alicujus viri uxor sua fuerit ab eo separata ob aliquam sui criminis turpitudinem, nullam vocem cla-mandi dotem habere poterit : Skenaeus Leg. 8cot. l. 2. c. 18. Art. 73. vide etiam Novellam, ut liceat matri collat. 8. et c. 33. 4. 12. cumsequentibus in decreto.

La Coûtume avoit parlé un peu-trop generalement en l’Article precedent, elle s’explique et se corrige en celui-cy, en disant, que la femme perd son doüaire pour n’être pas avec son mary au temps de son decez ; cela ne s’entend néanmoins que quand elle l’a abandonné sans cause raisonnable, ou que le divorce est avenu par sa faute ; car s’il avient par la faute du mary, pu par celle de tous deux, la femme aura son doüaire : Il faut donc examiner la cause de son absence, car la haine et l’aversion du mary ne luy servent pas toûjours d’excuse, comme aussi cela ne suffit pas pour la condamner ; elle ne doit pas être punie si son mary la rebute sans sujet lorsqu’elle vient luy rendre ses devoirs et ses services ; mais si cette aversion du mary est causée par sa mauvaise conduite, en ce cas, dit la Coûtume de Bretagne, il n’est enu, s’il ne veut, de la recevoir

La Coûtume a remis à la prudence des Juges de décider quelles sont les causes raisonnables qui peuvent excuser l’absence de la femme, ou qui meritent qu’elle en soit punie. Les vereuves peuvent être privées de leur doüaire en deux manieres, ou par la faute qu’elles ont commise durant la vie de leurs maris, ou pour leur mauvaise conduite aprés leur mort : c’est une faute assez grave pour tomber dans la peine imposée par la Coûtume, que la femme ait bandonné son mary volontairement et sans cause, et que par un mépris injuste elle ait ne pligé son devoir. Le Chap. Plerumque de Donat. inter vir. & uxor. n’en demande pas davangage, si mulier ob causam fornicationis, judicio Ecclesie, ut propriâ voluntate à viro recesserit, nes reconciliata postea sit eidem dotem vel dotalitium repetere non valebit. Il est vray que la Glose veut qu’elle se soit retirée ob causam fornicationis, de son propre mouvement ; mais il est manifeste par les termes de ce Chapitre qu’elle perd sa dot et son doüaire en deux manieres, ou lors qu’elle s’absente pour suivre son adultere, ou quand elle quitte volontairement son mary par un pur caprice : on ne doute pas neanmoins que sa retraite ne soit infiniment plus criminelle, lors qu’un infame adultere en a été le motif Il n’est pas nouveau que l’on ait puny avec severité les femmes qui abandonnent temerairement leurs maris, et qui se retirent de leurs maisons pour vivre avec plus de licence.

Autrefois on donnoit à Rome l’action de Moribus lors même que le divorce étoit en ssage, et il étoit permis au mary de se plaindre non seulement de ces fautes graves comme de l’adultère, mais aussi des mauvaises moeurs, et pour cet effet ils faisoient différence en la qualité des moeurs, graviores & leviores mores mulieris, graviores appellabant adulterium, & probrum, levioles inter reliquos pravos mores quos indicatUlp . Tit. de Dote ; par cette action la femme adultere per-doit la sixième partie de sa dot, et pour ses autres fautes on la privoit de la huitième partie : Il est vray que la femme pouvoit se plaindre de son chef, et que le mary n’étoit pas exempt de châtiment lorsqu’il avoit manqué : : Il y avoit cette difference que la femme ne pouvoit pas accuser son mary d’adultere, et c’est aussi le sentiment de la pluspart des Theologiens, sed babebat relationem, c’est à dire que la femme pouvoit objecter le même crime à son mary : et quoy que cette action de Moribus fût abolie depuis, la mauvaise conduite des femmes ne demeura pas impunie, au contraire elles furent châtiées plus rigourcusement, immo gravius coerciti sunt mores conjugis que divortii causam dedisset ; mulier enim ipfo jure amittit dotem totam : amittit etiam quod obvenire folet mulieri ob donationem propter nuptias, emolumentum.Cujac . Papé d l. vir uxori. l. N. Quest. Pap.

Si donc lorsque le mariage se pouvoit rompre par le divorce le mary pouvoit accuser sa semme même aprés leur separation, il faut conclure que le mariage étant aujourd’huy indissoluble, et la femme demeurant perpetuellement en la puissance de son mary, le mépris qu’elle en fait en abandonnant sa personne et sa maison sans cause raisonnable, méritent justement la peine qui luy est imposée par la Coûtume. Pour faire souffrir cette peine à la femme, il n’est pas necessaire que le mary ait fait éclater son ressentiment dutant sa vie ou par son Testament, car quoy que suivant l’opinion commune les heritiers ne soient pas admissibles à l’accuser l’adultere quand. le mary ne s’en est point plaint, et sur tout lorsqu’il ne l’a point ignoré, toutefois en consequence de cet Article l’on ne peut douter que si la femme n’est point auprés de son mary lors de son decez, les heritiers pour justifier qu’elle l’a abandonné sans cause çaisonnable ne puissent alléguer qu’elle l’a fait pour vivre impudiquement, et puisque pour donner lieu à cette action il faut qu’elle n’ait point été avec son mary lors de son decez, elle ne peut être intentée que par les heritiers : Mais parce que le plus souvent ils agissent plûtost pour leur interest que pour vanger l’injure faite au défunt, il faut que cet abandonnement de la femme soit non seulement inexcusable, mais que son mary ne luy en ait point donné de sujet, autrement suivant cet Article si le divorce arrive par la faute de tous deux elle aura son doüaire, viro & uxore mores invicem accusantibus causam repudii dedisse utrumque pronuntiatum est : id ita accipi debet, ut eâ lege quam ambo contempserunt ut neuter vindicetur, paria enim delicta mutuâ compensatione dissolountur : Car encore qu’il soit dit en l’Article precedent que la femme n’a point de doüaire si elle n’est avec son mary au temps. de son decez, toutefois la Coûtume ayant ajoûté que cela n’a lieu que quand elle a abandonné son mary sans cause raisonnable, ce terme abandonné signifie quelque chose de plus qu’une simple absence, et pour rendre une femme coupable il faut non seulement qu’elle l’ait tout à fait negligé sans luy rendre aucun soin, et sans luy témoigner aucu souvenir de leur mariage, en un mot ces raisons sont plus de fait que de drolt, et dépendent des circonstances particulieres, ex variis causarum figuris, et les Juges auront ordinairement plus de panchant à fa-voriser la veuve que les heritiers.

Mais quand on reproche à la femme d’avoir abandonné son mary pour vivre avec plus de ticence et se jetter entre les bras d’un adultere, c’est alors que l’abandonnement est inexcusable ; et bien que suivant la jurisprudence des Arrests et le sentiment de nos Auteurs l’he-titier du mary ne puisse opposer à la femme qui repete ses conventions matrimoniales, qu’elle a commis adultere vivente marito, s’il ne s’en est plaint, maritus enim solus thori genialis vindex, I. quamvis Cod. de Adult. et que morum coërcitionem habet non heres l. rei judicate 5. 1. ff. solut. matr. Cette maxime néanmoins ne peut avoir lieu en cette rencontre : car puisque la Coûtume permet à l’heritier du mary d’accuser la femme pour avoir abandonné son mary sans cause raisonnable, il peut sans doute pour rendre cet abandonnement plus criminel y ajoûter e reproche d’adultere. L’absence injuste de la femme est le sujet et le titre del l’accusation.

Fadultere est une circonstance qui aggrave cette accusation et qui la rend plus criminelle, ainsi ce n’est pas une accusation d’adultere formée par un heritier, il ne le propose pas même par exception, ce qui se peut,Loüet , I. D. n. 43. mais il lajoûte comme une suite et un effet de cet abandonnement déraisonnable qu’il luy est permis de reprocher à la femme, et on ne peut luy opposer le silence du mary pour une fin de non recevoir, parce qu’à proprement garler cette action ne commence à naître qu’aprés la mort du mary, et la Coûtume lartripue particulierement aux heritiers, ne punissant la femme que pour ne s’être pas trouvée avec son mary lors de son decez : Il est vray que le mary vivant pouvoit se plaindre de labsence et de la mauvaise vie de sa femme, s’il ne lignoroit pas ; mais comme elle pouvoit toûjours effacer sa faute en retournant avec luy, et que la Coûtume ne considere pas tant cette absence qui precede la mort, et qu’au contraire elle punit particulièrement cet abandonnement au temps du decez où la presence de la femme est plus necessaire à son mary, il est manifeste que la vengeance de ce mépris est reservée à lheritier. Je conviens que si la femme poursuivoit lheritier pour repeter sa dot, il ne pourroit luy reprocher son abandonnement et son adultere, parce que la Coûtume ne prive pas la femme de sa dot pour avoir abandonné son mary, et que l’heritier n’est pas recevable à former faccusation d’un adultere commis le mary vivant, lorsque le mary ne s’est point plaint ; mais la Coûtume privant la femme de son doüaire pour n’avoir pas été avec son mary lors de son decez, puisque le mary peut former l’accusation de l’abandonnement sans cause, il peut y ajoûter le reproche de l’adultere pour le rendre encore plus criminel et plus inexcusable : Aussi par l’Article 431. de las Coûtume de Bretagne, si la femme s’en est allée par fornication, le mary n’est tenu de la teprendre s’il ne veut. Mi d’Argentré dit que, petenti restitutionem obstat exceptio adulterii mais quand la femme a recherché son mary, et qu’il a refusé de la recevoir à cause de sa nauvaise vie, hec repulse causa probanda est ad amissionem doarii, pendet enim repulsae effectus à véritate causarum, que interim satis est ad transmittendam querelam ad heredem : or si lorsque la emme a voulu retourner avec son mary, et qu’il l’a refusée à cause de sa mauvaise vie, hoc satis est ad transmittendam querelam ad haredem : Lorsque la femme ne s’est point mise en devoir de rechercher son mary, cet heritier est beaucoup plus admissible à prouver l’abandonnement et l’adultere.

L’on a eu sans doute quelquefois un peu trop de relachement pour le châtiment de ces femmes impudiques, qui violent si impudemment tous les devoirs du mariage : en voicy un exemple. Demoiselle N. fut mariée en premieres nopces avec le sieur de S. Cyr, il la chassa de sa maison à cause de sa mauvaise vie, et il ne la reprit que moyennant trois mille ivres qui luy furent données : le sieur de S. Cyr étant mort elle épousa trois mois aprés François Hervieu, Ecuyer sieur de Monbose, lequel l’ayant surprise avec Dom Jean de Monfiquet, Prieur de S. Martin, il le tua d’un coup de Pistolet, et elle se sauva par une fenêtre : il fist informer contr’elle, la Cause fut évoquée au Parlement de Bretagne, où par Arrest il fut dit qu’il seroit pris trois mille livres sur le bien de cette femme pour être procedé à l’instruction et perfection de son procez. Depuis par l’autorité d’une personne de credit, son parent, elle fit cesser l’Information, et ils passerent une Transaction, par laquelle ls étoient separez de corps et de biens, et elle donnoit à son mary le tiers de son bien qu’elle ne luy avoit point donné par son Contrat de mariage qu’en cas qu’ils eussent des enfans, et ils n’en avoient point ; elle renonça même à pretendre aucun doüaire sur le bien de son mary de son vivant : Le sieur de Monbose moutut aprés avoir été cinq ou six mois malade, sans avoir été visité ny assisté par sa femme, et aussi-tost aprés elle intenta action contre son heritier pour son doüaire, son deüil et ses paraphernaux, elle fut deboutée de toutes ses demandes par le Juge de Vallongne : Sur l’appel le Févre, son Avocat, disoit que pour l’a-dultere son mary s’étoit desisté de la poursuite, qu’il luy avoit remis toute l’offense par cette Fransaction, et que par consequent son heritier n’étoit point recevable à luy objecter l’adultere ; que pour l’absence elle en avoit une cause raisonnable étant separée de corps et de biens, ce qui la dispensoit de se trouver auprés de son mary au temps de son decoz ; et elle pretendoit aussi que le divorce n’étoit point arrivé par sa faute, n’ayant point été convaincuë d’adultere par aucun jugement ; que son mary seul l’avoit causé par une jalousie qu’il avoit conçûë mal à propos. Le Quesne pour le sieur Hervieu, heritier du sieur de Monbose, répondoit que ces deux mariages n’avoient été qu’un adultere continuel : que pour empescher l’in struction du procez et sa condamnation elle avoit employé le credit de ses parens, mais que la Transaction en faisoit la conviction, qu’elle objectoit inutilement qu’on n’étoit pas recevable à l’accuser d’adultere, son mary en ayant abandonné la poursuite, puisque cette accusation n’étoit proposée que par exception, que par la Transaction elle étoit privée de son doüaire, il est vray qu’il étoit dit que c’étoit du vivant de son mary, mais l’heritier n’étoit pas exclus d’exercer contr’elle la sevérité de la Loy ; qu’en tout cas elle en étoit indigne pour avoir negligé de rendre aucune visite à son mary durant six mois de maladie, et de ne s’être pas trouvée auprés de luy lors de son decez, que la separation de corps. et de biens ne la dispensoit point de luy témoigner quelque déplaisir de son mal, sa qualité de femme l’engageoit à ce devoir, et cette separation de corps devoit cesser dans ces derniers momens pour venir effacer par ses larmes les outrages qu’elle luy avoit faits pendant sa vie, que jamais femme ne mérita mieux de servir d’exemple de la sevérité des Loix, ses adulteres étant notoites à tout le monde, qu’il faloit satisfaire la discipline et l’honnêteté publique, et qu’en un mot une femme si criminelle étoit inexcusable de n’avoir pas témoigné e moindre souvenir à son mary pendant six mois d’une facheuse maladie ; neanmoins suivant les Conclusions de Mr l’Avocat General de Préfontaines, la Sentence fut cassée, en ce que la veuve étoit privée de son doüaire, et on la confirma pour les habits et les paraphernaux, par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 5. d’Avril 1669.

Le motif de cet Arrest fut que lors de la plaidoirie l’on ne representoit aucune information, il y en avoit eu deux qui avoient été cassées par Arrest, parce qu’elles étoient contraires à la plainte du sieur de Monbosc ; d’ailleurs ladite Dame de Monbose par la Transaction n’étoit point privée de son doüaire aprés la mort de son mary, il avoit stipulé seulement qu’elle n’en auroit point de son vivant, bien qu’ils fussent separez : Elle produisoit même une Information faite par les parens du

Religleux, que ledit sieur de Monbosc n’avoit tué ce Moyne que par emportement et aprés une débauche excessive de vin, que ce Religieux étoit âgé de soixante ans, et que pour étouffer la poursuite que l’on faisoit contre luy il avoit donné de l’argent aux parens : Ces circonstances donnerent lieu à l’Arrest.

que si par la Transaction la femme eût été privée de son doüaire, la Cour n’y auroit pas donné d’atteinte, comme il fut jugé solennellement entre Anne des Essars, veuve de Pierre Roger le jeune, appellante du Bailly de Roüen, et Pierre Roger Tuteur des enfans dudit Pierre Roger, dont voicy le fait. Pierre Roger le jeune ayant soupçonné sa femme d’adultere fist informer contr’elle, il trouva des témoins qui en rapporterent assez pour la faire châtier. La femme ayant sçû cette procedure, pria le sieur des Essats son pere de la secourir dans son malheur, et de détourner le coup dont elle étoit menacée ; il y reüssit, et fist consentir le mary à se desister de l’Information et à faire une Transaction, par laquelle il étoit porté qu’à la priere et requête du sieur des Essars et de sa fille, et pour le bien des familles, ils consentoient à demeurer separez de corps et de biens, pourquoy elle renonçoit à jamais à demander aucuns droits moyennant la somme de trois cens livres de rente, laquelle étoit sa dot ; ils vécurent separez, et le decez du mary étant arrivé quatre ans aprés, sa veuve prit des Lettres de restitution : Pierre Roger l’ainé, Tuteur des enfans, soûtint que la Transaction devoit être executée, et par Sentences du Vicomte et du Bailly de Roüen elle fut évincée de ses Lettres de restitution. Il y avoit encore une circonstance dans le fait qu’il n’est pas inutile de remarquer, sçavoir que deux ans avant la Transaction le mary sur ses doutes qu’il avoit de l’infidelité de sa femme l’avoit mal-traitée, elle en avoit fait inforner, et pour finit la poursuite ils avoient transigé, et le mary luy avoit demandé pardon de son procedé, et avoüé qu’il avoit eu tort d’en user ainsi Renaud, sur l’appel de la femme, disoit que la Transaction ne pouvoit pas subsister, parce qu’elle étoit contre la Coûtume qui défend aux personnes mariées de se donner l’un à l’autre, ue quand il seroit vray qu’elle seroit coupable, il n’étoit point permis de transiger de l’adultere, que cela est absolument défendu par le Droit en la 1. Transigere, au Cod. de Tran-sact. que ce n’est point aux particuliers à se faire justice, qu’ayant stipulé qu’ils demeureroient separez de corps et de biens, cela étoit contre les bonnes moeurs et contre l’honnêteté publique, que cela ne se devoit faire que par autorité de Justice, qu’un mary débauché au point que l’étoit Roger n’étoit point recevable à accuser sa femme, qu’il l’avoit même maltraitée d’une si cruelle maniere, qu’elle avoit été obligée d’en porter sa plainte devant le Juge, dont il n’avoit pas voulu atrendre la preuve, qu’il avoit reconnu par la Transaction qu’il fist our arrêter la poursuite de sa femme, ses mauvais traitemens et ses violences, qu’il luy avoit demandé pardon, et qu’ainsi on ne pouvoit pas dire qu’elle fût coupable puisqu’il la reconnoissoit innocente, et qu’autrement il eût repoussé la plainte par la plainte ; qu’au reste un-Tuteur qui se sert du nom des mineurs contre leur interest et leur honneur, n’étoit pas recevable à cette poursuite, qu’il n’appartient qu’au mary de vanger l’honneur de son lit, et à poursuivre sa propre douleur.

Basnage le jeune répondoit que la Transaction n’étoit point contraire à la Coûtume, que Je mary n’avoit point profité du desordre de sa femme, mais que sa mauvaise conduite l’avoit renduë indigne du doüaire qu’elle demandoit, et qu’elle devoit s’estimer heureuse qu’on eût été si modéré dans la peine qu’on luy avoit imposée, et qu’on n’eûr pas retenu sa dot comme l étoit au pouvoir du mary de le faire, que cela ne reçoit pas même de difficulté par le Droit, comme on le voit par un exemple qui se trouve dans les Réponses d’Ulpien , d’un certain Ticinius qui ne prist une femme impudique qu’à dessein de la repudier, et de retenir une dot considérable qu’elle luy apporta, et la l. His solis au Cod. de revoc. donationibus en est une preuve évidente, que l’adultere n’étant point entre les jugemens publics on avoit pû en transiger, qu’on ne pouvoit pas obliger un mary à publier une infamie qui rejallissoit sur une fa-mille innocente, et sur sa personne, qu’en ces sortes d’affaires on sert de passe-temps au peuple qui rit égallement de celuy qui accuse et de celle qui est accusée, que c’étoit un jugement domestique et une sage précaution des parens assemblez, qui n’a rien que de loüable, et qui tache une honte qui ternit toute une famille, que la Transaction n’avoit point été faite par la fragilité d’une femme, ny par autorité maritale, mais à sa requête et à la priere de son pere ; que les Romains n’avoient défendu de transiger de l’adultere qu’en cettaines occasions, c’est à dire lors qu’il se trouvoit des maris assez insensibles sur le point d’honneur, que lors qu’ils avoient surpris leurs femmes en adultere ils laissoient le crime sans poursuite pour quelque somme qu’on leur donnoit ; c’est dans ce sens qu’il faut prendre la l. Transigere, au Cod. de Fransact. qui porte que Transigere nec pacisci de omni crimine capitali excepto adulterio, prohibitum non est. Qu’on avoit ignoré fort long-temps la véritable raison de cette Loy, qu’il y en avoit qui l’ont attribuée à l’atrocité du crime ; d’autres, comme Balde et Jason, ont crû que c’étoit une peine particulière à ce crime, in gratiam matrimonii, et parce qu’il étoit trop commun mais ceux qui ont le mieux penetré cette difficulté, ont dit que la Loy estimoit que c’étoit une espèce de prostitution que de dissimuler ce crime, quod in lenocinium transactio inclinare videretur ; ainsi quand l’Empereur a défendu de transiger, il n’a défendu que ce trafit sale et nonteux, et il est certain que la Loy ne s’observera que lors que la raison de la Loy aura lieu, c’est à dire lors que la Transaction ne fe pourra faire sans l’infamie du mary, et sans qu’il paroisse mettre son honneur à prix ; que ceux qui difent qu’on ne peut transiger de l’adultere se trompent bien fort, il y en a une preuve contraire dans la Nov. 117. L’Empereur avoit examiné tout ESPERLUETTEe qui appartient à la resolution du mariage, aprés avoir traité de l’adultere il finit sa Loy en disant, que igitur per prasentem et in aternum valitura nostra definivit tranquillitas, in omnibus praedictis casibus valere volumus, nisi tamen, aut judicio, aut amicabili conventione decisa sunt, ce qui est une preuve indubitable qu’on pouvoit en certains cas transiger de l’adultere ; ainsi il n’y a point de cas plus favorable qu’en la Transaction dont il s’agit, le mary n’avoit pû faire autre chose dans une si malheureuse rencontre que de separer de son lit et de sa famille celle qui le couvroit de deshonneur, loin de faire le trafic fale et honteux que la Loy défend, il ne l’avoit pas même privée de sa dot, quoy qu’il y fust autorisé par la Loy ; que cela se voit amplement traité dans Mi leBret , l. 1. Decis. 13. sur une pareille question qui se presenta au Parlement de Paris, par Arrest en l an 1619. la Transaction avoit été confirmée, et l’Auteur ajoûte qu’il n’avoit jamais vû qu’on eût fait difficulté de confirmer de semblables accords. Pour ce qui regardoit la clause de separation, qu’elle n’étoit point contre les bonnes moeurs, que son devoir l’y avoit engagé, la raison l’ordonne, la Coûtume des peuples y conspire, et tous les Peres y ont donné leur voix, parce que cels fait un scandale manifeste, et que cela donne à penser que le mary approuve ou fait semblant de ne pas voir les débauches de sa femme, qu’il ne faloit que lire le Chapitre non solum, au Decret deGratian , ca. 28. 4. 1. et le Chapitre si vir sciens aux Decretales, l. 5. Tit. de Adult. et stupr. pour dameurer d’accord de cette vérité, que devenant infidelle elle devenoit sa honte, et qu’il ne la devoit plus regarder comme sa femme puis qu’elle s’abandonnoit à d’autres : que quand il seroit vray que le mary auroit été un débauché, il avoit toûjours action pour accuser sa femme, la Loy dit bien que mutua delicta mutuâ compensatione dissolvuntur ; mais cela s’entend quand le mary a luy-même prostitué sa femme, c’est la Glose Accurse d’Accurse et le sentiment deBartole , et ce qui se voit par la Loy suivante, cûm mulier viri lenocinio adulterata fuerit, nihil ex dote retinetur, cur enim maritus improbet mores quos ipfe aut ante corrupit aut postea probavit : si tamen ex mente legis sumet quis ut ne accusare possit qui lenovinium uxori prabuerit, audiendus est ; mais en d’autres cas la femme n’est point reçûë à de-mander cette honteuse compensation, et le Jurisconsulte dit que hoc onerat quidem maritum, sed non excusat mulierem. La chasteté est le partage de la femme, sans elle toutes leurs autres vertus n’ont qu’un faux éclat, c’est pourquoy elles en doivent avoir un soin plus scrupuleux et plus exact, le pouvoir suprême qu’un mary a sur sa femme le met en droit de reprendre ses moeurs sans qu’elle puisse user de la même autorité, et la méchante vie d’un mary n’autorise jamais celle de la femme : Quà la vérité il avoit eu quelques emportemens, qu’il n’avoit pas été le maître de sa jalousie, qu’on sçait de quels effets cette frenetique passion est apable quand elle est aussi-bien fondée que l’étoit celle de ce mary, que si la conduite de sa semme étoit innocente dans le fonds elle auroit dû la faire paroître telle aux yeux du monde, que la femme devoit s’en prendre à elle-même d’avoir excité par son imprudence les inquieudes de son mary, que l’Empereur appelle ce ressentiment, justum dolorem en la l. si quis ff. ad leg. Jul. de Adulter. que s’il en avoit demandé pardon, c’étoit par les incertitudes de cette passion qui revient souvent à s’accuser elle-même ; qu’il avoit taché d’étouffer des soupçons dont il eût souhaité voir l’injustice ; qu’il avoit pris le party qui flatoit son repos ; qu’il avoit voulu s’en imposer et s’accuser de foiblesse, pour obliger sa femme à luy rendre la justice qu’il luy rendoit, mais que sa femme n’en usa que plus insolemment, et croyant avoir usurpé l’autorité maritale, elle s’étoit jettée dans des déreglemens qui l’avoient enfin obligé à faire voir que ses soupçons étoient bien fondez, et à justifier ses violences : Aprés tont que ce n’étoient point les enfans qui agissoient contre leur mere, que c’étoit elle qui agissoit contr’eux, que c’étoit une exception qu’ils luy opposoient, qu’elle ne devoit plus rien pretendre aux droits de la nature puisqu’elle les avoir violez ; qu’à la vérité les Romains preferoient l’action du mary, parce, dit la Loy, que propensiori jure, et majori dolore executurus est accusationem, mais s’il ne faisoit pas son devoir le pere étoit reçû ; ainsi on n’avoit rien à opposer à ce pere qui prenoit les interests de ses petits enfans, et d’autant moins que l’action ayant été commencée par le mary, elle ne pourroit pas être contestée à des heritiers qu’il n’y avoit rien de si certain dans le droit ; enfin qu’on devoit vanger un mary malheureux contre une femme qui avoit soüillé son lit, et qui ne se souvenoit d’être sa femme qu’aprés sa mort pour emorter une partie de son bien, et qu’on ne devoit pas souffrir qu’une femme foulant aux pieds les loix de l’honneur et la mémoire de son mary, triomphât insolemment de la pudeur de son fexe : Par Arrest du 8. de Mars 1678. la femme fut privée de son doüaire Il faut venir à l’autre question, en quel cas la femme peut être privée de son doüaire et des bienfaits de son mary pour la faute qu’elle a commise depuis sa mort : cette faute consiste ou pour s’être remariée avec trop de precipitation et dans l’an de deüil, ou pour avoir vécu impudiquement dans ce même temps.

On demeure d’accord que Romulus fut l’Auteur de cette Loy qui défendoit aux veuves de se matier dans l’an de leur viduité ; il est vray que du temps de ce Prince l’année n’étoit Gratian Theodose que de dix mois lunaires. Les Empereurs Gtatian, Valentinien, et Theodose I. ordonnerent que la défense de se marier dureroit pendant douze mois, l. 2. C. de Nuptiis ; mais comme cette Loy de Romulus n’imposoit aucune peine aux veuves qui la violoient, on les nota d’infamie par l’Edit du Preteur, et depuis les Empereurs y ajoûterent encore d’autres peines, et notamment elles furent privées de tous les bien-faits qu’elles avoient reçûs de leurs premiers tie Justinien maris. Justinien leur ôta expressément Sbonsalitiam largitatem, ce que quelques-uns voulant ppliquer à nôtre doüaire, Mr Cujas a fait voir leur erreur, ayant marqué la difference par a définition de l’un et de l’autre, Observ. l. 5. c. 4. Les Papes Urbain. etInnocent III . changerent cette jurisprudence sur la fin du douzième siecle, c. penult. et ult. de 2. Nupt. aux Decret. de sorte que ce n’est plus une question parmy nous, qu’une veuve n’est point coupable de se remarier dans l’an du deüil pourvû qu’elle ne soit point enceinte : Les Loix Ro-maines qui punissent ces mariages precipitez n’ont plus d’autorité, elles ne sont observées que dans les Parlemens de Languedoc et de Provence, et le Droit Canonique a prevalu dans les autres, parce qu’il paroissoit fondé sur l’autorité deS. Paul , Chap. 3. Epist. Ad Corinth. uxor alligata est lege, quamdiu vivit vir ipsius ; quod si obdormierit libera est ut cui velit nubat tantùm in Domino. Duaren estimoit, comme le témoigne Mornac l. 11. de his qui notantur infamiâ, que les Canonistes avoient mal comprisS. Paul , et donné une mauvaise explication à ses paroles.

Les Loix Romaines qui se pratiquoient alors ayant si hautement étably l’honnéteté publique, et ayant interdit aux veuves le retour au mariage pendant un certain temps pour satisfaire à l’honneur et à l’amitié conjugale, on ne doit point se persuader que ce grand Apôtre eût voulu renverser un usage si conforme à l’honnêteté publique, et qui étoit observé dans tout ce vaste Empire, et il n’ignoroit pas que Caligula qui avoit entrepris de cortompre toutes les bonnes moeurs venoit de publier un Edit, par lequel il permettoit à toutes les veuves de se remarier, en affirmant qu’elles n’étoient point enceintes ; de sorte, ditDuaren , que l’intention de S. Paul n’étoit pas de s’opposer à l’execution des Loix Romaines, ny d’autoriser la eu icence en permettant des nopces si precipitées, et qui auroient infailliblement causé du scandale parmy les Payens : Il vouloit seulement enseigner que les secondes nopces étoient per-mises, ce qui paroit par ces paroles ias di xoitanbù à asûp aornc iMGi et Scu d Wiaus vaunxucas aovor ir xupio, c’est à dire qu’il avoit bien permis à la veuve de contracter un second mariage, mais il ne l’avoit pas dispensée des regles de la bien-seance et de l’honnêteté, comme il l’auroit fait s’il leur avoit donné cette licence de passer sans aucun intervalle de la pompe funebre à la pompe nuptiale ; et pour prouver cette vérité, l’Apôtre n’avoit pas dit qu’elle pouvoit se marier Sûas diMd quand elle voudra, mais o dind à qui elle voudra Mais quand on s’attacheroit tout à fait à la disposition du Droit Canonique, et que ce ne seroit plus une faute à une femme de se rematier dans l’an du deüil, il y a neanmoins toûours quelque bien-seance à garder. Bien que la mort rompe en un moment le lien du mar riage, il n’est pas pourtant de l’honnéêtété qu’elle efface si promptement tout le souvenir d’une si fainte union, et un même tombeau ne doit pas enfermer et la personne et l’amitié que les conjoints s’étoient voüée : La veuve donc doit laisser écouler quelque intervalle de temps. raisonnable pour essuyer ses larmes, sur tout si son mary l’a engagée par ses bien-faits à res specter sa mémoire, comme il fut jugé en une Cause où je plaidois pour Jacques Julien, mary de Marie Behot : Cette femme avoit épousé en premteres nopces Pierre Vastel, qui luy donna ous ses meubles par son Testament, et s’étant remariée à Jacques Julien vingt-cinq jours aprés la mort de son mary, Guillaume Vastel frete et heritier du premier mary, soûtint qu’elle s’étoit renduë indigne de son doüaire et de son legs par un mariage si precipité : L’affaire pottée en la Cour sur des appellations incidentes, Maurry pour Vastel s’appuyoit sur l’au-torité des Loix Romaines, et qu’encore qu’on ne les pratiquât pas dans la derniere severité, neanmoins une precipitation si extraordinaire ne pouvoit demeurer impunie. Jrexcusois la precipitation de ce mariage par cette raison, qu’elle y avoit été engagée par la necessité d’éviter un party desavantageux auquel des personnes puissantes la vouloient engager ; Theodose qu’aprés tout les Loix Romaines, particulièrement les Constitutions des EmpereursGratian , Valentinien, et Theodose, avoient été faites sur des motifs qui ne subsistoient plus, car bien que dans le siecle de ces Empereurs les secondes nopces ne fussent pas condamnées, elles n’étoient pas neanmoins beaucoup approuvées, comme ce passage de Saint dièrôme le prouve, fecundas nuptias concedimus, sed non appetimus, et c’est pourquoy on leur imposoit de si dures conditions ; mais dans les siecles suivans ces scrupules s’étant effacez, on n’a plus traité si rigoureusement les femmes qui se remarioient dans l’an de leur deuil, pourvû qu’il ne se rencontrât point de confusion de sang, que c’étoit la doctrine de tous les Parlemens du Royaume, à la réserve de ceux de Tolose et d’Aix, ce qui étoit confirmé par du Moulin sur le Titre des Fiefs, que hodie mulier nubens infra annum luctis non perdit sibi à marito relicta, nec ex capite ingratitudinis quia pena festinationaes matrimonii sunt sublatae : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 5. de Mars 1649. on priva la femme de la donation testamentaire à cause du peu de temps qui se rencontroit entre la à mort du mary et le deuxième mariage, qui n’étoit que de vingt-six jours ; mais on ne luy ôta pas son doüaire.

En cette même Cause je citois un Arrest donné sur ce fait. Le Brun voulant faire avantage à sa femme, trois jours avant sa mort vendit sa Charge de premier Huissier en la Cham-pre des Comptes, et par son Testament où le sieur le Gendre avoit signé comme témoin, il luy donna tous ses meubles ; trois mois aprés sa mort cette femme épousa le sieur le Gendre, les heritiers formerent action pour la faire déclater indigne de son legs et de son doüaire, vù son ingratitude envers son mary qui luy avoit donné plus de trente mille livres, et d’aileurs il y avoit un soupçon vehement que leur commerce avoit commencé du vivant du mary, et neanmoins les heritiers furent deboutez de leur action.

Et pour montrer avec quelle indulgence l’on a traité autrefois ces mariages si precipitez, la veuve d’un nommé le Royer s’étant remariée six semaines aprés la mort de son mary ne fut point privée de son legs, par Arrest du 22. de Févriet 1650. Cette precipitation n’étoit gueres moins criminelle que celle de vingt-six jours, et cependant la décision en fut contraire. Il est juste pourtant de ne souffrir point ce déreglement, la bien-seance, le devoir et l’honnêteté obligeant les femmes à ne pas effacer si-tost de leur coeur le souvenir de leur alliance : C’est par un motif si juste et si honnête que le Parlement de Tolose déclare les veuves indignes de legs et de l’augment de dot, lors que non seulement elles se remarient dans l’an de deüil, fais aussi celles qui se fiancent dans l’an par paroles de present, les mêmes peines sont décernées contre les unes et les autres, mais cela n’a pas lieu quand les promesses sont faites par paroles de futur, parce qu’elles ne font pas le mariage, Sponsalia enim spem futurarum nuptiarum appellamus ; mais celles qui se font par paroles de present sont de vrayes nopces, suivant le Chapître ex sponsalibus, ext. de Sponsalibus. Aussi la Cour a été depuis plus rigoureuse contre une femme qui s’étoit fiancée trois ou quatre jours aprés la mort de son mary, et qui s’étoit mariée un mois aprés. L’Arrest fut donné entre Blaise le Hongre, Tuteur des enfans de Fran-çois Doublet, appellant de Sentence renduë par le Bailly de Roüen on son Lieutenantur Ponr levéque, et Jean le Grand Commis aux Aydes, et Marie Brunet veuv en premieres nopces de François Doublet, intimez, dont voicy le fait.

François Doublet étant mort le S. de May 1674. Marie Brunet sa veuve se remaria le 4. de Juin ensuivant avec Jean le Grand ; il étoit certain par une Requête presentée à l’Official de Lysieux qu’elle luy avoit engagé sa foy quatre ou cinq jours aprés la mort de son marys e Tuteur luy contesta son doüaire, mais il luy fut ajugé par Sentence du Bailly : Sur l’appel du Tuteur, Auber de Tremanville son Avocat, disoit qu’une conduite si outrageuse à a mémoire de son mary méritoit un châtiment exemplaire, que mettant à part une precipication si infame, par le Droit Civil la veuve qui dans l’an de viduité se rematie devient infame, decreto au Cod. quibus ex causis inf. irrog. et par les Loix 1. et 2. au C. de secundis Nuptiis omnia que de prioris mariti bonis, vel jure Sponsalium vel judicio defuncti conjugis consecuta fuerit amittit. Et la Novelle 22. de Nuptiis, au Chapitre 22. dit la même chose, érit omnino mulier propter nuptiarum festinationem infamis, neque percipiet aliquid horum que à priore relicta sunt.

On a crû qu’un an étoit le moins qu’une femme pouvoit donner à la mémoire de son mary, que c’étoit blesser la pudeur et la reverence qu’on doit au public, et faire un aveu d’une incontinence honteuse : qu’on ne devoit point opposer le Chapitre penultième et dernier, de fecundis Nuptiis, aux Decretales, parce que le Pape n’avoit pû abroger les peines établies par les Loix, que ce seroit passer les limites dans une chose où il n’est pas absolu ; en effet il ne la pas entrepris, et il est aisé de voir par ces deux Chapitres qu’il n’a ôté que l’infamie, infamia, disent-ils, aboletur, c’est le sentiment de M’Cujas sur la l. 1. au C. de secundis Nuptiisi et du Moulin sur le même Titre, appelle l’opinion contraire errorem Canonistarum. S. Paul a bien dit nubat, mais il ajoûte in Domino, il faut que le mariage se fasse dans les voyes legitimes. Jesus Christ n’a point de part à ces mariages qui se font contre l’honnêteté publi-que, et n’autorise point ce libertinage effrené. Bérault, sur l’Article 377. en rapporte un Arest ; l’Auteur de la Bibliotheque du Droit François en rapporte jusqu’à douze Arrests du Parlement de Tolofe qui autorisent cette jurisprudence ; et il y en a un de ce Parlement du 22. de Février 1666. au Rapport de Mr de Vigneral, posterieur à tous ceux-cy, par lequel on imposa cette peine aux femmes ingrates et sans pudeur, que même pendant la maladie de Justinien on mary elle ne l’avoit pas assisté, et qu’elle n’avoit fait venir des medecins que pour s’assuter par leur témoignage qu’il n’en échaperoit point ; que Justinien en la Novelle 39. u Chapître 2. de restitutionibus, en apporte cette raison, ne qua prastiterit suspicionis maligna causa parce qu’un si grand empressement donne de justes soupçons d’une conduite criminelle du vivant du mary

Mauduit pour l’intimé representoit que toute l’indignité de cette precipitation retomboit sur l’appellant, lequel avoit été le seul auteur d’un engagement si prompt, ayant obligé cette reuve de consentir à ce mariage, au Contrat duquel il avoit luy-même signé, et assisté à la celebration qui en avoit été faite en sa presence, et de la pluspart des autres parens du premier

mary, par le propre Curé des parties, en consequence d’une Requête presentée à l’Official, dans laquelle à la vérité on avoit énoncé qu’ils s’étoient promis leur foy un mois auparavant, afin d’obtenir plus facilement la Dispense des trois Bans qui leur fut accordée ; qu’il étoit étrange d’entendre l’appellant se plaindre d’un mal qu’il avoit luy-même causé, et venir reprocher une conduite dont il étoit le seul coupable, que toutes ces considerations le ren-doient non recevable à disputer le doüaire à cette veuve, qui avoit toûjours vécu dans une parfaite intelligence avec son mary, qu’on ne pouvoit pas dire qu’il eût jamais formé la moindre plainte contrelle ; que ses actions passées justifioient l’innocence de sa vie, qu’elle ne l’avoit pas quitté un seul moment pendant sa maladie, l’ayant assisté jusqu’à la mort, qu’elle luy avoit rendu les derniers devoirs avec tout le déplaisir qu’on pouvoit attendre d’une femme véritablement affligée ; que si sa douleur n’avoit pas eu des suites plus longues, l’appellant le devoit imputer à ses empressemens ; qu’une jeune femme comme elle âgée seulement de vingt-cinq ans chargée d’affaires, sans enfans, sans experience, et qui ne prevoyoit point la consequence d’un mariage si precipité, se laissa aisément persuader per se imbecilla res est semina, et offert mfirmitati naturali, non leve pondus quod vidua si ; qu’enfin elle n’avoit rien oublié de ce qu’elle devoit à son premier mary pendant sa vie, qu’elle attendoit toute preuve au contraire. Mais aprés tout, que quand cette déférence qu’elle avoit euë pour les conseils de l’appellant ne la rendroit pas entièrement favorable et exempte de faute, il étoit cettain qu’une veuve se remariant dans l’an du deüil n’encouroit point les peines portées par le Droit Civil, lesquelles avoient été corrigées par les Decrets des Papes suivant le conseil deS. Paul , et par les Arrests qui permettoient aux femmes de se remarier incontinent aprés la mort de leurs premiers maris, pourvû neanmoms que la confusion du sang, ou l’incertitude de l’état de l’enfant ne se rencontrassent point dans ces secondes nopces, ce qu’on ne pouvoit pas reprother à cette veuve, puisqu’elle n’étoit accouchée que douze mois aprés le décez de son pre-mier mary, que les défenses du Droit ne pouvoient s’étendre jusques à empescher la liberté des mariages, peccata interdicit Deus, non matrimonia, qu’encores bien que des secondes nopces si precipitées soient en quelque façon honteuses et contre la bien-seance, qu’elles n’étoient pas pour cela criminelles, qu’aussi cette liberté accordée aux veuves de se remarier dans l’an du deüil étoit si bien établie, que par Arrest de l’année 1648. rapporté dans le premier Tome du Journal des Audiences, on avoit ajugé le doüaire à une veuve qui s’étoit comportée impudiquement dans le dixième mois de l’an de son deüil avec celuy qui l’avoit des puis épousée ; et par un autre Arrest de ce Parlement de l’année 1652. une femme qui s’éoit remariée quatre mois aprés la mort. de son premier mary, ayant accouché cinq moit treize jours aprés son second mariage, n’avoit pas été privée de son doüaire, ce qui faisoit bien voir que les secondes nopces étoient permises en tout temps, et que lors qu’on la limité l’étoit pour conserver plus d’honnêteté dans les mariages ; mais que quand au prejudice de cette regle que la bien-seance feule avoit introduite une femme se remarioit dans l’an du seüil, il étoit d’une jurisprudence certaine qu’elle ne perdoit point son doüaire, que les peines établies par le Droit contre les nopces prematurées avoient été entièrement revoquées par les deux Chapitres cu-dessus citez aux Decret. de Sec. Nupt. sur lesquels les Docteurs avoient agité deux questions, dont la premiere êtoit de sçavoir si la peine étoit remise avec l’infamie ; et la seconde, si la veuve n’étoit point du moins forcée d’attendre quelque temps avant que de passer à un second mariage, et ils ont répondu que non solum Cano. les liberant talem mulierem ab infamia, sed ab omni penâ quam exprimit lex, et statim licet ex quo tempus non adjicitur ; qu’en effet on ne devoit pas dire que la veuve n’encouroit plus d’infamie, mais que la peine subsistoit toûjours, puisque la peine et l’infamie sont presque inseparables, et que l’une est la marque de l’autre, que n’y ayant aucun temps prescrit par l’Apôtre pour les seconds mariages, il faloit interpreter la permission qu’il en donne dans toute son étenduë, jussit juniores viduas nubere, que tous les Auteurs qui avoient traité cette question s’étoient soûmis à cette jurisprudence, et étoient d’avis qu’une femme se remariant dans l’an du deüil ne pouvoit être privée de son doüaire : Rebuffe en sa Preface sur l’Orlonnance frustra, inquit, de penis fecundo nubentium disputaretur, cum nullae in patriam con-netudinariae observantur. Du Moulin sur le premier Titre de la Coûtume de Paris, au Thesaurus 5. 30. num. 243. pona festinationis matrimonii sunt sublata : Et Antonius Thesautus en sa Question 18. n. 13. pour appuyer cette même opinion cite un Arrest pour une femme remasiée trente jours aprés la mort de son mary, à laquelle on ajugea son doüaire, et cette dif-position, ajoûte-t’il, est d’autant plus juste lorsqu’il n’y a point d’enfans du premier mariage, parce qu’il faut toûjours presumer que c’est plûtost la passion d’être mère qui porte une veuve à se remarier que l’envie d’avoir un mary, non libidinis explendae, sed in spem suscipiendae prolis, Mais qu’enfin on pouvoit dire que la femme de l’intimé avoit attendu tout le temps ordonné même par les Loix Civiles, la maladie dont son premier mary étoit mort ayant duré plus de treize mois, comme il demeuroit constant par l’attestation des Medecins, étant cettain que la viduité qu’une femme endure pendant une si longue maladie, est pour le moins aussi penible et difficile à supporter que celle qui suit aprés sa mort

L’impudicité

de la veuve la

prive de ses

droits.

vir tuus agrotat tua sors magis ergo dolenda est, Quam si parca ferox jam rapuisset eum. Nimirum tibi sic alius contingere posset Qui reparet vidui tristia damna thori. Et dum sic frueris quasi nullâ fronte marito Is velut in mediis Tantalus alter aquis.

Qu’au resLe on n’étoit point dans le cas des peines établies par le Droit, qui privoit seunlement les femmes remariées dans l’an du decez de leurs maris des avantages qu’elles avoient reçû d’eux, c’est à dire des donations à cause de mort, ou des faveues portées par leurs petamens, qu’il étoit certain que le doüaire n’étoit point une pure liberalité du mary, datu-propter delibatam pudicitiam, que c’étoit plûtost une donation remuneratoire qui ne se revoque point ; que c’étoit la recompense des avantages qu’une femme luy avoit faits et qu’on luy ccordoit en consideration du don mobil qu’elle luy avoit donné, ainsi qu’on devoit regar der de doüaire comme une dette legitime et la plus favorable du monde, qu’on faisoit marcher d’un pas égal avec la dot et trévétuë des mêmes privileges ; que cette petite portion qu’avoit la femme sur les biens de son mary luy étoit donnée pour servir d’alimens ; que c’étoit un droit réel qui ne s’éteint que par la mort ; et ce qui rendoit enfin cette dette tout à fait recommandable, ce n’étoit qu’un simple usufruit qui finit par la mort, dotalitium est usufructus terta partis bonorum mariti qui superstiti uxori conceditur, ideb vitalitium appellatur et à lege non tantùm, sed ex nâturali aequitate, aut potius pietatis officio alimenta debentur. Par Arrest de l’11. de Février 1678. la Cour en reformant la Sentence priva la femme de son doüaire. quand l’on traiteroit favorablement ces mariages precoces, on ne doit pas faire la même grace à la veuve qui se conduit impudiquement dans l’an du deüil, car tous nos Auteurs conviennent qu’elle est privable de son doüaire et de toutes les liberalitez qui luy ont été faites par son mary, conformément à la Novelle 39. c. 2. Comme le doüaire est le prix de la vintinité et la recompense de la pudicité de la veuve, la perte de son doüaire est la peine de son incontinence et de sa prostitution : Les Arrests du Parlement de Paris qui l’ont jugé de a sorte sont rapportez par AnneRobert , l. n. 1. Rer. Jud. c. 3. Chenu 1. Cent. d. 16.Loüet .

I. n. 4.Molin . de Feud. 8. 42. gl. 1. n. 143. jusques-là même que la veuve d’un déchargeur de poudres de l’Artillerie qui joüissoit par les Ordonnances de l’exemption et du privilege de Fresne son mary en fut privée, par Arrest de la Cour des Aydes de Paris. Du Fresne en son Journal les Audiences, l. 2. c. 82. Et en ce Parlement il fut jugé lors que Mr de la Mailleraye Lieutenant General pour le Roy en Normandie y vint prendre seance, qu’une femme qui avoit vécu impudiquement et qui étoit accouchée dix mois quatre jours aprés l’enterrement de son mary qui avoit été malade trois semaines, étoit privable de son doüaire : Dans l’espèce de cet Arrest la femme étoit non seulement coupable d’impudicité, mais aussi d’avoir supposé un enfant qui ne pouvoit être des oeeuvres de son défunt mary : aussi il fut declaré bâtard, quoy que cette veuve soûtint contre sa partie qu’il avoit été tuteur de cet enfant pendant treize années, et qu’il eût été reconnu legitime et posthume, et qu’on devoit remettre à disputer de son état aprés sa majorité, suivant l’Edit Carbonien.

I arrive Souvent que la veuve qui se prostituë si promptement dans l’an du deüil, pour reparer en quelque sorte sa faute épouse celuy cum quo commercium libidinis habuerat, et on demande si par ce mariage elle peut éviter la peine qu’elle avoit méritée 1 Il se trouve un Arrest dans le Journal des Audiences, l. 5. c. 25. par lequel les heritiers furent deboutez de leur action pour faire priver une veuve et du doüaire et des liberalitez de son mary pour avoir vécu impudiquement dans l’an du deüil avec celuy qu’elle avoit épousé, mais cet Arrest Fresne fut donné sur les circonstances particulieres du fait qui sont remarquées par l’Auteur, et l’Arrest contient que c’étoit sans tirer à consequence, ce qui fait dire à du Fresne que l’exception apposée en l’Arrest firmat regulam in reliquis, et c’est aussi le sentiment deBrodeau , l. I. n. 4.

On a jugé néanmoins le contraire en ce Parlement pour une veuve fort criminelle et fort digne d’un severe châtiment. Jacques Bichue épousa Marguerite Moreau contre la volonté le ses parens : aprés avoir langui quelque temps d’une maladie, que même les Medecins n’estimoient pas naturelle, il mourut le 23. de Février 1646. Le 16. de Juin ensuivant cette reuve signa un Contrat de mariage avec un Sergent nommé Jean Luce ; le dernier du même mois ils furent mariez, et le 13. de Decembre ensuivant elle accoucha d’une fille qui véeut jusqu’au 7. de Février 1647. Je plaidois pour Denis Bichuë, Tuteur des enfans du premier mariage, qui pretendoit la faire priver de son doüaire : pour cet effes je representay que le mariage étant institué pour ces deux fins, la generation des enfans et le remede à l’incontinence, comme ces deux passions pouvoient rester aussi puissantes dans le coeur d’une femme qu’elles étoient lors qu’elle fut mariée la premiere fois, on ne pouvoit luy défendre l’usage. du mariage, et sans doute le sentiment. de ceux qui condamnoient les secondes nopces et les appelloient un honnête adultere étoit trop rigoureux ; mais en permettant les secondes nopces la veuve n’étoit pas dispensée de garder quelque bien-seance, naturellement les amitiez legiimes ne s’abolissent que par le temps, la veuve doit donner cours à ses larmes et plaindre, sa perte durant quelque mois ; c’est pour luy en conserver quelque souvenir que l’on rend dugubres tous les objets qui senvironnent ; que si par un relachement des bonnes moeurs on permis aux veuves de se remarier dans l’an de leur deüil, on n’a pas eu la même indulgence pour celles qui se prostituent dans le même temps ; car, comme dit duMoulin , dt feud. 3. 42. Gl. 1. n. 144. quoy qu’on ait relaché les peines imposées par les Loix Civiles contre la precipitation des secondes nopces, elles demeurent en leur vigueur contre la veuvé qui se gouverne impudiquement dans l’an du deuil, et elles ne sont corrigées par aucune Constitutron, non fit correctio in viduâ se mox, hoc est intra annum, prostituente quod semper manet veritum et penis juris subjectum.

Or elle étoit convaincuë d’impudicité par des preuves lrreprochables ; son premier mary étoit mort le 23. de Février, le dernier de Juin elle s’étoit mariée, elle étoit accouchée d’une fille qui avoit vécu jusqu’au 7. de Février ensuivant ; si cette fille étoit un fruit de leur conjonction precedente, elle tomboit dans la peine de toutes les Loix qui condamnent la femme qui se remarie lors qu’elle est grosse, et l’on peut dire qu’elle commet un véritable adultere car étant vray que le pere revit en son ensant, comme cet enfant tandis qu’il est encore dans e ventre de sa mere n’est reputé qu’une même chose avec sa mere, elle demeure aussi en quelque façon une même chose avec son mary, jusqu’à ce que cet enfant étant separé d’elle par la naissance, cette union conjugale soit entièrement dissolue ; mais auparavant n’étant point déliée de la puissance de son mary tandis qu’elle le porte encore dans ses flancs, et qu’elle enferme dans ses entrailles sa substance et un autre luy-même, c’est un adultere et non pas un mariage qu’elle contracte en cet état là.

Que si l’on ne peut reputer cet enfant une production du premier mariage, quoy qu’il soit né neuf mois treize jours aprés la mort de son mary, parce qu’il avoit langui quelque temps. d’une maladie mortelle, il ne peut aussi aavoir été conçû depuls la celebration du second mariage, puisqu’il est né einq mois treize jours aprés, et qu’il a vécu prés de deux mois, ce qui ne se peut, ainsi il est vray-semblable qu’elle a voulu reparer une faute par une autre.

Ce Févre pour la femme l’excusoit sur ce que celuy qui favoit débauchée avoit remis les choses dans l’etat d’un mariage contracté dans l an de deüil, ce qui reparoit l’injure qu’elle avoit faite à son mary, et rendoit l’enfant legitime : Par Arrest du 6. de Février 1652. le doüaire fut ajugé à la femme.

Cependant par un autre Arrest du 22. de Février 1666. au Rapport de Mr de Vigneral, entre Nicolas Bourse ayant épousé la veuve d’un nommé Besongnet, et Hebert, Tuteur des enfans dudit Besongner, on priva la veuve de son doüaire pour avoir vécu impudiquement avec ledit Bourse, son cousin germain, dans l’an de deüil, ce qui étoit constant par la Dispense obtenuë pour se marier, outre que c’étoit un inceste : Et par Arrest du Parlement de Fresne Paris, remarqué par du Fresne, l. 2. c. 82. une veuve qui s’étoit comportée impudiquement dans l an de deüil fut deelarée déchué des privileges de son mary, quoy qu’on alléguât qu’il n’y avoit point de Loy ny de Constitution qui portât cette peine, et que le cus des Loix première et seconde, de Secundis Nuptiis, ne devoient pas souffrir d’extension.

Pierre Richard épousa en premieres nopces Jeanne Labbé, lors veuve de Jean le Messe, et de ce mariage étoit sorty Jacques le Mefse qui épousa Marie Sanson, ladite Sanson aprés de décez de Jacques le Messe convola en secondes nopces avec Marin le Gras, pere de Pierre le Gras ; ladite Labbé et ledit le Gras étant decedez, Pierre Richard épousa ladite Sanson, ce nariage fut contesté par Pierre le Gras, ce qui fit naître ces deux questions ; la première, ss le mariage dudit Richard avec ladite Sanson, bru de ladite Labbé, premiere femme dudit Richard, étoit valable ; et la deuxiéme, si ladite Sanson pouvoit être privée de son doüaire à cause de son incontinence ; Le Vicomte de Caen l’avoit privée de son doüaire, dont elle et ledit Richard son mary étoient appellans. Quant au mariage ledit Richard soûtenoit qu’il ne pouvoit recevoir aucune atteinte étant hors le cas du Chapitre non debet de consang. et affin. aux Decret. et à l’égard du doüaire le motif qui avoit porté le Juge à l’en priver ne pouvoit être fondé que sur l’incontinence de ladite Sanson ; or il ne paroissoit point par aucune piece du procez qu’elle se fût abandonnée à personne, ny même qu’elle eût souffert aucunes visites que celles dudit Richard, ayant passé non seulement la première année de son deüils mais encore prés de quatre ans dans une continence tres-réguliere et une conduite irreprochable, de sorte que le Juge n’avoit eu aucun prerexte valable pour la priver de son doüaire.

Pierre le Gras intimé répondoit que le Chapitre non debet ne pouvoit être entendu de l’affinité du second degré contractée en la ligne des ascendans et des descendans, et pour l’in-continence que la preuve en étoit faite par son propre Contrat de mariage ; car par iceluy ledit Richard reconnoissoit que l’enfant dont elle étoit enceinte étoit de ses oeuvres, ce qui marquoit qu’elle n’avoit pas vécu dans une continence si regulière. Ledit Pierre le Gras étoit appellant comme d’abus d’une Bulle du Pape, et de l’enterinement d’icelle par l’Official de.

Sayeux : Par Arrest du 26. de Mars 1672. au Rapport de Mr de la Vache, la Cour sur l’appel de la Sentence qui privoit ladite Sanson de son doüaire, et qui ordonnoit qu’il seroit de-iberé sur la validité du mariage, mit l’appellation et ce dont, et faisant droit sur l’appel comme l’abus l’appellation au neant, et neanmoins ladito Sanson fut condamnée en-cmquante livres d’amende

a l’égard de la question du doüaire, rincontinence dont ladite Sanson étoit accusée n’étoit pas assez grande pour donner lieu à la privation du doüaite, elle n’étoit pas accusée d’avoir mal vécu dans l an de son deüil, mais seulement de s’être abandonnée audit Richard qui reparoit tout par le mariage.

Pour l’autre question touchant la validité du mariage elle recevoit beaucoup plus de difficulté, j’en ay rapporté une espèce pareille sur l’Article CCXXXV. elle fut appointée, et on se fonda sur ce qu’avant le Concile de Latran les mariages entre alliez étoient défendus jusqu’au quatrième degré, mais que par le Concile la prohibition avoit été reduite au premier degré, ce qui s’étoit toûjours pratiqué depuis, et que pour cette raison on ne donnoit plus à Rome de Dispenses pour ces sortes de mariages comme étant inutiles ; qu’il n’y avoit point de Loix ny d’Ordonnances contraires à cette doctrine, que les Arrests qui les avoient reprouvez avoient été donnez pour des mariages non célebrez, et non contre ceux qui étoient ce-lebrez et consommez, que n’y ayant point d’empeschement dirimant il seroit rigoureux de les annuller, et neanmoins pour marquer que la Cour les toleroit et ne les autorisoit pas bsolument, ladite Sanson fut condamnée en cinquante livres d’amende. Il est certain que dans la Loy Divine il ne se trouve aucune prohibition de mariage dans ce degré, et que même selon le sentiment d’Axo in summâ aureâ in Tit. Cod. de Nuyt. n. 13. multa affinitatis. tenera ad illaqueandos homines à Pontificibus inventa fuêre, et que ce fut avec raison que le PapeInnocent III . en abolit la meilleure partie, et qu’il rétreignit ces prohibitions au premier degré d’affinité, et c’est pourquoy il n’est pas défendu à deux freres d’épouser les deux soeurs, la mère et la fille peuvent épouser deux freres, un homme peut se marier à la veuve du frere de sa premiere femme, parce qu’il n’y a jamais eu d’affinité entr’eux, est enim ea necessitudo inter conjugem et alterius conjugis cognatos, non inter conjugem, et eos qui conjugis cognatis junguntur : Cependant le sentiment de Papinien me paroit toûjours le plus honnête et le plus loüable, uxorem quondam privigni conjuofl-vitrici emmatrimonio non oportere, nec in matrimonium convenire novercam ejus qui privigna maritus fuit, c. 15. de Ritu Nupt. parce qu’il y a toûjours quelque pudeur et quelque honnêteté qui fait obstacle à ces mariages, en tout cas on ne les doit tolerer que quand l’opposition est formée aprés la celebration.

On a traité cette question au Parlement de Tolose, si la femme qui s’étoit fiancée par paroles de present dans l’an de deüil avec l’ennemy capital de son mary, perdoit le legs qui luy avoit été fait ; On pretendait que le legs étoit censé revoqué par la seule presomption dont le Jurisconsulte se sert en la l. 2. ff. de di. leg. en laquelle on demande si le legs eft dû au legataire qui est devenu ennemy du Testateur, et si quidem, dit-il, eapitales vel gravissimae injuria intercesserunt, ademptum videtur quod relictum est : Par cette même raison il n’y a pas d’apparence que si le Testateur eût piévû que sa femme eût épousé son ennemy capital il eût usé de liberalité envers elle : que si dans la Loy 28. Cod. de inoff. testament. une mére se rend indigne de la succession de son fils en se joignant d’amitié avec fes ennemis, devesant par cette liaison en quelque façon son ennemie, à plus forte raison une femme est pri-vable du legs qui luy a été fait : par le défunt, puisqu’il n’y a point de societé plus étroite que celle du mary et de la femme : en se remariant avec l’ennemy capital de son mary, elle donnoit sujet de croire qu’elle ne l’avoit pas regardé en cette qualité durant la vie de son mary, et qu’au contraire elle avoit eu de l’affection pour luy puisqu’elle l’avoit épousé dans l’an du deuil, et elle ne pouvoit témoigner plus ouvertement qu’elle n’avoit point aimé son mary qu’en faisant paroître à son ennemy qu’elle étoit insensible à sa perte. La femme répondoit que bien qu’elle se fût fiancée dans l’an de son deüil, elle ne devoit pas être privée de son legs, que virum eliget intra id tempus sponsam fuisse non nocet l. solet ff. de his qui nec infam. Sur quoy M’Cujas dit, mulierem sponsalitia sibi interim querere posse illesâ existimatione. et qu’on luy reprochoit injustement d’avoir épousé l’ennemy capital de son mary, puisque la Loy du Christianisme ne souffroit pas les inimitiez, et qu’elle condamnoit les ressentimens, Cassiod turpe est homini orthodoxo refricare injurias et odiorum sopitos cineres suscitare, Cassiod. de amicitiâ, c. 16. qu’il seroit inhumain de faire passer leurs haines jusques dans le tombeau : Clau dantur odia cum sepultis. Les enfans qui succedent à leurs peres ne doivent pas succeder à leurs inimitiez, nihil est iniquius quam aliquem fieri haredem odii patermi,Senec . l. 2. Par Arrest du Parlement de Tolose la femme fut privée de son legs ;Cambolas , l. 1. c. 2


CCCLXXVIII.

Action de doüaire contre l’heritier.

L’heritier n’est tenu de doüer la femme de son predécesseur, fors de ce qu’il a eu de la succession.

On peut induire de cet Article que si le fonds affecté au doüaire venoit à perir, sive intes ritu rei, sive quod ab hostibus captus effet, la femme n’auroit pas d’action pour en demander recompense on garantie à l’heritier du mary ; car étant vray que l’usufruit se perd et s’éteint par ces moyens-là, quib. mod. ususfr. amitt. cette perte tombe sur l’usufruitier, autrement il ne seroit pas vray que l’usufruit fût pety si l’usufruitier en avoit recompense, et toutes les fois qu’une chose perit par les moyens introduits par le Droit, res perit Domino, nec subest aliquae actio : La raison est que l’action en doüaire contre l’heritier n’est pas personnelle, elle ne l’auroit pas même été contre la mary, car l’action en doüaire ne peut avoir que ce seul effet, que le mary quand sa femme est civilement separée, ou son heritier laisse jouir la femme our son doüaire de la portion qui luy est assignée par la Coûtume, et le mary ne consent et ne promet autre chose, et s’il avoit promis plus qu’il n’est permis par la Coûtume, cette promesse seroit nulle ; et non seulement la semme ne peut avoir un plus grand doüaire que celuy qui luy est limité par la Loy, mais elle ne le peut avoir que sur les biens dont son mary étoit saisi lors des épousailles, de sorte que s’il en étoit dessaisi non par son fait ny par sa aute, mais par une force majoure, la perte en tomberoit aussi-bien sur la femme que sur le mary, ou son heritier, parce qu’elle ne peut avoir doüaire que sur ce qui provient de la succession du mary : Il est bien vray que si le mary avoit aliené de son bien l’heritier n’en seroit pas quitte pour luy offrir le tiers de ce qui luy resteroit, mais il luy en appartiendroit jusqu’à à concurrence du tiers des biens dont il étoit saisi lors des épousailles, et le sens de cet Article est que l’acceptation de la succession du mary n’engage l’heritier à fournir le doüaire que sur ce qui provient de cette succession : C’est un droit réel qui ne produit qu’une action reipersecutoire. Et si un mary avoit promis un doüaire, bien qu’il n’eûr aucuns immeubles, cette promesse n’obligeroit pas l’heritier à luy en fournir un, ce qui prouve que l’action. en doüaire n’est pas personnelle contre l’heritier, sed dum non fruitur non tenetur prastare quod Argentré non habet, et aquum est mulierem conditionem accipere qualescumque heres habiturus est, Argentr.

Art. 496. v. c.

Mais bien que cette action de la part de la femme ne soit pas personnelle contre l’heritier. elle l’est à l’égard des acquereurs des immeubles du mary, lors qu’ils sont troublez par la femme. La Coûtume qui a taché d’empescher par toutes sortes de voyes que le doüaire excedat le tiers des biens immeubles du mary, a prudemment ordonné que l’heritier du mary ne seroit point tenu d’executer les promesses du défunt, à l’égard du doüaire, mais qu’il en seroit quitte en fournissant le doüaire sur ce qu’il auroit eu de la succession seulement ; de l sorte que cet Article ne peut servir à l’heritier du mary que quand le défunt a promls un doüaire plus grand que les biens ne peuvent porter, ou lorsque les biens sont peris par quelque cas fortuit, comme si les biens consistoient en maisons qui eussent été brûlées pour la pluspart ou démolies en temps de guerre, ou en rentes sur le Roy, dont le remboursement n’auroit été fait que de peu de chose, la veuve n’en auroit pas recompense sur les biens qui resteroient ; hors ces cas cet Article est inutile à l’heritier, parce qu’encore que la veuve ne luy puisse demander directement et personnellement son doüaire que sur ce qu’il a eu de la succession, il ne laisse pas d’être garant envers les acquereurs du bien qui leur est donnds que si pareillement le mary avoit aliené une partie du bien dont il étoit saisi lors de ses époufailles, il n’en seroit pas quitte en delaissant le tiers de ce qui resteroit, mais il seroit tenu le suppléer et de fournir le doüaire entier sur ce qui resteroit, bien que par ce moyen le tout demeurât à la veuve.

Sous ces paroles, fors ce qu’il a eu de la succession, il faut comprendre non seulement les biens dont l’heritier joüit actuellement, mais aussi les actions qu’il pourroit avoir pour rentrer en possession de quelque héritage possedé par le mary lors des époufailles, nam qui actio-nem habet, rem ipsam habere videtur : Que si depuis la mort du mary l’heritier avoit intenté des actions pour rentrer en possession d’un fonds usurpé sur le mary, il seroit aussi raisonnable Argentré que la veuve y contribuât, ou qu’elle souffrit qu’il en fût remboursé sur la choser Argentr. Art. 16.

Mais il y a plus de difficulté pour le doüaire prefix : L’on demande si l’heritier seroit tenu de le payer fors de ce qu’il a eu de la succession ; car il semble que cette convention du doüaire prefix produit une obligation personnelle. Par l’Article 459. de la Coûtume de Bretagne conforme à l’ancienne, Article 436. l’hoir du défunt n’est tenu asseoir doüaire fors autant comme il a eu saisine, si le défunt ou son hoir ne luy avoient fait autre accord, ou que les choses fussent empeschées par leurs faits. Or suivant cet Article lors que la femme ne demande oint le doüaire Coûtumier, mais celuy qu’elle a convenu, l’heritier est tenu de le fournir, Argentré Tollit enim ubique in permissis provisio hominis provisionem legis ; Argentr. Art. 16. Plusieurs sont dans ce sentiment, que si le doüaire Prefix étoit moindre que le Coûtumier, en ce cas il seroit uste que l’heritier y fût personnellement obligé ; car puisque la femme pour sa plus grande seureté s’est contentée d’une moindre somme, l’heritier qui en profite est obligé de la payerL’heritier n’est pas tenu par cet Article de doüer la femme de son predecesseur que de ce qu’il possede de sa succession ; on ne peut dire qu’en ce cas provisio hominis facit cessarprovisionem legis, nôtre Coûtume ne s’étant pas exprimée comme celle de Bretagne qui ajoûte une exception, si le défunt ou son hoir ne luy avoient fait autre accord.


CCCLXXIX.

Contre le detenteur.

Si le mary durant son mariage a vendu de son héritage, la femme en peut demander doüaire à celuy qui le possede.

Berault sur cet Article rapporte un Arrest de l’année 1567. entre Magdeleine le Mercier, et les Abbé et Religieux d’Estrée, par lequel une femme fut permise de prendre son doüaire en essence sur les héritages dont elle avoit trouvé son mary saisi, bien que le mary les eût baillez depuis en échange, n’étant tenuë de prendre son doüaire sur l’héritage baillé en contr’échange ; mais cette jurisprudence a changé, suivant les Arrests que j’ay rapportez sur l’Article CCCLXVII. et c’étoit aussi le sentiment deGodefroy .

Nonobstant l’alienation faite par le mary de ses héritages, la femme peut demander doüaire sur iceux à ceux qui les possedent. Il n’en est pas de même des rentes constituées, quoy qu’elles luy fussent dûës et qu’il en fût saisi lors de son mariage, si le rachapt en a été fait par les redevables elle ne peut plus les inquieter à cause de cette faculté perpetuelle de rachapr qui est de l’essence de ces rentes ; mais les heritiers seront tenus de luy en donner la recompense sur les autres immeubles, s’il y en a : Il en est de même pour l’Office que le mary possedoit lors de son mariage et dont il a disposé depuis, suivant les Arrests que j’ay remarquez sur l’Article CCCLXVII.

Bien que la femme puisse demander doüaire sur les biens alienez par son mary, néanmoins elle ne peut déposseder les acquereurs s’il reste assez de biens en la possession de l’heritier pour luy fournit son doüaire : que s’il n’y en a pas assez, elle peut demander son doüaire aux acquereurs qui ne peuvent pas se servir contr’elle de la faculté qui leur est accordée par l’Article CCCCIII. car elle peut joüir de son doüaire en essence Elle ne peut toutefois troubler les acquereurs que quand elle a renoncé à la succession, car étant heritiere et ayant pris part aux meubles, elle n’a plus d’action contr’eux, autrement elle auroit deux causes lucratives, les deniers provenant de la vente des immeubles pouvant avoir augmenté la masse des meubles.


CCCLXXX.

Doüaire n’a lieu qu’en succession directe. femme ne peut avoir doüaire de ce qui est échû à son mary depuis les épousailles, par donation, succession collaterale, ou autrement qu’en ligne directe.

Il semble que la Coûtume s’étoit assez expliquée sur l’Article CCCLXVII. ayant accordé doüaire sur ce qui échet au mary en ligne directe constant le mariage ; d’où il s’ensuivoit qu’elle ne pouvoit le pretendre sur les biens provenus d’une succession collaterale, quoy qu’ils fussent échûs durant le mariage ; ce qui reçoit d’autant moins de doute que presque toutes les Coûtumes de France contiennent une semblable disposition : Confer. des Coût. tom. 2.

Irt. 247. et 248. mais cet Article n’est pas inutile, car il décide que la femme n’a point de doüaire sur les biens qui viennent à son mary depuis les épousailles par donation Ces paroles, ou autrement qu’en ligne directe, ne se rapportent pas seulement à ceux de succession collaterale, mais aussi à celles de donation : et le sens est que sur tout ce qui chet au mary en ligne directe par succession ou donation faite par ascendans la femme y prend doüaire, comme au contraire elle n’en a point sur ce qui luy échet durant le mariage ar donation faite par autres personnes que par les ascendans, ny sur les biens qui luy viennent par succession collaterale.

Il n’est pas étrange que la femme ait doüaire sur les choses données par les ascendans, les donations sont proprement des avancemens d’hoiries, Art. CCCCXXXIV. et tiennent nature de propres en la personne du donataire ; et comme elle y auroit eu doüaire si ces biens fussent échûs à son mary sans donation, par consequent il n’eût pas été raisonnable que par la donation faite à son mary elle eût été privée de son droit : Tout ce qui est donné par un pere est reputé naturellement faire part de sa legitime, l. si non mortis. D. de inoff. testament. l. in uis. D. de lib. et posth. De sorte que quand la Coûtume n’en auroit pas fait une décision expresse, ou que par le Contrat de donation il ne seroit pas dit que la donation seroit propre au donataire, néanmoins on la reputeroit telle ;Tournet . Art. 246. de la Coûtume de Paris. et par le même Article les biens donnez au mary en ligne directe n’entrent point en la communauté

Pour les donations faites par un parent collateral, il n’est pas étrange que la femme soit privée d’ey prendes doüaire, puisque cessant cette donation, quand la succession feroit échûë ab intustat au donateur, la fomme n’y en auroit point eulos deux Commentateurs ont remarqué soirt à propos que les pensions à vie des puisnez et les provisions dont joüissent les sogurs non mariées, lors qu’elles viennent à cesser ne sont pas reputées des successions collaterales, ce sont de simples extinctions d’usufruit qui augmentent le doüaire, comme fetoit l’extinction ou le rachapt d’un droit réel et d’une rente foncière.


CCCLXXXI.

La renonciation du mary, n’exclud le doüaire.

Si le mary renonce à la succession qui luy est échûë en ligne directe, néanmoins la femme peut prendre doüaire sur icelle aux charges de droit.

Comme la femme est creanciere pouu son doüaire, il est juste suivant l’Article CCLXXVIII. que si le mary renonce en fraude de ses droits, la femme ne soit pas privée de demander doüaire ; et suivant l’opinion deGodefroy , elle peut le demander dés linstant que son mary a renoncé à la succession qui luy étoit échûë quoy qu’elle ne soit point separée de biens, et que pour cet effet elle peut se faire autoriser par Justice ; mais je n’estime pas qu’il y ait pouverture à la demande du doüaire qu’aprés la mort du mary ou par la separation de biens : le mary peut abandonner ou negligor ses droits dutant sa vie, et cet abandonnement ou cette negligence ne rend point la femme capable d’agir lors qu’elle n’est point separée. Berault et Godefroy expliquant ces paroles, aux charges ae droit, disent qu’à l’égard des dettes contrastées par le pere ou fayeul du mary depuis qu’ils ont consenty au mariage, la femme n’y contribuëra point pour son doüaire, mais il faut attendre du Conseil Privé du Roy la resolution de cette question, comme je lay remarqué sur lArticle CCCLXIX.


CCCLXXXII.

Droit de viduitè appartenant au mary.

Homme ayant eu enfant né vif de sa femme, joüit par usufruit tant qu’il se tient en viduité de tout le revenu appartenant à sadite femme lors de son decez, encore que l’enfant soit mort avant la dissolution du mariage : et s’il se remarie, il n’en joüira que du tiers.

On trouve l’origine du Droit de Viduité dans nôtre ancienne Coûtume établie en Angleterre, il est appellé Courtoisie d’Angleterre ; Tenant par la Curtesie Dengleterre est lo homme prend femme saisi en fée simple ou en fée taille generale ou saisie comme heire et taille speciale et ad issus per même la femme mâle on femelle ores vifiée soit issuè aprés mort ou en vie si la femme de vie le paron ( c’esssa dire le mary ) tiendra la terre durant sa vie par la loy Dengletarre et est appells tenant per le Curtesie Dengleterre pur ce que l’en n’en use en alcun autre Realme fors que tant seulement en Angleterre et ascuns ont dit que si ne sera tenant per le Curtesie sinon que l’enfant qu’il ad par sa femme soit oye erir carparle crie est prouvé que le onfant ne vifus ;Lithleton , Art. 4.

Illa est nationis nostrae humanitas, ditCouvellus , Institut. Iur. Angl. l. 2. t. 2. 8. 8. ut siquis feminam heredem ducat, et ex ea prolem gignat que viva prodit in lucem terras de quibus uxoris nomine saisitus in vita est ea mortua integras ad vita sua terminum retineat, quam legem aliqui Henrico tribuunt. Mais il y a plus d’apparence que c’étoit un des Articles de l’ancienne Coûtume de Normandie, epuisque cela s’observe encore aujourd’huy parmy nous ; Thomas Smith dit la même chose en sa Republique d’Angleterre, l. 3. c. 8. Si proles nulla ex conjugio nascitur, pradium ad proximos heredes jure nuptiali devenit, si primum mortem obit : sin aliquem nasci l contigerit qui se esse vitalem clamando demonstret fundi ususfructus ad virum recidet, tametsi infans continuo morte absumatur. Il y a cette difference que nôtre Coûtume ne donne au mary l’usufruit entier que tant qu’il se tient en viduité, et c’est pourquoy nous l’appellons Droit de viduité ; mais ces paroles, s’il se remarie, sont de Coûtume nouvelles Par l’ancien Droit des Romains, ut catera boua adventitia, ita etiam bona materna per filium. Constantin aut siliam familias patri acquirebantur pleno jure : mais par la Constitution de Constantin, l. 1.

C. de Bon. Mater. ce droit des peres fut reduit au simple usufruit. Res que ex matris successione sive ex testamento, sive ab intestato fuerint ad filium devoluta, ita fint in parentum potestate, ut urendi, fruendi dumtaxat in diem vita facultatem, dominio videlicet earum ad liberos pertinente, Justinianus quod & generaliter Justinianus admisit in bonis omnibus adventitiis filio Nôtre Coûtume est différente en ces deux points : Le premier, que par la Loy quatrième du même Tître, le pere en se remariant ne perdoit point cet usufruit entier, et cet Article lesreduit au tiers. Le second, que cet usufruit appartenoit au pere en tous les biens adventifs du fils de famille en quelque temps qu’il leur éohussent, et cet Article n’accorde cet usufruit au mary que sur les biens que sa femme possedoit au temps de sa mort : ce droit est particulier aux Normans, l’on en trouve plusieurs Arrests dans lEchiquier, et cette longue antiquité est une marque de sa justice, car la meilleure preuve de l’équité d’une loy est qu’elle ait été observée inviolablement durant plusieurs siecles.

Il est certain que ce droit de viduité n’appartient au mary que sur les biens de sa femme qui sont en Normandie ; car s’il l’avoit vendu ou remplacé sous une Coûtume où le droit de viduité n’est point reçû il perdroit son droit de viduité : si au contraire le mary vendoit a bien de sa femme qui seroit à Paris pour le remplacer en Normandie, pourroit-il joüir du troit de viduité ; il luy appartiendroit sans doute, pourvû que la femme eût consenti à cette alienation, ou qu’il eût été en la liberté du mary de remplacer les deniers dotaux de sa femme par tout où bon luy sembleroit, et cela receveroit encore moins de difficulté, si le mary par le Contrat de mariage avoit declaré qu’il en feroit le remploy sur une terre de Normandie.

Pour demander les avantages et les droits que la Coûtume accorde aux maris sur les im meubles de leurs femmes, il est requis que le mariage ait été valablement contracté, voicy comment l’ancienne Coûtume s’en étoit exprimée, si l’on dit que celle qui est morte n’étoit pas sa femme, enquête en soit faite s’il l’eut en sa femme par le consentement de sainte Eglise en temps. qu’elle mourut s’il est mis en non sçavoir, il remaindra sans l’heritage qui devoit tenir à veuveté, s’il ne prouve que la morte soit sa femme.

Il ne fuffit pas que le mariage ait été valablement contracté, il faut que la naissance d’un enfant né vif se soit ensuivie ; on a revoqué en doute si l’enfant né avant la celebtation du mariage, mais qui depuis a été legitimé en consequence du mariage survenant, acquiert au pere le droit de viduité ; On allégue en faveur du pere qu’il ne faut point considerer le temps de la naissance de l’enfant, parce qu’étant devenu legitime par le mariage qui s’en est ensuivi, suivant l’autorité du Chap. tanta vis, qui filii sine legit. aux Decret. et cette legitimation ayant un effet retroactif, il donne les mêmes droits qu’il auroit si l’enfant étoit venu au monde depuis la celebration du mariage : L’heritier de la femme tépond que la Coûtume désire que l’enfant soit né de la femme dont il s’ensuit qu’il doit être sorti du mariage qui avoit été valablement contracté auparavant, autrement il ne seroit pas né de la femme, cet Article ne pouvant être entendu que d’une naissance legitime. Cette question fut agitée en ce Parlement, mais. le procez ayant été évoqué, il fut depuis terminé par une Transaction. faite entre les parties. Il seroit étrange que la legitimation eût assez de force pour acquerir à l’enfant les droits et les prerogatives qui appartiennent aux enfans legitimes, et neanmoins. qu’il fût reputé illegitime à l’effet de priver son pere du droit de viduité ; et n’est-il pas vesitable que le mary a eu un enfant né vif de sa femme lors qu’elle est devenuë sa femme segitime par la Benediction nuptiale qui s’est ensuivie C’est encore une condition nécessaire pour conserver cette joüissance qué le mary se tienne en viduité ; cette disposition de la Coûtume est tres-sage pour engager le pere par son propre interest à ne partager point ses affections entre les enfans de divers lits, elle luy donne cette recompense de joüir entierement du bien de sa femme quand il en a eu un enfant, et qu’il demeure en viduité.

Le second mariage du pere, quoy que legitime et permis, étant puny par la perte des deux tiers de son usufruit, ne seroit-il pas raisonnable que celuy qui pour éviter cette peine ne contracte pas véritablement un mariage public et solennel, mais qui entretient une femme publiquement et notoirement, fût privé de son droit ; C’est en cette rencontre que l’on peut dire qu’il n’est pas juste que aliquid amplius habeat castitate luxuria, qu’une vie vicieuse ne doit pas avoir plus de prerogative qu’une condition legitime : Si l’on recherche la cause de la severité de la Coûtume contre les secondes nopees, on trouvera qu’elle est fondée sur cette pre-somption que les secondes affections se forment ordinairement du débris et de la ruine des premieres, si donc la Coûtume a voulu pourvoir aux enfans contre l’inimitié d’une bellemere, on ne doit pas moins assurer leur condition contre les artifices d’une concubine ; nos desirs ne sont jamais plus ardents que pour les choses qui nous sont défenduës, et au contraire l’amour des choses permises est languissante et de courte durée, veneficium tota vita meretricis est : parum se lenociniis, parum se putat agere et cum omnis ad expugnandas mentes cura collata sit, non sufficit tamen ut de sui charitate corporis cedant, elles renversent par leurs calompies les amitiez les plus assurées, et pour prevenir le dégoût ou les disgraces d’un change. ment, elles jettent les peres dans la défiance de leurs propres enfans ; on peut dire au conraire qu’il ne faut point étendre les peines, que ce seroit exposer les maris à la persecution et à la calomnie, que la conduite des plus sages seroit sujette à la censure ou de leurs enfans ou des heritiers qui voudroient expliquer malicieusement les actions les plus innocentes ; que si la veuve n’est pas privée. de son doüaire pour mener une vie impudique aprés l’an du deüil, quoy que le doüaire luy soit donné comme une recompense de sa viduité, et que la pudeur naturelle du sexe l’eblige à une conduite plus reglée : et qu’enfin la Coûtume he punissant le mary qu’en cas qu’il ne demeure point en viduité, on ne doit point étendre sa prohibition plus loin : Il y a cette différence entre l’homme et la veuve, que celle-cy ne perd point son doüaire par un second mariage, et qu’au contraire l’usufruit appartient au mary qui demeure en viduité. Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 18. de Decembre 1636. entre les sieur de Collevé intimé, et de Courseulle, sieur de Cremanville, appellant ; on disputa si le sieur de Courseulle qui depuis vingt ans entretenoit une femme sà laquelle il faisoit tenir le rang et la condition de sa femme, et dont il avoit eu une fille qu’il avoit mariée comme sa fille, sans ajoûter la qualité de fille naturelle y étoit privable de son droitde viduité, en consequence ou de la turpitude ou de la presomption du mariage secret : La Cause fut apointée au Conseil, et depuis par un accommodement on fit perdre au mary la moitié de son usufruit.

On a pareillement contredit au mary le droit de vlduité lors que sa femme s’étoit fait separer de biens d’avec luy, et qu’en vertu de cette separation elle étoit rentrée en la posses-sion de son bien ; on fe fondoit sur cette raison, que suivant cet Article le maty doit survivre sa femme : or parmy nous la mort civile du mary a le même effet que la naturelle, in omnibus et per omnia morti aquiparatur ; d’où il s’enfuit que le mary separé de biens d’avec sa femme est reputé mort, quoy qu’il la survive, à l’esfet de ne pouvoir joüir de son bien : la mort de sa femme ne le doit point rétablir dans un droit dont il étoit déchû par son mauvais nénage. La Coûtume en donnant le droit de viduité a presumé que le mary en étoit en possession, mais en étant dessaisi, comme les successions fe partagent en l’état qu’elles se trouvent, le mary n’a plus de qualité pour pretendre une joüissance qu’il avoit perduë dés le vivant de sa femme, la consolidation de l’usufruit à la proprieté se fait naturellement, et puisque la separation leur ôte cet avantage durant leur vie, elle doit avoir encore les mêmes effets aprés sa mort : Par l’Article CCCLXXXXI. les meubles de la femme separée appartiennent à ses enfans ; la Coûtume luy ôte jusques aux meubles, quorum vilis et abjecta pos-sessis, il y a beaucoup plus d’apparence de luy refuser l’usufruit des immeubles ; au contraire on répond que par cet Article le droit de viduité est acquis au mary sans distinction, ubi lex non distingust, &c. La separation n’aneantit point le droit du mary, elle le suspend seulement, et elle n’est introduite que pour donner à la femme les moyens de subsister, que l’Art. CCCLXXXXI. est avantageux au mary, car cet Article n’ayant excepté que les meubles, il en resulte qu’elle n’a point voulu retrancher le droit de viduité, exceptio firmat regulam in casibus non exceptis.

Si la question s’offroit entre le pere et les enfans, le droit du pere seroit, à mon avis, le meilleur, et les enfans seroient d’autant moins favorables à le contredire, que le pere n’a cet usufruit qu’à la charge de les nourrir : et à plus forte raison il en joüiroit au prejudice des heritiers de sa femme, suivant l’Arrest donné, au Rapport de M’Auber, le 22. de Decempre 1636. entre Nicolas et Richard Maze, enfans de Jeanne Hervieu, appellants, et Jacques d’Eu-demare, intimez ; Aprés la mort de ladite Hervieu leur mere, qui étoit separée de biens d’avesedit d’Eudemare, ils pretendirent entrer en possession des biens de son mary, au prejudice dudit d’Eudemare, ce qu’ils firent juger par le Bailly de Roüen : Par l’Arrest la Sentence fut cassée, et ordonné que nonobstant la separation de biens le mary joüiroit du bien à droit de viduité.

Les creanciers du mary n’ont pas ce même avantage contre les enfans ; la femme durant sa vie s’étant ressaisie de son bien au prejudice des creanciers de son mary, il ne seroit pas uste que ses enfans qui l’en trouvent en possession au temps de sa mort en fussent dépoilildez par ces mêmes créanciers

Le droit des enfans devient encore plus puissant lors que le pere, prend le party de ses enfans, et qu’il déclare leur remettre son droit de viduité ; on a souvent agité s’il pouvoit faire cette remise en fraude de ses créanciers, et notamment quand il ne passoit cette déclaration ue depuis la saisie de son usufruit ; la Cause en fut plaidée solennellement le 14. de May 1634.

Gilles de Cairon ayant fait vendre et ajuger les biens de Paul de Cairon son ftere, et ne pouvant être recompensé du cautionnement qu’il avoit fait pour luy, qu’en arrétant trois cens ivres de rente du bien de sa femme, dont il joüissoit à droit de viduité, il fit arrest sur les arrerages ; depuis cette saisie et l’introduction du procez, Gilles de Cairon se fit instituer Tuteur le ses enfans, et déclara qu’il leur remettoit son droit d’usufruit : Paul de Cairon se plaignoit que cette remife ne pouvoit valoir à son prejudice, et il l’avoit fait juger de la sorte ; mais par Arrest dudit jour la Sentence fut cassée, et l’usufruit ajugé aux enfans, ausquels on donna aussi les meubles de leur mére ; plaidans Giot et Coquerel. Cela fut. encore jugé à la Champre de l’Edit le 17. de May 1634. pour Charles de Lauberie, fils de Demoiselle Esther Da-mours, vivante femme separée de biens d’avec Jean de Lauberie, sieur du Ménil-Raut son mary, contre Pierre de Guillebert Ecuyer, sieur de la Riviere, Jean d’Alain Ecuyer, sieur Damonlaville, et autres, aprés avoir vâ tous les Arrests, et notamment celuy de Cairon.

Cependant comme si l’on avoit oublié tous ces Arrests, on renouvella cette difficulté en 1660. jur ce fait, Nicolas du Four avoit épousé Geneviéve Barré, ses biens avoient été decretez, et en mariant sa fille à Me Jacques de Sets il renonça à son usufruit sur le bien de sa femme François Barré créancier et caution de du Four, avoit fait arrest sur tous les fermages provenant du propre de ladite Barré avant que du Four en eût fait la remise, et il avoit fait juger par le Vicomte de Roüen à bonne cause sa saisie : Sur lappel de Me Jacques de Sets, je disois pour luy que suivant la l. 13. de adquir. possessi pour acquerir la possession et la proprieté d’une chose, duo copulativa requiruntur, corpus & animus ; mais il n’en est pas de même lors qu’il s’agit de perdre la proprieté et la seigneurie d’une chose : la proprieté solo animo non amittitur ; mais la perte de la possession est bien plus facile, in amittenda possessione affectio ejus qui possider intuenda est. ltaque si in fundo sis, et tamen nolis eum possidere, protinus amittes possessionem : solo animo igitur amitti potest, quamvis acquiri non potest. D. l. 3. 5. 6. Ot suivant ces maximes la remise faite par le pere doit subsister, puisque non seulement il n’a plus la vosonté de continuer sa joüissance, mais même qu’il en a fait un abandonnement actuel à son gendre, et on ne peut objecter que cette remise ait été faite au prejudice de ses créanciers, car une chose nous appartient de plein droit et sans qu’il soit besoin d’aucune déclatation de nôtre volonté pour l’acquerir parfaitement, ou bien nous avons seulement un droit et une action pour la demander, ou sans rien demander à la proprieté nous y pretendons simplement un usufruit ; : quand les choses nous appartiennent de plein droit, il ne nous est pas per-mis d’y renoncer en fraude de nos créanciers ; mais les choses qui ne peuvent devenir nôtres ns les demander, labandonnement ou la renonciation que nous en faisons ne passe point pour un acte frauduleux, et les créanciers n’ont point d’action pour les revoquer, qui potest acquirere, sed non id agit ut aquirat, ad hoc edictum non pertinet ; proinde qui repudiavit hereditatem, non est in ea causa, ut huic edicto locum faciat. l. 6. D. que in fraudem Il est vray que pour les successions la Coûtume est contraire, mais la raison de la difference est que parmy nous le mort faisit le vif, et parmy les Romains, à l’exception des he-ritiers necessaires, il faloit une adition formelle de lheredité ; on pouvoit encore par le même droit renoncer au legs testamentaire à la Falcidie, à la Trebellianique, et IEdit du Preteur l’avoit point lieu en tous ces cas ; et par nôtre Usage le Prelat au prejudice de l’Eglise, et le mary au prejudice de sa femme peuvent remettre Ioffense faite à leurs personnes, bien qu’elle ût assez grave pour donner lieu à la Commise ; les ainez ont une prerogative dont ils peuvent ne se pas prevaloir, mais sur tout lusufruit se consolide fort naiurellement à la proprieté, il n’y a rien de si fragile et de si perissable, Tit. quib. mod. usufr. amitt. 3. et cette reünion devient encore incomparablement plus favorable quand elle se fait au profit des enfans. Il n’en faut pas d’autre preuve que cette belle Loy dePapinien , D. que in fraudem creditorum ; patrem qui non xpectata morte sua fideicommissum hereditatis paterna filio restituit, omissa ratione Falcidiae plenam fidem & debitam pietatem secutus, exhibitionis creditores non fraudasse ; et par la Loy suivante, celuy qui ne déduit point la Trebellianique non videri in fraudem creditorum alienasse portionem quam retinere potuisset, sed magis fideliter facere. C’est le sentiment deDecius , que la remise faite par le mary de la dot de sa femme qui luy appartenoit n’est point revocable par ses créansiers, quoy que le mary soit insolvable, parce que l’on n’est pas reputé diminuer son patri-moine pour ne vouloir pas acquerir, non censetur diminuisse patrimonium suum, sed noluisse acquirere. De Cahagnes pour Barré soûtenoit que cet Article donnant au mary le droit de vi-duité au prejudice de ses enfans, il n’avoit pû le leur remettre pour en frustrer ses créanciers, que la saisie de cet usufruit lioit les mains au pere, et l’empeschoit de disposer d’un usufruit dont il n’étoit plus le maître ; de sorte que quand il autoit pû le faire auparavant, il n’étoit plus en son pouvoir de rendre la saisie illusoire ; et d’ailleurs étant caution de la dot reçûë par le mary, sa pretention en étoit beaucoup plus favorable : Par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 15. de Juillet 1é60. main-levée fut ajugée à de Sets de la saisie des fermages.

On a jugé par cet Arrest que nonobstant une simple saisie, le père demeure encore le naître de son usufruit ; mais si le creancier avoit saisi réellement cet usufruit, il semble que le mary étant dépossedé actuellement, et cet usufruit étant en la main du Roy, il ne seroit dus en état d’y renoncer, car il y a difference entre un simple arrest sur les fermages rovenant de l’usufruit et la saisie réelle, un arrest simple ne dépossede pas le mary, mais par la saisie réelle son droit d’usufruit est en sequestre, et il ne luy en reste plus aucune disposition ; de sorte que les choses n’étant plus entières, c’est en vain qu’il abandonne son usu-fruit, et qu’il y renonce : cependant le droit de viduité étant extraordinaire, et la Coûtume n’ayant eu pour motif que la qualité de pere et de mary, on ne luy doit jamais ôter la liberté de remettre les choses dans Pordre naturel, et de renoncer en faveur de ses enfans à une grace qui ne paroit être faite qu’à sa personne, c’est proprement premium liberorum, car elle ne donne cette joüissance qu’au mary qui a eu enfans nez vifs ; il ne fait donc point de tort à ses créanciers lors qu’il remet à ses enfans un droit qui ne luy est accordé qu’à cause qu’il st devenu leur pere : aussi la Cour par l’Article 77. du Reglement de l’an 1666. n’y a fait aucune distinction, et suivant iceluy le pere peut ceder son droit de viduité à ses enfans au rejudice de ses créanciers. Cet abandonnement du droit de viduité aprés la saisie faite pa les créanciers n’auroit pas le même effet, si le maty n’y renonçoit pas en faveur de ses enfans, mais en faveur des héritiers de sa femme ; car la pieté paternelle ne le soûtenant plus et ne luy servant point de fondement, il seroit raisonnable en ce cas de faire subsister la saisie et de n’avolt polnt d’égard à une remife qu’il ne feroit que par force et pûr un simple motif, de faire tort à ses créanciers ; aussi dans l’Article du Reglement il n’est fait. mention que des enfans. Le pere peut remettre à ses enfans, ces paroles sont limitatives, auttement on autoit ordonné en termes generaux que le pere peut indistinctement temettre son u’sufruit au prejudice de ses creanciers ; ce n’est pas d’aujourd’huy que les peres pour se vaaager de leurs creanciers qui vouloient profiter de leur droit de viduité, les ont frustrez par un abandonnement qu’ils en faisoient à leurs enfans, cela fut reglé par un ancien Arrest du 9. de Decem-bre 1569. entre Nicolas de Beaumont, Tuteur des enfans de Philippes Catrouge, separé de biens d’avec. Perrette de Beaumont, et Guillaume de Surgere.

Il faut neanmoins remarquer que ces Arrests n’ont été donnez que quand les femnnes étoient separées de biens d’avec leurs maris, et qu’ils sont fondez sur cette, paison que par la separation civile de la femme ses biens cessent d’être obligez aux dettes de son mary, de forte qu’en étant dessaisi, ses biens ne sont plus susceptibles de l’action et de la saisie de : ses creanciers : En ce cas la cession du mary semble n’être pas necessaire, il ne. fait que ceder une joüissance qu’il a déja perduë ; de sorte que hors le cas de separation le droit de viduité appartenant pleinement au mary, il semble que cette remife ne peut vâloir au prejudice de les créanciers, suivant un Arrest domé en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr du Fay, le 7. de Février 1637. sur une Requête Civile obtenuë contre un Arrest donné, au Rapport de Mr de Galentine, le 7. d’Avril 1634. entre M. Jean le Mareschal, Lieutenant General au Bailliage de Gisors, d’une part, et Me Loüis Quentin et Onfroy, d’autre part : La femme dudit sieur Quentin avoit été en la tutelle du Cauchois, ce tuteur-pour s’exempter de, payer le reliqua de compte remit son droit de viduité au sieur : le Mareschal son gen dre : on contesta cette remise par lautorité de la Loy S. D. quae in, fraud. credit. à quoy lion opposoit la Loy 25. C. de Pign. debitorem neque vendentem, neque donantem, nequé legamiem, vel fidei commissum relinquentem deteriorem creditoris conditionem fatere certissimum est : par-un premier Arrest il fut dit que sans avoir égard au Contrat de remise le reliqua du compte soroit payé sur la joüissance du bien que le Cauchois devoit avoir ; le sieur. Mareschal s’étant gourvù contre cet Arrest, il fut debouté de sa Requête Civile.

Autre Arrest pareil sur ce fait : Sebastien Barbé aprés la mort de Suzanne Bouchard sa femme, ceda à Adrian Batbé son fils la joüissance du bien de leur mere, et depuis il oontracta un second mariage, et par ce moyen il perdit la joüissance des deux tiers : Adrian Primout et Estienne Planchere, et Everard Concierge du Palais, firent arrest entre les mains des fermiers des héritagen ayant appartenu à feuë quxanne Bouchard ; le fils en demanda la main-levée, et par Arrest du 9. de Février 1650, au Rapport de Mr du Houlé, il en fupdebouté ; les creanciers demeuroient d’accord que par plusieurs Arrests l’on avoit jugé que le pere avoit pû remettre son-usufruit ; mais ils retendoient que cela n’avoit été jugé que quand les creanciers n’avoient point fait saisir avant labandonnement fait par le pere, mais que le pere aprés la saisie avoit les mams hées, suivant l’Ar-rest donné pour M. Loüis Quentin : On n’eut point d’égard à cette distinction, par l’Arrest de Sets, et aujourd’huy l’on autorise indistinctement ces remises valables, soit qu’il y ait saisre ou qu’il n’y en ait point, ou que la femme ait été separée, ou qu’elle ne l’ait point été, et la saisic n’opere que pour les fruits échûs auparavant la cession.

La peine que la Coûtume impose au mary lors qu’il se remarie, est la perte de deux tiers de son usufruit qui retournent aux heritiers ; et comme en ce cas il faut faire partage, le sieut d’Emandreville qui joüissoit par usufruit des biens de sa premiere femme, pretendit aprés son second mariage que les enfans étoient tenus de faire les lots, disant que ce droit de viduité étoit particulier aux Normans, et que d’ailleurs ce n’étoit qu’une continuation de joüissance ; néannoins comme les doüairieres sont obligées à faire les lots, on jugea qu’on le devoit pratiquer de la sorte pour les maris : Par Arrest du 19. de Juillet 1639. conforme à cet Article, le droit de viduité fût restreint aux biens que la femme possedoit au temps de son decez, et il n’en est pas de même comme du doüaire qui est dù à la veuve sur les biens du pere de son mary quand il a consenty au mariage, bien que la succession écheoit aprés la mort du mary le droit de viduité ne s’étend point sur les successions en ligne directe lors qu’elles arrivent aprés la mort de la femme. Un pere avoit promis quarante mille livres à sa fille, dont vingt mille dlivres n’étoient payables qu’aprés sa mort : la femme mourut avant son pere, le mary vouloit joüit par usufruit des vingt mille livres, pretendant que : la proprieté en étoit acquise à sa femme ;. il fut répondo par les Avocats qui furent consultez qu’il n’y avoit rien, dies venerarâ non cesserat, cet Article ne donne au mary que le revenu appartenant à sa femme lors de : sa mort. ; or ces vingt mille livres n’étoient pas en sa possession.

Aprés avoir expliqué comment ce droit de viduité appartient au mary, et de quelle : manière la joüissance luy en peut être ôtée, il reste encore deux points à examiner : Le premier, dors qu’il n’a point eu d’enfans, et que sa femme meurt avant que les fruits soient ameublis ; quelle part il peut avoit en la joüissance de l’année ; Et le second, lors que le mary qui a joûy à droit de viduité vient à mourit avant la S. Jean, quelle portion on en doit laisser à ses heritiers : Lepremier cas est la véritable espèce de la l. dixortio soluto. matr, et suivant cettu-

Loy le mary a part aux fruits pro ratâ remporis. Bacquet tient que cette Loy n’a point lieu ren la Coûtume de Pans, et qu’elle ne se garde qu’entre les Beneficiers, des Droits de Justice, c. 15. n. 59. et 60. Et Brodeau estime au contraire, qu’ils apparriennent au mary et à sson heritier pro ratâ temporis, et il en donne cette raison que le mary perçoit les fruits propter ontris matrimomi l. F. n. 1o. Et sans doute l’opinion de Brodeau est plus raisonnable ; et quoy que Mr d’Argentré , Art. 76. n. 5. ne donne les fruits qu’aprés la perceptiun, il convient que cette Loy divortio, specialem provisionem continet proportionatam adi oera matrimomi, de quà Tiran. de Rorractu Conoent.

Mais on ne peut appliquer ces raisons en faveur de Lhéritier du mary qui a pouy longtemps du bien. de fa femme à droit de viduité, on ne peut dire que ces frums luy doivent appartenir ratioue oneris, parce qu’il a nourry la femme ; cette raison ne peut avoir lieu que pour fannée de la dissolution du mariage ; mais quand aprés la moet. de la femme le mary a rontinué la joüissance de son bien, son ne pent demander les fruits par la consideration de la nourriture de sa femme, ou à cause des charges du mariage, nemmoins pance que le droit de viduité appartient au mary par la disposition de la Coûtume, on a jugé que le mary ou ses fieritiers joüissent des biens pro rarâ temporis. Le fieur de Bigars étant mort avant la S. Jean en l an 1664. Mre Michel de Roncherolles, Marquis de Maineville, creancier du fieur de Bigars, fist saifir aprés la S. Jean les levées étant sur le fonds de laveuve, nommée de Launoy : Elle maintint que cette saisie étoit tortionnaire, et que c’étoit un immeuble au temps de la morr de son mary ; les heritiers du mary soûtenoient au contraire qu’ils devoient avoir du terrage pro raâ temporis, et par Arrest du 17. de Juillet 1664. La Cour ajugea audit de Bigars le pro garâ des fruits depuis le premier jour de Janvier jusqu’au jour du décez du mary, fi mieux il n’aimoit prendre les labours et semences ; et pour la difficulté qui pouvoit naître touchant e temps d’où lon feroit commencer ce pro ratâ, on jugea par ce même Arrest que l’on commenceroit à compter du premier jour de Janvier ; paidant de l’Epiney, Theroulde, et Greard.

Enfin il faut remarquer que le mary n’a point d’usufron sur les biens qui peuvent écheoir aprés la mort de sa femme, ainsi jugé par Arrest du S. d’Aoust 1670. par lequel un mary fut évincé du étoit de vidoité sur une succession directe échûë à fes enfans ; la raison de douter toit que la fille avoit été marlée comme heritière. Autre Arrest sur ce fait : Jacques le Maître. avoit épousé R fille de Baville, et lors de ce mariage il pretendoit qu’il ne restoit plus à ce pere que ce qu’il faloit pour le tiers Coûtumier de fa fille : Il eut un enfant qui moutut, et prés le decez de sa femme et de Baville son banu-pere, il se mit en possession du bien pour en joüir à droit de viduité, pretendant que le tiers étant acquis aux enfans du jour du mariage de leur pere, et renonçant à la ffecession de Baville, quoy que sa femme fût morte avant son pere, toutefois elle étoit reputée saisie de ce tiers Coûtumier dés le vivant d’iceluy, et qu’ainsi le droit de viduité luy appartenoit : On répondoit que la proprieté du tiers est veritablement assurée aux enfans du jour du mariage de leur pere, mais c’est toûjours avec cette condition, si parri superoixerint ; de sorte que quand ils predecedent leur pere, ils sont reputez n’y avoir rien eu, et quoy que la pretention de ce mary fût destituée de toute raison, néanmoins le Bailly luy avoit ajugé droit de viduité ; mais par Arrest donné en l’Au-dience de la Grand : Chambre le 17. de May 1672. la Sentence fut cassée, et le mary condamné à quitter la possession du bien.


CCCLXXXIII.

Au prejudice de quelle personne.

Le droit de viduité appartient au mary non seulement au prejudice des enfans de sa femme de quelque mariage qu’ils soient sortis, mais aussi des Sei-gneurs feodaux ausquels pourront appartenir les héritages de la femme, soit à droit de confiscation, ligne exteinte et reversion, ou droit de garde des enfans on heritiers mineurs d’ans de la femme.

Ces Article étoit absolument necessaire oomme il paroitra dans la suite, et il a été employé comme s’il étoit de l’ancienne Coûtume, et neanmoins il pe ay en trouve rien ; il a été ajoûté pour éclaircir le precedent. L’anciene Coûtume disoit que si un homme avoit eu une femme dont il eût eu un enfant ne vif, jaroit qu’il ne vos, mais toute la terre qu’il tenoit de par sa femme uu temps qu’ellt mourut luy remaindra, tant ooma il se tiendra de marier ; mais cette difficulté restoit toûjours, si ce droit luy appartenoit au prejudice des enfans sortis du même mariage, et du Roy et des Seigneurs feodaux : Et en effet on apprend par le Procez verbal de la Reformation de la Coûtume, que cet Article qui refoud toutes ces difficultez fut contredit par Mr Vauquelin Avocat General du Roy : et l’on trouve dans les Plaidoyers de Mr Servin une célèbre contestation entre Mr le Prince de Condé, d’une part, et Mr le

Duc de Guise, d’autre, pour sçavoir si la joüissance par usufruit des Baronnies dépendantes du Comté d’Eu, échûë en partage à défunte Marie de Cleves Princesse de Condé, avoit appartenu à feu Mr le Prince de Condé par le droit pretendu de veuveté d’homme en la Coûtume ancienne de Normandie, ayant survécu à Madame la Princesse son épouse, et ayant eu une fille vivante de leur mariage :

Lors que ce droit de veuveté d’homme étoit échû à Mr le Prince, la Coûtume n’étoit point encore reformée ; mais elle l’avoit été lors que le procez avoit été commencé et plaidé au Parlement de Paris, et l’on traita ces deux questions : La première, si ce droit de viduité avoit appartenu à M le Prince : La seconde, si en Normandie, et specialement dans le Comté d’Eu, le droit de viduité étoit exclus par la garde Seigneuriale, Pour la premiere question, le droit que l’ancienne Coûtume appelloit droit de veuvers d’homme, étoit si bien étably qu’il ne pouvoit être contredit ; mais l’Avocat de Mr de Guise soûtenoit que par le Chapitre 33. de l’ancienne Coûtume de Normandie, la garde des orphelins appartenoit au Seigneur ou au Roy, et que ce droit étoit fondé sur la Loy des Fiefs, quorum causa autiquaor, les Seigneurs n’ayant donné leurs Fiefs qu’à condition que les miseurs tomberoient en leur garde, et que ce même droit de Garde-Noble étoit utile au public, farce qu’il finissoit à vingt ans, et que celuy de droit de viduité pouvoit durer beaucoup davantage. On répondoit que le droit des Seigneurs ne pouvoit ôter celuy des maris, et des veres, qui étoit fondé sur le droit naturel, quod ubique et ab omnibus gentibus servatum est que ce droit de viduité étoit pramium liberorum, la recompense la plus favorable du monde, ue par l’Article CCXVIII. au Titre des Gardes, la garde n’appartenoit au Seigneur qu’à la charge d’acquiter les dettes hypothecaires, et que le droit de viduité est une hypotheque egale qui s’acquiert sans convention, et que les Fiefs sont devenus tellement parrimoniaux qu’ils ne retournent aux Seigneurs qu’à condition d’acquiter les rentes, Article CCI. ce que même le Seigneur feodal qui profite de la confiscation est tenu de faire, Article CXLIII.

Et quoy que ce droit de viduité puisse durer plus long-temps que la garde Seigneuriale, les mineurs y trouvent leur avantage, parce que la succession de leur pere en est renduë plus riche. Cette question ne peut plus recevoit de problême en consequence de cet Article, qui passa sans aucun contredit des Seigneurs. Sur la seconde question l’Avocat de Mr de Guise retendoit que le droit de viduité n’avoit point lleu dans le Comté d’Eu, et demanda à être reçû appellant de cet Article et du precedent : Mr Servin conclud pour Mr le Prince, et que Mr de Guise n’étoit pas recevable à appeller de ces Articles, puis qu’ils avoient été arrêtez sans aucune opposition de la part des Seigneurs ; mais il protesta que cela ne pourroit faire prejudice, à la garde Royale appartenant au Roy, suivant les protestations employées au Procez verbal de la Reformation de la Coûtume ; le Parlement de Paris reçût Mr de Guise appellant, et appointa la Cause au Conseil.

Nonobstant cette protestation de Mr Vauquelin Avocat du Roy, il est certain que ceux ausquels le Roy fait don de la Garde-Royale, ne pretendent point que leur droit l’emporte sur celuy de viduité ; car pour les Seigneurs feodaux, ils n’en auroient aucun pretexte.

Il est vray que Mr Vauquelin avant protesté contre cet Article et quelques autres, il luy fut enjoint par un Arrest du Conseil du 6. de Mars 1584. d’envoyer ses Conclussons ; ce qu’ayant fait, par un autre Arrest du Conseil du 7. d’Octobre 1585. le Roy déclata en omooguant, et approuvant la Coûtume nouvellement rédigée, que c’étoit sans approbation des-dits Articles en ce qu’ils apporteroient prejudice aux droits de sa Majesté, et conformément à cet Arrest les Lettres Patentes furent expediées avec ces reservations.

Mais quand un si long usage et une perpetuelle et inviolable observation de cet Article n’auroient pas prescrit contre cette protestation, il est aisé d’en établir la justice ; l’on peut objecter que ce droit de garde n’appartient pas simplement au Roy comme Seigneur feodal, mais aussi comme Souverain, ce qui se prouve par cette difference que la Coûtume met entre la garde Royale et la garde Seigneuriale, les prerogatives de la garde Royale étant in-comparablement plus grandes, et notamment en ce qu’il a la garde non seulement des Fiefs mouvans de luy, mais aussi des Fiefs qui relevent des autres Seigneurs, et de tous les autres biens des mineurs, ce qui montre que cette garde luy vient en sa qualité de Roy, et que par consequent il ne peut en être privé par ce droit de viduité ; mais cette difficulté se peut déeider par l’Article même qui attribué au Roy ce droit de garde, et contre lequel il n’y a point en de protestation ; car il faut remarquer que regulierement il ne doit y avoit d’ouverure à la garde Royale ou Seigneuriale que quand le mineur a besoin d’un gardien, et qu’il manque de conducteurs, et c’est à cassse de cette protection qui est demandée au Roy ou aux Seigneurs feodaux que la Garde-Noble a été introduite : or en Normandie le pere est le Gardien et le Tuteur naturel de ses enfans, et jamais on n’a pensé que par la mort de la mere il soit besoin de donner un tuteur à un mineur qui a son pere. C’est une regle de droit que tutorem habenti tutor non datur. Ce seroit agir contre l’ordre naturel que de chercher pour des mineurs d’autres gardiens que leurs propres peres, et nos Princes n’ont jamais songé à prendre la garde et la protection que des pauvres mineurs, qui sont destituez du secours et de la conduite dé leurs peres : que si l’on ne pourroit sans impieté arracher les enfans du sein de leurs peres, on ne pourroit aussi sans une extrême injustice leur ôter la joüissance des biens de leurs meres, puisque la Coûtume ne les donne aux peres qu’à condition de les nourrir et de les entretenir

Pour appuyer ce rassonnement j’ajoûteray que plusieurs estiment que ce droit de GardeNoble fut porté avec nos autres Loix en Angleterre par Guillaume le Conquérant ; et j’ay montré sur l’Article precedent que le droit de viduité y est observé de la même maniere que parmy nous. Thomas Smith en sa Rep. d’Angl. l. 3. c. 5. de Curia pupillorum, fait la description de la Garde-Noble en ces termes, Dominus ille à quo pupillus pradium habet, simul atque de obitu parentis certior factus est, manus illico in corpus pupilli injicit, predium occupat. Et au commencement de ce même Chap. Pupillum intelligimus impuberem, & post fata parentis uperstitem. On ne peut douter que par ce mot de parens au singulier, il ne faille entendre ar excellence le pere, et cela se confirme par ces mots suivans, que manum illico in corpus pupilli injicit ; car il n’est point de Loy si barbare qui permist à un seigneur d’enlever les enfans d’entre les bras de leur pere. Ainsi il faut conclure que les fruits n’appartenans au Roy que comme une recompense du soin qu’il prend de la protection et de leducation des pupilles, lors que le pers en demeure chargé comme leur véritable gardien, les fruits luy doivent demeurer en vertu de son droit de viduité ; en un mot c’est une regle certaine que depuis que les Fiefs ont été reduits ad instar patrimoniorum quoad jus succedendi et difponendi tam inter vivos quam in ultima voluntate, dés lors non seulement les enfans, mais aussi les parens ont été préfèrez comme plus favorables que les Seigneurs, quand il est question de suc-ceder : aussi par cette raison le retrait lignager rempotte sur le feodal ;Terr . l. 8. c. 26.

Coquille , Coûtume de Nivernois, Titre de Retrait lignager, l. 9. Art. 22.


CCCLXXXIV.

Charges du droit de viduité.

Le mary doit nourrir, entretenir, et faire instruire les enfans de sa femme, si d’ailleurs ils n’ont biens suffisans, mêmes aider à marier les filles, laquelle nourriture, entretenement, instruction, et contribution de mariage sera arbitré en Iustice par l’avis des parens, eu égard à la valeur de la succession et nombre des enfans, de toutes lesquelles charges il sera quitte en laissant ausdits enfans le tiers du revenu de la succession de leur mere.

Il est tres-juste que le mary accomplisse toutes les conditions qui luy sont imposées par cet Article, cet usufruit luy étant donné comme une recompense d’avoir donné des sujets à la Republique en procréant des enfans, il est tenu d’employer ce même usufruit pour leur education et leur subsistance ; mais il semble qu’il n’est pas juste qu’il en soit toûjours quitre en abandonnant le tiers, leur nombre peut être si grand que ce tiers sera beaucoup au de ssous de ce qui leur faut pour leurs alimens ; il sera même nécessaire de marier des filles, et pourquoy donner à ce pere la joüissance dés deux tiers du bien de la mère, tandis qu’ils seront reduits dans une honteuse necessité : la Coûtume le chargeant de la nourriture et de l’instruction de ses enfans aux dépens des biens de leur mere, l’équité désiroit qu’il s’en acqui-at jusqu’à la concurrence des biens, si d’ailleurs ils n’avoient pas dequoy fournir à leur nourriture : et sur ce principe on a jugé qu’un ayeul ne pouvoit mettre en compte la nourri ture qu’il avoit fournie à ses petits enfans, quand ils n’avoient pas un revenu suffisant pour payer cette pourriture, par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre entre le nommé Crucifix, de Dieppe, du 9. de Mars 1638. mais la Coûtume a presumé si avantageusement de l’affection et de la charité des peres, qu’elle n’a point douté qu’ils ne s’acquitassent de leur devoir, et qu’il n’étoit pas necessaire de luy en imposer une loy : quoy qu’il en soit, la Coûtume declarant le pere quitte de toutes les charges qu’elle luy impose en abandonnant le tiers, les enfans n’ont aucune action pour obliger le pere à leur donner davantage ; mais il semble que le mary n’est obligé de nourrir les enfans de sa femme que lors qu’il joüit de son bien à droit de viduité, d’où l’on peut induire qu’un second mary ne peut être troublé par les enfans de sa femme, lors qu’elle est vivante. Godefroy estime onue cet Article doit être observé indefiniment, soit que la mere soit vivante ou qu’elle soit décedte ; et dans l’espèce de l’Arrest du Venois apporté par Bérault, la mere étoit vivante, sur quoy est intervenu Arrest sur ce fait. La nommée Secles de son premier mariage avec Jean, sieur de Noiremare, avoit des enfans qui mirent en action le nommé Poisson, son second marv, pour leur fournir une pension annuelle sur les biens de leur mere, de valeur de cinq ou six cens livres de rente, attendu qu’ils n’avoient aucuns biens du côté de leur pere pour pouvoir subsister, ou qu’il leur quittât le tiers du bier suivant cet Article, qu’il ne pouvoit s’en dispenser quoy que leur mere fût vivante, puis qu’elle même y seroit obligée naturellement, et s’aidoient de l’Arrest du Venois rapporté sur cet Article parBerault . Le beau-pere disoit que cet Article n’avoit lieu qu’aprés la mort de la mere, quand les enfans n’autoient point de biens suffisans, mais qu’il pretendoit que ceux du pere pouvoient les nourtir ; que d’ailleurs étant en âge de gagner leur vie, ils pouvoient s’entretenir de leur travail ; qu’en l’Arrest du Venois il étoit constant qu’il y avoit d’autres oiens, que c’étoient des Gentilshommes qui ne pouvoient faire profession des Arts mécantques.

Les enfans répondoient qu’ils étoient cind, et qu’ils abandonnoient le bien de leur pere pour deux cens livres par an qu’encore qu’ils ne fussent pas nobles, ils étoient d’une famille honnête étant enfans d’un Officier ; le Juge avoit ordonné cent cinquante livres de rension ; sur Bappel on mit hors de Cour, le premier de Mars 1657. plaidans du Hecquet, et Colas.

Si les enfans n’ont aucun bien du côté de leur mere, on demande si le pere peut être contraint de payer une pension à son fils majeur qu’il ne veut pas recevoir en sa maison : Le lèere dit qu’ayant élevé ses enfans dans leur minorité, et les ayant rendus capables de chercher une condition, il a pleinement satisfait à son devoir : aussi le droit Civil leur dénie toute action, non licet filio nec liberto patrem et patronumo jus vocare, l. generaliter dé in lus vocando, et le Jurisconsulte en rend cette raison, méritis magis filios ad paterna obsequid provocandos quam pactionibus abstringendos, l. si quando Cod. de inoffic. testament. Les enfans remontroient qu’il falloit considerer leur qualité, les personnes d’une condition vile peuvent ga-gner leur vie par leur travail, ou en apprenant quelque mêtier, et quand leurs peres les en ont rendus capables ils ne sont plus obligez à leur nourriture ; mais quand la naissance et la qualité des enfans ne leur permet pas d’exercer la Marchandise ny les Arts mécaniques, le pere n’est pas déchargé de leur nourriture aprés leur majorité, si patrem tuum officio debito provocaberis, paternam pietatem tibi non denegabit, quod si sponte non fecerit, aditus competens Judex alimenta pro modo facultatum prastari jubebit, l. ult. de alendis liberis. Cette pressante necessité qui force les enfans à demander ce secours à leurs peres, n’est point contraire au respect qu’ils luy doivent, si le pere peut être contraint de fournir les alimens à son fils naturel, il les doit avec beaucoup plus de raison à ses enfans legitimes ; c’est une obligation naturelle et recipro. e que que le pere noutrisse ses enfans, et que les enfans nourrissent leurs peres, non propter si pareditatem, sed propter ipsam naturam et leges que et à parentibus alendos esse liberos imperaverunt, & ab ipfis liberis parentes si inopiâ ex alterutrâ parte vertitur, l. cûm non solûm, 5. ip-sum, de bonis que liber. Le pere ayant produit des enfans d’une condition noble, et leur ayant communiqué la qualité qu’il avoit reçûë de ses predecesseurs, il leur doit aussi communiquer les moyens de la conserver, et ne souffrir pas qu’ils l’abbaissent et profanent en quelque sorte par la profession de mêtiers ou de services indignes de leur origine ; ils peuvent dire ce qui est dans l’Evangile, fodere non valeo ; mendicare erubesco, et se servir de la resolution du Jurisconsulte en la l. cum plures ff. de administ. tutor. que le pere comme le tuteur doit fournir des pensions à ses enfans, non quas minimas potest, sed pro facultatibus et conditione natalium. Le p pere qui avoit consenty que son fils fût nommé Decurion, sumptus subministrare filio in muveribus, et honoribus compellebatur, l. 17. de muner. et honor. Par Arrest du 10. de Février 1623. on ajugea aux enfans du sieur d’Angranville le Chevalier douze cens livres par an.

Ces alimens que l’on est obligé de fournir ex officio pietatis, ne sont dûs que du jour qu’ils ont demandez pour l’avenir, et non pour le passé ; car il y a différence entre les alimens qui sont acquis en vertu d’un Contrat, et ceux que l’on n’a droit de demander que ex officio comme par un pete à ses enfans, ou par un mary à sa femme ; pour les premiers l’on a ction pour demander tous les arrerages du passé, pour les derniers ils ne sont dûs qu’aprés avoir été demandez.


CCCLXXXV.

Joüissance de viduité aprés l’usufruit finy du bien de la femme.

Si l’usufruit de tout ou partie du bien de la femme appartenoit à autre personne lors de son decez, aprés iceluy usufruit finy, le mary aura la joüissance desdits biens.

Cet Article explique une clause de l’Article CCCLXXXII. par laquelle le droit de vidulté est restreint au revenu appartenant à la femme au temps de sa mort, et par cet Article on ajoûte qu’encore que l’usufruit de tout ou partie du bien de la femme appartint à une autre personne lors de son docez, néanmoins aprés cet usufruit finy le mary aura la joüissance de ces biens-là.

On en peut conclure que fi au temps du mariage le bien du mary étoit chargé de pensiont et de rentes viageres, aprés l’extinction de ces charges le doüaire de la femme en demeure roit exempt ; car bien qu’elle ne puisse avoir doüaire que sur les biens dont elle auroit trouvé son mary saisi, on peut dire qu’il l’étoit effectivement puis qu’il en avoit la proprieté : c’est par cette raison que l’usufruit des biens dont la femme étoit proprietaire au temps de sa mort vrant finy, la joüissande en retourne au mary, fruitio differtur quamdiu prior ususfructus durat, Argentré quo cessante, et consolidatione factâ mulieris fruitio augetur. Argentr. Art. 433. Gl. 2. n. 7.


CCCLXXXVI.

Record de mariage.

Au record de mariage qui se fait pour la connoissance du doüaire, les parens et amis qui ont été presens audit mariage y sont reçûs, et ne peuvent être reprochez.


CCCLXXXVII.

En ce record, ce que la plus grande partie recordera est tenu pour prouvé, pourvû qu’ils parlent de certain.

Ces deux Articles sont aujourd’huy presque hors d’usage, ils sont de l’ancienne Coûtume, et pouvoient être nécessaires dans ces temps où nos Normans traitoient plûtost verbalement que par écrit. Dans l’ignorance des siecles passez les pactions de mariage ne se rédigeoien que fort rarement par écrit, et cela se faisoit le plus souvent à la porte du Moutier, c’est à dire des Eglises, avec fort peu de solemnitez, comme nous l’apprenons de la Charte de Jean aeRoy d’Angleterre, assignetur viduae pro dote suâ tertia pars, nisi de minori dotata sit ad ostium Ecclesiae, et c’est pourquoy on avoit besoin de records de mariage non seulement à l’égard du doüaire, mais aussi à l’égard du droit de viduité : Il arrivoit souvent que la femme n’avoit d’autres marques de femme legitime que celles qui luy pouvoient être communes avec une concubine, et le mary d’autre côté avoit de la peine à montrer que la défunte eût été sa femme ; cela procedoit de cette erreur que matrimonium solo partium consensu sine publicâ tetatione persicitur. Il est vray que par l’ancien Droit Romain le consentement étoit la cause efficiente du mariage et la forme essentielle, deductio in domum mariti, aquae & ignis interventus : Mais ces Maximes du Droit ancien sont fort opposées à celles du Christianisme.

Tantost dans le Droit ancien in libera mulieris consuetudine non concubinatus, sed nuptiae intellige. bantur ; Tantost pour juger du mariage on consideroit an maritalis honor, et maritalis affectio prae, Theodose cesserit personis comparatis vite conjunctione consideratâ, l. ff. Donationes. Et Theodose en la Loy si donationum C. de Nuptiis, ordonna que le mariage seroit valable encore qu’il l’eûr été fait sans aucune pompe, et que les pactions n’eussent point été rédigées par écrit : D’où l’on apprend que les ma-tiages se faisoient non solûm sine publicâ, sed etiam sine privatâ testatione, & sola partium consen sione.

Mais c’est avec raison que le Christianisme a reprouvé cette coûtume ; aussi le mariage magis est divini quam humani juris, et un de nos meilleurs Jurisconsultes le prouve par cette raison, qu’encore que Jesus Christ et ses Apôtres n’ayent fait aucunes loix touchant les choses temporelles, ils en ont fait plusieurs pour les mariages,Matth . c. 5. et 19. 1. Corinth.. Petri 3. 6. et 7. et pour montrer que les cérémonies de l’Eglise y sont necessaires, on dit premierement que le mariage étant de droit Divin, il est juste que les Ministres de l’Eglise soient appellez : En second lieu, que cela sert pour empescher des mariages inégaux et honteux : On ne peut douter que cette coûtume ne soit fort ancienne, comme il paroit par ce célèbre passage deTertullien , unde sufficiant ad enarrandam felicitatem ejus matrimonii quod Ecclesia Conciliat, confirmat oblatio, & obsignatum renuntiant Angeli, et pater rato habet, nam nec in terris filii sine consensu patrum ritè et jure nubant : Et en la l. sancimus Cod. de Nupt.

Rata sunt tantùm. matrimonia in quibus accessit nuptiarum festivitas, et par la Nov. 69. de l’EmpereurLeon , ut Christianorum conjugia sacrae et Ecclesiastice precationis confirmentur testimonio.

Harmenopule témoigne que par les constitutions Ecclesiastiques les mariages clandestins étoient défendus, et qu’ils devoient être célèbrez en face d’Eglise. Et Duaren sur la Rubrique matrim. ff. c. 2. a écrit certum esse solemnes quosdam ceremonias moribus olim receptas fuisse, quibus non serpatis matrimonium ferè contrahi non soleret, et exCatullo ,Plinio ,Plutarcho , et aliis discimus.

VideSeld . de uxore Hebr. Ottoman en ses Quest. illust. d. 16.

Nos deux Commentateurs sont partagez sur cette question, si ces Articles ont lieu seulement pour le doüaire, ou si l’on peut les étendre aux autres conventions matrimoniales : Un creancier ayant executé les meubles de son debiteur, ils furent, reclamez par sa femme qui étoit separée : Le créancier soûtint qu’elle étoit debitrice de son mary à cause de la donation du tiers de ses biens qu’elle luy avoit faite par son Contrat de mariage, elle dénia l’avoir rien donné, ny même qu’il se fût fait de Traité de mariage : Le Vicomte appointa de créancier à faire preuve de la donation, par tous les parent des deux conjoints qui avoient signé au Contrat. Le Bailly cassa la Sentence : Sur l’appel, Morlet pour le creancier disoit que ce qui est décidé pour le doüaire par cet Article doit avoir lieu pour toutes les autres conventions suivant l’opinion de Bérault, puis qu’il y a même raison, que l’on pouvoit même faire cette preuve par d’autres témoins, offrant prouver suivant l’Art. 528. que le Contrar avoit été vâ, tenu et lû. Lucas pour la femme répondoit que cet Artitle étoit entièrement contraire à la pretention de l’appellant ; car ne parlant que du doüaire il a exclus la preuve pour le reste, affirmatio unius est exclusio alterius : Et d’ailleurs par ledit Article l’on ne reçoit les preuves que pour les Contrats reconnus : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 7. de May 1653. la Cour en reformant la Sentence du Bailly ordonna que celle du Vicomte seroit executée : Et par autre Arrest du 2. d’Aoust 1650. au Rapport de Mr de la Bazoge, entre Robert Marest et Loüis du Prey, il fut jugé que le record de mariage se pouvoit faire pour toutes les conventions, et pour la dot aussi-bien que pour le doüaire : Il est vray qu’il n’y avoit eu aucun Traité de mariage par écrit, mais de simples promesses verbales ; et depuis en la Grand : Chambre cette question s’étant presentée, si le Contrat de mariage ayant été rédigé par écrit, et ayant été perdu l’on admettroit le records pour la dot ; La question fut partagée, au Rapport de Mr Chaalon, le premier de Juillet 1659. la plus com-mune opinion des Juges étoit que le records ne se devoit faire que pour le doüaire, et non pour la dot : ce qui paroit plus conforme aux paroles de l’Article CCCLXXXVIII. et il seroit d’une consequence tres perilleuse d’admettre ces records pour la dot et pour les autres ronventions matrimoniales, lors que le Contrat de mariage a été rédigé par écrit.


CCCLXXXVIII.

Contre-lettres et preuves outre le traité.

Et si les accords de mariage sont portez par écrit, nul ne sera reçû à faire preuve outre le contenu en iceux, et toutes contre-lettres qui se sont faites au déçû des parens presens audit mariage et qui l’ont signé sont nulles, et n’y aura-t’on aucun égard.

On peut induire de cet Article que les deux precedens n’ont lieu que quand les pactions. du mariage n’ont été arrêtées et concluës que verbalement, cet Article défendant toutes preuves lors que les accords sont portez par écrit : on n’est plus recevable à les contester, ny l’en empescher l’execution, quoy qu’on puisse alléguer au contraire.

La Coûtume de Paris en l’Article 258. s’est exprimée en ces mêmes termes : La faveur des Contrats de mariage a été le motif de ces dispositions, les pactions en doivent être inviolables, sans pouvoir être éludées par des contre-lettres, les enfans ne peuvent être frustrez des avantages sous l’esperance desquels ils sont nez. On a particulierement prévû que la passion aveugle des jeunes gens ne leur seroit tout promettre, ce seroit en vain que leurs parens conserveroient leurs interests, si l’on pouvoit rendre leurs précautions inutiles par des con-tre-lettres qu’on obtiendroit aisément d’eux, expers est judicii amor, non rationem habet, non anitatem : etQuintil . magni affectus jura non spectant.

Pour comprendre le sens de cet Article, il faut définir ce que la Coûtume entend par une contre-lettre. On appelle une contre-lettre tout ce qui va contre la substance ou la teneur du Contrat de mariage, qui en détruit les clauses, qui les altere, les diminuë, ou y déroge ; en un mot c’est contre-lettre, quando clandestinis ac domesticis fraudibus aliquid confingitur, vel id qued jure gestum est aboletur. l. 27. c. de Donat. Et en quelque temps que les contre-lettres de cette qualité soient faites elles sont nulles, soit avant ou depuis le mariage.

Cette définition est véritable, et neanmoins il se rencontre beaucoup de difficultez dans l’usage et dans l’execution de cet Article ; car quoy que la Coûtume ait declaré generalement nulles toutes les contre-lettres qui sont faites au déçû des parens, on pretend qu’elles sont valables en plusieurs rencontres.

Premièrement la Coûtume ne reprouvant les contre-lettres que quand elles sont faites au déçû des parens, suffit-il pas pour les rendre valables que les parens de celuy qui fait quelque don ou avantage par cette contre-lettre y soient presens quoy que les parens de celuy qui en profite n’y soient point : Il semble que c’est satisfaire à l’intention de la Coûtume que d’appeller les parens qui auroient interest de s’y opposer, car ils n’ont pas sujet de se plaindre que la donation soit clandestine, étant faite en leur presence et de leur consentement, et les parens de celuy qui reçoit la donation n’ont pas droit de soûtenir que leur presence fût necessaire, puis qu’il ne se passe rien au prejudice de leur parent. Aussi Brodeau surLoüet , l. C. n. 218. etRicard , Coûume de Paris, Article 258. citent un Arrest qui a déclaré cette contre-lettre valable.

En second lieu, on a formé la question si la contre-lettre pouvoit servir contre celuy qui l’a baillée ; Car pour : la femme et les enfans, c’est une maxime incontestable que toute contre-lettre qui altere ou diminue leurs droits, et qui déroge au Contrat de mariage, est mtierement nulle.

Nôtre Jurisprudence moderne est contraire à l’ancienne ; on tenoit autrefois que la Coûtume avoit condamné sans distinction toutes contre-lettres, et même que celle d’un fils en aveur de son pere étoit nulle, et ne luy faisoit aucun prejudice. Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre le 9. de Juillet 1637. pour Pierre Clairet Ecuyer, sieur de a Roque, pour lequel je plaidois ; contre Jacques Clairet Ecuyer, sieur de Fontaines son ils : Le sieur de la Roque avoit promis deux cens livres de rente à son fils en le mariant, et le jour precedent le fils avoit donné un écrit à son pere, par lequel il promettoit de ne luy derander point cet avancement : Il ne laissa pas toutefois d’y faire condamner son pere, lequel en ayant appellé, je difois pour luy qu’il est toûjours odieux de manquer à sa paroles mais qu’on ne peut sans impieté violer la promesse qu’on a faite à un pere. Cette espèce de contre-lettre n’est point contre l’intention de la Coûtume, elle a voulu prevenir les mauvais effets d’un amout fol et excessif ; mais il ne tombera dans la pensée de personne qu’elle ait interdit à un enfant de ne se prevaloir pas avec rigueur de l’amour et du soin extrême que son pere luy a fait paroître pour son avancement : Si pour trouver un party avantageux à lon ils un pere n’a point fait difficulté de promeître et de s’engager au de-là de ses forces, dans la confiance qu’il a euë de sa gratitude et de sa bonne foy, on ne doit pas autoriser la perfidie d’un ingrat qui abuse de la bonne volonté que son pere luy a témoignée ; et comme vray-semblablement le pere ne luy a fait un avancement considérable que pour épouer une femme riche, il est suffisamment recompensé de la remife qu’il fait à son pere par les avantages qui luy reviennent de ce mariage. Coquerel pour le fils répondoit que puis ue toute contre-lettre qui diminue ou qui déroge aux conventions du mariage sont absolument reprouvées, celle qu’un fils donne à son pere peche en ce point comme toutes les au-tres ; car bien qu’on renonce à s’en prevaloir contre la femme et les enfans, ils ne laissent as d’en recevoir du prejudice, quand elles subsistent contre le mary : s’il ne remettoit pas l’avancemenr qui luy est fait, cet usufruit accroitroit son bien, il en feroit des acquisitions, ainsi la condition de la femme et des enfans en deviendroit meilleure : et il est toûjours vray de dire que la femme est toûjours déçuë, et que cette espèce de contre-lettre ruine le vetitable motif de la Coûtume ; et bien que le mary soit le maître des fruits, et qu’il puisse renoncer à ses droits, cela ne peut avoir lieu lors qu’il le fait par la force d’une contre-lettre exigée contre la prohibition de la Coûtume, et sur ces considerations on confirma la Sentence, nonobstant l’allegation que faisoit le pere de son lmpuissance de payer ce qu’il avoit promis.

Il fut encore jugé de la sorte pour Claude Guerin Ecuyer, sieur d’Arcambourg, contre Tenneguy Guerin, sieur de Tourville, son pere, au prejudice des promesses portées par son Contrat de mariage. Son pere l’avoit engagé à payer quelques rentes, ce qu’il fit pendant quelques années : enfin il obtint des Lettres de récision, et par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 16. de Novembre 1648. les Lettres furent entérinées, et le sieur d’Arcambourg déchargé du payement des rentes. Il se trouve encore un Arrest precedent du 14. d’Aoust 1631. entre Gautier et David, plaidans Baudry et Gyot ; les parens de la femme étoient intervenus en la Cause ; et cette maxime étoit si bien établie en Normandie, qu’une contre-lettre pour le don mobil fut declarée nulle par un ancien Arrest du 5. d’Aoust 1539. entre de Vieuxpont et le Roux ; car, dit l’ancienne Coûtume, ce qui est promis au mariage loit être fermement entretenu, et c’est proprement contre-lettre quand tout le contenu du Contrat de mariage n’a été payé, et quand le mary a baillé acquit sans en être payé,, soit avant on depuis se mariage ; cet Arrest neanmoins n’est pas juste, le don mobil étant promis souvent pour honorer le Traité de mariage ; quoy qu’il en soit le mary peut le remettre, et l’on n’en doute pas au Palais. Cependant contre cette Jurisprudence qui declaroit nulles les contreettres baillées par le fils à son pere, sur la simple proposition de la question en une Au-dience du 15. de Juillet 1659. on jugea que la contre-lettre baillée par un fils étoit bonne, et le frere qui gagna sa Cause la trouvoit si mauvaise que son Avocat refusoit de la plaider : les Parties étoient Floccel et Henry des Vaux, plaidans Dehors et Greard. On ajoûta que c’étoit sans prejudice des droits de la femme et des enfans. Autre Arrest du 21. de Mars 1666. en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr du Houley, entre Michel Breant appellant du Bailly de Roüen, contre Michel Breant son fils, la Sentence du 30. de Juillet 1660. fut cassée et en reformant, et faisant droit sur les Lettres de récision obtenuës par le fils, on mit les Parties hors de Cour, et que la contre-lettre auroit lieu. On se fonda sur cette raison, que cet Article se doit entendre des contre-lettres qui se donnent au prejudice de la femme et des enfans, mais à l’égard des personnes contractantes elles ont la même force que tous les autres Contrats. Et par un Arrest remarqué parBrodeau , l. C. n. 28. une contre-lettre par. laquelle le gendre aupoit retrocedé à son beau-pere la joüissance sa vie durant des fruits d’un héritage par luy baillé en dot à sa fille, fut declarée bonne à son égard, et qu’elle tiendroit sa vie dutant, parce que le mary étoit maître et seigneur des fruits, et qu’il étoit loi-sibla à un majeur de renoncer à ses droits, et que toute personne doit maintenir sa parole ; nais ces raisons ne me semblent pas décisives, le mary pouvant bien disposer des fruits à sa volonté ; mais on ne presume pas qu’il ait agy librement lors qu’il a donné cette contre-lettre pour parvenir à son mariage, ce qui excuse le reproche d’ingratitude ou d’infidelité qui pourroit luy être fait : et d’ailleurs étant déclarée nulle par la Coûtume, elle ne peut produire d’effet, l. ubi lex, D. de fidej. Aussi dans le Journal des Audiences on trouve un Arrest par lequel ane remise faite par un fils par son Testament à ses pere et mère des interests de la somme qu’ils luy avoient promise en mariage, fut declarée nulle, et on considera cette disposition comme un témoignage d’une tacite contre-lettre entre les pere et mere et leur fils, qu’il ne leur demanderoit rien de son vivant de la somme par eux promise.

Autre Arrest sur ce fait en lannée 1639. Philippes Chedeville avoit marié son fils à Marie Dehors, et luy avoit donné cinq cens livres de rente à prendre fut le bien de sa mère ; mais par une contre-lettre le fils se contenta à une moindre qui leur appartenoit au bien de sa meres aprés la mort de ce fils Marie Chedeville sa fille fut mise en la tutelle de son ayeul, et aprés a majorité elle luy demanda les arrerages des cinq cens livres de rente, autant qu’il luy en appartenoit. Elle se fondoit sur cette raison, que son ayeul ne pouvant contester le droit de la mère, parce que la contre-lettre baillée par son mary ne luy pouvoit nuire, il ne pouvoit pareillement empescher leffet de ses conclusions ; qu’aprés tout sa défense étoit défavorable, puis qu’il avoit avancé ses autres enfans de six cens livres de rente, et qu’il n’avoit quitté audit Jean Chedeville son fils ainé que la moitié du bien de sa mère : layeul luy opposoit la contre-lettre qu’il avoit de son fils, et les Arrests qui ont déclaré ces contre-lettres valables, qu’elle étoit heritière de son pere, et par consequent obligée de garder ses faits Par Arrest, au Rapport de Mr Fermanel, du 23. Avril 1663. on jugea que la contre-lettre baillée par le fils à son pere n’étoit valable au prejudice de ses enfans, quoy qu’ils fussent hetitiers de leur pere. Sur la Requête Civile qui fut obtenuë contre cet Arrest par layeul, la Cour, au Rapport de Mr de Ronfeugere, mit les parties hors de Cour. L’Arrest donné pour de sieur Baron Medecin, sembloit donner quelque arteinte aux Arrests precedens. Le sieur Baron pere avoit fait des avancemens à tous ses enfans, et quelque temps aprés avoir fharié son fils ainé, il l’obligea de se contenter à quatre cens cinquante livres de rente, au lieu des cinq cens ivres qu’il luy avoit promis ; mais lors qu’on luy avoit payé les quatre cens cinquante livres de rente, il s’étoit reservé à demander les arrerages des cinquante livres restans des cinq cens livres : Par Sentence des Requêtes du Palais, vû sa contre-lettre, on favoit debouté de son ction ; Sur son appel, par Arrest du 5. de Février 1664. en l’Audience de la Grand. Champre, on luy ajugea cinq cens livres pour lesdits arrerages. Il paroissoit que ses freres avoient été avancez de-pareilles sommes, dont ils avoient été bien payez, ce qui rendoit sa Cause favorable, et la tiroit en quelque sorte de la question generale.

On peut mettre au nombre des contre-lettres tout ce qui se fait depuis le Contrat de mariage jusques aux épousailles. Avoye Potier qui avoit quatre enfans d’un premier lit, dans s’intervale de la signature du Contrat de mariage avec le sieur Forestier, et des épousailies, avoit fait une donation de cent cinquante écus de rente foncière à Jean le Forestier son fancés par Arrest en l’Audience du 16. de Janvier 1626. cette donation fut cassée : on la reputa comme une contre-lettre ou promesse hors le Contrat, parce que si la femme avoit eu dessein de donner elle avoit dû le faire en la presence de ses parens et amis, ces sortes de pactions. ne pouvans valoir si elles ne sont faites in continenti l. quoties solut. matr. La même chose fut encore jugée depuis entre le sieur de Mathan Pierrefite, ayant épousé Loüise de Moges, veuve de Mr de Rassent Conseiller en la Cour, et Mi le President du Tronc, le 9. de Septembre 1627.

Pour confirmer que l’on ne reçoit point de preuves quand les accords sont portez par écrit, voicy un Arrest qui l’a jugé de la sorte. En l’année 1644. Everard Concierge des Beuvetes du Palais épousa une veuve nommée Heurtemate ; par le Contrat de mariage cette veuve luy apportoit seize mille sept cens livres, dont il y en avoit six mille livres pour la dot, et ce Contrat sous signature privée fut depuis reconnu en la Vicomté de Roüen : cette femme aprés la mort de son mary pretendit qu’il y avoit un autre Contrat de mariage, qui contenoit que la dot étoit de huit mille livres, et pour le justifier elle representoit des copies qu’elle avoit fait collationner par des Secretaires et des Tabellions, et des protestations qu’elle avoir faites contre les mauvais traitemens de son mary pour l’obliger à rendre ce Contrat, et luy en signer un autre qui contenoit seulement six mille livres pour la dot ; elle vouloit aussi trouver que ce Contrat avoit été tenu, vù et lû, et pour cet effet elle avoit fait enteriner les Lettres d’examen à futur devant le Vicomte de Roüen ; sur l’appel des heritiers devant le Bailly, il avoit été dit que faute par elle d’inscrire en faux elle étoit évincée de son action :.

Sut son appel elle obtint incidemment des Lettres de restitution contre sa signature, et pretendit que vû sa protestation et les copies qu’elle representoit elle étoit recevable à la preuve de ses faits : Les heritiers soûtenoient qu’elle n’y pouvoit être admife que par l’inscription en faux, qu’il étoit inutile de se relever, parce que tant qu’elle n’inscriroit point contre la signature d’un Officier l’acte passeroit pour véritable, et par cette raison il n’y auroit aucun preterte à la recevoir en preuve contre la vérité d’un Contrat, que ces copies n’étoient pas considerables, ceux qui les avoient collationnées ne connoissans pas si c’étoit le fait du mary, et il seroit d’une perilleuse consequence de recevoir des preuves de cette nature, une femme ardificieuse ne manqueroit pas de pareilles pieces et de protestations pour pretendre en suite qu’il y auroit un autre Contrat : Sur l’appel, Lettres de relevement, et principal, la Cour mit les parties hors de Cour, par Arrest en la Grand-Chambre du 6. de May 1661. plaidans Theroulde pour la veuve, Greard et le Bourgeois pour les heritiers.


CCCLXXXIX.

Femme n’a communauté avec le mary.

Les personnes conjointes par mariage ne sont communs en biens, soient meubles ou conquests immeubles, ains les femmes n’y ont rien qu’aprés la mort du mary.

Cet Article est contraire à la plus grande partie des Coûtumes de France. Il est mal-aisé de découvrir d’où procede cette diversité, et d’où vient qu’en Normandie on n’admet point la communauté entre gens mariez, quoy qu’elle soit reçûë dans toutes les Provinces voisines.

Si la communauté entre gens mariez n’avoit point lieu dans la pluspart des Provinces de France, on en trouveroit aisément la cause ; car les Gaules ayant été si long-temps soûmises à lEmpire Romain, et suivant les Loix de ce peuple-là ne se contractant point de communauté entre le mary et la femme sans une convention empresse, l. alimenta, 16. 8. fin. D. de dim. et cibar. leg. l. cum hic status S. si inter 24. D. de Donat. inter virs et uxor. Duaren en sa Préface sur le Titre D. solut. matr. D. Cap. de Nupt. De la Lande sur la Coûtume d’Orleans, Titre premier de Communauté ; et au contraire sans cette convention chacun d’eux ayant ses facultez distinctes et separées, il ne paroitroit pas étrange que les Gaulois ou par force ou par complaisance eussent imité les Loix de leurs maîtres, et c’est pourquoy encore aujourd’huy dans les Provinces de ce Royaume qui gardent le Droit Romain, la communauté entre le mary et la femme n’est point en usage. Il est vray-semblable que ces Provinces ayant soufvert plus long-temps que les autres le joug de la domination Romaine, les Loix de cet Em-pire y firent un établissement plus durable

Plusieurs ont crû que les François apporterent cet usage dans les Gaules. Les Allemans, ditTacite , de Morib. Germ. traitoient leurs femmes avec beaucoup de resgect : Memoria proditum quasdam acies inclinatas jam et labantes à feminis restitutas constantiâ precum, et obectu corporum, monstratâ cominus captivitate, quam longé impatientius feminarum suarum nomine riment. La manière dont ils contractoient leurs mariages fait en quelque sorte la preuve qu’il y avoit une societé de toutes choses entre le mary et la femme : Dotem non uxor marito, sed maritus uxori offert et venire se laborum periculorumque sociam, idem in pace, idem in prolio ausuram : hoc juncti boves, hoc paratus equus, hoc data arma denuntiant accipere fe que liberis inano-Andegisus lata ac digna reddat que natus accipiat, rursusque ad nepotes deferant : Andegisus de legibus Francorum et Ripuariorum, l. 4. c. 6. On apprend néanmoins par plusieurs Auteurs que la femme n’avoit pas la moitié ; Uxor defuncti mariti accipit tertiam partem collaborationis. En effet par’ancien usage de France la communauté n’acqueroit à la femme que la troisième partie du Loyse oien. Loysel en ses Instit. Coût. t. de la Communauté Art. 8. mary et femme sont communs en tous biens-meubles et conquests immeubles, au lieu que jadis elle n’y prenoit qu’un tiers. Et par les Loix des Bourguignons, t. 74. c. 3. s’il ne restoit qu’un fils du mariage elle prenoit le tiers des biens de son mary ; s’il y avoit deux, trois, ou plusieurs enfans, elle ne prenoit que le tiers, à condition toutefois qu’aprés sa mort tout le bien retournoit à ses enfans : Et dans les Loix Ripuaires, t. 29. mulier tertiam partem de omni re quam conjuges simul collaboraverint studeat evendicare. Nous avons dansMarculphe , l. 2. c. 17. et dans les Capitulaires de Charlemagne plusieurs preuves, que sous la premiere et seconde Race la femme ne prenoit que le tiers aux acquifitions faites constant le mariage : Les droits des femmes furent beaucoup augmentez sous la troisième Race ; elles ont en vertu de la communauté non feulement la moitié aux conquests, mais aussi la moitié aux meubles ; et c’est pour cette raison que les Docteurs étrangers appellent le droit de communauté, la Coûtume de France En Normandie il ne s’est fait aucun changement en faveur des femmes. Nous avons retenu en quelques lieux l’ancien usage de la France, de ne donner que le tiers des conquests à la femme sans admettre aucune autre communauté. En quelques endroits plus voisins de la France, quoy que la communauté n’y ait pas été introduite, on a souffert que la femme eût la moitié aux conquests ; mais nonobstant ces usages particuliers pour les conquests, c’est une loy generale par toute la Province sans aucune exception, que les personnes conjointes par mariage ne sont point communes en biens, et toutes nos Maximes sont directement oppoées au droit de communauté, ce qui paroitra par cet exemple : Un pere donna cinq mills livres pour le mariage de sa fille, et la mere à l’insçû de son mary promit encore mille livres à son gendre ; le pere en ayant eu connoissance lors qu’il fut sommé de payer les cinq mille ivres, il interpella son gendre de reconnoître qu’il avoit reçû cette somme de mille livres mais pour son refus de vouloir répondre précisément, par Arrest au Rapport de M Buquet du 3. d’Avril 1677. il fut permis au pere d’en faire la preuve, tant par témoins que par Censures Ecclesiastiques ; l’Arrest fondé sur cette raison, que le mary étant le maître absolu de ses meubles, sa femme n’en peut disposer en aucune façon et ce qu’elle en prend sans le consentement de son mary est une espèce de larcin, est enim contrectatio rei alienae invito comino ; et pour la reparation de cette soustraction, il peut exercer l’action rerum amotarum.

Ce qui s’observe en Angleterre fait une preuve de l’antiquité de nos Coûtumes et de nos Usages. Tous les meubles de quelque nature qu’ils soient appartiennent au mary, et sa veuve n’y prend point de part, s’il ne luy en a fait quelque donation par son Testament ; mais dans Londres et dans les autres grandes villes les meubles se divisent en trois portions, un tiers pour la veuve, un autre tiers pour les enfans, et le surplus pour les funerailles. Il est apparent qu’ils ont gardé nôtre ancienne Coûtume.

La différence de nôtre Coûtume d’avec celle de Paris et des Provinces voisines, fait naître fouvent de grandes et difficiles contestations touchant l’effet et l’execution de la communauté, lors qu’elle est stipulée par un Contrat de mariage passé à Paris avec une personne originaire e Normandie, et lequel y a son domicile ordinaire et ses biens.

Nos Maximes sur ce sujet ne sont pas moins opposées que nos Coûtumes : On apprenc par les Arrests de MrLoüet , l. C. n. 15. qu’autrefois on revoquoit en doute si la communauté d’entre le mary et la femme devoit se regler par la Coûtume du domicile que le mary avoit lors du mariage contracté, ou du domicile que le mary avoa lors de la dissolution du mariage : mais que l’on avoit jugé que la communauté se regloit par la Coûtume du lieu oû es conjoints étoient demeurans et avoient leur domicile ordinaire, quoy qu’ils viennent par aprés à changer de demeure, et cela a été confirmé par plusieurs Arrests.

Mais à l’égard des immeubles, l’on demande si les Coûtumes ne sont pas réelles, et si la question de sçavoir s’ils entrent dans la communauté, ne se regle pas suivant la disposition de la Coûtume de leur situation eRicard , sur l’Article 220. de la Coûtume de Paris, dit que Charondas et les autres Commentateurs de la Coûtume de Paris sur cet Article, tiennent l’affirmative, mais qu’ils se sont abusez, les Arrests ayant jugé le contraire, et notam-Fresne ment celuy du 29. de Mars 1640. qui est celuy rapporté par du Fresne en son Journal d’Audiences, l. 3. c. 26. de l’Edithion de l’an 1652. et que cela est tres-raisonnable, vû qu’autre-ment il seroit en la faculté du mary de priver sa femme des effets de la communauté, en fais sant des acquisitions en des lieux où la communauté ne seroit pas admise C’est une jurisprudence certaine au Parlement de Paris, que les filles ou veuves domiciliées à Paris en contractant mariage avec des personnes de Normandie, peuvent stipuler une communauté de biens et les faire renoncer à leurs Coûtumes, avec sumission à celle de Paris. et élection de domicile perpetuel et irrevocable, et qu’en vertu de ces pactions la Coûtume de Normandie bien que réelle et contraire, sera forcée de suivre la Loy de cette convention personnelles

Les Auteurs qui ont traité cette matiere confirment leur maxime par ces raisons, que la Coûtume de Normandie n’a de puissance que sur ceux qui contractent et qui se marient dans son tértitoire ; que les Coûtumes sont reputées réelles en ce qui dépend de la simple disposition de la Coûtume, et non lors qu’il se rencontre de la disposition de l’homme, auquel cas elle empesche la realité, faisant valoir sa disposition par dessus celle de la Coûtume, qu’il ne faut pas considerer les Coûtumes où sont les choses acquises, mais le lieu où le Contrat c de mariage a été passé, qui a reglé la communauté et le domicile actuel des contractans, et n qu’il n’a pas été en la liberté du mary de détruire l’effet de la communauté par un changement de domicile.

Pour la donation mutuelle de tous les biens, du Moulin en son Conseil 53. à soûtenu que cette donation de tous biens, tam quesitorum, quam querendorum ; en quelques lieux qu’ils fussent situez étoit valable, nonobstant les Coûtumes contraires, parce que ces conventions étoient petsonnelles, et non réelles,

En Normandie l’on soûtient au contraire, que chaque Coûtume doit être maîtresse dans son tertitoire, et que les conventions des particuliers n’en peuvent changer la dispositions autrement elles deviendroient illusoires et dépendroient du caprice des particuliers, s’il étoit en leur pouvoir de les annuller en contractant seulement hors son étenduë, que ce qu’il y a de personnel peut être executé sur les biens situez au lieu où la convention a été faite, mais on ne peut la faire valoir sur les immeubles, lors que la Coûtume du lieu s’y oppose expressément ; car il n’est pas raisonnable que la disposition de l’homme l’emporte sur celle de la loy : Il est vray que le mary peut ruiner l’effe. de la communauté en faisant des acquisitions en des lieux où la communauté n’est point admise : mais peut-il pas pareillement ruiner la communauté en dissipant son bien ; de sorte que comme par la simple stipulation de la

communauté le mary ne laisse pas de demeurer le maître de la communauté, et d’en disposer à sa volonté ; il peut aussi acquerir en tels lieux qu’il luy plaist, et ces acquisitions con-sistans en choses réelles, on ne considere plus les conventions du Contrat de mariage ny l’obligation personnelle, mais la demande et l’execution qui s’en fait sur une chose réelle ou la femme ne peut rien avoir que suivant la Coûtume de la situation des héritages. Il ne s’agit pas d’une simple hypotheque, mais de la proprieté de la chose, qui ne peut être acquise qu’en vertu d’un Contrat qui soit approuvé par la Loy, ce qui rend la convention quant à leffet et à l’execution purement réelle, et non simplement personnelle. Il est certain que tes questions se décident differemment selon les lieux où elles sont jugées ; chaque party fait valoir la Coûtume de son païs, ce qui a fait dire à Tronçon qu’il faut se donner garde d’en plaider à Roüen, parce que lon y jugeroit selon la rigueur de la Coûtume de Normandie.

Pour concilier et pour approcher autant qu’il fe peut des maximes si opposées, on pourroit faire ces distinctions : La premiere, entre les personnes : La seconde, entre les biens Et la derniere, entre la communauté et les donations mutuelles. Pour les personnes, lors que ceux qui ont toûjours leur domicile à Paris et lesquels y ont contracté mariage avec stipulation de communauté, viennent à changer leur demeure, soit à raison de leurs emplois, ou par quelque autre consideration, il paroit juste que tout l’effet de la communauté ne soit pas ruiné par ce changement, car lon ne peut dire à leur égard qu’ils ayent eu le dessein de faire fraude aux Coûtumes qui ne détruisent point la communauté, parce qu’ayant toûjouts actuellement demeuré à Paris, ils ont contracté selon la Loy de leur domicile, et c’est en cette espèce que les Arrests rapportez parBacquet , des Droits de Justice Chap. 21.Loüet , l. C. n. 15. et 16. ont été rendus. Il n’en est pas de même de ceux qui n’ont point de demeure à Mris, et qui n’y ont contracté qu’un domicile momentanée et assager, ils ne peuvent se soustraire à la Loy de leur domicile, ny à la Coûtume des lieux où leurs biens sont situez pour ruiner sa disposition par des pactions qui luy sont contraires. et la femme qui contracte avec un mary de cette qualité ne peut être dans la bonne foys lors qu’elle stipule des avantages prohibez par la Loy du lieu où les biens sont assis, et qu’elle épouse un mary qui a l’esprit du retour, quelque déclaration contraire que l’on exige de luy.

Quant aux biens il faut mettre de la différence entre les biens que le mary possedoit lors que la femme y peut pretendre, il faut en même temps distinguer entre les donations mudu Contrat de mariage, et ceux qu’il acquiert pendant la communauté ; et pour sçavoir ce guelles et la communauté : Pour les biens dont le mary étoit saisi lors du mariage, il n’est point en sa puissance d’en disposer contre la Coûtume des lieux : Par exemple, bien que par a Coûtume de Paris le doüaire Coûtumier soit de la moitié, il ne peut promgttre que le tiers sur les biens de Normandie ; de même les donations mutuelles qui sont permises par la Coûume de Paris, ne peuvent subsister pour les biens de Normandie où ces donations sont dé-fenduës : Il est vray que du Moulin en son Conseil 53. a soûtenu la validité de ces donations. en quelque lieu que les biens soient assis, mais il se fonde sur des raisons foibles et qui ont été fort bien refutées par Mi d’Argentré en combatant son opinion, Art. 218. gl. 16. n. 33.

Et en effet, si le consentement et la convention des contractans pouvoient avoir la force et la vertu de détruire les Coûtumes elles seroient entièrement illusoires, et leur autorité seroit méprisable si elles étoient forcées de céder à la disposition de l’homme : Cependant puis que chaque Coûtume a la puissance de regler les choses qui sont dans son étenduë, on ne peut falterer ou la renverser en passant des Contrats ailleurs que dans son térritoire. C’est une convention purement réelle, puis que lexecution ne s’en fait que sur la chose et non point contre la personne. Aussi lon a si bien prévû cette vérité, que pour faire valoir ces sortes de convendions on fait renoncer aux Coûtumes, on stipule une élection de domicile perpetuel et irrevocable, et une foumission expresse à la Coûtume et à la Jurisdiction de la Prevôté de Paris. Toutes ces precautions ne seroient point necessaires si la seule convention étoit suffisante. Aussi la l. exigere dotem de judic. est contraire, mais il y a quelque difference pour les acquisitions faites pendant la communauté ; comme lon ne doute point qu’un Normand en se mariant à Paris ne puisse valablement contracter une communauté, il semble qu’on ne peut et ne doit rien faire qui prejudicie à l’effet ordinaire de la communauté, soit en changeant de domicile ou acquerant en des lieux où elle n’est point approuvée ; car alors l’action de la femme peut être considérée comme personnelle pour avoir violé la foy de leur convention matrimoniale ; de sorte que la part qu’elle prend aux conquests de Normandie n’est pas tant à droit de communauté que comme un dédommagement, et conformément à cette raison il a été jugé en cette Province par Arrest du 19. de Mars 1620. que suivant la clause d’un Contrat de mariage, par laquelle le mary s’obligeoit d’employer mille écus en héritages qui se roient communs, et le mary ne l’ayant pas fait ses heritiers étoient tenus de payer à la femme la moitié de cette somme : mais pour se servir de cette raison, il faudroit que ce mary eût un domicile actuel et ordinaire à Paris, et non un domicile passager et momentanée ; car quand il n’a point d’autte domicile que celuy qu’on luy fait élire par le Contrat, quelque foumission qu’il fasse à la Coûtume de Paris, quoy qu’il renonce et déroge à la Coûtume de

Normandie, il est toûjours vray de dire que lon fait contracter une communanté à un homme actuellement demeurant en Normandie.

et sçay bien que les Commentateurs de la Coûtume de Paris objectent, qu’encore que les Coûtumes soient réelles, elles sont contraintes et necessitées de suivre la Loy de la convention personnelle, qui emporte la réelle comme la plus noble, et que les Coûtumes ne sont reputées réelles qu’en ce qui dépend de la simple disposition de la Coûtume ; mais que quand il s’y rencontre de la disposition de l’homme cela empesche la realité, faisant valoir la disposition par dessus celle de la Coûtume.

Mais ce raisonnement n’est pas solide ; car si la Coûtume n’est reputée réelle qu’en ce qui dépend de sa simple disposition, et que quand il s’y rencontre de la disposition de l’homme, cela empesche la realité ; ce sera renverser toutes les Coûtumes, et rendre toutes leurs dispositions vaines et illusoires, étant mal-aisé de faire un Contrat où les contractans ne s’en-gagent dans quelque obligation personnelle, et par cette voye faisant prevaloir la disposition de l’homme à da realité, toutes les Coûtumes bien que réelles seront contraintes de suivre a loy de la convention personnelle, ainsi toutes leurs dispositions demeureront sans effet : Cette consequence peut être confirmée par les exemples, la Coûtume est reputée réelle à’égard du doüaire, et lors qu’il s’agit de donations il n’est pas permis de donner plus que ce qui est permis par les Coûtumes des lieux où les choses données sont assises ; cependant si un homme de Normandie par son Contrat de mariage passé à Paris accorde en doüaire la moitié de ses immeubles, si par un Contrat passé à Parls quelqu’un donne la moitié de ses immeubles avec garantie, n’est-il pas vray qu’en l’un et l’autre cas il contracte une obligation per-sonnelle, l’une de faire valoir le doüaire jusqu’à la moitié de son bien, et l’autre de faire subsister la donation, et par consequent cette convention personnelle empesche la realité, et doit prevaloir comme plus noble sur la disposition de la Coûtume ; ainsi nonobstant la disposition de la Coûtume de Normandie de bailler plus que le tiers en doüaire, ou de donner plus que le tiers de ses immeubles, ces deux Contrats ne laisseront pas d’avoir leur execution, à cause qu’il s’y rencontre de la disposition de l’homme. La stipulation pour la communauté n’est pas plus personnelle que la stipulation pour le doüaire en l’une et en l’autre il se contracte une véritable obligation personnelle, et neanmoins suivant la doctrine même des Ar-rests du Parlement de Paris, la stipulation d’un doüaire sur des biens en Normandie plus rand que celuy qui est permis par la Coûtume est reductible. Or la Coûtume de Normandie ne défend pas plus étroitement de donner plus que le tiers en doüaire, que de bailler lus que le tiers des conquests à la femme, au contraite la prohibition y est encore plus expresse ; car l’Article CCCXXx. dit que quelque accord ou convenant qui ait été fait par le Contras de mariage les femmes ne peuvent avoir plus grande part aux conquests que celle qui leur appartient par la Coutume. La Loy reprouvant si absolument tout ce qui est fait contre sa disposition, il faut ou que l’homme n’y puisse déroger par aucune stipulation, ou que sa disposition puisse être aneantie par une simple convention personnelle ; mais en tous cas cela ne doit pas être ermis à ceux qui sont nez dans son térritoire, et qui ne choisissent un domicile ailleurs qu’à r’effet seulement de pouvoir éluder sa prohibition

&es distinctions et ces maximes peuvent être autorisées par les Arrests mêmes du Parlement de Paris ; car pour montrer que nonobstant que le Contrat soit passé à Paris, on ne peut promettre plus que le tiers en doüaire sur les biens en Normandie. L’on cite l’Arrest de Fervaques et de Larchant remarqué par MrLoüet , l. C. n. 15. et 16. et pour les donations mutuelles on apprend de du Moulin même que les hentiers du Chancelier de Ganvay s’étant pourvûs contre l’Arrest qui avoit confirmé la donation mutuelle de tous les biens, et la Cause ayant été renvoyée en ce Parlement, la donation fut déclarée nulle pour les biens qui étoient situez en des Coûtumes où ces donations n’étoient point reçûés : mais quoy que du Moulin accuse les Juges d’ignorance, on a jugé la même chose par deux Arsests du Parlement de Patis : Le premier rapporté par M. Loüer, l. C. n. 16. par lequel la donation faite par le sieur de Larchant à la Dame sa femme par fon Contrat de mariage, fut jugée valable seulement jusqu’à la concurrence de ce que la Coûtume de Normandie permet de donner par le mary à sa femme : Le second est de l’année 1663. et est rapporté dans la seconde partie du Journal des Audiences, par lequel la donation mutuelle faite par le Contrat de mariage de Mr desMiroménil à la Dame sa femme a été déclarée nulle : pour les con quests d’héritages et de rentes foncieres en Normandie, et pour les rentes constituées sur des particuliers en Normandie elle fut confirmée, parce que Mr de Miroménil avoit son domicile à Paris.

Pour les conquests faits pendant la communauté, par l’Arrest donné au profit des Dame de Prie et de Medavi, heritiers de Mr le Marquis de Fervaques, bien que le Contrat de mariage eût été passé à Paris, et que la communauté eût été stipulée et raglée suivant la Coûtume de Paris, avec dérogation aux autres Coûtûmes, toutefois parce que Mr le Maréchal de Fervaques avoit toûjours demeuré en Normandie, qu’il y avoit sa principale Terre, et qu’il étoit Lieutenant de Roy en Normandie, sa veuve nonobftant la communauté fut privée de la moitié qu’elle pretendoit aux acquisitions faites en Normandie ; et l’Affest de Carchant cy-dessus allégué semble n’être pas contraire, parce que l’on jugea que le sieur de Larchant étant à la suite de la Cour il avoit son véritable domicile à Paris, que est caput Regni, quoy que sa principale maison fût assise en Normandie : Ce fut donc son domicile qui servit de fondement à l’Arrest ; endfffet les donations portées par le même Contrat de mariage urent reduites à la portion que la Coûtume de Normandie permettoit de donner : il semble donc raisonnable en ce seul cas que quand les deux conjoints sont actuellement demeurans dans une Coûtume où il y a communauté de biens entre personnes mariées, et qu’ils font des acquisitions en des lieux où les acquests ne sont pas communs entre les conjoints, la communauté ne laisse point d’avoir son effet ; mais que quand le mary n’y a point d’autre domicile que celuy qu’on luy fait établir par le Contrat de mariage, quelque dérogation que l’on fasse aux Coûtumes, et quoy qu’on se sumette à la Coûtume et à la Jurisdiction de la Prevôté de Paris, la communauté ne peut s’étendre que dans les lieux où elle est autorisée, et non ad bona plibi sita ; mais on auroit de la peine à persuader cette maxime, et à faire renoncer les Parisiens aux avantages que produit la communauté, étant prevenus que le statut qui introduit la communauté régarde seulement les personnes et non les choses acquises ; et au contraire en cette Province on soûtiondroit avec plus de justice que la commuhauté ne peut avoir la force de changer l’ordre étably par la Coûtume touchant les héritages, parce qu’elle a le pouvoir de disposer de tout, ce qui est réel dans son térritoire, et la femme ne pouvant avoir plus grande part aux conquests que celle qui luy est accordée par l’Article CCCLXXX. la communauté contractée ailleurs ne peut ruiner cette disposition.

Cette communauté néanmoins n’empesche pas le mary de disposer des meubles et des aequests, parce qu’il est le maître de la communauté, ce qui ne luy est pas même défendu par une donation entre vifs, quia, dit duMoulin , de Feud. n. 88. 8. 43. jus uxoris in conquestibus est infirmum et debile, non exit in actum, nechabet vires, nisi in puncto dissolutionis matrimonii, mais il n’a pas la liberté d’en disposer par Testament ; la raison est que le Testament n’a son execution que par la mort du Testateur, et en ce temps le droit est acquis à la femme, et par la Coûtume la moitié des meubles appartient à la femme s’il n’y a point d’enfans, en exemption des legs testamontaires ; d’où il resulte que le mary ne peut disposer par son Testament de la moitié les moubles qui appartient à sa femme, par l’Article 296. de la Coûtume de Paris le mary ne peut disposer de ses meubles et conquests, immeubles communs entre luy et sa femme du prejudice de sa femme. Ricard sur cet Article, dit avoir été jugé que le mary ayant disposé par Tostament de tous les meubles et acquests de la communauté, la femme aprés son decez y ayant renoncé, tous les meubles et acquests appartiennent au legataire et non à l’hecitier du mary, qui luy contestoit la moitié qui fût restée à la femme. La Coûmme de Troyes,, Article 84. permet au mary nonobstant la communauté de disposer de tous les meubles et acquests par donation entre vifs, mais non par Testament.

Bien que la Coûtume n’admette point la communauté entre gens mariez, il ne faût pas en induire que toutes associations ou communautez de biens soient défenduës en cette Province, et c’est pourquoy il ne sera pas inutile d’examiner de quelle manière la communauté se contracte en Normandie, entre quelles personnes, et sous quelles conditions elle peut avoir effet.

La communauté se contracte en deux manieres, ou par une convention expresse des parties, ou par un consentement tacite qui s’induit et qui se presume lors que des personnes apportent leurs biens en commun, et c’est de cette sorte qu’il faut entendre ce que le Jurisconsulte a dit en la Loy quatriéme, pro socio D. que Re et verbis societas coiri potest : Re, id est tacitâ, rebus in commune collatis. Verbis autem, id est conventione expresâ :Hotoman . in pitom. Tit. pro socio B

Il y a deux espèces de communauté conventionnelle, l’une particulière, l’autre universelle, l. Societates. D. pro socio. La premiere est renfermée dans quelque negociation particulière de quelques fermes, de quelques espèces de marchandises : l. 2. C. pro socio, la societé universelle est celle qui se fait de l’université des biens, et elle peut être de deux sortes ; car ou la convention est generale et expresse de tous biens sans en rien excepter, et en ce cas tous les biens des associez entrent en sa communauté, et tout ce qui leur échet à l’avenir, soit à titre onereux ou à titre hucratif, leur devient commun. In societate omnium bonorum omnes res que coeuntium sunt continub communicantur. l. 1. 5. 1. D. pro socio. Que si la société est simplement contractée sans expression des choses qui doivent y entrer, et qui doivent devenir communes, en ce cas la communauté ne s’entend que de ce qui provient du commerce, du travail, ou de l’industrie des associez ; mais ce qui procede de donations ou successions, ne devient point commun. Cette distmction est nettement établie par la Loy septième et les suivantes, eod. coivi socigtas et simpliciter licet, et si non fuerit distinctum, videtur coita esse universorum que ex questu veniunt. Nec adjecit Sabinus hereditatem vel legatum vel donationes : fortassis hac ideo, quia non sine causa obveniunt, sed ob meritum aliquod accedunt. La Coûtume d’Orléans.

Article 214. dit à peu prés la même chose, que la societé, si elle n’est limitét, est seulement

entenduë de : tous les biens, meubles et conquests immeubles, faits par les parties durant leur societé.

Que si la convention n’exprime point la portion que chaque associé doit avoir en la communauté, ils seront tous égaux, l. si non fuerint, eod. que s’il est dit combien chacun pren-lra, cette paction doit être gardée, pourvû qu’elle soit équitable ; car s’il étoit convenu que l’un auroit tout le profit, et que l’autre demeureroit seul chargé de toute la perte, cette consention ne pourroit valoir : Iniquissimum eest onim genus societatis, ex quâ quis damnum non Aristo eriam lucrum specter. l. 29. 8. Aristo. eod.

Toutes personnes libres et capables d’agir peuvent contracter une communauté ; mais ce Contrat peut-il valoir dans les Coûtumes qui ne permettent pas aux peres de faire avantage. Sainson à l’un de leurs enfans plus qu’à l’autre ; Sainson sur l’Art. 2. t. 22. de la Coûtume de Tours propose cette question, et témoigne que dans la Touraine les gens de la Campagne et les Bourgeois font ordinairement de ces Contrats, quoy que par la Coûtume un pere ne puisse donner à l’un de ses enfans plus qu’à l’autre, en quoy ils contreviennent manifestement à la Loy : Cet Auteur sans refoudre cette difficulté a écrit ces paroles ; Et sanè est apud me stupenda res, et tamen ista tolerantur ; mais il conseille de faire agréer la communauté par les autres frères : Ce conseil neanmoins est fort inutile, puis que tous les consentemens que les peres de leur vivant exigent de leurs enfans ne les obligent point aprés leur mort, lors qu’ils sont contraires à la disposition de la Loy

Il est assez ordinaire en cette Province, et particulierement dans le Bailliage de Caux, que les Laboureurs en mariant leurs fils les admettent en communauté de biens, ce qui fait naître des debats entre les freres, lors que celuy d’entr’eux que le pere a associé demande la moitié des meubles et des conquests, et sa portion hereditaire sur le surplus, les autres pretendans que lour pere n’a pû le recevoir en communauté à leur prejudice, étant un avancement indirect qui luy est défendu par la Coûtume

Pour refoudre ces difficultez, il faut considerer si le fils a apporté des biens en la communauté, et s’il a contribué à l’augmentation d’icelle par son trafic, son travail, et son industrie, car s’il met entre les mains de son père le mariage de sa femme, s’il fait negoce et que son pere étant âgé il travaille, et soit chargé seul du soin du ménage et de la conduite de la maison, il ne seroit pas juste de le priver du fruit de ses peines, et l’on ne peut dite en ce cas que ce soit un avantage indirect : mais si le fils a fait valoir separément son bien, s’it a negocié en son particulier, et qu’enfin il n’ait rien apporté, ou peu contnbué à l’accroissement de la communauté, tout le commerce et le ménage ayant été fait aux dépens et par la conduite du pere, cette communauté où le fils est admis par le pere est un pur avantage, dont il ne peut profiter au prejudice de ses freres, ce qui par consequent ne doit pas empescher que tous les biens ne soient reputez avoir appartenu au pere, et qu’ils ne doivent être partagez entre les eufans comme biens paternels.

Quant à la societé ou communauté tacite, il est certain qu’autrefois en France elle s’indluisoit entre ceux qui avoient demeuré ensemble par an et jour, cela se prouve par le grand Coûtumier qui fut composé du temps de Charles VI. Nota, dit-il, que par Usage et Coûtume deux conjoints et associez demeurans ensemble par an et jour sans faire division et prote-station, ils acquierent l’un avec l’autre communauté quant aux meubles et conquests, ce qui est confirmé par cet ancien Praticien JoannesFaber , sur le Titre, De Societate, aux Institutes.

On en use encore aujourd’huy de cette maniere en quelques Coûtumes, où la demeure par n et jour suffit pour établir la communauté : quelques autres outra la demeure et la table commune désirent un mélange de biens, et une communication du gain ; mais dans la pluspart des autres Coûtumes ces socierez tacites sont abolies. Orleans, Article 213. Tours, 23t.

Nivern. t. 22. des Commun. et Associat. Art. 1.

En Normandie nous n’avons pas absolument rejetté les communautez tacites, mais aussi nous ne les recevons pas indistinctement : la simple demeure par an et jour, ou par un plus long-temps, n’établit point une communauté, on fait aussi distinction antre les personnes : quelque longue demeure que les enfans fassent avec leurs pere et mere, ils ne sont point reputez communs, il faut une convention expresse pour établir la communauté, ce qui est fondé sur ces deux raisons : La premiere, pour éviter favancement indirect que le pere seroit à ceux de ses enfans qu’il recevroit en communauté : La soconde, que les enfans sont reputez n’avoir d’autres biens que ceux de leurs peres. ePar le Droit Romain ce que le fils de famille étant en la puissance de son pere acqueroit d’autre part que de la substance et des facultez de son pere, étoit reputé adventif au fils, et luy appartenoit quant à la proprieté, le seul usufruit demeurant au pere, l. cum oportet. C. de pon. que liber. Si parmy nous un fils de famille avoit quelques biens de son côté, soit le mariage de fa femme, ou qu’il fist quelque negoce et exerçât quelque vacation qui luy seroit utile, les acquests qu’il feroit en son nom luy appartiendroient, quoy qu’il demeurât avec son père, et ses freres n’y pourroient rien pretendre à droit de communauté ; mais si le fils reçû en communauté ne pouvoit avoit acquis que par le moyen des biens de son pere, cet.

acquest entier seroit mis au nombre des biens paternels, et le fils n’y poutroit demander part en consequence d’une communauté, bien qu’il alléguût avoir contribué de ses soins et de son travail pour laugmentation des biens de son pere.

Non seulement la communauté n’est point presumée par la demeure des enfans avec leur pere, elle ne l’est point aussi par la demeure du pere avec ses enfans : Un fils s’étant marit et tenant maison separée, reçût quelque temps aprés son pere avec luy : les créanciers du pere ayant saisi les meubles qu’ils avoient trouvez dans sla maison du fils, pretendirent qu’encore qu’il n’y eût point de société conventionnelle, il y en avoit une tacite, qui s’étoit contractée par une demeure ensemble par an et jour, et par la confusion de leurs biens le pere ayant apporté ses meubles chez son fils : a quoy il fut répondu par le fils que la communauté tacite ne s’établissoit point par une simple demeure, qu’il ne s’étoit fait aucune communication ny mélange de leurs biens, méconnoissant que son pere eût apporté aucuns meubles chez luy Par Arrest du 19. de Juillet 1652. il fut dit que le creancier feroit preuve que le pere eût apporté des meubles en la maison de son fils. Ainsi lon jugea que la communauté ne se conractoit point par la seule demeurs

Par lancienne Coûtume, Titre de Communité de biens, 1. 7. c. 11. pour acquerir communauté il faut être capable de contracter, c’est à dire être en âge parfait, et que les contractans ne foient point au pouvoir l’un de l’autre, comme est le fils au pouvoir parernel. Il est vray que l’Auteur de l’Adition sur ce Texte a écrit que la communauté se contracte entre le pere et ses enfans, pourvû qu’ils soient mariez ou âgez, et qu’ils ayent communiqué à leur pere les denters et autres choses promises par le Contrat de matiage, et que par an et jour ils ayent demeuré ensemble, faisans les affaires les uns des autres, et tous actes de personnes communs en biens, et que cette societé est appellée tacite.

Mais cette glose n’a point prévalu sur le Texte ; la communauté du pere avec ses enfans non seulement doit être stipulée et portée par écrit, il est encore necessaire pour la faire subsister et pour en profiter, que le fils ait dequoy appotter en la communauté, autrement cette association est reputée un avancement indirect ; mais quoy qu’il n’y eût pas de communauté conventionnelle, si toutefois il paroissoit que le fils eût apporté à son pere son ma-riage ou d’autres biens, il pourroit les reprendre lors qu’il n’y a point de communauté par crit, et même il seroit juste de luy tenir compte des interests si la nourriture fournie par fe pere pouvoit être compensée contre les services et le travail du fils.

Par l’Article 102. de la Coûtume de Troyes, les enfans étans sous la puissance paternelle ne euvent acquerir droit de communanté uvec pere et mere, les parens mêmes, et autres personnes nourries par gratuite affection, pitié ou service, ne peuvent acquerir droit de communauté avec ceux qui les nourrissent, par quelque temps qu’ils y demeurent, sil n’y a expresse convenance sur ce fait : En effet il ne seroit pas juste que ceux qui n’apportent rien du leur, et lesquels au contraire sont nourtis aux dépens d’autruy, pûssent en vertu de la seule demeure acquerir droit de communauté.

Ce que j’ay dit que la societé tacite du pere avec les enfans n’est point admise, doit être ttendu à la veuve du fils et au gendre par l’Article XXI. Titre des Droits des Gens Mariez de la Coûtume de Nivernois ; le gendre ou la femme du fils venans demeurer avec leurs beauxpere et mere ou l’un d’eux, aprés l’an et jour de leur demeurance avec eux acquierent com-munauté. Coquille sur cet Article dit que par la Coûtume de Bourgogne la femme du fils n’acquiert communauté avec le pere de son mary, et qu’elle remporte ce qu’elle a apporté : ce qu’il estime raisonnable, parce qu’ordinairement les femmes ne conferent pas en la communauté tant d’industrie et de travail qu’un homme : Nous en userions de cette manière en cette province, parce que ces societez tacites pourroient produire un avancement indirect.

I fut jugé neanmoins en la Chambre des Enquêtes le 24. de Mars 1639. au Rapport de Mr Brice, entre le sieur du Buse et d’Amours, qu’une belle-mere ayant demeuré plu sieurs années avec son gendre, vécu de même pain et por, et oonféré leurs biens ensemble, étoient reputez communs en biens à l’effet d’obliger la belle-mere et ses heritiers aux dettes de sou gendre, et d’y affecter ses meubles, quoy qu’il ne parût pas qu’elle eût passé aucuns Contrats, ny fait aucuns baux avec son gendre, et que l’on alléguât qu’elle n’étoit venuë demeu-ver avec luy que pour ménager son bien, et non pour s’engager pour luy ; mais cette longue lemeure et cette communication de leurs biens étoit suffisante à l’égard des creanciers, pour induite une communauté.

La question est plus douteuse à l’égatd des freres : Balde sur la l. 1. C. qui testament. facke possunt, est de cette opinion, qu’encore que les freres aprés la mort de leur pere demeurans ensemble et joüissans en commun de la succession, ne soient pas reputez contracter une communauté, si toutefois durant une longue demeure ensemble ils ont possedé tous leurs biens et negocié toutes leurs affaires en commun sans se rendre aucun compte, ils sont presumez Papinien avoir contracté une societé. Bartole au contraire traitant cette matière sur la Loy cum duobus, 5. idem, Papinianus D. pro socio, et sur la I. Titium aut Mevium, 5. altero de administ tut. D. et sur la l. Patruus. C. communia utrius. judic. estime que la societé n’est jamais presumée, si elle n’est expressément. stipulée, et en suite il distingue ces quatre cas : De premier, lors que les freres ne sont pas tous majeurs : Le seconde, lors que les fretes sont personnes de qualité qui ne sont aucun commerce, en-ce cas quoy qu’ils joüissent indivisément de la sucgession de leur peté, on ne presume poit de societé, si d’ailleurs il ne paroit par quelques actes que leur intention a été de demeurer en communauté de biens : En troisieme lieu, il n’y a point de societé entre freres, lors que l’un d’eux fait quelque commerce, et que les autres n’en font point : Et enfin quand les freres sont tous majeurs ; et qu’ils négocient ensemble, on presume la societé, parce que ces actes-là ne se peuvent faire sans quelque asso-ciation, isti sunt actus qui non possunt geri citra jus & nomen societatis.

Bartole Pour concilier les opinions de Balde et de Barpole, l’on peut dire suivant la doctrine de Jason, que bien que les freres joüissent en commun de la succession paternelle, si neanmeins ds n’ont entr’eux aucun autre commerce ; cela ne suffit pas pour étoblir la communauté ; mais l’il se passe entr’eux quelques autres actes qui marquent une intention de communauté, s’ils ont long-temps vécu et demeuré ensemble ; il faut presumer une affociation, litet non sint actus questuarii aut mercantiales, sufficit quod sunt actus communicativi et sociales, et ex diuturnitate remporis et communi usu vivendi, et concurrente conjunctione sanguinis pro communitan Sainson presumendum est. Sainson sur l’Article 2. t. 22. de la Coûtume de Tours.

Aussi quoy que par l’Article premier, titre des Communautez et Associations de la même Coûtume, communauté de biens ne se contracte paisiblement entre gens demeurans ensemble par quelque temps que ce soit, s’il ny a convention expresse : néanmoins, par l’Art. 2. du même titre, entre deux frères majeurs de vingt ans étans hors de puissance de pere qui ont demeuré ensemble par an et jour, tenans leur bien par ensemble, et faisant communication de gains, il y a communauté paisible contractée entr’eux : De sorte que lors que ces quatre choses se rencontrent, que. les freres soient majeurs, qu’ils soient hors la puissance paternelle, qu’ils demeurent ensemble, et qu’ils fassent communication de gain et de profits, il se contracte une société tacite entre les frères ; mais suivant le sentiment deCoquille , cela n’auroit pas lieu entre le frère et la soeur ; car le travail et l’industrie de la soeur n’étant pas ordinairement égale à celle du fiere, il ne seroit pas faisonnable de presumer entr’eux une communauté sans convention Par nôtre ancienne Coûtume, au titrre de Communauté de biens, deux freres qui aprés le décez de leur pere demeurent enfemble sans faire partage de la succession paternelle, ou la mere avec ses enfans, étoient censez et reputez contracter et acquerir communauté de biens ; mais, à mon avis, une simple joüissance en commun ne suffiroit pas, si l’employ du revenu n’en avoit été fait en commun, ou en tout cas il faudroit que cette joüissance eût été conainuée durant plusieurs années

On doit pareillement admettre cette société tacite, lors que suivant le texte de l’ancienne Coûtume, deux personnes capables de contracter et d’acquerir communauté ensemble, c’est à dire étant en âge parfait, et n’étant au pouvoir l’un de l’autre, demeurent ensemble en une même maison par an et jour, ne font qu’une table et un feu, et vivent à dépens communs sans rendre compte l’un à l’autre, apportans et communiquans l’un à l’autre leurs biensmeubles et revenus, et ée qu’ils peuvent gagner par leur commerce ou par leur industrie, ils sont reputez contracter communauté. Il ne suffit donc pas, comme plusieurs l’estiment, d’une demeure par an et jour pour prouver une communauté, il est encore nécessaire que les utres conditions s’y rencontrent. Berry, t. 8. Art. 10 L’effet de cette société tacite ne s’étend que sur les meubles et sur les conquests faits du tant qu’elle a duré, et même la societé expresse par la pluspart des Goûtumes n’a pas plus d’étenduë : par l’Article 214. de la Coûtume d’Orléans ; la société contractuelle si elle n’est simitée, sera faulement entenduë de tous les biens-meubles et conquests immeubles faits par les parties durant la societé. Et par l’Article 3. des Communautez et Associatlons de la Coûtume de Nivernois, en communauté de biens expresse ou taisible, les meubles faits aupara-vant et durant icelle et les conquests, sont compris et communs entre les personnes ; et par nôtre ancienne Coûtume ceux qui sont reputez communs contractent une communauté de leurs biensemeubles et de leurs héritages, qui seront par eux et chacun d’eux acquis durant la communauté.

Sous ce mot de meubles l’on comprend tous les droits mobiliers, charges mobiliaires, profit et perte d’actions et dettes actives et passives, contractées pour le fait et pour les affaires de la communauté ; car l’argent que l’un des associez auroit emprunté pour ses affaires particulieres ne pourroit être pris sur les effets de la communauté, non plus que la dépense qu’il auroit faite pour son interest seul.

gprés avoir expliqué comment la communauté se contracte, il faut aussi sçavoir comment elle finit et peut etre dissoute ; cela peut arriver en quatre manieres : La premiere, quand les associez renoncent à la communauté ; car la société ayant pour principe et pour fondement le consentement des parties elle cesse d’être lors qu’elles changent de volonté, l. 4. 6. 1. et l. convenerit pro socio D. Il faut neanmoins que cette renonciation ne se fasse pas hors de saison ou en fraude, car elle donneroit lieu à une condamnation d’interests faute la continuera

l. actione 85. 8. 3. eod. et en ce cas, socium à se non se à socio liberat. Cons. l. 8. 6. mais si le temps de la société est finy on ne peut être contraint ; la communauté est pareillement resolue par a mort de l’un des associez : Morte unius socii societas dissolvitur et si omnium consensu coita it, plures vero supersint. l. 6. actione 5. 8. morte, eod. ce qui n’a pas lieu seulement par la mort naturelle, mais aussi par la mort civile : Comme par le decret des biens de l’un des associez, dicta l. actione, 3. publicatione. Il est vray que cette Loy parle de publicatione universorum bonorum : C’est un troisième moyen de resolution, lors que la chose qui fait le sujet et la ma-tière de la communauté vient à perit l. verum, 5. ult. eod Et enfin, la société cesse lors que les associez ont commencé d’agir separément ; cum separatim socii agere coeperint & unus quisque eorum sibi negotiatur. l. itaque, eodem : On ne peut faire de societé qui soit eternelle, nulla in aternum societatis coitio est. l. nulla, eod. et c’est pourquoy les Jurisconsultes ont marqué les moyens par lesquels elle pouvoit finir, societas finitur ex personis, ex rebus, ex voluntate, ex actione.

Geux qui ne sont point dans cette volonté que leur demeure et la joüissance en commun des biens qu’ils possedent en commun, puissent former entr’eux une société tacite, doivent t en passer un acte public, et même pour prevenir toutes contestations le faire publier au Prone de la Paroisse où ils ont leur domicile.


CCCXC.

Droit du mary des meubles échû à sa femme, et charge d’iceux.

Les meubles échûs à la femme constant le mariage, appartiennent au mary, à la charge d’en employer la moitié en héritage ou rente, pour tenir le nom, costé et ligne de la femme, si tant est qu’ils excedent la moitié du don mobil qui a été fait au mary en faveur de mariage.

La disposition portée par cet Article est imparfaite, et l’on ne peut exeuser nos Reformateurs de s’être expliquez fort ambiguément ; car ayant cette intention d’obliger le mary à remployer les meubles échûs à sa femme constant le mariage, pourquoy ne l’assujettir à ce remploy que quand ces meubles excedent en valeur la moitié de son don mobil ; ce don mobil n’étant pas une condition nécessaire du mariage, et souvent n’étant rien donné par la femme à fon mary, il demeure incertain si le mary est tenu à quelque remploy lors qu’il n’a point eu de don mobil, ou en cas qu’il y soit obligé, quelle portion il en doit remplacer.

Il efit été plus regulier de fixer une portion que le mary seroit toûjours obligé de remplacer, sans considerer la valeur et la quantité du don mobil, ou au moins il faloit ajoûter ce qu’il faudroit remplacer quand il n’y auroit point de don mobil. L’intention de la Coûtume a été vray-semblablement d’ôter au mary une partie des meubles qui échéent à la femme consant le mariage, lors qu’elle luy a déja fait quelque don, parce qu’il auroit trop d’avantage. meubles qui peuvent échoir à sa femme, qui ne sont pas ordinairement le bien le plus cons’il avoit lun et l’autre ; mais quand il n’a rien eu, il étoit juste de luy laisser entièrement les sidérable des familles, vû même qu’il demeure chargé des dettes de sa femme. C’étoit aussi lancien Usage, et la Coûtume nouvelle n’avant parlé du remploy que lors qu’il y a eu don mobil, la consequence semble naturelle, qu’il n’est point dû de remploy quand il n’y a point le don mobil-

C’étoit le sentiment de Me JosiasBerault , contraire à celuy de Godefroy ; mais cette difficulté a été terminée par un Atrest donné en la Chambre de FEdit du 26. de Février 1639. entre Jeanne du Bose, Sarra Martel, et autres parties ; par lequel le mary fut condamné de remployer la moitié des meubles échûs à sa femme constant leur mariage, quoy qu’il ne luy eût été fait aucun don mobil. Ainsi par un temperament equitable, sa femme qui n’a rien donné à son mary partage également avec luy les meubles qui luy peuvent échoir constant reur mariage.

On ne jugea pas la même chose pour des deniers qui appartenoient à la femme, avant sonmariage, parce qu’elle avoit fait un don mobil à son mary. Tronel avoit donné cinq cens livres à une femme qui se matia depuis au nommé Baudoüin, et qui luy donna une certaine omme pour son don mobil, à prendre sur ses autres biens : Baudoüin ayant demandé les cinq cens livres à Tronel, heritier du donateur, il refusa de les luy payer, qu’en luy baillant bonne et suffisante caution, pretendant que cette somme tenoit nature de dot, puis qu’elle appartenoit à sa femme avant lon mariage, et qu’elle n’en avoit point disposé en sa faveurs au contraire Baudoüin soûtenoit n’être pas obligé à ce remploy, ne s’agissant que d’une chose mobiliaire qui ne doit être remplacée que lors qu’elle excede la moitié du don mobil, suivant cet Article ; or ne l’excedant point elle luy appartenoit, et sans être obligé de bailler caution, On repliquoit que cet Article ne s’entendoit que des meubles échûs à la femme constans de mariage, mais à l’égard de ceux qui luy appartenoient avant le mariage, ils tenoient nature de dot lors qu’elle n’en avoit point disposé au profit de son mary : Il fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand-Chambre le 9. d’Avril 1655. et Baudoüin n’eut la delivrance des cinq cens livres qu’en baillant caution ; la femme ayant limité par le Contrat de mariage le don qu’elle vouloit faire à son mary, le surplus luy tenoit nature de dot, n’étant pas necesfaire pour cet effet d’une stipulation expresse ; et c’est pourquoy Baudoüin n’étoit pas dans les termes de cet Article, qui ne parle que de meubles échûs à la femme depuis le mariage, qui appartiendroient de plein droit au mary cessant la disposition de cet Article.

On comprend sous le nom de meubles qui échéent à la femme, et dont le mary est tenu de remployer une partie, non seulement tous les biens et effets mobiliers, mais aussi tous les droits et actions de cette nature ; cela donna lieu à cette question, sçavoir si certains interests resultans de crime étoient sujets à remploy. Boulen poursuivit la vengeance de la mort du fils de la nommée Puller sa femme, il obtint condamnation de deux mille livres d’interests ; les heritiers de cet homicidé demanderent une part à ces interests, et pour le surplus ils concluoient contre le mary qu’il étoit obligé d’en remplacer la moitié, comme d’un meuble échû à sa femme ; mais cette pretention fut jugée détaisonnable, par Arrest donné en la Chambre de la Tournelle le 19. d’Aoust 1656. et les heritiers furent privez d’y avoir part.

Ils avoient signé la plainte, mais il ne paroissoit point qu’ils eussent fait aucuns frais. si le mary ne fait point le remploy et n’execute point ce que la Coûtume luy ordonne, il semble juste que la femme ait sa part entiere aux meubles, et que le remploy que son marv n négligé de faire soit pris sur le surplus ; car la Coûtume ayant condamné le mary à faire le remplacement en héritage, il est reputé fait de plein droit au prejudice du mary, n’étant pas juste que ses heritiers profitent de sa negligence, ou que sa femme en reçoive du prejudice.

D’ailleurs l’action qui appartient à la femme pour le remploy est immobiliaire, et par consequent sa part aux meubles n’est point sojette à cette contribution : Il faut donc tenir, et il n été jugé de la sorte en la Chambre de l’Edit, que contre le mary ou ses heritiers le remploy est toûjours reputé fait, parce que la Loy luy ordonnoit de le faire.

Cette action de remploy est si favorable, qu’on est reçû à justifier par témoins la valeur des meubles, quoy qu’elle excede la fomme portée par l’Ordonnance de Moulins : On a même donné cette action de remploy à l’heritier de l’enfant sorty de la femme, à laquelle les meubles étoient échûs, comme étant une action immobiliaire. Par Arrest donné en la Chambre des Enquôros, le mois de Janvier 1653. au Rapport de M de la Basoge, il fut dit que sans avoir égard à la fin de non recevoir fondée sur l’Ordonnance, Savale feroit preuve des meubles que Joüanne avoit eus de sa femme, et que le remploy en seroit fait sur ses biens : L’on soûtenoit que la fille issué de ce mariage étant devenuë héritière au paternel et au maternel, elle avoit confonda cette action en sa personne, que la Coûtume n’en faisoit pas elle-même le remploy, qu’elle y obligeoit seulement le mary ce qui ne produisoit qu’une action en remploy, que cet Article est ajoûté à l’ancienne Coûtume, qui donnoit tous les meubles au mary, et par consequent il ne faloit pas l’expliquer en faveur des femmes : Mais on tépondoit que le mary n’ayant point fait d’inventaire il avoit commis une fraude qui ne se pouvoir découvrir que par témoins, qu’il n’y avoit point de confusion du bien paternel avec le maternel, et la separation s’en faisant ex antiqua causa, les droits assoupis renaissoient : ainsi cette action qui étoit immobiliaire commençoit à revivre, puisque la Coûtume vouloit en cet Article que de ces meubles l’on fist un héritage ou une rente, qui tinst le nom, côté et ligne de la femme ; la Coûtume ayant donc ordonné que cela fût converty en immeuble, et que ce fût un bien maternel, quand le mary n’avoit point fait le remploy la Coûtume le faisoit pour luy ; et pour montrer que cette action étoit immobiliaire, le mary hérite des meuples de sa femme, et neanmoins il ne succede pas à ceux-cy. C’est donc un immeuble à l’é-gard de la femme et de son heritier, n’y ayant aucune raison qu’il fût meuble entre les mains de lheritier, et qu’il fût immeuble en celles de la femme.


CCCXCI.

Meubles de la femme separée de biens à qui appartienent.

Avenant la mort de la femme separée quant aux biens d’avec son mary, ses meubles appartiennent à ses enfans : et si elle n’en a, ils doivent être employez à la nourriture du mary et acquit de ses dettes.

La Loy de Grace ayant rendu le mariage indissoluble parmy les Chrêtiens, et la licence du divorce étant abolie, il étoit juste de donner quelque secours aux femmes malheureuses, et de les delivrer en quelque sorte de la caprivité de leurs maris, lors que leur mauvaise conduite, é leur violence, ou leur humeur facheuse et bizarre rendoient leur condition miserable ; et c’est le par ce motif que l’on a introduit les separations de corps et de biens, mais comme on ne doit en venir à cette extremité, et sur tout à la separation de corps, que pour des raisons importantes, il ne sera pas inutile de traitter de la cause et du sujet de ces separations, de la qualité des personnes qui peuvent la demander, de leur forme et de leur effet.

C’est une maxime certaine que les separations volontaires de corps et de biens entre gens mariez, sans connoissance de cause et sans autorité de Justice, sont nulles et reprouvées par les constitutions Civiles et Canoniques ; l’honnêteté publique étant blessée particulièrement par la separation de corps, elle ne doit point dépendre de la volonté des particuliers, puis qu’elle produit une espèce de divorce, et que le mariage si saint et si mdissoluble ne dépendroit plus que du caprice des mariés ; la moindre colere leur feroit prendre ce party, et avec la même legereté ils pourroient se reconcilier, et leur condition demeurant incertaine, on ne Argentré verroit que des tromperies. MrLoüet , L. 5. n. 16.Mornac . Ad l. 7. de Divortiis : Argentr. 429. glos. 5. n. 5. Mr lePrêtre , Centi r. c. 67. Or comme les separations de corps sont d’une ronsequence beaucoup plus importante que la simple separation de biens, aussi les Causes en doivent être plus graves. Les divorces ne sont plus permis, quoy qu’ils fussent encore en usage en France du temps du Roy Dagobert, comme on l’apprend de Marculphe qui nous en a conservé la Formule, l. 2. c. 30. L’on ne souffre plus aussi ces separations qui se faisoient ex bona gratiâ l. si constante C. de Repud. et les separations volontaires de corps : Le Parlement de Provence les a si fort desaprouvées, que par plusieurs Arrests il a fait défenses aux Notaires de recevoir des Contrats de separation volontaire de corps : Boniface l. 5. t. 6. c. 1. et sans doute on ne doit les souffrir qu’avec grande connoissance de cause, le relachement seroit perilleux, et il étoit important de reprinier cette licence, dare franos indomito animali & impotenti naturae : L’obeissance est le partage de la femme, et lors que sa condition n’est pas tout à fait malheureuse, elle doit porter avec patience des maux mediocres.

La Loy consensu C. de Repudi et la Nov. 117. expliquent plusieurs Causes qui peuvent autoriser le divorce, mais les sevices du mary sont le sujet le plus ordinaire des separations de corps ; en effet le mary ne peut commettre une action plus lache et plus honteuse que de porter la main sur sa femme ; on ne doit plus la forcer de converser avec un homme si seroce, qui fait soussrir à sa compagne des traitemens qui ne seroient pas même excusables en la versonne d’une vile esclave, et à laquelle la Loy permet de se plaindre contre son maître, l. 1. 8. 3. de Offic. Praf. urbi, si duritiem, si famem, si obscenitatem exponant, Les Loix ne contraignent pas une femme de demeurer avec un mary dont la compagnie est si dangereuse et insupportable, mais toutes sortes de mauvais traitemens ne doivent pas porter la femme à rompre le silence ; les menaces, ny même les paroles outrageuses, ne sont pas des causes suffisantes de separation ; le mariage donnant au mary une si grande autorité sur la personne de sa femme, elle ne doit se servir d’un remede si facheux que quand il exerce les actions d’un tyran plûtost que d’un mary : il n’est pas necessaire pourtant que sa patience soit muette jusqu’à ce qu’elle ait un bras rompu ou un et il crevé, comme vouloit l’ancienne Coûtume, elles peuvent se plaindre pour des sevices moins grandes, les mauvais. traitemens d’un mary sont plus ou moins supportables selon la qualité des personnes, ou selon qu’ils retombent souvent dans des emportemens facheux et atroces.

Mais il faut avoüer que le caprice, la jalousie, et l’yvrongnerie causent souvent des desordres plus insupportables que les coups, et qu’ils rendent la condition des femmes tres-mal-heureuses ; la jalousie est une maladie qui met à bout la patience des plus vertueuses, parce qu’elle explique mal les actions les plus innocentes ; leur modestie, leur tristesse, leur joye, donnent également du soupeon aux esprits blessez de cette fantaisie ; ils convertissent en poison tout ce qui pourroit contribuer à leur guerison : Il n’est pas moins sensible à une femme de vivre avec un mary toûjours plein de vin, et qui semble être né plûtost pout boire que pour vivre ; ces défauts neanmoins ne suffiroient pas pour une separation de corps, si le jaoux n’accompagnoit point sa défiance d’outrages et de sevices, et si l’excez du mary n’offen-soit que les loix de la temperance, sans produire des actions dangereuses et terribles ; mais un esprit possedé par ces deux passions en vient bien-tost aux extrémitez, il ne peut retenir sa langue ny ses mains, et il est presque impossible qu’une femme puisse trouver seureté pour sa vie et pour sa liherté que dans une separation. Mr le Maître rapporte un Arrest donné contre un mary si furieux dans son intemperence, qu’il commettoit à sa femme les dernieres inhumanitez, ce qui donna lieu à la separation de corps : Il a été jugé au Parlement de Provence, que les extravagances et les outrages d’un mary jaloux donnent lieu à la femme de demander la separation de corps et de biens.

l’ay parlé des vices et des défauts du mary qui donnent un juste sujet à la femme de demander la separation de corps et d’habitation ; mais je ne mets pas en ce rang les maladies dont il peut être affligé : les disgraces et les malheurs qui surviennent durant le mariage ne doivent point alterer les affections des mariez, la bonne et mauvaise fortune doit se partager entr’eux également ; ils doivent ressembler aux deux mains, qui dans lordre de la nature se rêtent un secours mutuel. Silius Italicus fait dire ces belles paroles à Martia, femme de Regulus, qui le vouloit suivre à Carthage.

Hoc unum, conjux, uteri per pignorâ uostri Unum oro, liceat tecum quocumque ferentem Terrarum pelagique pati coelique labores.

EtS. Augustin . Augustin dans le Canon 18. c. 32. d. 16. Si quis uxorem habeat steribrm, vel deformem orpore, sive debilem membris, vel cocam, vel surdam, vel claudam, vel fi quid aliud sive morbis & doloribus langoribusque confectam, & quidquid exceptâ fornicatione cogitari potost, vehementer horribile pro fide et focietate sustineat. Ce qui est dit du mary doit s’appliquer à la femme. On ne prescrit rien pour lun touchant les devoirs du mariage, que lautre ne soit pareillement obligé de garder, quidquid juris jubetur hoc consequenter redundat ad feminas.Hieron . Epist. Ad Oceanum. Benard étant tombé en foiblesse d’esprit, sa femme obtint aussi-tost des Lettres de separation, et ayant refusé d’accepter la curatelle de son mary, les parens furent obligez de nommer un Curateur, et cette femme en consequence de sa separation sétant fait ajuger tous ses droits : Sur lappel du Curateur, de Meherent son Avocat disoit que le mauvais ménage du mary pouvoit bien donner lieu à la separation de biens, mais qu’il étoit d’on perni-cieux exemple qu’une femme se fist separer de biens pour une foiblesse d’esprit arrivée à son mary : La l. si cum dotem 22. 8. 7. D. Solut. Matr. décide en termes formels, que la fureut n’est point une cause valable de separation ; si morbus perpetuus est, qui tamen ferendus, runc nullo modo oportet dirimi matrimonium, quid enim tam humanum est quam in fortuitis casibus mulitris maritum vel uxorem viri participem esse. Puis qu’elle doit luy être en aide, et que les conjointe doivent participer à la bonne ou mauvaise fortune l’un de l’autre, et par ce principe au lieu de se separer elle doit employer ses soins et son bien pour assister son mary : Greard répondoit que son mary étant en curatelle, il n’étoit pas juste qu’elle tombât en la ouratelle d’au-truy, et que son bien passât en d’autres mains que les siennes, que les Loix que l’on avoit rapportées pour prouver que la fureur n’étoit pas une cause legitime de separation, avoient été abrogées par les Constitutions CXI. et CXII. de l’EmpereurLeon , qui avoit estimé que la fureur étoit une cause suffisante pour dissoudre le mariage : Par Arrest du 14. de Mars 1673. a Sentence fut cassée, et on ajugea à la femme le tiers du bien seulement, et pour lesurplus parce que tous les biens consistoient en meubles ) on renvoya les parties devant des Juges des lieux, entre Thomas le Monnier Curateur de Pierre Varin, appellant, et Magdeleme Dehors, intimées

Dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 5. c. 17. on traite la question, si l’Epl sepsie, autrement le Mal-Caduc, étoit une cause legitime de separation de corps et d’habitation s Il y eut un Arrest interlocutoire qui appointa les parties en droit, et cependant que les transactions seroient executées sans prejudice du droit des parties ; mais l’Auteur remarque, que bien que cet Arrest fût un prejugé contre un mary attaqué d’epilepsie, néanmoins que ce qui donna lieu à l’Arrest étoit qu’il paroissoit par une Enquête qu’il y avoit eu des violences de la part du mary s d’ailleurs y ayant une Transaction il étoit dans l’ordre d’en ordonner l’execution par provision ; ainsi l’on pouvoit dire, que quand il n’y avoit que le seul fait d’epilepsie, la question étoit encore indécise Dans le même endroit, et dans Mr le Prêtre Centurie 1. C. 101. on traite la agestion, si la Lepre est une cause legitime de separation de corps et d’habitation, par le Titre, De conjugis leprosi. Dans le Droit Canonique il est décidé que, lepra superveniens cum sit morbus con-tagiosus non dissolvit matrimonium, nec impodit ejus effectum, et redditionem debiti, etiam si valdé immineat pfriculum contagionis, et ces dornieres paroles détruisent la distinction desquels ques Docteurs entre les diverses espèces de lepre, dont ils font une espèce beaucoup plus dangereuse que l’autre ; car le Droit Canonique a décidé qu’encore même que periculum contagionis immineat, non impeditur effectus matrimonii, sed quid de separatione ex causa luis venes reae. vid. Alciatum ad Rubricam Solut. Matr. Mr lePrêtre , Cent. 1. c. 1o1.

Bien que les separations volontaires de corps et d’habitation soient reprouvées, il n’en est pas de même de la separation de biens, elle se fait par le Contrat de mariage, ou en vertu des Lettres du Prince entérinées suivant les formes, ou par la seule saisie réelle de tous les biens du mary ou de la meilleure partie d’iceux, pour empescher qu’il ne se commette des abus et des tromperies par ces separations, on y doit garder tant de solennitez qu’elles ne peuvent être clandestines ny inconnuës, et quoy que la dissipation de biens et le mauvair ménage du mary soit le sujet le plus ordinaire de la separation de biens, elle se peut faire aussi volontairement par un Contrat de mariage, ce qui n’offence point l’honnêteté publique, et ne détruit point le mariage ; car la communauté de biens entre les matiez n’est pas de s’essence du mariage, cette separation n’est qu’une sage précaution pour ne s’engager pas aveuglément aux dettes lun de fautre ; et pour faire subsister cette separation il n’est pas neressaire d’obtenir des Lettres à la Chancellerie ny de les faire enteriner, comme a crûGode -froy, il suffit que la femme fasse inventaire des meubles qu’elle apporte à son mary, et qu’elle fasse inscrire son nom au Tabellionnage.

Lors que la separation de biens est stipulée par le Contrat de mariage, le mary n’en peut empescher l’execution, bien que la femme ait vécu quelque temps avec luy sans s’en prévaloir, et même qu’elle luy ait laissé la joüissance de son bien : Il fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand-Chambre l’11. de May 1657. nonobstant l’opposition du mary, qui soûtenoit que le silence de la femme équipolloit à une renonciation ; plaidans Maurry et Heroüet. si au contraire une femme avoit vécu comme separée, qu’elle en eût fait tous les actes, et qu’elle eût soûtenu cette qualité contre les créanciers de son mary, elle ne seroit pas recevable à alléguer par aprés qu’elle ne l’étoit point. Catherine Maunourry opposa contre une execution faite à la requête d’un creancier, pretendant que les biens executez luy appartenoient en qualité de femme separée ; le procez meu sur cette opposition dura long-temps. devant les Juges de Casn et de Bayeux, au Parlement et au Privé Conseil en reglement de uges ; mais le mary de ladite Maunourry étant mort pendant le procez, elle renonça à sa succession, et declara qu’elle n’entendoit pas reprendre le procez, son mary fayant entrepris sous son nom, bien qu’elle fût en sa puissance, et qu’elle ne fût point valablement separée d’avec luy : Il est vray que la separation avoit été stipulée par son Contrat de mariage, mais son nom n’avoit point été inscrit au Tabellionnage. Saint Gilles qui representoit la nommée Racine, tépondoit que les creanciers peuvent bien objecter le défaut de solennitez, mais non la femme qui a paru long-temps en cette qualité, qui a fait tous les actes de femme separée avec d’autres personnes, prété et emprunté de l’argent : Par Arrest, au Rapport de Mr de Toufreville le Roux, du premier de Juin 1655. ladite Maunourry fut deboutée de ses Letres de restitution contre tous les actes qu’elle avoit passez, comme femme separée de biens.

Mais puisque la mauvaise conduite du mary est la cause legitime de la separation de biens, si au contraire un mary bon ménager portoit sa femme à demander cette separation pour la frustrer de la part qu’elle pourroit avoir en ses meubles et en ses acquests cette separation comme faite en fraude des droits de la femme ne luy pourroit nuire, bien que toutes les formes prescrites eussent été gardées : Il fut ainfi jugé le 21. de Mars 1658. en la Chambre de lEdit pour la Dame de Bourdeaux, de l’Epiné contre les heritiers du sieur de Bourdeaux son mary.

En ce cas lors que la femme pretend que la separation a été pratiquée pour la frustrer de ses droits, elle doit faire sa protestation durant le mariage, ou incontinent aprés la dissolution d’iceluy, autrement sa plainte ne seroit plus écoutée, suivant l’Arrest donné le 19. de Juin 1622. entre Magdelaine de la Place, veuve de Me Jean Maillard Conseiller au Presidial de Roüen, et les heritiers dudit Maillard ; ladite Maillard avoit été separée de biens constant son matiage, et en cette qualité elle avoit fait plusieurs Contrats et obligations, le mary de sa part avoit fait plusieurs acquests, et par son Testament il luy avoit donné tous ses meubles : aprés la mort d’iceluy elle appella de la Sentence qui enterinoit ses Lettres de separation, à l’effet de prendre part aux acquests faits par son mary, alléguant qu’elle n’avoit eu aucune participation en cette procedure, que son mary seul avoit obtenu les Lettres et fait juger l’enteri-nement d’icelles. On luy objectoit qu’elle ne pouvoit blamer une separation qu’elle avoit agreé, ayant fait tous les actes d’une femme separée, et pris cette qualité jusqu’à la mort de son mary, l. post mortem de adopt. et emancip. Par l’Atrest la Cour mit l’appellation an neant, et la femme fut déclarée non recevable à demander part aux acquests.

On doutoit autrefois si toutes sortes de femmes pouvoient demander la separation de biens ar exemple, la femme d’un Receveur des Tailles ou d’une autre personne qui a manié les peniers publies : La raison de douter étoit, que par l’Ordonnance de Roussillon on ne peut rendre par benefice d’inventaire la succession des personnes de cette qualite. Cette question l’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre le premier d’Avril 1639. pour Jeanne de la doussaye, femme d’un Receveur des Tailles, qui fut reçûë à se faire separer de biens ; plaidans Coquerel, et le Boulanger. Le quatrième du même mois et an, la même chose fut jugée pour la femme du Couteux, Receveur-Payeur des Gages des Officiers du Presidial de Roüen-

L’action en separation de biens est intentée ordinairement par la femme ; mais pourroit-on la refuser au mary s’il la demandoit ; De laLande , sur l’Art. 198. de la Coûtume d’Orléans, est de ce sentiment, que si un mary avoit une femme prodigue et d’une excessive dépense, il pourroit presenter Requête en Justice, à l’effet que la communauté fût refoluë : Nous er trouvons un Arrest célèbre dans la Bibliotheque du Droit François, in verbo Separatio. Il étoit échû une succession à la femme de Me Barnabé-le-Vest Avocat au Parlement de Paris, mais ne voulant pas être diverti du Barreau où il s’occupoit dignement, comme il paroit par ses Duvrages, pour vacquer à une multitude de procez et d’actions qui luy étoient faits par ses beaux-freres, il se fit separer de biens d’avec sa femme ; aprés les inventaires valablement faits, les sieurs de Poille, ses beaux-freres, appellerent des Sentences de separation de biens, soûtenant qu’elles étoient collusoires et sans cause, pour les vexer impunément sous le nom de sa femme, par le moyen de cette separation, et qu’ils avoient un interest notable de s’i opposer, afin que le mary étant responsable de l’evenement des mauvais procez, la femme ne les entreprit pas temerairement. Me le Vest alléguoit une juste occasion de craindre les procez, les appellans luy en ayant déja fait grand nombre, que cette apprehension étoit raisonnable, ayant été approuvée en un cas pareil par les Jurisconsultes, à l’égard de cel y qui renonçoit à une succession par ce motif ; car Ulpian en la I. qui poterat ad S. c. Trebell. E parlant de celuy qui heres institutus nolmt adire herrditatem veritus ne damno afficeretur, opinio, inquit, vel metus, vel color ejus qui noluit adire hereditatem inspicitur, non substantia here litatis.

La Cour, pour bonnes causes et raisonnables considerations à cela mouvans, ordonna que ce dont étoit appellé sortiroit son effet

Il est certain qu’en Normandie le mary peut stipuler valablement une separation de sbiens pour ne s’engager pas aux dettes de sa femme : Il pourroit encore la demander si sa femme se faisoit autoriser pour prendre une succession qu’il estimeroit onéreuse, parce que suivant nos Maximes, la seule autorisation ne le mettroit pas à couvert des condamnations qui stroit ne jugées contre. elle ; mais la plainte qu’un maiy feroit de la dépense et de la profusion de sa femme paroitroit ridicule, elle marqueroit sa foibl. sse et lon peu d’autoilté, car la Nature et les Loix luy donnant un si grand pouvoir sur les actions et sur la conduite de sa I. mme, I. se doit imputer à luy seul son malheur s’il ne l’empesthe pas de d’ssiper ses biens, puis qu’il peut si aisément luy en interdire le maniement et la dispensation.

Pour la separation de corps, comme il est difficile de chang r les mauvaises inclinations l’une femme, et de se rendre maître de ses yolontez, la plainte du mary pardit plus recevable. Par le Droit Romain, actio dabatur marito de moribus, cette action pouvoit être foimée pour plusieurs sujets dont il est fait mention en la Loy fubemus. 3. 2. C. de Repudiis ; elle éicit même coupable pour avoir bû du vin, si vinum bibit, si cum alio viro probri quid fecerit ;Aulugelle , l. 10. c. 23. Et comme par la mauvaise conduite du maïy la femme pouvoit repeter sa dori Papinien e mary pouvoit pareillement retenr la dot selon la qualité de la faute dont il accusoit sa f mme, ce que Mr Cujas a expliqué sur la Loy vir. uxor. l. 11. quest. Papiniani, où il d’stirgue, inter mores graviores & leviores uxoris. Parmy nous le crime d’adultere donneroit ouverture à la separation de corps, mais l’on peut revoquer en doute si le maiy la pourroit demander pour quelques autres déreglemens commis par sa femme ; ccla se décideroit selon la gravité des faits dont elle seroit accusée

Les separations de biens s’obtenant facilement, et la misere du siecle les ayant renduës tresfrequentes, il étoit necessaire pour prevenir les fraudes et les trompeties d’y apporter peaucoup de précautions ; quoy que parmy les Romains les divorces se fissent aisément neanmoins ils ne se pouvoient faire qu’en gardant plusieurs formes, le maty envoyoit ordinairement la lettre de divorce par quelque Affianthy, on y appelloit sept témoins, il prononçoit certaines paroles, par lesquelles il remettoit sa femme en sa liberté, et luy permettoit de reprendre ce qu’elle avoit apporté, l. 2. 3. 1. l. 9. D. de Divortio ; mais quand il ne s’agissoit que de la repetition de la dot, ce que la femme pouvoit faire lors que le mary tomboit en pauvreté, on n’y gardoit pas tant de formes.

On a requis un si grand nombre de solennitez par le Reglement de la Cour de l’année 1600. pour rendre notoires les separations de biens, qu’il est presque impessible qu’elles demeurent secrettes et inconnuës ; la plus essentielle et la plus necessaire, est celle qui oblige les femmes separées de faire inscrire leurs noms au Tabellionnage en des Tableaux qui y sont affichez publiquement dans les villes, afin que toutes sortes de personnes puissent en avoir connoissance : Cette formalité est indispensable, et on observeroit inutilemeng toutes les autres si elle manquoit,

Cette solennité, comme publique et perpetuelle, est aussi observée en d’autres lieux. Dans le Duché d’Orléans les jugemens de separation. sont proclamez à cri public, et signifiez u Synde des Notaires, avec injonction d’en avertir ses Confreres, lesquels doivent inscrire dans une Charte posée dans leur Etude en lieu publie, les noms des maris et des femmes separées, afin qu’aucun ne contracte avec eux sans le sçavoir, et par la même raison les noms des personnes seffrées de biens sont mis en un Tableau qui est exposé dans le Château d’Orléans De la Lande sur l’Article 198. de la Coûtume d’Orléans. Et par Arrest du Parlement de Paris rapporté par le Commentareur de Mr Loü-t, l. 5. n. 16. toutes Sentences d’interdiction doivent être publiées, et le nom de l’interdit écrit dans le Tableau qui est dans les Etudes des Nbtaires. Ce qui n’est pas seulement requis pour les separations qui se font en vertu de Lettres de Prince, mais aussi pour celles qui sont stipulées par le Contrat de mariage, autre. ment les meubles de la femme peuvent être vendus pour les dettes du mary comme il fut ugé par Arrest de la Grand. Chambre le 7. d’Aoust 1637. contre la Demoiselle le Monnier, femme du sieur de Vaudemont ; qui pretendoit que cette formalité n’étoit point necessaire pour les separations stipulées par le Contrat de mariage.

Il faut neanmoins remarquer que si en consequence de la separation stipulée par le Contrat de mariage la femme a fait un inventaire des meubles qu’elle apportoit à son mary, bien qu’elle n’ait point fait inscrire son nom au Tabellionnage, ni insinuer la separation aux Assises, toutefois les creanciers du mary ne peuvent executer ces meubles comme apparte-nant a leur debiteur. La Demoiselle de Mont-Rosti étoit separée de biens par son Contrat de mariage, et elle avoit fait un inventaire de ses meubles lans faire insinuer sa separation aux Assises : La bolle-mere creancière de son mary ayant fait saisir plusieurs meubles, dont une partie étoit comprise dans l’inventaire de la Demoiselle de Mont-Rosti, elle luy en contredit la main-levée, alléguant que la separation n’avoit point été publiée aux Assises : Elle ré-pondoit que c’étoit assez qu’il demeurât constant qu’elle eût apporté ces meubles-là à son mary, que le défaut d’insinuation ne luy pouvoit nuire qu’en cas qu’elle prétendit quelques droits sur les meubles de son mary, que cette belle-mere ne pouvoit pas alléguer qu’elie eûtr gnoré les clauses de son Contrat de mariage : Par Arrest du 17. de Novembre 1665. on ley ajugea main-levée de ses meubles, plaidans de l’Epiney et Aubout.

Autre Arrest sur ée fait : Le Contrat de mariage d’une femme contenoit une separation de biens et une déclaration particulière des meubles qu’elle apportoit à son mary, ces meubles furent saisis par les créanciers du mary avant qu’elle eût fait inscrire son nom dans le Tableau des femmes separées, et ayant été deboutée de son opposition contre cette saisie, elle disoit pour moyens d’appel, que si en qualité de femme separée elle demandoit ses droits sur les biens de son mary, elle ne pourroit les avoir, si elle n’avoit observé toutes les formes requises pour la validité des separations, et notamment si elle n’avoit pas mis son nom au Tabel-lionnage ; mais que l’observation de ces solennitez n’étoit pas necessaire à l’effet de luy conserver ce qui luy appartenoit, et qu’elle avoit reservé par son Contrat de mariage ; car ces biens n’appartenant point à son mary, puis qu’elle ne les luy avoit point donnez, ses créanciers n’avoient pû les saisir : Ainsi le défaut d’avoir inscrit son nom au Tabellionnage. la privoit bien de prendre part aux biens de son mary, mais il ne luy ôtoit pas ce qui luy appartenoit en proprieté. De Cahagnes pour le creancier luy objectoit qu’elle ne pouvoit demander ce qui avoit été trouvé dans la maison de son mary qu’en vertu d’une separation valable. C’est le seul moyen qui peut servir à la femme, cessant quoy tout est presumé appartenir au mary : Par Arrest du 26. d’Octobre 1666. en la Chambre des Vacations, la Sen-tence fut cassée, et main-levée des meubles accordée à la femme.

Les diligences requises pour la separation doivent être faites devant les Juges Royaux et non devant l’Official, auquel les Lettres du Prince, ne sont jamais adressées : a légard des Hauts-Justieiers, par Arrest du 23. de Février 1657. il a été jugé entre les officiers Royaux de Montivilliers et le Bailly de Longueville, que le Haut-Justicier pouvoir sonnoître des Lettres de separation civile, mais l’on pretend que cela ne doit pas être tiré en consequence pour les autres, et quand il s’agiroit d’une separation de corps et d’habitation, le Juge d’Eglise n’en seroit pas competent, parce qu’il ne connoit que de federe matrimonii, suivant un Arrest rapporté dans la seconde partie du Journal des Audiences du Parlement de Paris, l. 2. c. 17. Dans la Bretagne la Jurisdiction Ecclesiastique s’est maintenue dans li possession de connoître de plusieurs matieres qui sont ailleurs de la competence du Juge Royal ; neanmoins Mi d’Argentré convient que cognitio separationis bonorum est fori laici, etiam si Canonistarum constitutiones de eo liberius difponant quam nunc, Art. 429. gl. 5.

Il est juste que les creanciers soient appellez à l’enterinement des Lettres de separation pour y conserver leur interest, les femmes demandant souvent ces separations de. biens sans aucun pretexte. Pour prevenir ces fraudes, la Cour a prudemment ordonné que les créanciers seroient appellez pour consentir ou pour contredire l’enterinement des Lettres de sepa-ration, pafce qu’ils sont les seuls contradicteors legitimes ; ce ne seroit pas neanmoins une nullité de n’avoir pas appellé generalement tous les creanciers, il peut être que la femme né les connoissoit pas ; mais ce seroit une nullité de n’en avoir appellé aucun, suivant les Arrests remarquez par Mr JosiasBerault , que si la femme étoit convaincuë d’avoir soustrait les meules de son mary, elle ne seroit pas recevable à demander la separation ; neanmoins une fêmme nommée de la Fosse, femme d’un surnommé Quinet, ayant été deboutée de ses Lettres de separation à cause des soustractions qu’elle avoit commises, et depuis ayant obtenu de nou velles Lettres on n’eut point d’égard à l’opposition de la belle-mere, parce qu’ellehe luy imputoit aucune soustraction : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 18. de Fé-vrier 1631. Pour donner effet à la separation en Normandie s’suffira-t’il d’avoir gardé les solennitez prescrites en cette Province, ou s’il suffit d’avoir observé ce qui est prescritapar les Coûtumes des lieux où les conjoints étoient domiciliez au temps de la separation ; Le Gendre et Marie Boulais sa femme demeuroient à Paris, cette femme se fit separer de biens ; depuis étant retournez à Caën, ils y demeurent sans faire paroître par aucune action qu’ils fussent sepaJez. De Noyon et Penon creanciers du mary ayant fait saisir leurs meubles, la femme en qua-lité de femme separée en demanda la main-levée, soûtenant que nonobstant sa demeure en Normandie, sa separation étoit valable puis qu’elle avoir gardé toutes les formes requises suivant l’usage de Paris où elle avoit lors son domicile, et que lors qu’il s’agit de solennitez on n’est obligé de garder que celles du lieu où l’acte a été passé : au contraire les créanciers pretendoient que l’on ne devoit y avoir aucun égard, cette separation n’ayant point été publiée à Caën ; qu’ils avoient contracté de bonne foy avec le mary le croyant maitre des meubles suivant la Coûtume de cette Province, qu’en tout cas elle devoit rendre sa separation notoire en mettant son nom au Tabellionnage ; le Juge de Caen avoit prononcé bonne cause l’execution faite, faute d’avoir fait enrégistrer le Jugement de separation auBailliage de Caën.

Sur l’appel on mit les parties hors de Cour, par Arrest donné en la Chambre de l’Edit les 16. de Decembre 1658. On objectoit à la femme qu’elle n’avoit point fait d’inventaire suivant l’usage de Paris. Bien qu’il ne soit pas necessaire, lors que la separation a été jugée dans une autre Coûtume où les conjoints avoient leur domicile, de reiterer les formalitez requises par nos Reglemens, lors qu’ils viennent demeurer en Normandie, néanmoins il faut ren-dre la separation notoire en la faisant lire aux Assises, ou en méttant les noms au Tabellionnage.

La femme separée ayant observé tout ce qui luy est ordonné par les Reglemens, il faut examiner quels sont les effets de la separation et le benefice qu’elle en reçoit. La separation luy donne ouverture pour demander la joüissance de sa dot et de son doüaire, on luy ajuge même ses parafernaux ; car nous donnons en ce cas le même effet à la mort civile qu’à la mort naturelle : et en ce point nôtre Usage est contraire à celuy où l’on fait différence entre la separation de biens et la separation de corps et d’habitation : au premier cas la femme peut redemander ce qu’elle a apporté, mais non son doüaire ny son preciput, ny la communauté, ny le don de survie ; mais quand il y a separation de corps et d’habitation, elle peut deman der la restitution de ses droits matrimoniaux, élire la communauté, et en prendre sa part et Prestre y renoncer, et demander la restitution de ses conventions de mariage : Mr le Prestre Cent. 1. c. 67. MrLoüet , 1. D. n. 36. On jugea la même chose entre Pierre de Rouves, appellant de Sentence renduë par le Bailly de Roüen, ou son Lieutenant au lieu, et Marguerite de Caux sa femme, intimée. Il étoit ordonné par la Sentence que vû ce qui resul-toit de l’information, pour les blasphemes proferez par ledit de Rouves, il étoit condamné en 200. livres d’amende, et que ladite de Caux demeureroit separée de corps et d’habitation d’avec luy l’espace de cinq ans, pendant lesquels il la pourroit visiter, et qu’il luy payeroit annuellement 900. livres, et la somme de 1000. livres au lieu de ce qu’elle devoit remporter par son Contrat de mariage : Par Arrest donné en la Chambre des Vacations le 8. de Novembre 1660. la Sentence fut confirmée, ladite de Caux separée de corps, et le mary cons damné de luy payer la somme de 1500. livres de pension, si mieux n’aimoit luy accorder dés present ses droits et conventions de mariage ; Les sevices du mary donnerent lieu à l’Arrest.

On donne tant d’avantage à la femme separée de biens, que par Arrest au Rapport de Mr d’Anviray du 14. d’Aoust 1656. entre Marguerite du Hamel, femme d’un surnommé Belet, et les creanciefs dudit Belet, sur la question sçavoir si 3000. livres de meubles donnez par augmentation de dot à une Demoiselle, en cas que son mary la predecedant, pou-voient être demandez en consequence de la separation civile ; il fut jugé que la femme separée joüiroit dés à present des interests de cette somme Pour joüir de l’effet de la separation, tant pour les meubles que les immeubles, la femme doit faire faire un inventaire des meubles du mary, et se faire ajuger sur iceux ses parafernaux, autrement tous les meubles sont reputez appartenir au mary : Elle doit pareillement presenter aux créanciers des lots à doüaire, et faire proceder à la choisie d’iceux ; que si ells neglige de le faire, les fruits peuvent être saisis par les créanciers du mary : Ce qui ne rend pas la separation nulle, mais elle perd la joüissance de son doüaire durant le temps qu’elle neglige de faire des lots.

Si nonobstant la separation le nary reçoit les revenus de sa femme, on a revoqué en doute si ses quittances étoient valables, et si la femme étoit obligée de les approuvers Lors que la femme demeure avec son mary, et qu’il luy a fourny sa nourriture et son entretenement elle n’est pas recevable à faire payer une seconde fois ses fermiers, ou ses debiteurs ; mais le mary avoit dissipé mal à propos les revenus de sa femme sans les avoir employez à sa nour riture et à celle de sa famille, elle ne seroit pas tenuë d’en alloüer les quittances La separation donne véritablement à la femme la joüissance de ses biens, mais on luy en interdit entièrement l’alienation, et elle ne peut les hypothequer, non pas même du consentement ou de l’autorité de son mary ; car tant s’en faut que par la separation elle acquiere une pleine liberté de disposer de son bien, qu’au contraire elle est liée plus étroitement qu’auparavant : lors qu’elle n’étoit point separée, elle pouvoit vendre du consentement et par l’autorité de son mary ; mais aprés sa separation ses biens deviennent inalienables, et le consentement du nary ne peut rendre valable l’engagement ou la vente qu’elle en a faite : Nôtre Usage est fondé sur cette raison, que le mauvais ménage et la pauvreté du mary donnant lieu à la separation, et n’étant introduite que pour donner le moyen à la femme de se nourrir et d’en-tretenir sa famille, ce secours de la Loy luy deviendroit inutile, si le mary pouvoit l’engager à vendre son bien : Il est vray que la Coûtume permet à la femme de vendre son bien du consentement de son mary ; mais c’est à condition que les biens du mary soient suffisant pour le remplacer. Or quand la femme est forcée de se separer, l’on presume que sa fortunt rest déplorée, et qu’il n’a point dequoy remplacer ; de sorte que si la separation ne lioit pas les mains à la femme ; elle luy deviendroit inutile. Suivant l’Usage de Paris la femme separée peut aliener et s’obliger sans le consentement de son mary ; la raison est que la vente des biens de la femme étant valable lors qu’elle est faite du consentement du mary, quoy qu’elle n’en puisse avoir recompense sur ses biens, on conserve encore cette liberté à la femme aprés sa separation pourvû qu’elle soit autorisée ; mais nos principes étans contraires, et la vente des piens de la femme ne pouvant valoir qu’à condition du remploy, nous n’estimons pas raisonnable de permettre ces alienations lors que le mary n’est plus en état de bailler un remploy Quoy qu’il en soit, puis que l’on ôte au mary la joüissance du bien de sa femme, on doit beaucoup plûtost luy en interdire l’alienation : Et c’est ce que la Cour a ordonné par le Retlement de 1600. Du Moulin sur la Coûtume de Bourbonnois, Article 170. et 232. a soû-renu que facta separatione mulier non est amplius sub potestate viri, d’où il s’ensuivroit qu’elle pourroit s’obliger et disposer de ses biens, et quelques Coûtumes le disent expressément : Lorris c. 8. Art. 6. Sedan, Art. 95. et 97. mais suivant plusieurs autres Coûtumes et par lesArrests du Parlement de Paris, la femme nonobstant la separation demeure en la puissance du mary.

Que si la femme tire quelque avantage de sa separation, elle en reçoit aussi ce prejudice, qu’elle n’a point de part aux meubles et acquests faits par son mary depuis sa separation, encore bien qu’elle soit stipulée par le Contrat de mariage, suivant l’Article 80. du Reglement de 1666. Autrefois plusieurs estimoient que ces sortes de separations ne détruisoient pas les effets ordinaires du mariage, et que nonobstant icelle lors que la femme ne renonçoit point à la succession de son mary, elle prenoit part à ses meubles et acquests : Cependant puis que par cette precaution elle veut mettre son bien à couvert et en demeurer la maîtresse, il est juste qu’elle ne profite point du bon ménage et de l’industrie de son mary, et qu’elle ne participe point à des biens à l’acquisition desquels elle n’a point contribué. Cela fut jugé par Arrest, au Rapport de Mr d’Amiens, en la Chambre des Enquêtes le 23. d’Aoust 1656. entre Pinchon et de la Mort ; et par un autre au Rapport de M des Hommets, du 19. de Mars 1664. le mary par la separation est privé de la joüissance du bien de la femme qui auroit augmenté ses meubles et ses acquests ; Il n’est donc pas raisonnable d’y faire participer la femme qui fait de son côté profiter son bien.

Plusieurs femmes separées s’imaginent que la separation les exempte de l’assistance où elles sont tenuës envers leurs maris ; mais si les matis sont pauvres, elles doivent leur fournit leurs alimens. Il est vray que dans la Bibliotheque du Droit François, in verbo searatio, on rapporte un Arrest, par lequel sur la demande d’alimens faite par un mary à sa-femme separée de biens, la Cour mit les parties hors de Cour ; mais E motif fut que la separation avoit été faite pour les débauches et les sevices du mary. Suivant l’Usage de Bor-deaux, les jugemens qui autorisent la separation contiennent expressément que la femme sera tenuë de porter respect à son mary, et de le nourrir. Il seroit à propos d’y ajoûter ces mêmes conditions.

Nos Auteurs ont traité cette question, si lors que les jugemens de separation ont été rendus dans toutes les formes, et qu’ils ont eu leur execution, ils peuvent être dissous par un consentement tacite, ou par quelque Contrat ou Transaction, sans autorité de Justice Par l’Article 199. de la Coûtume d’Orléans, si aprés la separation de biens d’entre homme et femme ils se rassemblent et mettent leurs biens ensemble, l’effet de la separation cessera et rentresont en communauté.Labbé , sur la Coûtume de Berry t. 1. Art. 48. est de cette opinion, que le consentement tacite qui s’induit de la demeure et habitation et des Contrats passez par la femme sans prendre la qualité de femme separée, les baux des revenus de son bien et autres actes de pareille nature, sont suffisans pour rompre la separation et rétablir la société qui voit été rompuë. D’autres estiment que cela se peut, pourvû qu’il y en ait Acte par écrit exprés et formel.

Cependant de la Lande sur cet Art. 199. de la Coûtume d’Orléans, convient bien que si l’on s’arrétoit aux termes seuls de cet Article l’on pourroit avoir cette pensée, que la seule habitation et le mélange des biens du mary et de la femme suffiroient pour rétablir la communauté ; mais que le Parlement de Paris a interpreté la Coûtume de cette manière, que se rassembler aprés la separation, est se remettre solennellement ensemble : Ce n’est donc pas assez que les conjoints reviennent en même logis, qu’ils mélent leurs biens ensemble et passent d’autres actes où la femme ne prenne point la qualité de femme separée, il est necessaire pour rétablir la societé dissoute et aneantir la separation, que les conjoints declarent par Acte formel devant un Notaire ou au Greffe, qu’ils renouvellent leur communauté. C’est aussi le sentiment de Brodeau sur M.Loüet , l. 5. n. 16. que la communauté ayant été rompué par un cte parfait et legitime, elle ne peut être reintegrée que par un mutuel et nouveau consentement prété par un Acte formel et précis.

Mais en cette Province ny le consentement tacite ny l’acte par écrit n’aneantiroient pas la separation, l’on presumeroit que le mary auroit exigé ces consentemens par crainte ou par force : l’autorité du Juge seroit necessaire pour faire valoir ces actes : Et puis que le consentement, soit tacite ou per écrit, ne suffit pas pour établir une separation, et qu’elle doit être publiée et autorisée en Justice, il est necessaire pour détruire ce qui a été fait que l’autorité du Juge intervienne. Pour rompre la separation faite avec connoissance de cause, les choses doirent être défaites avec la même solennité qu’elles ont été établies : Nam fere eadem est ratio obligandi et liberandi l. nihil tam naturale. D. de Reg. Jur. Et puis qu’un jugement a été necessaire pour établir la separation, elle ne peut être rompue ou retractée que par la même voye.

Voyons maintenant ce que deviennent les biens de la femme separée aprés son decez.

Suivant cet Article, ses meubles appartiennent à ses enfans : sous ce nom d’enfans il faut comprendre non seulement les enfans de la femme sortis de son dernier mariage, mais aussi ceux des mariages precedens ; la raison est qu’étant tous enfans d’une même mère, la condition des uns ne doit pas être plus avantageuse que celle des autres, et l’on doit presumer que la mere a acquis tous ses meubles par son industrie, parce qu’elle n’a pû avoir que ses parafernaux sur los meubles de son défunt mary. Au défaut d’enfans la Coûtume dispose que les meubles seront employez à la nourriture du mary et à l’acquit de ses dettes : Mr Jacques Godefroy a beaucoup raisonné pour sçavoir si le mary n’étant point necessiteux, et u contraire ayant dequoy vivre, et n’ayant point de creanciers, les meubles de sa femme devoient être employez à sa nourriture, ou si les heritiers de la femme luy étoient preférables Mais cette question n’est point problematique, la separation n’a pas éteint absolument tous sles droits du matiage, et si les enfans ont été prefèrez au mary, il ne s’enfuit pas que des neri tiers collateraux doivent avoir le même avantage : et la Coûtume ayant destiné les meubles de la femme separée pour la nourriture du mary quand elle n’a point d’enfans, il ne faut point distinguer si le mary est riche ou pauvre.

En donnant les meubles au mary, sera-t’il obligé d’acquiter toutes ses dettes s La raison de douter est que la femme est véritablement obligée aux dettes de son maty lors qu’elle prend part en sa succession ; mais le mary n’a pas ces meubles comme heritier, sed jure maviti ; néanmoins à quelque titre qu’il les prenne il doit payer les dettes, ou pour mieux dire I n’y a rien que les dettes de sa femme ne soient acquitées : ainsi jugé en la Chambre des Enquêtes le 21. de Juin 1625. au Rapport de M’Buquet. Si toutefoisal avoit fait inventaire Il n’en seroit tenu que jusques à la concurrence de la valeur des meubles, car il n’est pas heritier, mais ces meubles luy sont donnez par la Coûtume, à condition de les employer à sa nourriture et à l’acquit de ses dettes.

Cet Article ne parle point des immeubles de la femme separée : a l’égard des immeubles qu’elle possedoit au temps de la separation, j’ay remarqué sur l’Article CCCLXXXII. que le droit de viduité n’est point éteint par la separation. Pour les acquests faits par la femme durant sa separation, puis que l’Article 382. donne au mary la joüissance de tous les biens qui appartenoient à la femme lors de son decez, il n’y a pas d’apparence d’en excepter ces acquests ; et comme l’on ne distingue point pour les meubles, s’ils appartenoient à la femme lors de sa separation, ou si elle les a acquis depuis, il ne faut point aussi mettre de difference entre les immeubles. Berault sur cet Article a remarqué qu’un mary, quoy qu’il n’eûr point eu d’enfant né vif, pretendoit neanmoins joüit à droit de viduité des acquests faits par sa femme depuis sa separation. La Cour le déclara mal fondé dans sa pretention, et néanmoins ayant égard à sa pauvreté, elle ordonna qu’il prendroit une provision sur ses acquests. D’oû s’on peut inferer, que le droit de viduité ne luy auroit point été contesté s’il avoit eu des enfans.


CCCXCII.

Part de la femme aux meubles du mary.

Aprés la mort du mary la femme a le tiers aux meubles, s’il y a enfans vivans de son mary, en contribuant aux dettes pour sa part, hormis les frais des funerailles et laiz testamentaires : et s’il n’y en a point, elle y a la moitié aux charges que dessus.

Suivant cet Article la femme a le tiers aux meubles lors qu’il y a des enfans, et la moitié lors qu’il n’y en a point. Pour empescher qu’elle n’ait la moitié, les enfans de son mary issus d’un mariage precedent luy font obstacle aussi-bien que ses propres enfans ; la Coûtume s’en est nettement expliquée par ces paroles, s’il y a enfans vivans de son mary ; de sorte que pour reduire au tiers sa portion aux meubles, il suffit que son mary laisse des enfans : ce qui comprend aussi les enfans des enfans.

Il est bien certain que quand le Contrat de mariage a été passé en Normandie, et que le mary y étoit domicilié lors de son decez, sa femme ne peut avoir plus grande portion de ses meubles que celle qui luy est limitée par cet Article ; mais nous tombons dans la même dificulté que l’on fait pour les acquests, lors qu’il y a une communauté stipulée par le Contrat, pu que le mary a donné à sa femme une pius grande part de ses meubles qu’il ne luy est ermis par cet Article ; car d’un côté l’on pretend que les pactions de mariage ne peuvent être détruites par le fait volontaire de l’un des conjoints, et d’autre part nous soûtenons qu’un homme peut changer de domicile, et que les meubles suivent sa personne, et se reglent selon la Coûtume du lieu où il est décedé. On le jugea de cette sorte par l’Arrest de Jeanne de Lastre, contre Marie le Grand sa mere, que j’ay rapporté sur l’Art. CCexXx Lors que l’on vient à proceder au partage des meubles, il arrive souvent de la contestation touchant la qualité de cettains biens, pour sçavoir s’ils sont meubles ou immeubles. Il y a certains meubles precieux qui ne devroient point être emportez par les femmes. Pithou sur la Coûtume de Troyes, t. 2. Art. 11. remarque un Arrest du Parlement de Paris, par lequel il fut dit que la veuve qui prenoit les meubles n’auroit point les Ornemens de la Chapelle du Châreau, et que par un autre Arrest il fut dit que quant à la grosse Artillerie appellée canons et pierriers, elle seroit remise au Château d’où ils avoient été tirez par la veuve, et que pour la menuë artillerie et engins à la main, ils seroient partagez comme meubles : Tronçon sur l’Article S8. de la Coûtume de Paris. Depuis on a jugé le contraire au Parlement de Paris pour Madame de Montpensier, à qui Mr de Montpensier avoit donné tous ses meubles, les Ornemens des Chapelles luy furent ajugez ; par Arrest de ce Parlement donné en l’Audience de 5. de Juin 1516. entre Dame Anne de Moüy, et le Sieur d’Enneval ; il fut dit que les meubles precieux d’une maison ne pouvoient être donnez par testament par un mary à sa femme, quia sint immobilia et subjacent retractui ; mais aujourd’huy l’on ne luit plus cette Jurisprudence, et les meubles pour precieux qu’ils puissent être sont toûjours considérez comme meubles : Il en est de même des canons s’ils peuvent être enlevez sans les demonter. Nous vons un titre exprés touchant les choses qui sont censées meubles ou immeubles, il est plus propos de remettre les matieres sur ce titre-là.

La femme n’a de part aux meubles qu’à condition de contribuer aux charges et aux dettes de la succession de son mary. Il faut mettre au nombre des charges le remploy des propres alienez Chassanée qui doit être fait sur les meubles au défaut d’acquests. Chassanée sur la Coûtume de Bourgogne, Tit. des Droits appartenans à gens mariez, S. 2. in verbo acquest, estime que si le mary a été condamné en quelque amende, et qu’il décede sans l’avoir payée, sa veuve n’est point enuë d’en payer sa part, parce qu’il ne faut point confiderer le Fisc comme un véritable creancier, impropriè et abusivè ex generali vocabuli significatione ita appellatur.Bartol . in l. si vibi propriam. D. si cert. pet. et par cette raison le mary pour l’amende à laquelle il a été condamné ne peut être appellé proprement debiteur, l. cum duobus S. damna. D. pro socio ; mais cette distinction n’est pas véritable ny solide, celuy qui commet une faute pour laquelle il est condamné en l’amende contracte une dette delinquendo contrahimus : Et c’est pourquoy, suivant l’usage et la maniere ordinaire de parler, les amendes sont comprises fous le mot de ettes : Or la femme ne pouvant prendre part aux meubles qui restent qu’aprés les dettes acuitées, elle ne peut s’exempter de contribuer au payement des amendes comme des autres dettes, et c’est aussi le sentiment de Pontanus sur l’Article 178. de la Coûtume de Blois, sub debitorum generali appellatione & etiam ea quae ex delicto funt, venire certum est prout cui ex lelicto debetur creditoris vice habeatur, et qui debet, is pro debitore sit.

Mais les frais des funerailles et les legs testamentaires ne sont point compris au nombre les dettes, chacun sçait en quoy consistent les frais funeraires, quidquid corporis causa, anteuam, sepeliatur consumptum est funeris impensam esse existimo. l. Funeris sumptus. D. de Relig. et sumpt. mais dans ces frais funeraires l’on n’y comprend point les medicamens, ainsi jugé en la Chambre des Enquêtes le mois de Mars 1657. au Rapport de Mr Fermanel. C’est ane dette privilegiée, mais qui ne fait point partie des frais des funerailles. Il est sans doute que la veuve ne fait point le deüil à ses dépens, isgere non debet maritum suis sumptibus, bien qu’elle soit son heritiere. Mr d’Argentré est d’un sentiment contraire sur l’Article 416. gl. 3. et que l’heritier n’est tenu de donner les habits de deüil à la veuve que quand elle renonce à la succession, nam heres lugere debet suis sumptibus. Cependant puis que le devoir et la bien-seance obligent une veuve à donner des marques publiques de sa douleur, et à témoigner le ressentiment qu’elle a de la mort de son mary par les habits lugubres, il ast juste que la dépense en soit fournie par les heritiers du mary, les loix n’obligent point les maris à ces tristes cérémonies, parce qu’ils doivent faire paroître plus de force et de fermeté d’esprit, feminis lugere honestum est, viris meminisse ; et par cette raison les heritiers de la femme ne doivent pas fournir au mary les habits de deüil. Sur cette matiere voyezLoüet , I. V. n. 11.

Comme l’on ne fait cette gratification à la veuve que dans la creance qu’elle est sensiblement touchée de sa perte, et qu’elle désire honorer la mémoire du défunt par une marqui visible de son déplaisir ; si cette veuve dés les premiers jours de sa perte laisse tarir ses larnes, et ensevelit dans un même tombeau le corps de son mary et tout le souvenir de l’ami tié conjugale, elle devient indigne d’avoir et de porter les marques d’un deüil qu’elle ne res sent point dans son coeur. Charlotte de Ciresme, veuve du sieur de S. Cir, Receveur des Tailles à Vallogne, se remaria trois mois agrés la mort de son mary ; et quoy qu’elle ne fût grosse, et qu’elle eût épousé un Gentilhomme nommé Hervieu, sieur de Monibosc toutefois ayant demandé ses habits de deüil, on l’en jugea indigne par cette precipitation n’étant pas raisonnable de luy donner des habits qu’elle ane porteroit point ; et par Arrest en l’Audience de la Chambre des Vacations du 3. de Novembre 1637. elle en fut privée Les heritiers, à l’exemple de la veuve, ont pretendu que quand il y avoit un legataire universel des meubles, il étoit tenu de leur faire une pareille gratification, et de leur donner des habits de deüil ; mais on a fait différence entre les heritiers collateraux et les enfans Pour les collateraux, la question en fut décidée par Arrest en la Chambre de l’Edit le 95. de Juin 1631. pour le sieur Bequet, ayant épousé la veuve d’un Tailleur nommé Piquet, quoy que sa femme fût legataire universelle des meubles de san premier mary, il fut déchargé de donner les habits de deüil aux heritiers collateraux, mais seulement aux domestiques et serviteurs du défunt. Autre Arrest pour la Dame veuve de Bretel, sieur de Nelete, elle avoit été condamnée de payer le deüil aux heritiers de son maty : Sur son appel la Sentence fut cassée, et sur l’action des heritiers les parties hors, de Cour, par Arrest du 22. de Février 1652. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit, plaidans Lyout pour Me Christophe Tassil Prêtre, et moy pour Me Jean Beliard Procureur à Arques, il fut dit qu’il en soroit deliberé, et le 9. de Decembre 166t. on donna l’Arrest qui déchargea ledit Beliard légataire.

Autre Arrest, au Rapport de Mr Clement, du 2. de Decembre 1651. entre une veuve nommée Maille, tutrice des enfans de Guillain, sieur de Convenant, héritière aux propres et acquests de Me Nicolas Guillain, d’une part ; et Bertelot et le Maréchal heritiers de Catherine Patin, veuve et légataire universelle des meubles dudit feu Nicolas Guillain, par le-quel en reformant la Sentence du Juge d’Evreux, qui avoit condamné ladite Patin à fournir les habits de deüil audit sieur de Convenant heritier dudit sieur Guillain son oncle, à sa femme et à son fils ainé ; on déchargea les heritiers de ladite veuve de cette demande Autre pour le Curé de S. Sauveur de Caën, du 6. de Juillet 1646.

Pour les enfans, la question s’offrit entre la Dame veuve de feu Mi Dandasne Conseillet un la Cour, et Commissaire aux Requêtes du Palais, et legataire du tiers des meubles dudit défunt, et les enfans dudit sieur Dandasne ; les avis ayant été partagez en la Grand. Champre, et départis en celle des Enquêtes, il passa presque tout d’une voix à donner le deüil aux efans et aux domestiques, par Arrest du 3. d’Octobre 1647.

Autre Arrest sur ce fait : Guerin, sieur de Tourville, étant mort, Claude Guetin, sieur d’Arcambourg son fils renonça à sa succession ; elle fut prise par Tannegui Guerin, fils de l’ainé, qui avoit par preciput une terre de ro0oo livres de rente ; les meubles furent estimez entre l’ayeule, l’oncle, et le neveu, à 17oo livres, et laissez au sieur de Tourville à la charge de payer les frais funeraux : Claude Guerin ayant été condamné à payer le desiil au Marchand qui l’avoit foutny, fauf son recours sur le sieur de Tourville, je soûtenois pour luy qu’il avoit été mal jugé, et pour cet effet je traitay ces trois questions. 1. Si les habits de deilil étoient compris dans les frais funeraux : 2. a qui c’étoit de les payer : 3. Contre quelles personnes il falloir agir : Pour le premier point, suivant le Droit Romain, les frais des funerailles étoient reglez pro facultatibus et dignitate defuncti : si la personne est riche on doit au moins le deüil aux enfans, suivant l’Arrest de la Dame de Tourville. Pour le second point, l est certain que impensa funeris ex hereditate deducitur, que etiam solet omne creditum antecedere. l. impensa de Relig. et sumpt. fieri. Or le sieur Guerin ayant renoncé à la succession, il n’y étoit point obligé, les frais des funerailles doivent être payez sur les meubles que le sieur de Tourville avoit eus à vil prix, à cette condition de payer les frais des funerailles : pour l’action il la falloit intenter contre l’heritier, qui in fumus aliquid impendit cum defuncto contrahere vie detur. l. 1. eod. Et par une autre loy, datur hec actio adversus eos ad quos funus pertinet, veluti heredes. Heroüet pour le sieur de Tourville pretendoit que les habits de deüil que le sieur d’Arcambourg avoit eus ne devoient point être compris dans les frais funeraires, et qu’il étoit obligé de faire le deüil à ses dépens, que sa partie avoit payé beaucoup plus que la valeur des meubles : La Cour, à l’égard du Marchand, confirma la Sentence, et condamna le sieur de Tourville à payer les 25o livres qui étoient dûs par Claude Gucrin pour les étofes qu’il avoit prises, par Arrest de l’11. de Mars 1650

La femme n’ayant part aux meubles que lors que son mary la predecede, s’il est incertain. lequel des deux est mort le premier, comment le fera le partage des meubles ; Jean Adeline et sa femme retournant d’un Pelerinage tomberent avec leur cheval dans la Seine, où ils a furent noyez tous deux ; Jean le Coq heritier de la femme pretendit que le mary et la femme étant morts eodem momento eodemque fato, l’on devoit presumer que le mary étoit mort de premier, et que par consequent sa femme avoit succedé pour une moitié aux meubles, mais ayant été debouté de son action il soûtenoit qu’il auroit été mal jugé, que le mary étant plus âgé la presomption de droit étoit qu’il avoit le premier succombé. Adeline, frère du défunt, disoit au contraire, qu’il avoit été bien jugé, que la femme étant plus foible à cause de son fexe, et moins capable de se fauver, elle avoit fait moins de resistance ; et en effet il étoit rapporté par une Information que le mary avoit été vû le dernier sur l’eau, criant mon Dieu sauvez-moy ; que d’ailleurs les heritiers du mary étant saisis ; et l’heritier de sa femme étant demandeur incumbebat et onus probandi : Par Arrest du Il. de Mats 1655. laCour mit sur l’appel les parties hors de Cour-


CCCXCIII.

Neanmoins s’il n’y a que des filles qui ayent été mariées du vivant de leur pere, elle a la moitié au meuble, pourvû que le mary soit quitte du meuble par luy promis à ses filles ou gendres, en faveur de mariage.

Il faut joindre à cet Article le CCCCXIX. si le mary n’a que des filles qui ayent été mariées du vivant de leur pere la femme a la moitié aux meubles, pourvû que le mary soit quitte du meuble promis à sa fille. L’Article 419. contient ces paroles, néanmoins s’il n’a que des filles ja mariées, et qu’il foit quitte de leur mariage, il peut disposer de la moitiè : La difference de ces termes ne cause aucune contradiction entre ces deux Articles : le sens du pre-mier est que la femme a la moitié aux meubles en cas que ses filles soient mariées, et que le pere soit quitte du meuble qu’il leur a promis ; ainsi pour avoir la moitié des meubles il n’est pas necessaire que le mariage des filles soit payé et acquitté, mais il suffit qu’il ne soit plus tien dû du meuble : L’autre Article ne regarde point : linterest de la femme, mais celuy du mary : pour avoir la liberté de disposer de la moitié de ses meubles, il doit être non seuement quitte du meuble, mais aussi du mariage de ses filles.

Pour l’explication de cet Article, je rapporteray un Arrest donné en l’Audience de la GrandChambre le 29. de Janvier 1626. Le sieur de Parfontaines avoit marié une fille sortie de son premier mariage au sieur Cantel Greffier en la Chambre des Comptes, et luy avoit promis six mille livres pour don mobil, payables trois jours avant les époufailles ; le 18. de Janvier 1617. il prit en rente six mille livres de la Demoiselle Dambray, et cinq jours aprés il pays les six mille livres promis : le pere étant mort sans enfans de son second mariage, sa veuve demandoit la moitié aux meubles en vertu de cet Article, elle luy fut ajugée par Sentence des Requêtes du Palais : Cantel en ayant appellé, Baudri disoit que le pere n’étoit pas quitte du don mobil promis à sa fille, puis qu’il le devoit à la Demoiselle Dambray, que la proximité du Contrat de constitution et du payement, et la parité de la somme, montroient assez que les six mille livres avoient été employées au payement du don mobil, ainsi le sieur de Parfontaines n’étoit point quitte ; solutionis verbum pertinet ad omnem liberationem quoquomodo factam, magisque ad substantiam obligationis refertur, quâm ad nummorum solutionem, l. solutione de solut. Quand la Coûtume a donné aux femmes la moitié des meubles, c’a été pour les fecomrenser du bon ménage qu’elles ont fait avec leurs maris, en ayant acquitté les promesses de mariage, ce qui n’a pas été fait, les promesses étant encore dûës, et si la demande de la veuve avoit lieu il s’ensuivroit que Cantel n’avoit point eu de don mobil, et il luy seroit plus utile de ne l’avoir point eu, ou que ce qui luy avoit été promis fût encore dû ; car en ce cas sa veuve ne demanderoit que le tiers, que ladite somme de six mille livres seroit levée auparavant sur les meubles, et que du surplus elle en auroit la moitié. Giot pour la veuve répon-doit que cet Article parle si clairement qu’il ne souffre aucune interpretation, que le sieur de Parfontaines étoit quitte des six mille livres promis, puis qu’il n’en étoit tien dû, et que le Contrat de la Demoiselle Dambray n’en parloit point : La Cour mit sur l’appel hors de Cour, n’étant point dit que les six mille livres payées pour le don mobil provenoient de cette constitution, on presuma que le pere avoit pû les employer en d’autres usages, et on s’attacha aux termes de cet Article.

Si les créanciers pour dettes immobiliaires pretendent que les immeubles du défunt ne seront pas suffisans pour les payer, ils peuvent obliger la veuve à leur donner caution, suivant qu’il a été jugé par Arrest du 27. de Juin 1659.

Sur cette question si les deniers procedans du rachapt d’une rente fait trois jours avant le décez du mary, dont une partie se trouvoit en essence et le reste en une obligation, étoient meuble ou immeuble ; les Juges se trouverent partis en opinions, M’Asselin Rapportent, Mr Bretel Compartiteur : Il passa en la Grand. Chambre à dire que c’étoit un meuble où la femme prendroit part, si le remploy pouvoit en être fait sur les acquests.

On jugea dans cette autre espèce que c’étoit un immeuble : Grasset en mariant son fils luy promit une somme de mille livres par avancement de succession, et à faute de la payer avant les épousailles il s’obligeoit d’en faire l’interest ; le fils mourut et ne laissa qu’une fille qui déceda incontinent aprés : Barbe de Lisse heritiere aux meubles et acquests de sa fille, prerendoit de son chef la moitié de cette somme, comme étant un meuble, et l’autre moitié comme héritière de sa fille aux meubles. Le pere répondoit que les donations faites par un pere à ses enfans étoient un avancement d’hoirie : Prarogatio futurae hereditatis ; et quoy que cela ne soit pas expressément déclaré par le Contrat si tamen non apponatur causa vel qualitas repugnans, in dubio prasumitur donatio facta in anticipationem futurae successionis :Molin . de Feud.

Art. M. ubi vide plura ; tout ce donc que la mere pouvoit pretendre étoit untiers En doüaire.

Le Juge des lieux l’avant ordonné de la sorte, sur l’appel la Sentence fut confirmée en l’Audience de la Grand. Chambre le 5. de Juillet 1646. plaidans le Févre et Lesdos.


CCCXCIV.

Renonciation de la femme à la succession du mary.

La femme peut renoncer à la succession de son mary dans les quarante jours aprés le decez d’iceluy, pourvû qu’elle renonce en Iustice et qu’elle n’ait pris ne concelé aucune chose des meubles, dont elle est tenuë se purger par serment faisant ladite renonciation, auquel cas elle aura seulement ses biens paraphernaux exempts de toutes dettes et son doüaire. Et où puis aprés il seroit trouvé qu’elle en auroit eu aucune chose directement ou indirectement, elle est tenuë contribuer aux dettes tout ainsi que si elle n’avoit point renoncé, lequel delay ne pourra être prorogé sans connoissance de cause, les heritiers et ceux qui y ont interest appellez : et où il seroit prorogé aprés le delay de trois mois passez du jour du decez, les meubles pourront être vendus par Iustice : sauf à faire droit à ladite veuve pour telle part et portion qui luy pourra appartenir sur les deniers de la vendüe desdits biens.

Loyse Dans l’ancien Droit François les femmes n’avoient pas la faculté de renoncer à la succession de leurs maris : L’Auteur du grand Coûtumier, l. 2. c. 41. Loysel en ses Institutes Coûtumieres, l. 1. l. 2. Art. 10. Ce privilege ne fut accordé d’abord qu’aux femmes des Gentilshommes qui mouroient dans les voyages d’Outremer au temps des Croisades, sur ce pretexte que les femmes ne sçavoient pas l’état de leurs affaires. Il semble que du temps de cet ancien PraticienBouteiller , les femmes des Rotutiers ne joüissoient pas encore de cette liberté ; car en sa Somme Rurale, l. 2. c. 21. il parle seulement de la Dame et de la Demoiselle ; néanmoins cet Article est de l’ancienne Coûtume, et cet usage apparemment est éta-bly depuis long-temps en cette Province ; car l’ancienne Coûtume parle en termes generaux sans distinction de condition, la femme peut renoncer. L’ancienne Coûtume de Paris, Article 115. ne donnoit la faculté de renoncer qu’à la femme noble, atraite de noble lignée et vivant noblement. La nouvelle a aboli cette distinction : Il est loisible à toute temme noble ou non noble de renonter, Article CCXXXVII. La Coûtume d’Orléans dit la même chose, Article 204. Celle de Bourgogne est plus rigoureuse, la femme renonçant à la communauté ne prend aucun doüaire Prefix ou Coûtumier, titre des Gens ma-riez, Article 15. En quelques lieux d’Allemagne la femme ne peut renoncer, et le mary peut rendre sa condition heureuse ou malheureuse aprés sa mott.

Nos Loix sont plus humaines et plus raisonnables, c’est assez que le mary durant sa vie la prive par son mauvais ménage d’avoir part en ses biens, sans l’engager encore indispensablement aprés sa mort. à souffrir la peine de sa dissipation et de sa mauvaise conduite, et que ses biens demeurent affectez aux dettes qu’il a contractées sans son aveu, et sans avoir eu le Argentré pouvoir de l’en empescher ; Argentr. Art. 415. gl. 1.

Puis donc que la Coûtume donne cette faculté aux femmes de pouvoir renoncer à la succession de leurs maris, il faut examiner en quel temps elle est tenue de renoncer ; la formé de cette renonciation, sous quelles conditions elle peut être faite, le profit et le benefice qui luy en revient, et l’engagement qu’elle contracte à faute d’avoir renoncé, ou pour avoir pris ; ou concelé quelque chose de la succession de son mary.

Le temps prefix et fatal pour renonces est de quarante jours ; la femme peut renoncer dans les quarante jours. Plusieurs ont estimé que la Coûtume avoit parlé fort improprement en usant de ce ter-me Peut, puis que suivant l’usage. certain de cette Province la femme est obligée nécessairement de renoncer, et qu’il ne luy suffit pas de s’abstenir ; car ce terme Peut, suivant la theorie de nos Jurisconsultes, lors qu’il est mis affirmativement, nullam importat necessitatem, sive proferatur à lege, sive ab homine, sed solum jus seu meram facultatem in persona, ad quam hoc verbum dirigitur ; sed cum ponitur negative importat necessitatem seuvim pracisam, quae excludit omnem potentiam & juris & facti ;Molin . de Feud. Art. 1. gl. 3. De sorte que ce mot de Peut étant mis affirmativement dans cet Article, il n’imposeroit aucune necessité à la femme de renoncer dans le temps prefix.

Outre que nos anciens Legislateurs n’étoient pas de fort sçavans Grammairiens, ils ont eu apparemment égard à cet ancien usage de la France, suivant lequel les femmes ne pouvoient tenoncer ; de sorte que ce mot Peut, veut dire en cet endroit que la femme a la faculté de renoncer, et le fens de cet Article est que la femme peut renoncer, pourvû toutefois qu’elle e fasse dans les quarante jours : C’est de cette maniere que la Coûtume Reformée de Paris s’est expliquée en l’Article 237. Il est loisible à la femme de renoncer à la communauté en aisant faire bon et loyal inventaire, c’est à dire pourvû qu’elle fasse faire inveptaire.

La renonciation doit être faite dans les quarante jours ; plusieurs Coûtumes sont conformes à la nôtre ; Troyes, t. 2. Art. 12. Tours, Art. 209. Perche, Art. 104. Loudun, t. 27.

Art. 32. 35. In omnibus fere negotiis apud Francos solent quadraginta dies et 40 noctes prascribi. otho Frising. l. l. c. 34. de Rebus Gest. Frider. et leg. Sal. 3. c. 4. l. 49. c. l. 52. c. 1.

Le delay de quarante jours ne commence à courir que depuis que la mort du mary a été sçûë communément ; car s’il étoit decedé en voyage ou à la guerre, le temps ne doit courir que du jour que la mort a été certaine : Subtrahi debet impedimentum necessarium, ut car-ceris, pestis, hostilitatis, ut si maritus decessit tempore pestis, quo suspecti contagii prohibui érant conversari, & sic vidua non potuit accedere tempore pestis. Du Moulin sur l’Art. 245. de la Coûtume de Bourbonnois. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand : Chambre le 30. Juil-let 1631. la Demoiselle veuve de Grimouville, sieur de Durans, qui étoit mort en Piedmont, fut déchargée de la qualité d’heritière de son mary, bien qu’elle n’eût point renoncé dans les quarante jours, et que même elle se fût obligée envers son beau-pere comme heritière de son mary : l’Arrest fondé sur cette consideration, que son mary étant mort en Piedmont, elle n’avoit pû avoir connoissance de l’état de ses affaires et de ses dettes : Et le grand Coûtumier de France a remarqué que ce fut par cette raison que l’on permist aux veuves des Gen-ilshommes de renoncer, parce que leurs maris allant à la guerre, elles pouvoient ignorer les dettes que leurs maris avoient contractées pendant leur absence.

Le défaut de renonciation dans les quarante jours par une femme mineure ne la rend point heritière ; et par Arrest donné en l’année 1671. en la Grand. Chambre, Marie Polet veuve du fieur Auvray, pour laquelle je plaidois, et qui étoit appellante d’une Sentence donnée uux Requêtes du Palais qui la déclaroit heritière de son mary, fut restitnée contre ce défaut de renonciation ; ce qui reçût si peu de difficulté, que les creanciers n’oserent soûtenir la Sentence. Les mineurs sont aisément restituez contre l’omission des formes ;Loüet , 1. D. n. 68. Boniface l. t0. 1. l. 4. t. 6. c. 3.Ricard , des Donat. Part. 1. c. 3. gl. 3.Tronçon , sur l’Article 237. est d’avis que la femme ne peut être restituée fous pretexte de minorité, non plus que le mineur, des quarante jours introduits par la Coûtume pour la foy et hommage, comme aussi du retrait lignager, mais ces exemples ne sont pas décisifs ; car en ces cas le mineur a sa garantie contre son tuteur, au lieu que la veuve mineure seroit privée de tout secours.

Nôtre Coûtume ayant prevû qu’il pouvoit arriver de legitimes empeschemens, elle permet à la femme qui a des excuses valables de demander un delay, et le Juge peut le luy ccorder en connoissance de cause, en y appellant les heritiers et ceux qui, ont interest d’y être presens ; si toutefois ce delay est prorogé au de-là des trois mois, les meubles peuvent être vendus pour en éviter la perte et la diminution qu’un plus long delay pourroit causerL’Ordonnance de 1667. semble avoir dérogé à nôtre Coûtume ; car en l’Article 5. du titre des Delais pour deliberer, elle donne à la veuve qui sera assignée en qualité de commune les mêmes delais, pour faire inventaire et deliberer que ceux accordez à l’heritier, et sous les mêmes conditions, sçavoir que l’heritier a trois mois depuis l’ouverture de la succession pour faire l’inventaire, et quarante jours pour deliberer ; de sorte que cette Ordonnance étant generale, on doit croire que l’intention du Roy a été de déroger à toutes les Coûtumes qui sont contraires. On peut neanmoins là-dessus faire cette refsexion, que cette Ordonnance est conforme à l’Article 241. de la Coûtume de Paris, suivant loquel la femme pour la dissolution de la communauté a trois mois pour faire et clorre l’inventaire, et la même Coûtume ne limite à la femme aucun temps pour renoncer, elle peut faire sa renonciation lors qu’elle est poursuivie par les creanciers de son défunt mary ; mais la Coûtume de Normandie n’orlonne point à la femme de faire aucun inventaire, il suffit qu’elle renonce dans les quarante jours judiciairement, et c’est pourquoy on luy donneroit inutilement trois mois de temps pour faire et pour clorre un inventaire, puis que nôtre Coûtume ne l’oblige point à cette formalité.

Cela peut être soûtenu par les termes mêmes de IOrdonnance ; car par le même Article qui donne trois mois pour faire l’inventaire, et quarante jours pour deliberer, il est ajoûté que fi l’inventaire a été fait avant les trois mois, le delay de quarante jours commencera du pour qu’il aura été parachevé : D’où il paroit évidemment que le delay de trois mois n’est donné que pour faire inventaire, puis que lors qu’il a été fait avant les trois mois le delay de quarante jours commence à courir du jour qu’il a été parachevé : Or puis qu’en Normandie la femme n’est point tenuë de faire inventaire, il s’enfuit que les quarante jours limi-tez pour renoncer doivent courir du jour du décez ; mais cette même Ordonnance défendant si étroitement d’interpreter les volontez du Prince, c’est à luy seul d’expliquer ses in-tentions.

Pour rendre cette renonciation solennelle, la Coûtume ne prescrit point d’autres formes que de la faire judiciairement ; autrefois en France la veuve étoit tenuë de venir en habit de reuve à l’enterrement de son mary, et étant à l’Eglise il falloit qu’en la presence du Juge des lieux, d’un Notaire Apostolique, et du Doyen Rural, elle déclarât qu’elle renonçoit à la communauté, et et qu’elle jettât sa ceinture, sa bourse et ses clefs sur la fosse de son mary.

Bouteiller en sa Somme Rurale, l. 2. c. 21. Et c’est de là que vient le Proverbe, qu’il faut jetter les clefs sur la sosse, pour signifier que l’on abandonne toutes ses affaires.

Il suffit parmy nous que la femme vienne en jugement, et declare qu’elle renonce et qu’ele fe purge par serment de n’avoir pris ny concelé aucune chose. Il n’est pas neanmoins nécessaire qu’elle soit toûjours presente en personne, on la dispense ordinairement de cette rigueur, en donnant une Procuration speciale pour renoncer et prêter le serment, autre-ment il seroit au pouvoir de la femme d’éluder la disposition de la Coûtume, et même de desavoüer son Procureur ; mais j’ay vù revoquer en doute si cette renonciation seroit nulle faute de faire apparoir de cette Procuration : Cela paroit necessaire ; si neanmoins cette renonciation se trouvoit consommée par la demande que la femme auroit faité de ses parafernaux et de ses conventions de mariage, et que la representation de la Procuration ne fût demandée qu’aprés un long temps, il y auroit lieu de presumer la vérité d’un acte qui auroit été executé si publiquement. Sous ce mot de Justice doit-on comprendre toutes sortes de Jurisdi-ctions comme celles de privilege, et une renonciation faite aux Requêtes du Palais seroitelle valable ; Ce mot de Justice ne doit à mon avis être étendu qu’à la Jurisdiction ordinaire, quoy que dans la troisième partie du Journal du Palais on ait rapporté un Arrest qui confir me une renonciation faite aux Requêtes de lHôtel, cette renonciation neanmoins pourroit valoir si la femme y étoit poursuivie par les créanciers pour y passer sa declaration.

Puis que la Coûtume oblige la femme à renoncer judiciairement dans un temps prefix, et à se purger par serment de n’avoir rien concelé on ne peut douter qu’elle a exclus toutes renonciations tacires : Eiles peuvent valoir dans les Coûtumes qui ne limitent aucun temps Argentré pour passer la renonciation. Mr d’Aigentré sur l’Article 4is. de lancienne Coûtume de Breragne, approuve ces renonciations tacites, quia non est fundata intentio heredum, aut alterius cujusquam m immixtione aut acceptatione nisi probetur ; mais cet Auteur auroit assurément changé de sentiment aprés la reformation de sa Coûtume, qui oblige les femmes à tenoncer dans les quarante jours, en ce cas non sufficit abstinuisse, et lheritier n’est point tenu de prouver que la femme a fait acte d’heritier, ou de communes

Si la femme decedoit avant les quarante jours, lheritier joüiroit-il de cette faculté : Plusieurs ont estimé que ce droit étoit personnel, et que par consequent il n’étoit point trans-missible aux heritiers. Dautres ont fait différence entre la renonciation stipulée par le Contrat, et celle qui est permise par la Coûtume ; mais l’opinion la plus commune est, que dans les Coûtumes mêmes où il n’est pas parlé des heritiers, comme en celle de Paris, Art. 257. la faculté de renoncer s’étend aux heritiers. Il est vray que Ricard sur cet Article assures qu’ayant été stipulé par le Contrat de mariage que la femme renonçant à la communauté reprendra non seulement ce qui luy est permis par la Coûtume, mais aussi tout ce qu’elle aura apporté, et ce qui étoit confondu en la communauté ; cette clause ne s’étend point aux heritiers, dautant qu’elle est considérée comme extraordinaire et personnelle, qui par consequent ne comprend que ceux qui y sont dénommez, et que cela a été jugé contre les en-sans même.

La Coûtume d’Orléans, Art. 204. et celle de Bretagne, Art. 415. de l’ancienne, et Article 435. de la nouvelle, ont prevenu cette difficulté, ayant expressément accordé la faculte de renoncer, non seulement à la femme, mais aussi à ses heritiers. Mr d’Argentré avouc que si la Coûtume n’avoit pas fait mention des heritiers, la question auroit été difficile, si ce benefice étoit personnel ou réel : Car en faveur du mariage les Loix ont accordé aux maris et aux femmes beaucoup de prerogatives, qui ne passent point toutefois à leurs heritiers.

S. Praterea Instit. de Actionib. l. 1. c. de Privil. Dot. l. rei judicata Solut. Matrim. Or ce privilege semble être personnel : Et Tronçon cite plusieurs Arrests conformes à ce que j’ay rapporté deRicard .

Nous ne doutons point en cette Province que lheritier de la femme ne puisse joüir de ce benefice : et non seulement il a été jugé de la sorte, il a même été dit que lheritier pouvoit demander les biens parafernaux que cet Article accorde à la femme qui a renonéé., Les Arests en seront remarquez sur lArticle suivant, bien que ces parafernaux ne soient donnez à la femme qui a renoncé, que par commiseration de sa mauvaise fortune.

Cette faculté de renoncer étant un privilege accordé par la Coûtume, pour la mettre à pouvert des creanciers de son mary, elle ne peut en être privée par une stipulation contraire, bien qu’elle fût employée dans son Contrat de marlage : Chacun peut véritablement ré-noncer au droit introduit en sa faveur ; mais comme il est de linterest public que les femmes ne soient pas eternellement desolées par la mauvaise conduite de leurs maris, elles ne peuvent renoncer au droit public que la Coûtume a étably en leur faveur : on ne leur peut re-trancher cet asyle qui les garantit et leur postérité d’un malheur, contre lequel ils ne pourroient plus trouver de remede ; et lon peut dire en ce cas que pactis privatorum juri publico derogari non potest. C’est le sentiment de Tronçon sur l’Art. 138. de la Coûtume de Paris. La Coûtume d’Orléans, Art. 204. approuve cette paction : mais de la Lande dit soit à propos qu’il étoit besoin que la Coûtume donnât pouvoit de déroger à la faculté qu’ellg-même avoit accordée à la femme et aux heritiers, de peur que lon objectât contre cette convention la regle pactis privatorum juri publico derogari non potest. Il est vray que les pactions derogatoires à la Coûtume ne sont pas défenduës, quand elles ne concernent point l’interest public, si la même Coûtume ne défend expressément ces pactions, comme fait la nôtre aux Articles CCCXXX. et CCCXXXI. mais l’on peut dire que la stipulation de ne pouvoir renoncer, regarde en quelque sorte l’interest public.

Et bien loin qu’une stipulation de cette qualité soit civile, que si la femme s’étoit declarée neritière inconsidérément, ou par le dol et par la surprise des creanciers, pourvû que les choses fussent entieres elle pourroit être restituée conctre cet acte par un motif. : d’équité ;Tron -çon, Article 237. de la Coûtume de Paris.

Il est vray neanmoins que la femme est moins favorable et moins admissible à demander cette restitution qu’un autre heritier, par ces deux raisons : La premiere, qu’elle est mieux informée des affaires de son mary, et par consequent elle est moins excusable : Et la seconde, arce qu’elle a plus d’occasion et de facilité de soustraire les biens de son défunt mary, et qu’il eroit à craindre qu’elle ne voulût renoncer aprés avoir pris tout ce qu’elle auroit pû ; et suivant cela par Arrest du 14. de Mars 1662. la veuve d’Erbland Ferrand fut deboutée de ses Lettres de restitution contre l’adition qu’elle avoit faite de l’heredité de son mary. Elle avoit obtenu plusieurs delais aprés les quarante jours pour renoncer, et aprés avoir eu communication des écritures elle s’étoit declarée heritiere et ayant contesté long-temps les dettes des créanciers ; enfin aprés une condamnation jugée contr’elle, elle s’étoit pourvûë par Lettres de restitution, dont elle en fut deboutée en l’Audience de la Grand-Chambre, plaidans de Sets et de l’Epinay.

i au contraire elle avoit renoncé par le dol des heritiers qui luy auroient caché l’état et les forces de la succession, elle seroit restituable contre cette renonciation, suivant le sentiment de Mr d’Argentré , Art. 415. gl. 33. qui est contraire à celuy de du Moulin en son Apostille sur l’Art. 261. de la Coûtume du Mayne ; mais pour concilier ces deux Auteurs il faut dire que du Moulin décide la these generale, et d’Argentré parle dans le fait particudier, lors qu’il y a de la fraude du côté des heritiers ; Tronçon sur ledit Art. 237 Durant cet intervalle que la Coûtume donne à la femme pour renoncer ou accepter la succession de son mary, il seroit injuste de la mettre hors de la maison et d’ajoûter un traite-ment si inhumain à la perte qu’elle viendroit de faire, la mort ne détruit pas si promptement tous les effets de la société conjugale ; et comme dutant la vie du mary elle pouvoit disposer des provisions de la maison pour sa subsistance et celle de sa famille, il est raisonnable de luy en permettre l’usage pendant quelque temps, ce qui est d’autant plus juste et plus necessaire qu’alors elle ne joüit d’aucune chose ses droits n’étant point encore reglez, et cette demeure doit continuer au moins jusques à la confection des inventaires ; mais l’opinion de Mr d’Argentré me semble rigoureuse, il approuve bien que la femme fe puisse nourrir et ses domestiques ordinaires et accoûtumez de la dépense du lieu, c’est à dire des provisions qu’elle rouve dans la maison ; mais il ajoûte cette condition, de déduire cette dépense sur les fruits de son doüaire, parce qu’il ne seroit pas juste qu’elle véeut du bien d’autruy lors qu’elle peut subsuster du sien, Art. 415. gl. 5. Cette deduction n’est pas raisonnable, car les provisions qui se trouvent dans la maison étant un meuble, la femme y a part si elle se declare heritière ; que si elle renonce, puis qu’elle ne remporte rien de la succession de son mary, c’est pour le moins qu’elle reprenne ces alimens sur les portions qui restent dutant le temps que la Coûtume luy donne pour deliberer.

Lors que la femme a satisfait aux conditions qui luy sont ordonnées par cet Article, qu’elle enoncé judiciairement dans le temps prefix, et qu’elle n’a pris ny concelé aucune chose, elle en tire ces deux avantages, qu’elle n’est point tenuë aux dettes de son mary, et qu’on uy accorde ses parafernaux.

Quelques-uns exceptent du nombre des dettes, celles qui procedent des alimens fournis constant le mariage ; et Brodeau sur M.Loüet , l. C. n. 29. rapporte un Arrest du Parlement de Paris, par lequel il pretend avoir été jugé que la veuve nonobstant la renonciation par elle faite à la communauté, est tenuë des dettes d’alimens contractées par son mary pendant la communauté. Il se fonde sur ce que de disposition de droit, la femme même se-parée de biens est tenue de nourrir son mary lors qu’il est tombé en pauvreté : l. ubi adhuc de Jure Dot. C. Bartolus in Tract. de Alimentis in fine, l’absent qui tombe malade peut passes en compte les frais de sa maladie : focius qui occasione societatis incidit in infirmitatem computare potest impensas in infirmitate factas, l. Socius qui in eo. 61. 6. l. D. pro socio : Aussi la femme yant été nourrie de ce que les créanciers ont fourny durant la vie de son mary, elle est tenuë consequemment de ses alimens nonobstant sa renonciation : Ce qui induit necessairement que les Apothicaires, Chiturgiens, et autres creanciers pour dettes d’alimens, sont preferables à la veuve pour ses conventions de mariage, puis que les fruits de ses immeubles sont affectez au payement de telles dettes, avenant que les biens du mary ne soient suffisans. DuPineau , sur l’Article 238. de la Coûtume d’Anjou, combat fortement le sentiment de M JulienBrodeau , et il pretend qu’il n’a pas entendu l’Arrest qu’il a rapporté, quand il ajoûte qu’il fut jugé que la femme, nonobstant la renonciation à la communauté, étoit tenuë des dettes d’alimens contractées pendant la communauté, et qu’elle y fut condamnée personnellementDu Pineau dit que cela ne peut être puis qu’elle n’étoit pas partie au procez, et que quand Brodeau interprete ces mots de l’Arrest, sur les fruits des immeubles de quelque qualité qu’ili oient. Pour comprendre les fruits de l’héritage de la veuve, cela se doit entendre des fruiti separez du fonds, lors du décez du mary, et non pour les fruits pendans lors par les racines.

Quant aux raisons alléguées parBrodeau , que la femme même separée de biens doit nourritr son mary lors qu’il est tombé en pauvreté, il répond que le mary doit les alimens à sa femme, soit qu’elle soit riche ou pauvre, par la consideration de l’affection maritale ; que si, le marv est pauvre ; la femme le doit nourrir de ses revenus, mais cela se doit entendre tant que le mariage dure, et sur les fruits recueillis pendant iceluy : Et c’est la cause pour laquelle la Cour ordonna que les creanciers alimentaires du mary decedé, seroient payez sur les fruits des héritages de la femme qui étoient separez du fonds et ameublis lors du decez du mary mais il ne s’ensuit pas qu’encore que le mary de son vivant doive être noutry sur les biens de sa femme, il le doive être aprés sa mort, et que la femme qui a renoncé soit tenuë personnellement des dettes contractées par son mary pour les provisions alimentaires de luy et de sa famille sous pretexte qu’elle en a vécu, parce que le mary se trouvant pauvre et les revenus de la femme y ayant été les premiers employez, elle a satisfait à son devoit. De laLande , sur l’Article 204. de la Coûtume d’Orléans, n’est pas aussi de cette opinion, que la femme qui renonce soit tenuë au payement des dettes procedantes d’alimens. Ce qui me paroit raisonnable, car l’on ne peut dire qu’elle a vécu aux dépens des creanciers lors que ses revenus ont été consumez durant le mariage.

Aussi la Coûtume en cet Artiele accorde à la femme les parafernaux en exemption de toutes dettes. On apprendra par l’Article suivant en quoy consistent les parafernaux ; on dou-toit autrefois si la femme qui renonçoit à prendre part aux meubles de son mary pouvoit avoir quelque droit aux acquests : On alléguoit pour l’affirmative, que quand il y a des acquisitions en bourgeoisie, la femme predécedant son mary sans enfans, les heritiers de la femme y succedent l’usufruit demeurant seulement au mary, et toutefois ces heritiers-là n’ont point de part aux meubles, et ne sont point tenus aux dettes mobiliaires ; d’où l’on conclud que la femme survivant son mary n’y peut être fujette, puis qu’elle est reçûë à renoncer, et que la succession aux meubles peut être separée suivant. l’Article CCCLXVII. qui porte qu’en cas que la femme repere sa dot non consignée et reçûé par son mary, elle soit prise sur les meubles auparavant que de se pourvoir sur les conquests, par cela l’on voit la separation des meubles avec les conquests, qui fait que la renonciation à l’un n’emporte pas la renonciation à l’autre. Outre l’Arrest rapporté parTerrien , Titre de Clameur, entre David fils de Gauvain, d’une part, et Bouchard frère de la veuve en secondes nopces dudit Gauvain ; on opposoit au contraire, que la succession aux meubles et aux acquests est tellement conjointe, qu’elle ne peut être separée ny acceptée l’une sans l’autre ; que l’exemple des heritiers de la femme qui à predécedé son mary ne vient pas à propos, dautant que les meubles demeurent au mary, ce qui l’oblige d’acquiter les dettes et d’en décharger les heritiers, dont neanmoins la part des conquests peut être saisie par les créanciers ; mais étant dit par cet Article, que la femme qui renonce aura seulement ses parafernaux, cela decide nettement la question et prive la femme de tout autre droit

Il ne reste plus qu’à examiner quel est l’engagement que la femme contracte lors qu’elle ne renonce point dans le temps prefix Rou qu’elle a pris ou concelé quelque chose de la succession.

C’est un usage certain en Normandie, que les femmes qui n’ont point renoncé sont tenuës des dettes de leur défunt mary, et qu’elles s’y engagent indefiniment, quoy qu’elles excedent la valeur des biens qu’elles ont recueillis de la succession, ce qui cause souvent leur ruine. La Coû-tume de Paris pour les mettre à couvert de cet accablement y apporte ce temperament : Suivant l’Art. CCXXVIII. le mary ne peut par contrat ny par obligation faite devant ou durant le mariage, obliger sa femme sans son consentement et plus avant que jusques à la concurrence de ce qu’elle ou ss heritiers amendent de la communauté, pourvû toutefois qu’aprés le decez de l’un des conjoints soit fait loyal inventaire, et qu’il n’y ait faute ou fraude de la part de la femme ou de ses heritiers. Il seroit equitable d’en user ainsi parmy nous, pourvû que la femme eût fait un fidele inventaire en la presence des heritiers. Il est certain que si la femme ne prenoit les meubles que jure legati, comme legataire universelle en faisant inventaire, elle ne seroit obligée aux dettes de son mary que jusques à la concurrence de la valeur des meubles, n’étant pas d’une plus mauvaise condition qu’un autre legataife universel, qui n’est pas obligé à davantage.

La femme n’est pas seulement tenue des dettes de son défunt mary, pour sa part et portion hereditaire ; elle peut être poursuivie solidairement par les créanciers, comme le penvent être en cette Province tous autres heritiers : On pouvoit dire en sa faveur que n’ayant que le tiers des meubles, et n’étant consequemment chargée que du tiers des dettes, cela ne la rend pas proprement heritière, car elle prend cette part jure suo, jure societatis et à lege, et qu’ainsi elle ne doit être obligée que pour sa portion : On répond que cette division du tiers des meubles, à la charge du tiers des dettes, est bonne entre ladfemme et les heritiers du mary, mais non à l’égard des créanciers, ausquels tous les biens du mary, meubles et immeuples, sont obligez ; et par l’adition d’heredité, tous ceux qui partagent s’obligent solidairement, ditione hereditatis contraxisse videntur cum creditoribus hereditariis, l. apud Julianum 3. ex quib. caus. in poss. extr. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chanibre le 17. de Decembre 1602. le nommé Anfrie, comme ayant épousé la veuve, fut condamné solidairement, sauf son recours contre les heritiers du mary.

Mais en tout cas, cette faute de n’avoir point renoncé dans le temps prefix est elle si rande, que lors que la femme ne demande ny parafernaux, ny doüaire, elle puisse être neanmoins poursuivie pour les dettes de son mary : Cette question s’offrit en l’Audience de a Grand. Chambre le 15. de Novembre 1630. pour la veuve d’un nommé Bardolle : Caruë difoit pour une femme qui s’étoit simplement abstenuë, mais qui n’avoit rien pris ny concelé, que suivant cet Article la femme est véritablement obligée de renoncer dans les qua-rante jours, mais qu’elle n’est tenue de passer cette déclaration que quand elle pretend ses biens parafernaux ; en ce cas, non sufficit abstinuisse ; que si elle abandonne generalement et on doüaire et ses parafernaux, elle n’est plus obligée à passer une renonciation judiciaire : Coquerel répondoit pour le créancier, que la Coûtume engage indispensablement la femme à renoncer dans les quarante jours, à fante dequoy elle devient obligée à toutes les dettes de son mary, que la Coûtume ne faisoit aucune distinction, et que par consequent il faloit l’attacher étroitement à sa disposition : La Cour, aprés une iterative déclaration de la veuve, qu’elle, ne demandoit aucuns droits sur la succession de son mary, et qu’elle renonçoit à sa succession, la déclara exempte des dettes. Cet Arrest mérite de la reflexionLa femme qui a pris ou concelé quelque chose de la succession est defavorable, et la Coûtume ion cet Article la condamne avec raison à contribuer aux dettes, comme si elle n’avoit point renoncé.

La peine du receté et de la soustraction est differente, selon les temps où elle a été faire : La soustraction faite aprés la renonciation ne rend point la veuve heritière, elle est seule ment tenuë à la restitution des choses tecelées, et jusques à la concurrence d’icelles ; en ce cas elle est reputée comme étrangere, et on en use comme à l’égard de l’heritier, qui postquam abstinuit amavit : en ce cas, dit la Loy, si seraum. 8. ult. de adquir. hered. furti potius actione te-netur creditoribus, & enim qui semel se abstinuit quemadmodum ex post delicto obligatur. Et pour cette raison, l’un et l’autre peuvent être poursuivis extraordinairement. au contraire, la renonciation faite par la femme aprés la soustraction et le recelé luy est inutile, et ne luy profite de rien, et nonobstant-icelle elle est tenuë des dettes de son défunt Cujas mary ; ce qui a lieu, bien que la veuve lors de la soustiaction fût encore mineure, la minorité n’excuse point en matière de delit, amotio delictum est furto proximum ; Cujaé. consul-tat. 11. in fine : Brodeau sur Mr Loüer, l. R. n. 1. C’est de cette maniere que la Cour et décidé, par l’Article 83. du Reglement de l’an 1666.

La veuve coupable de soustraction est aussi privée de la part qu’elle pouvoit avoir aux menbles recelez : C’est la jurisprudence cettaine du Parlement de Paris, et qui a été suivie en ce Parlement par plusieurs Arrest, et la Cour en a fait un Reglement par l’Article 84. du Reglement de l’an 1666.

Ces Articles du Reglement ne parlent que de la veuve ; il étoit incertain si cette peine du recelé pouvoit être étenduë contre les heritiers, et s’s devoient être privez de leur part aux hoses recelées : Cette question s’offrit en la Chambre de la Tournelle, entre François le Porcher, Ecuyer sieur de S. Christophle, demandeur en preuve de soustraction, d’une parti François le Porcher, Ecuyer sieur de Lange, son frère ; Antoine du Hamel, Ecuyer ; et Demoiselle Françoise le Porcher, sa femme, accusez d’avoir soustrait quantité d’or et d’arrent provenant de la succession de la Demoiselle Evri leur mere : Lé procez ayant été mis sur le Bureau en la Chambre de la Tournelle, le 2. de Juin 1678. les Juges se trouverent artis en opinions ; Mr Louver, Rapporteur, étoit d’avis que les coheritiers fussent privez de leur part aux choses recelées ; Mr le Roux d’Enneval Compartiteur, et contraire étoit d’avis que les heritiers eussent part aux meubles qu’ils avoient enlevez, en les rapportant avec interests.

Mais avant que de proceder au jugement du partage, l’on fit un Consulatur en la GrandChambre, pour sçavoir si sur ce fait il pouvoit y avoir partage en la Tournelle, et si la que-stion ne tomboit pas sur l’Article du livre Rouge, que mitior sententia sequenda erat, étant un usage dans tous les Parlemens de France, qu’il n’y a point de partage en la Tournelle, et par la disposition du Droit, in penalibus causis benignior sententia sequenda est. On répondoit que la Cause étoit plus civile que criminelle, qu’il ne s’agissoit point de sçavoit an major sive minor sit pena, mais seulement de priver ou de ne priver pas un coheritier de sa part aux cho-ses recelées, que mitior sententia ne se pouvoit entendre, que quand in penalibus humanitatis gatione, l’on inclinoit à de moindros peines, qu’en ce fait l’on pouvoit dire la même choses puis que l’avis le moins rigoureux n’étoit pas fondé sur la commiseration, mais sur des ralsons purement civiles. Il passa à dire qu’il y avoit partage, quoy que quelques-uns soûtin-sent quepar l’ancien usage de la Tournelle l’on n’admettoit point de partage aux procez qui avoient été instruits criminellement

pour la question principale, le fait étoit que Marie-Françoise le Porcher, femme d’Antoine du Hamel, sieur de Fonteine, avoit été réservée à partage par la Demoiselle Evri sa mere, durant la maladie de sa mere conjointement avec François le Porcher son frère, elle avoir pris dix livres d’une part, et dix-neuf écus d’argent dans les poches de sa mere, et lors que sa mere agonisoit, elle avoit fait découdre par une servante qui étoit auprés de la malade le dossier du lit, dans lequel sa mere avoit serté son argent ; cette soustraction ayant été prouvée, Mr le Rapporteur étoit d’avis de faire perdre aux accusez leur part aux choses sou-straites et disoit que la soustraction étoit un larcin qui devenoit d’autant plus criminel en la personne d’un coheritier, qu’il avoit plus de facilité de le commettre et de mettre la main à la chose, et c’est par cette raison que le vol domestique est puny plus rigoureusement, parce que toutes les portes étant ouvertes à un domestique, et ayant en ses mains la disposition du bien de son maître, il est plus punissable lors qu’il viole la fidelité que l’on atten-doit de luy. Si les soustractions demeuroient impunies, ce seroit rendre les hommes plus hardis à les commettre impunitatis spe fierent audaciores, et Spe lucri invitarentur ad peccandum.

Le legataire n’a pas moins de droit en la chose qui luy a été léguée que le coheritier, et neanmoins s’il ne prend pas son legs de la main de l’heritier, il perd sa part en la chose soustrai-te, non est dubium denegari actionem et proportione competenti in his rebus quas substraxisse eum de hereditate apparuerit. L’heritier ne peut deduire la Falcidie aux choses qu’il a soustraites, l. rescriprum de his quibus ut indign. mais pour la question dont il s’agit, on en trouve une décision formelle en la Loy : Paulus respondit a8. ad S. c. Trebellian. si quasdam res hereditarias heres furatus est, in rebus quas substraxit petitio ei-denegatur ; que c’étoit aussi la Jurisprudence du Parlement de Paris, comme on l’apprend de MiLoüet , l. R. n. 48. Mi le Compartiteur ré-pondoit, que cette question avoit été traitée et décidée diversement par plusieurs Docteurss que du temps de Mr Loüet elle étoit encore douteuse et indecise au Palais ; qu’en France l’on n’avoit point suivi la disposition du Droit écrit, mais celle du Droit Canonique, au Chapuam ad nos versiculo qui igitur de penis, apud Gregorium : Et nos Docteurs François ont pa-Rebufe reillement suivi l’opinion des Canonistes ; Benedictus sur le C. de Rainutius in verbo, si absque n. 147. de testam. Boerius Decis. 191. Rebuse sur les Ordonnances, in procmio gl. 6. n. 76.

Il passa à l’avis de Mr le Rapporteur, que l’heritier condamné par Justice de rapporter les choses par luy soustraites y perd sa part, laquelle accroit aux autres heritiers ; par Arrest du 6. de Juillet 1678

Pour prouver la soustraction, l’on procede differemment contre la veuve et contre l’heritier ; on ne poursuit point criminellement la veuve accusée de soustractions, sed actione rerum amotarum, par la voye civile ; et quand elle en est convaincuë, on la condamne de rapporter ce qu’elle a pris dans un certain temps, à faute dequoy l’on ordonne qu’elle y sera contrainte. par corps ; ainsi jugé en la Chambre de la Tournelle, le 7. de Février 1650. entre Marguerite Gosset, veuve d’Adrien de la Mote, appellante de tout ce qui fait avoit été par le Bâilly. de Roüen, ou son Lieutenant Criminel au lieu ; et Jean, et Jacques Benard frères, heritiers de Marie Benard, intimez : La Cour mit l’appellation au neant, ladite Gosset condamnée n trente livres d’amende, et à restituer sept mille livres dans quatre mois, autrement condamnée, et par corps.

On punit fort severement une femme dans cette espèce : Une femme meditant la separation, avoit secretement enlevé les meubles de son mary, et s’étoit retirée de sa maison pour poursuivre une separation de biens ; et quoy qu’elle eût été deboutée de ses Lettres de lepaation, néanmoins à cause des soustractions par elle commises lors qu’elle avoit abondonné son mary, il fut déchargé de la restitution de la dot, qui étoit demandée par les heritiers de cette femme : Par Arrest du 25. de Février 1636. au Rapport de Mi d’Anviray, entre Jean Lorée d’une part, et Pierre Petit, d’autre.

Mais bien que la femme ne puisse être poursulvie que civilement, l’on peut agir extraordinairement contre les complices, comme il fut jugé en l’Audience de la Grand-Chambres le 30. d’Octobre 1636. pour le Saunier Huiffier en la Cour, qui accusoit sa femme de soustraction ; car à l’égard de la femme la procedure fut civilisée, mais on ordonna qu’elle seroit continuée extraordinairement contre les complices. On peut aussi proceder extraordinaire. ment contre les heritiers, suivant l’Arrest que j’en ay rapporté sur l’Article CXIIII. quoy que par la disposition du Droit l’on ne pût agir par la voye extraordinaire contre un coheritier, expilatu hereditatis, crimen frustra heredi intenditur cum judicio familiae erciscundae indemni-tati ejus prospiciatur l. 3. C. Familiae ercisc. Pour la preuve de la soustraction, l’on a demandé si l’on devroit recevoir le témoignage des parens : Ce fut le sujet d’un Consulatur qui fut fait en la Grand-Chambre, par la Chambre des Enquêtes, le 26. de Février 1675. il s’agissoit ad procez de pretenduës foustractions faites par une veuve, et l’on vouloit faire entendre quelques parens. L’Ordonnance nouvelle dit expressément, que les parens ne seront point admis en matiere civile, qu’en matière de soustractions l’on traite la veuve civilement, et non pas criminellement. Il passa à dire que l’on entendroit les témoins, parens et autres, parce qu’ordinairement en ces occasions les femmes se servent de parens, et en rejéttant les parens des informations, il seroit tres-difficile d’avoir la connoissance des soustractions : Il peut même arriver que par les depositions des parens, il se trouvera des charges contre des complices.

Il est sans doute que l’action en soustraction peut être intentée civilement ou criminellerment contre les coheritiers, les associez, et les legataires ; de sorte que pour regler la com-petence des Juges, il faut considerer la maniere dont elle a été instruite. Ce fut le sujet d’un procez entre le Lientenant Givil et le Lieutenant Criminel de Roüen. La Dame de Montigni avoit donné par son testament ses meubles à la Demoiselle de Lisle, sa domestique ; cette fille ayant demandé la delivrance de son legs, l’executrire testamentaire fit assigner les sieurs de Croismare, héritiers de la Dame de Montigni, devant le Lientenant Civil, pour y donner leur consentement. Sur leur opposition il se fit plusieurs rocedures, et en suite ils donnerent Requête pour être permis de prouver, tant par témoins de certain, que par Censures d’Eglise, que l’on avoit enlevé et soustrait plusieurs meubles et papiers ; ce qui leur ayant été permis, et ayant fait entendre des témoins, le Lieurenant Civil ordonna que la Demoiselle de Lisle et un autre particulier seroient entendos : Le Lieutenant Criminel crût que par ce jugement l’action avoit changé de nature, et qu’elle étoit devenuë de sa Competence, et dans cette pensée il presenta Requête en la Chambre de la Tournelle, tendante à ce que défenses fussent faites aux parties de proceder ailleurs que devant luy : Le Lieutenant Civil fe pourvût en la Grand-Chambre, et la premiere contesta-tion fut pour la Competence des Chambres. Messieurs les Gens du Roy arréterent, que ne s’agissant que d’un reglement de charges, l’affaire devoit être portée en la Grand. Chambre.

Durand pour Me Pierre du Moutier Lieutenant Griminel, disoit qu’il n’est point au pouvoit des parties de regler la Competence dés Juges, que l’action étoit devenuë criminelle par la plainte des heritiers, par les Censures Ecclesiastiques, par l’information, et par le decret de comparence personnel ; que le Juge Civil avoit changé la nature de l’action, en permettant d’informer sar une Requête ; que pour continuer la procedure civile, il auroit dû ordonner la preuve par un appointement contradictoire entre les parties ; mais au lieu de le faire, il avoit pris la voye extraordinaire, comme s’agissant d’une expilation d’heredité, ce qui faisoit. qu’il n’étoit plus competent du negoce, que cela avoit été jugé par deux Arrests : Par le premier, quoy qu’il se fût dessaisi d’une action en soustraction, aprés l’avoir civilisée, et l’eût renvoyée devant le Juge Civil, neanmoins sur l’opposition des Conseillers du Bailliage, la Cour l’avoit renvoyée devant luy : Par lé second Arrest, le Lieutenant Civil avoit été debouté d’avoir connoissance de l’action en soustraction, que Philippes Chapelier avoit formée contre ses coheritiers ; et qu’enfin l’action rerum amotarum n’étoit introduite qu’en faveur de la femme, et qu’à l’égard de toutes autres personnes c’étoit un larcin, pour la punition duquel Messieurs les Gens du Roy étoient obligez d’en poursuivre la preuve, ce qui ne se pouvoit faire que devant le Lieutenant Criminel.

Je répondois pour le sieur de Brevedent, Lieutenant General Civil au Bailliage de Roüen, qu’il étoit vray que les particuliers ne pouvoient pas changer l’ordre de Jurisdiction, ny poursuivre. la preuve d’un crime devant un autre Juge que le Lieutenant Criminel ; mais que cela n’avoit lieu que pour les actions purement criminelles, où le public et Messieurs les Gens du Roy avoient interest d’en poursuivre la vengeance : Or par la disposition du Droit, crimen expilatae hereditatis erat privatum non publicum.Cujac . in Paratl. ad hunc titulum C. que non seuement à l’égard de la veuve, mais encore à l’égard de plusieurs autres personnes, il pouvoit être poursuivi ordinairement ou extraordinairement, crimen expilataee hereditatis extra ordinem agere, aut hereditatem à possossoribus jure ordinario vindicare : l. Dious de crimine expil. her. D. et cette action étoit si peu criminelle, que par la loy derniere du même titre, au Code expilats bereditatis crimen loco deficientis actionis intendi consuevisse non est juris ambigui : On ne prenoi la voye extraordinaire que lors que l’on ne pouvoit agit autrement, et c’est pourquoy on ne la pouvoit traiter criminellement, non seulement contre la veuve, mais aussi contre plusieurs autres personnes : non darur priigno in novercam, que expilavit hereditatem mariti, puto nes in vitricum qui expilavit hereditatem nxoris.Cujac . ibidem. Le coheritier ne pouvoit poursuivre criminellement son coheritier, l. adversus C. famil. her. expilata hereditatis crimen frustra coheredi intenditur cum judicio familiae erciscundae, ejus indemnitati prospiciatur : On en usoit de même à l’égard de l’associé, dont le Jurisconsulte rend cette raison, que cum qui partis Dominus est jure suo potius uti quam consilium furti inire. l. mérito D. pro socio, et pour le légataire qui se faisit de son legs sans le consentement de l’heritier, on le punit seulement par la perté d’iceluy : l. non dubium C. de et. Puis donc que cette action étoit : utriusque fori, les partiei avoient pû proceder devant le Lieutenant Civils que la Requête pour être permis de prouver les soustractions, l’Infonmation et l’Ordonnance pour être ouy, n’alteroient point la na-ture de l’action, et il falloit arrendre ce qui seroit ordonné aprés l’interrogatoire ; qu’aprés iceluy le Juge Civil pouvoit dire que les parties auroient communication des noms et surnoms des témoins, pour dire aux reproches et regler les parties en procez ordinaire, et que pour cotte raison l Requête du demandeur étoit prematurées que les Arrests ne faisoient sen à la question ; que dans le premier le Juge Criminel avoit été sansi par une plainte, et pu encore qu’il eûr civilisé l’instance, l’affaire ne laissoit pas d’être de sa Competence ; pour et second Arrest il étoit dans l’ordre. Philippes Chapelier avoit faisi la Jurisdiction du Lieuenant Criminel par la plainte qu’il avoit renduë, non seulement contg ses coheritiers, mais aussi contre plusieurs autres qui s’étans trouvez chargez par les informations, avoient été decretez en comparonce personnel ; mais en cette Cause on avoit saisi le Lieutenant Civil par une action purement civile, pour consentir ou contrédipe la delivrance du legs ; que les parties en consequence de leur information, concluoient seulement à faire déclarer la légataire ndigne de son legs, et qu’il étoit étrange que le Lieutenant Crimainel voulût persuader que l’affaire étoit criminelle, vû qu’aucune des parties ne roeclamoit sa Jurisdiction ; que cela seroit un prejudice notable aux panties, parce qu’il fandroit proceder sur les soustractions devant le Lieutenant Criminel, et sur le testament devant le Juge Civil : Les sieurs de Croismare demanderent d’être renvoyez devant le Juge Civil. La Cour, fuivant les Conclusions de Mr l’Avocat General le Guerchois, renvoya les parties devant le Lieurenant Civil ; par Arrest du 15. de Juillet 1éy8


CCCXCV.

Biens paraphernaux.

Les biens paraphernaux se doivent entendre des meubles servans à l’usage de la femme, comme seroient lits, robbes, linge, et autres de pareille nature, desquels le Iuge fera honnête distribution à la veuve en essence, eu égard à la qualité d’elle et de son mary, appellé neanmoins l’heritier et créancier, pourvû que lesdits biens n’excedent la moitié du tiers des meubles, et neanmoins où le meuble seroit si petit, elle aura son lit, sa robbe, et son coffre.

L’Article precedent donne à la femme qui renonce ses biefs parapfernaux. On explique en celui-cy la qualité et la qantité de cette espèce de biens : Cette explioation étoit necesfaire, parce que nous donnons à ce terme de Parapbernal un sens particulier, signifiant parmy nous tout autre chose qu’il ne fait ailleurs

Mr Josias Bérault s’est trompé, lors qu’il a dit que dans le Droit Romain les paraphernaux étoient les meubles, que la femme retenoit par devers elle, sans les bailler en dot, et que l’on appelloit bona receptitia, dont on faisoit un mémoite qui étoit signé du mary, et qui ne consistoient qu’en bagues, robbes et joyaux, dont elle vouloit se servire Les femmes parmy les Romains avoient trois sortes de biens, Rei uvoriè momine tria rerum genera coaeprehendebant, alia dutales, aliae praterdotales, alia recepeitiae. Docales sunt quorum possessio, & dominium in maritum tranefertur : preterdotales que Graci obacapre vocant quae in possessione mariti tantum erant. Receptitia verè que extra mariti dominium & possessionem Loyseau ttiam najuralem mulier sibi reservabat.Hotoman . de Dotib. in princi Loyseau du Deguerp. l. 2. c. 4. n. 4.

Il paroit que la femme ne donnoit pas toûjours tous ses biens en dot, ce qu’elle vouloit gretenir luy appartenoit, et non à son mary ; et cela s’appelloit comme il fait encore aujourd’huy dans les païs de droit écrit, ses biens paraphernaux, si le mary en avoit la joüissance il étoit tenu d’en rendre compte ; s’il n’y avoit une convention contfaire par le Contrat de mariâge, l. hac lege de Pact. Convent. et Paraphernis. Hac lege decernimus, ut vir in hs rebus qual extrà dotam mulier habet, quas Graci parapberna vocant, nullam uxore prohibente habeat communiopem. Et c’est peut-être cette loy mal entenduë qui a fait confondre à Bérault les paraphernaux vec ces autres biens dont la femme retenoit la joüissance et la proprieté Mais la nature de ces biens, que res receptitiae vocabantur, étoit fort differente des parafernaux ; et pour comprendre parfaitement ces diverses espèces de biens, l’on ne peut citer rien de plus singulier que ce qui est rapporté parAulugelle , l. 17. c. 6. de ses Nuits Artiques. Bu expliquant le raisonnement deCaton , pour faire recevoir la loy Voconia, qui contenoit cet paroles : Principio nobis mulier magnam dotem attulit, tum magnam pecuniam recipit quam in oviri potestatem non commitrit, eam pecuniam viro in mutuum dat, postea ubi irdta facta est, serpum veceptitium sectati atque flagitare viruai jubnti

Nous découvrons par ce discours que les Dames Romaines n’étoient pas moins fieres que leurs matis, que le joug de leurs maris leur étoit insupportable, et que pour s’en exempter, ou au moins pour le rendre plus aisé, et se conserver un pouvoir et une défense contre leurs maris, elles ne leur donnoient en dot qu’une partie de leur bien, et qu’elles retenoient le proprieté et la pleine disposition du reste, qu’elles prétoient à leurs maris lors qu’elles étoient de belle humeur ; mais qu’elles le leur redemandoient lors qu’elles en étoient mal fatisfaites, ou qu’elles étoient en colere, et pour cet effet elles se servoient d’un esclave qu’elles retenoient pour cet usage-là, quem cum pecunia receperat nec dederat doti, qui ne manquoit pas d’executer avec rigueur les ordres et les emportemens de sa maîtresse, et de vendre les biens du mary.

Cette malice des femmes donna lieu à Caton de remontrer que la loy Voconia, qui rendoit les femmes incapables de succeder, étoit juste, et qu’il étoit utile pour le bien public que les temmes ne fussent pas si opulentes, puis qu’elles abusoient de leurs richesses pour mal-traiter leurs maris. Nous ne manquons pas d’exemples de femmes de pareille humeur, qui se reservent par leurs Contrats de mariage la disposition de leurs biens, sans en permettre l’usage à seurs maris, pour les tenir dans leur dépendance et conserver un empire sur eux par la necessité où elles les reduisent, de n’en tirer du secours que par leur congé.

Nous apprenons par ce même passage d’Aulugelle , que ces biens dont les femmes se reservoient la disposition et la joüissance ne consistoient pas, comme Berault a crû, en leurs rob-bes, linges, ou autres meubles à leur usage ; mais qu’elles retenoient leur argent, leurs esclaves, et tout ce que bon leur sembloit : ces biens s’appelloient paraphernaux.

Cet usage n’étoit pas particulier aux Romains, on en usoit aussi en quelque façon dans les Gaules, ou les femmes possedoient en leur particulier certains biens qu’on appelloit leur Pecule. l. si ego S. Dotis ae Jur. Dot. D. Et Mr Cujas a remarqué sur la l. 31. 5. fpecies l. 121 Papinien Respons. Papiniani, que hoc vocabulo etiam Aquitani hodie utuntur.

C’étoit une Coûtume à Rome, que des choses que la femme destinoit pour son usage particulier, quoy qu’elle les apportât à son mary, elle en dressoit un mémoire qu’elle luy faisoit signer, pour los reprendre en cas de divorce et de separation ; cela se pratique encore aujourd’huy parmy nous. Dans les Contrats de marlage l’on stipule presque toûjours, que la future épouse remportera ses bagues et joyaux, hardes et linges, ou une certaine somme ; et en vertù de cette sipulation, la femme en cas de mort ou de separation reprend les meubles qu’elle a stipulez de pouvoir remporter, s’ils se trouvent encore en essence, et même au prejudice des creanciers anterieurs de son mariage : que s’ils ont été dissipez, elle en a recompense sur les biens de son mary, mais non pas au prejudice des créanciers anterieuts de son Contrat de mariage ainsi à parler proprement, les paraphernaux sont ces biens que la femme se reserve de remporter ; mais lors qu’elle n’a pas eu cette prevoyance, la Loy supplée à ce défaut, et luy fait en cas de renonclation une distribution honnête des choses qui sont à son usage, proportionnée à la valeur des meubles que son mary a laissez : Par le grand Coûtumier de France elle ne doit remporter que ses habits communs, et non autre chose Dans plusieurs. Coûtumes la femme qui ne se porte pas commune, ne laisse pas de prendre les habits à son usage a mulier renuncians non debet exire nuda, sed debet habere sua vestimenta, ut vestes ordinarias fecundùm statum, non autem que cadunt in modum peculii, vel de Cabinet. Molin in Consuet. Paris. Art. 115. De laLande , sur l’Article 206. de la Coûtume d’Orléans, dit qu’ordinairement on luy laisse une robbe, et autres vêtemens, de chacune espèce un, avec e menu linge, et même en beaucoup de lieux on observe de luy donner un lit garny. La Coûtume de Bretagne est la plus liberale, elle veut que la femme prenne de toutes choses qui luy suffisent environ elle, tant de joyaux que d’autres choses, Art. 416. Nôtre Coûtume n’étend pas si loin les paraphernaux, elle les fait consister aux meubles servans à l’usage de et la femme ; comme sont lits, robbes, linges, et autres de pareille nature ; et comme cela ne Loyseau luy est accordé que par grace et commiseration, c’est avec raison que Loyseau dit que le paraphernal des femmes en Normandie est leur infernal, parce que ce n’est qu’un effet de leur misere, et de leur mauvaise fortune

La Coûtume a prudemment ordonné, que cette distribution doit être proportionnée à la qualité du mary et de la femme, neque enim omnibus una taxatio sufficere poterat, ut nec eaden smnibus dignitaae, nec eadem facultates, & omnino aliae fortunae mediae, alia Principi femine, aliâ Argentré opifici statuenda erat proportio ; Argentr. ad Articul. 416. gl. 1. Il faut aussi que le Juge y procede avec moderation, parce tamen, neque enim liberalitas necessitati congruit. Pour empescher l’apus et la fraude, suivant cet Article, cette distribution se doit faire en la presence des heri tiers et des créanciers, pour la conservation de leurs interests ; et quoy que cette liberalité se fasse à leurs dépens, ils ne s’y peuvent opposer par une raison de commiseration à l’exemple de celuy qui a fait cession de biens, à qui l’on ne pourroit ôter ses habits sans inhuma nité ;Bald . Ad l. ult. qui bon. Ad. poss. On n’en refuse pas même quelque petite portion à ceux qui sont condamnez pour crime, l. Divus D. de Bon. Damnat Ces paraphernaux ne sont dûs à la veuve qu’en cas qu’elle renonce à la succession de sond nary, et qu’elle n’ait stipulé aucun remport par son Contrat de mariage, ou qu’elle ne le puisse avoir tel qu’elle l’a stipulé ; mais elle ne peut avoir ces deux causes lucratives, suivant qu’il a été jugé par les Arrests remarquez par Bérault, et depuis encore par Arrest du 18. Aoust 1618. pour Jean le Courtois, contre la veuve de son frère. Autre Arrest en la Chambre des Vacations, du 17. Octobre 1654. entre la nommée le Prêtre, et Cecile, plaidans Maurry, et Lyout ; on cassa la Sentence qui avoit ajugé à ladite le Prêtre ses paraphernaux, outre son remport.

Il y eut plus de difficulté sur cette question, si le legs fait par le mary à sa femme la privoit de ses paraphernaux : Elle s’offrit en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Fer-manel, le 18. de Mars 1655. en procedant au jugement du procez d’entre les Sieurs et Dame de Poitrincourt et Daniel sieur de Boisdanemets ; les Juges furent partis en opinions. Le fait étoit que Dame N. de l’Epinay avoit épousé en premieres nopées le sieur de Boisdanemets, et par son Contrat de mariage elle n’avoit point stipulé qu’elle remporteroit ses habits, bagues et joyaux, ny aucuns autres meubles ; ayant renoncé à la succession de son mary, elle demanda ses paraphernaux, pour lesquels on luy ajugea le fixième denier de la valeur des meubles ; mais dans le compte qu’elle rendit à son flls de la gestion qu’elle avoit euë de son bien comme sa tutrice, il luy contredit cette demande, se fondant sur ce que le sieur de Boisdanemets son mary luy avoit légué par son testament ses bagues et joyaux, les linges et hardes à son usage, avec son carosse et ses chevaux, et par cette raison il soûtenoit qu’elle devoit se contenter à son legs, ou prendre seulement ses paraphernaux, ne pouvant avoir l’un et l’autre : Le sieur de Poitrincourt, son second mary, pretendoit qu’elle pouvoit avoir le legs à elle fait par son mary, puis qu’il l’avoit pû faire, comme il autoit fait à un étranger ; mais que cette liberalité ne pouvoit pas luy faire perdre ce qui luy étoit acquis par la Coûtume, et bien que les choses qu’elle pouvoit demander pour son paraphernal fussent comprises dans son legs, néanmoins elle pouvoit les prendre en essence en vertu de son legs, et avoir encore le sixième denier de la valeur des meubles par le benefice de la Loy : les Arbitres qui avoient procedé à l’examen du compte lavoient jugé de la sorte, dont la mere et le fils avoient appellé respectivement : La mere, en ce qu’on luy avoit ajugé mille livres seulement pour son paraphernal, outre son legs, encore que le prix des meubles montât à dix ou douze mille livres, et les cédules, bestiaux, et grains à vingt mille livres ; de tous lesquels biens elle pretendoit avoir le sixième denier : Le fils se plaignoit de ce qu’on ne l’avoit. pas debourée de la demande des paraphernaux, à cause du legs qui luy avoit été fait : L’avis de Mr le Rapporteur étoit qu’il avoit été bien jugé, tant à l’égard du fils qu’à l’égard de la mere, quoy que l’on n’eût estimé son paraphernal qu’à la somme de mille livres, en confideration du legs qui luy avoit été fait ; et d’ailleurs que le paraphernal que la Coûtume évaluë au fixième denier, ne s’entend pas de tous les effets mobiliers d’une succession, mais seulement des meubles servans dans une maison : Pour l’appel du fils, Mr Clement Compartiteur dit qu’il étoit du même avis que Mr le Rapporteur, à l’égard de l’appel de la veuve, et qu’en effet tous les biens mobiliers d’une succession ne devoient pas entrer dans l’évaluation du paraphernal d’une veuve ; mais entant que l’appel du sieur de Boisdanemets, il esti-moit que la veuve ne pouvoit avoir que le legs ou le paraphernal, la Coûtume ne donnant les paraphernaux que par commiseration, et en l’honneur du mariage, l’honnéreté publique ne permettant pas qu’une femme sorte de la maison de son mary comme une gueuse, sans avoir dequoy se vétir et se coucher ; mais lors que la femme par son Contrat de mariage a stipulé un preciput et un remport de ses joyaux, habits, linges, et lit, en ce cas si elle re nonce à la succession de son mary et qu’elle remporte les meubles qu’elle a stipulez, elle ne peut plus pretendre aucune chose pour son paraphernal, parce qu’il ne luy est donné par la Coûtume que lors qu’elle ne remporte rien : Il faut dire la même chose lors que son mary y a pourvû par son testament, et que prevoyant le besoin de sa femme il a voulu luy donner le à peu prés les mêmes choses que la Coûtume luy auroit accordées, et c’est en cette rencontre que l’on peut faire valoir la maxime, que provisio hominis facit cessare provisionem legis ; Il passa presque tout d’une voix en la Grand-Chambre, à dite que la veuve ne pouvoit avoit que le legs ou le paraphernal.

Il semble que les paraphernaux n’étant accordez à la femme que par grace et par commiseration, et même cette liberalité se faisant aux dépens des créanciers, elle n’est dûé qu’à sa personne, et ses heritiers n’ont aucun pretexte de les pretendre lors que la femme de son vivant n’en a pas formé la demande, autrement il auroit été mal jugé par l’Arrest du sieur deBoisdanemets, car si les heritiers ont action pour les demander, il faut que le droit en soit pleinement acquis à la femme par sa seule qualité de femme, et par consequent le legs que le feu sieur de Boisdanemets avoit fait à sa femme ne devoit pas luy faire perdre ses paraphernaux : Aussi Berault est de ce sentiment, que la demande des paraphernaux est personnelle, et qu’elle ne passe point aux héritigrs, ce qu’il confirme par l’autorité d’un Arrest qui l’avoit jugé de la sorte et Godefroy esb aussi de ce même avis.

Cependint cette question a été décidée en faveur des heritiers de la femme par plusieurs Arrests : De premier fut donné en la Chambre de IEdit le 26. d’Aoust 1626. entre Simon de

Saint Germain, Eeuyer sieur d’Ivoy, et de Piane, sieur de Briqueville ; il fut jugé par cot Arrest qu’un socond mary étoit admissible à demander les paraphernaux qui eussent appartenu à sa défunte femme, quoy que de son vivant elle n’en eût formé aucune demande.

Cette même question fut plaidée solennellement par M de Toufreville le Roux, depuls Conseiller en la Cour, et par Mr Jacques Coquerel. Claude Noel, sieur des Prez, et Demoiselle Elizabeth Ménage sa femme, furent attaquez en même temps de la maladie conta-pieuse ; le mary mourut, et sa femme ne le survéeut que de trois jours. Philippes Ménage, Ecuyer sieur de Cagny, frère de cette femme, mit en action les heritiers du mary pour luy donner les paraphernaux qui étoient dûs à sa seur, en renonçant à la succession de son mary, ce qu’il déclaroit faire pour elle ; l’heritier y ayant été condamné, le Roux son Avocat dir soit pour ses causes d’appel, que la demande des paraphernaux étoit personnelle, et qu’elle ne passoit point à ses heritiers, si elle n’en avoit formé la demande, ce qui se prouve par la definition des paraphernaux que la Coûtume en donne en cet Article ; les paraphernaux sont les meubles serbans à l’usage de la femme, c’est donc à elle seule qu’ils sont dus, puis qu’on ne luy accorde que ce qui est propre à son usage ; c’est un droit fingulier, et un tort que l’on fait aux creanciers et aux heritiers, jus autem singulare quod contra tenorem ratior nis propter aliquam utilitatem introductum est, non est trahendum ad consequentiam : Il n’est par raisonnable que la femme qui renonce à la succession de son mary ; emporte une partie de ses meublos à un titre purement lucratif au prejudice des legitimes creanciers ; et cependant la Coûtume par un mouvement d’humanité et de commiseration, ayant estimé qu’il seroit honteux de chasser une veuve sans son lit et ses habits ; elle luy a donné ses petits meubles mais quand elle n’a pas voulu en faire la demande, l’intention de la Coûtume n’a pas été de les donner à son heritier : ce qui se prouve encore par les termes de cet Article, que le Juge en fera une honnête distribution à la veuve ; car tous les termes de cet Article marquent que cette grace n’est accordée qu’à la seule personne de la veuves Coquerel répondoit pour les intimez, que les paraphernaux n’étoient pas un simple usufruit, qui s’éteignit par la mort de la veuve, que c’étoit un bien propre qui passoit à son heritier, et que luy étant donnez par la Coûtume, son heritier avoit droit de les demander : La Gause ayant été appointéeur Conseil, par Arrest du 30. de Juillet 1627. au Rapport de Mr Pigny, la Sentence fut confirmée ; ce qu’il y avoit de particulier étoit, que la femme étoit morte trois heures seulement aprés son mary, de la maladie contagiense, ainsi elle n’avoit point été en état de renonges ny de demander ses paraphernaux, ce qui rendoit son heritier favorable.

Pour obtenir la delivrance des paraphernaux, il n’est pas necessaire que le Contrat de mas riage ait été reconnu ; car bien qu’il n’eût point d’hypotheque, une femme n’est point privée de remporter ses bagues et joyaux, ou la somme limitée par son Contrat de mariage, au prejudice des créanciers, dautant que c’est plûtost une retention de ce que la Coûtume et la disposition ordinaire des Contrats de mariage luy donne, qu’une creance, et l’Arrest de 1600. est plûtost pour la dot que pour le doüaire et les paraphernaux, et pour les bagues de la femme ; il fut jugé de la sorte le 7. d’Avril 1633. Nonobstant cet Arrest, pour éviter les fraude et les suppositions, il me semble qu’il faut distinguer entre les meubles dont la femme auroit stipulé le remport, et les paraphernaux : Pour les premiers, quoy que son Contrat de mariage fût sous signature privée, si toutefois ils se trouvoient encore en essence, il seroit juste de les luy laisser ; que s’ils n’étoient pas en essence, et qu’au lieu d’iceux la veuve demandât une somme, elle n’y seroit pas récevable, parce qu’il seroit fort aisé de supposer un autre Contrat mais pour les parapbernaux ils sont dûs à la femme, soit que le Contrat ait été rcconnu, ou non.

Le prédécez du mary n’est pas le seul cas où la femme a delivrance de ses paraphernaux, ou des meubles dont elle a stipulé le remport, la separation civile a le même effet ; mais on a demandé si lors qu’elle n’est point encore separée, et que les meubles du mary sont entierement saisis, elle a qualité pour demander ce remport : Elle peut alléguor qu’elle a unt action pour les conserver, que si elle laissoit vendre tous les meubles de son mary sans s’y opposer, sa stipulation luy deviendroit inutile. On oppose au contraire, que la femme n’étant point separée, elle n’a pas d’action, que ce remport n’est que conditionnel, en cas qu’elle survive à son mary ; que si elle redoute son mauvais ménage, et qu’il ne luy reste aucuns meubles pour fournir à ses conventions matrimoniales, elle peut avoir recours au remede ordinaire de la separation ; mais ne le faisant pas, les créanciers ont dron de contrédire sa demande, le mary pouvant aliener ses meubles, et en racheter d’autres dés le lendemain ; mais puisque les biens que la femme se réferve de pouvoir remporter n’appariennent au mary que conditionnellement, en cas que la femme predecede, et qu’elle peut les reclamer au prejudice des créanciers anterieurs de son Contrat de mariage, pourvû qu’ils soient encore en essence ; la femme bien que non separée a une qualité pour les reienr et pour les conserver, ce qui n’auroit pas lieu pour les paraphernaux, qu’elle et peut demander qu’en cas de mort ou de separation.

L est une stipulation ordinaire dans les Contrats de mariage, que la femme remportera ses bagues et joyaux, sa chambre, son carosse, et autres meubles servans à son usage, ou une certaine somme ; lors que cette alternative n’y est point employée, on a douté si ne se trouvant au temps du decez du mary, de chambre meublée, de carosse, et de chevaux, la veuve pouvoit demander une somme d’argent : Dame Jaqueline de Bechevel, veuve de Bechevel, Ecuyer sieur de la Motte, forma cette demande devant le Juge de Bayeux, sontre le sieur de Bechevel, tuteur du fils dudit sieur de la Motte, en consequence de la stipulation employée dans son Contrat de mariage, qu’elle remporteroit son carosse : son ma-riage n’avoit duré que six mois ; et comme les mariez demeuroient chez le pere de ladite Dame, elle Navoit point eu de carosse, elle voulom neanmoins en avoir ; et quoy qu’on luy eût offert la meilleure chambre du logis de son mary, elle pretendoit encore qu’on luy en devoit fournir une selon sa condition, son mary ne luy en ayant point acheté ; elle fut deboutée de ses pretentions : Greard sur son appes ne disconvenoit point de la Maxime, que quand une temme n’avoit point stipulé qu’elle auroit sa chambre, et son carosse, ou une certaine somme, elle n’en pouvoit demander, s’il ne s’en trouvoit point au temps de la mort de son mary ; mais il disoit que ce mariage n’avoit duré que six mois, et que son mary n’avoit pû luy en acheteri et pour sa chambre, qu’ayant donné trois mille livres pour don mobil, elle devoit au moins avoir une chambre honnête. Je répondois pour le tuteur, qu’il falloit s’attacher aux termes du Contrat, que son mary ne luy avoit pas promis un carosse, mais il avoit consenti qu’elle eût celuy qui se trouveroit ; elle devoit prevoir ce cas, s’il n’y efi avoit point, et stipuler une somme : Pour la chambre, qu’elle devoit se contenter de celle de son mary, et qu’il étoit re incivil de pretendre qu’on étoit obligé de luy en acheter une autre pour la luy donner ; la Cause ayant été appointée, elle fut jugée au Rapport de Mr Berrare ; et par Arrest, la Cour mit sur l’appel hors de Cour, en la Chambre de l’Edit, le 9. de Mars 1663.

Lors qu’il est stipulé que la femme remportera ses bagues et autres meubles, ou uné cernaine somme, sans ajoûter qu’il sera au choix de la femme de prendre l’un ou l’autre, l’on peut douter si l’heritier a la faculté de choisir en consequence de cette maxime, que electiono est debitoris. Il faut tenir que ce choix demeure à la femme par ces deux raisons ; que ce sont ses meubles qu’elle apporte, et que cette alternative n’est employée par elle que pour son avantage.


CCCXCVI.

Décharge des hypotheques et charges réelles n’est reputée conquest.

Si le mary constant le mariage décharge les héritages à luy appartenans lors le ses épousailles, ou bien à luy échûs en ligne directe constant son mariage. de rentes hypotheques et foncieres, ou autres charges réelles, la femme a le tiers entier pour son doüaire déchargé desdites rentes raquitées, comme s’ils n’eussent point été chargez lors et avant les épousailles : et ne sont lesdits raquits et décharges reputées conquests, pour y prendre droit par la femme ou ses heritiers.

Cet Article nous fait comprendre deux choses ; la premiere, que la Coûtume a perpetuellement cette intention de convertir en propres toutes sortes d’immeubles ; et la seconde, de diminuer les avantages des femmes : C’est dans cette véë qu’elle dispose, que l’extinction. les rentes constituées ou foncieres, dont l’héritage du mary étoit chargé, ne passe point pour un acquest ou une augmentation qu’il fasse de son bion, pour y donner part à la femme dans les lieux où la communauté a lieu, le rachapt fait par le mary des rentes qu’il devoit, est reputé acquest ;, Paris, Article 244. et ibid. Tronçon etRicard . Du Moulin avoit été de ce sentiment sur le 57. Article de l’ancienne Coûtume de Paris, quant au partage de la communauté entre les heritiers du mary et de la femme ; et Mr d’Argentré , sur l’Article 418. de sa Coûtume, gl. 3. n. 11. repute cette décharge un acquest, et que l’heestier doit rendre la moitié des deniers déboursez pour cette liberation ; car encore que le mart soit le maître des meubles, et qu’il en puisse disposer à sa volonté, toutefois la femme n’est privée d’y prendre part que quand il les a consumez, et non pas lors qu’il les a utilement employez pour la décharge de ses héritages. Il n’en esae pas de même des dettes mobiliaires, quae si dissolvuntur de communione nulla est repetitio, quia confunduntur in communione, in quà quisque Chassanée roepit suum & consumit. Voyez Chassanée, titre des Gens Mariez, S. 3. v. ou pour elle. Et non seulement l’heritier du mary doit rendre la moitié des doniers payez pour le rachapr des rentes, mais aussi la moitié des augmentations faites sur le bien du mary ; comme aussi la femme ou ses heritiers sont tenus de faire la même chose. C’est encore par cette raison que l’on a jugé au Parlement de Paris, que si le mary avant son mariage avoit acquis un fonds sans en avoir payé le prix, et que depuis constant le marlage il s’en acquittât, la femme veritablement ne prendroit pas part au fonds comme à un acquest, parce que le mary en étoit saisi avant son mariage, et qu’en matière de Contrats de rachapr ou de vente, maximé inbicitur tempus contractùs l. Rutilia Poll. ff. de Contrah. Empt. mais elle auroit part aux denier déboursez par le mary ;Loüet , l. a. n. 3.

Nôtre Coûtume est contraire à toutes ces Maximes, elle ne donne aucune part à la femme, ny au fonds, ny aux rentes raquitées ; mais son doüaire en augmente, ayant le tiers entien pour son doüaire, déchargé des rentes rachetées

Nicolas Blondel, sieur de Coquetot, en mariant sa fille à Bertout, sieur de Tiberville, stipula une consignation actuelle de la dot de sadite fille sur tous les biens du mary, et avec cette condition néanmoins, que pour une plus grande asseurance les deniers dotaux seroient employez à Iacquit des dettes du mary, et que sa fille demeureroit subrogée aux hypotheues des créanciers. Aprés la mort du sieur Bertout, ladite Dame Blondel la veuve demanda sa dot et son doüaire exempt des rentes que lon avoit rachetées de ses deniers dotaux ; pour cet effet elle s’aidoit de cet Article, soûtenant que sa dot étant consignée, elle devoit avoit ous ses droits sans diminution, suivant l’Article CCCLXV. que toutes les rentes ayant été rachetées, son doüaire en devoit être déchargé, que la subrogation à lhypotheque des créanciers ne luy pouvoit nuire, puis qu’il y avoit une consignation actuelle. On répondoit que lors que la Coûtume donnoit le doüaire entier et déchargé des rentes que le mary avoit rachetées, cela s’entendoit d’une liberation effective et parfaite, ce qui n’étoit pas en cette espece, où la femme avoit stipulé la subrogation à l’hypotheque des creanciers, et par ce moyen elle étoit devenuë creancière, d’où il s’ensuivoit que les rentes n’étoient point rachetées, puis qu’elles subsistoient encore par le moyen de cette subrogation ; ainsi jugé au Rapport de Mr d’Anviray le 5. de Juillet ré62. en la Grand. Chambre.

Il est bien raisonnable que le doüaire de la femme soit augmenté, lors que le mary décharge son héritage des rentes qu’il devoit, sur tout lors qu’il fait cette liberation de son épargne et de son ménage ; mais cette raison cesse lors qu’en même temps qu’il se libere Il s’engage, et se constituë en d’autres rentes qu’il emprunte, et en ce cas on demande si la femme qui renonce à la succession de son mary, peut avoir son doüaire déchargé des rentes que son mary devoit lors du mariage sans contribuer à ses nouvelles rentes, lors qu’il n’y a point de declaration que les deniers en ayent été employez ; Cette question fut décidée, au Rapport de Mr de Fermanel, en la Chambre des Enquêtes le 18. de Mars 1655. entre Daniel, Ecuyer sieur de Boisdanemets, et la Dame de Poitrincourt sa mere, et il fut dit qu’elle prendroit son doüaire sur tous les héritages dont elle avoit trouvé son mary saisi, sans contribuer aux rentes qu’il avoit ragherées constant leur mariage, et qu’elle ne contribuêroit point aux renles qu’il avoit constituées durant iceluy, vû qu’elle avoit renoncé à sa succession, quoy qu’on soûtint que ce n’étoit pas liberer son tonds en rachetant les rentes dont il étoit chargé, si on les hypothequoit en même temps à d’autres rentes, et que c’étoit une ouverture pour faire un avantage indirect aux femmes contre l’intention de la Coûtume ; et vray-semblablement ce n’a pas été l’intention de nos Reformateurs, de faire de si grands avantages aux femmes, il étoit juste que les rentes étant rachetées des deniers où la femme auroit eu part, elle eût au moins son doüaire exempt de ces rentes : mais il n’y a pas lieu de faire passer ce rachapt-là pour une extinction, lors que le mary fait de nouvelles constitutions ; pour cet effet, quoy l’il n’ait pas fait de declaration d’employ, n’étant pas necessaire, parce qu’il ne s’agit par d’hypotheques, ce que l’on peut confirmer par la disposition de l’Article suivant ; car n’est-ce pas vendre son propre, que de l’hypothequer


CCCXCVII.

Doüaire n’a lieu sur l’héritage baillé pour ladite décharge.

Si le mary a vendu de son propre pour faire ledit raquit, la femme prenant doüaire sur les héritages déchargez, ne pourra pretendre doüaire sur ledit héritage vendu.

Cet Article est fort juste, la femme ayant son doüaire exempt des rentes rachetées, si ce rachapr ne s’est point fait par le bon ménage des conjoints, mais par le moyen de la vente des propres du mary, elle ne doit pas prendre doüaire sur ces héritages vendus, parce qu’elle auroit un double avantage, et que ce seroient deux causes lucratives qui ne peuvent valoir.


CCCXCVIII.

Donation n’est sujette à doüaire.

La femme ne peut avoir doüaire ne conquest sur les biens donnez à son mary.

La premiere partie de cet Article est inutile, la Coûtume s’en étant expliquée fort nettement en l’Article CCCLXXX. Elle est même mal conçûë ; car il ne falloit pas dire en teimes

generaux, que la femme n’a point de doüaire sur les biens donnez à son mary, non feulement elle le peut avoir sur les immeubles qu’elle luy a donnez en don mobil, mais aussi il luy appartient sur les biens donnez à son mary par le Contrat de mariage.Coquille , sur l’Artide premier du Titre du Doüaire de la Coûtume de Nivernois, en propose la question ; s’il avient, dit-il, qu’un parent qui n’est ascendant donne en faveur de mariage, on demande si cet héritage est sujet à doüaire ; Car il se trouve qu’en même temps le mariage a effet et le doüaire aussi ; toutes les conditions faites en faveur de mariage ayant cette condition inherente, si les nopces s’ensuivent, l. plerumque de jure dot. Et dans les Contrats toutes les con-ditions étant purifiées, elles ont un effet retroactif au jour du Contrat, l. filiusfamil. de verb. oblig. d’où il resulte que la donation a un effet plus ancien que la celebration du mariage, et par consequent les biens donnez sont sujets au doüaire ; cela doit avoir lieu pour lés autres donations, comme pour celle qui est faite pour le don mobil, comme je By déja remarqué sur l’Art. CCCLXVII. et c’est pourquoy pour éviter toute ambiguité, il falloit dire comme en l’Art.

CCCLXXX. que la femme n’a point de doüaire sur les donationffaites depuis les épousailles.

C’est perpétuellement l’esprit de la Coûtume, d’affoiblir et de resteindre les droits des femmes, et de ne leur donner aucune part aux biens de leurs maris qui leur sont échûs constant leur mariage, s’ils ne proviennent de leur mutuelle collaboration. Il ne s’ensuit pas toutofois que quand l’héritage a été acheté, pour y donner part à la femme il faille examiner cujus respectu, aut labore, aut pecunia res quesita sit, aut si sibi quis nominatim stipulatus sit ; il suffit que l’achapt soit fait constant le mariage, pour produire un droit de conquest à la femme, nam, Argentré inquit Argentr. Art. 4il. gl. 1. n. 3. et si certum sit plus industriae in viris esse, tamen mulieris est asservatio partorum ; mais pour les choses données depuis le mariage, n’y ayant point de communauté entre les gens mariez, elle ne peut y pretendre part T ce titre-là ; elle est encore excluse par ce même Article de tout droit de conquest ; de sorte qu’il n’est point neces-faire de discuter si la donation a été faite en contemplation du mary ou de la femme, ny de distinguer si elle a été faite à P’heritier en ligne directe, ou à l’heritier en ligne collaterale, comme en la Coûtume de Paris, Article 246. ou si cette difference d’heritiers est considerable ou non, ce que Mr d’Argentré a traité sur l’Article 418. de la Coûtume de Bretagne, l. 1. de quelque qualité que soit le donataire, et quelque soit le motif de la donation, pourvû qu’elle soit faite au mary, elle luy appartient toute antière.

Cet Article n’a pas lieu seulement pour les donations entre vifs, mais aussi pour les testamentaires, la raison de l’exclusion étant égale pour l’un et pour l’autre ; et c’est pourquoy par la Coûtume de Paris, les choses données entrant dans la communauté, la disposition pour les donations entre vifs a été étenduë aux legs testamentaires ;Ricard , Artide 246. ce que j’ay déja remarqué sur l’Article CCCxxIV.

Me Josias Berault apporte deux limitations à cet Article ; la premiere, pour les donations. remunératoires, suivant un ancien Arrest de l’année 1592. ce qui semble contraire à l’intention de la Coûtume, qui ne veut en aucune maniere étendre ny augmenter les droits des femmes ; la donation faite en termes generaux pour recompense de services, ne laisse pas de passer pour une liberalité : et bien que le donateur fût en quelque façon obligé à quelque bien-fait, si toutefois le donataire n’avoit point d’action pour la demandor, et le donâteur ne pouvant être forcé à donner, ce seroit toûjours une pure liberalité qui ne changeroit pas la nature et la qualité ordinaire de la donation, est enim donatio id quod nullo jure cogente conceditur, 1. Doüarii D. de Donat.

La deuxième limitation rapportée par Bérault, est pour la donation faite par la femme à son mary pour son don mobil ; il n’y avoit pas d’apparence de la reputer un conquest, car elle auroit repris par cette voye ce qu’elle avoit donné : d’autre part elle ne pouvoit y demander doüaire, son mary n’en étant pas saisi lors du Contrat de mariage : cependant comme il suffit que ce bien appartienne au mary lors des épousailles pour acquerir doüaire à la femme, on a jugé suivant l’Arrest remarqué parBerault , que le doüaire étoit dû, et neanmoins l’on v a apporté cette restriction, que la femme et les enfans n’y avoient droit que quand la chose donnée en don mobil se trouvoit en la succession du mary ; que s’il l’avoit venduë, la femme ay les enfans ne pouvoient troubler les acquereurs ; et cette distinction entre les heritiers et les acquereurs est fondée sur cette raison, que le don mobil étant fait au mary pour supporter les frais du mariage ; il pouvoit être que le mary l’avoit aliené pour fournit aux frais du mariage : Ainsi jugé en la Grand-Chambre le 26. de Juin 1646. pour Me Marin le FévreAvocat en la Cour, contre le sieur Laudasse ; plaidans Maurry, et Lyout. Autre Arrest du 14. de Janvier 1647. pour du Toupin, au Rapport de Mr de Vigneral.


CCCXCIX.

Doüaire propre aux enfans.

La proprieté du tiers de l’immeuble destiné par la Coûtume pour le doüaire de la femme, est acquis aux enfans du jour des épousailles, et ce pour les con-

rats de mariage qui se passeront par cy-aprés : et neanmoins la joüissance en demeure au mary sa vie durant sans toutefois qu’il le puisse vendre, engager, ne hypothequer : comme en pareil les enfans ne pourront vendre, hypothequier ou disposer dudie tiers avant la mort du pere, et qu’ils ayent tous renoncé a sa succession.

Voicy sans doute un des Articles de la Coûtume qui est le plus on nsage ; le nombre de eres mauvais ménagers étant fort grand, la demande du tiers Coûtumier est aussi le suje de plus ordinaire des pronez ; et quoy que la Coûtume ait défini fort exactement que la Lgitime des enfans consiste au tiers des biens que le pere possedoit au temps des épousailles. t qu’elle ne peut être alienée, engagée, ny nypothequée du vivant d’iceluy, il s’est toouvé veanmoins des gens affez ingenieux pour former un nombre presque infini de difficntez sur les paroles de cet Article, et air l’explication d’iceluy.

Les petes ne suivans pas toûjours les sentimens de la natute, et tcompans fouvent cette usperance que les Loix avoient de leur pieté et de leur affection envers leurs enfans, en pegligeant le soin de leur education et de leur subsistance, il a fallu établir des loix pour leur conservation, en contraignant les peres de s’acquiter de ces devoirs où leur qualité Les obliteoit indispenfablement : Ainsi depuis qu’un homme a eu la volonté de devenir mary et perei il cesse d’êtte le maître absolu de tous les biens, et la Loy luy commande d’en conserver quelque portion pour sa femme, et pour les enfans qu’il a mis au monde : C’est pour cetts raison que l’on appelle cette portion une legitime, parce qu’elle est donnée aux enfans par la Loy, sic dicitur quod à sola Lege sine ullo hominis facto et difpositione deferatur.

Ce fut par ce même motit que les Romains jugerent à propos de donner quelques bornes à cette liberté demesurée, que par la Loy des douze Tables chacun avoit de disposer de tous les biens à sa volonté. La Loy Juria défendit de léguer plus de mille asses, plus mille assibul legatarium capere vetabat ; mais cette Loy étoit fort impartaite, et elle ne remedioit pas à tous les abus, on la rendoit inutile en faisant divers legs, et en si grand nombre, qu’il ne restoit rien aux legirimes heritiers. La Loy Voconia qui défendoit de léguer au de-là de ce qui restoit à l’heritier, ne fut pas encore un temede assez fort ; par la pluralité des legataites il demeuroit si peu de chose aux heritiers, qu’ils refusoient d’accepter la succession. Enfin la Loy Falcidie. interdit de léguer ultra dodrantem, c’est à dire la quatrième partie, qui demeurs reservée aux heritiers.

La pluspart des Coûtumes de France ont imité cet exemple pour les successions directes et ont constitué une legitime aux enfans, soit du tiers ou de la moitié : Nôtre Coûtume la limitant toûjours au tiers, n’a pas été assez liberale, sur tout lors qu’il reste un grand nombre d’enfans ; mais c’étoit beaucoup faire que d’obtenir ce tiers pour les enfans, et d’adoucir la durété de l’ancienne Coûtume, qui ne leur conservoit aucune part dans les biens de leur pere.

Justinien Justinien ayant remarqué que cette quatrième portion qui étoit destinée pour les enfants n’étoit pas suffisante lors qu’ils étoient en grand nombre, estima qu’il étoit raisonnable de l’augmenter ; de sorte que quand le pere laissoit quatre enfans, ou au defsous, la legirime étoit le tiers ; et quand le nombre excedoit celuy de quatre, il lour appartenoit la moitlé de tout le bien de leur pere : Authent. de Triente et Semisso, S. 1.

Les enfans sont recompensez par nôtre Coûtume en ce point, que s la leguime R’est par augmentée selon le nombre d’enfans, ce tiers neanmoins leur est souvent plus avantageux que la legitime du Droit Romain, parce qu’elle ne se prenoit que sur les biens que le pert laissoit au temps de sa mort, ce qui n’empeschoit pas le pere d’aliener son bien, ou d’en disposer entre vifs : au contraire, le tiers est inviolablement asseuré aux enfans dés le jour du mariage de leur pere ; dés ce moment le pere cesse d’être le maître de cotte partie de son sen : mais nonobstant cette sage précaution, il eût été beaucoup plus juste d’augmenter le iers selon le nombre des enfans ; Nam, dit duMoulin , multitudo nopotum aggraoat avi conscientiam ut minus debeat extraneis relinquere et bouum judicam posse et debera ad hoc attandaresMolin . in not. Ad lib. 7. Consil. Alex. c. 36.

La Coûtume de Paris semble avoir pourvû à tous ces inconvenions ; la legitime des onfans ponsiste en la moitié de telle part et portion que chacun enfant eût en la succession de se pere et mère, s’ils n’en eussent disposé par donation entne vifs ou de demiere volonté.

Art. 298. et le doüaire Coûtumier qui consiste en la moüié dea imneubles, et est le propre néritage des enfans, an telle sorte que les peres et mêtes ne le peuvent vendre, engaget, ny hypothequer au prejudice de leurs enfans, Art. 249. et lors que le pere a été manié plusieurs fois, le doüaire Coûtumier des enfans du premier lit est la moitié des immeubles, que e pere possedoit lors dudit premier mariage, ou qui luy sont avenus durant iceluy en ligne directe ; et le doüaire Coûtumier des enfans du second lit, est le quart desdits immenbles, et le quart des conquests appartenans au mary, faits constant le premier mariage, jusqu’au our de la consommation du second, et la moitiè des immeubles qui luy échéent en ligne directe pendant ce second mariage, et ainsi conséquemment des autres, Art. 153. de la Coûtume de Paris.

Comme il étoit raisonnable d’asseurer la condition des enfans, et de les mettre en quelque façon à couvert du prejudice qu’ils pouvoient recevoir par le mauvais ménage de leurs peres il étoit pareillement juste de donner aux peres quelque portion des biens de leurs enfans, lors que par un ordre renversé et contre le vou de la nature ils mouroient avant leurs peres. La Loy Romaine a fort bien observé cette regle, elle a même voulu que les freres eussent quelque égard pour leurs freres, leur ayant conservé une legitime. Nôtre Coûtume est fort dif-crente, bien loin que les peres et meres ayent une espèce de legitime sur les biens de leurs enfans, au contraire elle leur ôte entierement leur succession pour la donner à leurs autres enfans. Il faut remarquer qu’en Normandie, ce que nous appellons legitime est le tiers Coûtumier, parce que nous n’avons pas d’autre legitime ; mais dans la Coûtume de Paris, la legitime est difserente du doüaire Coûtumier.

Cet Article peut être divisé en six parties ; dans la premiere l’on apprend quelles sont les personnes qui peuvent demander ce tiers Coûtumier ; dans la seconde, sur quels biens i consiste ; dans la troisiéme, sur quelle nature de biens il peut être demandé, et sous quelles conditions ; dans la quatriéme, de quel temps le tiers leur est acquis ; dans la cinquième, en quel temps ils en ont la proprieté et la joüissance ; et dans la sixiéme, s’ils peuvent le vendre ou engager durant la vie de leurs peres et meres Les enfans legitimes ou les petits enfans, en cas que leur pere soit predecedé, sont les seules personnes qui peuvent demander ce tiers Coûtumier.

L’ingratitude peut les rendre indignes de cette grace : On a douté si l’exheredation prononcée par le pere les en pouvoit exclure ; car puis que ce tiers est un bien-fait que les enfans tiennent purement de la Loy, et qu’ils n’en sont point redevables à leur pere, comment leur pourroit-il ôter ce qu’il ne leur a point donné : Beneficium est legis non parentis ; quomodo pater eripere potest, quod non potest dare è non potest eripi à filio quod à lege accepit : Le tiers ap-partient tellement aux enfans de leur chef, qu’il est extra causam bonorum, il le peut prendre sans être héritier de son pere, filius etiam non heres patri, Dominus est doarii : Il leur tient sieu d’alimens, qui ne sont point déniez aux exheredez. Au contraire lon allégue que lexaeredation a cet effet d’exelure et de rétrancher entièrement de la famille lenfant exheredé, L’ingratitude est si detestable, qu’elle efface les droits de legitime ; et bien que les enfans ne prennent pas la legirime immediatement des mains de leur pere, il est toûjouts vray qu’elle rocede de luy, et qu’elle est prise sur ses biens ; mais il ne peut tomber dans la pensée que la Coûtume ait eu cette intention de la conserver pour des enfans ingrats, qui violent les droits los plus sacrez de la nature : quand la Coûtume a eu soin des enfans, elle n’a trvaillé que pour les enfans qui s’acquitent du devoit et de l’obeissance où ce titre les engage.

Tronçon sur l’Article 255. de la Coûtume de Paris, dit que cette question n’a point été jugée, on la peut refoudre par un argument tiré de la Loy cum apertissime C. de Secund. Nupt.

Justinien Justinien par la Loy Hoc edicto l. C. eod. ayant interdit aux peres et aux meres qui contractoient de secondes nopces, de donner à leurs maris ou à leurs femmes une plus grande por-tion de leurs biens que celle de lun de leurs enfans, qui en auroit le moins, il reconnut à la fin que cette nécessité qu’il imposoit aux peres et aux meres les rendoit moins respectueux et obeissans, maxima ex hac constitutione iniquitas contra genitores efficiebatur, liberi etenim scientes quod aliquid omnino à genitoribus etiam nolentibus relinquendum est, omni licentia et lascivia suos genitores injuriis afficiebant. Cela le porta à y cherchen du remede, et pour cet effet il publia une autre Loy, par laquelle les enfans ingrats ne participoient point à ce benefice, sea quasi ingratos ab omni hujusmodi beneficio repelli. D. l. cum apertissimè. On peut dire de même, que quand un pere a sujet de prononcer une exhetedation, le fils ingtat est indigne du tiers Coûtumier, parce qu’il faut presumer que la Loy n’a point travaillé pour ceux qui ont violé la première et la plus sacrée des loix de la nature : en tous cas, en faisant passer ce benefice aux enfans de l’exheredé, il seroit juste de le reduire aux simples alimens Le tiers Coûtumier étant une grace que la Coûtume accorde aux enfans, elle est purement personnelle, et n’est point transmissible à des heritiers collateraux ; et pour empescher cette transmission l’on se sert de cette raison, qu’il n’est pas acquis de plein droit aux enfans, an contraire pour l’obtenir la Coûtume leur impose la nécessité de renoncer ; et nuoy que l’on ne puisse plus douter de cette maxime aprés lArrest rapporté par Berault sur l’Art. CCCCIII eanmoins la question en fut encore agitée en l’Audience de la GrandeChambre, le 17. du UJuillet 1653. François Pienouvel avoit laissé une fille mineure, à laquelle Pierre Lestiboudois fut institué tuteur par l’avis des parens ; ce tuteur accepta la succession du pere, faus à cette mineure à renoncer aprés sa majorité : Elle déceda peu de temps aprés avoir atteint l’âge de vingt ans : Robert Lestiboudois s’en porta heritier, et en cette qualité declara renoncer à la succession de François Pienouvel ; et en consequente ayant demandé le tiers Coûtumier qui auroit appartenu à cette fille, André le Peley, creancier de Pienouvel, soûtint que ce droit d’option n’étoit point rransmissible aux heritiers collateraux, et que d’ailleurs la mineure ayant accepté la succession, et ne l’ayant point repudiée aprés sa majorité, il ne pouvoit pretendn de tiers Coûtumier à son droit, que par la Novelle 91. deDuar . dot. debit. l’enfant a bien le même privilege que sa mere pour repeter sa dot quand il en est heritier, mais un autre heritier n’a pas ce privilege : Le Vicomte avoit jugé la question en faveur du creancier, et de-Claré l’heritier sujet aux dettes ; le Bailly l’avoit cassée : Par l’Arrest les Sentences du Vicomte et du Bailly furent cassées, et en reformant, Lestiboudois fut déclaré non recevable à sa demande, sauf à luy à se porter heritier par benefice d’inventaire, plaidans Nallot et Vallognes.

Il a même été jugé au Parlement de Paris, que les enfans heritiers d’une femme qui avoit stipulé par son Contrat de mariage, qu’elle pourroit reprendre tout ce qu’elle avoit apporté dans la communauté, en cas qu’elle y renonçât, ne pouvoient user de cette faculté, leur mére ayant predécedé son mary, quia hoc erat personale, nec fiebat extensio ad ligsi :Montelon , Arrest 66.

Nous faisons neanmoins différence entre les freres et les autres parens collateraux, suivant l’Arrest donné, au Rapport de Mr Fermanel en la Grand. Chambre, le 15. de Decembre 167o. entre N. Osmont Ecuyer, sieur d’Aubry, le sieur de Belhôte, la Dame de Montmorency, le sieur de Sacy Tiremois, et le sieur de Beauguerard ; il fut jugé que la succession d’un pert étant échuë, et l’un de ses enfans étant depuis decedé sans avoir renoncé à la succession, nu avoir fait aucun acte d’heritier, ses freres ayant depiuis renoncé à la succession du pere et pris elle du frere, ils étoient admissibles à demander sa part au tiers Coûtumier, et que l’Arrest de 1618. rapporté par Bérault, n’avoit point lieu entre frères, mais entre collateraux plus tloignez ; et que quand même le frere seroit reputé avoir renoncé. au tiers Coûtumier, sa part accroltroit aux autres freres, ce tiers Coûtumier étant un droit acquis aux enfans à l’exclusion des créanciers. Je parleray sur l’Atticle CCCCI. de ce droit d’accroissement. La même chose avoit été jugée au profit d’une seur, bien que son frère n’eût point renoncé à la succession du pere, elle fut declarée admissible à renoncer de son chef, et à demander la part que son frere auroit euë au tiers Coûtumier, jure accrescendi ; par Arrest du 9. d’Aoust 1658.

Il ne pouvoit pas y avoir de difficulté en l’espèce de l’Arrest de Lestiboudois, dont j’ay parlé cu-devant, parce que le tuteur de sa mineure avoit accepté la succession, sous condition toutefois de pouvoir renoncer aprés sa majorité, ce qu’elle n’avoit point fait ; et dans l’espèce de l’Arrest rapporté par Bérault, les mineures étoient entrées en joüissance, de sorte que cette question reste entière, sçavoir si le mineur ou son tuteur n’ayant point renoncé ny fait aucun acte d’heritier, les choses étant entieres, son heritier seroit admissible en renonçant à la succession, à demander son tiers Coûtumier ;. Pour la refoudre, il faut suivre une distinction que les Arrests ont faite entre les freres et seurs, et les autres parens collaterauxi à l’égard des premiers, puisque le tiers Coûtumier est donn é en faveur des enfans, il leur appartient de plein droit, et pour le faire passer à leurs freres et : seurs, il n’est point necesfaire qu’ils en ayent fait l’option ; mais pour les collateraux, le tiers Coûtumier est reputé un rivilege petsonnel, qui n’appartient aux enfans qu’aprés avoir renoncé.

Pour prouver que ce droit n’est point transmissible aux heritiers collateraux, autres que les freres et seurs, je rappotteray l’exemple de l’action pour faire déclater int fficieux le testament du pere, querela inofficiosi testamenti non dabatur cognatis, l. 1. de Inoffic. Testament. Ainsi comme la demande du tiers fait une espèce d’injure au pere, parce qu’on luy reproche, son mauvais ménage par une renonciation nécessaire à sa succession, l’action n’en doit être permife qu’aux enfans : Suivant la même jurisprudence, un pere pouvoit exercer toutes les actions qui appartenoient à son fils, lors qu’il l’avoit en sa puissance, et toutefois il ne pouvoit inrenter l’action d’inofficiosité contre la volonté de son fils, quia pecunia est propria patris, se aequerela inofficiosi testamenti magis injuriae quam pecuniae persecutionem habet, quod nomen querela etiam demonstrat, l. filius D. de Inoffic. Testament. Que si le pere ne pouvoit former cette actiom la demande du tiers appartient beaucoup moins aux collateraux, si elle n’avoit été : faite par les enfans, ut si parata sit querela à filio, quia indignatio est propria filii, et luy seul a droit de Cujac reprocher à son pere qu’il a fait mauvais ménage ; Gujac. Ad l. 77. nd leg. Jul. de Adult. & in Comment. Ad lib. 5. Quest.Papin .

Puis que nous sçavons quelles sont les personnes qui peuvent demander le tiers Coûtumier, il faut examiner en quoy il consiste. En Normandie la legitime des enfans, est le tiers de Pimmeuble que le pere possedoit lors des épousailles. Comme l’on a revoqué en doute fi l’hy-potheque du doüaire doit commencer du jour de la reconnoissance du Contrat, ou du jour ses épousailles, on a fait aussi cette question pour le tiers des enfans. Je toucheray ces questions sur l’Article CCCCCXCIII. Pour regler la legitrme suivant le Droit Civil ; arrenditu tempus mortis patris, nec curatur an aliis temporibus habuert : ampliores facultates, cum queritur D. de Inoffic. Testament.

Les premieres paroles de : cet Article, que la propriotéi du tiers destiné pour le doüaire de la femme est acquise aux enfans, ont fait naître une grneur ; en se persuadant que : le doüaire doit toûjours être égal au tiers des enfans ; ce qui n’est-pas véritatle ; car lors qu’il y a des enfans de divers lits, ils ont le choix de prendre ée dersselon les biens que le pere possedoit au remps des prêmieres, eseçondes, ou troifièmes nopets ; mais il ne s’ensuit pas que si les enfans prennent ce tiers sur les biens que le pere possedoit au temps de son premier mariage, une femme puisse avoir ce tiers entier pour son doüaire, si lors qu’il épousa cette seconde ou troisième femme il avoit déja dissipé son bien, et il ne luy restoit plus que fort peu de chose Il est certain que la femme ne peut prendre doüaire que sur les biens dont elle a trouvé son mary saisi, sans considerer ce qu’il avoit au temps d’un premier mariage ; la Cour l’a décide de la sorte par l’Article LXXXVII. du Reglement de 1666. suivant lequel la seconde femme ne peut avoit doüaire que sur les biens dont elle a trouvé son mary saisi lors de leur mariage, ou qui luy sont depuis échûs en ligne directe, d’où il s’enfuit que la prerogative accordée aux enfans de divers lits ne s’étend point à la premiere ou seconde femme, et que si au temps. du second mariage le mary ne possedoit plus les biens qui luy appartenoient lors de son premier mariage, bien que le tiers des enfans se trouve plus grand, la seconde femme ne le prendra pas entièrement, mais son doüaire sera reglé seulement sur les biens dont il étoit saisiCependant les paroles et le sens de cet Article furent fort mal expliquez au Parlement de Paris, au procez jugé au Rapport de Mr de Refuge, le 7. de Septembre 1672. entre Dame Anne de Chourses, veuve de Mre Jean Thomas, sieur de Verdun, Lieutenant Criminel à Roüen ; et Jean Thomas, sieur de Nestanville, fils issu d’un premier mariage.

Il étoit question de sçavoir en quoy consistoit le doüaire d’une seconde femme, quand les enfa ns du premier lit renoncent à la succession de leur pere, et prennent le tiers des biens u’il possedoit au temps de son premier mariage ; la seconde femme pretendoit que tout ce qui seroit ajugé aux enfans luy apparrenoit pour son doüaire ; on argumentoit en sa faveur de cette manière. Par l’Article CCCXCIX. la proprieté du tiers destiné pour le doüaire de la femme est acquis aux enfans, d’où il s’enfuit que le doüaire consiste en l’usufrult de ce tiers, dont la proprieté est acquise aux enfans : La Coûtume ne distingue point si c’est la femme et les enfans d’un même lit, ou de mariages differens ; ainsi ces termes de Femmes et d’Enfans s’entendent generalement de la femme et des enfans survivans, puisque la Coûtume n’use point du terme de Mere, ny du terme, ses Enfans, mais elle se sert indefiniment des mots de femme et d’enfans, ce qui se peut confirmer par les paroles de l’Article suivant ; s’it y a enfans de divers lits, tous ensemble n’auront qu’un tiers. On ajoûtoit qu’en Normandie il n’y à jamais qu’un doüaire, et que les biens d’un mary ne peuvent être diminuez que d’un tiers, bien qu’il ait été marié plusieurs fois, et qu’il y ait des enfans de differens mariages ; car puis que la femme et les enfans de differens mariages s’entendent des survivans, il s’enfuit que la Coûtume ne reserve qu’un seul tiers, et que ces differens mariagés n’ont produit qu’un seul doüaire ; tellement que le même fonds, la même partie, le même tiers produit l’usuruit appartenant à la femme, et la proprieté reservée aux enfans, sans que la proprieté puisse être separée ny prise sur differentes portions.

Ce raisonnement paroitroit foible en Normandie, ce n’est point par l’Article CCCexCIX. que l’on décide en quoy consiste le doüaire, de n’est pas le sujet et la matière de cet Article, il s’y agit seulement de sçavoir en quoy consiste la legitime des enfans ; pour le doüaire il est reglé par l’Article CCCLXVII. suivant lequel la femme ne peut jamais avoir en doüaire plus que le tiers des biens dont son mary est saisi lors des épousailles, c’est le point prefix et inalterable où se doit faire la liquidation du doüaire, il n’importe à la femme que le mary ait des enfans d’un ou de differens mariages, ou qu’il n’y en ait que d’un, ou enfin qu’il n’y en ait point du tout, son doüaire luy est toûjours infailliblement acquis sur les biens que son mary possedoit lors qu’il l’épousa

C’est une erreur de croire que le doüaire et le tiers des enfans soient toûjours necessairement une même chose ; la Coûtume dit véritablement que la proprieté du tiers de l’immeu-ble destiné pour le doüaire de la femme est acquis aux enfans ; en effet le tiers des biens que e pere possede au temps de son mariage, est destiné pour la legitime des enfans ; mais il ne s’ensuit pas que la femme doive toûjours avoir pour son doüaire ce qui est baillé aux enfans pour leur tiers, ou que la femme ne puisse avoir un doüaire plus grand que le tiers des enfans, ce que la Coûtume déclare nettement dans l’Article suivant, en ces termes ; S’il y a enfans de divers lits, tous ensemble n’auront qu’un tiers ; demeurant à leur option de le prendre eu égard aux biens que leur pere possedoit au temps des premieres, secondes, ou autres nopces, et sans que ledit tiers diminuë le doüaire de la seconde ou troisième femme, lesquelles auront plein doüaire sur le total du bien que le mary avoit lors des épousailles, d’où il resulte que puis que le tiers des enfans ne diminuë point le doüaire de la seconde, troisiéme, ou autre femme, ce doüaire-là peut être plus grand que le tiers des enfans : Pour le faire mieux comprendre j’en proposeray des exemples.

Un pere possedoit peu de biens lors de son premier mariage, dont il a eu des enfans ; W en possedoit davantage au temps de son second mariage, dont il n’a point eu d’enfans ; lors que les enfans demanderont leur tiers, et la seconde fomme son doüaire, les enfans ne l’auront que sur les biens dont leur pere étoit saisi au temps de son premier mariage, et non pas sur ceux qu’il possedoit lors qu’il se matia la seconde fois, parce que la Coûtume nuleur donne cette option de le prendre, eu égard aux premieres et secondes nopces, que lors qu’il y a enfans de divers hits, et les creanciers du pere sont bien fondez à soûtenir qu’on le doit regler sesoû cette proportion là ; mais pour la veuve elle aura fon doüaire sur le bien dont son mary étoit saisi, et c’est en ce cas que suivant l’Article CCCC. le tiers des enfans ne diminue point le oüaire de la seçonde ou troisième femme, lequel est pris sur le total du bien dont le mary étoit saisi lors des épousailles ; ainsi voila un cas où le tiers des enfans peut être moindre que le doiaire

Au contraire en cette espèce le doüaire peut être moindre que le tiers des enfans. Si un homme depuis son premier mariage, dont il avoit des enfans, aliene son bien et contracté des dettes, et qu’en suite il se remarie sans laisser neanmoins aucuns enfans de ce second matiage, il est sans doute que les enfans aupont leur tiers sur les biens que leur pere possedost pors qu’il épousa leur mere, et toutefois cette seconde femme n’aura doüaire qu’à proportion des biens qui restoient à son mary lors qu’il l’épousa : Il est donc manifeste, que bien que la emme ait ordinairement l’usufruit du tiers destiné pour la legitime des enfans, toutefois le oülaire est reduit au tiers des bient que le mary possedoit au temps de son dernier mariagel et les enfans joüissent du surplus, dont leur tiers se trouve plus grand. Il faut entendre cet Article en cette manière, que quand la Coûtume dispofe que la pros rieté du tiers destiné pour le doüaire est acquise aux enfans, elle parle suivant ce qui arrive de plus souvent ; sçavoir que quand le pere n’a été marié qu’une fois, le doüaire et le tiers à des enfans sont une même chose ; mais quand il a contracté divets mariages, le doüaire de Ila femme et le tiers des enfans peuvent être differens ; cependant par Arrest du Parlement le Paris, quoy que la femme ne pûst avdir doüaire que sur les biens que son mary possedoit lons de fon mariage, on luy ajugea doüaire entier sur le tiers qui appartenoit au fils du premier lit.

Ce tiers que la Coûtume destine pour la legitime des enfans, ne se prend pas generalement sur toutes sortes de biens, il ne leur appartient que sur les immeubles, et non point sur les meubles : Par ce terme d’immeubles, l’on n’entend pas seulement le fonds et héritages, mais aussi tous les autres immeubles fictits et impropres ; oomme les rentes constituées, et les Ofs fices, bien que ces sortes de biens n’ayent point de situation certaine et perpetuolle, et qu’au contraire ils soient d’une condition incertaine et changeante, ce qui a fait naître plusieurs difficultez ; car pour les rentes constituées, l’on doutoit si le rachapt que le debiteur en faisoit entre les mains du creancier luy acqueroir une liberation parfaite au prejudice des eufans pour leur tiers Coûtumier : Les rentes sont un immeuble, et par consequent affectées au tiers des enfans : or ce tiers étant inalienable, il s’ensuivoit que le debiteur ne pouvoit racheter seurement ce tlers eu prejudice de la femme ou des enfans ; de sorte que quand un creancier devenoit pere ou mary, quelque faculté que le debiteur eût auparavant pour se liberer, il ne l’avoit plus qu’en prenant ses procautions, et cherchant sa seureté ; et quoy que cela parût contre la nature des rentes constituées, il étoit juste d’introduire cette maxime contre le droit commun en faveur des enfans.

On a fait neanmoins prevaloir la faveur de la liberation, par cette raison que les rentes constituées n’étant legitimes qu’à cette condition, que le rachapt en soit perpetuellement libre au debiteur, il ne pouvoit perdre cette faculté par le mariage du creancier, et aprés plufieurs Arrests qui l’avoient jugé de la sorte, la Cour en a fait un Reglement, Article 76. du Reglement de 1666. non foulement pour les rentes constituées à prix d’argent, mais aussi pour les rentes foncieres et Seigneuriales ; voicy les termes : Celuy qui a fait le rachapt d’une rentt constituée par argent, fonciere ou Seigneuriale ; ne peut être poursuivi par le creancior de celuy auquel elle étoit dûe, ny inquieté pour le doüaire de sa femme ou le tiers de ses enfans, s’il n’y a es saisie, ou défenses de payer avant ledit rachapt, et neanmoins la feume et les enfans en auront recompense sur les autres biens affectez audit doüaire et tiers desdits enfans ; et par ce moyen les enfans n’en reçoivent du prejudice, que quand tout le bien de leur pete consistoit en des rentes qui ont été rachetées.

La difficulté étoit encore plus grande pour les Offices, leur qualité a été long-temps incertaine, pour sçavoir s’il faloit les placer dans le rang entre les immeubles ; mais enfin leur prix excessif leur ayant fait tenir rang entre les biens les plus importans des familles, on les a reglez à l’égard de la femme et des enfans par les mêmes loix que les autres immeubles, et hors le cas de perte par une force majeure ; lors qu’ils sont alienez la recompense en est donnée aux enfans de la même maniere que d’un fonds qui auroit été aliené ; j’en ay rapporté les Arrests pour le doüaire, sur l’Article CCCLXVII.

Pour les immeubles réels et véritables, comme ils ne sont pas tous de même natore et de même qualité, quoy que cet Artidle donne en proprieté le tiers de tous les immeubles, et que par consequent il semble que les enfans le doivent toûjours avoir en essence, il y a eu beaucoup de contestation touchant les Fiefs, lors qu’ils avoient été alienez par le pere, ou qu’ils étoient saisis réellement ; car les Fiefs étant indivifibles, et ne pouvant être separez sans en dioimier notablement la valeur et la dignité, les créanciers ne manquent pas de s’y opposer, et de foûtenir que les enfans sont tenus de prendre leur tiers en deniers ; cela a été jugé par plusieurs Arrests en faveur des créanciers. Par Arrest du 30. de Mars 1643. entre çillette du Burel, fille de Charles du Burel, et femme de Pierre David, demanderesse ; et Mr Gilles Guerin, sieur de la Conterie, et autres parties, défendeurs ; l’on confirma la Sentence renduë au Siege de Periers, le 3. de Mars 1625. par laquelle il avoit été jugé qu’il se-oit passé outre à l’adjudication du Fief et Terres d’Agon, et dépendances d’icelles en integrité, à la charge du tiers de ladite Demoiselle du Burel, dont l’adjudicataire seroit tenu luy payer la juste evaluation suivant l’estimation des Expers, si mieux elle n’aimoit se contenter de la troisième partie de l’adjudication. Autre Arrest du 19. de May 1648. en la Chambre de PEdit, entre Charles Daché, Baron de Larrey, appellant et demandeur en Requête pour être fait droit au principal ; Raoul du Bois intimé, en la presence de Dame Jeanne Daché son pouse, aussi intimée : La Cour ayant égard aux offres, ordonna que du Bois de son consenement bailleroit caution dans le mois, de faire valoir la Terte de Larrey jusqu’à la somme de cent mille livres, pour être le tiers de ladite somme delivré audit Daché pour son tiers Coûtumier, en exemption de Treiziéme, droits, et de tous frais de decret, et en ce faisant qu’il seroit passé outre à l’adjudication de la Terre de Larrey au plus offrant et dernier encherifseur, et sans, que par les encheres, si aucunes étoient mises, ledit du Bois pûst être déchargé de son offre de cent mille livres, et à faute par du Bois d’y satisfaire, la Cour dés à present acorde la delivrance du tiers en essence audit Daché, en tenant par luy Etat dudit tiers, du prix auquel la Terre sera estimée en son integrité, si mieux il n’aime être subrogé à tenir Etat des cent mille livres, suivant les offres de du Bois Cet Arrest ne pourroit pas servir de Reglement, ayant été donné sur des offres dont les parties étoient d’accord ; mais la même chose fut jugée au Rapport de Mr du Houley, le 4. de Juin 1671. entre Jean le Cour, et autres parties ; tout le bien du pere consistoit en un fief qui étoit saisi et decreté ; les enfans s’étoient opposez pour avoir leur tiers en essence, ls en furent deboutez, et renvoyez à l’Etat pour avoir le tiers du prix de l’adjudication, si mieux ils n’amoient prendre le tiers de la valeur du fief suivant l’estimation qui en seroit faite. Autre Arrest, au Rapport de Mr Salet, du premier de Février 1672. entre le sieur de la Rocques, Marquis de Gravelines, le sieur de Clogon, et la Dame de Ctoismare, par les quel le tiers Coûtumier sur la Terre des Rotours, proche Gaillon, fut ajugé en deniers, et i non point en essence. Et en l’année 1664. les créanciers du sieur de Bellefosse soûtenant au Parlement de Bretagne, où la Cause avoit été évoquée, que les enfans du decreté devoient se contenter de prendre leur tiers en deniers, c’est à dire le tiers du prix que la Terre seroit ajugée, en exemption du Treiziéme, et frais de Consignation ; il leur fut donné un Certificat et un Acte de Notorieté par Messieurs les Avocats Genéraux de ce Parlement, et par plusieurs Avocats, qui contenoit que la Coûtume repute les fiefs tellement indivisibles, qu’il n’y a qu’un seul cas où la division en soit petmise à sçavoir lors qu’il n’y a que des filles heritietes, Article CCCxxXV. et CCCXXXVI. Mais entre frères, lors qu’il n’y a qu’un seulE fief en la succession du-pere, il appartient, entièrement à l’ainé, qui ne doit à ses puisnez qu’une simple provision, Article CCCXLVI. Et dans les cas où la Coûtume ne donne aucun preciput à l’ainé, mais appelle tous les freres également. à la succession, comme en la suc-ression collaterale des meubles et acquests ; l’Articie CCCXXI. dispose, que si les partages. de peuvent être faits également à raison des fiefs, qui de leur nature sont indivisibles, estimation l’iceux doit être faite au denier vingt, demeurant au choix des representans l’ainé, de prendre le fief en payant aux autres leur part de l’estimation : Or s’agissant de diviser deux fiefs entre les créanciers et les enfans d’un decreté, les enfans qui n’ont que le tiers ne doisent être considerez que comme puisnez à l’égard des creanciers, qui ont deux tiers, et par consequent le droit de choisir les lots, tenant lieu de l’ainé, de sorte que ne pouvant partager les fiefs qui sont individus ; les enfans sont hors d’interest, puis qu’on leur paye leur part le l’estimation, non seulement au denier vingt suivant l’Article CCCXXI. mais au denier trente, parce que la terre étant venduë en son integrité, elle monte à un prix bien plus aaut, ce qui donne moyen aux creanciers d’être payez de leurs dettes Enfin cette jurisprudence a encore été confirmée par un dernier Arrest donné sur ce fait.

Le Fief de Sacy étant saisi réellement sor le sieur de Carvoisin, ses enfans demanderent leur tiers en essence ; les créanciers consentirent qu’ils l’eussent en deniers sur le prix de l’adjudication, ou sur le prix de l’estimation qui en seroit faite par les Expers dont on conviendroit, ce qu’ils mettoient au choix des enfans ; il fut ordonné de la sorte par le Juge d’Evreux Sur l’appel de Georges de Carvoisin, et des autres enfans du decreté, de Cahaignes son Avocat remontra, que le tiers des enfans étant si favorable, il étoit plus juste de l’etendre et de l’augmenter que de le diminuer, que l’objection que les fiefs sont indivisibles n’étoit point considérable en cette rencontre, parce que sans diviser le Fief on pouvoit faire tron lots, le domaine non fieffé étant de grande étenduë ; et quand cela ne seroit pas, la Coûume donnant le tiers en proprieté et non en deniers, on ne pouvoit le refuser en essences qu’il n’y a que le tiers detenteur à qui cette faculté soit accordée par la Coûtume ; qu’aprés tout, le sieur de l’Anglade adjudicataire n’étoit point favorable, ayant acheté des dettes pour faire decreter cette Terre. Greard pour François de Loubert, Ecuyer, sieur de Dardeci répondoit que la Coûtume n’ayant permis la division des fiefs qu’entre filles, on ne la peut faire en aucun autre cas ; que si les enfans pour leur tiers pouvoient démembrer les fiefs, les creanciers en souffriroient un prejudice notable, on ne trouveroit aucun adjudicataire pour encherir une portion de fief, et pour avoir des querelles avec ceux qui possederoient le reste lu fief, que cela avoit été jugé par plusieurs Arrests : Par Arrest du 24. de Mars 1672. la Sentence fut confirmée.

Cet avantage neanmoins devient souvent onereux aux creanciers, lors que l’adjudication est faite à un prix beaucoup moindre que sa juste valeur ; car le tiers étant payé suivant la vraye valeur du fief, en exemption des droits de Treiziéme, de Consignation, et des frais du decret ; les créanciers qui ont demandé que le fief fût decreté en son integrité, sont tenus de porter les frais, comme il fut jugé par un autre Arrest donné en execution du precedent, dont voicy la teneur.

Loüis par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, à tous ceux qui ces presentes Lettres verront, falut : Sçavoir faisons qu’en la Cause dévolute en nôtre Cour de Parlement, entre Georges de Carvoisin, sieur de Sacy, fils et non heritier de Loüis de Carvoisin sieur dudit lieu, appellant de Sentence renduë par le Bailly d’Evreux ou son Lieutenant particulier au Siege dudit lieu, le 9. Aoust 1674. et incidamment aussi appellant d’autre Sentence donnée par ledit Juge, le 16. de Juillet audit an, d’une part : Me Pierre de l’Anglade, sieur de Sireil, Lieutenant General audit Bailliage d’Evreux, decretant et adjudicataire par decret du Fier et Terre de Sacy, ayant appartenu audit Loüis de Carvoisin intimé, d’autre : Et a presence de Jean-Charles le Maréchal, sieur du Manoir, et des Aulnez ; Nicolas le Maréchal, Maître des Requêtes ordinaire de la Reyne ; et Mr Gabriel le Page, sieur de Pinter-ville, nôtre ancien Procureur Genéral en nôtre Cour des Aydes en Normandie, creanciers opposants audit decret, partie en Cause, et d’autres parties : Veu par nôtre Cour l’Arrest d’icelle du 19. de Mars dernier, portant appointement au Conseil de produire et écrire, et produire par les parties pour leur être fait droit ; Actes exercez devant ledit Lieutenant Particulier au Bailliage d’Evreux, le 26. de May, 7. de Juin 1674. entre ledit Georges de Carvoisin et ledit de l’Anglade, et les créanciers opposants audit decret ; en suite desquelles est ladite Sentence du 16. de Juillet ensuivant, portans les Jugemens rendus sur les défalcations demandées par ledit de l’Anglade, sur le prix de son adjudication, et la liquidation du tiers Coûtumier dudit de Carvoisin fils, ensemble de la somme de vingt mille deux cens onze livres quatorze sols, ladite Sentence du 9. Aoust audit an, portant que les frais dudit decret, défalcations de Treiziéme, de rentes foncieres, seroient prises par privilege et avant toutes choses ; que les dettes anterieures du mariage dudit de Carvoisin pere seroient portées en suite, et les demandeurs en tiers de leurdit tiers, dont ledit Georges de Carvoisin auroit declaré appeller. Copie d’Aveu et dénombrement à Nous rendu le 12. Juillet 1620. par Charles de Carvoisin, dudit Fief, Terre, et Seigneurie de Sacy, relevante de la Comté d’Evreux. Procez verbal de farpentage fait le S. Juillet 1673. de ladite Terre, trouvé contenir le nombre de deux cens soixante et dix-huit acres de terre, et dix perches. Arrests de nôtre Cour, des 21. Aoust 1é7o et 23. Juillet 1671. Sentence renduë audit Bailliage d’Evreux, le 15. Septembre audit an 167iportant que ledit Fief et Terre de Sacy saisis en decret, seroient vendus et ajugez en cit-constances et dépendances, sauf la question du tiers Coûtumier des enfans dudit Loüis de Carvoisin, qui seroit pris en deniers sur le prix de ladjudication ou estimation de personnes âà ce connoissant, à leur choix. Arrest de la Cour du 24. de Mars 1672. par lequel ladite Sentence precedente auroit été confirmée, sur lappel dudit Carvoisin fils. Concordat fait le 4. de May audit an, entre ledit de l’Anglade et François de Loubert, sieur de Dardez, cédé aux droits de Messire Adrian de Chaminel, sieur de Mannevillette, qui avoit requis la saisie par decret dudit Fief et Terre de Sacy. Acte d’adjudication faite audit de l’Anglade ledit jour, dudit Fief et Terre, par le prix de quarante-cinq mille livres au commun, et dix mille livres au particulier. Copie de Recepissez baillez audit de l’Anglade par Mr le Févre, Receveur des Consignations audit Evreux, du prix de l’adjudication, des 9. dudit mois de May, et S. de Novembre 1672. Sentence du 10. de May, portant l’envoy en possession dudit de l’Anglade, dudit Fief et Terre de Sacy. Procez verbaux d’estimation faite le 9. de Decembre 1673. et 7. Avril 1674. dudit Fief et Terre, par les Expers, dont les parties seroient convenus, à la somme de soixante et quinze mille trois cens livres. Arrest de nôtre Cour, des 20. Juillet et 5. Aoust 1672. et 18. May 1673. Acte exercé audit Bailliage d’Evreux, le 24. Juiller 167a.

Acte de sommation faite audit de l’Anglade, instance dudit de Carvoisin, le 19. Mars, en presence de communiquer les pièces, sur lesquelles lesdites défalcations auroient été jugées et autres pareilles sommations faites depuis. Exploit fait audit le Févre, Receveur des Consignations, requête de Claude de Carel, sieur de Mericey, le 29. Avril ensuivant, avec l réponse de son Commis. Acte de declaration faite par ledit de Carvoisin, le 27. de May dernier, qu’il n’entendoit soûtenir ladite Sentence du 16. de Juiller 167 4. entant que par icelle on luy auroit ajugé la défalcation des rentes Seigneuriales et foncieres, dont ladite Terre de

Sacy se sepolr trouvée chargée au denier vingt-cinq, consentant ladite défalcation être jugée pu de nier vingt, et Exploit de signification dudit jour. Autre Exploit fait audit le Févre, aintance dudit de l’Anglade, le 16. Juillet ensuivant. Autre executoire exercée audit Bailllage d’Evreux, le lendemain. Autres pieces produites par ledit de l’Anglade, pour justifier les sommes payées des deniers par luy garnis és mains dudit le Févre. Ecrit de griefs dudit de Car-voifin. Autres Ecrits de réponses d’iceux. Requête, presentée à nôtredite Cour par ledit de Carvoisin, le deuxiême de ce mois, pour faire rejetter du Procez ledit Acte du 17. de Juilder dernier, comme une pièce supposée ; ordonné être montrée à partie pour y donner té-ponse, signifiée ledit jour. Réponse à ladite Requête, et Exploit de signification du 3. de ce mois d’Avril. Requête presentée par ledit de Carvoisin le 7. dudit mois, pour faire recevoir au Procez la Piece y mentionnée, ordonné à être montrée à Partie. Signification ledit jour, avec la Piece induite à ladite Requête. Autre Requête baillée par ledit de l’Anglade, pour servir de réponses Autre Piece produite par ledit Maréchal et le Page, creanciers dudit Loüis de Carvoisin, pour ustifier leurs credites, et tout ce que les Parties ont mis par devant nôtredite Cour. Ouy le Conseiller Commissaire en son Rapport, tout considéré : Nôtre Cour, par son Jugement et Arrest, a mis l’appellation de ladite Sentence du 9. Aoust 1674. et ce dont être appellé, au neant, et en reformant, ordonné que sur la somme de quarante-sept mille cinq cens livres, prix de l’adjudication, au commun de ladite Terre de Sacy, compris le quart du particulier, ledit Georges de Carvoisin sera payé de la somme de vingt-cinq mille cent livres pour son tiers des défalcations, jugée pour les rentes Seigneuriales et foncieres, et tiers des dettes, pour les dettes ainées du mariage dudit de Carvoisin pere, et des deux autres tiers sur le restant du prix de l’adjudication ; ensemble les autres défalcations ajugées audit de l’Angfde, et les frais du decret et Treiziémes, parce qu’en cas que le surplus du prix de ladite adjudication ne seroit suffisant pour payer les deux autres tiers des dettes alnées, elles seront payées sur ladite somme de vingt-cinq mille cent livres ajugez audit de Carvoisin ; en sorte que ladite somme de vingt-cinq mille cent livres ne puisse être diminuée, ny qu’elle contribué en aucune façon aux frais de Consignations et Treizièmes, qui seront payez par les éreanciers qui ont oûtenu le tiers devoir être decreté au sols la livre de leurs credites. Donné en Parlement e 9. Aoust 167s

Il peut naître une pareille difficulté pour le partage des maisons, lors qu’elles ne se peuvent diviser ; s’il n’y avoit qu’une feule maison en la succession du pere qui fût indivisible, et que l’on ne pût Bailler aux enfans leur tiers en essence sans une grande incommodité, il faudroit en user en ce cas comme entre coheritiers, que l’on force d’en venir à la licitation.

Il n’e st pas aussi necessaire que les enfans ayent toûjours leur tiers sur le même bien que leur pere possedoit au temps de son mariage, il suffit de le leur donner en fonds de pareille valeur : Par exemple, s’il avoit vendu son bien pour en acheter un autre, les enfans seroient tenus de le prendre ; car si la veuve a été condamnée de prendre son doüaire sur les héritages que son mary avoit eus en contr’échange, l’acquereur est beaucoup plus favorable à demander la même chose contre les enfans, puisque par l’Article CCCCIII. les acquereurs peuvent bailler l’estimation du fonds ajugé aux enfans pour leur tiers. Il a même été jugé par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 15. de Juin 1666. qu’un pere ayant fait un bail à rente de tous ses héritages depuis son mariage, ses enfans ne pouvoient déposseder le preneur, et qu’ils étoient tenus de se contenter de la rente fonciere, comme tenant nature de fonds ; mais il fut dir aussi que ce preneur n’étoit pas rècevable à bailler de l’argent pour le tiers, l’Art. CCCCIII. n’ayant point lieu en ce cas, et que la rente étant irraquitable il devoit la continuer aux enfans, en cas qu’il y en eût assez, et que le surplus seroit fourny en fonds, avec option de rembourser en deniers, parce qu’ayant racheté une partie de la rente fonciere entre les mains du pere, il tenoit lieu d’acquereur à cet égard.

Comme il peut arriver que le pere depuis son mariage auta fait des bâtimens et des plants fut ses terres qui en augmentent la valeur, ou qu’au contraire il aura ruiné ses maisons et dégradé ses héritages, ESPERLUETTEe qui en aura diminué la valeur, il est necessaire d’examiner ces deux points ;’à sçavoir si ces augmentations tournent au profit des enfans, et s’ils peuvent demander recompense des ruinez et des deteriorations faites par le pere.

La question pour les augmentations fut décidée en la Chambre de l’Edit, le 10. de Janvier 1652. Fourneaux ayant été decreté, ses enfans opposerent pour leur tiers ; le pere avoit fait plusieurs batimens qui en augmentoient la valeur, cela donna occasion aux créanciers de soûtenir, que les enfans en prenant leur tiers devoient déduire le prix des bâtimens faits par leur pere depuis son mariage, qu’autrement ils profiteroient du bien des créanciers, leur pere ayant employé leur argent pour augmenter leur tiers. Les enfans répondoient, que leur tiers leur étant ajugé selon la valeur des héritages de leur pere, au temps de sa mort, il ne falloit point considerer l’état où ils étoient lors de son mariage ; que s’il est permis au mary de faire avantage à sa femme en batissant sur son fonds, quoy qu’il soit défendu si étroitement au mary de donner à sa femme, on ne doit pas priver les enfans de ce petit benefice, puis qu’ils sont reduits à se contenter au tiers des biens de leur pere : Par l’Arrest les enfans furent déchargez de la demande des creanciers ; Cardel plaidant pour lesdits de Fourneaux, et le Févre pour le sieur Osmont Secrétaire. On trouve un Arrest pareil dansTronçon , sur l’Article 255. de la Coûtume de Paris, pour les impenses et meliorations, où les raisons soht déduites de part et d’autres ; mais il ajoûte que si l’on avoit baty une maison sur le fonds sujet au doüaire, on eût jugé le contraire. Voyez la Bibliotheque du Droit François, in verbo Fresne Doüaire, page 1052.Bacquet , c. 15. n. 44. des Droits de Just.Bouguier , 1. D. 18. Du Fresne, sur l’Article 112. de la Coûtume d’Amiens, Titre du Doüaire, est aussi de ce sentiment, que les meliorations faites sur l’héritage sujet au doüaire suivent la nature de l’héritage, et tournent au profit de la femme et des enfans, sans que les creanciers du mary en puissent demander la distraction ou l’estimation, et ce par droit d’accession, quidquid enim solo adificatur, solo cedit. l. Adeo. 5. cum ex suo de acquir. rer. dom. D.

Pour les dégrademens, la question en fut traitée en la Chambre de l’Edit sur ce fait. Charles de Carménil, lors qu’il épousa Demoiselle Ester du Moucel possedoit une Terre, sur laquelle il y avoit un bois de haute-fûtaye d’une valeur considérable ; son mauvais ménage, et la vente d’une partie de ses biens, et particulierement la vente de ce bois de haute-fûtayes donnerent lieu à sa femme de se separer de biens : Par les lots qu’elle presenta aux créanciers, elle pretendit avoir recompense de tous les plants que son maty avoit dégradez et vendus : Le sieur Baillet, Maître des Compres, et Dame Anne Pitrefon, veuve du sieur de Beusevillette, contredirent cette pretention : Par Sentence du Vicomte de Caudebec, le doüaire fut ajugé sur les biens non decretez pour le tiers de la valeur des bois vendus, compensation faite des bâtimens et autres augmentations faites par le mary. Sur l’appel des creanciers, Pisastre, leur Avocat, disoit que par la Loy Divortio D. solut. matrim. l’usufruitier n’avoit rien aux grands bois, qu’ils n’étoient point en fruit, et qu’en tout cas elle ne pouvoit demander qu’une joüissance : mais tant s’en faut que par la vente des bois de haute : fûtaye son doüaire fût diminué, que le fonds lequel étoit auparavant inutile et infructueux étoit maintenant cultivé. Il s’aidoit aussi par un argument à contrario, de l’Arrest cy-dessus ; car, disoit-il, si les créanciers ne peuvent demander recompense des bâtimens faits sur le tiers des enfans, les enfans ne doivent pas avoir recompense des bois que le pere a coupez ; que si cela avoir lieu, les créanciers pour s’asseurer seroient tenus de sçavoir le nombre et la quansité des arbres qui seroient sur les biens de leurs debiteurs, et de veiller continuellement pour les empescher de les abbatre. Carué pour la Demoiselle du Moucel, s’aidoit des raisons mêmes des Appellans, qu’il demeuroit d’accord que par la Loy Divortio, l’usufruitier n’avoit ue les bois-taillis, et non les bois de haute-fûtaye, l1. grandes D. de usufr. que cela décidoit B ue stion, le pere n’étant qu’usufruitier du tiers, que l’Arrest de Fourneaux étoit à son avaniage, les creanciers ne pouvans demander recompense des bâtimens faits sur le tiers, quoy que peut-être leur argent y eût été employé ; il y avoit beaucoup plus de sujet de conserver aux enfans ce qui leur appartient, que cette question avoit été décidée par plusieurs Arrests : La Cause fut appointée au Conseil, et depuis évoquée au Parlement de paris : Par Arrest, au Rapport de MTronçon , la Demoiselle de Carménil obtint gain de Cause La Cause de la doüairiere est beaucoup moins favorable que celle des enfans, elle n’a interest que pour son usufruit, de sorte que l’on doit considerer seulement s’il est diminué par la vente des bois ; mais la Coûtume ne donnant pas seulement aux enfans le revenu du tiers, mais aussi la proprieté, la superficie excedant souvent en valeur le fonds même, la recompense en est dûë aux enfans en cas d’alienation : Cependant les Arrests n’y ont point fait de distinction ; outre les Arrests cuy-dessus, et celuy de la Cervelle, que Berault n’a pas rapporté conformément au Registre, comme je le remarqueray sur l’Article CCCCIII. il y en a plusieurs autres : Le premier fut donné par Rapport au profit d’Heleine Bouté, veuve de Philippes Joüen, et de ses enfans ; ladite Bouté avoit mis son opposition au decret des heritages de son mary pour avoir delivrance de son doüaire, et en faire ajuger la proprieté à ses enfans, ce qui luy fut accordé par Sentence du Vicomte d’Orbec, du 13. de Decembre 1631 et qu’estimation seroit faite de tous les immeubles que son mary possedoit au temps de son mariage, en l’état qu’ils étoient : Dans l’estimation qui fut faite l’on comprit 1500. chesnes, et plusieurs autres arbres que le mary avoit fait couper ; on y comprit aussi les dégrademens qu’il avoit faits : Les créanciers ayant appellé, tant des Sentences que de l’estimation, elles furent confirmées par le Bailly, et depuis par Arrest du premier d’Aoust 1644. Autre Arrest pour la Dame Marquise de Toussi, du 2. d’Aoust 1646. par lequel le doüaire fut ajugé à ladite Dame en létat que les biens de son mary étoient lors du mariage ; et pour la liquidation d’iceluy les parties ayant été renvoyées devant le Juge de Caudebec, lon comprit dans l’esti-mation les bois que le mary avoit abbatus.

Il faut neanmoins remarquer que pour les bois de haute-fûtave, l’on a fait cette distinction par un Arrest donné au Rapport de Mr du Houley, le 9. d’Aoust 1659. au procez de la Dame Abbesse de Vignats, que les bois de haute-fûtaye vendus par le mary entroient dans l’estination du doüaire, et du tiers des enfans ; mais que ceux qu’il avoit abbatus et consumes pour son usage, n’y devoient point être compris. : 7. 7. 147.

On a jogé par plusieurs Arrests que quand les biens étoient alienez, sans venir à des partages, l’on procederoit directement à l’estimation de tous les biens, pour bailler aux enfans. eur tiers en argent

Aprés avoir expliqué en quoy consiste le tiers ; et sanquels biens on peut l’obtenir, il faut ajoûter les conditions sous lesquelles il est accordé ; sçavoir qu’il faut renoncer, qu’il faût apporter et contribuer aux detten : les deux premieres conditions étant contenuës dans l’Article CCCCI. elles seront examinées en ce lieu-là

Pour la derniere, qui est : la contribution aux charges de droit, on entend par ces termes les dettes contractées avant le matiage ; mais comme nous distinguons les dettes en mobiliaires et immobiliaires, nous mêttons aussi de la difference entre ces dettes, entant que pour la contribution où la femme et les enfans sont tenus ; car pour les dettes mobiliaires, les enfans n’y contribuent point à cause de leur tiers, elles se prennent sur les deux autres-tiers, s’ils sont suffisants pour les acquiter : et dans le rang des dettes mobiliaires, nous comprenons les atrerages mêmes des rentes anterieures du mariage, par cette raison que si l’on en usoit autrement, il seroit en la puissance du pere de faire perdre à ses enfans leur legitimes en ne payant point les arrerages des rentes anterieures du mariage, ce qui n’affoiblit point le droit des créanciers ; car à leur égard non seulement les arrerages des dettes anciennes, mais aussi toutes les dettes mobiliaires créées avant le mariage sont payées sur le tiers, en cas que les deux autres ne suffisent pas pour les acquiter ; ainfi jugé pour la Demoiselle de Rassan, femme du sieur de la Ferté Oinville : Et par autre Arrest donné en la GrandChambre l’11. de Mars 1664. pour le sieur Chevalot President au Presidial d’Evreux, plai-dans de Cahaignes, et le Févre.

Si le pere avoit acquitté les dettes ausquelles il étoit obligé lors de son mariage, et qu’il en eût constitué de nouvelles qui n’excedassent pas neanmoins celles qu’il devoit, on demande si la femme ou les enfans seroient tenus de contribuer aux nouvelles dettes : Il n’y auroit pas de difficulté, si les creanciers avoient stipulé que leurs deniers seroient employez à l’acquit des dettes anciennes, avec subrogation aux hypotheques ; mais quand cela ne seroit pas, il semble juste d’assujettir la femme et les enfans à cette contribution, parce que ce n’est pas un mauvais ménage, ce n’est qu’un changement de nom, la condition des enfans n’en est point renduë plus mauvaise ; et vray-semblablement le rachapt des anciennes dettes a été fait des deniers empruntez, sur tout lors qued’ailleurs il n’en paroit point de remploy ny de dissipation, autrement ce seroit un moyen fort aisé de tromper le monde ; néanmoins comme le pere peut avoir acquité les anclennes dettes de son épargne, cette décharge et cette extinction doit tourner au profit des enfans, et les creanciors se doivent imputer, ou d’avoir eu rop de confiance en la solvabilité de leur debiteur, ou de n’avoir pas stipulé une subrogation aux hypotheques des autres creanciers. Par l’Arrest de Boisdanemets du 18. de Mars 1655. que j’ay rapporté sur l’Article CCCXCVI. il fut jugé que la veuve ne contribuéroit point aux rentes constituées depuis son mariage, bien que son mary en eût acquité d’anterieures.

Je parleray plus amplement de cette matiere sur l’Article CCCCVIII.

Que si les enfans n’ont leur legitime qu’en executant les conditions qui leur sont imposées par la Coûtume, le pere ne peut aussi leur en imposer de nouvelles, cette legitime est si parfaitement acquise aux enfans, qu’il ne peut la diminuer en quelque maniere que ce soit, ny ajoûter des clauses qui puissent y donner d’atteinte, suivant la l. quoniam Cod. de inoffic. testament, censemus ut si conditionibus quibusdam vel dilationibus vel aliquâ dispositione moram vel modum, vel aliquod onus induxerit, tollatur, & ita procedat, quasi nihil. orum testamento additum effet, sic nuon rumpitur testamentum, sed gravamen conditionis subducitur è medio, et en ce cas utile per inutile non vitiatur : On le jugea de cette manière en une Cause evoquée du Parlement de Bretagne, entre les sieurs du Breüil Pontbriant, et le sieur de Ponibriant leur frere amés Par la Coûtume de Bretagne les peres peuvent parrager leurs enfans, qui n’ont pas d’action. pour s’en plaindre s’ils ne sont lezez d’une sixième partie. Le sieur de Pontbriant pere en partageant ses puisnez y avoit ajouté cette condition, que dans cind ans aprés leur majorité, l’ainé pourroit retirer les terres qu’il leur bailloit, en payant vingt mille livres. Je soûtenois pour les puisnez, que le pere pouvoit bien partager ses enfans, mais qu’il n’étoit pas en son pouvoir de les forcer à recevoir leur legitime en argent, que la Coûtume de Bretagne ne luy lonnoit point ce pouvoir, et que cette condition dont il avoit. chargé ses enfans étoit inutile, et que le surplus de la volonté du pere ne laissoit pas de subsister : Il y avoit cela de particulier, que le frere n’avoit pas offert le remboursement dans le temps limité par le peres mais il s’en défendoit par deux raisons ; l’une, qu’il n’en avoit pas eu connoissance ; l’autre, qu’il ne pouvoit faire ce remboursement son pere étant vivant : c’étoient les raisons dont il appuyoit sa pretention ; il en fut debouté par Arrest en la Grand-Chambre, le 27. d’Aoust 1666. Greard plaidoit pour luy.

Pour le temps auquel cette legirime est acquise aux enfans sur les biens du pere, il est sans doute que c’est du temps des épousailles, et cela ne fait pas de difficulté lors que les enfans demandent leur tiers en la succession de leur pete ; mais il s’est formé plusieurs questions, lors qu’aprés le decez du pere les petits enfans demandent ce tiers en la succession de leur ayeul, qui avoit consenty au mariage de leur pere. De là nait cette fameufe question dont l’ay parlé sur l’Article CCCLXIX. qui est encore indecise au Conseil Privé du Roy, tant pour le doüaire que pour le tiers dey petits enfans. à La clause de cet Article, par laquelle la proprieté du tiers est acquise aux enfans du jour des épousailles, et neanmoins que la joüissance en appartient au mary durant sa vie, a eu besoin d’explication : Bien que ces paroles donnent apparemment au pere la joüissance de ce tiers durant sa vie, cependant il n’eût pas été juste qu’un pere mauvais ménager, aprés avoit dissipé tous ses biens, eût encore jouy de cette portion que la Loy avoit réservée pour ses enfans, et qu’elle destinoit pour leurs alimens ; il a fallu prevenir ce desordre, et par une fiction favorable, sans attendre la mort naturelle, introduire une mort civile qui eût le même effet, et par ce moyen ôter au pere la joüissance du tiers pour la faire passer à ses enfans, même durant sa vie.

putre la faveur et l’utilité de cette fiction, on peut l’autoriser par un exemple du Droit, il est tiré de la Loy e0. ff. Ad Senat. Consult. Trebell. dont l’espece, dit MrCujas , est sort elégante et singulière : Un pere fût institué heritier, à charge de restituer la succession à son fils lors qu’il cesseroit d’être en sa puissance, cûm sui juris efset ; cependant pour frustrer son fils du fideicommis, il dissipa la meilleure partie des biens sujets au fideicommis ; on étoit en peine comment l’on pourroit pourvoir à la seureté du fils, deerat, dit M’Cujas , in Commem ad Leg. 11. Quest.Papin , juris auxilium filio, sed in hac specie patre non restituente hereditatem fideicommissariam in diem conditionis, sed interim dissipante omnia, Imperator decrevit ut pater resti-tueret filio statim, etiamsi effet in potestate suâ ante conditionem, ita ut in hereditate pater nihil juris haberet vivo filio, et cette Loy dit elegamment que l’Empereur damnum conditionis inflivit parri propter fraudem.

l est vray que la Coûtume institué heritiers tous ceux qui doivent succeder par le droit de sang, et par une succession legitime ; mais elle impose particulièrement cette condition à tous les peres, de conserver une portion de leur bien à leurs enfans, c’est un fideicommis, et un depost sacré dont ils ne peuvent disposer, ny en priver leurs enfans : et bien que la oüissance leur en appartienne durant leur vie, si toutefois ils en usent mal, les enfans ne demeurent pas sans secours, mais le Magistrat qui est la Loy vivante, punit le mauvais ménage du pere, damnum conditionis infligit, et luy ôte l’usage de ce fideicommis pour en avoir abusé.

On ne manque pas d’autres exemples dans le Droit, où la mort civile a le même effet que la naturelle, quoy qu’en d’autres cas la mort civile n’a pas toûjours le même effet que la naturelle : Dans les Loix 121. 5. insulam ff. de verb. oblig. l. 1. 5. ult. ff. de bonor. possess. contra tabulas. l. intercidit. ff. de Cond. l. cum pater S. hereditatem ff. de leg. nous fournissent des preuves de l’un et de l’autre cas ; mais il faut remarquer, que les Loix qui ne s’entendent que de la mort naturelle, n’ont lieu que quand celuy qui doit faire ou restituer quelque chose ne le vreur point avant que la condition soit avenuë, tunc enim invito non aufertur, dit la Glose sut cette Loy, cûm pater, ce qui n’est point contraire à la décision que je viens de rapporter ; car quand les termes de cet Article ne pourroient même s’entendre que de la mort naturelle, toutefois on pourroit arracher au pere cet usufruit par une espèce de peine, pour ne l’avoir pas conservé pour la subsistance de sa famille.

Et pour connoître comment, et en quelles rencontres on doit donner à la mort civile le même effet qu’à la naturelle, on peut suivre asseurément cette regle parmy nous, que cette fiction s’étend ou se restreint selon la faveur ou la haine du sujet : Or comme nous favorisons extrémement la condition de la femme et des enfans, toutes les fois qu’il s’agit de leur avantage nous inclinons aisément à faire valoir cette fiction de la mort civile : Et bien qu’il soit véritable que dans les Contrats de mariage, toutes les clauses qui ne doivent avoir leur execution qu’en cas de mort, ne s’entendent que de la mort naturelle, quia in eâ conzentioues si quis prius decesserit mors naturalis non civilis venit, n’étant pas à presumer que dans cett sorte de Contrats, que l’on ait entendu parler d’évenemens funestes ou extraordinaires, casun enim & adversam fortunam expectare neque civile est, neque naturale : Neanmoins lors que le mary par sa faute donne sujet à la femme et aux enfans d’implorer le secours des Loix, l’on ne fait point de difficulté de leur permettre d’exercer toutes les actions que la mort naturelle du mary ou du pere leur pourroit donner, et nous ne suivons point la Loy Statius Florus.

S. Cornelio. De jure Fisci, suivant laquelle par la condamnation de l’heritier, il n’y avoit poim d’ouverture à la demande du fideicommis, nondum diem fideicommissi venisse, quia fideicommisfarius posset ipfe prius mori : Mais nôtre Usage peut être soûtenu par cette raison, que le tiers Coûtumier appartient aux enfans provisione legis, et le fideicommis n’est dû que par la disposition du testateur : Or la Loy ne conservant la joüissance de ce tiers que pour la subsistance du pere et de la famille, cette precaution seroit inutile, si ce revenu tournoit au profit du Fisc et des creanciers du pere.

Nôtre Usage est encore contraire à celuy de Paris : Par l’Article 255. de la Coûtume de

Parls, le doüaire constitué par le mary est le propre héritage aux enfans issus dudit mariage. pour d’iceluy joüir aprés le trépas. de pere et mere. Le terme de trépas n’est entendu que de a mort naturelle, et c’est pourquoy la mort civile du mary ne donne point ouverture à l demande du doüaire Coûtumier, pour la femme et pour les enfans. Dans la Cause du sieus Abbé de Thou, contre : les créanciers de Mr le President de Thou, M. Loüis Greard son Avocat pretendoit que ledit sieur Abbé de Thou devoit joüir du doüaire Coûtumier, vû l’abandounement que son pere avoit fait de tous ses biens à ses créanciers, et il argumentoir de cet Article, et de nôtre Usage. Je representay au contraire pour les directeurs des créanciers de Mr le President de Thou, que la Coûtume de Paris ne donnoit le doüaire Coûtu-mier aux enfans que par le trépas du pere, et que par la jurisprudence du Parlement de Paris. l’on avoit toûjours entendu le terme de trépas de la mort naturelle ; que la Coûtume de Normandie avoit usé de paroles que l’on pouvoit expliquer favorablement, en donnant au mary la joüissance sa vie durant : Et comme parmy nous par la separation de biens, ou par le decret des biens du mary, il y avoit ouverture au doüaire, on n’avoit pas eu de peine à faire passer aux enfans la joüissance du tiers Coûtumier, puis que le pere en étoit dépossedé par sa femme, lors qu’elle étoit vivante : La Cause ayant été appointée au Conseil sur plusieurs autres questions, par Arrest de l’an 1676. au Rapport de Mr Fauvel, le sieur Abbé de Thou fut debouté de sa demande. En Normandie pour donner la joüissance du tiers aux enfans du 1. vivant même de leur pere, on s’est fondé sur cette raison, que quand la Coûtume la conservoit au pere, ce n’étoit qu’à condition qu’il en pût jouir, et non point ses créanciers, car on p ce cas ses enfans luy étoient préférables.

Par la mort civile nous n’entendons pas seulement la peine qui emporte le bannissement ou la confiscation de biens, soit par contumace ou autrement, mais même l’entrée en Religion, la separation de biens, ou le decret des biens du mary en integrité, ou de la moilleurs partie

Nous favorisons si fort la demande du tiers Coûtumier, que par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 10. d’Avril 1631. un pere ayant fait cession, les enfans furent reçûs à demander leur tiers, bien que leur mere fût morte ; leur action avoit commencé par une saisie réelle des biens de leur pere ; et bien que l’acquereur voulût faire cesser le decret, i en payant la dette du creancier qui avoit saisi, on donna néanmoins le tiers aux enfans. Pareil AArrest, au Rapport de Mr Romé en la Grand-Chambre, du 11. de Février 1667 Lors que la mere a eu la delivrance de son doüaire, soit en vertu d’une separation de biens ou du decret des biens du mary, il y a beaucoup moins de difficulté à ne rétablir pas le mary dans la joüissance qu’il a perduë, ny les créanciers ou les acquereurs à son droit, aprés le decez de la femme, et c’est l’espèce de l’Arrest Desobeaux rapporté par Berault sur cet Article On fait encore prevaloir la cause des enfans, lors que le pere renonce volontairement à la joüissance du tiers, comme il a été jugé par plusieurs Arrests, et notamment par celuy donné en la Chambre de l’Edit, au Rapport de Mr Romé, le 18. de May 1639. entre de Lauberie, Guillebert, et Coüillard ; sur cette question, si ledit de Lauberie auroit l’effet de l’avancement de succession, entant que le tiers ajugé à Ester Damours sa mère, separée de biens d’avec Jacques de Lauberie son pere, fait en la presence du pere, qui de sa part avoit quitté l’usufruit de ce tiers à ses enfans, et ce au prejudice des creanciers qui avoient saisi le tiers ; par l’Arrest il fut dit à tort l’execution faite par les créanciers ; et les meubles, les fruits, et même de droit de viduité, fut ajugé au fils au prejudice des creanciers.

Il a été jugé toutefois, que le pere ne pouvoit remettre à ses enfans son droit de viduité, sur la dot de leur mere, dont il leur étoit debiteur, au prejudice de la caution de ladite dot. Le fait étoit, que Charles le Chevalier, Ecuyer, étoit intervenu caution de la dot de la femme de Loüis le Chevalier Ecuyer sieur de Turetot, son fils ; les piens de Loüis le Chevalier ayant été decretez, pour faire avantage à ses enfans il leur remit la joüissance du tiers de la dot de leur mere, et en vertu de cette cession ils se firent colloquer et mettre en ordre pour les arrerages de ce tiers de la dot, sur les biens tant de leur pere, que de leur ayeul, parce qu’il étoit intervenu caution de la dot : Sur l’appel le cet ordre, par Messire François le Cornier, Seigneur de Sainte Heleine, et des autres creanciers, ils disoient que leur défense peremptoire contre cette collocation, étoit que ledit sieur de Turetot pere étoit luy-même le debiteur de cette dot, que le principal et les interests en devoient être repris sur luy, et par consequent ses enfans n’avoient pas lieu d’en faire la demande sur les biens de Charles le Chevalier leur ayeul, quoy qu’il fût caution dudit Loüis le Chevalier son fils qui étoit le principal obligé ; mais le sieur de Turetot au lieu d’en user vec la bonne foy qu’il devoit à ses créanciers, il pretendoit être recevable à donner à ses enfans l’usufruit de la dot de leur mere au prejudice de ses créanciers, sans considerer qu’en même temps il donnoit ouverture de le reprendre sur luy-même et sur sa caution, quoy que le recours en retournât sur luy.

Il est bien vray que par la jurisprudence des Arrests, le pere peut remettre son usufruit à ses enfans, parce qu’il se consolide aisément avec la prorrieté ; mais lors que le mary est debiteur de la dot à la caution d’un autre, il n’y a pas d’apparence de luy permenire de faire maître une action sur luy-même par une cession frauduleuse pour la rejetter sur la cantion, et sur les creanciers de la caution : Les enfans répondoient que le decret des biens de leur pers leur donnoit ouverture pour demander la dot de leur mere, et que par ce moyen en ayant la proprieté, quoy que leur pere leur en fût debiteur, cela n’empeschoit pas qu’il ne pût leur en remettre l’usufruit ; mais que puis que l’on tenoit l’ordre des deniers de la vente des héritages de leur pere et de leur ayeul, sa caution, et que par ce moyen le principal de la dot rentroit en leurs mains, ce n’étoit plus leur pere qui en étoit le debiteur, au contraire ils luy en devoient eux même l’usufruit, ainsi dans cette espèce, comme dans les autres pareilles, il auroit été bien jugé par le Bailly, en colloquant les intimez pour les arrerages de la dot de leur mete, du pour que leur pere leur en avoit fait la remise : mais à cela l’on repliquoit, que ces arrérages. étoient échus lors que le pere étoit encore debiteur de la dot, et qu’il n’étoit pas juste de faire payer les arrerages à la caution : Par Arrest du 17. Aoust 1679. au Rapport de Mi Côté, la Sentence fut cassée, et ordonné qu’il seroit tenu Etat, tant du principal que des arrerages échus.

Autre Arrest sur ce fait. Cavelier aprés la mort de sa femme contracta plusieurs dettes, et son bien consistoit en une maison située à Roüen, où pendoit pour Enseigne la Fontaine boüillante : Elle fut saisie réellement, et Cavelier s’étant absenté, l’on institua un Tuteur à ses enfans : Il s’opposa au decret pour faire distraire le tiers, et pour en avoir la joüissance ; le sieur du Ménil. Pernelle, adjudicataire de cette maison, et creancier, pretendit que le pere étant vivant, la joüissance du tiers devoit tourner au profit de ses créanciers : Nonobstant son contredit, la proprieté et l’usufruit en fut ajugée aux enfans, par Sentence du Vicomte de Roüen, ce qui fut confirmé par le Bailly : Sur l’appel du sieur du Ménil-Pernelle, Lesdos e son Avocat faisoit valoir les termes de cet Article ; il ajoûtoit que les enfans ne pouvoient avoir ce tiers qu’en renonçant, ce qu’ils ne peuvent faire qu’aprés le décez de leur pere, dont les affaires peuvent devenir meilleures, et qui peut parvenir à une meilleure fortune, ains urant sa vie ils n’ont que la simple et nuë proprieté du tiers : La Loy Statius Florus S. Cornelio de jure Fisci D. y est expresse, suivant laquelle le fideicommissaire ne peut demander le fideicommis qu’aprés la mort du pere. Le tiers Coûtumier est une espèce de fideicommis, que de pere peut retenit jusqu’à son decez ; avant lequel il est vray de dire, que fideicommissi dies nondum venit, que cette espèce étoit fort différente de celle de l’Arrest donné pour le Breton contre Desobeaux ; la femme avoit été separée de biens, et par sa mort l’usufrult avoit été consolidé à la proprieté : Asselin pour le Tuteur s’aidoit de l’Arrest du Breton, et en citoit un autre donné au Rapport de Mr de Toufreville. La Cause fut appointée au Conseil, et les Juges ayant été partis en opinions, le procez fut jugé, les Chambres assemblées, le 23. de Mars 1626. et par lArrest intervenu sur le partage la Sentence fut confirmée. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit, du 12. de Février 1659. entre Aubourg et Baudry : Aubourg avoit faisi l’usufruit du tiers, pretendant que Baudry son debiteur en avoit la joüissance ; les enfan en avoient obtenu la main-levée par Sentence des Requêtes du Palais, ce qui fut confirmé par l’Arrest.

Dans les Arrests precedens le pere avoit pris le party des enfans, et leur abandonnoit l’usufruit du tiers ; de sorte que cette difficulté restoit encore, sçavoit si les enfans pouvoient avoir cette joüissance contre le consentement de leur pere ; car en lArrest du Breton, le pert poursuivoit conjointement avec ses enfans, et sic invito non auferebatur ; et dans celuy du MénilPernelle Cavelier étoit fugitif. Or quand le pere est en possession du tiers, il semble ti-goureux de len dépoüiller contre les termes exprés de cet Article, et neanmoins les enfans ont été jugez preférables ; on a considéré son opposition plûtost comme un effet de sa malignité contre ses enfans, que d’un loüable motif de sa conscience pour s’acquiter envers ses creanciers. Cette Cause fut plaidée pour les nommez de la Ruë, et depuis jugée au Rapport de Mr du Houlé, le 23. d’Aoust 1666. La joüissance du tiers, dont ils avoient eu distraction au decret des biens de leur pere, leur fut ajugée, et nonobstant que le pere fût joint avec ses créanciers.

C’est donc une maxime certaine par la jurisprudence des Arrests, que les enfans du vivant, de leur pere ont l’usufruit du tiers Coûtumier, soit qu’ils le prennent de la main de leur mere soit qu’ils en ayent eux-mêmes demandé la distraction au decret des biens de leur pere ; man en même temps il a fallu pourvoir à la condition du pere, et luy donner pour sa subsistance quelque portion honnête de ce tiers, son mauvais ménage ne dispensant point les enfans de devoir et de lassistance où ils sont tenus envers luy. Les biens de Jacques de Hotot Ecuyer, sieur de Beaumont, ayant été vendus par decret, la Dame sa femme eut distraction. de mille écus de rente pour son doüaire : Aprés sa mort, Gedeon de Hotot son fils s’en mit en possession, et refusa d’en faire part à son père ; mais par Sentence du Juge de Bayeux fut condamné à luy payer une pension de huit cens livres : Le fils en ayant appellé, le Févre on Avocat disoit, que par la mort de sa mere qui joüissoit par usufruit de ce tiers Coûtumier, dont la proprieté luy appartenoit, cet usufruit avoit été consolidé à la proprieté, et que n’appartenant plus à son pere, mais à sa mere, dont il étoit seul hetitier, et non son perei il n’avoit plus aucun droit sur iceluy. Je défendis pour le pere, et remontray que l’ingratitude de son fils n’étoit pas excusable, déniant les alimens à son pere, qu’il auroit pû luy dis-puter la joüissance entière du tiers, néanmoins il se contentoit d’une pension si médiocre qu’elle étoit au dessous du tiers du tiers Coûtumier : Par Arrest du mois de Mars 1641. la Bentence fut confirmée

On regle cette penfion selon la valeur du bien et la qualité des parties. Par un Arrest lonné, au Rapport de Mr de Sainte Heleine, du 18. de Février 1660. entre Vallée et ses enfans, on laissa les deux tiers aux enfans : Il est vray que le pere poüissoit de quelque bien à cause de sa seconde femme.

Que si cette joüissance du tiers Coûtumier étoit si mediocre, qu’elle ne pût fournir à la subsistance du pere et des enfans, il seroit juste d’avoir égard principalement à la condition. du pere, sor tout s’il étoit vieil et impuissant de gagner la vie, et il fut jugé de la sorte le 19. d’Octobre 1660. l’usufruit du tiers Coûtumier n’étois que de soixante livres, on l’ajugea entierement au pere, au prejudice des enfans.

Au contraire quand la pension du pere seroit grande, et au delâ de ce qui seroit raisonnaplement necessaire pour sa subsistance, les créanciers ne seroient pas recevables à vouloir re-trancher une partie de la pension. Les créanciers du sieur de Beaumont eurent cette pretention, ils entreprirent de faire réduire la pension de huit cens livres qui luy avoit été ajugée, nonobstant le contredit de son fils, comme je viens de le remarquer, soûtenant qu’elle étoit plus forte que ce qu’il luy falloit pour sa subsistance, n’étant pas raisonnable que sieur debiteur véeût grassement, et qu’ils souffrissent la perte de leurs créances. Je défendois pour le pere, et representay que si sa pension étoit excessive, la reduction tourneroit au profit de son fils, et non point des créanciers ; il pourroit même remettre sa pension entière à son fils, puis qu’il pouvoit remettre son droit de viduité, h pater cum l. se5. D. quae in fraud. credit. post mortem. C. de Fideicomm.Alciat . Ad l. post contractum. Si sponsus, S. si maritus, D. de Donat. nter. vir. & uxor. Le fils se presenta en Cause, et soûtint que si la pension étoit trop grande I la falloit moderer : Par Arrest en la Chambre de l’Edit, du 8. de Juillet 1645. les créanciers furent deboutez de leur demande ; Lesdos plaidoit pour eux Monthelon en son Arrest 55. est d’avis que la renonciation à la legitime ne peut valoir au prejudice des creanciers de celuy qui renonce, les loix cy-dessus alléguées ne s’entendant que de ce qui a été donné au pere ou au mary, à charge de restitution, ce qui se peut faire sans distraction de la Falcidie ou de la Trebellianique ; mais la legitime n’est point donnée au fils par le pere, il la luy doit, et il est obligé de la luy conserver.

C’est ce que la Coûtume ordonne prudemment en cet Article, défendant au pere de vendre, engager, ny hypothequer, et cette prohibition est pareillement faite aux enfans ; et c’est la derniere partie de cet Article qui reste à expliquer Les Docteurs ont traité cette question, si les enfans du vivant de leur pere pouvoient demander leur legitime, et si le pere étoit tenu de la leur donner : On cite pour l’affirmative l’Evangile de S. Luc. Luc, c. 15. où un fils fait cette demande à son père ; Pater da mihi partem substantiae que me contingit. On oppose au contraire la l. 1. 8. si impuberi de collat. bon. D. et que le fils durant la vie de son pere, solam habet spem succedendi.Bart . in l. 15. potest. D. de Chassanée acquir. heredit. Chassanée sur le Titre des Successions, 3. 2. Verbo, du Trépasse, convient que quand le pere est mauvais ménager, les enfans peuvent demander id quod eis pro legitima assignatur pro alimenti

L’exemple de l’Enfant prodigue fait connoître qu’il seroit fort defavantageux aux enfans de leur donner cette liberté, il suffit que leur pere leur fournisse leurs alimens selon ses facultez, et s’il ne le faisoit pas il poutroit y être contraint par le Magistrat : Ils ne peuvent lonc demander leur tiers Coûtumier, qu’en cas de decret des biens de leur pere ; mais au surplus, ils ne peuvent disposer en aucune manière de la proprieté Les enfans, dit cet Article, ne pourront disposer du tiers avant la mort du pere. En cet endroit le terme de mort ne s’entend que de la mort naturelle, parce qu’à parler proprement, ils n’en sont et n’en deviennent les véritables proprietaires qu’aprés avoit renoncé, ce qu’ils ne peuvent faire qu’aprés la mort naturelle du pere ; et cet Article dispose expressément, qu’ils ne pourront avoir leur tiers qu’ils n’ayent renoncé à la succession : Ainsi, quoy que par une ti explication favorable, pour ôter la joüissance du tiers Coûtumier au pere decreté, ou mauvais ménager, on ait donné à la mort civile le même effet qu’à la naturelle, il n’en est pas de même lors qu’il est question d’ôter aux enfans le pouvoir d’en mal user durant la pie de leur pere ; on n’entend en ce cas par ce terme de mort, que la mort naturelle : Nonobstant la prohibition si expresse d’aliener ou d’hypothequer le tiers du vivant du pere, on a tenté d’y contrevenir par une infinité de moyens ; mais tous les artifices que l’on a praiquez ont eu si peu de succez, que pour empescher que cette interdiction fût violée, on l’a peut-être maintenuë avec trop de rigueur, comme on le remarquera dans la suite.

Premièrement, c’est une maxime certaine qu’ils ne le peuvent perdre par la confiscation, ny même pour des amendes criminelles. Il a été jugé neanmoins par Arrest du 8. de May 1662. au Rapport de Mr Salet, que le tiers des enfans pouvoit être décreté pour des interests et dépens resultans d’un crime commis par le pere et par les enfans, qui furent deboutez de l’appel qu’ils avoient interjetté du decret ; entre Artus Castel appellant, et Jacques des Moutiers, sieur de Neuménil.

En second lieu, bien que les obligations qu’ils contractent soient valables, comme faites par personnes libres et capables de contracter, elles ne peuvent être executées sur le tiers, mais seulement sur les autres biens. Le fils, quoy que majeur, marié et pourvû d’une Charge, ne peut engager ce tiets du vivant de son pere ; ainsi jugé en l’Audience de la Grand. Chambre 14. de May 1655. Sur ce fait, Bardou Conseiller au Presidial de Caën, s’obligea solidaire. nent avec son pere en une partie de rente, et le lendemain il en bailla une indemnité à son ere, reconnoissant qu’il avoit touché seul les deniers provenans de cette constitution : Aprés a mort de son pere il renonça à sa succession, et demanda le tiers Coûtumier ; ce qui luy fut contesté par le creancier, qui luy objectoit son fait personnel, qu’il étoit majeur, marié, et Officier, et qu’il demeuroit constant par l’indemnité qu’il avoit baillée, que les deniers avoient tourné à son feul profit : La Cour déclara le fils personnellement obligé à la rente pour ses autres biens, autres que le tiers Coûtumier, qu’il n’avoit pû hypothequer du vivant du pere.

On a pareillement entrepris d’engager le tiers des enfans, en les faisant intervenir cautions. de leur pere, ou en les faisant obliger conjointement et solidairement avec luy : Le cautionsement d’un fils majeur pour son pere est valable, mais on ne peut en étendre l’execution ur le tiers Coûtumier ; cela a été jugé par une infinité d’Arrests, et ces Arrests ont été confirmez par l’Article 85. du Reglement de 1666.

Ce cautionnement des enfans pour leur pere, à l’égard du tiers, fut déclaré de nul effet en une espece fort singulière. Deux freres, dont l’un étoit Cuté, et fautre chef de famille, avoient reçû leur pere avec eux ; le Curé avoit marié une de ses seurs, et dans le Contrat le mariage le pere étoit dénommé, et les promesses étoient conçûës sous son nom ; mais les freres seuls avoient reconnu ce Contrat, et étoient intervenus cautions de la dot sur da suc cession de leur pere, à condition toutefois que les biens qu’ils avoient d’ailleurs y seroient pareillement obligez : Aprés la mort du pere les enfans renoncerent à sa succession, mais nonobstant cette renonciation l’on pretendoit les faire payer ; leur défense fut qu’ils n’étoient tenus de payer la dot que jusqu’à la concurrence de la legstime de leur seur ; et quoy que la cause de leur obligation fût favorable, étant faite par un Contrat de mariage, la Cour debouta la seur de son action, et ne fist valoir la promesse des freres que jusqu’à la concurrence de la legitime qui luy pouvoit appartenir ; par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 22. d’Avril 1660. plaidans Maurry, et Heroüet.

Il a été jugé par Arrest du 0. d’Avril 1655. que le fils étant intervenu caution pour son pere du remploy de la dot de sa mere, que son pere avoit alienée, n’étoit point recevable à s Lettres de récision contre ce cautionnement, pour s’attaquer au Sergent qui avoit reçû caution, et pour pretendre contre luy qu’il devoit indiquer des biens suffisans pour fournit se remploy de la dot, ayant renoncé à la succession de son pere ; que nonobstant sa défense qu’il n’avoit pû aliener le bien de sa mere qui étoit vivante ny disposer de sa succession qu’aprés sa mort : Par l’Arrest la Sentence qui enterinoit les Lettres de récision fut cassée laidans Mautry, Theroude, et Lyout

Sien que par la doctrine des Arrests les enfans majeurs puissent cautionner leurs peres neanmoins pour faire subsister ce cautionnement il doit être volontaire et libre, sans avoit été exigé par force et par mauvais traitement ; mais pour prouver la violence, ce n’est par ssez d’alléguer des menaces ou de la contrainte de la part du pere ; à leffet de s’en prevaloir contre le creancier, il est necessaire qu’il en ait eu connoissance, ou que cela se soit passé en sa presence, autrement un fils pour se dégager d’un cautionnement pourroit par ntelligence se faire mal-traiter par son pere en la presence de témoins, pour se preparer un moyen de restitution, quoy que ces menaces et ces violences n’eussent été qu’un jeu entre le pere et le fils. Il est vray que par la Loy Item 14. D. quod metûs causa in hac actione non queritur utrum is qui convincitur, aut alius metum intulerit, et qu’il suffit de prouver que l’acte dont on demande la récision a été exigé par force ; car encore que celuy contre lequel on agit ne soit pas coupable ou complice de la violence, il est neanmoins obligé de rendre co qui a tourné à son profit.

On répond que cela est véritable lors qu’il s’agit de lucro captando : mais quand le creancier a contracté de bonne foy, on ne peut luy imputer ce qui s’est passé en son absence, et c’est pourquoy le Jurisconsulte resout en la même loy, que si Titius avoit enlevé quelque those, et qu’il en eût saisi un tiers, quoy que la chose vint à perir entre les mains de ce tiers, il n’en seroit pas responsable, pourvû qu’il ne fût point complice de la violence : Si metum intulit Titius me non conscio, et res in rebus humanis esse desiit sine dolo malo absoli lebebo, 5. 5. eod. c’est aussi la disposition de la Loy 5. C. de his que vi, &c. Ce te question l’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 10. de Decembre 1677. René du Hamel Ecuyer, fieur de Villechien, étoit vertu trouver Charles Meurdrac Ecuyer, sieur de Boiffey, pour l’obliger pour son pere, avec lequel il avoit fait des accommodemens ; il obtint depuis des Lettres de récision, fondées sur les menaces et intimidations de son pere, les Juges des lieux lay avoient permis d’en faire la preuve : Sur l’appel du sieur de Boissey, de l’Epiney soûtenoit que les faits n’étoient point pertinens, mais qu’en tout cas il faudroit prouver que ce violences eussent été commises en sa presence, et qu’il en eût eu connoissance, autrement que cela ne luy pouvoit être imputé ; mais il paroissoit par toutes les circonstances qu’il avoit ontracté volontairement, étant venu luy-même prier le sieur de Boissey de passer le Contrat, Le Févre pour le sieur de Villechien, disoit que pour obtenir l’effer de les Lettres de récision, il suffisoit de faire voir que son consentement n’étoit pas volontaire, et que son pere ne l’avoit exige que par ses menaces, et bien qu’elles n’eussent pas été faites en la prefence du creancier, il étoit toûjours vray qu’il n’avoit signé au Contrat que par contrainte : Par l’Arrest, n cassant la Sentence, le demandeur fut debquté de ses Lettres de récision Pour faire fraude à cet Article, on faisoit obliger les enfans par corps, afin que par la necessité de conserver ou de recouvrer leur liberté, ils fussent forcez de vendre leur tiers, lors qu’ils en seroient devenus les maîtres ; mais ces obligations ont été déclarées nulles, et de nul effet. Arrest pour le Blanc, contre Donnest ; la Cour confirma une Sentence du Bailly de Roüen, par laquelle le Blanc qui avoit renoncé à la succession de son pere, avoit été déchargé de l’obligation par corps, qu’il avoit contractée pour une somme de sept mille livres lu vivant de son pere. On jugea la même chose en une espece fort favorable pour le créancier lors de la Visitedes Prisonniers qui se fait au Palais. De la Mate étant prisonnier, fut mis hors des prisons à la caution de ses enfans qui s’obligerent, et par corps, de le representer : aprés les termes du payement expirez, ils obtinrent des Lettres de récision, et par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 30. de Juillet 1637. elles furent enterinées, et le tiers fut declaré exempt de ce cautionnement, et les enfans déchargez de l’obligatlon par corps ; plaidans le Boulanger, et de Cahaignes. Quoy qu’un fils aprés la mort de sa mere eût vendu le tiers qui luy avoit été delivré pour son doüaire, étant mort avant son pere ce Contrat fut déclaré nuls l’on jugea qu’il ne privoit pas la sour de le demander entier ; par Arrest du 26. de Novembre 1647. plaidans Maurry, et le Févre. Et par un autre Arrest donné en la Chambre de l’Edit, aprés en voir consultésla Grand-Chambre, l’11. d’Aoust 1655. il fut jugé que le frere ayant contracté des dettes du vivant de son pere n’avoit pû y engager son tiers, et que venant à mourir la sout avoit le tiers entier sans être obligée aux dettes du frère.

Il y a eu plus de difficulté, pour sçavoir si la vente des héritages affectez au tiers Coûtunier, faite par le pere et le fils, étoit valable : Elle fut décidée en la Grand-Chambre le 19. d’Aoust 1634. sur le procez partagé en la Chambre des Enquêtes, Mr Dambray Rapporteur.

Mr du Fay Compartiteur. Pierre Belargent pere, Jean et Richard Belargent ses enfans, âgez de vingt-huit et trente ans, vendirent un héritage au sieur de Bonfossey, moyennant quatre mille six cens livres ; aprés la mort du pere les enfans renoncerent à sa succession, et obtinrent des Lettres de restitution, pretendans revoquer le tiers de l’héritage vendu, s’aidans de deux moyens ; l’un, de fait ; l’autre, de droit : Le moyen de droit, étoit que le Contrat étoit nul, leur tiers Coûtumier étant inalienable du vivant de leur pere : Le moyen de fait, cont sistoit en ce qu’ils offroient prouver qu’ils avoient été forcez d’intervenit au Contrat, par Sentence du Juge de Bayeux ils avoient été deboutez de leurs Lettres : Sur leur appel, l’avis de Mr le Rapporteur qui reputoit le Contrat nul alloit à casser la Sentente, et ayant égard aux Lettres de récision, d’envoyer les demandeurs en possession du tiers de l’héritage : L’avis de Mr le Compartiteur qui tenoit le Contrat valable de droit, alloit à recevoir les demandeurs à faire preuve de leurs faits.

on disoit pour les enfans, que les Reformateurs de la Coûtume avoient introduit en leur faveur un droit qui est fondé sur les Constitutions des Empereurs, qui établissent une egitime contre les testamens inofficieux. Daviron a tenu que le pere ne pouvoit vendre le tiers, parce qu’il n’en avoit que lusufruit, et que les enfans ne le peuvent aliener avant la mort de leur pere, et qu’ils ayent tous renoncé à sa succession. Il est sans apparence, que l’alienation en fût interdite au pere, et qu’elle fut permise aux enfans, en faveur desquels le pere avoit les mains liées ; ils n’y ont qu’un simple droit, en cas qu’ils renoncent ; ce qui marque que l’intention de la Coûtume est de le leur conserver, puis qu’elle le leur asseure auparavant même qu’ils soient nez. En leur donnant cette liberté, ils tomberoient dans le même malheur que la Coûtume a voulu prevenir ; car il n’est point d’enfant bien né qui se laissant vaincre aux prieres et aux douces sollicitations d’un pere n’engageât aisément un bien, duquel pour ne luy être encore present il ne sentiroit point la perte : la volonté est le fondement des Contrats, et cette volonté doit avoir necessairement ces deux conditions essen-tielles, la puissance, et la liberté : Or ne pouvant se rencontrer en la personne du fils, tout ce qu’il fait par-la suggestion du pere ne peut valoir ; velle non creditur qui obsequitur imperio parris.

L’acquereur disoit pour sa défense, que le proprietaire peut disposor de la chose par le consentement de l’usufruitier ; qu’un fils majeur du vivant de son pere peut se constituer en renter et contracter des obligations ; quand la Coûtume ne luy donneroit pas la proprieté, la vente ne laisseroit pas d’être bonne, quia rei aliena venditio valet ; et lors que la Coûtume défend ux enfans d’aliener leur tiers Coûtumier, ce n’est qu’en faveur du pere, afin qu’il ne soit pas privé de son bien si son fils le predecedoit ; mais lors que tous deux ont vendu, rien l’empesche que la vente ne soit valable ; il passa de beaucoup de voix à l’avis de Mr le Rapporteur.

Mais il me semble que l’on étendit bien loin dans cette espèce la prohibition d’engager le tiers Coûtumier. Les nommez de la Mare vendirent quelques héritages à Messire Jacques de Chaumont, Marquis de Leques ; le fils ayant renoncé à la succession de son pere, il eut dedlivrance de son tiers Coûtumier, fauf la recompense du sieur de Leques sur ses autres biens.

Dans la suite de l’instance pour la liquidation du tiers Coûtumier, de la Mare avoit obtenu condamnation de quelques dépens contre le soeur de Leques ; depuis étant décedé, son fils ainé renonça à sa succession, mais la mere continua le procez, comme tutrice de ses enfans, qui n’avoient pas renoncé : Sur la demande faite par ce fils des dépens ajugez à son pere, le sieur de Leques opposa en compensation les sommes, dont rocompense luy avoit été ajugé pour l’eviction qu’il avoit soufferre, tant contre les deux tie-s du tiers Coûtumier, que contre les dépens ajugez au pere ; la question fut de sçavoir si cette compensation pouvoit être faite Il n’y eut pas beaucoup de difficulté à l’égard des deux tiers, parce que les mineurs n’avoient pas renoncé ; toute la contestation tomba sur ce point, si le fils caution de son pere ayant obtenu des dépens sur la poursuite de son tiers Coûtumier, l’acquereur pouvoit en demander a compensation contre la recompense que ce demandeur en tiers Coûtumier luy devoit sur ses autres biens : Le sieur de Leques soûtenoit, que ces dépens ne faisoient point partie du tiers Coûtumier, que c’étoit un pur meuble qui étoit affecté à sa garantie, comme tous les autres biens de son obligé, et que les dépens n’avoient rien de privilegié. De la Mare répondoit, que si cette compensation étoit admise, ce seroit un moyen pour le frustrer de son tiers Coûumier ; car ayant à le demander à une personne puissante, et par consequent se trouvant engagé à faire de grands frais, en compensant les dépens qu’il auroit obtenus contre la dette où il seroit intervenu pour son pere, il seroit forcé de vendre son tiers pour restituer l’argent qu’il auroit emprunté, et qu’il auroit employé à la poursuite de son tiers : Mr Arrest, au Rapport de Mr Salet, du 4. d’Avril 1675. il fut dit à tort la compensation : Ces dépens n’étoient pas plus privilegiez que tous les autres biens de l’obligé, et puis que l’obligation du fils avec son pere est valable, il y avoit bien plus de raison d’en permettre l’execution sur des meubles que sur des héritages ; cette raison tque s’il est contraint d’emprunter de l’argent pour obtenir la delivrance de son tiers Coûtumier, et qu’il ne puisse le rembourser que par les dépens ui luy seront ajugez, il seroit forcé d’aliener son tiers ) est trop éloignée, et n’est pas considérable, autrement il y auroit plus de sujet de déclarer le cautionnement ou l’obligation du fils avec son pere entièrement nulle, sans en permettre l’execution sur tous les immeubles.

Cependant il est si mal-aisé d’hypothequer ce tiers Coûtumier aux dettes contractées par le fils du vivant de son pere, que le fils succedant à ce tiers, et ne pouvant dans les regles le posseder citra nomen heredis, et sans s’engager aux dettes de son père ; néantoins ce tiers ayant été une fois déchargé de l’hypotheque de ces sortes de dettes, cette hypotheque ne eut renaître, ou pour mieux dire commencer en quelques mains que le tiers passe, non pas même de l’heritier du fils, suivant l’Article 85. du Reglement de 1666.

Par Arrest du S. de Juin 1671. au Rapport de Mr Buquet, en la Grand. Chambre, il fut ugé que les cautions du doüaire de la femme, jusqu’à un certain revenu qui excedoit le tien les biens du mary, n’étoient pas tenus d’en fournir la proprieté aux enfans. Par le Contrat de mariage de Routier, Salebry et ses autres beaux-freres intervinrent cautions, que Routier avoit mille livres de rente, et s’obligerent d’en faire valoir le tiers pour le doüaire : Aprés la mort de Routier ses enfans renoncerent à sa succession, et poursuivirent les cautions pour leur fournit en proprieté le tiers de mille livres de rente, se fondant sur leur promesse de fournir pareille comme pour le doüaire, qui est le tiers des enfans : La défense des cautions fut qu’ils ne s’étoient obligez que pour le doüaire, qui n’est qu’un usufruit qui s’éteignoit par la mort, que leur obligation ne pouvoit être étenduë plus loin ; et lors que la Coûtume a dit en cet Article, que la proprieté du tiers destiné pour le doüaire est propre aux enfans, cela s’entend de l’immeuble que le pere possedoit lors de son mariage ; mais il ne s’ensuit pas que si les cautions ont promis de fournir un doüaire, ils soient tenus d’en bailler la proprieté aux enfans : Par l’Arrest les cautions furent déchargées

Quoy que les enfans fussent majeurs lors du decez de leur mere, ils n’ont, point d’action pour leur tiers Coûtumier, elle ne commence à naître que par la mort naturelle ou civile de pere, étant incertain s’ils survivront à leur pere, ou s’ils renonceront à sa succession. VoyezLoüet , I. D. n. 20.

Enfin c’est une maxime véritable, que l’action pour demander le tiers ne se prescrit point durant la vie du pere, et comme c’est un droit. réel, le decres des biens dupere ne le purge point : Il ne peut y avoir de prescription par cette autre raison, qu’il est incertam si le doüaire Coûtumier aura lieu, les enfans pouvant mourir avant leur pere, ou s’ils renonceront à sa succession.


CCCC.

Doüaire Coûtumier entre enfans de divers lits.

S’il y a enfans de divers lits, tous ensemble n’auront qu’un tiers demeurant à leur option de le prendre au regard des biens que leur pere possedoit lors des premieres, secondes, ou autres nopces, et sans que ledit tiers diminue le doüaire de la seconde, tierce, ou autre femme, lesquelles auront plein doüaire sur le total bien que le mary avoit lors de ses épousailles, si autrement n’est convenu.

Cet Article a deux parties ; la premiere contient, que s’il y a enfans de divers lits, ils n’ont tous ensemble qu’un tiers ; mais qu’il demeure en leur option de le prendre, eu égard aux biens que le pere possedoit lors des premieres, secondes, ou autres nopces. Il est dit dans la seconde partie, que ce tiers Coûtumier ne diminue point le doüaire de la seconde, tierce, ou autre femme, lesquelles auront plein doüaire sur le total bien que le mary possedoit lors des épousailles, si autrement n’étoit convenuLa Coûtume de Paris, Article 253. est fort differente, elle ne rend pas égale la condition. des enfans de divers lits ; lors que le pere a été marié plusieurs fois, le doüaire Coûtumier des enfans du premier lit consiste en la moitié des immeubles qu’il avoit lors dudit pre-mier mariage, et qui luy sont avenus pendant iceluy en ligne directe ; et le doüaire Coûtumier des enfans du second lit, est le quart desdits immeubles, ensemble moitié tant de la portion des conquests appartenans au mary faits pendant le premier mariage, que des conquests par luy faits depuis la dissolution dudit premier mariage, jusqu’au jour de la consom-mation du second, et la moitié des meubles qui luy échéent en ligne directe pendant ledit second mariage.

Plusieurs autres Coûtumes ont pareillement fait de la difference entre les enfans des premieres, secondes, ou autres nopces ; mais la Coûtume en cet Article les appelle tous égale-ment au partage du tiers Coûtumier, à la réserve du preciput qui peut être choisi par l’ainé, suivant l’Article CCCCII.

Une des principales questions qui s’est formée en explication de cet Article, a été de sçavoir si pour acquerir le droit d’option aux enfans des secondes, ou troisièmes nopces, il étoit necessaire qu’il restât des enfans vivans issus de ce premier mariage au temps du decez du pere, ou si c’étoit assez qu’il y eût eu des enfans nés d’iceluy, bien qu’ils fussent decedez avant le second, ou qu’au moins ils eussent vécu jusqu’au jour que le second ou troisième mariage fut contracté :

Cette question a été fort long-temps indecise au Palais, si l’on s’attache aux paroles de cet Article, on en pourra conclure qu’il faut qu’il y ait des enfans du premier mariage qui soient vivans au temps de la mort du pere ; car la Coûtume s’explique en ces termes, s’il y a, qui est un temps present, et elle ne dit pas, s’il y a eu ; d’où il s’enfuit que s’il n’y en a point, les enfans des secondes, ou autres nopces, ne peuvent avoir ce droin d’option, mais ils sont tenus de s’arrêter au tiers des biens que leur pere possedoit lors du mariage dont ils sont issus.

Il semble raisonnable que quand il reste des enfans du premier lit, ils puissent avoir leur tiers Coûtumier sur les biens dont leur pere étoit saisi lors de ses épousailles ; et bien que leurs freres et soeurs sortis du second lit en tirent quelque avantage, ils n’ont point lieu de s’en plaindre puis que la Coûtume leur fait le même, party, si leur condition est plus avantageuse de prendre leur legitime sur les biens que leur pere possedoit au temps des secondes ou troisièmes nopces, les créanciers ou les acquereurs de leur côté n’y peuvent trouver à rédire, ayant contracté depuis le mariage du pere : Ce n’étoit pas la même chose lors qu’ilan’étoit point issu d’enfans du premier mariage, ou qu’ils étoient decedez avand la narssance des enfans d’un second lit, en ce cas lhypoibeque du premier mariage cessoit, et ne pouvoit être transmise aux enfans du second mariâge : : Erda Coûtume de Paris a passé plus avant en l’Art. 254. car si les enfans du premier mariage decedent avant leur pere pendant le second mariage, la veuve et les enfans dudit second mariage les survivans, n’ont que doüaire qu’ils eussent eu si les enfans dudit premier mariage étoient vivans ; de sorte, dit Tronçon sur cet Article, que le droit d’accroissemgpt. par la mort des enfans n’a point lieu en doüaire.

Nous favorisons davanfage la condition des enfans, tant des premieres que des dernieres nopces, pourvû que les enfans du premier lit puissent vivre jusqu’àtla naissance des enfans du second mariage, cela suffit pour acquerir ce droit d’option aux enfans des secondes nopces.

Il est vray que cette jurisprudence a été quelque temps incertaine : Par un Arrest du 23. de Janvier 1625. entre Langlois, Desdos, et autres, comme il n’étoit pas constant si lors du second mariage il y avoit encore des enfans sortis du premier lit, on ordonna qu’il en seroit fait apparoir, ce qui prejugeoit la question en faveur des enfans du second mariage ; mais on etendit cette maxime trop loin, par un autre Arrest donné en la Chambre des Enquêtes le 23. de Février 1645. entre Toustain et Guerout ; car bien que renfant du premier mariage. fût mort avant la celebration du second, on ne laissa point de donner aux enfans de ce seconc lit le tiers Coûtumier, comme du jour du premier mariage.

Cet Arrest étant contraire à lesprit de la Coûtume, et à la jurisprudence du Palais, il n’a point été suivi, et lon tint une maxime fort opposée, par un Arrest donné au Rapport de Mr de Bonissent, le 13. de Novembre 1647. François Manant avoit épousé en premieres nopces. Marie Hebert, et de ce mariage il naquit une fille : Il épousa en secondes nopces Geneviéve Godebin, dont il eut un fils- ; la-fille du premier lit véeut un an aprés la naissance de son frère, et elle mourut en 1626. et en 1646. Auber fit saisir réellement les her gages de François Manant pere ; Pierre Manant son fils s’opposa pour avoir la distraction de on tiers Coûtumier : Auber le luy accordoit sur les biens dont son pere étoit saisi lors di son second mariage, ce qui fut jugé de la sorte par cet Arrest. Ainsi lon tint conformément à l’Article CCLIV. de la Coûtume de Paris, qu’il ne suffisoit pas qu’il y eût eu un enfant sortv du premier mariage, et qui fût vivant lors de la naissance des enfans du second, mais qu’il falloir qu’il vécût encore lors du décez du pere. Dans l’espèce d’un autre Arrest du 16. de Janvier 1648 entre Hoüé et Maunourry, le fils du premier lit avoit survécu le pere, et par cette raison Il ne pouvoit y avoir de problême ; mais tous les Juges convinrent de cette maxime, que c’étoit assez que les enfans du second lit eussent vû ceux du premier, et qu’il y avoit lieu juri cerescendi, lors qu’il y avoit eu des enfans de divers lits, soit qu’ils vécussent, ou qu’ils fussent morts ; soit que le pere eût predecedé, ou que les enfans fussent morts avant le pere. Autre Arrest du 22. de Février 1649. entre Boüillon et autres, plaidans Heroüiet, et Lyout, par lequel il fut jugé que les enfans du premier lit ayant vécu pendant le second, et aprés la naissance des enfans du second lit, bien qu’ils fussent morts avant le pere, le tiers Coûtumier pouvoit tre demandé du jour des premieres nopces. Autre Arrest en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr le Cogneux, entre Elizabeth de Bauquemare, et Demoiselle Marie Echard, veuve de Richard de Bauquemare : C’est conformément à ces Arrests que son a fait l’Article 86. du Reglement de 1666. suivant lequel les enfans sortis des dernieres nopces peuvent prendre eur tiers, eu égard au temps des premieres nopces, encore qu’il n’en reste aucuns enfans, pourvû qu’ils soient nés avant la mort des enfans des precedentes nopces Bien que l’on ait decidé par cet Article, que les enfans du second lit peuvent demander leur tiers comme du jour des premieres nopces, pourvû qu’ils fussent nés au temps du decez les enfans du premier lit, on a fait encore une nouvelle difficulté en consequence de ces paroles, pouroû qu’ils fussent nés : Guillaume du Pont eut un fils de sa premiere femme, et s’étant remarié le fils du premier lit mourut trois semaines avant que cette seconde femme ecouchant d’une fille ; sur la demande faite par cette fille de son tiers Coûtumier, comme du jour du premier mariage, on luy opposa cet Article 86. du Reglement de 1666. et l’on soûtint que le fils du premier lit étant mort trois semaines avant qu’elle fût née, son tiers Coûtumier ne luy étoit dû que du jour du mariage de son pere, ce qui fut trouvé juste par le Vicomte et par le Bailly : Sur l’appel de la fille, l’on disoit que ces deux Juges s’étoient attachez mal à propos à la lettre, que conceptus pro nato habetur, cum de commodis ejus agituri et par la Loy antiqui D. si pars hered pet. antiqui libero ventri ita prospexerunt, ut in tempus ascendi omnia jura integra servarent, et cette maxime étant generalement reçûë, cet enfant devoit être presumé né, à l’effet de joüir de la grace de la Loy. On répondoit que l’Article 86. du Reglement parloit au temps present, s’il y a ; il falloit donc que les enfans fussent vivans, que la Cour avoit expliqué nettement son intention par ces autres paroles pouroû qu’ils fussent nés, ce qui marquoit que ce n’étoit pas assez qu’ils fussent conçûs, autrement elle l’auroit dit. Les dispositions du Droit Civil ne pouvoient servir à la decision de a Cause ; car encore que suivant icelles les enfans étans au ventre de leur mere soient pretumez nés dans les cas favorables, il ne s’ensuit pas que la même chose doive être pratiquée dans cette espece, où la Cour s’étant si nettement expliquée par son Reglement, il ne faut point étendre ses paroles contre son intention dans un cas qu’elle a suffisamment rejetté, n’ayant parlé que des enfans nés, et non de ceux qui étoient conçus : Par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 10. de Mars 1673. en infirmant les Sentences dont étoit ppellé, son ajugea à la fille du second lit le tiers Coûtumier du jour des premieres nopces ; plaidant Malherbe pour Thomas Harel, tuteur de la fille de Guillaume du Pont, contre Marguerite Pertel.

pour donner lieu à ce droit d’option, lon presuppofe que les enfans de divers lits renonrent à la succession de leurs pere et mère ; mais il peut arriver que les enfans du premier lit survivans leur pere, se tiendront aux avantages qui leur ont été faits, ou se porteront heritiers de leur pere : En ce cas l’on demande si les enfans du premier lit ne prenant point de tiers, ce droit d’option restera encore aux enfans des autres lits à leffer de demander le tiers, eu égard aux biens que le pere possedoit au temps de son premier mariage : On peut induire de lArticle 84. du Reglement de 1606. que n’étant point necessaire pour avoir fa part u iers Coûtumier que tous les enfans renoncent, que racceptation de la succession par les enfans du premier lit ne priveroit point les enfans du second d’opter leur tiers du jour du second marlage ; car ce droit d’option étant accordé lors qu’il y a des enfans de divers lits, il suffit qu’il y en ait pour leur conserver ce droit, nonobstant que les enfans du premier lit se déclarent heritiers.

La seconde partie de cet Article fait de la peine, et cause de l’ambiguité ; mais, à mon avis, en voicy le véritable sens. Par l’Article precedent : la proprieté du tiers est acquise aux enfant du jour des épousailles, et le pere n’en a plus que : l’usufruit. Il s’ensuivoit de cet Article, que quand le pere avoit des enfans d’un premier mariage, et qu’il se remarioit ; cette seconde femme aprés sa mort ne pouvoit pretendre aucun doüaire sur ses biens ; car suivant l’Article CCCLXVII. la femme n’ayant doüaire que sur les biens dont elle a trouvé lon mary saisiil ne luy en appartenoit aucun, puis que la proprieté du tiers étoit acquise aux enfans du pre-mier lit, et que l’usufruit qui restoit à son mary finissoit par sa mort.

Pour éviter cet inconvenient, la Coûtume aprés avoir donné cette option aux enfans de prendre leur tiers Coûtumier du jour des premieres ou secondes nopces, elle ajoûte que ce tiers des enfans ne diminuë point le doüaire de la seconde femme ; ou pour mieux dire, elle n’est point privée de son plein doüaire sur l’intégrité des biens que son mary possedoit au temps de son mariage ; cela a été jugé par un Arrest donné sur ce fait. Gilles Halard épousa en premieres nopces Jaqueline le Cacheux, laquelle obtint quelque temps aprés des Lettres de separation qui furent entérinées ; mais elle ne fit point de lots à doüaire, et ne mit point son nom au Tabellionnage : Elle moutut, et Halard contracta un second mariage avec Perrette des Planches : Halard étant mort elle demanda son doüaire, qui luy fut contesté par Gilles Halard sorti du premier mariage ; par cette raison que Jaqueline sa mete s’étant fait separer de biens, dés ce moment la proprieté du tiers luy. étoit acquise, le pere n’ayant plus qu’un usufruit, qui par sa mort étoit consolidé à la proprieté, et que partant : il n’avoit pû constituer sur ce tiers un doüaire à sa seconde femme : Le Vicomte de Vallogne avoit ajugé doüaire, le Bailly avoit cassé la Sentence : Sur l’appel de des Planches, Mi Gedeon le Lou disoit pour elle, que la demande de l’Appellant étoit fondée sur la disposition de la Coûtume, car étant femme legitime, son doülaire luy étoit dû sur les biens dont elle avoit trouvé son mary saisi ; que l’intimé ne luy opposoit que la separation civile de sa mere, qui equipolloit à une mort civile, et que partant la proprieté du, tiers étant acquise aux enfans, il n avoit pû l’hypothequer au doüaire d’une seconde femme :. a quoy on répondoit que cette separation étoit nulle, n’y ayant point eu de lots à doüaire, et les noms n’ayant point été mis au Tapellionnage ; qu’aprés tout la simple separation de biens sans decret n’ôtoit point au mary la roprieté de son bien, qu’elle ne le privoit pas même de l’usufruit du bien de sa femme aprés la mort d’icelle ; qu’au surplus la pretention de ce fils étoit contraire à cet Article, qui ne reut point que le tiers des enfans diminue le doüaire de la seconde ou autre femme ; car si lors que les enfans prennent leur tiers, eu égard aux biens que le pere possedoit lors des premieres nopces, cela ne diminuoit point le doüaire de la seconde ou troisième femme, il l’ensuivoit que ce tiers n’étoit pas si absolument acquis aux enfans du premier lit, que le pere ne le pûst affecter au doüaire d’une seconde femme : Et en effet il seroit extravagant que les enfans du second lit eussent part à ce tiers, et que la mere qui les avoit engendrez n’y pûst preadre doüaire ; et quand l’Article precedent interdit au père d’aliener ou hypothequer ce iers, cela ne s’entend pas du doüaire qui n’est pas reputé une alienation, mais une cause favorable, nam studium nuptiarum totius est humana sobolis, ex quo renovatur genus humanum. duth. de Nupt. Coll. 4. in princip. que cela se prouvoit fort bien par le Droit Romain., dont l’autorité est d’autant plus forte, que nôtre tiers Coûtumier semble en avoir pris son origines car encore que la Falcidie ou la Legitime, et la Trebellianique, nallo onere gravari possent, tamen gravari poterant restitutione dotis & donationis propter nuptias, cette donation à cause de nopces sest une espèce de doüaire, sur tout si on la considere telle qu’elle a été reglée par les derniers Empereurs : Or si suivant les Nov. 39. c. 10. et 108. c. 1. la Falcidie et la Trebellianique. pouvoient être chargées de la restitution de la dot, et de la donation à cause des nopces, il faut dire la même chose du doüaire, et on le prouve par un exemple qui est incontestable Quand le pere a promis de garder sa succession, il ne peut plus l’aliener ny l’hypothequer et cependant cette promesse n’empesche point que si le pere se remarie sa veuve ne puisse avoir doüaire ; que si nonobstant un Contrat solemnel, et une promesse portée par un Contrat de mariage, un pere peut encore charger son bien d’un doüaire, seroit-il pas ridicule Qu’une simple separation-pûst l’empescher ; Par Arrest, en la Grand. Chambre, du 18. de Juin 1657. on cassa la Sentence du Bailly, et celle du Vicomte fut confirmée. bi le doüaire de la femme n’est point diminué par le tiers des enfans, il faut dire au contraire qu’il ne peut être augmenté, quoy que le tiers des enfans soit de plus grande valeur : I arrive souvent qu’un homme durant fon premier mariage aliene une partie de son bien, et contracte des dettes, cette seconde femme qu’il épouse en suite ne prend pas doüaire sur les biens alienez, et d’ailleurs elle contribué aux dettes, quoy que les propres enfans ( au cas de cet Article et de l’Araicle 86. du Reglement de 1666. ) prennent leur tiers sur tous les tiens dont le pere étoit saisi lors de son premier mariage, et en exemption des dettes qu’il a optractées depuis : Et la raison de la difference est, comme je l’ay déja remarqué sur l’Arficle precedent, que suivant l’Article CCCLXVII. la femme ne peut jamais avoir plus que le tiers des biens dont son mary étoit saisi lors des épousailles, ou qui luy sont échûs en ligne irecte ; mais pour les enfans, en vertu de cet Article ils se rappellent les uns les autres, la Coûtume ayant voulu conserver l’égalité entr’eux, qui sont même en quelque façon reconjuncti.

Toutes ces raisons cessent pour le doüaire de la femme, qui ne luy est doüné qu’à vie et pour les alimens : la difficulté procede de ce que par l’Article precedent la proprieté du tiers de l’immeuble destiné pour le doüaire de la femme appartient aux enfans ; d’ou l’on conclud que si la legitimé des enfans est reglée par le doüaire, il semble aussi que la doüaitière doive être reglée par la legitime des enfans, et que par consequent elle doive aussi jodir de ce droit d’option qui est accordé aux enfans. On répond que dans l’Article precedent, la Coûtume ne parle que du doüaire de la premiere femme, à l’égard de laquelle on peut dire asseuré. nent que le doüaire est égal à la legitime des enfans ; et comme il est plus ordinaire que les hommes ne se matient qu’une fois, la Coûtume a parlé generalement, et n’a point mis de fifférence entre ce doüaire et le tiers des enfans ; mais en même temps en cet Article elle à apporte cette exception en accordant un droit d’option, quand il y a des enfans de divers dits ; elle declare que si les enfans usoient de leur droit d’option, ce n’étoit pas neanmoins à l’effet qu’elle demeurât sans doüaire, ou qu’il fût diminué par ce tiers ; mais en même temps. elle exphique son intention, qu’elle ne prend ce doüaire que sur le total bien dont son mary étoit saisi lors de ses épousailles, ce qui l’exclud de le prendre sur les biens qu’il avoit alienez uparavant : Et c’est aussi ce que la Cour a decidé par l’Article 86. du Reglement de 1666. que la femme ne peut avoir doüaire que sur les biens dont elle a trouvé son mary saisi lors de leur mariage ; d’où il est manifeste que son doüaire ne se regle que sur le bien possedé par on mary lors de leur mariage, et non pas sur celuy qui luy appartenoit lors du premier : Ainsi il ne faut pas douter que la seconde ou troisième femme n’ait doüaire sur le tiers, au prejudice même des enfans du premier lit, et que même elle n’en loüisse entierement quand les biens de son mary sont suffisans pour le foutnir, et que le tiers Coûtumier des enfans du remier lit ne se trouve pas de meilleure valeur que son doüaire, et c’est proprement ce que a Coûtume a voulu dire, que ce tiers Coûtumier ne diminuë point le doüaire ; c’est à dires que les enfans au cas de l’option sont tenus de le souffrir, si le doüaire est égal au tiers Coûtumier ; mais s’il arrive au contraire, que le tiers Coûtumier soit plus grand que le doüaire, en ce cas la veuve ne joüira de ce tiers Coûtumier que jusqu’à la concurrence du doüaire qui luy appartiendroit, cessant l’option des enfans, et le surplus leur retournera I peut arriver une chose fort embarrassante, lors que le mary depuis son premier mariage, mas avant le second, contracte plusieurs dettes qui épuisent son bien en tout ou en partie, es enfans au cas d’option du tiers Coûtumier, eu égard au temps des premieres nopces, sont rempts de contribuer à ces dettes ; et au contraire la seconde femme y est obligée, et en ce faisant elle n’aura que peu ou point de doüaire ; cependant si son doüaire n’est point diminué par le tiers Coûtumier, et qu’elle s’opiniâtre à le demander nonobstant les dettes contractées avant son mariage, il arrivera que les enfans seront privez de la joüissance de leur tiers, et que la femme n’en profitera point, mais les créanciers, qu’elle sera obligée de payer. on répond que lintention de la Coûtume a été, que les femmes fussent preferées auj nfans ; favore nuptiarum, mais elle n’a pas entendu que des creanciers profitassent de cette prerogative ; et c’est pourquoy lors que le bien du mary se trouve épuisé par ses dettes. ausquelles la veuve est contribuable, il faut dire qu’en ce cas elle n’a trouvé son mary saisi d’aucun bien, et que par consequent elle ne peut avoir aucun doüaire ; mais en ce faisant, le siers des enfans se trouvant déchargé de doüaire, il retoutne aux enfans en exemption de putes les dettes contractées depuis le premier mariage, ce que la veuve ne peut pas empes cher, puis que les creanciers seuls en souffrent du prejudice ; que s’il luy reste quelque petite portion de doüaire les charges acquitées, elle pourra en joüir, mais le surplus du tiers retournera aux enfans.


CCCCI.

Ne peuvent accepter ledit tiers sans renoncer et rapporter.

Et ne pourront les enfans accepter ledit tiers si tous ensemble ne renoncent à la succession paternelle, et rapportent toutes donations, et autres avantages qu’ils pourroient avoir de luy.

Cette disposition nouvelle de la Coûtume Reformée, contenuë dans l’Article CCCXCIX., qui conserve aux enfans le tiers des biens dont leur pere étoit saisi lors de son mariage, étant trop generale, a fait naître plusieuts difficultez ; car ce n’étoit pas assez d’avoir dit en termes tenéraux que les enfans auroient le tiers, il pourroit arriver que la succession seroit acceptée par une partie des enfans, et repudiée par l’autre ; il pourroit encore arriver que ceux qui auroient été avancez par leurs peres ou meres pretendroient ne les rapporter point, et qu’ils dimeroient mieux se tenir à leur don, et renoncer à leur tiers Coûtumier ; en tous ces cas il étoit incertain ce que les enfans devoient avoir, et ce qui pouvoit leur être contredit par les créanciers.

Pour faire cesser cet embarras l’on ajoûte cet Article, suivant lequel les enfans ne peuvent accepter ce tiers Coûtumier si tous ne renoncent à la succession, et ne rapportent toutes donations et avantages qu’ils pourroient avoir eu de leurs peres : ainsi l’on impose aux enfans deux conditions pour avoir la delivrance de leur tiers ; la premiere, que tous les enfans renoncent à la succession ; et la seconde, qu’ils rapportent tout ce qui leur a été donné Mais cet Article de la maniere qu’il est conçû a produit de nouveaux inconveniens ; tant, à légard des enfans qu’à l’égard des creanciers. Pour les enfans, il paroissoit rigoureux qu’ils fussent privez de la grace qui leur étoit accordée par cette nouvelle Loy ; lors que quelquesuns d’entr’eux, ou par malice, ou par imprudence, se portoient heritiers de leur pere, ou lors que pour éviter le rapport de ce qui leur avoit été donné ils se tenoient à leurs avancemensi qu’en tous ces cas on ne pouvoit leur ôter ou diminuer leur tiers Coûtumier qui devoit demeurer tout entier à ceux qui consentoient de rapporter ce qu’ils avoient reçû : les créanciers soûtenoient que cette pretention étoit combatuë par la disposition expresse de cet Article, qui ne donne aux enfans ce tiers Coûtumier qu’à ces deux conditions ; que tous ensemble renoncent, et qu’ils rapportent tout ce qui leur a été donné.

Toutes ces difficultez ont été terminées par les Arrests et les Reglemens que la Cour à faits ; car à légard de la premiere partie de cet Article qui semble requerir une renonciation generale de tous les enfans, on luy a donné un sens equitable, comme il paroit par l’Arrest rapporté par Bérault ; car des enfans ayant demandé leur tiers entier au decret des biens de leur pere, et les créanciers les en ayant fait debouter à cause que l’un des freres s’étoit rendu heritier, sur l’appel de cette Sentence par les enfans elle fut cassée ; mais on leur ajugea seusement leurs portions au tiers Coûtumier, qu’ils auroient euë si tous les enfans avoient re-noncé : ainsi quoy que tous les enfans n’eussent pas renoncé, on ne laissa point de recevoit ceux qui avoient repudié la succession à demander leur legitime, mais on ne leur accorda que la part qui leur auroit appartenu si tous avoient renoncé : La même chose fut jugée par Arrest du mois de Decembre 1646. et conformément à ces Arrests, par l’Article 89. du Reglement de 1666. les enfans n’ont pas le tiers entier si tous n’ont renoncé, mais celuy qui jura renoncé aura la part audit tiers qu’il auroit eué si tous avoient renoncé, d’où il resulte qu’en ce cas le droit d’accroissement n’a point lieu pour le tiers Coûtumier, et que celuy qui renonce ne peut avoir que sa part, et que par consequent la portion de ceux qui se portent heritiers, ou qui renoncent au tiers Coûtumier pour ne rapporter pas les immeubles dont ils ont été avancez, demeurent en la masse de la succassion pour tourner au profit des créanciers cette jurisprudence n’est pas singulière en cette Province, elle est conforme au Droit Civil, à la Coûtume, et aux Arrests du Parlement de Paris : on en allégue cette raison, que le doüaire Coûtumier tenant lieu d’alimens, non est locus juri accrescendi, parce que les alimens finissent par la mort de l’alimentaire, ou par sa renonciation qui equipolle à la mort, et ceux qui restent ne doivent pas avoir de plus grands alimens qu’ils avoient auparavant, c’est la disposition de la Loy, Dominus 8. 1. ff. de usufructu. Fructu pradiorum ob alimenta relicto partium emolumentum ex personâ vitâ decedentium ad Dominum proprietatis revertitur : Sur quoy la Glose ajoûte ces mots, si non est locus juri accrescendi : C’est encore une maxime de Droit, que portiorepudiantis accrescit portioni non persona, l. si tota, 4. 2. ff. de acquirendâ hereditate : C’est à dire, comme l’expliquent les Interpretes, que la portion de celuy qui renonce demeure en la masse de la succession.

Les Commentateurs de la Coûtume de Patis, sur l’Article 254. et Brodeau sur Mr Loilet, 1. D. n. 44. disent la même chose ; que si unus sit heres, non accrescit non succedenti : De sorte que si de quatre enfans l’un se porte heritier, et les autres sont doüairiers, ou qu’ayant tous renoncé à la succession, lun renonce pareillement au doüaire Coûtumier, ou ne l’accepte soint, pour ne pas rapporter les avantages qu’il auroit reçûs de son pèré, la part de celuy qui renonce ou qui se tient à son don n’appartiendra pas aux trois autres, mais tourneta au profit de la succession du pere, ce qu’il confirme par les Arrests du Parlement de Paris : En effet, les enfans ne prennent pas le doüaire ou le tiers Coûtumier à titre successif et universel, mais par un titre particulier et en vertu d’un Contrat legal, et en ce cas il n’y a point lieu d’accroissement, parce que chacun ne peut demander que la part qui luy est assignée par la Loy ; de sorte que le reste demeure en la succession jure potius non decrescendi qudm jure accrescendi, ces portions n’ayant jamais été détachées de la succession du pere.

C’est donc une maxime certaine qu’il n’est pas necessaire que tous les enfans renoncent raffet d’avoir dalivrance du tiers Coûtumies, mais que lors que quelques-uns d’entr’eux se déclarent heritiers, leurs portions demeurent en la masse de la succession, et ceux qui ont renonté n’ont que la part qui leur auroit appartenu, si tous avoient repudié la successiont cela fut decidé par l’Arrest du Chevalier, et Boutevilain, rapporté par Berault sur cet Article, par lequel l’on ajugea aux freres qui avoient renoncé, leurs parts sur le tiers. On jugea le contraire à l’égard d’une fille, qui étoit morte sans être mariée. Michel des Mares n’ayant laissé qu’un fils et une fille, le fils aprés sa majorité renonça à la succession de son pere ; elle fut prise par la fille, et elle s’en fist rendre compte par son tuteur, qui luy paya soixante livres. et en suite elle vendit tous ses droits à de la Roque, qui acheta pareillement du fils tout le tiers Coûtumier, et par ce moyen il se rendit maître de toute cette succession. Jean Haley, creancier du pere, ayant saisi réellement les héritages, sur la distraction du tiers qui luy avoit été demandé par de la Roque, il soûtint qu’il en falloit lever la part de la seeur qui s’étoit renduë heritière, et qui par consequent avoit confondu sa part audit tiers. Le Vicomte de Bayeux avoit ordonné qu’il seroit fait trois lots de ce tiers, dont de la Roque en choisiroit deux, et l’autre tiers seroit decreté avec le surplus des héritages. De la Roque en ayant appellé, le Bailly cassa la Sentence, et jugea qu’il n’appartenoit point de part à la seur, si elle n’étoit reservée ou reçûë à partage par le frère. Il avoit été dit que le tiers entier demeureroit à de la Roque, sauf à Haley à se pourvoir pour le mariage avenant de ladite Judith des Mares sur le tiers Coûtumier. De la Roque ayant aussi appellé de cette Sentence, il disoit que la fille s’étant portée héritière de son pere, elle ne pouvoit demander aucune part sur le tiers, nul ne pouvant être heritier et doüairier en une succession ; qu’il n’est pas des filles comme des mâles, qui ont quelque part au tiers, mais les filles n’y ont qu’un droit en usufruit, jusqu’à ce qu’elles soient mariées : or cette fille étant morte sans être mariée, un créan-cier ne peut demander mariage avenant pour une fille morte et héritière de son pere. Haley répondoit que ce fait étoit tout à fait semblable à celuy rapporté par Bérault, entre le Chevalier et Boutevilain ; il n’y a que cette difference, que dans cet Arrest il s’agissoit d’un fils, et danncette espèce c’est d’une fille, Par Arrest donné en la Chambre de l’Edit le 26. de Juin 1636. au Rapport de Mr d’Amiens, la Sentence fut cassée, et ordonné que de la Roque auroit distraction du tiers entier. L’Arrest fondé sur ce que la soeur étoit motte sans avoir été nariée, et n’ayant qu’un simple usufruit, la proprieté étant toûjours demeurée au frere, on ne pouvoit demander de part à son droit.

Il faut neanmoins remarquer, que lors que nous disons que le droit d’accroissement n’a point lieu en doüaire ou tiers Coûtumier, cette maxime ne s’entend que lors qu’il y a des enfans qui se portent heritiers, ou qui se tiennent aux avancemens d’immeubles qui leur ont été faits, et qui par ce moyen ne peuvent avoir part au tiers Coûtumier ; en ce cas étant partagez des biens de la succession, ceux qui renoncent ne peuvent avoir le tiers entier, parce que la Coûtume ne le donne qu’à tous les enfans ensemble. Il n’en est pas de même lors qu’aprés la mort du pere un des enfans vient à mourir, soit qu’il ait formé la demande du tiers, ou qu’il n’en ait point passé de déclaration, car encore que le droit de tiers Coûtumier ne soit point transmissible aux parens collateraux, quand il n’a point été demandé, tou-refois quand l’un des enfans decede lans avoir renoncé ny demandé sa legitime, sa part passe aux autres enfans à double droit, jure accrescendi comme si le défunt n’eût point été au monde lors du décez du pere, et jure hereditario, comme heritier de son frere ou de sa seurs ainsi jugé en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr Fermanel, le 13. de Decembre 167o. entre Guillaume Osmont Ecuyer, sieur d’Aubry, et de la Mote, opposant au decret de la Terre de Belhôtel ; et Charles et Antoine du Bois, sieur de Belhôtel, et Dame Marie de Monmorency, femme dudit Charles de Belhôtel, l’on confirma la Sentence au chef, qui jugeoit que Loüis du Bois, l’un des fteres, étant mort sans avoir accepté ny repudié la succession du pere, il avoit transmis à ses autres frères sa part au tiers Coûtumier : La même chose avoit été jugée au profit d’une soeur, par Arrest du 9. d’Aoust 1658. que j’ay rapporté sur l’Article CCexCIX. en matière de successions ; le droit et la part de celuy qui s’abstient accroit aux autres heritiers, ubi enim noluit hereditatem adire, jam coepit ad alios pertinere.

La seconde partie de cet Article, par laquelle les enfans qui renoncent à la succession de leur pere sont tenus de rapporter les dons et les avancemens qui leur ont été faits, n’a pas produit moins d’embarras, touchant la qualité des personnes qui sont tenus de rapporter, la nature des choses sujettes à rapport, et pour sçavoir si les portions de ceux qui s’abstiennent our éviter le rapport doivent accroître aux legitimaires, ou tourner au profit des créanciers : Chacun convient que les enfans qui demandent leur tiers, ne peuvent s’exempter de rapporter les avancemens qui leur ont été faits par leurs peres et meres. On a douté long-temps si les perits enfans renonçant à la succession de leur pere, et venant de leur chef à celle de leur ayeul, étoient renus de rapporter ce qui avoit été donné à leur pere ; car il ne sembloit pas juste qu’ils fussent assujettis à ce rapport, puis qu’ils ne profitoient en aucune façon de la succession de leur pere, et u’ils venoient de leur chef à celle de leur ayeul ; mais cette difficulté a été terminée par l’Article 88. du Reglement de 1666. suivant lequel les petits enfans qui ont renoncé à la succession de leur pere, venant à la succession doivent rapporter ce qui a été donné à leur pere ou payé pour luy.

Les choses que l’on doit rapporter consisient en immeubles ou meubles ; pour les immeubles ils sont toûjours sujets à rapport, tant à l’égard des creanciers que des legitimaires, ou demandeurs en tiers Coûtumier. Les enfans et les petits enfans y sont également tenus, et c’est en cette maniere qu’il faut entendre l’Article S8. du Reglement que je viens de citer : Pour les meubles, les enfans ou les petits enfans qui demandent leur tiers Coûtumier, ne les rapportent point au profit des créanciers ; cela est fondé sur ces deux raisons, que le pere étoit le maître de ses meubles, et qu’ils n’ont point de suite par hypotheque ; de sorte que les créanciers doivent s’imputer la faute de ne les avoir pas saisis, et de n’avoir pas empesché que leur debiteur ne les dissipât : la raison est que si les enfans qui renoncent étoient obligez de rapporter les meubles au profit des créanciers, ce seroit une voye pour leur faire perdre leur tiers Coûtumier durant la vie de leur pere, ce qu’ils ne peuvent jamais faire Mais la question la plus difficile est de sçavoir si les portions des seurs mariées, ou de ceux qui se tiennent à leurs dons pour ne rapporter point, doivent céder au profit des créanciers, ou des demandeurs en tiers Coûtumier ; Il faut faire distinction entre les immeubles et les meubles. Si quelques-uns des enfans, fils ou filles, ont été avancez par leurs peres ou meres de quelques immeubles, s’ils ne veulent point rapporter, en ce cas leur portion n’actroit point aux demandeurs en tiers Coûtumier, mais elle est distraite du tiers pour tourne au profit des créanciers ; s’ils n’ont eu que des meubles, comme ils ne sont point sujets à rapport à l’égard des creanciers, ils ne diminuent point le tiers Coûtumier, mais la part de celuy qui n’y veut rien prendre accroit aux autres enfans.

La Cour a fait cette distinction par un Arrest donné sur ce fait, entre Matthieu Brachant et les acquereurs des héritages de Vincent Buisson ; ledit Buisson avoit eu deux filles d’un premier mariage, en les maniant il donna cinquante livres en argent à l’une, et deux vergées de terre à l’autre : De son second mariage, il eut un fils qui demanda son tiers Coûtumier aux acquereurs des biens de son pere : Une des questions jugée par l’Arrest, fut de sçavoir si sur ce tiers Coûtumier de Marthieu Buisson il falloit deduire le mariage des soeurs On tint cette maxime en jugeant le procez qu’il falloir distinguer, si le pere avoit donné de l’héritage à sa fille, ou s’il luy avoit donné des meubles seulement ; et suivant cette distinction, par Arrest donné en la Chambre des Enquêtes le 14. d’Avril 1644. au Rapport de Mr de Toufreville le Roux, on fit deduction sur le tiers des deux vergées de terre ; mais pour les meubles, ils ne furent point deduits

On donna un pareil Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre le S. de Janvier 1655.

Huilard avoit six filles, trois sorties d’un premier mariage, et les trois autres d’un seeond les trois filles du premier lit avoient été mariées par le pere, les autres qui restoient à matier renoncerent à la succession, et demanderent leur tiers entier, parce que les autres soeurs mariées se tenoient à ce qui leur avoit été donné ; les créanciers pretendoient que les deman-dtesses en tiers ne pouvoient avoir que les trois sixièmes de ce tiers, si mieux elles n’aimoient rapporter les dons faits à leurs seurs mariées, ce qui leur fut accordé par le Juge de Giillefontaine : Sur l’appel des filles, Pilastre leur Avocat disoit que le rapport dont il est fait mention dans cet Article ne s’entendoit que des immeubles, et non des meubles, parce que les meubles donnez par un pere ne pouvoient remplir le tiers, autrement les enfans le pourroient dissiper durant la vie de leur pere ; que le tiers Coûtumier ne pouvoit être divisé qu’avec ceux qui le demandoient, ou qui avoient droit de le demander, et qu’il seroit étrange. que des creanciers fussent admis à partager le tiers avec les enfans. Maurry pour les creanciers répondoit, que suivant cet Article les enfans ne pouvoient avoir tous ensemble que le tiers des biens de leur pere, et que même ils ne l’avoient qu’à cette condition de rapporter tout ce qui leur avoit été donné, et que sous ces paroles generales, les meubles comme les immeubles, étoient compris ; par l’Arrest le tiers entier fut ajugé aux filles On jugea le contraire en la Grand.-Chambre, au Rapport de Mr du Houley, le 13. de Février 1662. sur ce fait. Le nommé le Prevost, Laboureur, n’avoit que deux filles, en matiant l’ainée à Pierre Farin il luy donna quinze cens livres avec plusieurs hardes : Le Prevost étant tombé dans le desordre de ses affaires, ses biens furent saisis réellement ; Loüise le Prevost, sa fille ainée, se contenta à ce qui luy avoit été donné ; mais la puisnée ayant demandé le tiers Coûtumier entier, les créanciers luy consentirent la distraction de la moitié d’iceluy, soûtenant que l’autre moitié leur devoit revenir, comme representant l’autre seur qui avoit été matiée des deniers du pere : Le Bailly de Roüen l’ayant jugé de la sorte, sur l’appel de la fille, elle remontroit que le tiers Coûtumier n’étoit dû que sur les immeubles, et que ceux de leur pere n’ayant point été diminuez par le mariage de sa seur il devoit luy rester. tout entier, sans être tenuë de rapporter les meubles qui luy avoient été donnez, le pere en ayant pû disposer à sa volonté, et les ayant donnez ou dissipez, les creanciers n’avoient rien à y demander ; que lors qu’ils avoient contracté avec luy ils n’ignoroient pas qu’il étoit marié, et que du jour de son mariage le tiers de ses immeubles étoit acquis à ses enfans, sans le pouvoir engager ny hypothequer en aucune manière, et que c’étoit ce tiers qu’elle demandoit, que cette question avoit déja été jugée en termes beaucoup plus forts en la Cause de Mité, lequel ayant renoncé à la succession de son pere on luy ajugea le tiers entitr, nonobestant le contredit des créanciers, fondé sur ce qu’il avoit un frere et plusieurs soeurs que le pere avoit avancez de plusieurs sommes de deniers, que les creanciers étoient mal fondez en leur pretontion, à moins que de justifier que leurs deniers eussent été employez au payement du mariage de sa seur. Il fut répondu par les créanciers, que ces deux soeurs n’ayant point de frère, la soeur mariée étoit capable de prendre part au tiers avec sa seur ; que si elle s’en ibstenoit pour éviter le rapport de ce qui luy avoit été donné, elle devoit être considerée comme heritière de son pere, parce que toutes donations faites par les pere et mere sont reputées avancement d’hoirie, quod fuit donatio fit hereditas, or l’on ne peut être heritier et soüairier ; de forte, que suivant cet Article et l’Article 89. du Reglement de 1666. la part de cette soeur, ne voulant point rapporter, demeuroit en la masse de la succession, et les creanciers pour en profiter n’avoient point besoin d’une hypotheque privilegiée, et de justiver que leurs deniers eussent été employez au mariage de la soeur, la presomption de droit étant que le pere qui avoit emprunté ces deniers avant le mariage de sa fille, les avoit employez à cet usage ; par Arrest la Sentence fut confirmée : L’Arrest fondé sur cette raison, que l’intention de la Coûtume n’étoit pas de donner à tous les enfans plus que le tiers du bien de leur pere, et quoy que le Prevost n’eût donné à sa fille que de l’argent et des meubles, néanmoins cela luy tenoir lieu de legitime, autrement que les peres s’engageroienturr lelâ de leur bien pour donner des mariages avantageux à leurs filles, qui ne laisseroient pas le demander le tiers des immeubles, quoy qu’elles eussent les mains pleines de l’argent des creanciers ; les Parties de l’Arrest étoient le Prevost, le sieur Baillard, et autres.

Depuis cet Arrest on avoit tenu au Palais, que les seurs mariées qui se tenoient à leurs avanremens pour ne rapporter point ce qui leur avoit été donné, faisoient part au profit des créanciers ; nais on a donné atreinte à cette maxime par un autre Arrest, donné au Rapport de Mr Giot le 13. de Février 1676. dont voicy le fait. Denis Petit avoit un fils et quatre filles, il avoit marié ses filles et payé leur dot avant que d’avoir contracté aucune dette : aprés sa mort son ils ayant renoncé à sa succession, sur la demande du tiers Coûtumier les créanciers s’opposerent pour avoir la distraction de la part de ce tiers, qui auroit appartenu à ses seurs pour leur mariage avenant ; mais ils furent deboutez de leur pretention, et le tiers entier fut ajugé au fils.

Cet Arrest a été donné dans une espèce en quelque sorte differente du precedent ; les filles avoient un frere, et par consequent elles n’étoient point héritières ; mais ce qui étoit de plus considérable, étoit que le pere les avoit mariées et payé leur dot avant qu’il eût contracté aucunes dettes ; de sorte que les creanciers ne pouvoient alléguer, que leurs deniers eussent été employez au mariage des soeurs.

Cependant l’opinion la plus commune et la plus suivie au Palais, est qu’à l’égard des créanciers les meubles donnez par le père à ses enfans ne sont point sujets à rapport, et que tant s’en faut que la part de ceux qui s’abstiennent tourne au profit des créanciers, que ceux même. qui prennent le tiers Coûtumier ne sont point obligez de rapporter les meubles qui leur ont été donnez, et que le tiers entier leur appartient sans aucune diminution ce qui est fondé sur les deux raisons que j’ay déja marquées cy-devant : La premiere, que les enfans ne peuvent engager ny hypothequer leur tiers Coûtumier du vivant de leur pere, ce qui arriveroit neanmoins fort souvent si les ieubles qui leur seroient donnez diminuoient la portion qui leur appartiendroit sur les immeubles : La seconde, que le pere est le maître des meubles, et qu’il n’ont point de suite par hypotheque, et c’est pourquoy celuy qui contracte avec un homme arié ne doit considerer pour l’asseurance de sa dette que les immeubles que son debiteur possede, ou en tout cas il doit user de precaution et stipuler que ses deniers seront employes u mariage des filles, pour avoir une subrogation à leurs droits ; cela a été jugé par les Arrests de Brunehaut, et d’Huilard, que j’ay remarquez, et par celuy de Miré, que je rap-porteray cy-aprés.

L’Article S8. du Reglement disant en termes generaux, que les petits enfans venant la succession de leur ayeul sont tenus de rapporter ce qui a été donné à leur pere, quoy qu’ils renoncent à sa succession, a pû rendre cette matière douteuse ; il eût été nécessaire d’exprimer particulierement que ce rapport n’avoit lieu qu’entre coheritiers, pour éviter l’inégalité entre les enfans, et ç’a été sans doute l’intention de la Coûtume Suivant l’Article 334. de la Coûtume d’Anjou, si le pere ou autre rotutier donne à aucur de ses enfans ou autre heritier presomptif, soit en avancement successif ou autrement, et aprés sa mort un autre heritier vueille renoncer, il y sera reçû en rendant à l’ordonnance de Justice tout ce que son pere ou autre luy a donné. Dans cette Coûtume qui est conforme à la nôtre on a pareillement agité cette question, si le rapport doit s’étendre au profit des reanciers : Chopin sur la Coûtume d’Anjou, l. 3. c. Tit. 3. n. 4. estime que cet Article 334. dé la Coûtume d’Anjou n’a point lieu au profit des créanciers, Censeo, inquit, patriae legis contextum, que tuendae aequalitatis gratiâ inter suos heredes speque presumptos jusserit donata in commune redigi, exteris applicari non debet, emergentibus putâ defuncti creditoribus, et suivant son opinion il intervint Ar-rest au Parlement de Paris, rapporté dans la troisième partie du Journal des Audiences du Palais.

Quand il s’agit de rapport entre coheritiers, non seulement les enfans, mais aussi les petits enfans sont tenus de rapporter, comme Bérault l’a fort bien remarqué, suivant l’Arrest de Btice qu’il a remarqué sur l’Article CCCLXII. ce qui est expressément decidé par l’Ar-ticle 308. de la Coûtume de Paris ; et Ricard sur cet Article, ajoûte que l’enfant, quoy qu’il ait renoncé à la succession de ses pere et mere, est obligé à ce rapport, et que maintenant on juge au Parlement de Paris, que si l’ayeul donne à l’un des enfans de son fils, lequel l’abstient, les freres et soeurs de ce donataire rapporteront le don fait à leur frere Cet usage est fort ancien en cette Province, comme on lapprend d’un Arrest du 8. de évrier 1526. entre M. Jean Faiseu, Curateur de Claude de Ligni et Antoine de CleriChevalier ; et par un autre Arrest donné en la Grand-Chambre, du 13. de Mars 1622. entre la veuve de Traboüillet, et Thomas Bourgeois de Roüen, il fut jugé que le petit-fils venant à la succession de l’ayeul par la renonciation ou par le decez de son pere, devoit rapporter tout ce que l’ayeul avoit donné à son pere, encore qu’il l’eûr dissipé, et que le petit : fils eût renonté à la succession de son pere, quoy que le partage de la succession de l’ayeul eût été fait, et que les coheritiers n’eussent point demandé ce rapport au petit-fils, à quoy il fut neanmoins condamné avec restitution de fruits du jour de la succession échûë ; et ce rapport a paru si favorable pour conserver l’égalité entre les freres, que l’Article S8. du Reglement de 1666. n’oblige pas seulement les petits enfans à rapporter ce qui a été donné à eur pere, mais aussi ce qui a été payé pour luy, comme il fut jugé par l’Arrest de Brice, rapporté par Bérault, sur l’Article CCCLXII. et par un autre Arrest du 16. de Mars 1658 Mais il n’en est pas de même, lors que ce rapport est demandé aux petits enfans par les creanciers ; car alors ils en sont dispensez, comme il fut jugé par l’Arrest de Miré : Nicolas Miré avoit deux fils, André, et Antoine ; en mariant André il luy donna trois mille livres, André dissipa son bien, et mourut avant son pere, lequel étant mort par aprés, Antoine et les sans d’André renoncerent à sa succession, et lesdits enfans renoncerent aussi à la succession de leur pere, et à sa representation ils demanderent leur part au tiers Coûtumier ; les créanciers, suivant cet Article, soûtenoient qu’ils devoient rapporter les trois mille livres que leur pere avoit eus : les enfans s’en défendirent, vâ leur renonciation à la succession de leur pere, et que venant directement à celle de leur ayeul, ils n’étoient tenus à aucun rapport s’ils n’étoient point heritiers de leur pere, et ne profitoient point de sa succession : Le Baillv avoit debouté les creanciers de leur demande ; par Arrest en la Grand-Chambre du 10. de septembre 1642. la Sentence fut confirmée.

Non seulement les petits enfans renonçant à la succession de leur pere, et succedant à leur yeul, sont déchargez de ce rapport de meubles, mais les enfans mêmes succedant à leur pere qui leur avoit donné n’y sont pas sujets, comme il fut tenu pour une maxime certaine lors de l’Arrest de Miré ; et on le jugea encore de la sorte en l’Audience de la Grand. Chambre, par Arrest du 9. de Janvier 1660. plaidant Heroüet pour Busquet, appellant de ce qu’on l’avoit condamné à rapporter cent livres au lieu des meubles promis par son Contrat de mariage : Morlet pour Mar-tin, intimé, Baudri pour Mr le Duc de Longueville, creancier, qui vouloit faire diminuer le tiers.

En un mot, il est si véritable que les enfans ne peuvent engager leur tiers du vivant de leur pere, que s’il avoit donné non seulement des meubles, mais aussi des rentes dont il eût reçû le rachapr, et qu’il en eût dissipé les deniers, on ne pourroit luy en faire deduction sur son tiers, ce qui auroit beaucoup plûtost lieu, si les enfans de celuy qui auroit consumé ces rentes demandoient leur tiers en la succession de l’ayeul. on n’a pas besoin d’avertir le lecteur, que quand cet Article oblige les enfans à rapporter, il ne s’entend que des choses qui sont sujettes à rapport ; et je réserve à expliquer les choses sujettes à rapport sur l’Article CCCexXXIV.


CCCCII.

Partage dudit tiers.

Les enfans partageront ledit tiers selon la Coûtume des lieux où les heritages sont assis à laquelle n’est en rien dérogé pour le regard des partages, et sans prejudicier au droit des aînez : et n’y pourront avoir les filles que mariage. avenant,

Par la Coûtume de Paris, Article 250. le doüaire se partage entre les enfans sans droit d’ainesse ou prerogative, et cette disposition est fondée sur cette raison, que les enfans prennent le doüaire jure contractis, non jure successionis, et qu’il tient lieu d’alimens et de legitime, en daquelle les enfans ne peuvent pretendre l’un plus que l’autre ;. le droit de preciput et d’ainesse n’est acquis à l’ainé que jure hereditatis, il est conjoint avec la qualité d’heritier, non potest igitur obtinere, nisi mediante hereditatis aditione, & ab eo qui se pro herede gerit, quo sublate did jus primogeniturae perveneri non potest.

Pour trouver la raison de la difference de cette Coûtume d’avec la nôtre, il suffira de remarquer que la nôtre est favorable aux aînez en toute rencontre, et c’est pourquoy, soit que l’aîné soit heritier ou doüairier, il a les mêmes avantages lors qu’il y a lieu de prendre un preciput. La Coûtume de Paris, qui conserve davantage l’égalité entre les enfans, n’a pas trouvé raisonnable de luy donner des avantages sur cette portion du bien paternel, qu’elle a destiné et qu’elle reserve pour la subsistance des enfans, et il faut avoüer que cette disposition est plus equitable ; car n’est-ce pas priver entièrement les puisnez de leur part au tiers Coûtumier, que d’accorder un preciput à l’aîné, puis qu’il arrive souvent que le tiers n’est composé que d’un fief, et l’aîné le prenant par preciput, les puisnez sont reduits à l’aumône, le tiers Coûtumier étant comme un debris que la Loy sauve en faveur des enfans, et cette liberalité leur étant faite à tous ensemble, elle devoit être partagée également entr’eux ? Cet Article n’a pourtant lieu que quand le tiers est pris en essence ; car s’il a été aliené et que les acquereurs veulent le rembourser, suivant la liberté qui leur en est donnée par l’Article suivant, quoy que ce soient fiefs-nobles, l’estimation se partagera également, Article CCCCIII.

Bien que cet Article ne parle que des enfans, les enfans de l’aîné à la representation de leur pere, ont le même avantage.


CCCCIII.

Pourvoy des enfans quand ledit tiers ne se trouve en essence.

Et où le pere auroit fait telle alienation de ses biens que ledit tiers ne se pourroit prendre en essence, ses enfans pourront revoquer les dernieres alienations, jusques à la concurrence dudit tiers, si mieux les acquereurs ne veulent payer l’estimation du fonds dudit tiers en roture au denier vingt, et en fief-noble au denier vingt-cinq : laquelle estimation sera partagée également entre lesdits enfans.

En consequence de cette faculté que cet Article donne aux acquereurs, de pouvoir payer l’estimation de leurs acquisitions, on a formé ces deux questions ; la première, de quel temps. on doit faire cette estimation ; et la seconde, si dans cette estimation on doit considerer seulement le revenu ou la valeur intrinseque de la chose qu’il faut estimer.

On a long-temps douté de quel temps il falloir faire cette estimation, ou du jour de la vente, ou du jour de la mort, ou du jour de l’action ; Les acquereurs soûtenoient, que l’estimation devoit être faite selon la valeur de la chose au temps de la vente, que le tiers étoit une grace et une liberalité de la Loy, et comme elle restreignoit cette liberté que tous les hommes ont naturellement de pouvoir disposer de leurs biens, on ne devoit point l’etendre au prejudice des acquereurs, que ce tiers Coûtumier n’avoit point plus de privilege que les biens dotaux de la femme, lesquels étant alienez elle n’en a recompense que sur le prix des Contrats, et que le remploy des propres si favorable en cette Province se fait de la même ma-niere : au contraire on répondoit que puisque le droit du tiers Coûtumier n’est pleinement acquis aux enfans que par la mort de leur pere, on ne peut en fixer le prix et l’estimation qu’au temps de son decez ; car auparavant le pere a pû vendre, et les alienations ne sont revoquées qu’en cas qu’il ne laisse pas assez de bien pour fournir la tiers.

Pour le temps de l’action les enfans y étoient mal fondez, car ils devoient s’imputer s’ils n’avoient pas poursuivi plûtost ; ainsi on s’est reduit à estimer le tiers du temps de la mort du pere, et ce fut un des points jugez par l’Arrest de Matthieu Bruchaut, donné en la Chambre des Enquêtes le 14. d’Avril 1644. dont il a été parlé sur l’Article CCCCI. qui fut donné au Rapport de Mr de Toufreville le Roux, entre Laurent Routier et Nicolas Bruchaut, appellant de Sentence renduë par le Bailly d’Estouteville, le 23. de Mars 1643. et Matthieu Bquisson, fils de Vincent, et de Marguerite Turin, intimé : Par cette Sentence on luy avoit ajugé le tiers des héritages vendus et alienez par son pere, et de ceux qui étoient encore en essence ; il avoit été dit, que l’estimation en seroit faite du jour de la mort du pere : par l’Arrest la Sentence fut confirmée. Autre Arrest en la Grand. Chambre du 18. de Juin 1663. au Rapport de Mr Secart, entre Gabriel Huet, ayant épousé en premieres nopces Marie Marion, appellant du Juge d’Orbec ; et Me Pierre le Doré Elû à Lisieux, appellant de sa part. Autre Arrest du 30. de Juin 1638. au Rapport de Mr de la Champagne, entre Agnes Aveaux, femme de Nicolas Boudery, d’avec luy separée de biens ; et Nicolas de la Motte, Tresotier de la Paroisse de Valleville.

Mais quoy que nous ayons dit qu’il n’étoit pas juste de faire cette estimation selon la valeur des choses au temps de l’action, on a néanmoins jugé que lors que l’acquereur avoit empesché par ses refuites que les enfans ne fissent proceder à la liquidation de leur tiers, et qu’ils n’en obtinssent la delivrance, il ne falloit pas en ce cas qu’il profitât de sa mauvaise foy, et qu’ainsi on devoit laisser aux enfans le choix de prendre leur tiers, eu égard au temps du decez ou de la condamnation que les enfans avoient obtenuë, suivant l’Arrest donné au Rapport de M. Deshommets l’an 1663. et plus solennellement encore au Rapport de Mr de Vigneral en la Grand-Chambre, le 14. d’Aoust 1663. entre Me Gilles Guerin, sieur d’Agons Lieutenant General Criminel à Coûtance, appellant de Sentence renduë le 21. de Janvier 1661. par le Juge de S. Lo, et de tout ce qui fait avoit été en consequence, tant en l’estimation des immeubles ayant appartenu à Charles du Burel, sieur d’Agon, qu’au partage d’iceux, que d’autre Sentence du 13. de Juillet 1661. Et Pierre David, sieur de Boisdavi, pour luy, et comme ayant les droits cedez de sa femme avancée en la succession de Gillette du Burel leur mere, fille dudit Charles, intimé, et de son chef appellant de Sentence du 3. de Juillet : Par la Sentence du 21. de Janvier on avoit ajugé audit David le tiers Coûtumier sur les biens de Charles du Burel, comme d’un mois aprés le 16. d’Aoust 1575. jour du Contrat de mariage, parce qu’on ne representoit point l’Extrait de la celebration du mariage dudit Charles du Burel avec Demoiselle Marie Cadot, avec restitution de fruits du jour de son action, à prendre sur les derniers acquereurs, et qu’à cette fin la liquidation du tiers Coûtumier seroit faite en deduction des dettes aînées, presumées avoir été contractées ledit mois aprés le Contrat de mariage et l’accomplissement des cérémonies de l’Eglise, et par ladite Sentence du 13. de Juillet ledit Guerin avoit été condamné de payer audit Boisdavi la somme de mille livres pour son tiers Coûtumier aprés l’estimation faite ; la Cour en infirmant les Sentences, entant qu’on auroit ajugé audit Boisdavi l’interest au denier vingt de l’estimation dudit tiers, et audit Guerin l’interest des augmentations par luy faites, le tout à commencer du jour de l’adjudication faite en 1628. condamna ledit Guerin à la restitution des interests du jour de l’adjudication par decret sur la vraye valeur du tiers, sur le prix des baux faits sans fraude : Il faut remarquer que l’adjudication avoit été faite par le Juge des lieux, eu égard au temps de la condamnation, ce qui fut confirmé : En second lieu, qu’encore que le temps de la celebration ne fût point constant, on presuma qu’elle avoit été faite peu de temps aprés le Contrat de mariage, et le Juge l’avoir reglé à un mois : En troifième lieu, l’adjudicataire fut condamné aux interests du jour de son adjudication : 4O. on luy ajugea l’interest des augmentations du jour qu’il les avoit faites : 5O. que le tiers est dû aux enfans du jour de l’ad-judication par decret des biens du pere aussi-bien que par sa mort, et qu’ainsi au cas du decret la valeur doit être considérée au temps de l’adjudication, parce que le tiers est acquis aux enfans de ce jour-là, le pere étant reputé mort civilement.

C’est suivant les Arrests cy-dessus remarquez, que la Cour a fait l’Article 90. du Reglement de 1666. par lequel l’estimation que l’acquereur peut payer au lieu du tiers en essence, sera faite eu égard au temps du decez du pere, et au cas que l’acquereur en ait tenu procez, il sera au choix des enfans de prendre ladite estimation, eu égard au temps du decez ou de la condamnation qu’ils auront obtenuë.

Aprés avoir expliqué de quel temps on fait cette estimation, il reste à sçavoir comment elle se doit faire. Il semble d’abord que cet Article y a pourvû suffisamment par ces termes, si mieux l’acquereur ne veut payer l’estimation du tiers en roture au denier vingt, et en fief au denier vingt. cinq, et qu’ainsi il suffit de considerer le revenu des héritages pour en donner s’estimation aux enfans suivant la difference des biens : Il est neanmoins véritable que l’estimation du tiers Coûtumier ne se fait pas seulement sur le revenu annuel des héritages, mais aussi sur leur valeur intrinseque, et que les bois de haute-fûtaye, les batimens, les dignitez, et les autres prerogatives d’une Terre doivent être mises en consideration, et que les acquereurs ont tenus de les rembourser aux enfans suivant leur estimation.

J’ay remarqué sur l’Article CCCXCIX. que les bois de haute-fûtaye font partie du bien, et que si le mary ou le pere les ont abbatus, on en fait une estimation pour augmenter le doüaire ou le tiers Coûtumier ; et on conclud par ces mêmes Arrests, que quand on procede à l’estimation on ne considere pas simplement le revenu, mais aussi la valeur intrinseque, autrement on ne feroit pas une estimation particulière des bois abbatus.

L’Arrest de Guichard et de la Cervelle, rapporté par Berault sur l’Article CCCXCIX. paroîtroit en quelque façon contraire, mais il est mal rapporté, et il n’y est parlé que des bâtimens ; et c’est une jurisprudence certaine au Palais, que l’estimation se fait selon la vaseur intrinseque ; et c’est encore un des points jugez par l’Arrest de Bruchaut, dont j’ay parlé cy-dessus, que l’estimation doit être faite selon la juste valeur du fonds : On n’accorde cette faculté aux acquereurs de payer l’estimation, que pour les desinteresser en quelque maniere de leur dépossession ; mais cette grace ne doit pas tourner à la perte des enfans, qui sont toûjours les plus favorables.

Ce privilege a été refusé à celuy qui avoit pris un héritage à fieffe, suivant l’Arrest de Bigor, du 15. de Janvier 1666. Par cet Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre, ces deux questions furent décidées ; la premiere, que le pere avoit pû faire un bail à rente, pu une fieffe de son bien, et que le fils étoit tenu de prendre son tiers Coûtumier sur la sente de la fieffe ; et la seconde, qu’en cas qu’elle ne remplit pas le tiers, il ne pouvoit être forcé de prendre de l’argent, et qu’il falloir luy bailler du fonds par estimation.

Les acquereurs ne seroient pas aussi reçûs à bailler à la veuve lon doüaire en argent, car il luy doit être fourny en essence, suivant l’Arrest de Braques rapporté par Berault sur l’Article CCCLXXIX.

Il a été pareillement jugé par Arrest, au Rapport de Mr du Moucel, en la Chambre des Enquêtes, le 16. de May 1637. que les adjudicataires par decret ne peuvent joüit de la faculté accordée par cet Article aux acquereurs, et qu’ils sont tenus de fournir le tiers Coûtumier en essence.

Cette faveur est faite aux acquereurs à cause de la perte qu’ils souffrent, étant dépossedez le plus souvent aprés avoir beaucoup dépensé pour meliorer le fonds qu’ils avoient acquis ; et c’est pourquoy la Coûtume ne leur donne pas seulement le privilege dont il est fait mention par cet Article, elle leur accorde aussi une action pour retirer à droit de lettre-luë l’heritage. dont il a été dépossedé par une saisie réelle, et par la vente judiciaire ; il suffit à l’égard des acquereurs, que les enfans ayent la vraye valeur de leur fonds. Or toutes ces considerations ne se rencontrent pas en la personne d’un adjudicataire par decret, et l’on ne peut faire consequence des Arrests par lesquels il a été jugé que le fief seroit decreté en son integrité, et que les enfans prendroient leur tiers Coûtumier en deniers, cette jurisprudence est fondée sur des raisons particulières que j’ay remarquées sur l’Article CCCXClX.

Bien que le tiers doive être pris sur les dernieres alienations, il ne laisse pas de naître souvent des difficultez entre les acquereurs ; par exemple, si les derniers acquereurs ont fait contrôller leurs Contrats, seront-ils preferables aux premiers acquereurs qui n’ont point gardé cette solennité : Les enfans de Deshayes ayant demandé leur tiers Coûtumier aux acquereurs des biens de leur pere, le Juge de Gournay avoit jugé que le Contrôlle donnant l’hypotheque, les premiers acquereurs dont les Contrats n’étoient point contrôllez fourniroient le tiers Coûtumier aux enfans : Sur leur appel, le Page disoit que le vendeur ayant aliené son bien et n’y ayant plus rien, les demiers acquereurs n’avoient pû par le moyen du Contrôlle s’acquerir une hypotheque sur des biens qui n’appartenoient plus à leur vendeur, ils ne pouvoient le pretendre que sur les biens dont il étoit encore en possession lors qu’ils avoient contracté avec luy, que cela avoit été jugé de cette manière en 1633. Martin avoit vendu les héritages à de Caux, et depuis il se constitua en rente envers Morin, qui fist contrôller son Contrat, et depuis en vertu d’iceluy ayant saisi réellement ses héritages, et compris dans cette saisie ceux acquis par de Caux, pretendant que son contrôlle luy donnoit hypotheque sur iceux : De Caux allegua pour défense, que le bien n’appartenoit plus à Martin lors que Morin avoit contracté avec luy, et par Arrest de Caux eut la distraction de son acquest.

Autre Arrest en la Chambre de l’Edit pour le sieur d’Alençon pour lequel je plaiclois, ayant remontré qu’il falloit faire difference entre les acquereurs et les creanciers ; pour ceux-cy l’on considere le contrôlle, parce que le debiteur qui demeure toûjours possesseur de ses heritages peut donner une hypotheque, et en ce cas c’est le contrôlle qui regle la preference ; mais pour les acquereurs, ce qui est une fois sorty des mains du vendeur, ne luy appartenant plus, il ne peut être hypothequé par luy ; par Arrest du 18. de Janvier 1654. la Sentence fut cassée, et la distraction ajugée au premier acquereur. Il en seroit autrement si ce premier acquereur demandoit une garantie contre son vendeur, car en ce cas il n’auroit hypotheque que du jour du contrôlle,

Il arrive souvent que le prix de la derniere acquisition est employé au payement des dettes anciennes du vendeur. On demande s’il sera preferable aux anciens acquereurs dont les deniers n’ont point servi à l’acquit des dettes de leur vendeur, et si ce dernier acquereur sera tenu d’agir par la voye hypothecaire : Il est juste en ce cas de faire une estimation de tout le bien, pour en donner au dernier acquereur jusqu’à la concurrence des dettes anterieures qu’il a acquitées.


CCCCIV.

Tiers des biens appartenant à la femme acquis aux enfans.

Pareillement la proprieté du tiers des biens que la femme a lors du mariage, ou qui luy écherront constant le mariage ou luy appartiendra à droit de conquest, appartiendra à ses enfans, aux mêmes charges et conditions que le tiers du mary.

En cet Article la Coûtume donne une legitime, ou comme on parle ailleurs, un doüaire propre aux enfans sur les biens de leur mere : Cette seule disposition la pourra rendre digne de ce glorieux éloge de sage Coûtume, qui luy est attribué par plusieurs Auteurs ; car l’on peut dire véritablement que par cette disposition elle a surpassé la sagesse des Loix Romaines, et des Coûtumes de France, en ce qu’elle n’asseure pas seulement la subsistance des enfans sur les biens du pere, mais aussi sur ceux de la mere. Par l’ancien Droit Romain les enfans avoient une legitime sur les biens du pere ; mais la mere ny l’ayeul matemel n’étoient point obligez d’instituer heritiers leurs enfans, ou petits enfans : Mater vel abus necesse non habent li-beros suos aut beredes instituere, aut exheredare, sed possunt eos silentio omittere. On permettoit toutefois aux enfans d’accuser leur testament comme inofficieux, et le S. Mater fut depuis Justinien corrigé par une Novelle de Justinien

Mais tout cela n’empeschoit point les peres et meres de consumer tous leurs biens, et leurs enfans n’avoient aucun droit de troubler ceux qui les avoient acquis.

En la Coûtume de Paris les enfans n’ont point de doüaire Coûtumier sur la succession de leur mere ; et non seulement ils n’ont aucun doüaire Coûtumier sur le bien maternel, mais même il peut arriver qu’ils perdent leur doüaire Coûtumier sur la succession de leur pere, suivant la jurisprudence que l’on a établie par l’Arrest de la Demoiselle Gallard, donné au Rapport de Mr Bigot de Monville, le 5. Avril 1677. car la femme doit être colloquée avant son doüaire, de sa dot, et de ses reprises, et du nombre de ces reprises sont les deniers dotaux stipulez propres, mais non employez par le mary en acquisitions d’immeubles ; ensemble les deniers mis par la femme en la communauté, soit qu’elle signe ou non les quitances des remboursemens, les deniers provenant soit du rachapt des rentes, soit d’héritages vendus par les coheritiers d’une succession commune, avant que de proceder au partage, supposé qu’il soit dit par le Contrat de mariage, que tout ce qui écherra par succession directe ou collaterale soit propre à la femme : Sur quoy Mr Charles Blondeau dans la cinquième partie du Journal du Palais, a remarqué qu’il en peut arriver un tres-grand inconvenient pour le doüaire propre aux enfans ; car il le peut faire que la reprise des deniers dotaux stipulez propres ou ameublis qui vont avant le doüaire, absorbent tous les biens du mary, en sorte que cette portion facrée que nos Coûtumes semblent vouloir asseurer aux enfans independamment de la mauvaise conduite des peres, sera sujette à tous les changemens de la fortune, et que c’est en cela que l’on ne sçauroit assez estimer la sage prevoyance de la Coûtume de Normandie, qui donne le tiers tant sur les biens du pere que de la mère.

Il y a lieu de s’étonner, que dans les Coûtumes où la communauté de biens est admise, l’on n’ait point asseuré aux enfans quelque portion des biens de leur mere, vû que les dereglemens où elles tombent par leurs folles amours, et par leur mauvaise conduite, ne sont pas moins excessifs ny moins ordinaires que ceux des peres : C’est par cette connoissance que nôtre Coûtume a encore étendu plus loin sa sage prevoyance ; elle n’asseure pas feulement aux enfans un tiers sur les biens que leur mere possedoit au temps de son mariage, ou qui luy sont échûs en ligne directe, comme elle a fait pour les biens du pere ; elle y comprend encore le tiers de tout ce qui luy est échû à droit de conquest, et par ce moyen le tiers Coûtumier des enfans sur les biens de la mere, peut être plus grand que celuy qui leur appartient sur les biens de leur pere.


CCCCV.

Femme que peut donner à son second mary.

La femme convolant en secondes nopces, ne peut donner de ses biens à son mary en plus avant que ce qui en peut échoir à celuy de ses enfans qui en aura le moins.

Chacun sçait que cet Article est tiré de l’Edit communément appellé, Des Secondes Nopces du Roy François Il. de l’année 1560. Auparavant on n’observoit point en la pluspart des Coûtumes la Loy Hac edictali : Et Mr d’Argentré dit qu’elle étoit inconnuë dans la Bretagne ; aussi par l’Article 220. de l’ancienne Coûtume de Bretagne, la femme pouvoit donner à son mary le tiers de ses héritages, sans distinguer s’il y avoit des enfans ou non ; mais la Coûtume Reformée a suivi l’Ordonnance en l’Article 205. comme aussi celle de Paris en l’Article 279.

Cet Edit Des Secondes Nopces contient une prohibition de donner, qui a plus d’étenduë que par cet Article, car elle fait distinction entre les biens des veuves qui se remarient ; les veuves quand elles passent à de nouvelles nopces, ne peuvent en quelque façon que ce soit donner de leurs biens-meubles, acquests, ou provenans d’ailleurs que de leurs premiers maris, ny moins leurs propres à leur nouveaux maris, pere, mere, ou enfans de leursdits maris, ou autres personnes que l’on puisse presumer être interposées, plus qu’à l’un de leurs enfans, ou enfans de leurs enfans : et à l’égard des biens acquis à icelles veuves par dons et liberalitez de leurs défunts maris, elles ne peuvent en faire part à leurs nouveaux maris, mais elles sont tenuës les reserver aux enfans communs d’entr’elles et leurs maris, de la liberalité desquels iceux biens seront avenus ; ce sont les termes de l’Ordonnance de 1560. On ne comprend pas le doüaire entre les conquests, parce que ce n’est pas un gain qui procede de la liberalité du mary.

Suivant l’Ordonnance, la femme qui passe à de nouvelles nopces ne peut comprendre dans la donation qu’elle fait à son nouveau mary le tiers des meubles dont le premier luy auroit fait don, ny la moitié des conquests faits durant son premier mariage : cependant comme en Normandie la femme n’a pas grand avantage sur les meubles de son mary, lors qu’il y a des enfans, et qu’elle n’a point de part en proprieté aux conquests, nos Reformateurs ont estimé qu’il n’étoit pas de consequence de faire la distinction de biens dont il est parlé dans l’Ordonnance, et dans la Coûtume de Paris, Article 279. mais sans cette consideration il seroit juste de garder entièrement l’Ordonnance ; car cette part que la Coûtume donne à la femme aux conquests faits constant son mariage, ne luy appartient que par une pure grace, la femme ne contribuant ordinairement que fort peu à l’augmentation des biens de son mary ; aussi par l’ancien usage de la France, les femmes ne prenoient que le tiers aux conquests : si quelques Coûtumes se sont relachées en faveur des femmes, elles l’ont fait dans l’espèrance qu’elles les conserveroient à leurs enfans ; mais quand les veuves trompent l’esperance et les desirs de la Nature et de la Loy, l’on ne doit pas souffrir qu’elles enrichissent leurs nouveaux maris des dépoüilles des défunts.

Dans les Coûtumes où les femmes peuvent donner à leurs maris, on a pratiqué l’Ordonnance contre les maris pour les choses qu’ils possedoient par la liberalité de leurs femmes ; bien qu’elle ne fasse mention que des femmes, néanmoins on y a compris les mâles contre cette regle de droit, que exemplo pessimum est femineo vocabulo etiam masculos contineri l. si ita sit scriptum 25. ff. de leg. L’on a presumé que l’Ordonnance n’avoit parlé que des femmes, parce que l’abus et le desordre où elle vouloit apporter du remede, étoit plus grand et plus ordinaire de leur part que de celle des hommes ; mais on n’a pas interdit aux maris la donation des conquests faits durant son premier mariage, parce qu’en étant le maître et le seigneur, et étant provenus de son travail et de son industrie, il ne blesse point l’honneur du premier mariage, pour en disposer en faveur d’un second ; cette difficulté ne peut arriver en Normandie, où le mary ne peut donner de ses immeubles à sa femme.

L’Ordonnance de Blois, en l’Article 182. a passé plus avant contre des veuves qui se remarient à des valets, ou autres personnes indignes de leur condition.

L’explication de cet Article se reduit à trois points principaux : Le premier, si pour regler a donation du mary on doit considerer le nombre d’enfans au temps du Contrat, ou au temps de la mort de la femme ? Le second, comment on doit entendre ces paroles, celuy de ses enfans qui en aura le moins ? Et enfin comment on baille cette part au mary ? On a douté si pour regler la donation faite au mary, il falloit compter seulement les ensans sortis du premier lit, ou tous les enfans generalement, tant des premieres que des fe-condes ou troisièmes nopces : Pour prouver que la donation faite par la femme à son second mary devoit être reglée selon le nombre des enfans du premier lit qui luy restoient vivans au temps de son second mariage, on fe fondoit sur les paroles de cet Article, ses enfans, et l’on pretendoit qu’ils ne pouvoient s’entendre que des enfans vivans lors de la donation, et par consequent de ceux du premier mariage, et que ces autres mots, qui en aura le moins, se rapportoient à la succession, qui ne peut être qu’aprés la mort de la femme, les enfans n’ayant rien à la succession de leur mere qu’aprés sa mort ; cela fut jugé de la sorte par deux Arrests, l’un du 20. de Juillet 1630. au Rapport de Mr du Moucel, entre Perit et autres ; autre du 22. de Juin 1635. au Rapport de Mr Boivin, entre Gendron et Folio : Mais l’Ordonnance parlant indefiniment, elle a voulu comprendre tous les enfans qui restoient en vie lors de son decez, de quelque lit qu’ils fussent nés ; de sorte que si une femme épousoit un troisième mary dont elle eût des enfans, la donation faite à un second mary ne se regleroit pas seulement selon le nombre d’enfans qui étoient vivans au temps du decez de ce second mary, mais selon le nombre d’enfans que la femme laisseroit au temps de sa mort, bien qu’une partie d’iceux fussent nés d’un troisième mariage : Cela se prouve par ces paroles, que la femme ne peut donner à son second mary en plus avant que ce qui en peut échoir à celuy de ses enfans qui en aura le moins : Par ce terme échoir, la Coûtume marque évidemment un temps futur, c’est à dire une succession à venir, n’étant pas possible de sçavoir quelle sera la portion des enfans que la succession ne soit échûë ; c’est donc nécessairement en ce temps qu’il faut considerer le nombre d’enfans, ce qui est nettement decidé par l’Article 91. du Reglement de 1666. La donation faite par la femme à son second mary, doit être reduite eu égard au nombre des enfans qui la suroivent, et non de ceux qu’elle avoit lors de son second mariage ; c’est donc au temps de la mort du donateur qu’il faut reduire la donation.

Justinien Justinien l’a réglé de la sorte par la Novelle 22. c. 28. De Nupt. optimum visum est mortis e binubi parentis observari tempus ; c’est la jurisprudence du Parlement de Paris.Ricard , sur l’Article 279. de la Coûtume de Paris.Loüet , l. N. n. 2. De laLande , Article 203. de la Coû-tume d’Orléans.Cujas , Consult. 33. l’Auteur des Institutes du Droit François, l. 1. 1. de Nupt.

L’on objecte que si cette opinion est suivie, il faut observer la même chose pour la donation faite au premier mary, et en consequence il faudra tenir que la femme ne pourra don-ner à son premier mary en plus avant que la part qui écherra à l’un des enfans de la femmes mais cette objection ne fait point de peine, cet Article n’a été fait qu’en haine des secondes nopces, et la femme qui n’a point d’enfans peut donner à son mary le tiers de ses biens.

Pour le second point, ces paroles que celuy de ses enfans qui en aura le moins, ont paru difficiles en Normandie. Les filles, quelque nombre qu’elles soient, ne peuvent avoir que le tiers ; d’où il s’ensuivroit que le mary ne pourroit avoir que la septième partie du tiers, puis qu’il n’en peut avoir qu’autant que celuy de ses enfans qui en aura le moins, et c’est le sentiment de Berault sur cet Article. Il faudroit donc reduire la part du mary au mariage ave-nant des filles, qui ne peuvent avoir que le tiers quelque nombre qu’elles soient ; mais cette difficulté a été décidée par un Arrest donné en l’Audience de la Grand : Chambre le 27. de May 1666. Marie Mulon avoit épousé en premieres nopces le nommé Cabot dont elle eut un fils et deux filles, et d’un second mariage avec de lEpée elle eut une fille ; par son Contrat de mariage avec de l’Epée elle luy donnoit tout ce que la Coûtume luy permettoit de donner : aprés la mort de cette femme du Quesne Tuteur des enfans de Cabot, contesta la do-nation faute d’insinuation ; le Juge du Ponteaudemer l’avoit declarée nulle sur les immeubles : Sur l’appel de de l’Epée, les Avocats avoient consenti la cassation de la Sentence, entant que l’on declaroit la donation nulle faute d’insinuation ; mais n’ayant pû convenir de la maniere que la donation devoit être reglée, ils avoient renvoyé les Parties en la Cour. De l’Epiney pour le second mary demandoit la reduction selon le nombre des enfans, et puis qu’ils étoient au nombre de quatre il luy appartenoit un cinquième, tant du meuble que de l’immeuble ; Cloüet répondoit que le mot d’enfans comprenoit les filles aussi-bien que les mâles quoy qu’elles ne prennent point une part égale, que c’étoit la disposition de la Loy Hac edictali, que la Cause des enfans étoit favorable, et que la Coûtume n’ayant pas dit simplement que le mary ne pourroit avoir qu’autant qu’un des enfans ; mais s’étant expliquée plus expressénent en ajoûtant ces mots, qui en aura le moins, il falloit expliquer ces paroles à la rigueur contre le mary ; par l’Arrest l’on ajugea au mary la cinquième partie des biens de la femmes.

Cette question étoit plus difficile en Normandie où les filles ne succedent point ; car l’on pouvoit dire que le mary ne pouvant avoir davantage que celuy des enfans qui en auroit le moins, ainsi sa part ne devoit exceder celle d’une fille, et c’étoit le sentiment deGodefroy .

Mais si la portion du mary étoit reductible à celle d’une fille on l’engageroit dans un étrange embarras ; car avant que d’en être saisi, il seroit obligé de faite arbitrer leur mariage avenant, ce qui seroit si mal-aisé, qu’il luy seroit souvent plus avantageux d’abandonner sa donation : ce qui peut servir de réponse à la Loy Hac odictali c. De Secund. Nupt. en ces mots sin autem non ex aequis portionibus ad liberos transierint facultates, tunc non liceat vitrico plus donare quam filius vel filia habet, cum minor portio ultima voluntate relicta, vel data fuerit ; car la portion de chaque heritier étant certaine et reglée par le testateur, et le mary étant déchargé de la peine de la faire liquider, il n’y avoit pas d’inconvenient de ne luy donner pas davantage qu’à celuy des enfans qui en avoit le moins par le testament de son pere, mais le mariage avenant des filles n’est pas liquidé ny certain, et l’arbitration dépend en quelque sorte des parens. Il semble même que la Coûtume n’ait entendu parler que les mâles, ayant usé de ces mots, autant qu’il en peut échoir, ce mot échoir fignifiant une succession, et les mâles succedans seuls en Normandie ; neanmoins par un Arrest donné en la Chambre des Enquêtes le 20. de Mars 1638. l’on a jugé que sous le mot d’enfans les mâles et les filles étoient comprises, et nous les y comprenons aussi ; mais la donation faite au mary est reglée selon le nombre, et non point selon leurs portions.

Cette difficulté peut arriver souvent dans les païs de Droit Ecrit, et dans les Coûtumes où les peres et meres peuvent avantager leurs enfans les uns plus que les autres, sur quoy nos Docteurs ont fait plusieurs questions : mais comme elles sont inutiles en Normandie aprés l’Arrest qui a decidé, que pour regler la donation faite au mary l’on confidere seulement leur nombre, et non la portion à laquelle ils succedent, je les passeray sous silence.

Pour le dernier point, sçavoir comment on baille cette part au mary, les fentimens ont été differens pour sçavoir si la donation de la femme à son fecond mary doit égaler la portion hereditaire de l’un des enfans, en forte que le mary partage avec eux comme un heri-tier supernumeraire, ou bien s’il doit lever sa part avant que les heritiers partagent le surplus : Mais en ce cas le mary auroit plus que l’un des enfans, ce qui seroit contraire à la dis-position de la Coûtume en cet Article : Il doit donc partager avec les enfans, suivant l’Arrest du 23. d’Avril 1625. donné en l’Audience de la Grand-Chambre, entre Guillaume le Cornu Ecuyer, sieur du Coudray, heritier de François le Cornu, ayant épousé Catherine Dorée, auparavant veuve de Robert de l’Isle, appellante du Bailly Haut-Justicier d’Aisi, qui avoit dit à bonne cause les blames baillez par Robert Dorée contre les lots faits par ledit le Cornu, de la succession de ladite Catherine Dorée, et ordonné que sept lots seroient faits par ledit le Cornu, pour en posseder un, et les six autres demeurer aux enfans de Robert, de l’Isle, et ladite Dorée intimée ; par l’Arrest la Sentence fut confirmée.

En explication de ces mots, qui peut échoir, par Arrest donné en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Duval Coupeauville, au mois de Novembre 1637. entre Frontin et les Caveliers, sur le procez party en la Chambre des Enquêtes, et departy en la Grand-Chambre.

il fut dit que l’estimation des biens seroit faite sur les prix des Contrats, et non sur la valeur lors du décez de la femme, ce qui ne paroit pas juste ; car la portion du mary ne se reglant qu’au temps du decez de la femme il la doit avoir en essence, ou selon sa valeur lors du decez de la donatrice

La Coûtume ne permettant point à la femme de donner tous ses meubles à son second mary, et ne pouvant en avoir qu’autant que l’un des enfans, il sembloit juste de ne luy en laisser la saisine, à moins que de bailler caution de les rapporter. Cette question fut agitée entre le Tuteur de Jean et Pierre le Canu, enfans de Jean le Canu, et Jacques Bonnefoy, Procureur au Bailliage à Caen, qui avoit épousé Anne Macé leur mese, appellant de Sentence renduë par le Bailly de Caen, par laquelle il avoit été dit à bonne cause l’arrest dudit Tuteur sur la somme de cent livres, et à luy permis de saisir les biens de ladite Macé pour l’obliger, et ledit Bonnefoy son mary de bailler caution de rapporter les meubles et les deniers arrêtez : Le Tuteur soûtenoit que Bonnefoy devoit rapporter les meubles, entant qu’ils excedoient la part que sa femme avoit pû luy donner : Bonnefoy se défendoit de bailler caution, disant que sa femme ny luy n’y étoient point tenus, parce que les meubles luy appartenoient, qu’elle en étoit la maîtresse, et qu’elle en pouvoit disposer dissolution avenant de son mariage, que la Coûtume ne luy en avoit pas ôté la proprieté en cas d’un second mariage, et elle luy défendoit seulement de les donner entièrement à son second mary, que cette demande étoit sans exemple, et la Loy Hac edictali ne parle point du bien de la femme au contraire quand elle en parle dans le commencement, elle ne dit rien de la caution : Par le S. His illud, la femme perd la proprieté des choses qui luy ont été données, et qui procedent de son premier mary ; on ne luy en laisse que l’usufruit, duquel même elle est tenuë de bailler caution, mais elle ne la donne point de ce qui luy appartient en proprieté : Les enfans faisoient valoir l’interest qu’ils avoient d’empescher que les meubles ne fussent consumez par ce second mary, et que par cette voye ils n’en fussent privez ; qu’il est vray que ces meubles appartenoient à leur mere, et que cessant son second mariage elle auroit pû en disposer à sa volonté ; mais que dés le moment de ses secondes nopces la proprieté en est acquise à ses enfans, à la réserve de la part qu’elle a pû donner à ce second mary ; que regulierement les enfans ne peuvent demander caution à leurs pere et mère, parce que cela choque la reverence qui leur est dûë, que res sua nemini servit, qu’un proprietaire ne baille point caution ; que d’ailleurs ce second maty n’y avoit point d’interest à cause de la separation portée par son Contrat de mariage ; mais en cette rencontre l’on a trouvé un remede, pour asseurer aux enfans ce que la Coûtume leur donne, en obligeant le mary de bailler caution suivant la Loy Hac edictali : Par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 6. de May 1631. la Sentence fut cassée, et le mary déchargé de bailler caution, plaidans Coquerel, Caruë, et Bloüet. Il seroit neanmoins fort juste lors que le second mary est notoirement insolvable et mauvais ménager d’asseurer l’interest des enfans, et de garder la disposition de la Loy Hac edictali

On peut encore douter si la femme peut toûjours donner à son second mary : Bérault a fort bien remarqué, que lors que la femme a usé de tout le pouvoir qui luy étoit donné par la Coûtume, qu’elle s’est épuisée par la donation qu’elle a faite à son premier mary, elle ne peut plus donner au second : que si la femme a été mariée par son pere, qui ait converty en don mobil la meilleure partie de ce qu’il luy donnoit, et constitué le reste en dot ; si depuis elle contracte un second mariage, aura-t-elle la faculté de donner à son second mary le tiers de sa dot, ou si le don fait par le pere au premier mary doit être reputé fait par elle, de telle maniere que pour regler la part qu’elle peut luy donner, on doive comprendre la somme donnée par le pere, et en ce faisant si ce premier don excede ou remplit le tiers de la somme entière donnée par le pere, elle ne puisse plus rien donner, ou si le don fait par le pere n’entre point en consideration, elle peut pas donner le tiers de ce qui luy reste : Sur cette question l’opinion la plus commune du Palais, est que ce qui a été donné par le pere n’est point reputé donné par la fille, c’est un bien dont il étoit le maître, et dont il a pû disposer à sa volonté ; ce qui est si véritable, que bien que les freres ou la fille même ne puissent donner que le tiers de son mariage, néanmoins le pere pouvoit tout donner, parce que c’est une pure liberalité de sa part, et la sille en ce cas est reputée n’avoir eu d’autre bien que ce qui luy a été constitué en dot, si toutefois elle revenoit à partage, elle seroit obligée de rapporter le tout ; ainsi n’ayant rien donné, elle n’est pas privée de pouvoir donner, suivant cet Article.

La prohibition de donner portée par cet Article a lieu pour les immeubles et les meubles ; ce n’est pas toutefois l’intention de la Coutume d’étendre la liberté de donner au de-là du tiers de l’immeuble, car encore que la femme n’ait qu’un enfant, elle ne peut pas donner à son second mary la moitié de son immeuble ; mais elle peut bien luy donner la moitié de ses meubles, parce que cessant cet Article, ils appartiendroient de droit au mary ; et quelque excessive que soit la donation, la reduction en doit être demandée dans les dix ans du jour du decez de la femme.


CCCCVI.

Remplacement de rentes pour le doüaire.

Si le mary a reçû constant le mariage le raquit de rentes hypotheques qui luy appartenoient lors des épousailles, la semme aura recompense de son doüaire entier sur les autres biens de son mary, jusques à la concurrence de la valeur desdites rentes, si elles n’ont été remplacées.

Puis que le doüaire et le tiers Coûtumier peuvent être demandez sur les rentes constituées comme sur les héritages, quoy que leur subsistence ne soit pas certaine, et que la faculté de les racheter soit perpetuelle, la Coûtume a sagement ordonné que si le mary en reçoit le raquit, la femme a recompense de son doüaire entier sur les autres biens de son mary, si elles n’ont été remplacées.

Cette disposition néanmoins est imparfaite en deux manieres : Premierement, en ce qu’il n’y est fait mention que du doüaire, et qu’il n’est rien dit du tiers des enfans ; et quoy que regulierement ce qui est ordonné pour le doüaire s’observe aussi pour le tiers des enfans, on pourroit en douter en cette rencontre avec beaucoup d’apparence, parce qu’encore que les Articles precedens traitent plûtost du tiers Coûtumier que du doüaire, néanmoins en celuy-cy l’on passe sous silence le tiers des enfans, d’où l’on pouvoit conclure que la Coûtume n’ayant donné la recompense des rentes rachetées que pour le doüaire, elle en a exclus tacitement les enfans qu’elle n’auroit pas oubliez si son intention avoit été de leur donner le même avantage : Il est certain toutefois que quand les rentes ont été rachetées, les enfans aussi-bien que la femme en ont recompense sur les autres biens de leur pere.

Mais comme il arrive souvent que les biens du mary ne sont pas suffisans de porter cette recompense, il eût été soit à propos de decider en même temps si les enfans par le rachapt qui s’étoit fait de ces rentes étoient exclus d’y demander leur tiers Coûtumier, ou si les debiteurs de ces rentes en pouvoient être chargea nonobstant le rachapt qu’ils en avoient fait ?

Me Josias Bérault, et Me Jacques Godefroy ont traité cette question, et ce dernier auroit été de ce sentiment, que les debiteurs des rentes constituées n’auroient pû se liberer au prejudice de la femme, si la Cour n’avoit pas prejugé la question par l’Arrest rapporté par Be-rault : Sa raison étoit que n’ignorant pas le mariage de leur creancier, et que par consequent son bien étoit devenu hypothequé au doüaire de la femme il avoit dû prendre ses precautions, en obligeant le mary de donner caution, ou en consignant les deniers. On répondoit que la condition d’un debiteur ne doit point devenir plus mauvaise par le fait de son créancier, et par le changement de sa condition, et qu’ayant une pleine et entière liberté de se pouvoir liberer sans aucune condition, il n’a point été obligé de chercher d’autres feuretez que la quitance et la liberation de la dette : En effet la Coûtume dit bien que la femme a sa recompense sur les autres biens du mary, mais elle ne la donne pas sur les debiteurs qui ont racheté ; la faveur de la liberation a paru si grande, que la femme et les enfans n’ont point été reçûs à troubler ceux qui avoient racheté les rentes dont ils, étoient redevables, et aprés plusieurs Arrests la Cour en a fait une Loy generale par l’Article 76. du Reglement de 1666.

Et parce que la liberation sembloit n’être pas si favorable pour les rentes foncieres et Seigneuriales, comme pour les rentes constituées à prix d’argent, celles-cy étant perpetuelle-ment rachetables de. leur nature, et celles-là ne l’étant que par le consentement du créancier, la question en étoit plus douteuse ; elle s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre pour une rente fonciere qui avoit été rachetée, les enfans neanmoins y demandoient leur tiers, par Arrest du 14. Mars 1647. ils en furent deboutez ; plaidans le Petit, Lyout, et Heroüet.

Pour faire cesser la difficulté qui pouvoit naître à cause du rachapt de ces rentes, la Cour a decidé generalement par le même Article, que celuy qui a fait le rachapt d’une rente constituée à prix d’argent, fonciere ou Seigneuriale, ne peut être inquiété par le creancier de celuy à qui elle étoit dûë, ny pour le doüaire de sa femme, ny pour le tiers de ses enfans.

Aprés cela l’on ne peut plus douter que ceux qui ont fait le rachapt entre les mains du pere ou du mary, des rentes constituées, foncieres, et Seigneuriales, dont ils leur étoient redevables, ne peuvent être inquietez par la femme ou par les enfans, quoy qu’il ne reste aucun bien pour leur en donner recompense ; Le rachapt même de la rente dotale entre les mains de la mere étant veuve est valable, suivant l’Arrest donné au Rapport de Mr Labbé le 24. de Novembre 1624. entre Fermel’huis, Senecal, et autres, sur ce fait. Un frere en vendant son bien chargea l’acquereur d’acquiter une rente dotale qu’il devoit à sa soeur, qui pour lors étoit veuve ; aprés sa mort sans aucuns biens ses enfans troublerent l’acquereur, luy reprochant qu’il n’avoit pas ignoré la qualité de la rente, et que par consequent il n’avoit pû ny dû la racheter sans prendre sa seureté, et quoy que l’on eût jugé que le debiteur d’une rente constituée pouvoit se liberer sans être recherché par la femme ou par les enfans, qu’il n’en étoit pas de même d’une rente dotale qu’un frere devoit à sa seur, parce qu’il demeuroit garand lors qu’il avoit payé mal à propos : L’acquereur avoit appellé le srere en garantie, et tous deux soûtenoient qu’un frere comme un étranger pouvoit se liberer, que le frere étoit véritablement garand lors qu’il payoit entre les mains du mary, mais non pas lors que sa soeur étoit de condition libre, sa soeur étant alors maîtresse de son bien et de les actions, il étoit au pouvoir du frère de s’acquiter avec seureté, n’étant pas juste qu’il demeurant toûjours chargé d’une rente qui pouvoit même devenir foncière par le laps du temps ; le tiers Coûtumier est favorable, et on le doit conserver aux enfans autant qu’on le peut, mais la liberation n’a pas moins de faveur ; que cet Article y étoit formel donnant la recompense des rentes rachetées sur les autres biens, et non point sur ceux qui ont racheté ; ce qui fut jugé par l’Arrest.

Ces Arrests et le Reglement de la Cour ne peuvent avoit lieu que pour les rentes qui appartiennent au mary, car en étant le propriétaire l’on peut bien luy en faire le rachapt ; mais le debiteur qui raquiteroit entre les mains du mary les rentes dûës à sa femme ne seroit pas valablement liberé, parce que la proprieté ne luy appartient pas. Ce fut une question fort contestée, si une femme ayant donné à son mary pour don mobil une rente qui excedoit la part qu’elle pouvoit donner, et le debiteur en avant fait le rachapt il pouvoit être inquieté pour la portion que le maty avoit trop reçûë : La Demoiselle de Manneville étant veuve, et ayant une fille, se remaria avec le sieur de Chaumont, à qui elle donna pour don mobil une rente de sept cens livres en quoy consistoit tout son bien, ne luy restant que huit cens livres de doüiaire, et une Terre de deux cens livres chargée de dettes au de-là de sa valeur, le debiteur des sept cens livres de rente en fit le rachapt au sieur de Chaumont contant le mariage ; aprés sa mort sa veuve revoqua cette donation comme excessive, et en suite elle atraqua le debiteur qui soûtint le rachapt valable ; l’affaire ayant été portée en la GrandChambre sur un partage de la Chambre des Enquêtes, par Arrest du 2. May 1614. il fut dit que les debiteurs avoient bien raquité, parce que la donation ayant été faite par une personne capable de donner, la revocation avoit dû être faite les choses étant entieres.


CCCCVII.

Et si les deniers desdites rentes ont été remployez en autres rentes ou heritages, elle y aura doüaire jusques à la concurrence de ce qui avoit été raquité, bien que l’acquisition soit faite depuis les épousailles.

On peut connoître par cet Article que la Coûtume a perpetuellement cette intention de moderer les droits des femmes, et particulierement de réduire exactement le doüaire au tiers des biens dont son mary étoit saisi lors des épousailles, sans pouvoir être augmenté par quelque voye que ce puisse être.

Il n’auroit pas été juste que la femme eût été privée du doüaire qui luy eût appartenu sur les rentes constituées, si le rachapt n’en eût point été fait, et c’est pourquoy dans l’Article precedent elle luy en donne recompense sur les autres biens de son mary. En cet Artiele la Coûtume ordonne encore, que si les deniers provenans du rachapt des rentes ont été remployez en autres rentes ou héritages, elle y aura pareillement doüaire, mais seulement jusqu’à la concurrence de ce qui a été raquité. Le sens de cet Article paroit difficile ; car il semble d’abord que la Coûtume ne donne le doüaire sur le remploy fait des rentes rachetées qu’à cette condition, que si les rentes ou les héritages acquis du remploy de ces deniers excedent en revenu lesdites rentes, elle n’y auta doüaire que jusqu’à la concurrence du doüaire qu’elle auroit eu sur les rentes rachetées.

En expliquant cet Article de cette manière, la condition de la femme seroit bien desavantageuse ; car si au contraire le mary lors de ses épousailles ne possedoit que des rentes con-stituées, et que depuis le rachapt luy en étant fait, il les remplaçât en autres rentes à un plus haut prix, ou qu’il les employât en héritages qui produiroient on revenu beaucoup moindre que celuy des rentes rachetées, nos deux Commentateurs sont de ce sentiment, qu’elle ne pourroit avoir pour son doüaire que le tiers de ces rentes ou de ces héritages : Par exemple, si le mary possedoit trois cens livres de rente au denier quatorze lors de sou mariage, et qu’aprés le rachapt qui luy en seroit fait il en constituât les deniers au denier vingt, ou en acquist des héritages qui ne valussent annuellement que cent-cinquante livres, il est sans difficulté que la femme ne pourroit avoir que cinquante livres de doüaire, et non cent livres, bien que son mary lors qu’il l’épousa possedât trois cens livres de rente ; la raison est que le mary ne pouvant refuser en aucun temps le rachapt de ses rentes constituées à prix d’argent, la femme a dû prevoir que si le mary ne les pouvoit remployer au même prix, elle ne pourroit avoir en doüaire que le tiers du revenu qui en proviendroit, autrement elle auroit plus que le tiers en doüaire : Et c’est une jurisprudence certaine, que si le mary reçoit le raquit de ses rentes constituées au denier dix ou au denier quatorze, et qu’il constituë de nouveau ces deniers au prix du Roy, et même à un plus grand prix, la femme n’a que le tiers de ces nouvelles constitutions.

Cependant suivant ces mêmes Commentateurs, et suivant un Arrest remarqué par Bérault, si le mary vent une Terre dont le revenu n’étoit que de trois cens livres, et qu’il en achete une rente ou une Terre qui luy produise six cens livres de rente, la femme aura part à cette augmentation, et ne joüira pas seulement de cent livres pour son doüaire, mais de deux cens livres, ce qui paroit entièrement contraire aux paroles de cet Article, qui ne donne le doüaire que jusqu’à la concurrence de ce qui a été raquité.

Il n’est pas mal-aisé néanmoins de découvrir le sens, et de penetrer dans la véritable intention de la Coûtume ; car elle ne dit pas que la femme n’aura doüaire sur le remploy fait des rentes rachetées que jusqu’à la concurrence du revenu de ces rentes, mais elle presuppofe que si le maty n’a pas seulement fait remploy des deniers des rentes rachetées, mais qu’il y ait encore employé d’autres deniers, en ce cas le doüaire ne s’étendra pas sur toutes les choses acquises, il sera seulement pris sur icelles jusqu’à la concurrence de ce qui a été raquité ; la raison est qu’encore que les rentes ou héritages acquis des deniers provenans du rachapt des rentes ne doivent pas être censez une acquisition, néanmoins s’il y a entré d’autres deniers ce surplus doit être reputé acquest.


CCCCVIII.

Remplacement du propre quand est reputé conquests.

Les remplois de deniers provenus de la vente des propres, ne sont censez conquests, sinon dautant qu’il en est accrû au mary, outre ce qu’il en avoit lors des épousailles : comme aussi les acquisitions faites par le mary ne sont reputées conquests, si pendant le mariage il a aliené de son propre, jusques à ce que ledit propre soit remplacé.

C’est honorer en quelque façon la mémoire de nos ancêtres, que de conserver avec soin les biens qu’ils nous ont laissez : Toutes les personnes sages s’en font volontairement un devoir et une obligation, et les dissipateurs de leurs parrimoines ont toûjouts été des objets de mépris ; c’est par ce principe que la Loy Mosaique, la plus sage et la plus ancienne de toutes les loix, avoit permis le Retrait lignager pour retenir les biens dans les familles, et pour rétablir celles qui étoient tombées en décadence ; elle avoit introduit un Jubilé qui faisoit rentrer aprés cinquante années les Terres dans les familles d’où elles étoient sorties par le mauvais ménage, ou par la necessité des proprietaires.

Ce n’étoit pas seulement dans Lacedemone qu’il étoit défendu de vendre ses propres : Aristote Aristote, l. 2. c. 5. et 7. et l. 6. c. 4. Politic. remarque que plusieurs autres villes avoient fait une Ordonnance pareille. Les peuples même les plus éloignez de la politesse ne souffroient point l’alienation des propres sans l’autorité du Juge et sans le consentement des proches parens, Rheinardus lib. 1. c. 5. diferent. juris Saxonici et Romani. Et n’est-ce pas par ce même principe que nôtre ancien Droit François a introduit cette fameuse regle Paterna paternis, Materna maternis : Car nous ne sommes pas, ditPlaton , les Seigneurs absolus de nôtre patrimoine, il appartient à nôtre famille, à nôtre postérité, et encore plus à la Republique, heredia antiqua sunt affecta linez feu gentilitati,Molin . Cons. 7. n. 48.

Voicy sans doute une des plus sages dispositions de la Coûtume : En effet l’on ne pouvoit faire une Loy plus prudente ny plus necessaire pour conserver les biens dans les familles, que celle du remploy que cet Article ordonne avec tant de precaution et d’exactitude : si les propres une fois alienez étoient perdus à jamais pour la famille, ce seroit aneantir le Retrait lignager, la regle Paterna paternis, &c. deviendroit inutile, et l’on défendroit en vain aux maris de donner à leurs femmes directement ou indirectement, puis qu’ils pourroient convertir tous leurs propres en meubles pour leur en faire une donation.

Les Romains qui ne connoissoient point de biens qui fussent propres et affectez à une certaine ligne, qui nullam agnoscebant gentem praediorum, n’avoient d’autres égards que de se conserver la liberté de disposer absolument de leurs biens. Autrefois dans toute la France le remploy des propres n’étoit point necessaire, et encore aujourd’huy plusieurs Coûtumes ne l’ordonnent point, s’il n’a été expressément stipulé. Tel étoit l’usage ancien de la Coûtume de Paris, qui donna lieu à ce Proverbe, que le mary ne se levoit jamais assez-tost pour vendre le propre de sa femme ; de sorte qu’au défaut de stipulation, non seulement les propres volontairement alienez, mais aussi les rentes bien que le rachapt en fût necessaire, n’étoient point sujets à remploy ; cela caufa tant d’abus et d’inconveniens, qu’enfin par la Coûtume Reformée de

Paris, Article 232. le remploy des propres fût introduit, bien qu’il n’eût pas été stipulé par de Contrat de mariage.

La nécessité du remploy a été jugée si raisonnable, que par les derniers Arrests du Parlement de Paris, cet Article de la Coûtume de Paris touchant le remploy a été étendu aux Coûtumes qui ne disposoient point au contraire, parce qu’il paroissoit que l’usage du remploy comme tres-juste s’y étoit étably par un consentement tacite, non seulement à l’égard de la femme ou de ses heritiers, mais aussi du mary, l’avantage indirect étant également prohibé entre l’un et l’autre, et cette nouvelle jurisprudence est fondée sur une tres-grande raison ; car il ne doit entrer en la communauté que ce qui procede ex communi collaboratione, des deux conjoints, comme les meubles et les conquests, et non point ce qui provient de la vente, soit necessaire ou volontaire, des biens de l’un ou de l’autre des conjoints ; si cels n’étoit pas, ce seroit ruiner toutes les dispositions qui défendent si expressément aux gens nariez de s’avantager l’un l’autre : la femme consentiroit à l’alienation de ses propres, dont la moitié demeureroit confuse en la communauté, et le mary vendant son propre par les inductions de sa femme luy en feroit avoir la moitié du prix.

Cependant ce remploy introduit par la Coûtume et par les Arrests du Parlement de Paris n’a pas rétranché tous les abus, ny donné remede à tous les inconveniens qui naissent de Ialienation des propres, on n’a point atteint le but et la fin principale que l’on devoit se proposer, à sçavoir la conservation des biens dans les familles. Tout leffet de ce remploy se ten mine à empescher que les conjoints par mariage ne profitent point des biens l’un de l’autre, il n’a lieu que quand il s’agit du droit de communauté, et non du droit de succeder, cum agitur de jure communionis, non de jure succedendi,Bouguier , l. R. n. 1. Et quand un homme auroit aliené tous ses propres, l’heritier aux propres n’en auroit aucune recompense, l’action de remploy étant inconnuë entre divers heritiers, comme l’heritier au propre et l’heritier aux acquests et aux meubles, et l’on a si peu d’égard à la conservation ou au remploy des propres alienez, qu’il est permis de vendre tous ses propres ; et quoy que les deniers en ayent été employez en acquisition d’héritages, ces héritages sont reputez acquefts, et non sujets à remploy. On a passé encore plus loin, il a été jugé par un Arrest rapporté dans la seconde partie du Journal du Palais, qu’un particulier ayant vendu ses propres maternels, et des deniers qui en provenoient acquis d’autres immeubles, avec déclaration expresse qu’il vouloit qu’ils tinssent lieu de propres maternels à luy et aux siens de son estoc et ligne, neanmoins cette déclaration ne pouvoit produire son effet au profit de ses heritiers maternels dans le artage de sa succession, et lesdits héritages furent jugez acquests. Quand la stipulation du remploy seroit portée par le Contrat, si les deniers le trouvoient encore en la succession, cette stipulation ne pourroit operer contre la vérité, et ces deniers appartiendroient comme meubles à l’heritier aux meubles, non inspecta origine, et bien qu’ils fussent provenus d’un ncien propre vendu, ou d’une rente rachetée, le prix ne s’en reprendroit point au profit les heritiers immobiliers, ce qui s’observeroit à plus forte raison s’il n’y avoit point eu de stipulation de remploy ; et c’est pourquoy les actions pour le remploy des héritages vendus où des rentes remboursées, ont été jugées appartenir à l’heritier aux meubles et acquests comme mobiliaires, et elles ne peuvent retourner comme immobiliaires aux parens du côté et ligne dont les héritages et rentes sont procedez ; Brodeau sur MiLoüet , l. R. n. 30. Du Fresne Fresne, Journal des Audiences l. 6. c. 19. et 20.

Nos Maximes en Normandie sont tout à fait opposées à celles du Parlement de Paris ; et bien loin de convertir nos propres en acquests, nous rendons propre tout ce qui a quelque aptitude à le devenir ; et quelque alienation qu’un homme ait faite de ses propres, il faut qu’ils se retrouvent dans sa succession, pourvû qu’il laisse des acquests et des meubles ; et ffin de rendre nos Maximes certaines et notoires, il est necessaire pour defricher cety te matière d’expliquer ces quatre points : Le premier, en faveur de quelles personnes la Coûtume a introduit le remploy des propres, et quelles personnes sont tenuës de faire et de fournir ce remploy : 2o. Ce que l’on doit comprendre fous ces paroles alie nation de propre ; 30. Comment et sur quelle nature de biens on fait ce remploy : Et enfin si cette action est mobiliaire pour appartenir à l’heritier aux meubles et acquests, ou si étant immobiliaire elle doit retourner à ceux d’où procedoient les heritages vendus, ou les rentes rachetées dont l’on demande le remploy :

Quoy que cet Article semble contenir deux parties, néanmoins toutes deux ne disent qu’une même chose, et le sens est, que non seulement à l’égard de la veuve, mais aussi des heritiers, il n’y a point de conquest ny d’acquest que le propre aliené ne soit remy placé. La nouvelle Coûtume de Bretagne, Article 440. dit la même chose ; Si le mary, con-tant le mariage, vend son heritage, et durant le mariage fait acquests, il sera recompensé de son héritage aliené sur lesdits acquests auparavant que la femme y prenne aucune chose : Sur quoy Mr d’Argentré fait cette oblervation, que cet Article fut arrété sur la requisition de tous les Etats, comme étant fort raisonnable, pour éviter que les maris ne vendissent leurs propres, pour en convertir les deniers en acquests où les femmes prendroient une moitié.

L’on Be doute pas que ce remploy des propres ne soit étably en faveur de ceux de la lignée, et du côté desquels procedoient les choses venduës, et que l’action de remploy n’ap-partienne aux heritiers au propre, non seulement contre la femme, mais aussi contre les heritiers aux acquests et aux meubles. Il est vray que cet Article ne le décide pas expressément, et cela a donné lieu quelquefois d’en douter, lors que ces questions ont été évoquées en d’autres Parlemens ; mais cette jurisprudence est établie par tant d’Arrests et par un si long usage, qu’il n’y a pas lieu de la revoquer en doute Cette action de remploy n’est pas introduite en faveur leulement des heritiers du marys si le propre de la femme a été aliené, il doit être remplacé aussi-bien que celuy du mary, et c’est le sujet du Titre du mariage encombré, où la Coûtume donne aux femmes toutes les seuretez necessaires pour la recompense de leurs propres alienez par leurs maris : Aussi l’Article 107. du Reglement de 1666. contient en termes generaux, que les propres alienez doixent être remplacez au profit des heritiers au propre : Ainsi tout heritier au propre, soit du mary ou de la femme, a droit de demander tout le propre qui ne se trouve plus en la sucression de celuy dont il est heritier.

Les personnes qui sont tenuës de souffrir ou de faire le remploy sont la femme, les heritiers aux meubles et acquests, et les legataires : Cette obligatiun de remplacer étoit fort ne-cessaire à l’égard des femmes ; l’empire qu’elles s’acquierent sur les volontez de leurs maris les rendant maîtresses de leurs biens, il a fallu trouver des moyens pour empescher qu’elles n’en abusent ; de sorte qu’elles sollicitent inutilement leurs maris à vendre leurs propres pour augmenter leurs acquests et leurs meubles. Cet Article forme un obstacle insurmontable à leurs desseins ; car ce n’est point acquerir parmy nous, si l’on ne retrouve premierement dans les acquests ou dans les meubles la valeur des propres que le mary possedoit lors de son mariage.

Cet Article ordonnant principalement le remploy à l’égard de la femme, afin que l’on ne V’imaginât pas qu’il ne fût necessaire qu’à son égard, et pour diminuer seulement ses avantages, l’Article 107. du Reglement de 1666. decide en termes generaux, que les propres alie-nez doivent être remplacez au profit des heritiers au propre. Or comme nous n’avons que deux sortes d’heritiers, les uns au propre, et les autres aux meubles et acquests, il est évident que le remploy des propres doit être fait par les heritiers aux acquests et aux meubles ; car quoy que l’on alléguât en faveur des heritiers aux meubles et acquests, que les heritiers en ligne collaterale n’étoient point plus favorables qu’eux, qu’il ne leur est point dû de legitime, et par consequent point de necessité de leur conserver du bien, et que par le Droit Romain non it collatio bonorum, et que souvent les heritiers aux acquests sont les plus proches pare ns du défunt, on ne pouvoit desaprouver la predilection que le défunt avoit eué pour eux en diminuant ses propres pour augmenter ses acquests : on répondoit au contraire, que si cela étoit permis on renverseroit toute la loy des propres, qui n’est même établie que pour les collateraux, car il n’y a nulle distinction en ligne directe entre les propres et les acquests ; aussi par Pancien usage de la France, on ne faisoit aucune distinction des enfans et des collateraux.

On n’aura pas de peine à charger du remploy des propres les legataires universels et particuliers : les premiers sont considèrez comme heritiers, sunt heredis loco, ainsi sujets et obli-ez aux mêmes conditions que les heritiers ; et on peut dire en general contre ces deux esèces de legataires, que la disposition des propres étant interdite par testament, on ne peut eur donner que ce qui excede la valeur du remploy des propres, cé qui les empesche de rien pretendre que ce remploy ne soit fait. Cette question du remploy des propres au prejudice des legataires universels, fut autrefois décidée par un Arrest du 12. de Decembre 1594. entre Marie le Galois, veuve de Pierre le Gros Appellant, et Thomas le Sauvage, Tuteur de la fille dudit le Gros et de ladite le Galois ; cette veuve demandoit son doüaire, tant sur les maisont et héritages que sur plusieurs rentes foncieres et constituées, contenuës en son Contrat de mariage, et qui appartenoient à son mary : ce qui étoit contredit par le Tuteur pour les rentes dont le mary avoit reçû le rachapt ; car n’ayant été remplacées, et les meubles desquels la veuve avoit eu la meilleure partie en étant augmentez, elle n’y pouvoit demander un doüaire, par la Sentence on avoit accordé doüaire seulement sur les maisons, héritages et rentes qui subsistoient encore, et la veuve avoit baillé mémoire des meubles qu’elle pretendoit luy apartenir à cause du legs qui luy avoit été fait par son mary ; par l’Arrest on cassa la Sentences et on ajugea doüaire sur les maisons, héritages et rentes dont le mary étoit saisi lors du mariage ; et neanmoins avant que de prendre part aux meubles, on ordonna que sur les méu-bles autres que ceux qu’elle avoit apportez et qui étoient déclarez par le Contrat de mariage, on prendroit le remploy des rentes rachetées, sauf à la veuve à renoncer en rapportant ce qu’elle avoit pris. Cet Arrest decide deux questions, le remploy de l’immeuble sur les meubles avant que la femme y prenne part ; et la seconde, qu’elle ne peut pretendre les meubles en qualité de legataire universelle, qu’à la charge du remploy des rentes rachetées. Autre Arrest du 7. de Mars 1634. par lequel il fut dit que des legataires seroient payez sur les fruits de la première année, et que les meubles seroient delivrez à la veuve legataire universelle de meubles jusqu’à la somme de 10000 livres, à cause du remploy du propre allené pretendu par les heritiers au propre sur les meubles. Autre Arrest du 7. de May 1644. au Rapport de Mr le Brun, entre Loüis Fremont heritier au propre paternel, de Lanfranc Fremont son neveu, demandeur pour faire liquider les droits de Marie Valet, veuve et legataire de son mary, et ladite Valet intimée ; et les heritiers au propre maternel dudit Lanfranc Fremont. demandeurs en saisie par eux faite sur les effets mobiliairs du défunt, et pour faire condamner ladite Valet à leur mettre entre les mains toutes les lettres de la succession : on jugea par cet arrest que le remploy des propres tant paternels que maternels alienez, ensemble la dot de ladite Valet, seroit fait sur le prix porté par les Contrats de vente sur ce qui se trouveroit de conquest, et le surplus sur les meubles, si mieux ladite Valet ne vouloit renoncer à son legs.

Il en est de même des legataires particuliers, qui ne peuvent demander les legs à eux faits de partie des acquests et des meubles, qu’aprés le remploy des propres, suivant l’Arrest de année. 1614. rapporté parBerault . Autre Arrest du 16. de Mars 1665. au Rapport de M’Salet, entre François de Saint Aignen, Tuteur de Tanneguy de Saint Aignen son fils, heritier de Leon Coûtelier son oncle, Appellant ; et Demoiselle Gabrielle le Roy, veuve dudit le Coûrelier, et Jean Saumur son serviteur, intimez ; par la Sentence le sieur de Saint Aignen avoit été debouté de son action conctre cette veuve pour l’obliger à representer les meubles, et en ce faisant qu’elle joüiroit du legs que son mary luy avoit laissé par son testament : on cassa pa Sentence, et on condamna la veuve à rapporter les meubles leguez ou la vraye valeur, quoy qu’il n’y eût pas divers heritiers.

Il ne faut donc pas douter que les legataires particuliers aussi-bien que les universels ne soient tenus au remploy des propres, puis que les meubles y sont affectez, et qu’ils ne peuvent en être exemptez en les donnant de l’une ou de l’autre manière : Il est vray que quand Il y a un heritier aux acquests, il est tenu à ce remploy aussi-bien que le legataire universels mais si les meubles laissez à l’heritier aux meubles ou au legataire universel ne suffisent pas, le remploy se prend sur les legs particuliers. Cette distinction mal entenduë a fait croire à quelques-uns que les legataires particuliers n’étoient point sujets au remploy des propres, mais si cette opinion étoit suivie on commettroit aisément une fraude pour empescher ce remploy, en faisant si grand nombre de legs que tous les meubles seroient absorbez Il faut neanmoins observer qu’un heritier paternel ou maternel peut bien demander à l’heritier aux acquests et aux meubles le remploy du propre aliené, mais au défaut de meubles et d’acquests les heritiers paternels et maternels ne se peuvent pas entr’eux demander un remploy de ce qui a été vendu par le défunt provenant de leur ligne ; car ces deux heritiers ne se doivent rien l’un à l’autre, ils prennent la succession en l’état qu’ils la trouvent, parce que le défunt étoit le maître de son bien, et que le remploy ne se donne que sur les meubles et acquests.

Le bien maternel d’un particulier consistoit en la rente dotale de sa mere, étant mort sans enfans les heritiers maternels demanderent cette rente que le défunt avoit venduë aux paternels, parce qu’il n’y avoit point d’acquests, et les meubles avoient été employez à l’acquit des dettes mobiliaires ; ils alléguoient pour fondement de leur action, qu’en alienant le bien maternel il avoit conservé le paternel, qu’il étoit donc raisonnable qu’il contribuât au remploy d’iceluy : Les paternels au contraire representoient que par cette vente du bien mater-nel le paternel n’en étoit point accrû, au contraire il favoit beaucoup diminué par les alienations qu’il en avoit faites, le remploy d’un propre sur un propre est sans exemple dans la Coûtume, et c’est une regle generale que les successions doivent être prises en l’état qu’on les trouve au temps de l’échéance, in successionibus semper inspici debet tempus delata hareditatis. le remploy des propres est introduit par la Coûtume sur les acquests, parce que l’on presume qu’ils ont été faits des deniers provenus de la vente des propres, et que d’ailleurs un homme pouvant avoir divers heritiers aux propres et aux acquests, elle ne permet point qu’il puisse rendre ses propres pour enrichir son heritier aux acquests ; or celuy qui n’a point d’acquests mais des propres de differente nature, peut en disposer à sa volonté, et ses heritiers sont non recevables à contredire ses actions, les paternels et les maternels ne sont pas coheritiers, tales baredes sibi invicem sunt extranei nec familiae erciscundae judicium inter eos exercetur, l. haredes ejus. 8. 1. ff. famil. ercisc. Ils n’ont rien de commun, et le Seigneur du fief succederoit plûtost qu’un paternel à un maternel, et uno repudiante haereditatem ex latere suo nihil accrescit alteri, on ne peut faire passer les biens d’une ligne à l’autre : or pour faire ce remploy d’un bien naternel sur le paternel, il faudroit les faire changer de ligne, si les paternels étoient obli gez à ce remploy, il s’ensuivroit que le défunt en disposant de son bien comme il le pouvoir faire, auroit neanmoins contracté sur luy-même une obligation de remploy, comme s’il avoit vendu le bien d’autruy : les maternels sont heritiers du défunt comme les paternels, et par cette raison également obligez d’entretenir ses faits : Aussi la Coûtume s’en est expliquée nettement en cet Article, elle ne repute point conquest que ce qui est accrû au mary : or par la vente du bien maternel il n’en est rien accrû au bien paternel, et puis qu’ils n’en ont point profité et que leur condition n’en est point devenuë meilleure, ils ne sont obligez à aucun remploy : et la défense des paternels étoit d’autant plus favorable qu’ils étoient en hazard de perdre ce qui restoit de bien paternel par les dettes du défunt, lont ils n’avoient pris la succession que par benefice d’inventaire : Par Arrest du 31. de Juillet 1627. au Rapport de Mr de Brevedent, entre Jean le Févre, heritier au propre paternel de Loüis le Févre, et Jean de Savigny, heritier au propre maternel ; la Cour reforma la Sentence qui jugeoit le remploy au profit des heritiers maternels, et les paternels en furent déchargez. J’ay remarqué deux pareils Arrests sur l’Article CCCCXXLI.

Nous donnons une grande étenduë à ce terme d’alienation de propre, et l’explication de ce terme est d’autant plus necessaire, que dans la premiere partie de cet Article il n’est fait mention que de vente, les remplois des deniers provenans de la vente des propres ne sont censez conquests : D’où l’on pourroit induite que cet Article ne parlant que de la vente des propres, le remploy n’est necessaire qu’en ce seul cas de vente, et que l’on ne doit pasW comprendre toutes les autres espèces d’alienations ; mais dans la derniere partie de cet Artile la Coûtume fait cesser cette ambiguité, lors qu’elle ajoûte que les acquisitions faites par le mary ne sont reputées conquests, si pendant le mariage il a aliené son propre, jusques à ce que ledit propre soit remplacé.

L’alienation des propres ne se fait pas seulement par la vente des immeubles ou par le rachapt des rentes, on y comprend aussi les Offices et les dettes. Lors qu’il étoit encore in certain sous quelle espèce de biens on devoit placer les Offices, on doutoit si la vente que le mary en faisoit, ou la perte qu’il en souffroit étoit sujette au remploy : La question en fut muë en 1593. pour un Office de Grenetier : Estienne Petit l’avoit acheté pendant son mariage, mais pour en faire le payement il avoit vendu pour mille livres de son propre, et en suite il avoit fait quelques acquisitions ; étant mort en perte de sa Charge la veuve demanda sa part aux acquests, les heritiers luy opposerent qu’auparavant il falloit remplacer le propre, ils en furent deboutez devant le premier Juge ; sur l’appel la Cause ayant été partagée, elle fut departie en la Grand-Chambre le 9. d’Aoust 1593. la Sentence fut cassée, et on ordonna que les propres seroient remplacez. Cette même question fut encore plus nettement decidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 17. de Juin 1633. Hammon Procureur en la Cour avoit vendu sa Charge, et du prix d’icelle en avoit constitué quelques rentes ; aprés la mort de sa femme les nommez Turgis, freres et héritlers d’icelle, demandoient part ausdites renses comme d’un acquest, elle leur fut ajugée par Sentence des Requêtes du Palais : par l’Ar-rest la Sentence fut cassée, et jugé qu’ils ne pouvoient avoir part à la renfe qu’il avoit conctituée du prix de son Office, parce qu’il en étoit pourvù lors de fon mariage, et que les deniers qui en provenoient étoient reputez de même nature.

Suivant la doctrine des Arrests, lors que l’Office est perdu par la faute du mary, pour n’avoir payé le Droit Annuel, la femme ne laisse pas d’avoir recompense sur les autres bien pour son doüaire ; en consequence dequoy lon peut former cette question, si lheritier au propre peut demander à l’heritier aux acquests le remploy de l’Office qui a été perdu par la ne-gligence du défunt : On peut dire qu’il y a grande différence entre la femme et les heritiers, celle-là a un droit acquis que le mary ne luy peut ôter par sa negligence ; mais à l’égard de ses heritiers il n’est point obligé de leur conserver de bien, il peut le perdre et l’abandonner, et de ce qu’il perd par malheur ou par negligence il n’en est point dû de remploy ; lors que l’on donne à l’heritier au propre la recompense du bien aliené on se fonde sur cette presomption, que des deniers provenans des propres les acquisitions en ont été faites, et c’est pour-quoy l’heritier aux acquests n’a pas sujet d’empescher le rétablissement de l’ancien propre, puis que par un droit general en cette Province il n’y a point d’acquest que le propre ne soit semplacé. Cette question fut mué au procez d’entre Dame Jaqueline Peurel, veuve de Mr Me Adrian Secart, Sieur d’Auxouville, Conseiller en la Cour, et Me François le Bailleur ; Mr Me Abraham de Roüen, sieur de Bermonville, Conseiller en la Cour, ses gendres : L’Office de Conseiller en la Cour que possedoit M’Secart avoit été perdu à faute d’avoir payé le Droit Annuel, les Sieurs de Bailleul et de Bermonville demanderent que le prix en fût emplacé sur les acquests, avant que ladite Dame d’Auxouville y pût prendre aucune part : Messieurs des Requêtes du Palais leur ayant ajugé leurs demandes, sur l’appel de la Dame d’Auxouville, elle disoit qu’ayant trouvé son mary saisi de cet Office elle y avoit doüaires et ayant été perdu elle en avoit recompense sur les autres biens, mais qu’il n’étoit pas juste de prendre cette recompense sur les acquests, le doüaire et les conquests sont deux droits differens qui ont chacun leur cause et leur principe separé, le droit de l’un n’est point dimiqué par le droit de l’autre, quoy que le mary dissipe, et même confisque son bien, il ne peut priver sa femme de son doüaire ; le droit de conquest appartient à la femme à un autre titre, qui est celuy de la collaboration, et qui n’a rien de commun avec le doüaire, qui se gagne au couclier, tous deux doivent subsister au profit de la femme, et l’un ne peut être porté ny fourny sur l’autre : Quand le mary a vendu de ses propres et qu’il a fait des acquisitions, en ce cas la femme ne participe aux conquests que sur ce qui reste aprés le remploy des propres, parce que l’on presume que le prix de ces rentes a été employé au payement des acquisitions ; que si la femme avoit un doüaire entier et encore une part entière aux acquisitions, elle auroit deux profits d’une même chose ; les Intimez ne pouvoient pas dire que le prix de la Charge. ait été employé aux acquisitions, puis qu’elle a été perduë ; c’est donc une distinction qu’il faut apporter quand le mary a vendu de les propres et qu’il en a reçû les deniers, le remploy doit en être fait sur les acquests, comme reputez faits de ces mêmes deniers ; mais quand il les a perdus par sa faute sans en tirer aucun profit, les conquests qui n’en ont été faits et qui n’ont pû en être augmentez n’en doivent point porter le rempioy au prejudice des droits de la femme, à qui la faute du mary ne doit point nuire, ny la priver des droits ue la Coûtume luy donne. Par l’Article CCCLxxXI. si le mary renonce à une succession directe, sa femme nonobstant sa renonciation peut y demander doüaire, et sans diminution de sa part aux conquests ; le mary a bien voulu par sa faute perdre la Charge dont il étoit saisi lors des épousailles, et toutefois le doüaire ne laisse pas d’être dû, par la même raison la faute du mary ne peut luy faire perdre sa part aux conquests. Les Intimez répondoient que véritablement le doüaire est si bien acquis à la femme, que le mary ne l’en peut priver par sa faute ou par son mauvais ménage, et c’est pourquoy l’on a jugé qu’il étoit raisonnable de lonner à la femme la recompense sur les autres biens de l’Office que le mary avoit laissé perdre par sa negligence ; mais le droit de conquest est incertain, et la femme n’a point l’action pour forcer son mary à acquerir, il est en sa liberté d’augmenter son bien ou de ne l’augmenter pas, et ce droit est si peu avantageux à la femme, qu’il ne peut jamais y avoir d’acquest que le propre ne soit remplacé ; et puis que la Coûtume ordonne si expressément d’en faire le remploy, il n’importe d’où procede la diminution des propres, puis qu’en tout cas le remploy en doit être fait ; c’est une regle generale et qui ne souffre point d’exception ny de distinction, qu’il n’y a point d’acquest que le propre ne soit remplacé, les presomptions de peuvent détruire une Loy si favorable et si ancienne ; et comme on ne pourroit empescher le remploy quand il seroit vray que le mary en auroit joüé les deniers, il faut dire la même chose du propre qu’il a laissé perdre par sa negligence ; en tous ces cas on considere la fin et le but de la Coûtume, qui se propose uniquement la conservation des propres dans les familles ; par Arrest du 22. de Juin 1673. au Rapport de Mr Haley d’Orgeville, il fut dit que le prix de l’Office que les parties avoient estimé à quatre-vingt cinq mille livres seroit remplacé sur les conquests faits par le Sieur d’Auxouville, avant que ladite Dame veuve y pûst prendre part. Cela avoit été jugé par un Arrest du 7. de Juillet 1664. au Rapport de Mr Côté, entre Servain et Jacques ; la femme ayant pris le tiers aux meubles, non seulement fut condamnée de contribuer au remploy des propres alienez, mais aussi au remploy d’une Charge. dont elle avoit trouvé son mary saisi, laquelle avoit été perduë faute d’avoir payé le Droit Annuel, et lon ne voulut point en faire de distinction, quoy qu’il parût rigoureux que la negligence du mary fist perdre à une veuve cette petite portion que la Coûtume luy donne dans les conquests. tous ce mot d’alienation nous comprenons encore tous les engagemens et toutes les dettes rontractées par le défunt, alienationis verbo continetur pignoris obligatio, gl. 2. in c. 1. de alienatione feudi in usibus feud. Ce seroit inutilement que Ialienation seroit prohibée qu’à charge de remploy, si d’ailleurs on pouvoit hypothequer ses propres sans en avoir recompense sur les meu-bles, quia per hpothecam facile pervenitur ad alienationem.

Il est vray que dans une Cause plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 3. d’Aoust 1é45. de contraire fut jugé sur ce fait. Un frere avoit légué tous ses meubles à fa seur uterine, qui étoit aussi heritiere aux acquests, elle renonça aux acquests et se contenta de prendre seulement le legs universel des meubles qui luy avoit été fait ; ce frere avoit constitué sur luy plusieurs rentes, ce qui obligea les heritiers aux propres de demander que puisque les acquests n’étoient pas suffisans, les meubles fussent employez au rachapt des rentes, que ces constitutions de rente étoient de véritables alienations du propre ; car n’y ayant point assez d’acquests et les meubles n’y étant point employez, il faudroit vendre nécessairement le propre : La légataire répondoit, que le remploy n’étoit dû qu’au cas d’une réelle et véritable alienation du propre, qu’on ne pouvoit mettre en ce nombre de simples constitutions de rente ; par lArrest la legataire fut déchargée ; mais cet Arrest n’a point été suivi, étant contraire aux anciennes Maximes et à plusieurs autres Arrests. Par un Arrest du 8. de Juillet 1659. entre les nommez Marmion, il fut jugé en faveur de l’heritier au propre, que le legataire universel aux meubles devoit se charger des rentes constituées, vû qu’il n’y avoit point d’acquests, et qu’apparemment les meubles avoient été augmentez des deniers provenans de la constitution de ces rentes, nonobstant que lon se prevalût de l’Arrest cy-dessus. Autre Arrest du 20. d’Aoust 1646. entre Marguerite le Normand et S. Maurice. Autre du 27. de Mars 1655. entre les nommez de Vaux

On a si peu douté que les dettes contractées par le défunt ne fussent une véritable alienation du propre, que l’on a même pretendu qu’une dette payée par la caution du mary devoit être remboursée par la veuve et héritière de son mary : Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 7. d’Avril 1672. entre Demoiselle Françoise du Ménil, veuve de François Boutelet, appellante, et Gaspar Boutelet, intimé ; François Boutelet avoit

cautionné son beau-frère de deux parties de rente, le principal obligé étant insolvable, Gaspar Boutelet, héritier de la cantion fut obligé de payer, et pour sa recompense il fit assigner la veuve de François Boutelet pour y contribuer d’une moitié, ayant eu la moitié des meubles de son mary ; elle y fut condamnée par le Juge d’Exmes, dont ayant appellé, de l’Epiney son Avocat disoit que l’Intimé fondoit mal à propos sa demande sur cet Article puis qu’il ne parloit que de vente de propres, que la Coûtume n’avoit eu pour but que d’empescher les avantages entre gens mariez, qu’ils eussent pû se faire aisément si les acquests ou les meubles eussent été déchargez du remploy des propres ; mais comme l’on presumoit que les deniers provenans de la vente des propres avoient augmenté la masse des acquests et des meubles où la femme prenoit part, il étoit juste d’empescher cette fraude et de remplacer les propres sur les acquests et sur les meubles que l’on ne presumoit point en ce cas proceder de la mutuelle collaboration des conjoints, mais pour les dettes contractées par le mary il n’y avoit pas d’apparence de les comprendre fous le terme de vente ; en tout cas quand on les reputeroit une alienation de propre sujette à remploy, que l’on ne pouvoit étendre cela jusqu’à un cautionnement fait par le mary, toutes les raisons sur lesquelles l’on établissoit cette obligation du remploy des propres manquans en cette renoontre ; car l’on ne pouvoit presumer que les deniers eussent entré en la masse des meubles, puis que le mary n’en avoit rien reçû, et qu’il n’étoit que simple caution, et par consequent la femme n’en pouvoit avoir profité en aucune maniere, ce qui rendoit tres-injuste la condamnation prononcée contr’elles et pour montrer que toutes sortes d’alienations de propres n’étoient pas sujettes à remploy, l’on ne pouvoit contester qu’il n’y avoit point d’obligation de remplacer ce qui avoit été donné Je répondois pour Boutelet, que la Coûtume dans toutes ses dispositions faisant paroître tant de soin et d’inclination à conserver les propres, on devoit en toutes rencontres favoriser son intention et luy donner toute l’étenduë possible, et c’est pourquoy l’on repute et l’on fait passer pour alienation tout ce qui en peut causer la perte ou la diminution ; et puis qu’en ver tu des dettes contractées par le défunt l’on parvient aisément à la vente volontaire ou forcée de ses propres, il est juste de mettre les dettes au nombre des alienations : or le cautionnement que le défunt avoit fait mal à propos d’une personne insolvable, étoit une véritable dette à laquelle son bien étoit hypothequé, qu’il ne suffit pas que les acquests ou les meubles n’ayent point été augmentez par ce cautionnement, que c’est assez qu’il en produise et qu’il en resulte une obligation sur les propres, en vertu de laquelle on les puisse faire vendre, et c’est pourquoy bien que la femme n’en tire aucun profit, elle ne doit pas être exempte d’y contribuer à proportion de ce qu’elle profite des meubles, puis que par l’usage certain de cette Province, il n’y a point de meubles ny d’acquests non seulement que les propres alie nez ne soient remplacez, mais aussi qu’ils ne soient rendus libres et exempts de toutes dettes et hypotheques : que si les veuves heritières de leurs maris n’étoient pas tenuës à décharger s propres d’un cautionnement qu’il auroit fait, ce seroit donner ouverture aux fraudes, unmary emprunteroit le nom d’un homme insolvable, et toucheroit les deniers pour les donner à sa femme : Pour la donation l’on convient que le remploy ne peut en être demandé, mais c’est par cette raison que la Coûtume permet de donner ; que si les choses données étoient sujettes à remploy, la faculté de donner de ses propres seroit renduë inutile, puis que la chose donnée seroit reprise sur les acquests et sur les meubles ; la Cause fut appointée au Conseil sur quelques faits particuliers, mais sur la question generale le sentiment du Barreau étoit qu’il avoit été bien jugé. l’on apprendra par l’espece d’un Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 17. l’Aoust 1634. combien l’on est prevenu dans cette Province de la necessité du remploy des propres, puis qu’on le pretendit si mal à propos sur ce fait. Le procez étoit entre François Asselin. heritier de Claude Emo, fils de Roger Emo, et Tabouret, et ses consorts, heritiers de la femme de Claude Emo ; et il s’agissoit de sçavoir si un fils succedant à son pere, auquel il odevoit trois cens livres de rente, dont par ce moyen il demeuroit quitte, et depuis ce fils étantmort sans enfans, ses heritiers au propre pouvoient demander le remploy de cette rente ; Leur raisonnement étoit que le fils avoit reçû de son père le capital de cette rente, à laquelle il s’étoit constitué envers luy, et qu’il y avoit lieu de presumer qu’il l’avoit employé en acquisitions, que si le pere avoit survécu le fils les heritiers aux acquests eussent été tenus d’ac quiter cette rente, mais le fils ayant succedé à son pere cette rente étoit devenuë propre et quoy qu’il la dût luy-même, qu’elle n’étoit point éteinte par confusion, les droits réels et aypothecaires ne se confondans point par extinction, l. ex sextante, 5. largus de except. re jud. l. debitor sub pignore 59. Ad Senat. Consult. Trebell. qui res suas, S. aream de Solut. D. de sorte que l’obligation et l’hypotheque de cette rente renaissoit en faveur de l’heritier au propre. L’heritier aux acquests répondoit que le remploy n’est dû que du propre aliené, dont les deniers ont été reçûs, qu’en tout cas confusione tollitur obligatio cum jus creditoris & debitoris cadit in eandem personam, l. Stichum, 5. aditio de solut. l. verborum D. eodem, qu’il est in-compatible qu’un homme soit debiteur à soy-même in actu et potentia, que res sua nemini ervit, et obligatio semel extincta non renascitur, que le fils n’avoit rien acquis, et il s’étoit seulement diberé de son obligation ; par l’Arrest les heritiers aux acquests furent déchargez de la rente.

Le remploy ne se fait pas seulement des véritables propres, c’est à dire des biens que celuy de la succession duquel il s’agit a eus à droit successif ; mais on va jusqu’à ce point que la femme n peut être obligée au remploy des acquests faits par son mary avant son mariage, et qu’il a alienez constant iceluy ; car ces acquests sont reputez propres à l’égard de la femme, bien qu’ils tiennent nature d’acquests entre les heritiers du mary ; la raison est que la femme doit le rem-ploy de tous les biens de son mary qu’il possedoit lors de son mariage, et qu’il a alienea contant iceluy quand elle prend part aux meubles et aux acquests ; par Arrest donné en l’Au-dience de la Grand. Chambre le 24. de Juillet 1665. il fut jugé que les acquests dont le maty étoit saisi lors de son mariage, et qu’il avoit depuis alienez, devoient être remplacez sur les acquests, et à ce défaut sur les meubles, et ce à l’égard de la femme et du fils de la femme donataire des meubles ; voicy le fait. Barbot durant son premier mariage avoit fait quelques acquisitions, il épousa en secondes nopces la nommée Moustier, à laquelle il donna tons fes meubles qu’il laisseroit aprés sa mort, et en mariant Mahaut, fils de sa femme, il ratifia cette donation, et en cas que sa femme le predecedât il donnoit tous ses meubles audi Mahaut ; le cas étant arrivé, et Mahaut ayant demandé tous les meubles de Barbot, la seur dudit Barbot et fon hecitiere soûtint qu’il ne les pouvoit avoir qu’en remplaçant les acquests que Barbot avoit faits durant son premier mariage, et qu’il avoit alienez durant le second, ces acquests à l’égard de la femme devant être considèrez comme des propres, la question principale fut de sçavoir si ce remploy-se fe-roit sur les acquests seulement faits constant le mariage, ou generalement sur tous les acquests, tant ceux qui avoient été faits avant le mariage, que durant iceluy ; Mahaut disoit qu’il n’aroit pas les meubles au droit de sa mere, mais en vertu de la donation qui luy en avoit été faite par Barbot, et qu’ainsi à son égard les acquests faits constant le premier mariage ne devoient pas être considérez comme propres pour l’obliger au remploy d’iceux, que cela eûr oû être soûtenu contre la femme, mais non contre luy, qu’il devoit être considéré comme une personne étrangere à qui on n’auroit pû demander le remploy de ces acquests en quelque temps qu’ils eussent été faits, qu’en tout cas il falloit que tous les acquests portassent ce remploy ; car bien qu’à l’égard de la femme les acquests faits avant le mariage fussent censez propres, ils étoient neanmoins acquests à l’égard de toute autre personne, et la donation faite au fils n’étoit pas la donation de la mere, laquelle étoit devenuë caduque par son decez, et ainsi étant une donation différente, elle devoit être considérée differemment, et il ne devoit e remploy sur les meubles qu’en cas qu’il n’y eût aucuns acquests : On répondoit pour ladite parbot, que la même raison de prohibition qui étoit en la personne de la mère, se rencon troit en celle du fils, le mary ne pouvant donner à sa femme ny à ses parens, et ainsi les cquests faits avant le mariage étant un véritable propre à l’égard de la femme, ils l’étoient à l’égard du fils, autrement un mary qui n’auroit que des acquests en se mariant pourroit les faire passer aux enfans de sa femme ; par l’Arrest on ordonna que les acquests faits avant le nariage seroient remplacez sur ceux faits durant iceluy, et au défaut sur les meubles. si au contraire un homme avant son mariage avoit aliené de ses propres, et que durant iceluy il fit des acquisitions en bourgage, ou qu’au défaut d’acquests la femme prit part aux meubles, seroit-elle obligée de contribuer sur sa part des meubles ou des acquests au remploy de ces propres alienez avant son mariage : On peut dire que la disposition de cet Article est generale, et que la Coûtume ne distingue point si les propres ont été vendus devant ou depuis les épousailles, qu’il en pourroit arriver de grands desordres, un homme à la veille de son mariage vendroit et ameubliroit tous ses propres pour enrichir sa femme qui auroit la moitié de ses meubles, sans être chargée du remploy des propres vendus.

D’autre côté il ne semble pas juste d’assujettir la femme à un remploy de propre qui a été ven du avant son mariage, il suffit qu’elle ne s’enrichisse pas des biens de son mary, mais elle ne doit pas porter la peine de son mauvais ménage, ny reparer les dissipations qu’il a faites de son bien avant que de l’avoir épousée ; et puis que la Coûtume a trouvé juste de recompenser ses soins et de luy faire part de l’accroissement de la fortune de son mary, lors qu’elle y a contribué par sa collaboration, il n’y a pas d’apparence de luy demander le remploy d’un bien que son mary ne possedoit plus ors qu’il l’épousa. Il est certain que dans cet Article la Coûtume a eu principalement en vûë d’empescher que le mary ne fist avantage à sa femme, il ne faut donc pas luy donner un autre sens et une autre étenduë ; et comme les remplois des deniers provenus de la vente des propres ne sont censez conquests sinon d’autant qu’il en est accrû au mary, outre ce qu’il en avoit lors des époufailles, il faut conclure par un argument contraire, que la femme n’est tenuë au remploy des propres, sinon d’autant que le propre de son mary est diminué depuis leurs épousailles.

Et bien que la Coûtume rende ce remploy necessaire en toutes occasions, et qu’il puisse arriver que le mary ait conservé les deniers provenans de la vente de ses propres, et que par ce moyen la femme en ait profité, soit qu’ils se trouvent aprés son decez, ou qu’il en ait fait des acquisitions en bourgage, et que les heritiers au propre ayent raison de demander ce remploy ; on épond que s’il y a des meubles ou des conquests en bourgage où la femme prenne moitié, l’autre moitié reste toûjours pour la recompense des heritiers au propre, et quand elle ne suffiroit pas il seroit rigoureux de priver la femme d’un droit que la Coûtume luy donne pour une cause où la même Coûtume ne l’assujettit point : C’est aussi le sentiment de Bérault, Si dit-il, le mary avoit aliené avant le mariage, l’acquest qu’il fera constant iceluy jusqu’à la concur. rence de l’alienation ne sera point estimè remplacement pour le regard de la femme, ains conquest, parce qu’il est acquis depuis les épousailles ; mais on ne fait point cette distinction à l’égard de divers heritiers, les uns au propre, et les autres aux acquests, et il semble que cette question ne doive plus être problematique aprés l’Article 65. du Reglement de 1666. dont voicy les termes : Le remploy des immeubles que le mary ou la femme possedoient lors de leur mariage, doit être fait sur les immeubles qu’ils ont acquis depuis ledit mariage, et n’aura la femme part ausdits meubles et acquests, qu’aprés que ledit remploy aura été fait. Il refulte évidemment de ces paroles, les immeubles que la femne ou le mary possedoient lors de leurs épousailles, que la femme n’est pas tenuë au remploy des hérita-ges que son mary ne possedoit point lors de ses épousailles, puis que la Coûtume ne l’assujettit expressément au remploy que de ce qu’il possedoit en ce temps-là. Nonobstant ces raisons, le pan-chant que nous avons à conserver les propres et à diminuer les avantages des femmes est si grand, que l’on a de la peine à souffrir que la part que la femme prend aux acquests et aux meubles soit exempte du remploy des propres en quelque temps qu’ils ayent été alienez Et pour la question que Berault propose comme douteuse touchant un homme, lequel avant fon mariage auroit acquis un héritage en Caux, et qu’il auroit revendu depuis son mariage. et remplacé en Bourgage, sçavoir si la femme y auroit part comme à un acquest fait en Bourgage, ou si elle y auroit doüaire seulement ; elle n’est plus problematique aujourd’huy, et c’est une maxime certaine qu’elle n’y auroit que doüaire La consignation que le mary fait sur ses biens des deniers dotaux de sa femme est aussi reputée une alienation du propre, dont les heritiers aux meubles et acquests sont obligez de décharger les propres, comme on le verra dans la suite.

Bien que la donation soit une espèce d’alienation, il est certain neanmoins que les choses données ne sont point sujettes à remploy ; Arrest en 1654. sur ce fait. Une femme nommée Racine fit une donation entre vifs de cinquante livres de rente à prendre sur ses propres pour une Fondation, avec cette clause que ses heritiers aux acquests n’en seroient aucunement chargez ; aprés son decez son heritier au propre pretendoit que c’étoit une donation à cause de mort, ou en tout cas qu’elle devoit être prise sur les acquests, n’y ayant point d’acquests que le propre ne soit remplacé : On répondoit pour Massieu heritiere aux acquests, que la donation n’étoit point sujette au remploy ; par l’Arrest l’on confirma la sentence qui deboutoit l’heritier au propre de sa demande. Autre Arrest du 5. de Decembre 1661. au Rapport de Mr Auber, entre le sieur Fosse, et Marie Ferrand, par lequel il fut jugé que l’heritier au propre ne pouvoit demander de remploy à l’heritier aux acquests du tiers d’une rente dotale donnée par une femme à son second mary, mais seulement des deux autres tiers. Autre Arrest du 5. d’Avril 1639. par lequel il fut dit que des rentes foncieres assignées sur un ancien propre en faisant une Fondation ne doivent point être remployées sur les acquests, quoy qu’il y eût clause d’hypotheque generale sur tous les biens Il fut jugé en cette espèce qu’il n’étoit dû aucun remploy. Une femme avoit porté à son mary treize cens livres, tant en argent qu’en meubles, de cette somme le mary en avoit constitué quatre cens livres en trente livres de rente pour tenir nature de dot, le mary n’ayant laissé que des meubles, sa femme reprit cette rente et ses autres droits sur ses meubles ; elle fit en suite un Testament, par lequel elle donna tous ses meubles à divers legataires ; son heritier pretendit que les quatre cens livres qui avoient été constituées en trente livres de rente dotale devoient être repris sur les meubles, à quoy il fit condamner les legataires ; mais en ayant appellé, ils representerent que cette somme que la femme s’étoit constituée en dot sur son mary étoit un véritable acquest, ne paroissant point que les deniers ou les meubles qu’elle avoit portez à son mary procedassent de ses pere, niere ou freres, car en ce cas cette dot eût été un propre ; mais cela n’étant pas, c’étoit un acquest dont elle avoit pû recevoir le rachapt, et étant devenu un meuble elle avoit eu droit d’en disposer : L’heritier de la femme appuyoit sa pretention sur cette raison, que le remploy de la dot avoit été véritablement pris sur les meubles, parce que le mary n’avoit point laissé d’immeubles, mais que cela n’en empeschoit pas le remploy, puis que c’étoit un immeuble ; par Arrest du 13. de Mars 1664. la Sentence fut cassée, et ordonné que le Testament seroit executé Aprés avoir parlé des personnes qui peuvent demander le remploy des propres, de celles qui sont tenuës de le fournir, et pour quelles sortes d’alienations il est dû, il est de l’ordre de discuter comment et sur quels biens il doit être fait.

Les acquests sont le premier sujet du remploy des propres, et lon ne le fait porter sur les meuble qu’au défaut d’iceux ; cet Article le decide expressément, et c’est sur iceluy que l’on a fondé cette Maxime, qu’il n’y a point d’acquests que le propre ne soit remplacé : Et quoy qu’il semble que cet Article ne parle que de la femme, et qu’il ne donne point d’action aux heritiers au propre contre les heritiers aux meubles et acquests, il est sans difficulté néanmoins, comme je l’ay déja remarqué cu-dessus, que l’action en remploy peut être exercée contre les heritiers aux meubles et ac-quests par les heritiers au propre ; cela fut jugé par l’Arrest de Cherville, rapporté par Berault sur ces Article.

Il y eut plus de difficulté pour étendre ce même remploy sur les meubles, mais elle fut terminée par le même Arrest de Cherville, et par un autre donné en la Chambre des Enquêtes le 2. d’Aoust 1634. au Rapport de Mr de Vigneral, entre le Messe et Despernon.

La Coûtume d’Auvergne, Ch. 12. Art. 17. et suivans, et celle de la Marche, depuis l’Article 234. jusqu’au 238. lemblent avoir quelque rapport à la nôtre, en ce qu’elles ordonnent ue l’heritier aux meubles et acquests payera les dettes de la succession à la décharge du propre.

Les meubles sont tellement affectez à la décharge ou au remploy du propre, que quoy u’il y ait consignation actuelle de la dot, si toutefois la veuve est legataire universelle des seubles de son mary, elle doit au défaut d’acquests décharger les propres de la rente dotale sur la moitié des meubles qui luy ont été léguez. Guillaume de Sainte Mereglise avoit consigné quinze cens livres pour la dot de Demoiselle Renée du Châtel sa femme, et n’ayant point d’enfans il luy legua tous ses meubles : Depuis Philippes de Pierrepont qui l’avoir épousée en secondes nopces, ceda à Charles Branche ces quinze cens livres qui étoient constituées en cent sept livres de rente ; Branche ayant demandé cette rente à Henry le Coû, mary de Loüise de Sainte Mereglise, et à ses autres soeurs, le Coq appella de Pierrepont en garantie pour l’en décharger, ce qui fut contredit par Pierrepont, qui disoit que la dot ayant été consignée, elle ne pouvoit être prise sur les meubles : Le Coq répondit que les propres ne pouvant être chargez de cette rente, parce que ce seroit une alienation, et abandonnant les acquests elle devoit. être payée nécessairement sur la part des meubles leguez ; ce qui fut jugé de la sorte, par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 23. de May 1662. plaidans Theoude, et de l’Epiney

Autre Arrest pareil, du 11. de Mars 1677. entre M. François Sallinguant Procureur au Bail. liage Siege Presidial de Roüen, heritier au propre de Me David Sallinguant son frère, appellant de Sentence renduë par le Bailly dudit Roüen ou son Lieutenant, le 13. d’Octobre 1676. par laquelle sur l’appel de la Sentence du Vicomte dudit Roüen, du 22. d’Aoust 1676. qui portoit aprés la déclaration dudit Sallinguant qu’il abandonnoit les acquests faits par ledit défunt Sallinguant son frère à Magdelaine Hardoüin sa veuve, heritière et légataire universelle des meubles d’iceluy, qu’il étoit déchargé de la faisance et continuation de la partie de deux cens livres de rente dotale, à laquelle fin icelle Hardoüin seroit tenuë de representer son Traité de mariage pour être dossé, autrement et à faute par elle de ce faire ladite Sentence luy vaudroit de décharge, et ledit Sallinguant permis de bailler mémoire des propres alienez dudit défunt son frere, pour par ladite Hardoüin se charger du remplacement d’iceux, en quoy faisant le transport fait a Me Philippes Néel Avocat en la Cour, de ladite partie de deux cens tivres de rente dotale par ladite veuve déclaré resolu : Il avoit été dit par ledit Bailly, qu’il avoit été mal jugé en corrigeant et reformant, iceluy Sallinguant condamné de payer et continuer la dot en question audit Néel, avec dépens. De l’Epiney sur l’appel de Sallinguant, disoit que la veuve étoit legataire universelle des biens-meubles de son mary, et que n’ayant point fait faire d’inventaire la Sentence devoit être cassée ; et du Hequet ayant défendu pour ladite veuve Sallinguant, par l’Arrest la Sentence du Bailly fut cassée, et celle du Vicomte confirmée.

Pour exempter les heritiers aux meubles et aux acquests du remploy des propres, l’on a sousent agité cette question, si les charges et les dettes que le défunt avoit acquitées, et dont il avoit liberé ses propres, devoient tenir lieu de remploy pour ceux qu’il avoit alienez, lors que par le Contrat de rachapt il n’en étoit point fait mention ; Outre l’Arrest de Boisdane. mets, dont j’ay parlé sur l’Article CCexCV. la question a été jugée sur ce fait. Miches Gohon, sieur de Corval, avoit reçû dix-huit cens soixante et six livres pour sa part de deux cens livres de rente rachetées par le sieur de Panneville, le 26. de Novembre 1653. Le 4. de Decembre ensuivant il fit le rachapt de cent cinquante livres de rente, qui étoient dûs tant par ledit sieur de Corval que par ses coheritiers, mais dont il devoit pour sa part quatorze cens divres ; aprés sa mort Charlote du Hamel sa veuve employa dans les lots qu’elle fit, tant pour son doüaire que pour sa part aux conquests une rente de cent cinquante livres acquise par son mary constant leur mariage ; les lots ayant été blâmez par Marguerite Corval, et les enfans de Michel Gohon, fils ainé dudit sieur de Corval, qui demandoit que les dix-huit cens soitante et six livres reçûs par ledit feu fieur de Corval pour le rachapt d’une rente qui faisoit partie de ses propres, fussent remplacez sur cette rente de cent cinquante livres qu’il avoit acquise, la veuve dudit sieur de Corval y avoit consenty ; depuis elle crut qu’elle s’étoit trompée, et s’étant pourve par Lettres de récision, elle soûtenoit que fon mary ayant payé qua-torze cens livres pour le rachapt d’une rente dont son propre étoit chargé, cela tenoit lieu de remploy de pareille somme du nombre des dix-huit cens soixante et six livres qu’il avoit reçûs, et que par consequent il ne restoit plus à remplacer que quatre cens soixante et six livres eanmoins par Arrest du 5. de Mars 1666. elle fut deboutée de ses Lettres, et il fut ordonné que sur la partie de cent cinquante livres de rente qui tenoit nature d’acquest, il en seroit pris dix-huit cens soixante et six livres pour servir de remploy de la rente raquitée par le sieur de Panneville, et que les deux cens trente-quatre livres restans du principal desdits cent cinquante livres de rente seroient employez dans les lots des acquests. Cet Arrest marque que l’on tâche en toutes manieres d’augmenter-les propres, et d’en favoriser le remploy ; car quoy qu’il semble que c’est assez les remplacer lors qu’on les libere des dettes dont ils sont chargez, toutefois cette liberation n’étant qu’une extinction, elle n’équipolle point à an remploy s’il n’y a déclaration d’employ expresse pour cet effet.

Ce qui marque une difference extrême de nôtre Coûtume d’avec celle de Paris, qui tent perpetuellement à diminuer les propres pour accroître les acquests ; et bien loin de pratiquer e remploy des propres, elle permet de reduire en acquests ious les propres par la seule vente qui en est faite ; et par l’Article 334. de la même Coutume, les heritiers aux propres sont si mal-traitez, qu’on les fait contribuer aux dettes du défunt avec les heritiers aux meubles et acquests, pour telle part et portion qu’ils amendent de ses propres.

Cette difference de la Coûtume de Paris, qui fait contribuer l’heritier au propre avec l’heritier aux meubles et acquests aux dettes du défunt, d’avec celle de Normandie qui les en décharge entièrement, fit naître une grande question pour sçavoir si les propres d’un homme étans en Normandie, et ses acquests et ses meubles à Paris, les heritiers au propre pouvoient obliger l’heritier aux meubles et acquests à payer toutes les dettes ; Le fait étoit que feu Messire Nicolas Jean, Seigneur de Breteville, étoit originaire de Normandie, et tous ses biens y étoient situez : en l’année 1633. il traita d’un Office de Conseiller au Grand Conseil qu’il exerça jusqu’à sa mort, et durant ce temps il fit acquisition de plusieurs maisons à Paris, et y faisoit sa demeure la pluspart du temps ; étant moit sans enfans, Me Nicolas Vallognes devint heritier pour une moitié aux propres, et Mr d’Anviray Conseiller en la Cour pour une autre moitié ; et Jean de Lintot Ecuyer, sieur de Boshulin, ayant épousé Demoiselle Françoise Cavelier, et Demoiselle Marguerite Cavelier, veuve de Charles Bosquet, heritiers aux meubles et acquests.

Il se mût d’abord trois questions entre ces trois heritiers ; la première, si les heritiers des meubles et acquests dudit sieur de Breteville ne seroient pas obligez de remplacer les propres qu’il avoit alienez en la Coûtume de Normandie sur les acquests par luy faits tant en Normandie qu’en la Coûtume de Paris :

La seconde, si les deniers qui provenoient d’un remboursement de rentes que le sieur de Breteville possedoit de son propre sur la Recepte generale des Gabelles de Roüen, et que le Roy avoit supprimées, seroient reputez mobiliers ou immobiliers, et s’ils appartiendroient aux heritiers au propre ou aux heritiers aux acquests Et la troisiéme, si les heritiers des meubles et acquests pouvoient obliger les heritiers aux propres qui étoient tous situez en Normandie, de contribuer au payement des dettes de la succession du sieur de Breteville à proportion de ce qu’ils en amendoient Pour la premiere question, les heritiers au propre furent obligez de l’abandonner ; car quoy que l’on soûtint en leur faveur que par la jurisprudence des Arrests du Parlement de Roüen donnez en interpretation de l’Article CCVIII. de la Coûtume de Normandie, les heritiers aux meubles et acquests sont condamnez au remplacement des propres alienez, même au de-là des forces Aade la valeur des meubles et acquests, ce qui affecte plûtost la personne que les héritages, et est plus personnel que réel, et que par consequent les heritiers aux meubles et acquests du sieur de Breteville étoient obligez au remplacement sur les acquests de Normandie et de Paris, parce que dés le moment que les heritiers des meubles et acquests apprehendent la succession d’un défunt, ils contractent une obligation personnelle de remplacer, laquelle obligation produit en consequence une liypotheque generale sur tous leurs biens en quelques lieux qu’ils soient situez ; néanmoins comme suivant nos propres Maximes, il n’y a point de remplacement de Coûtume à Coûtume, il n’y avoit pas lieu de demander n remploy des biens de Normandie sur des biens situez à Paris, les heritiers aux acquests consentans le remploy des propres sur les acquests de Normandie.

Pour la seconde question j’en parleray sur l’Article suivant ; mais toute la contestation tomba sur ce point, à sçavoir si les heritiers aux meubles et acquests pouvoient Bbliger les hecitiers aux propres qui étoient tous situez en Normandie, à la contribution aux dettes ; Comme il étoit important pour la décision de ce different de regler le domicile du feu sieur de Breteville, les parties n’en convinrent pas ; mais il étoit constant que son véritable domicile étoit à Paris.

Les heritiers au propre disoient que par la Coûtume de Normandie les propres étant exempts. de contribuer aux dettes, la Coûtume de Paris ne peut les y obliger ; que l’action pour dé charger les propres du défunt du payement de ses dettes est purement réelle, et ne se doit regler que par l’usage et la Coûtume de leur situation ; que rien ne peut être mis en parallele contre la Coûtume des propres, quand il s’agit de leur impuser une charge, et que le payement les dettes n’est pas une action personnelle, mais une action de partage, dautant qu’en demandant la contribution il n’y a rien que de réel, la personnalité ne s’y trouvant nullement, que l’action d’un heritier aux acquests contre un heritier au propre est partant une action réelle, qu’il y a bien de la difference de laction du creancier contre lheritier, et de celle de lheritier aux acquests contre lheritier des propres, qui n’est qu’une action réelle pour fait de succession qui n’a point d’obligation ny de contrainte acquisé in personam de l’heritier au propre, mais seulement in rem, que c’est une erreur de dire que les actions personnelles d’un défunt se reglent par la Coûtume de son domicile, et qu’il y a grande différence entre l’actif et le passif d’une, ccession ; que véritablement les actions personnelles d’un défunt pour le recouvre-ment de ce qui luy est dû suivent la Coûtume de son domicile, mais autre chose est pour les dettes passives, qui est de rejetter les dettes sur les propres, il n’y a rien que de réel et non sujet aux regles du domicile, que vouloir transmettre l’obligation personnelle d’un défunt à ses heritiers est chose captieuse, il y a toute différence, le creancier a son hypotheque par tout, et les heritiers entr’eux doivent suivre l’usage et la Coûtume de la situation, il s’agit donc entr’eux de modo succedendi ; et de plus, que quand le domicile de Mr de Breteville seroit à Paris, ce seroit une consequence fausse que de dire que celuy de l’heritier y est aussi, et sur ce les heritiers aux acquests alléguent que les Coûtumes sont réelles en ce qui dépend de la simple disposition de la Coûtume, et non lors qu’il y a de la disposition de l’homme qui attire l’hypothecaire et la réelle. Il répond qu’il n’y avoit point de disposition de l’homme, n’y ayant eu aucune convention par Contrat que les heritiers des acquests feroient contribuer aux dettes ceux des propres, et ainsi la disposition de l’homme manquant il faut de necessité suivre la realité de la Coûtume, et s’agissant de rejetter les dettes sur les propres, c’est le vray cas de la realité de la Coûtume, qu’ils tachent de bailler le change quand ils disent que s’agissant du payement des dettes, il s’agit de sçavoir si l’heritier des propres a une action en vertu de l’usage de Normandie contre les heritiers des acquests, et si cette action s’exercera dans la Coûtume de Paris en la soûmettant à cet usage de Normandie, mais que ce n’est pas là le fait de la Cause, que lesdits heritiers aux acquests sont Demandeurs, et ledit Vallognes Défendeur, et ainsi que ce n’est pas luy qui fera sortir la Coûtume de Normandie hors de son érritoire, mais les Demandeurs qui veulent faire sortir la Coûtume de Paris hors ses limitess et sur ce que les Demandeurs objectent que les rentes constituées sont dettes personnelles, et gue le creancier se peut vanger sur tous les biens de la succession, le Défendeur dit qu’il a été répondu que l’action du creancier n’a point de rapport avec les divers heritiers, l’heritier aux ropres de Normandie a son indemnité des dettes sur les heritiers aux meubles et acquests, non seulement pour ce qu’il profite de la succession, mais encore au de-là des forces d’icelle s’il s’est porté heritier pur et simple, et quand il n’est qu’heritier beneficiaire, il faut que tous les meubles et acquests soient épuisez pour la garantie des propres ; que quand le Défendeur viendra prendre des propres à Paris, il faudra qu’il contribué aux dettes à proportion desdits ppopres de Paris seulement, mais que pour ceux de Normandie il est ridicule aux heritiers des acquests de pretendre exercer un recours sur eux pour les rendre contribuables aux dettes, qu’il n’est pas permis d’abandonner les acquests de Normandie et se tenir à ceux de Paris. sous pretexte de la succession ouverte à Paris ; et comme en Normandie les meubles et acquests sont sujets à l’indemnité des propres, il faut que l’heritier des meubles et acquests acquite toutes les dettes en liberant les propres ; répondant à l’objection qui luy est faite, que Godefroy, l’un des Commentateurs de la Coûtume de Normandie dit qu’entre divers heritiers ils contribuent au payement des dettes ; le Défendeur répond que cela se pratique entre les aeritiers paternels et maternels du défunt, et non entre des heritiers les uns aux acquests et les autres au propre, que par l’Article 106. du Reglement de 1666. les propres doivent être remplacez sur tous les acquests pour montrer qu’ils y sont tous sujets, que la décharge des propres de contribuer aux dettes se trouvera d’autant plus juste, que la pluspart d’icelles sont dûës à cause desdits acquests ; or cela est certain dans les Coûtumes même qui veulent la contribution entre divers heritiers, et où il n’y a point de remplacement comme en Normandie, que les heritiers des meubles et acquests sont seuls tenus des dettes pour raison des mêmes acquests, suivant l’opinion de Me Guy Coquille sur l’Article 4. de la Coûtume de Nivernois quile confirme par plusieurs Textes de Droit, parce que les dettes de la chose faites et privilegiées sur icelles doivent être préférablement acquitées par la chose même, que si cela a lieu dans la Coûtume où il y a contribution, à plus forte raison doit-il avoir lieu dans les Coûtumes dont la realité doit être suivie, comme celle de Normandie pour l’indemnité des propres. a quoy il fut répondu par les Demandeurs, que dans toute la Coûtume de Normandie il n’y a pas un mot qui dife que les propres ne contribuent point aux dettes, les Com-mentateurs ont bien dit qu’il se fait un remplacement des propres alienez sur les acquests, au moyen duquel les propres sont exempts des dettes ; mais supposé que cela fût constant, ce remplacement ne pourroit être fait que sur les biens acquis en Normandie, car autrement ce seroit une action de recours que les heritiers au propre exerceroient en vertu de la Coûtume de Normandie sur des acquests situez en celle de Paris, ce qui ne se peut atrendu la realité des Coûtumes, et que le pouvoir de chacune est borné par ses limites ; et ce que le Défendeur dit, que quand l’heritier des acquests fait une action contre celuy des propres pour le faire contribuer aux dettes est leur vouloir imposer une charge, n’est pas vray, parce qu’elle étoit imposée par l’obligation de Mr de Breteville, qui en contractant affecta tous ses biens au payement de ses dettes ; et quand l’heritier des propres allégue qu’il en doit être exempt au moyen dn remplacemont qui se fais des propres alienez sur les acquests, ce n’est qu’une action en recours qu’on ne peut exercer en vertu de la Coûtume de Normandie hors ses limites.

Les heritiers des meubles et acquests pretendent aussi que l’Article CCCCVIII. de la Coûeume de Normandle étant sous le Titre du Doüaire, n’a relation qu’entre le mary et la femme, mais l’explication des Arrests est contraire ; de sorte qu’il est vray de dire qu’il n’y a point d’acquests qu’aprés le rempbacement dos propres, mais il ne faut pas pretendre que cela s’étende sur les acquefts faits hors la Normandie, ny même sur les meubles quand la succession n’y est point ouverte, et que celuy de la succession duquel il s’agit n’y étoit point domicilié. Lal Maxime qui veut que les meubles et les acquests se reglent suivant la Coûtume du domicile fait encore oontre les heritiers du propre, parce que deux choses sont certaines ; la première, que Mr de Breteville avoit son domicile à Paris ; la seconde, que la Coûtume de Paris n’ordonne point ce remplacement, et partant les heritiers des meubles et acquests abandonnant les immeubles seis en Normandie doivent être déchargez de cette action : Les mêmes raisons ont encore une consequence plus forte pour décider la question du payement des dettes, dautant qu’il n’y a point d’Article dans la Coûtume de Normandie qui fonde la pretention de l’heritier au propre, mais seulement un usage qu’il est bien plus aisé de renfermer dans les limites de la Province que l’on ne feroit un Article pracis ; en tout cas l’on ne peut donner plus à la Coûtume de Normandie, que de luy prêter les Articles des autres qui ont un usage pareil, comme sont Mantes, Senlis, Bourbonnois, Amiens ; mais la disposition de ces Coûtumes est conçûë en termes affirmatifs, en sorte qu’il n’y en a aucune qui dife que les propres ne peuvent être tenus des dettes, point d’Article negatif, comme celuy qui dit que les héritages ne peuvent être chargez du doüaire au de-là du tiers, ainsi rien qui se puisse appeller réel, rien qui fasse partie de l’immeuble, rien qui fasse dire que le propre est exempt du payement des dettes, ces Coûtumes disent que l’heritier des meubles doit les dettes, et de-là l’on induit, que l’heritier des proprés ne les doit point, et cela per accidens, que le propre en est exempt, et non pas primariâ et per st, donc le propre scis en Normandie n’a point en soy de privilege, point de réel qui soit attaché à sa situation, mais seulement il s’en trouve exempt quand l’heritier des meubles et des acquests y est obligé, ce qui est toûjours vray quand le domicile de celuy de la succession duquel il s’agit est en Normandie ; car alors la succession fe reglant suivant cette Coûtume, l’heritier aux acquests doit les dettes, et au contraire cela ne doit point être vray quand le domicile est dans une Coûtume qui en dispose autrement, comme celle de Paris ; car alors comme dans cette Coûtume l’heritier aux meubles n’est assujetty aux dettes qu’à proportion de son émolument, cette presupposition qui fait lexemption des propres de Normandie ne se trouve plus, il n’y a plus de lieu de les dire exempts des dettes, uis qu’il n’y a point de personne que la Coûtume ait eu droit d’assujettir à les payer, il y a bien un heritier des meubles, mais la Coûtume de Normandie n’a pas lieu de luy rien ordonner, parce que le domicile du défunt n’est pas dans son détroit, l’heritier des propres de Normandie n’a pas droit de se servir contre luy de l’usage du païs, parce que ce n’est pas une loy écrite pour les propres scis en Normandie, c’est une loy écrite pour des meubles qui n’ont point de situation et point d’autre regle que celle du domicile.

Le Défendeur convient que s’il y avoit des propres à Paris et en Normandie, il ne seroit tenu de contribuer aux dettes que pour les propres de Paris, la même consequence se tire pour les heritiers aux acquests, que s’il y en avoit à Paris et en Normandie, il n’y auroit ue les acquests qui y sont situez sujets au remplacement ; puis donc qu’il seroit bien permis aux heritiers des propres de n’abandonner que ceux situez à Paris à la contribution, sans que ceux de Normandie y pussent être sujets à cause de la realité des Coûtumes, par la même raison les heritiers des acquests ne pourroient pas être obligez de soûmettre audit remplacement d’autres acquests que ceux de Normandie.

Que si ces mots de l’Article 107. du Reglement de 1666. seront remplacez sur tous les acquests immeubles, s’entendoient sur ceux situez en la Coûtume de Paris elle auroit un pou voir bien ample, et les autres ne seroient plus réelles ; mais les Demandeurs se servent de ce même Article 107. quand il admet le remploy des propres sur les acquests, ce n’est que quand les uns et les autres sont situez en la Coûtume de Normandie, laquelle ne peut porter sa disposition ailleurs. L’Article 67. du même Reglement est conçù en ces termes ; Les beritages se partagent selon la Coûtume des lieux où ils sont situex lors de la succession échuë, et non selon la Coûtume des lieux où étoient situez ceux ausquels ils sont subrogez ; D’où il resulte que la Coûtume prohibe ledit remplacement, quand les propres et les acquests sont situez hors le détroit de la Coûtume de Normandie. Aussi suivant l’avis des plus celebres Avocats de Normandie, attesté par Mr le Procureur General dudit Parlement, c’est une Maxime et un Usage certain en ladite Province que quand il y a differens heritiers, les uns aux propres, fé et les autres aux meubles et acquests, le remplacement des propres se fait sur les acquests, uand les uns et les autres sont situez en la même Province et sous la même Coûtume ; mais ti quand les uns et les autres sont sous d’autres Coûtumes cet ordre cesse, et l’on y tient pourm pareille Maxime et Usage non contesté, qu’il n’y a point de remplacement de propre sur acquests de Coûtume à Coûtume, et qu’en ce cas les biens sont partagez entre les heritiers au propre et ceux des acquests selon la Coûtume des lieux où ils sont situez, et de même que les prores alienez en la Coûtume de Normandie ne peuvent être remplacez sur les acquests situez hors de fon détroit, l’on n’y reçoit point aussi l’action de remplacement desdits propres alienez hors ladite Province sur les acquests faits en icelle ; par Arrest du 7. de Decembre 1673. n la Grand. Chambre du Parlement de Paris, au Rapport de Mr du Laurens, ledit Vallognes fut condamné de contribuer au payement tant du principal que des arrerages des dettes sont la succession dudit feu sieur de Breteville se trouvoit chargée, et ce pour telle part et portion que ledit Vallognes profitoit desdits propres ; et pour connoître ce que chacun des heritiers au propre et des heritiers aux acquests devoit porter desdites dettes, on ordonna qu’estimation et ventilation seroit faite des propres, meubles et acquests. Il est certain que les heritiers aux meubles et acquests tiroient avantage fort mal à propos de la Consultation des Avocats de Normandie ; ils attestoient seulement que l’usage étoit qu’il n’y a point de subrogation de Coûtume à Coûtume, et que l’on ne pouvoit pas demander le remploy d’un propre scis en Normandie sur des acquests scis à Paris ; mais il ne s’ensuivoit pas de cette Maxime que les propres de Normandie dûssent contribuer aux dettes avec les acquests situez à Paris ; car rien n’est plus contraire à l’esprit de nôtre Coûtume et à nos Usages, suivant lesquels les propres sont entièrement déchargez des dettes contractées par celuy de la succesfion duquel il s’agit : Il est vray que par l’Article 234. de la Coûtume de Paris, les heritiers ux propres contribuent avec ceux des acquests au payement des dettes, mais il ne doit avoir lieu que quand tous les biens generalement, meubles, acquests et propres, se trouvent situez sous la Coûtume de Paris, tous les Commentateurs de cette Coûtume demeurans d’accord qu’il n’a point d’extension dans les autres Coûtumes qui ont des dispositions ou des Usages contraires : Donc la Coûtume de Paris ne pouvant sortit hors de ses limites, et les ropres de Normandie devant être déchargez des dettes par les meubles et acquests, elle ne reut jamais s’appliquer ny faire regle pour les biens de Normandie.

Ce fondement posé, que la Coûtume de Paris ne peut avoir d’empire ny de pouvoir sur les propres situez en Normandie, l’Arrest est tout à fait contraire à la Coûtume de Normandie ; car on objecteroit inutilement que la Coûtume de Normandie ne peut pas faire loy pour les meubles et les acquests qui sont à Paris. On convient de ce point ; mais on répond que ce n’étoient pas les heritiers aux propres qui atraquoient les heritiers aux meubles et acquests, ils étoient en une paisible possession de leurs propres, et les creanciers du sieur de Breteville ne leur demandoient rien ; c’étoient donc les heritiers aux meubles et acquests qui les attaquoient, et qui demandoient la contribution aux dettes par les propres, et qui par consequent touloient que la Coûtume de Paris fist loy sur des propres de Normandie : Ils ne pouvoient donc être traduits hors leur Jurisdiction pour leur faire changer de Loix et de Coûtumes, puis que ce n’étoit qu’à raison des propres de Normandie que l’on avoit action contr’eux, et que ces propres ne pouvoient être reglez par d’autre loy que par celle de leur situation. Ils venoient donc attaquer la Coûtume de Normandie dans son propre détroit, et ils vouloient porter celle de Paris hors de son térritoire pour la faire régner en Normandie.

Il est impossible dans les regles qu’en fait de realité de Coûtumes d’on puisse se dispenser de suivre la Coûtume de la situation des biens, quand ce n’est qu’à raison des mêmes biens que la demande est fondée ; et c’est pourquoy l’on disputoit en vain la quelle des deux Coûtumes doit être la plus forte, parce qu’il ne se doit jamais faire de combat de Coûtumes que pour les actions purement personnelles et mobiliaires, mais non pas pour les actions réelles ainsi dans les regles il ne falloit suivre la Coûtume de Paris qu’en cas qu’il y eût des propres dans son térritoire, mais n’y en ayant point, il n’étoit pas juste d’étendre sa disposition sur les propres qui avoient tous leur situation en Normandie.

Quoy qu’il soit vray que les dettes doivent être acquitées sur les meubles et sur les acquests, neanmoins lors qu’il v a de differens heritiers, chaque succession doit porter sa charge ; c’est à dire que si la succession dés propres est chargée de quelques dettes, l’heritier aux acquests n’est point tenu de l’acquiter ; ainsi jugé en la Grand. Chambre le 19. d’Aoust 1659. entre les hetitiers au propre de feu Mr Veron Conseiller en la Cour, et ses heritiers aux acquests : La uccession des propres étoit chargée de vingt livres de rente, les heritiers des propres soûtenoient que les heritiers des acquests les devoient décharger, n’y ayant point d’acquests que es propres ne soient en leur entier : que si l’on avoit vendu des propres pour acquiter cette rente, le prix en seroit repris sur les acquests ; mais l’on jugea que les successions devoient e partager en l’état qu’elles se trouvoient, que chaque succession devoit porter sa charge, et que n’y ayant point d’alienation il ne falloit point de remploy ; plaidans Dehors, et de Cahagnes.

Que s’il étoit question de reprendre le propre maternel lur la masse de la succession, en ce cas les heritiers paternels et ceux des acquests contribueroient au marc la livre, pourvû que ce ne fût pas une dot qui eût été reçûë et constituée par celuy de la succession duquel il s agit, car cette dot seroit entièrement levée sur les acquests et sur les meubles.

L’Article 65. du Reglement de 1666. qui contient que le remploy des propres doit être fait au lol la livre sur les immeubles acquis constant le mariage, a terminé la question agitée par Me JosiasBerault , et par Me JacquesGodefroy , sçavoir sur quels conquests le remploy des propres doit être fait, lors qu’il y en a en bourgage et hors bourgage ; Elle s’offrit en l’année 1651. en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de la Place Ronfeugeres, et les Juges s’étant trouvez partis en opinions, l’affaire fut encore partagée en la Grand. Chambre, et enfin aux Chambres assemblées il passa à dire que le remploy des propres seroit pris au sol g a livre sur les acquests tant en bourgage que hors bourgage, entre le Cauchois et Godebin et sur cet Arrest l’on a formé ledit Article 65. du Reglement de 1666.

Il reste à expliquer sur quelle valeur le remploy doit être fait, si c’est sur le prix des Contrats d’alienation ou sur la juste estimation du propre au temps du denez de celuy de la suc-ression duquel il s’agit. La question en fut plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 13. de May 1636. entre le sieur Morel, Tresorier de France à Caen, heritier aux meubles et acquests du sieur de Janville, Conseiller au Presidial de Caën, et les heritiers au propre : On disoit pour l’heritier aux acquests que le remploy ne doit être fait que sur le prix des Contrats qui ont été faits sans fraude, dautant que chacun étant le maître de son bien il peut en disposer à sa volonté, l’heritier doit prendre les choses en l’état qu’elles se trouvent lors que la succession est ouverte, qu’il n’a point d’action réelle pour demander les conquests, mais une action simple pour demander le remploy qui ne consiste qu’en deniers, et pour être remboursé du prix que le défunt même a mis à la chose par son Contrat, qu’au temps de la vente il étoit incertain si le défunt auroit des enfans ou non, il ne sçavoit s’il auroit divers heritiers, que les dispositions de droit au titre de legatis et fideicom. et de restit. hered. qui obligent ceux qui alienent à rétablir les choses venduës, sont fondées sur ce que ces choses-là sont sujettes à restitution, et que l’on n’est pas le véritable seigneur et proprietaire de la chose que l’on est obligé de restituer, que restitutioni subjacent non alienantur. Authent. restitutioni C. Communia de leg. et fideicom. mais celuy qui est le maître absolu de son bien en peut disposer à sa volonté

L’heritier au propre répondoit que la Coûtume a voulu que les acquisitions ne fussent reputées conquests que le propre aliené ne fût remplacé, que cet Article étant conçù en ces termes negatifs ne sont, il semble que ce remploy doit être fait en même substance, en fonds q et non en deniers, qui de pretio rerum venditarum alias comparat diminuisse non videtur, sed inde quod comparatum est vice permutati dominii restituitur, & illud non absumitur quod in corpore patrimonii retinetur, l. Imperator, S. ult. et l. sed. de leg. 2. l. sed, et si 25. de petit. hered. Si l’on remplaçoit en deniers, l’heritier aux acquests auroit un grand avantage, ce qui auroit été vendu à vil prix vingt ou trente ans auparavant, s’il étoit encore en essence vaudroit la moitié davantage, les conquests peuvent avoir aussi augmenté de valeur, ainsi l’heritier au propre perdroit, et l’heritier aux acquests y profiteroit, ce qui seroit contre l’intention de la Coûtume, qui a voulu conserver les anciens biens dans les familles, et celuy qui voudroit faire avan-gage à son heritier aux acquests vendroit ses propres à bon marché afin de rendre moindre l’obligation du remploy, et par ce moyen les heritiers au propre qui sont du nom et de le amille seroient prejudiciez ; la Cause fut appointée au Conseil, et depuis par Arrest du 28. de Février 1637. au Rapport de Mr Huc, il fut dit que le remploy seroit fait sur le prix de la vente seulement,

On avoit jugé le contraire par un Arrest du 22. de Février 1630. et depuis il a été jugé de même par un autre Arrest du 28. d’Avril 1654. au Rapport de Mr Auber, mais apparemment la Cour se fonda sur quelques raisons particulières ; car puis que les acquests ou les meubles n’ont pû être augmentez que du produit de la vente des propres, il n’est pas juste que l’heritier aux meubles et acquests restituë davantage, ce n’est pas luy qui a profité du bon marché que le défunt a fait de ses propres, c’est l’acquereur seul, et il est tres-vray que l’heritier au propre n’a d’action que pour demander à l’heritier aux acquests le prix dont la masse des meubles ou des acquests est accruë : Aussi par Arrest du mois de May de l’année 1644.

I fut jugé que le remploy des propres paternels et maternels alienez par le défunt seroit fait d suivant les prix portez par les Contrats de vente sur ce qui se trouveroit d’acquests, et le surplus sur les meubles que le mary avoit leguez à sa femme, si elle ne vouloit renoncer à son legs et à ce que la Coûtume et son Contrat de mariage luy donnoient, auquel cas elle étoit déchargée du remploy, tant du propre que de la dot, en contribuant à la moitié des dettes mobiliaires, à la réserve des frais funeraux : sa dot étoit consignée par son Contrat de mariage.

Pour le remploy des biens de la femme vendus par le mary, il se doit faire suivant l’Article 125. du Reglement de 1666. et il est au choix de la femme de se contenter du prix de la vente, ou de demander le juste prix de ses héritages. Il est tres-juste de luy donner cetten option ; car son mary n’étant pas le maître de son bien, on doit luy en rendre la juste valeur u temps du decez du mary ; l’heritier au propre n’a pas la même faveur, car celuy qui a vendu étoit le maître de la chose.

Bien que les heritiers aux acquests ne soient tenus qu’au remploy du prix des Contrats de

vente, ils sont neanmoins obligez de les remplacer, quoy que cela excede la valeur des acquests, comme aussi les legataires universels lors qu’ils n’ont point fait d’inventaire, cela a tté jugé plusieurs fois ; Arrest du 12. de Decembre 1614. en la Grand-Chambre, contre Marit de Gras. Autre Arrest au Rapport de Mr de Vigneral, du 22. d’Aoust 1634. Autre Arrestau Rapport de Mr de Galentine, entre Cabeüil et Baudoüin, du 18. de Decembre 1638. ouivant la jurisprudence commune du Parlement de Paris, l’action pour le remploy des propres alienez, même au cas qu’il échet de la prendre sur les immeubles, est neanmoins ensée mobiliaire, et en cette qualité appartient aux heritiers aux meubles, par cette raison que pour juger de la nature de ce qui peut revenir d’une action, l’on ne considère pas sur quelle sorte de bien elle est à prendre, mais seulement ce qui en peut revenir, de sorte que si elle va à évincer des mains de quelqu’un un héritage, elle est censée immobiliaire ; si au contraire l’on demande une somme d’argent, quoy qu’on la pretende sur un immeuble, elle ne laisse pas d’être reputée mobiliaire, jus ad mobile inter mobilia computatur, Loüet etBrodeau , l. R. n. 30Bouguier ,. R. n. 1. LePrêtre , Cent. 2. c. 49. Ricard sur l’Article 232. de la Coûtume de Paris, et Fresne du Fresne, en son journal d’Audiences, l. 6. c. 19. et 20. rapportent un Arrest par lequel il été jugé que les actions pour le remploy des rentes propres remboursées pendant la communauté d’une mere mineure, étant depuis sa majorité dévoluës à son fils son hetitier étoient mobiliaires, et ne retournoient point aux parens du côté et ligne dont les rentes étoient procedées

Mais comme parmy nous le remploy des propres alienez doit toûjours être fait necessairement, non solum jure societatis, sed jure hereditario, et que la fin pour laquelle ce remploy est ordonné, est la conservation du bien dans les familles, cette action est toûjours immobi faire, et appartient aux heritiers aux propres. Aussi cette action ne tend pas à demander la restitution du prix du propre aliené, mais pour avoir un fonds et une pareille substa nce.

Quoy que nous favorisions si fort le remploy des propres, il ne se fait pas neanmoins l’infiny, c’est seulement dans la succession qui est ouverte et qui se partage entre divers heritiers, et l’on ne remplace point les propres alienez par celuy auquel celuy de la succession duquel il s’agit avoit succedé, comme il fut jugé entre M Roque, sieur de Varengeville, Conseiller en la Cour, et le sieur Voisin sur ce fait. Le sieur Voisin étoit heritier de la Demoiselle Voisin sa niéce, femme du sieur de Vanicroq ; le sieur Voisin disoit qu’avant le ma-riage du pere de sa niéce avec la Demoiselle Deshayes, que son pere avoit épousée depuis, y avoit pour huit cens livres de conquests où ladite Deshayes avoit pris part, et que par con sequent elle devoit contribuer au remploy de trois cens livres de propres alienez par son prenier mary ; mais il fut jugé que ce remploy n’étoit point dû vû la confusion qui s’étoit faitt en la personne de ladite Voisin, lors qu’elle étoit devenuë héritière de ses pere et mere, ce qui avoit éteint l’action qu’elle auroit euë contre sa mère, si elle l’avoit exercée avant qu’elle fût devenuë son heritiere, ce qui rendoit l’heritier de cette fille non recevable à pretendre un droit qui ne subsistoit plus.

Enfin il faut remarquer que cette action n’a point lieu en ligne directe, de sorte que si le mary avoit vendu le bien de sa femme, le remploy s’en feroit sur tous ses biens generale. ment ; ainsi jugé au Rapport de Mr de Brinon, au mois de Juillet 1656. entre le sieur de Villarseaux et autres.


CCCCIX.

Deniers provenans de raquits de rente, de quelle nature, meubles ou immeubles.

Et où les deniers provenans du raquit desdites rentes n’auront été remployez cors du decez, ils ne sont censez meuble, mais immeuble, jusques à la concurrence des propres, qui appartenoient au mary lors dudit mariage.

Cet Article est contraire à la jurisprudence du Parlement de Paris, où suivant le témoignage de M’Bouguier , l. R. n. 1. l’on tient pour une regle tres-véritable, que quoties agitur de jure succedendi, non de jure societatis, étant la chose trouvée en nature de meuble, où n’ayant amais été employée, les successions se devant regler selon la nature mobiliaire ou immobiliaire, qui se rencontre aux choses dont il s’agit étant les successions échués Dette jurisprudence du Parlement de Paris contraire à cet Article, fit naître une contestation entre les heritiers aux propres et ceux des meubles et acquests de fen M de Breteville, Conseiller au grand Conseil, sur laquelle Messieurs du Parlement de Paris fe trouverent partis en opinions.

Mr de Breteville avoit douze cens trente et une livres dix sols de rente, qui luy apparte noient d’ancien propre sur les Gabelles de Normandie ; elles furent supprimées par Declara tions du Roy, des mois de Janvier et Février 1669. et Mr de Breteville mourut le 30. de May de la même année, mais la liquidation du remboursement ne fut faite qu’au mois de

Février 1670. Les heritiers aux meubles et acquests pretendirent que la somme de six mille cinq cens livres à laquelle le remboursement desdits douze cens trente et une livres dix sols de rente avoit été liquidé leur appartenoit comme purement mobiliaire ; ils disoient pour le prouver que cet Article, se devoit expliquer par l’Article 513. de la même Coûtume, et qu’il ne devoit avoir lieu qu’à l’égard des deniers remboursez pour des immeubles appartenans à des mineurs, ou destinez pour le doüaire d’une veuve, à l’égard desquels et de leurs heritiers tels deniers gardans toûjours leur qualité d’immeuble, et non entre majeurs heritiers d’un défunt, qui partagent sa succession en létat qu’elle se trouve ; ainsi c’est assez de justifier que ceux dont il s’agit sont purement mobiliers. Pour cet effet il faut considerer qu’au jour du décez de feu Mr de Breteville, ces rentes ne subsistoient plus par lextinction qui en avoit été faite par la volonté du Roy, au moyen de laquelle extinction il ne restoit plus audit sieur de Breteville que l’esperance, ou si lon veut laction pour recevoir son remboursement ; cette esperance ou cette action, quoy qu’il n’y en ait pas contre le Roy, ne pouvoit être reputée qu’un effet mobilier qui suivoit le domicile, et qui par consequent appartenoit à lheritier des neubles ; et bien que le remboursement n’ait été fait qu’aprés le decez du sieur de Breteville, les rentes ne laissoient pas d’être éteintes dés le moment qu’il a plû au Roy de les supprimers parce que lon n’observe pas la même chose à l’égard du Roy qu’à légard d’un particulier : lors qu’un particulier doit une rente elle subsiste toûjours jusqu’à ce qu’elle soit remboursée, les particuliers n’ayans pas la même puissance que Sa Majesté d’éteindre un droit ou une rente par leur seule volonté, si bien que quand le Roy a prononcé la suppression d’un droit ou d’une rente, cette suppression éteint tellement la rente ou le droit qu’il n’en reste plus de vestige t’on peut dire en cette rencontre qu’il en est de même comme lors qu’un particulier vend son héritage ; car encore que le prix n’en eût point été reçû, et que l’acheteur eût promis seulement de le payer, la vente ne laisse pas d’être parfaite, et le vendeur qui auparavant étoit propriétaire de l’héritage n’a plus qu’une action mobiliaire contre l’acheteur pour le payement du prix : a cela l’on oppose l’Article CCCCIXx. de la Coûtume de Normandie, mais l’application n’en est pas juste, parce qu’il ne s’agit que de l’asseurance du doüaire des femmes, comme on le peut induire des Articles precedens ; et d’ailleurs il faudroit que le rem-poursement de la rente dûst être fait dans la Coûtume de Normandie, parce que quand elle repute les deniers du remboursement des rentes un immeuble, ce n’est que par une disposition particuliere, qui ne peut avoir lieu dans une autre Coûtume dont la disposition ne sera pas semblable : or outre que les parties ne se rencontrent pas toutes dans la Coûtume de Normandie, parce que les heritiers aux meubles suivent le domicile du défunt, les deniers du remboursement de la rente ne se trouvent pas aussi en Normandie, puis que ledit rempoursement est assigné sur le Tresor Royal qui est à Paris, dont la Coûtume ne repute point le rachapr des rentes ny ces sortes de remboursemens pour une chose immeuble, non pas même à l’égard de la femme, il s’ensuit que la Coûtume de Normandie quand même elle seroit indefinie, ne peut pas rendre immeuble ce qui est meuble dans la Coûtume de Paris.

Il ya de plus, quand les deniers du remboursement dont il s’agit se seroient trouvez en Normandie lors du décez du sieur de Breteville, toutefois étant domicilié à Paris le rembourse-ment seroit considéré comme un effet mobilier, sans avoir égard à sa source ; la raison est que la succession est quverte dans une Coûtume en laquelle ces sortes de deniers sont mobiliers, cette disposition a son étenduë dans toutes les autres Coûtumes, dautant que ce que Coûtume du domicile peut rendre mobilier, ne sçauroit être d’une autre nature par les autres Coûtumes, ne pouvant y avoir qu’une seule et unique succession de meubles, et une sorte de meubles sans division.

Les heritiers confirmoient ces raisonnemens par l’autorité des choses jugées ; ils s’aidoient de l’Atrest rapporté parBerault , sur l’Article CCCCCXIV. de la Coûtume, par lequel les deniers provenus de la vente d’un Office fuyent déclarez meubles : De deux Arrests du Parlement de Bretagne rapportez par Frain, Plaidoyer 21. par lequel les deniers en succession collaterale ont été jugez devoir être partagez comme meubles, bien qu’ils fussent procedez d’héritage et de tronc commun : L’autre Arrest, par lequel il a été jugé que les deniers procedans de la vente des biens du pere en la succession du fils étoient meubles ; et de plusieurs Arrests du Parlement de Paris rapportez par MrLoüet , l. D. n. 30 Au contraire l’heritier au propre répondoit que les rentes sur les Gabelles étans propres au feu sieur de Breteville, elles devoient être reglées dans sa succession suivant la Coûtume de Normandie, où elles ont leur situation, et qu’elles ne peuvent appartenir qu’à ses heritiers aux propres, puis que quand le rachapt en auroit été fait audit défunt de son vivant, si les deniers de ce rachapt se trouvoient en essence au jour de sa mort ils seroient reputez propres dans sa succession, comme les rentes mêmes dont ils sont provenus, le rachapt même qui en auroit été fait aux mains du sieur de Breteville n’en auroit point changé la nature de propres, les heritiers aux meubles sont obligez de conyenir de cette vérité, que si lesdites rentes étoient en nature lors du decez du sieur de Breteville ils n’y auroient pû rien pretendre, mais ils disent qu’elles n’étoient plus en nature de rente, à cause que le Roy en avoit ordonné le remboursement, et que cette Ordonnance doit opeter le même effet que si elles avoient été rachetées : Il y a grande différence entre ordonner qu’un rachapt de rente sera fait et faire actuellement le rachapt, la simple volonté de racheter n’est pas reputée pour l’effer, et jusques à ce que le rachapr ait été actuellement fait la rente subsiste et ne change point de nature ; mais supposé que par fautorité du Prince le cours des arrerages eût été arrété, et qu’il ait été converty en interest au denier vingr jusques au 8. de Fevrier 1670. que la liquidation du remboursement a été faite, cette Ordonnance du Roy ne change point la nature des rentes, et la fiction ue veulent faire les Demandeurs en disant que l’intention du Roy de faire le rachapt doit enir lieu de remboursement actuel, est une fiction contraire à la volonté du Roy, qui bien loin de faire passer son Ordonnance de rachapt pour un rachapr actuel, a tellement reconnu que cela ne pouvoit être que Sa Majesté a ordonné le payement des interests qui n’auroient pas été payez si la destination du remboursement eût tenu lieu de remboursement actuel.

Mais l’Article CCCOIx. de la Coûtume de Normandie decide cette question en termes formels, cette sage Coûtume repute les deniers provenus du rachapt d’une rente propre de la même nature que la rente, pour retourner aux mêmes heritiers à qui la rente auroit appartenu si le rachapt n’en étoit pas fait, et l’on ne peut pas dire que cette disposition de la Coûtume de Normandie n’ait lieu qu’à l’égard de la femme pour l’exclure de rien prendre u propre de son mary, ny aux deniers qui en sont provenus, puis que Berault asseure que cela se pratique aussi entr’autres heritiers, de maniere que les deniers provenus de l’acquit des rentes ou de la vente des propres trouvez en essence lors du decez du vendeur seront reputez de la même nature que les choses d’où ils sont provenus ; supposé donc que l’Ordonnance du Roy pour rembourser tienne lieu de remboursement actuel, et que les deniers en soient demeurez entre les mains du Roy depuis le decez du sieur de Breteville, il est constant que les deniers sont de la nature des propres ou des immeubles comme seroient les ren-tes, si le rachapr n’avoit point été ordonné, soit donc que lesdites rentes soient considerées comme rentes existentes et non rachetées, soit qu’elles soient considérées comme rachetées par fiction à cause de l’Ordonnance du remboursement dont les deniers se sont encore trouvez en essence entre les mains du Roy lors du decez du sieur de Breteville, il est imposs ple que les beritiers aux acquests y puissent rien demander. Sur cette question les Juges se trouverent partis en opinions, le 7. de Decembre 1673. en procedant au jugement des autres questions d’entre les Parties dont il a été parlé en l’Article precedent, au Rapport de Mr du Laurens, dont l’avis étoit que les deniers dudit remboursement étoient un propre qui devoient être ajugez aux heritiers au propre.

Si les Juges n’eussent été prevenus de leurs Maximes, cette question ne pouvoit être douteuse en faveur de l’heritier aux propres, les rentes étant assignées sur les Gabelles de Nor-mandie, et par consequent y ayant une situation réelle, le domicile du creancier ne pouvoit faire la regle du droit de succeder à l’égard de ces rentes, comme il ne la faisoit pas à l’égard des autres immeubles ; et lon disputoit en vain si l’Ordonnance de rembourser operoit un remboursement actuel, puis que quand le sieur de Breteville auroit actuellement de son vivant eçû les deniers, néanmoins pourvû qu’ils se trouvassent encore en essence ils ne devoient tre censez meubles : Il est vray que ces deniers-là ne se trouvoient pas en Normandie, et ue par consequent l’on peut dire qu’ils n’étoient pas fous l’empire et sous le pouvoir de la Coûume de cette Province ; on répond que l’assignation du payement sur le Tresor Royal ne faisoit pas sortir la rente de Normandie, et comme cessant l’autorité du Prince on auroit pû demander le remboursement en Normandie, puis que la rente étoit dûë sur les Gabelles de la Province, le fait du Prince ne changeoit point la nature des choses entre les particuliers, de sorte qu’il falloir supposer que ce remboursement se faisoit en Normandie, parce qu’il devoit y être fait ; mais aprés tout, l’on ne pouvoit supposer que le remboursement fût actuellement fait au jour du decez du sieur de Breteville, et l’on ne doit le presumer fait que lors que les deniers ont été actuellement payez et reçûs, ce qui faisoit la décision de la question. gien que cet Article ne parle que des rentes, il s’entend néanmoins aussi des héritages, Berault a dit qu’il n’a été employé qu’à l’égard de la femme, afin que son mary ne la pûst avantager au prejudice des autres heritiers, en gardant les deniers provenus du rachapt de ses entes ; mais il étoit superslu à l’égard de l’heritier aux propres, puis que les propres au défaut d’acquests sont remplacez sur les meubles, de sorte qu’il est indifferent à l’heritier aux propres de ces deniers provenus du rachapt des rentes soient reputez un effet mobilier ou immobilier, puis qu’en toutes manieres ils sont affectez et sujets au remploy des propres ; ce qui peut faire presumer que lors de la Reformation de la Coûtume, il n’étoit pas encore certair si le remploy des propres pouvoit ête pris sur les meubles ; car cela n’étant pas, cet Article étoit fort necessaire pour empescher ses avantages que le mary pouvoit faire à sa femme ; mais maintenant que cette Maxime, que les meubles au défaut d’acquests sont sujets au remploy des propres, est confirmée par tant d’Arrests, cet Article à l’égard de la femme est inutile.

Il ne peut avoir d’usage qu’entre l’heritier aux acquests, la veuve ou les legataires ; car le remploy se faisant premierement sur les acquests, ceux qui succedent à cette nature de biens ont interest de faire valoir cet Article, et que les deniers provenans du rachapt des rentes qui se trouvent encore en essence soient reputez de même nature que les rentes, c’est à dire immeubles, et que par consequent la veuve ou les legataires ne les emportent pas à leur prejudice.

Cependant il semble que l’on n’ait reputé immeubles les deniers provenans du rachapt d’une rente qu’en faveur de l’heritier au propre seulement, et non lors que la contestation arrive entre l’heritier aux acquests, et la veuve ou les legataires, cette question a été décidée en la Grand.-Chambre, où l’affaire avoit été portée sur un partage des Enquêtes l’11. d’Aoust 1665.

Mr Asselin Rapporteur, Mr Bretel Compartiteur, entre Messite Jacques de Harcour, ayant épousé la veuve du sieur de Parfourru, et les heritiers dudit sieur de Parfourru ; le sieur de Parfourru trois jours avant la mort avoit reçû le rachapt d’une rente, une partie des deniers se trouva encore en essence, et pour le reste il avoit pris une obligation ; les deniers furent déclarez meubles au profit de la femme, aprés que le remploy auroit été fait sur les acquests de la même rente, dont elle l’avoit trouvé saisi lors de son mariage : Les termes de cet Article semblent appuyer cet Arrest, ne sont censez immeubles que jusques à sa concurrence des pro-pres qui appartenoient au mary, de sorte que s’il restoit des deniers aprés le remploy fait ils seroient censez meubles ; en effet ils sont un véritable meuble. Or puis que les acquests sont ESPERLUETTEe premier et le plus propre sujet du remploy des propres, il ne faut donner lieu à la fiction et reputer ces deniers immeubles qu’entant qu’il est necessaire pour fournir le remploy des propres.


CCCCX.

Mariez ne se peuvent avantager.

Gens mariez ne se peuvent ceder, donner, ou transporter l’un à l’autre quelque chose que ce soit, ny faire contrats ou concessions par lesquels les biens de l’un viennent à l’autre, en tout ou partie, directement ou indirectement.

Cette prohibition si generale et si absolué que la Coûtume fait au mary et à la femme de l’avantager l’un l’autre en quelque maniere que ce puisse être paroit rigoureuse : Bien qu’un amour pur et desinteressé doive être le principe et la cause de leur union, il ne falloit pas neanmoins leur interdire si absolument tous les moyens d’exercer la remuneration et la gratitude, les raisons qui ont servy de pretexte et de fondement à ces défenses generales ne sont pas assez solides pour être suivies et pour y avoir eu de si grands égards : Il étoit veritablement juste de ne leur permettre pas de se dépoüiller de tous leurs biens par des dona-tions universelles, de crainte que par un amour excessif et aveugle ils ne fussent reduits pans la necessité, sur tout le maniage venant à être dissous par un divorce ; mais outre que l’on ne doit plus apprehender les inconveniens qui pouvoient proceder d’un divorce, les mariages étans indissolubles que par la mort, il étoit aisé d’y apporter le même temperament que l’on a fait pour les autres personnes, en leur accordant seulement la liberté de disposer d’une certaine portion de leurs biens ; ou si l’on craignoit que celuy des conjoints qui seroit le plus amoureux ou le plus liberal ne se vit dépoüillé par les artifices, les. flateries, et les importunitez de l’autre qui n’auroit qu’une amitié mercenaire, on pouvoit n’approuver que les donations à cause de mort et testamentaires, qui n’auroient fait prejudice qu’à des heritiers, pour lesquels l’on ne doit pas avoir des sentimens si tendres que pour une femme ou pour un mary.

Les Loix Romaines ont suivy cette équité, quoy qu’elles eussent interdit les donations entre vifs, entre les conjoints par mariage, afin que l’excez d’un amour reciproque ne les portât pas à se faire des donations immenses, et à se dépoüiller de leurs biens sans mettre aucunes bornes à leurs liberalitez ; neanmoins elles approuvoient les donations à cause de mort et testamentaires, parce qu’elles n’avoient leur execution qu’en un temps où la necessité n’étoit plus à crain-dre, et où la qualité de mary et de femme venant à cesser, la cause de la prohibition n’avoit plus de lieu ; et comme ces mêmes Loix avoient principalement pour but que l’on ne s’enichit pas aux dépens de l’autre, elle ne desapprouvoient pas même entre vifs ces espèces de donations qui ne rendoient pas le donataire plus riche : que et donantem pauperiorem, et accipientem non faciet locupletiorem, l. 5. 5. D. de Donat. inter vir. & uxor. D. ce qui étoit même donné pour aider à obtenir quelque Dignité ne passoit pas pour donation, l. 40. eod.

Quelques Coûtumes de France ont imité cet exemple, elles ont permis aux Gens Mariez de se donner par Testament ; Amiens, Article 106. Mantes, Article 26. Rheims, Article 291.

Noyon, Article S. Lodunois, Ch. 25. Article S. Les autres prohibent toutes donations entre e mary et la femme, soit entre vifs ou testamentaires ; Paris, 282. Orléans, 280. Clermont, 124. Celle de Bourgogne, titre des Droits appartenans à Gens Mariez, Article 7. les pprouve, pourvû qu’elles soient faites du consentement des heritiers ; mais la pluspart ont autorisé les donations mutuelles : Nôtre Coûtume plus rigoureuse, les condamne toutes sant distinction : Il est vray que dans cet Article, elle ne fait point mention de la donâtion testay mentaire, mais elle s’en est expliquée nettement dans l’Article CCCCXXII.

Pour l’éclaircissement de cet Article, il faut distinguer trois sortes de donations qui se font ordinairement pour éluder la disposition de la Coûtume ; la premiere, auparavant les époufailles ; la seconde, par le Contrat de mariage ; et la troisiéme, constant le mariage par des voyes indirectes et obliques, et par interposition de personnes.

La prohibition faite aux conjoints de se donner n’est pas fondée seulement sur les princiles du Droit Romain, que les Jurisconsultes ont rapportées dans les Loix 1. 2. et 3. du titre De Donat. inter vir. & uxor. D. Le Droit François a eu particulièrement cette vûë de conserver les biens dans les familles, et c’est pourquoy il n’est pas permis, comme par le Droit Romain, de rendre cette prohibition illusoire par une infinité de manières ; la donation entre vifs ne seroit pas confirmée par le mort, si le donataire ne l’avoit pas revoquée, puis qu’il est défendu de donner par Testament, et l’on n’examine point si la donation est profitable au donataire, et s’il en est devenu plus riche, il suffit que les biens du donateur en soient diminuez, et c’est pourquoy la Coûtume employe tant de clauses et de termes differens pour rempescher les fraudes, et pour condamner tous les déguisemens et les voyes obliques dont l’on pourroit se servir : Gens mariez ne se peuvent ceder, donner, ou transporter l’un à l’autre quelque chose que ce soit, et faire Contrats ou Confessions, par lesquels les biens de l’un viennent à l’autre en tout ou partie, directement ou indirectement.

Mais quoy que les témoignages et les marques du véritable amour conjugal doivent consister uniquement en une amitié pure et desinteressée, néanmoins l’avarice a trouvé des moyens ài subrils et si ingenieux pour éluder les Loix, que nonobstant toutes leurs precautions il est souvent fort mal aisé de découvrir la fraude et l’obliquité des Contrats.

Premierement on a douté si la Coûtume défendant simplement de donner sans prononcer la nullité des Contrats faits contre sa prohibition, ils ne laissoient pas de subsister ; mais cette difficulté est facile à refoudre ; car la disposition étant conçûë en termes negatifs, suffit-elle pas pour annuller tout ce qui est fait contre sa prohibition, licet consuetudo non procedat ultrâ annullando tamen actus est nullus,Boërius , sur la Coûtume de Berry, titre S. 5. 1.

On a taché de confirmer ces donations en imposant une peine à l’heritier qui les contrediroit, mais la cause et le fondement de cette peine n’étant pas. legitime, l’heritier peut y Chassanée contrevenir impunément ; Chassanée titre des Droits appartenans à Gens Mariez, 5. 7. Verbo, ne peuvent, n. 6. sicut non valet, ita nec pona apposita. te consentement que l’on exigeroit de l’heritier ne les rendroit pas valables ; car ce n’est pas son feul interest, mais celuy de toute la famille, que les biens soient conservez et qu’ils ne passent pas d’une ligne à une autre ; le Grand, sur la Coûtume de Troyes, Art. 104. gli La Coûtume de Bourgogne approuve ces donations lors qu’elles ont été faites du consentement de l’heritier, mais cessant une disposition expresse son consentement seroit inutile, noc seulement parce que l’on presumeroit qu’il n’auroit pas été volontaire mais principa lement à cause que la Coûtume défend expressément les donations entre Gens Mariez : Je parleray sur l’Article CCCexXXI. de l’effer que le consentement de l’heritier peut produire.

On n’attend pas toûjours l’accomplissement du mariage pour se faire avantage ; comme il est difficile en ce temps-là de faire fraude à la Loy, on tache à s’asseurer en deux manieres, ou avant les fiançailles, et avant que les pactions du mariage soient arrétées et fignées, ou dans intervalle des fiançailles et du mariage. Il est certain que les donations qui ne sont point faites dans la vûë du mariage ne sont point défenduës ; mais si les rechenhes étoient déja faites et les conventions arrétées en quelque sorte, bien qu’elles ne fussent point encore rédigées. par écrit, les mêmes raisons pour lesquelles les donations faites entre les fiancez pourroient être rimprouvées se rencontreroient aussi à l’égard de celles-là.

On pourroit induire de ces paroles Gens Mariez, que la Coûtume n’a reprouvé que les donations qui se font constant le mariage, de forte que l’on ne doit pas étendre plus loin sa prohibition, ny presumer qu’elle ait ôté la liberté de donner à ceux qui ne sont encore conjoints que par esperance ; car si plusieurs ont estimé que la prohibition de donner entre vifs ne comprend point la donation testamentaire, dautant que la Coûtume ayant introduit les donations et les testamens par une disposition generale, en laquelle toutes sottes de personnes sont aussi genera-ement comprises, il faut dire aussi qu’il n’y a que ceux que la même Coûtume, l’Ordonaance et les Loix en ont excluses qui en soient interdits, et sur ce principe l’on peut con-plure que la Coûtume n’ayant défendu les donations qu’entre Gens Mariez, elle les a permises entre ceux qui ne sont point encore parfaitement engagez dans cette condition.

Le Droit Romain n’a point improuvé ces donations, l. Si sponsus. 5. l. cum hic status, 3â.

S. Si servus, D. de Donat. inter vir. & uxor. Il est vray que l’on y faisoit cette distinction, que si l’on y mettoit cette condition que la donation ne seroit parfaite qu’aprés le mariage contracté, elle n’étoit point valable, Si eâ lege donabatur ut post, contractas nuptias persiceretur, lonatio non valebat. D. l. Si fponsus : mais elle ne laissoit pas de subsister, bien qu’elle eût été faite le jour même des nopces, pourvû que la femme n’eût point encore été conduite en la maison du mary, Si die nuptiarum facta sit donatio, cum in ambiguum venire possit utrùm à pponso vel à marito donatum sit, distinguendum est, ut si in tua domo donum acceptum est, aute ouptias videatur facta effe donatio, l. cum in te. C. de Donat. ante Nupt Ricard en son Traité de Donat. Parc. 1. c. 3. Sect. 6. dit que ces Loix ne distinguent pas si les donations dont elles parlent avoient été faites separément du Contrat de mariage et hors la presence des parens qui y avoient assisté, de forte qu’elles ne peuvent pas regler la questions mais parmy les Romains il ne se pratiquoit gueres que les parens fussent presens ou appellez à la fignature des Contrats de mariage, ou que les pactions en fussent arrétées en leur presence, et c’est pourquoy cet Auteur n’a pû douter que par le Droit Romain les donations ne ussent permises entre fiancez, puis qu’elles pouvoient être faites le jour même du mariage, pourvû seulement que la femme fût encore en sa maison, quod si penes se dedit sponsus retrahi potest, uxor enim fuisti. D. l. cum in re ; ce qui montre évidemment que l’on ne faisoit aucune distinction si la donation étoit faite dans le Contrat de mariage ou separément, et par quelque acte qu’elle eût été faite elle subsistoit toûjours, pourvû que la femme fût encore chez elle.

Il est vray que Mr de Cambolas témoigne que sur cette question les Juges furent partis en opinions au Parlement de Tolose, et que l’Arrest ne termina pas la difficulté, les Juges s’étant trrétez particulièrement à cette circonstance, que le donateur étoit decedé sans revoquer la donation, au moyen dequoy supposé même qu’elle eût été faite durant le mariage, elle auroit soûjours été confirmée par la mort

Quelques Docteurs François font distinction entre les fiançailles par paroles de present ou Chassa par paroles de futur ; au premier cas la donation est nulle, parce que les fiancailles par paroles de present sont un véritable mariage, mais en l’autre cas la donation est bonne ; Chassa-née, titre des Droits appartenans à Gens Mariez, 5. 7.

Cette difficulté ne peut naître parmy nous qu’à l’égard de la fiancée, car pour le fiancé il ne peut en quelque temps que ce soit donner de ses immeubles à sa fiancée, elle peut seules ment avoir doüaire qui luy appartient sans stipulation ; mais à l’égard de la fiancée elle peut véritablement donner à son futur époux ses meubles et le tiers de ses immeubles, et toutefois cette donation ne peut valoir si elle n’est faite par le Contrat de mariage ; de sorte que celle qui seroit faite separément, soit avant la signature du Contrat ou aprés, seroit considerée comme une contre-lettre qui est reprouvée par la Coûtume, ainsi quoy que la fiancée eût oû donner à son fiancé par le Contrat de mariage le tiers de ses immeubles, si elle ne l’a point fait elle n’est plus capable de le faire par un acte posterieur et separé, et pour le faire valoit il seroit hecessaire que les mêmes personnes qui auroient assisté au Contrat de mariage fussent appellez à cette donation, et qu’ils y fussent presens, en ce cas on la considereroit comme un appen-dice et une addition du Contrat de mariage, pour reparer l’obmission d’une paction legitime, favorable et ordinaire, et la femme ne faisant que ce qui est permis, on ne considereroit point cette donation comme l’effet d’un amour dereglé, ou comme une contre-lettre, n’ayant point été faite en secret et au prejudice des conventions solennellement arrétées par le Cons trat de mariage ; mais cessant ces conditions toutes donations entre fiancez seroient nulles, bien qu’ils n’eussent donné que les choses que la Coûtume leur permettoit de donner par un Contrat de mariage.

La Coûtume nouvelle de Bretagne, Article 205. s’en est expliquée fort nettement en ces termes : Homme peut donner à sa future épouse, on la femme à son futur époux au Traité de leur mariage faisant leurs fiançailles, et par le Contrat d’icelles là tierce partie de son héritage : Ce n’est donc que lors des fiançailles et par le Contrat de mariage que ces donations sont permises ; et quoy que cet Article semble ne parler que des donations faites par Gens Matiez, on l’a neanmoins étendu avec beaucoup de raison aux fiancez et à ceux qui ont déja quelque enagement pour le mariage, les mêmes considerations se rencontrans pour les fiancez que pour ses Gens Mariez ; et l’on peut même dire qu’elles sont encore plus fortes, l’amour pour les choses que hous desirons ardemment, et que nous ne possedons pas encote, étant incomparablement plus violent que pour celles dont la joüissance a pû ralentir nos desirs Pour faire fraude à la Coûtume, et pour donner plus qu’il n’est permis, on pratique des Contrats de vente, et l’on use d’autres déguisemens avant les promesses et le Contrat de mariage : lors qu’il paroit qu’ils ont été faits dans la vûé do mariage, et dans un temps où les parties s’étoient déja engagées par des promesses fecretes, si jam fides futuri matrimonii interveniffet, il est sans difficulié que ces actes sont d’autant moins valables que l’on y a employé la fraude pour les soûtenir. La décision de ces questions dépend ordinairement des circonstances particulieres du fait : si la donation peut avoir quelqu’autre motif ou quelqu’autre cause que le mariage, elle ne sera pas détruite par le mariage qui s’ensuivra, l. 1. l. Si filia. l. Si tibi C. de Donat. ante Nupt. le peu d’intervalle entre la donation ou quelqu’autre Contrat, Argentré et le mariage fait presumer la donation, ex brevitate temporis inter matrimonium & donationem, dijudicandum est an ex ea causa factum sit, Argent. Art. 2. 20. gl. 5. n. 11. Une femme nommée Brigeant, deux jours avant son mariage vendit son héritage pour en donner les doniets à son mary ; Depuis ayant poursuivi contre l’acquereur pour rentrer en possession de son biens elle obrint Sentence à son benefice, par Arrest en la Chambre de l’Edit du premier de Juillet 1639. si mieux l’acquereur ne vouloit payer encore une fois la valeur de l’héritage ; ma il faut supposer que cet acquereur étoit participant de la fraude, et que le Contrat de maria ge étoit signé, autrement cette femme ayant vendu dans un temps où elle étoit capable de contracter, elle n’auroit pû deposseder un acquereur de bonne foy. Autre Arrest du mois de Mars 1620. au Rapport de Mr Duval Coupeauville, par lequel une femme ayant cédé et vendu une rente à son mary le jour de son mariage, aprés sa mort elle se pourvût par Lettres de récision qui furent entérinées.

Une donation testamentaire faite par une femme à celuy qu’elle épouseroit quelque temps. aprés deviendroit nulle, car le Testament n’ayant effet que par la mort, la donation arriveroit dans un temps où la femme seroit incapable de donner ; Ricard des Donat. 1. p. c. 3. sect. 6.

Quant aux donations faites par le Contrat de mariage, j’ay déja remarqué que le mary ne peut donner de ses immeubles, mais pour éluder cette prohibition on se sert ordinairement de ces deux moyens.

Le premier, que le mary confesse avoir reçû des sommes considérables pour la don de sa femme ; cette fraude est la plus ordinaire et la plus difficile à découvrir, et l’on a souvent agité cette question, si la confession et la quitance baillée par le mary étoient uffisantes pour obliger les heritiers à la restitution de la dot que le mary déclaroit avoir reçûë La Coûtume n’a pas seulement défendu les donations, mais aussi tous les Contrats qui produisent quelque utilité à l’un des conjoints, d’où l’on conclud que quand la liberté n’est pas entière de disposer en faveur d’un autre, la confession feule ou la déclaration ne suffisent pas, li d’ailleurs la vérité n’en est établie par d’autres voyes, qui testamentum, de Probat. D. c’est en vain que pour faire valoir un legs fait à un incapable on le colore d’une cause onéreuse ; toutes ces déclarations passent pour des illusions qu’on veut faire à la Loy ; par la même raison Castre la seule quitance du mary ne fait point de foy, si la vérité n’est d’ailleurs justifiée par les heitiers, c’est le sentiment des anciens Auteurs, de Paul de Castre, deBalde , deBarthole , que ejusmodi confessio facta inter personas, inter quas prohibita est donatio, ut. titulus lucrativus, prasumitur facta in fraudem legis, et sic animo donandi, sur tout quand les deniers se trouvent yez par la femme, et non point par pere, mere, frere, ou autre parent,Coquil . quest. 120.

Neanmoins comme il seroit injuste d’obliger une femme à verifier qu’elle ou les parens ont actuellement payé les deniers dont son mary a baillé la quitance, sur tout lors qu’elle a été ssée devant des personnes publiques, non seulement on dispense les femmes de faire ces preuves, mais même on ne reçoit pas la preuve des faits contraires : cette question a été plaiée plusieurs fois en des especes où toutes les circonstances fournissoient de grandes presom-ptions de la fraude et de l’impossibilité que les deniers eussent été payez. Ouo Blancart ayant quatre filles d’un premier mariage épousa en secondes nopces Jeanne Miseray, qui promit de luy porter lors de la celebration du mariage tous ses meubles et ustensiles de ménage, avec toutes les levées étans sur ses héritages non encore ameublies, et pour recompense de ces meubles estimez entr’eux à huit cens livres en la presence des parens, il s’obligea de payer les dettes de cette femme, et de remplacer en rente ou héritage huit cens livres pour tenit son nom, côté et ligne, à faute dequoy il la remplaçoit dés à present sur ses héritages : ce mariage ne dura que deux ans, et il n’en resta aucuns enfans : la veuve par la Coûtume d’Evreux prit la moitié aux meubles : les filles heritieres de leur pere soûtinrent que les huit cens livres n’avoient point été payées par la femme, que ses meubles ne valoient pas la somme de deux rens livres, dos cauta, sed non numerata, qu’il n’avoit point été fait d’inventaire ny d’estimation des meubles, qu’il seroit aisé par cette voye de faire avantage à la femme, qu’aprés tout cette constitution de huit cens livres n’avoit pû être faite des ustensiles de ménage, de levées étans encore en herbes qu’on n’avoit pû estimer, et qui depuis le mariage avoient été consunées dans le ménage, et prenant la moitié aux meubles elle reprenoit la moitié de ce qu’elle avoit apporté, et la pluspart étant encore en essence elle devoit les reprendre, et le surplus être partagé ; que si elle emportoit la moitié des meubles et huit cens livres sur le bien, elle auroit presque tout le bien de son mary, qui ne valoit pas cinquante livres de rente, pou voir passé deux ans avec un vieillard âgé de soixante et dix ans. La veuve répondoit qu’elle avoit porté tous ses meubles, que le mary s’étoit contenté de la livraison et de l’estimation, et son Contrat de mariage ayant été passé en presence de deux des gendres, ils n’étoient pa recevables à le contester, que la consignation ayant été faite suivant la Coûtume, à faute par son mary d’avoir remplacé les huit cens livres elle pouvoit reprendre sa dot sur les immeuples : Le Bailly Haut-Justicier de Garentieres avoit jugé que les huit cens livres seroient levées sur les meubles avant le partage, dont la veuve ayant appellé devant le Bailly de Gisors il avoit cassé la Sentence, et ordonné que les huit cens livres comme consignées seroient prises sur les immeubles, ce qui fut confirmé par Arrest du 4. de Mars 1634. l’ay plaidé deux fois une pareille question pour une même femme : En 1637. Bon Thomas Ecuyer, sieur d’Auberville, épousa Demoiselle Marie Senot, fille du sieur de la Peinterie, qui luy promit pour sa dot trente et une mille livres, dont il y en avoit dix mille pour don mobil, et le surplus constitué en quinze cens livres de rente : En 1652. le sieur de la Peinperie, frère de cette Dame, fit le rachapt de cette rente devant les Tabellions ; le sieur d’Au-berville étant mort en 1657. Catherine Thomas, veuve du sieur de Creteville sa seur et son heritiere, s’imaginant que le Contrat étoit simulé elle se fit permettre de publier des Censures Ecclesiastiques pour en faire la preuve, et elle déclara former inscription contre la nu-meration des deniers, à quoy le Juge l’ayant reçûë le sieur de la Peinterie en appella ; et je difois pour luy et pour la Dame sa soeur, que la Dame de Creteville n’étoit pas recevable à faire une preuve par témoins contre un Contrat passé devant des personnes publiques, ny à former inscription contre la numeration des deniers, suivant le Droit Romain et François, que TEmpereut en la Loy in contractibus au S. Sed quoniam, Cod. De non numer. Pecun. ayant remarqué que les chicaneurs ne manquoient jamais à opposer cette exception De non numeratâ pecuniâ, avoit trouvé juste de retrancher en certains cas cette exception, et particulierement pour la dot, lors qu’avec le Contrat de mariage il se trouvoit encore une quitance de la dot ; de sorte que suivant cette Loy, et l’explication de MrCujas , eraet quidem locus exceptioaei non numeratae pecuniae, aut non traditae dotis cum tabulae nuptiales confecte sunt, quibus dicitur dotem datam, 3. 1. de dote cautâ non numer. sed si praterea apocha caveat maritus se dotem accepisse, contra eum bec exceptio non opponitur dotium favore : ils estimoient que hec geminata confessio plus operabatur quam una, et que in geminatâ confessione non praesumitur animus donandi, et en la Loy der-niere, De dote cauta, in dotibus quas datas esse dotalibus instrumentis conscribi moris est, cûm adhuc aulla datio, sed pollicitatio, tantùm liceat non numeratae pecuniae exceptionem opponere sententia Imveratoris, aeitFachaenaus , l. 8. Controver. c. 81. Exceptioni non numeratae pecuniae dotis locum esses si prater instrumentum dotale etiam apochâ caverit maritus se dotem accepisse, arque hinc nostri colligunt receptionem dotis à marito factam constante matrimonio omni suspicione carere. EtCovarr . l. 1. c. 7. num. 6. variar. resolut. non existimat esse locum exceptioni non numeratae pecuniae, si confessionem precesserit dotale instrumentum : Or quand on s’attacheroit à cette jurisprudence, elle seroit avantageuse au sieur de la Peinterie, puis que la dot avoit été promise par le Contrat de mariage, et qu’il n’en avoit fait le rachapt que quatorze ans aprés le mariage, ce qui détruisoit toute la presomption que le mary eût voulu faire un avantage à sa femme.

Mais j’ajoûtois que par un Usage general de la France on ne faisoit point cette distinctions.

Masuer Masuer. Tit. 9. De except. dit que l’exception de dot non payée, et de deniers non nombrez, n’est point recevable, si on ne fait apparoir du contraire par des Actes autentiques : Et Bacquet des Droits de Just. c. 15. num. 85. dit que le titre De dote cautâ, et non numer. n’est point gardé en France, non plus que lexception De non numeratâ pecuniâ, quia statur instrumento et et creditur : Toutes les circonstances du fait faisoient la preuve de la vérité de ce rachapr ; on n’avoit payé aucun argent comptant par le Contrat de mariage, le rachapt n’avoit été fait que quatorze ans aprés, et on ne pouvoit pas presumer que le sieur de la Peinterie n’eûr pû faire ce rachapt, puis que l’on confessoit qu’il étoit fort riche. Theroude pour la Dame de Creteville, n’apportoit d’autre preuve de la fraude que l’âge du sieur d’Auberville, par Arrest an la Grand-Chambre du 10 de Decembre 1660. on cassa la Sentence, et on permit à la Dame de Creteville de publier des Censures Ecclesiastiques, à la réserve de ce qui concernoit la numeration de la dot, et le Contrat de rachapt. cette Dame avoit dés-lors épousé Messire Antoine de la Luzerne, Seigneur de Brevant, et par le Contrat de mariage il avoit reconnu avoir reçû en argent la somme de quatre-vingts mille livres, et en même temps le fils du sieur de Brevant épousa la fille du sieur de la Peinterie, niéce de cette Dame, à laquelle elle donna cinquante mille livres comptant. Aprés la mort du sieur de Brevant, ses enfans firent une Transaction avec la Dame leur belle-mere pour tous ses droits ; mais quelque temps aprés ils prirent des Lettres de récision, alléguant qu’ils avoient été deçûs, ne sçachant pas l’état des choses, et remontroient qu’il étoit absolument impossible que cette Dame eût pû apporter cette somme au sieur de Brevant leur pere, et pour le prouver ils alléguoient qu’elle n’avoit eu en dot que quinze cens livres de rente, qu’elle avoit renoncé à la succession de son mary, que son doüaire étoit de cinq mille livres de rente, mais qu’elle n’étoit demeurée en viduité que pendant dix-huit mois : d’où il resultoit qu’il étoit contre toute vray-semblance qu’elle eût pû apporter cette fomme, que c’étoit pour cette raison qu’elle avoit été passer son Contrat de mariage en la Vicomté de Bayeux, quoy u’elle fût domiciliée dans le Bailliage de Costentin, devant des Tabellions qui étoient à sa devotion, et qu’enfin elle s’étoit épuisée par la donation de cinquante mille livres qu’elle avoir actuel. lement payée à sa niéce. Je difois pour cette Dame que si l’on avoit égard à cette pretenduë impossipilité, elle prouveroit plus que lon ne pretendoit, car suivant leur discours elle n’autoit pû donner à sa niéce cinquante mille livres, et cependant ils convenoient que le payement en avoit été fait, or il n’étoit pas vray-semblable que cette Dame étant sur le point de contracter un second mariage. eût fait un present si considérable à sa niéce, et qu’elle se fût dépoüillée de tout son bien, au lieu de le conserver aux enfans qui pouvoient naître de son matiage : Le Bailly de Carenten avoit debouté les sieurs de Brevant de leur Lettres de récision, et par Arrest donné en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Voisin, le mois de Mars 1671. la Sentence fut confirmée.

Un des Arresis les plus considérables est celuy de la Biche. Un Gentilhomme âgé de soixame et douzt ans épousa une jeune fille, et reconnût avoir reçû la somme de cent cinquante mille livres, il moutut quinze jours aprés, et on ne luy trouva aucuns deniers ; les heritiers vouloient prouver qu’il n’avoit rien reçû, et que la fraude étoit apparonte, vû qu’un vieillard épousoit une jeune Demoiselle dont le pere n’avoit point de biens, et qui n’avoit pû donner une somme si considérable ; les heritiers furent declarez non recevables.

Autre Arrest sur ce fait. Le sieur le Noble âgé de soixante ans épousa la fille du sieur Forétier, Ecuyer sieur des Roques, il donna quitance de quatre mille livres, du nombre de six constituées pour la dot ; Depuis la celebration du mariage cette jeune femme mourut avant fon mary, lequel étant prest de mourir passa un Acte devant les Notaires où il jura et protesta de n’avoir point reçû les quatre mille livres, et s’en rapporta au serment du sieur des Roques prés la mort du sieur le Noble son heritier contesta les quatre mille livres qui étoient demandées par une autre fille du sieur des Roques, héritière de sa soeur, et il fit juger que le sieur des Roques seroit ouy ; sur l’appel la Demoiselle le Forétier soûtenoit qu’il avoit été mal jugé d’avoir ordonné que son pere seroit ouy en une Cause où il n’avoit point d’interest, que le feu sieur le Noble ayant donné sa quitance, il, n’étoit pas recevable à prouver le contraire, que l’excepuion Non numerata pecuniae par le Droit Civil se prescrivoit au commencement, par dix ans, depuis par cinq, et enfin par deux, d’où il s’ensuivoit qu’aprés douze ans cette exception n’étoit pas admissible, in quibus non permittitur exceptionem non numeratae pecunia pponere, vel ab initio, vel post tempus elapsum, in his nec jusjurandum offerre licet, l. 14. c. De non numer. pecun. que d’ailleurs la declaration de son pere ne devoit point être reçûë à cause de la haine qu’il loy portoit pour avoir changé de Religion. L’heritier répondoit qu’il falloir toûiours reconnoître la vérité, et qu’il s’en rapportoit au serment du pere pour décision, qu’il ne s’agissoit plus de la dot d’une femme laquelle est toûjours favorable, c’étoit un heritier qui vouloit profiter d’une fraude : Par Arrest du 26. de Janvier 1655. la Cout ordonna qu’il en seroit deliberé, et depuis par Arrest la Sontence fut castée, et executoire accordé pour les quatre mille livres ; mais alors il y avoit une cedule evocatoire signifiée.

On a jugé par un autre Arrest du mois de Janvier 1658. entre Nicole Droüet, vouve l’Antoinn Saquepée, contre Jacques Saquepée, Tuteur des enfans d’Antoine, qu’une quitance le déniers doraux baillée par le mary moyemant une vente de levées, étoit suffisante pour voir remplacement sur les biens du mary, nonobstant les allegations de confidence.

Autre Arrest en la Chambre des Enquêtes, au Rappont de Mr de Toufreville, du 12. de Juin 1646. sur ce fait. Il étoit dû à un Officier de la Maison du Roy de Navarre des ponsions et des appointemens montans à mille livros, il épousa en 1602. la miéce du Tresorier de petie Maison, à laquelle il constibua quatre cons livres pour fa dot, on cas que son oncle le fist payer desdites mille livres ; quelque temps aprés le Tresorier les fit payer à l’Officier, Quntante ans aprés son mariage, et un an avant sa mort il dossa son Contrat de moriage de la neception des mille livres, et constitua les quatre cens livres en dot qu’il assigna sur une fienne maison size à Alençon ; la femme pretendoit avoir cette maison pour su dot, ou du moms se faire payer des quatre cens livres : le Juge luy avoit accordé sa demande, mais par l’Arrest a Sentence fut cassée, et l’on jugea que c’étoit un avancement indirect, dautant que cette somme de mille livres appartenoit au mary, et bien qu’elle eût été payée par le credit de l’oncle de la femme, elle ne laissoit pas d’être ddé au mary.

Dos confessa à marito quando presumatur aumerata in ejus et suogum heredum detrimentum, Consule Menochium l3. De prasumpt. prefumpt. 14. quando aucem prasumatur numerata in prajuvoium creditorum : idem presumpt. 13.

Pour faire valoir la confession et la quitance du mary, il est necessaire que le Contrat de mariage ait été reconnu avant le mariage, autrement on n’y auroit point d’égard, comme il a été jugé sur ce fait en la Chambre des Enquêtes le 5. de Juiller 167 y. au Rapport de Mr Auber de Tremanville, ontre Thomas Bloüset, sieur des Vallées, appellant, et Barbe Roussin, intimée : Me Marguerin Bloüet Avocat, par son Contrat de mariage avoc Barbe Roussin, veuve d’un nommé Cartier, en datte sous signature privée de l’année 1652. reconnu foulemont en 1682. dix ans aprés la celebration de ce mariage, confessa qu’il avoit reçû de cette veuve plusieurs meubles d’une valeus considérable, pour lesquels il se constitua envers elle en cent cinquante livres de rente pour ley temir nature de dor, et pour en joüir sa vie durant, et en cas que ses heritiers luy conrestassent cette rente qu’elle en auroit la proprieté. Aprés la mort dudit Bloüet, Thomas Bloüet son frère et son heritier beneficiaire, pretendit que cette fomme n’avoit tion apporté à son fèère ; la veuve fut reçûë par le Juge de Coûtance à faire preuve que fon mary avoit été faist par elle de tous ses meubles, qu’elle declara particulièrement par ue Requête, dont ledit Bhoüiet ayant appellé, il allégnoit pour moyens d’appel que l’intimée ne pouvoit demander la dot qu’elle avoit stipulée par son Contrat de mariage, n’ayant tion apporté à son mary, étant veuvo d’un miférable dont le métier et l’employ consistoit à chanter des Chanfons par les Carfours, que de son côté elle n’avoit que douze livres de rente, et son mary étoit mort fi pauvre que l’on n’avoit fait aucun inventaire de fos meubles, que par l’Article CCCCX. toutes donations et Contrats par lesquels les biens de l’un passant à fautre directement ou indirectement sont nuls, et ce dessein se prouve par les circonstances particulieres du fait, l. si stipulatus D. de verb. obligat. que ce dessein de faire avantage à l’insimée paroissoit visiblement par la pauvreté notoire de son premier mary, par le miserable état où il avoit laissé sa femme, et qu’il n’étoit pas vray-semblable que la veuve d’un chanteur de Chansons par les Carfours eût pû avoir le capital de cent cinquante livres de rente, que ledit Bloüer luy avoit constituées en dot ; aussi la preuve de la fraude se faisoit par les termes même du Contrat de mariage, car son mary ne luy donnoit que l’usufruit de cette rente, et la proprieté ne luy en étoit laissée qu’en cas que les heritiers du mary luy contetassent ses droits : or aprés des presomptions si fortes lon ne pouvoit avoir égard à la decla-ration du mary, et la preuve qu’elle offroit de faire n’étoit pas admissible, au contraire cette veuve disoit que son mary tenoit une maison garnie, dans laquelle il y avoit plusieurs meuples, qu’il y logeoit plusieurs personnes de condition avec lesquels il faisoit un profit consi-dérable, que pour cet effet il luy étoit necessaire de fe fournir de plusieurs provisions, ce qui ne se pouvoit faire sans biens ; aussi elle offroit de prouver qu’elle avoit apporté des meubles à son second mary, dont la valeur excedoit le prix de la rente qu’il avoit constituée ; quelque notoire que fût la pauvreté de cette femme, si son Contrat de mariage avoit été reconnu avant la celebration du mariage, on auroit tenu la déclatation du mary suffisante ; mais n’ayant été reconnu que depuis, son n’eut point d’égard à la déclaration du mary, et elle fut deboutée de la preuve qu’elle vouloit faire, en quoy faisant la Sentence qui ly admettoit fut cassée.

Toutes les circonstances particulieres du fait étoient fort desavantageuses à cette veuve, elle n’avoit aucuns biens, la reconnoissance du Contrat de mariage étoit posterieure de dix années à la celebration du mariage, et les clauses de ce Contrat marquoient visiblement le dessein du mary de faire avantage à sa femme.

I en est autrement à légard de la femme, la donation qu’elle feroit à son mary de ce que la Coûtume luy permet de donner ne seroit pas nulle, bien que le Contrat de mariage n’eûr été reconnu que depuis la celebration du mariage, et même qu’il n’y eût point de parens de la femme qui y eussent signé. La nommée Turgis donna à Saquepée son mary le tiers de ses immeubles pour son don mobil : ce Contrat de mariage ne fut reconnu que depuis les époufailles en labsence des parens de ladite Turgis, laquelle même ne sçavoit faire qu’une mar-que ; aprés sa mort ses heritiers contesterent cette donation, pretendant que le Contrat n’ayant été reconnu que depuis le mariage res devenerat ad eum casum, à quo incipere non poterat, et qu’il seroit fort aisé d’exiger de pareilles donations en faisant un nouveau Contrat de mariage, et d’obtenir d’une femme durant le mariage ce qu’elle n’auroit pas voulu consentir auparavant, sur tout n’y appellant aucun parent de son côté, ce qui seroit aneantir cet Article, que la surprise avoit été d’autant plus aisée que cette femme ne sçavoit écrire et ne faisoit qu’une marque, et le record ne pouvant être fait par les parens presents, parce qu’ils n’étoient point parens de la femme : On representoit pour le mary que cette donation ne pouvoit être suspecte, dautant qu’elle est ordinaire dans les Contrats de mariage qui se passent en Nor-mandie, et qu’elle étoit conforme à la Coûtume en quoy elle étoit differente de celle qui se fait par le mary à la femme ; car n’étant pas permise on n’a point d’égard aux déclatations que le mary passe pour faire un avantage indirect à sa femme, si elles ne sont portées par un Acte autentique, que la reconnoissance du Contrat de mariage n’étoit necesfaire que pour lhypotheque, et bien que la femme n’eût fait qu’une marque cela étoit suffi-sant, puis que lon ne desavoüoit pas que ce ne fût son fait ; que s’il étoit necessaire d’appeller les parens de la femme ce seroit la reduire à la condition des mineurs, et les parens ne voudroient jamais consentir à une donation qui se feroit à leur prejudice ; par Sentence du Juge de Caudebec la donation avoit été confirmée ; la Cour sur l’appel mit les parties hors de Cour, par Arrest donné en la Grand. Chambre le 12. de Janvier 1651. plaidans Lesdos et Maurry. Cette question avoit été déja decidée le 18. de May 1648. au profit de Bucaille, quoy que le Contrat de mariage n’eût été reconnu que quatre mois aprés le mariage. Autre Arrest pareil du 27. de Juillet 1658. Par le Contrat de mariage de Delaunay avec la nommée Durand, fait sous signature privée en l’absence de tous leurs parens et amis, et où l’on n’avoit ppellé pour témoins que deux païsans, dont l’un ne sçavoit signer, cette femme luy donna en faveur de mariage tous ses meubles, et lusufruit de la moitié de ses immeubles sa vie durant, auit jours aprés le mariage fut célèbré, mais le Contrat ne fut reconnu qu’un mois aprés, et sinsinuation n’en fut faite qu’aprés la mort de la femme : Nonobstant le contredit de l’heritière de la donatrice, la donation ayant été jugée valable par le Juge du Pontlevéque, sur l’appel de Court son Avocat fondoit la nullité de la donation, sur ce que le Contrat de mariage étoit sous signature privée, qu’il avoit été fait en l’absence des parens, et reconnu un nois aprés le mariage, et par consequent dans un temps où le mary et la femme ne pouservoient plus se faire aucun avantage, que si ces donations étoient valables il n’y avoit point de mary qui par autorité ou par complaisance n’exigeât quelque don de sa femme : Dailleurs toutes les suspicions d’un antidate se rencontroient en ce Contrat, il étoit sous signature privée, l’on n’y avoit appellé aucuns parens, il n’étoit pas même signé d’aucuns témoins qui fussent dignes de foy : Aussi sur ces considerations la Cour avoit improuvé une pareille donation par un Arrest célèbre du 9. de Septembre 1629. qui fut confirmé par un autre Arress du Parlement de Paris, au profit du sieur de Mathan, contre le sieur du Tronc, qui pour un Contrat de mariage sous signature privée avec la Demoiselle de Bapaulme, reconnu depuis le mariage, s’étoit fait donner une somme de vingt mille livres ; le sieur du Tronc s’étant pourvû contre cet Arrest par Lettres de Requête Civile, il en fut debouté par Arrest du Parlement de Paris ; l’Appellante ajoûtoit que quand même la donation seroit valable elle étoit reductible, la femme n’ayant pû donner que le tiers de l’usufruit de ses immeubles. Cavelande défendoit pour le mary, disant que la femme n’avoit donné que ce que la Coûtume luy permettoit de donner, et ce qui se donnoit ordinairement par la femme en se mariant, que le défaut de reconnoissance n’étoit considérable que pour l’hypotheque, pour la reduction il n’y avoit pas lieu de la demander ny pour les meubles ny pour les immeubles, car pour les meubles la femme n’ayant qu’une fille qu’elle avoit mariée et dont elle avoit payé le mariage, elle étoit en pouvoir de disposer de tous ses meubles ; il n’y avoit point aussi d’excez en la donation de la moitié de l’usufruit de ses immeubles, parce que la Coûtume permettant de donner la proprieté du tiers, cette moitié de l’usufruit étoit moindre, consentant de prendre e tiers en proprieté si l’Appellante vouloit le luy abandonner ; par l’Arrest l’on mit sur l’appel les parties hors de Cour

Le second moyen dont l’on se sert pour faire avantage à la femme, est de luy accorder qu’elle remporte ses bagues et joyaux, ou une somme qui excede beaucoup la valeur de ses pagues et joyaux, et celle des meubles que l’on reconnoit qu’elle a apportez : lors que ce remort n’est à prendre que sur les meubles il ne peut être disputé ; mais la jurisprudence a été long-temps incertaine, pour sçavoir si l’on pouvoit l’etendre aussi sur les immeubles.

Cette question s’offrit entre le Forétier, Ecuyer sieur d’Ozeville, et la Demoiselle d’Arreville, et Dame le Hericy, veuve du sieur de S. Germain Grosparmy ; par le Contrat de mariage de Hericy, sieur de Creulet, donnoit à ladite Dame de S. Germain sa fille la somme de 17000. livres en attendant sa succession ; il ne fut rien donné au mary pour don mobils et par le Contrat de mariage il n’étoit point dit qu’elle apportât aucuns meubles, il fut neanmoins stipulé qu’en cas que son mary la predecedât elle remporteroit son carosse, ses bagues et joyaux, ou la somme de 15000. livres à son choix ; aprés la mort de son mary cette somme ne pouvant être payée sur les meubles, elle la demanda sur les immeubles : les soeurs ou leurs enfans heritiers du sieur de S. Germain y formerent oppofition, soûtenant que ces stipulationt n’étoient point valables, autrement on donneroit ouverture à faire fraude à la Coûtume, que le dessein de faire un avantage à la Dame de S. Germain étoit apparent ; car quoy que ce remport ne soit dû que quand la femme apporte des meubles à son mary, neanmoins on luy accordoit un remport de 15000. livres, nonobstant que son mary n’eût reçû d’elle aucuns meubles, et que même elle ne luy eût fait aucun don mobil, qu’en tout cas cette somme ne pouvoit être prise que sur les meubles aprés le payement des dettes : La Dame de S. Germair pretendoit que cette somme n’étoit pas excessive, vù la condition des parties et la valeur de son bien, qu’on ne pouvoit luy rendre cette stipulation inutile, que c’étoit une dette à laquelle tout le bien du mary, meuble et immeuble étoit obligé, qu’il falloir presumer que le mary avoit reçû des meubles, bien que le Contrat de mariage n’en fist point mention, puis qu’il avoit consenti que sa femme les pûst remporter, n’étant pas vray-semblable qu’une fille de qualité n’eût aucuns meubles, que si les heritiers du mary ne sont point admis à contrédire a quitance de la dot baillée par le mary, à plus forte raison on ne les doit pas écouter quand ils veulent empescher le remport que la femme a stipulé : Le Juge de Carentan avoit ordonné que la Dame de S. Germain seroit payée sur les meubles seulement, dont ayant appellé, par Arrest du 10. de Juin 1654. au Rapport de Mr de Vigneral en la Grand. Chambre, la Sensence fut cassée, et il fut ordonné qu’au défaut de meubles la somme de 15000. livres seroit payée sur les immeubles. J’avois écrit au procez pour les heritiers On se seroit asseurément écarté de l’esprit de nôtre Coûtume, si cet Arrest avoit servi de Reglement ; car cette femme n’ayant fait aucun don mobil à son mary, ne paroissant pas même qu’elle luy eût apporté aucuns meubles, et ne laissant pas neanmoins de prendre 15000. livres sur ses immeubles, n’étoit-ce pas une pure liberalité de la part du mary, et une véritable donation, quoy qu’elle soit si étroitement défenduë par la Coûtume Aussi depuis l’on a étably cette Maxime au Palais, que quand la femme n’a fait aucun don mobil à son mary, elle ne peut être payée du remport qu’elle a stipulé que sur les meubles, et non sur les immeubles, autrement le mary pourroit donner à sa femme de ses immeubles ; Arrest du 13. de Janvier 1667. entre Dame Anne de Thiesse, veuve de Charles-Philippes de a Barre, sieur de Bonneville, appellante d’une part ; et Messire Claude de la Barre, President en la Chambre des Comptes, intimé d’autre part.

La question fut nettement decidée en l’Audience de la Grand. Chambre le 8. d’Aoust 167s Dame Catherine de Paris, par son Contrat de mariage avec Jean de la Vouë, Ecuyer sieur de Bosroger, avoit stipulé un remport de six mille livres, son mary ayant fait mauvais ménage et s’étant fait separer de biens d’avec luy, il luy ceda tout son bien pour son doüaire, pour ses deniers dotaux et pour trois mille cinq cens livres qui luy restoient dûs de son remport, le surplus ayant été payé sur les meubles : Jean de la Varde Ecuyer, Receveur des Tailles à Bernay, creancier posterieur du mariage du sieur de Bosroger, luy contredit ce remloy de trois mille cinq cens livres, pretendant qu’elle n’avoit pû le prendre sur les immeu-bles de son mary, ny même sur les meubles, à cause qu’elle n’avoit rien donné à son mary : De Cahagnes pour la Dame de Bosroger, soûtenoit que cette stipulation n’étoit point contraire à la Coûtume, qu’il est vray qu’il n’y avoit point eu de don mobil, mais elle luy avoit d pporté plusieurs meubles, que c’étoit une stipulation de son Contrat de mariage, que le mary ar son mauvais ménage et par la dissipation de ses meubles n’avoit pû rendre inutile ; par l’Arrest ladite Dame de Bosroger fut condamnée de rapporter les trois mille cinq cens livres au profit des créanciers avec les interests, et pour les deux mille cinq cens livres dont elle avoit été payée sur les meubles, ils luy furent ajugez. Durand plaidoit pour le sieur de la Varde.

Quoy que la femme ait fait un don mobil à son mary, le remport qu’elle a stipulé ne peut être pris sur les immeubles de son mary, que jusqu’à la concurrence de la valeur du don mobils cela a été jugé de cette manière en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr du Plessis-Puchot, le 27. de Janvier 1677. sur ce fait. En l’année 1662. Demoiselle Charlote de Normanville contracta mariage avec Robert Capelet, et luy apporta une somme de six mille livres, dont elle donna à son mary deux mille livres pour son don mobil, et le surplus fut constitué en lot, avec stipulation qu’elle remporteroit sa chambre garnie, meubles à son usage, ses bagues et joyaux, ou la somme de trois mille livres en cas que son mary la predecedât sans enfans, et s’il y avoit des enfans qu’elle remporteroit seulement mille livres : En l’année 1675. le mary étant mort sans enfans, elle demanda à Marin Capelet, frère et héritier de son mary, lesdites trois mille livres, il luy offrit la somme de deux mille livres qu’elle avoit donnée à son mary, sur le refus de la veuve les parties ayant procedé devant le Juge de Caudebec il intervint Sentence, par laquelle les offres furent declarées insuffisantes, et l’heritier fut condamné au payement des trois mille livres, dont ayant appellé il soûtenoit ses offres raisonnables, et que n’ayant donné que deux mille livres à son mary, les meubles étant absorbez par les dettes. elle ne pouvoit avoir sur les immeubles qu’une pareille somme de deux mille livres, le mary n’ayant pû luy donner de ses immeubles : La femme pretendoit que son mary avoit pû luy faire cet avantage, que le mariage n’avoit été fait qu’à cette condition, et qu’au défaut de meubles les trois mille livres devoient être payées sur les immeubles, qu’elle n’avoit pas donné à son mary deux mille livres seulement, elle luy avoit encore apporté plusieurs meubles par l’Arrest la Sentence fut cassée, et en reformant ledit Capelet fut déchargé de la demande de ladite de Normanville, en luy payant les deux mille livres qu’il luy avoit offertes.

C’est donc maintenant une jurisprudence établie par les Arrests, que quand la femme n’a rien donné à son mary, le remport qu’elle a stipulé ne peut être pris sur les immeubles, et d lors qu’elle luy a fait un don mobil, elle ne peut être payée de son remport sur les immeuples que jusques à la concurrence de la somme qu’elle a donnée à son mary.

L’amour conjugal devenant souvent plus fort par le mariage, et redoublant l’union des consoints, ils tachent à se faire des avantages et des graces, à quoy ils n’auroient pas consenti avant leurs époufailles ; mais les Loix ont rétranché les moyens de le faire, quelque favorable qu’en soit la cause ou le pretexte : L’on se moqueroit aujourd’huy de lopinion de ces Auteurs qui estimoient valable la donation faite par un mary de basse extraction à une fille de qualité, pour la recompenser de l’honneur qu’elle luy auroit fait : On ne permettroit pas non plus ouvertement à un vieillard languissant d’adoucir les ennuis et les dégoûts d’une belle et jeune personne qui l’auroit accepté pour mary par les liberalitez dont il useroit onvers elle, quoy que plusieurs Auteurs ayent approuvé ces remunerations : Ricard en son Traité des Donat. p. 1. c. 3. sect. 6. asseure néanmoins qu’il y a des exemples par lesquels le Parlement de Paris a quelquefois approuvé ces donations comme remunératoires, mais parmy nous il est inoûy que l’on ait autorisé des donations de cette nature ; et toute la grace que l’on pourroit faire dans un sujet fort favorable, seroit de dissimuler et de fermer en quelque sorte les yeux, lors que la fraude ne paroitroit pas trop grossiere

La donation remunératoire a beaucoup plus de faveur et d’apparence, et c’est pourquoy Chassanée l’on a douté avec raison s’il falloit la comprendre sous la prohibition generale. Chassanée, sur l’Art. 7. in verbo Donat. du titre des Droits appartenans à Gens Mariez, de la Coûtume de Bourgogne, qui est conforme à la nôtre, a traité cette question ; pour la faire valoir l’on dit qu’elle n’est point défenduë par le droit commun, et qu’au contraire elle est approuvée par plusieurs Chassanée Coûtumes, de sorte qu’il ne la faut rejetter que dans les Coûtumes qui la défendent expresément ; Chassanée qui la repute valable se fonde sur cette raison, que la Coûtume permet les donations entre Gens Mariez, pourvû qu’elles soient faites du consentement de l’heritiers d’où il conclud que sa Coûtume ayant plus d’égard à l’interest d’un tiers qu’aux raisons exprinées par les Loix Romaines, elles doivent subsister, si elles ne sont expressément défen-duës. Nous disons au contraire, que le but principal de nôtre Coûtume étant de conserver le droit les heritiers, on ne peut revoquer en doute qu’elle n’ait défendu tout ce qui leur fait prejudice, et s’est inutilement qu’on leur donne pour motit la gratitude et la reconnoissance des offices extraordinaires que l’on pretend avoir été reçûs : car quelle recompense le mary ou la femme se peuvent-ils devoir l’un à l’autre, puis que ce facré lien du mariage les oblige si étroitement à se rendre reciproquement tout le service et le secours dont ils ont besoin C’est une Maxime certaine et une Jurisprudence établie par les Arrests, que les donations. mutuelles n’ont point lieu en Normandie.

Et cela a même été jugé au Parlement de Paris en explication de cet Article, entre M des Hameaux d’une part, et la veuve de Mr de Miroménil, Maître des Requêtes ; le mariage avoit été contracté à Paris, et durant iceluy ils s’étoient fait une donation mutuelle, la question étoit de sçavoir sur quels biens la donation mutuelle auroit son effet : Il y avoit en Nor-mandie des conquests d’héritages, des rentes foncieres, et des rentes constituées : la Dame de Miroménil soûtenoit que suivant l’Article 280. de la Coûtume de Paris, elle devoit avoir l’usufruit de tous les conquests en quelque lieu qu’ils fussent assis, la donation ayant été faite à Paris : Au contraire Mr des Hameaux répondoit que les donations mutuelles entre le mary et la femme étoient nulles suivant la Coûtume de Normandie en cet Article, et que c’étoit la jurisprudence des Arrests qui étoient rapportez par Bérault, et c’est pourquoy l’on ne pouoit étendre la Coûtume de Paris en Normandie. Il fut dit par un Arrest rapporté dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 5. c. 4. que la donation mutuelle n’auroit aucun effet sur les immeubles situez en Normandie, mais seulement sur les rentes qui se trouveroient constituées à prix d’argent sur des particuliers de la Province de Normandie.

On confirma néanmoins une espèce de donation mutuelle, par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 10. de May 1642. sur ces circonstances particulieres. Par le Contrat de mariage du sieur de Launay Villarmois sa femme luy donnoit sept mille livres, et le sixième d’une Terre qui y appartenoit, et le mary de son côté luy donnoit deux cens livres de rente en cas qu’il mourût sans enfans ; il n’eut point d’enfans de ce premier mariage, mais il en eut d’une seconde femme les heritiers de la premiere femme ayant demandé les deux cens livres de rente, les enfans lu sieur de Villarmois refuserent de la leur payer, comme étant contre la Coûtume, et la femme ne pouvant avoir que son doüaire ; que d’ailleurs la condition n’étoit point avenuë, de sieur de Villarmois ayant laissé des enfans. On leur répondoit que prenans à leur profit les avantages faits à leur pere, ils avoient mauvaise grace de contester ce qu’il avoit donné, que ce n’étoit pas une donation, mais une remuneration, et il falloit presumer qu’elle auroit moins donné si son mary ne l’avoit recompensée, ce qui fut jugé par l’Arrest, plaidans Coquerel, et Heroüet.

Nos Docteurs ont traité cette question, si la femme se reservant de donner à son mary, ette reserve deviendra nulle aprés le mariage : Pour montrer que cette faculté qu’elle a retenuë luy est inutile, l’on dit que la reserve de donner n’est pas une donation, et qu’étant différée en un emps prohibé elle est nulle, nam paria sunt aliquid fieri tempore prohibitionis, aut conferri in tempus prohibitum. La Loy quod Sponsus C. de Donat. ante Nupt. le decide expressément de la sorte, quod cponse ea lege donatur, ut tunc dominium ejus adipiscatur, cum nuptiae fuerint secute sine effectu est : a quoy la Loy Donationes quas parentes C. de Donat. inter vir. & uxor. n’est point contraire, car cela se faisoit entre les Romains, par cette raison qu’encore que les donations entre vifs faites entre Gens Mariez ne fussent pas valables, néanmoins elles étoient confirmées par la Boerius mort, si elles n’avoient pas été revoquées : Voyez Boêtius sur la Coûtume de Berry, Tit. 8.

S. 1. Le Grand, sur la Coûtume de Troyes, Article 84.

Il est certain que dans les Coûtumes qui défendent aux conjoints de se donner, ils ne pourroient pas valablement se reserver la liberté de contrevenir à cette prohibition, et de se faire avantage durant le mariage, parce que les particuliers ne peuvent pas déroger au droit public ; mais quand une temme a la faculté et le pouvoir de donner à son mary par son Contrat de mariage, cette réserve de luy pouvoir donner durant iceluy ce que la Coûtume luy permettoit de donner avant les époulailles, n’est pas une convention qui soit contraire à la pro-hibition de la Coûtume, parce qu’elle ne défend que les donations qui se font durant le mariage, et sans s’en être réservez la liberté de les pouvoir faire ; mais lors que la donation est faire en vertu d’une stipulation qui ne fait que differer et reserver ce que l’on pouvoit faire alors, bien que la chose soit venuë en un point où elle ne pourroit plus valablement commencer cessant la stipulation, elle peut valoir par la force de la convention : la réserve n’est pas une donation, mais elle donne et conserve une aptitude de la pouvoir faire, ce que l’on n’auroit pû autrement ; de sorte que cette reserve ne peut être inutile et de nul effet que dans les Coûtumes qui défendent absolument toutes donations entre conjoints, et même par le Contrat de mariage. Par la Coûtume de Bourgogne au titre des Droits appartenans à Gens Mariez, Article 7. il est dit que Gens Mariez ne peuvent durant leur mariage faire aucune donation au profit l’un de l’autre, si autrement par le mariage n’étoit entr’eux convenu : En effet cette stipulation n’a rien de mauvais. Une femme est loüable de n’user pas sans connoissance de cause de la faculté qui luy est donnée par la Loy ; elle peut avec prudence se la reserver pour s’ea servir durant son mariage, si fon mary se tend digne de cette faveur : Ce que du Moulin dit en son Apostille, sur cet Article de la Coûtume de Bourgogne, n’est point considérable, hoc isse yalde captiosum ad excludendam difpositionem juris communis ; car en vertu de cetté convention, la femme ne fait que ce qu’elle auroit pû faire par son Gontrat de mariage.

Ce seroit un moyen inutile aux conjoints de se feparer de corps et de biens pour pouvoir fe donner, par cette separation ne feroit pas que les conjoints pûssent se donner avec plus d’effes, et elle ne rompt pas le noeud du mariage ; il y a beancoup de difference entre cet separations et les divorces des Romains, qui emportoient la dissolution du mariage, et c’est pourquoy ils pouvoient valablement se donner aprés le divorce, l. Sed in crim. cum sed. D. de Donat. iuter vir. & uxor.

Bien que la Coûtume ait employé plusieurs clauses en cet Article pour empesther les conjoines de se faire avantage l’un à l’autre, et qu’elle ait rendu sa prohibition generale en défendant de céder, donner ou transporter, ny faire aucuns Contrats, par lefquels les biens de l’un viennent à l’autre en tout ou partie, directement ou indirectement, néanmoins il semble que sa isposition n’est point parfaite, et qu’elle laisse indécisds deux grandes questions ; la première, si elle a interdit aux conjoints l’usage des donations entre vifs seulement, ou si elle est censée seur avoir aussi défendu les donations testamentaires ; et la seconde, si elle a prohibé de donner aux parens de la femme

La premiere question reçoit plus de difficulté dans les Coûtumes qui prohibent expressé. ment les donations entre vifs, mais qui ne parlent point des donations testamentaires ; car encore qu’il semble que la raison foit pareille en un cas comme en l’autre, néanmoins chatun sçait la difference que le Droit Civil y avoit établie ; il défendoit étroitement les dona-tions entre vifs, mais il permettoit les testamentaires, quoy qu’il y eût plus de danger par la raison que les Jurisconsultes Romains en rendent, que nous donnons plus volontiers ce que la mort nous force d’abandonner en bref, facilius morientes donamus, et que d’ailleurs nous nous aimons davantage que nos heritiers : Et dans les Coûtumes qui défendent expressément les donations entre vifs, sans parler des testamentaires, l’on presume que n’ayant excepté que celles-là, et n’y ayant point compris celle-cy ; elle a voulu les laisser dans la disposition du Droit commun, qui est le Droit Romain.

On peut dire que dans nôtre Coûtume l’on ne pouvois faire cette difficulté, parce que sa disposition est generale, et qu’elle défend indistinctement aux conjoints de s’avantager l’un l’autre, sans parler de donations entre vifs ny des testamentaires, de forte que sa prohibition nomprend les unes et les auvres ; mals nos Reformateurs ont éclairer eelie ambiguité, lors que par l’Artiele CCCeXXII. ils ont défendu au mary de donner à sa femme par testament.

La seconde question recevoi plus de difficulté ; car encore que fous ces paroles directement m indirectement, l’on pûst comprendre les donations faites sous le nom de persomnes inter posées, on pouvoit encore restreindre ces paroles aux donations faites pour tourner au profît de la femme, mais cela n’empottoit pas une prohibition de donnes à ses parens, quanc elle n’en profitoit point ; et l’Article CCCCXXII. qui défend au mary de donner à sa femme. ny à ses parens ne docide pas la difficulté, parce que la prohibition n’est faite que pour les uestamons, de sorte qu’on pouvoit en tirer cette confequence, que la Coûtume ne l’ayant défendu que pour les testamens, il y a apparence qu’elle l’a permis pour les donatioms entre vifs.

Le Droit Civil aprés avoir prohibé les donations entre conjoints, comme on no laiffoit pas d’éluder cette prohibition par l’interposition de personnes, on fut oblipé d’ajoûter une autre disposition, ut quod conjux iis qui in potestate conjugis sunt, iis-ve quorûm conjux in potestate est lonarit, non valeat, quippe eum earum donationum vel lucrum vel damnum in alterutrum redunder,Hotoman , in tractatu de Donat. et cet Autour en ce mêmé lien explique garilcuherement toutes les personnes ausquelles il est défendu de donners Cette jurisprudence Romaine étoit neanmoins imparfaite en ce poifit, qu’il étoit bien détendu ab uxoris nurus-ve patre donari viro vel genero, l. 3. 5. 3. D. de Donat. inier vir. & uxor ou pour parler plus clairement, comme Hotoman a remarqué, probibitum est ne vel uxor viro. der ; vel socer genero, et par parité de raison le gendre ne devoit pas avoir la lberté d’instituer son beaupere hernier, quia sola institutio soceri justa erat prefumptio taciti fidei commissi à Papinien socero uxori relicti ae cependant Papiman répond au contraire en la Loy penuttième, De his quae ut indig. D. que si le gendre instituë son beaupere heritier, la seule raison de Paffection patornelle ne suffit point pour en induire un tacite fideicommis, fi gener socerum heredem reliquerit taciti fideioommissi suppicionem sola ratio affectionis paterna non admittit ; et la Glose fut les paroles de dette Loy Taciti fideicommissi, dit qu’en ce cas le fideicommis doit être prouvé apertisfimis probationibus, alléguant pour ce sujet la l. 3. De Jure Fisci, dant laquelle cette matiere est mplément traitée, naturâ difficile est tacitum fideicommissum probare, dit Qumlil. Declam. 37 5.

Si toutefois il y a des prefomptions fortes d’un fideicommis au profit de la personde qui étoit d’ailleurs incapable de la liberalité qui luy a été faite, il est juste d’admettre la preuve par témoins de la confidence ; or en cette Loy Si gener, le soupcon étoit tres-violont, le mary Papin ne pouvoit pas instituer sa femme héritiere contre la difposition de la Loy Julia et Papiu uxorem ex testansentoviri, et è contra virum ex testamento uxoris solidum eapere vetat ; mais pour faire fraude à la Loy il avoit choisi la personne de son beaupere, que si cette presomption que l’on fondoit sur la personne du beaupere ne suffisoit pas, il n’étoit rien plus aisé que de faire illusion à la Loy ; car n’étoit-il pas vray-semblable que l’affection du pere pour sa fille Cujas l’avoit porté à prêter son nom, et à engager sa foy de restituer la succession à sa filles : Mi Gujas Papinien en son Commentaire sur cette Loy, lib. 14. Refpons. Papiniani, dit que si probaretur manifestis Papinianus gationibus socerum tacitam fidem interposuisse, Fiscus hereditatem auferret, verum rectè ait Papimianus, ex eo solo non duci justam presumptionem fideicommissi : mais il faut remarquer que la raison pour laquelle en cette occasion là il falloir des preuves cettaines, étoit que s’il y avoit un tacite fideicommis la succession appartenoit au Fisc ; et c’est pourquoy lors qu’il s’agit de punir et le confisquer, on doit se fonder sur des preuves liquides et manifestes ; mais comme par nos Usages la fraude commise en la donation n’emporteroit pas la perte et la confiscation de la chose donnée, et qu’au contraire l’heritier profiteroit de la nullité, on fait valoir en sa faveur les presomptions et les preuves qui sont apparentes.

Pour éviter toutes les difficultez et les questions pour sçavoir jusques où peut s’étendre la prohibition de donner à la femme, il eût été soit à propos d’ajoûter les paroles de l’Article CCCCXXII. et aux parens d’icelle, par ces deux considerations ; la première, dautant que ton a revoqué en doute si la disposition de l’Article 422. devoit être appliquée à cet Article ; car il ne s’ensuit pas, comme je l’ay déja remarqué, que ce qui est défendu pour les donations testamentaires le soit pareillement pour les donations entre vifs ; la raison de douter est que par la Coûtume en cet Article défendant aux Gens Mariez de se donner, n’érend point sa prohibition plus loin qu’aux personnes des conjoints, et non à leurs parens, au-trement si c’eût été son intention elle n’auroit pas manqué de s’en expliquer, comme elle a fait dans l’Article 422.

Il étoit encore nécessaire d’employer ces paroles, ny aux parens d’icelle, par cette autre ronsideration qu’en plusieurs lieux où les donations sont prohibées entre les conjoints, le mary peut donner aux parens de sa femme, et la seule raison de la proximité n’est pas suffisante, comme il fut jugé en l’Audience de, la Grand. Chambre du Parlement de Paris, le 19. de Février 1641. et par l’Arrest l’on confirma une donation entre vifs, faite par un mary conpointement avec sa femme de tous ses biens au pere de ladite femme, quoy que l’heritier du mary qui contestoit la donation alléguât que c’étoit un fideicommis tacite fait en faveur de la semme par l’interposition d’une personne, s’étant servi pour cet effet du nom du frère de ladite femme, ce qu’il offroit prouver. Le donataire répondoit que ce ne pouvoit êtne un fideicommis tacite, puis que la femme avoit donné conjointement avec son mary, que la feule proximité, et particulierement en ligne collaterale, n’est pas une presomption assez forte pour l’établir, et qu’il étoit inouy jusqu’alors de vouloir avoir la preuve d’un fideicommis par témoins, sur quoy eintervint l’Arrest cu-dessus.

C’est une jurisprudence certaine en Normandie, et qui est établie par plusieurs Arrests, que la prohibition de donner aux parens de la femme a lieu pour les donations entre vifs, comme pour les testamentaires. Le sieur de Caux en matiant la nièce de sa femme luy donna deux mille livres à prendre sur son bien ; aprés sa mort ses heritiers firent juger par Sentence qui cette donation ne pouvoit valoir que sur les meubles, qui n’étoient pas suffisans de la payerSur l’appel de la donataire, Lyout son Avocat pour soûtenir cette donation pretendoit qui par ce terme de parens, il ne falloit entendre que les heritiers presomptifs de la femme, et non pas toute sa parenté, que d’ailleurs l’Article CCCexXII. étant sous le titre des testamens, on ne pouvoit l’entendre des donations entre vifs, qui se regloient par l’Art. CCCCXXXI. qui permet de donner le tiers de son bien, pourvû que le donataire ne soit point heritier mmediat du donateur ou descendant de luy en droite ligne. Morlet pour les heritiers répondoit, que lors que la Coûtume veut étendre sa prohibition plus loin qu’à la personne de l’he-ritier, elle ne se sert jamais du mot de parent, et quand elle use du mot de parentelle, elles comprend tous ceux qui appartiennent à la femme, et la même raison fe rencontre pour les. uns comme pour les autres, bien qu’il puisse arriver que l’empressement et les inductions d’une femme envers son mary seront plus fortes pour son heritier que pour un parent plus éloigné. Il n’y avoit pas aussi d’apparence de n’entendre l’Article CCCCXXII. que des donations testamentaires, et que la Coûtume s’en étoit assez nettement expliquée par ces paroles, directement ou indirectement, qui comprennent tons les moyens dont un mary pourroit faire avantage à sa femme, soit en sa personne ou en celle de ses parens ; cette Cause ayant été plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 4. d’Aoust 1643. la Cour ordonna qu’à n seroit deliberé, et le lendemain il y eut Arrest par lequel la Sentence fut confirmée ; les Parties étoient les heritiers du sieur de Caux, et Guenon sieur de Marivaut. Autre Arrest du 26. deNovembre 1665. par lequel il fut jugé qu’un mary n’avoit pû donner entre vifs. un immeuble au fils de sa femme, ny luy remettre une rente dont il luy étoit redevable.

Pau ayant épousé en secondes nopces Jeanne Anquetil, veuve de Jean Lagnel, bailla à Lagnel, ils de sa femme, trois cens cinquante livres, constituées en vingt-cind livres de rente, et depuis par le Contrat de mariage dudit Lagnel il luy remit cette rente, et luy rendit le Contrat, aprés sa mort ses enfans ayant obtenu des Lettres de récision soûtinrent que la remise de cette rente étoit une donation puis qu’il n’y avoit point d’argent déboursé : Lagnel répondoit que la quitance de cette rente n’étoit pas une donation, mais une liberation et une extinction de dette, et que l’heritier même avoit donné son consentement à la donation, et qu’il l’avoit confirmée : La Cour mit l’appellation et ce dont de la Sentence qui jugeoit la donation bonne, et ayant égard aux Lettres de restitution obtenuës par l’heritier, le maintint en la possession de la rente sans restitution des arrérages.

Aprés tant d’Arrests l’on ne peut plus douter que la donation entre vifs faite par le mary aux parens de sa femme est prohibée, et que pour annuller ces donations la seule qualité de parent est suffisante, sans être obligé d’en alléguer d’autre preuve ny d’autre raison ; et quoy qu’il ne soit pas ajoûté que la femme ne peut donner aux parens de son mary, la même prodibition a lieu, cet Article défendant aux Gens Mariez de se donner directement ou indires ctement.

L’on confirma néanmoins une donation faite par un mary à la niéce de sa femme, sur ces confiderations particulieres. Adtian Gosset n’ayant point d’enfans, donna à Catherine Hermel niéce de sa femme, en la mariant cinq cens livres à prendre sur ses immeubles aprés son decez, et sans en pouvoir rien prendre sur ses meubles, et à condition que cette somme retourneroit à ses heritiers en cas que ladite Hermel mourut sans enfans : Le donateur avoit gatifié cette donation durant la vie de sa premiere femme ; s’étant remarié avec une autre femme, il avoit vécu dix années sans faire aucune déclaration contraire à cette donation, et par son testament il donna tous ses meubles à sa seconde femme : Barbé son heritier contredit la donation sur les immeubles, elle fut declarée valable par le Vicomte et par le Bailly ; sur l’apel de Barbé, d’Orville son Avocat s’aidoit de l’Arrest de de Crux rapporté cu-dessus, et consentoit que la donation fût prise sur les meubles. De Fréville pour la femme representoit que l’intention du donateur étoit expresse, et que la donation de de Crux étoit sur les meubles et immeubles : Everard pour le Pelé disoit aussi que la raison de la prohibition cessoit en ce cas, ces donations n’étant défenduës qu’afin qu’elles ne tournent point au benefice de la femme ; or la femme ny ses heritiers n’en pouvoient profiter, puis qu’en cas de mort sans enfans de la donataire, la donation retournoit aux heritiers du donateur, lequel ayant vécu dix ans depuis la mort de sa premiere femme sans revoquer la donation, son heritier n’y étoit point recévable : Par Arrest du 7. de May 1665. la donation fut confirmée ; l’Atrest fondé sur ces motifs, que le donateur avoit stipulé le retour de la chose donnée, en cas que la donataire mourût sans enfans, et qu’ayant vécu long-temps depuis le decez de sa femme, il n’avoit point revoqué ny protesté conctre cette donation.

C’est en vain qu’on colore ces donations par des pretextes et des motifs de recompense et de remuneration, comme il fut jugé sur ce fait. Dame Marguerite de Briroy, femme de René de Hennot, Ecuyer sieur de Teville, n’ayant point d’enfans fit une donation à la Demoiselle l’Aillier niéce de son mary, et pour la faire valoir elle déclara que c’étoit pour la recompenser des services qu’elle luy avoit rendus ; les heritiers presomptifs de la donatrice s’opposerent à l’insinuation ; et aprés son decez, Marguerie, sieur de Colleville, qui avoit épousé la Demoiselle l’Aillier, ayant voulu prendre possession des choses données, sur le contredit des heritiers la donation fut cassée : Sur l’appel de Marguerie, Greard son Avocat disoit qu’il y avoit deux questions à decider ; la première, si une femme étant en la puissance de son mary pouvoit donner étant autorisée par luy ; et la seconde, si une femme avoit pû donner à la niéce de son maty : Pour la premiere question, il soûtenoit que les femmes n’étoient pas naturellement incapables de donner, que le mariage seul leur pouvoit ôter cette liberté, parce que les maris étans les maîtres de leurs actions, elles ne pouvoient contracter sans leur aveus mais quand cet obstacle étoit levé par le consentement du mary, et que la femme retournoit en sa première liberté, en ce cas la donation étoit bonne, suivant l’Atrest de Hennot rapporté par Berault sur l’Article CCCexXXI. Pour la seconde question, que la Coûtume en cet Article défendoit bien aux conjoints de se donner directement ou indirectement, mais que cela n’avoit lieu que lors que la donation étoit faite sous des noms interposez, pour retourner au profit de l’un ou de l’autre, ce qui n’étoit pas en cette rencontre, et qu’enfin cette donation étant remunératoire et causée pour recompense de services elle devoit subsister. Maurry pour Messire Jacques de Harcour, Baron d’Olonde, intimé, et pour la Demoiselle de Valun, neritière de la Dame de Teville, répondoit que la premiere question avoit été decidée par l’Arrest de Ruette, par lequel on avoit declaré nulle une donation de propres faite par une femme du consentement de son mary, que l’Arrest de Hennot n’étoit que pour des acquests, qu’il n’y avoit nulle cause, nulle necessité d’approuver ces donations, et qu’au contraire la tonsequence en étoit perilleuse, tous les maris qui n’avoient point d’enfans obtiendroient aisément de leurs femmes des donations en faveur de leurs parens ; et à l’égard de la seconde question que la Coûtume y étoit si formelle, et la Cour l’avoit jugé tant de fois, qu’il n’y avoit pas d’apparence de revoquer en doute que les donations entre vifs, faites par les conjoints aux parens de l’un ou de l’autre, ne fussent entièrement nulles ; car si la Coûtume ne permet pas seulement au mary de donner à sa femme le tiers de ses acquests, elle lay permet neaucoup moins de donner de ses propres qu’elle prend tant de soin de conserver dans les familles. Pour les services dont on avoit taché de colorer cette donation, ils n’étoient point prouvez ; la Cause fut appointée au Conseil, et depuis par Arrest donné au Rapport de Mr d’Anviray le 29. de Mars 1659. la Sentence fut confirmée.

Cette prohibition faite au mary de donner aux parens de sa femme ne seroit plus considerable, si le mary aprés la mort de sa femme confirmoit la donation, nam res decrniret ad eum casum à quo incipere poterat. Le sieur de Tontuit se voyant sans enfans donna à la niéce de sa femme, qui demeuroit chez luy, quatorze cens livres à prendre aprés sa mort sur tous ses piens, et ou ses heritiers dans l’année de son decez ne payeroient pas cette somme, il ordonna qu’elle demeureroit constituée en rente ; cette donation étoit causée pour recompense de services : aprés le décez de sa femme il ratifia cette donation, et la fit infinier : le sieur de Tontuit étant decedé et ses heritiers n’étant point connus, les Officiers de Mademoiselle d’Orléans firent saisir tous ses biens-meubles et immeubles à droit de deshérance ; mais les heritiers s’étant presentez ils contesterent la donation en vertu de cet Article et de l’Article CCCCXXII. que la clause de recompense de services ne pouvoit faire subsister cet Acte, puis que ces services n’étoient point constans : la donataire pretendoit que ses services étoient justifiez par les attestations de maladie du donateur qu’elle avoit assisté jusques à son decez, et qu’aprés tout le donateur l’ayant ratifiée aprés le décez de fa femme, en un temps où la cause de la prohibition avoit cessé, elle ne tomboit plus dans le cas de cet Article ; par Arrest du 9. de Janvier 1664. la donation fut confirmée, plaidans Caruë, et Greard On se fert encore d’un moyen oblique et indirect, en empruntant le nom de quelque confident, qui engage sa foy de restituer les choses données ; ce moyen n’est pas moins défendu ue les autres, quippe interdictum est conjugibus sibi donare, tam per se, quam per interpositas personas, l. Hac ratio 3. S. 9. et l. Si sponsus. 8. generaliter, ff. de Donat. inter vir. & uxor. mais la difficulté consiste ordinairement dans la preuve, étant mal-aisé de découvrir ces tacites ideicommis, dont le plus souvent il n’y a que des presomptions et des conjictures.

Il y a neanmoins quelques cas qui sont remarquez par Berault où le mary peut faire avantage. à sa femme, il n’est pas reputé luy donner lors qu’il rachete les rentes qui sont dûës sur son bien, car il en tire du profit, la joüissance qui luy en appartient étant augmentée par cette liberation : Mais sur cette question, si un mary ayant déboursé des deniers pour maintenir sa femme en la possession du fief de Lisore qui luy appartenoit, ce supplément pouvoit être repeté par les heritiers du mary, par Arrest du 27. de Mars 1630. donné en l’Audience de la Grand-Chambre au profit du Tuteur des enfans du sieur de Marescot, les heritiers de la femme furent condamnez à rendre ce supplément

La question si les impenses faites sur les héritages de la femme par le mary peuvent être epetez, est decidée fort differemment : Par le Droit Romain elles se peuvent repeter, l. Sed t vir. 5. Si vir uxori aream donat, ff. de Donat. inter vir. & uxor. Et par la Coûtume de Bretagne, Article 60z. si le maty fait maisons et édifices sur l’héritage de sa femme, le mary ou ses hoirs n’y prendront rien

semble que le mary pourroit repeter ces impenses-là ; car si le mary retire li

des héritages au nom de sa femme, le mary ou ses heritiers peuvent repeter la monié des deniers déboursez, si donc il a fait des bâtimens par le moyen desquels le revenu des héritages soit augmenté, pourquoy n’aura-t’il point le même droit que s’il les avoit employez à un retrait d’héritages : Les Gens Mariez ne se peuvent donner ny faire en sorte que les biens des uns passent aux autres directement ou indirectement ; ce seroit toutefois une espece de donation et un avancement de conquests, de faire de grands bâtimens sur le fonds de la femme, sans en pouvoir demander aucune recompense.

Chassanée Nôtre Usage est certain au contraire, comme Bérault l’a remarqué, et outre Chassanée Boërius u’il cite, Boëtius sur la Coûtume de Berry, titre des Mariages, 5. 2. témoigne que nonobstant la décision du Droit Romain contrarium de consuetudine servatur. La Coûtume de Ni-vernois, titre des Communautez, Article S. y est expresse ; voyez Coquille en ses Questions, question 9. Nous nous sommes fondez sur cette raison, que le mary joüit du revenu du bien de sa femme, ses meubles luy appartiennent, quand il luy échet une succession mobiiaire, il n’est sujet au remploy d’iceux que quand ils excedent la moitié du don mobil ; il n’es pas juste de donner une repetition au mary ou à ses heritiers des bâtimens qu’il a faits, sur tout puis que la Coûtume ne l’ordonne point : ce qui a été dépensé constant le mariage procede de l’industrie et du bon ménage de l’un et de l’autre ; et comme si le mary avoit bâty sor on fonds, la femme ne pourroit demander part aux deniers que l’on auroit employez ; aussi le mary ne, peut demander l’augmentation qu’il a faite sur le bien de sa femme, elle le reprend en l’état qu’elle le trouve, et quidquid adificatum est solo cedit, et le mary est d’autant moins avorable en cette repetition, qu’il a cet avantage de jouir encore du bien de sa femme aprée fa mort s’il en a eu des enfans.

Par le Droit Civil le mary pouvoit demander impensas in res dotales factas, mais en ce cas il falloir qu’elles fussent considérables, omnino & in adificandis adibus et propagandis vineis modicas impensas non debet Arbiter curare, l. Omnino D. de impens. in reb. dotal. fact. quod enim maritus facit propter tutelam necessariam in res dotales quas suo sumptu tueri debet, modicam adificiorum refectionem non repetit et non tam impendifse quam ex his rebus minus percepisse videtur, ista enim x genere et magnitudine impendiorum astimari debere, 1. Quod dicitur D. eod Pour les frais du procez que le maty auroit soûtenu pour la conservation du bien de sa femme, on peut douter s’il peut les repeter ; car on peut dire d’un côté que ce seroit un avancement s’il avoit plus coûté au mary que le revenu du bien de la femme ne luy auroiti produit, les frais d’un procez pour la défense de la proprieté du fonds ad perpetuam agri atilitatem pertinent non ad presentem temporis fructum, l. 3. de impens. in res dotal. factis. On allégue au contraire, que le mary est obligé à la conservation du bien de sa femme, qu’il ne peut le diminuer pour des frais de procez qu’il pourroit entreprendre mal à propos, nam tueri res dotales vir suo sumptu debet, l. Quod dicitur Cod. eodem, et par la Loy dernière du même titre Si impense non solum ad percipiendos fructus, sed etiam ad conseruandam ipsam rem speciemque ejus necessariae sint, eas vir ex suo facit, nullam habet eo nomine ex dote deductionem.


CCCCXI.

Recompense de bien de la femme aliené n’est avancement.

Toutefois le mary avant aliené l’héritage de sa femme, luy peut transporter du sien pour recompense, pourvû que ce soit sans fraude ou déguisement et que la valeur des héritages soit pareille, et qu’il apparoisse de l’alienation du mary par Contrat autentique.

La Coûtume avoit parlé trop generalement en l’Article precedent, lors qu’elle avoit défendu aux Gens Mariez de faire aucuns Contrats entr’eux, par lesquels les biens de l’un vins sent à l’autre, car l’on pouvoit induire de cette disposition generale, qu’un mary n’auroit pû bailler de ses biens à sa femme pour le remploy de ses héritages qu’il auroit alienez ; mais elle n’avoit intention que de défendre les Contrats qui seroient faits en fraude, et pour se faire avantage l’un à l’autre, et c’est pourquoy dans cet Article elle apporte cette exception, que si le maryBaliené l’héritage de la femme, il peut luy transferer du fien pour recompense, pourvû que ce soit sans fraude et sans déguisement.

L’on souffre si peu que le mary baille à sa femme un remplacement plus avantageux qu’il ne luy est dû, que non seulement les heritiers et les créanciers anterieurs de ces Contrats. mais même ceux qui ont contracté depuis avec le mary, ont été jugez recevables à en demander l’estimation. Un mary depuis le remploy qu’il avoit donné à sa femme ayant contracté des dettes, les créanciers l’ayant fait saisir comme étant de plus grande valeur, la femme leur objecta qu’ils ne pouvoient luy reprocher que ce remplacement luy eût été donné en fraude de leurs droits, puis qu’il étoit anterieur de leur creance, qu’ils ne pouvoient avoir d’hypotheque que sur les biens dont leur debiteur étoit saisi, et non sur ceux qui n’étoient plus en sa possession ; néanmoins par Arrest donné en la Chambre des Enquêtes le 7. de May 1655. il fut jugé qu’estimation seroit faite de ce remplacement. Autre pareil Arrest : En 4662. Jean Feugeret pour faire avantage à sa femme engagea son bien au nommé Adam, parent de sa femme, et par un autre Contrat de l’année 1663. Feugeret feignant de retiren cet héritage, ledit Adam déclara qu’il ne demandoit pour son remboursement que deux cens livres, pour le payement desquels Jourdain, père de ladite femme, pour demeurer quitte de quinze livres de rente dotale qu’il avoit données à sa fille, engagea une maison audit Adam, au moyen de quoy il rendit l’héritage à Feugeret son gendre, qui le bailla à sa femme pour remplacement de sa rente dotale ; mais en 1662. Feugeret s’étant constitué en vingt et une livres de rente envers Savigni, cette femme pretendant que tout le bien de son mary luy appartenoit opposa contre la saisie réelle que Savigni en avoit faite ; le Vicomte luy en ayant accordé la distraction, et l’affaire ayant été portée à la Cour sur un incident, elle soûtenoit que Savigni n’étoit point recevable à luy contester son remplacement, dautant qu’il n’étoit devenu creancier de son mary que neuf ans aprés la vente de son bien. Je répondois pour Savigni que le mary avoit pû luy donner un remplacement, pourvû qu’il fût sans fraude et d’égale valeur, mais que l’inégalité en étoit si considérable, qu’encore que sa dot ne fût que de deux cens livres, le fonds baillé en remplacement valoit deux mille livres, ce qui étoit si certain, que même depuis le procez elle l’avoir vendu par ce prix là ; et bien qu’il fût creancier depuis le remplacement, neanmoins comme le mary, s’il avoit survécu sa temme, auroit pû faire annuller ce Contrat, les creanciers avoient le même droit ; que ce Contrat étoit contraire à la Coûtume, que les creanciers seroient trompez à la bonne foy car le mary demeurant toûjours en possession, on pourroit ignorer qu’il en eût disposé en faveur de sa femme ; par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 8. de Mars 1667. on permit à Savigni de faire decreter, on baillant caution à la femme de la faire porter de sa dot, si mieux elle n’aimoit payer la dette. Thetoude plaidoit pour la femme.