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DE PARTAGE D’HERITAGE.

OUS apprenons dans ce Titre la manière de partager les biens entre ceux que la Coûtume dans les Articles précedens a déclarez capables de succeder.

Cette action en partage étant si ordinaire dans la société civil, il étoit necesfaire d’en établir des loix certaines et generales ; néanmoins la manière de gartager est fort différente dans toutes les Coûtumes de France, tant à légard des personnes qu’à l’égard des choses, chaque païs ayant affecté de conserver ses Usages et de partager ses biens à sa mode : en quelques lieux les mâles et les femmes succedent également, en d’autres les filles ne succedent point ; ailleurs la division fe fait autrement entre Nobles qu’entre roturiers : les biens ne sont pas tous aussi de même nature. On divise les héritages en fiefs et en roture, et nous avons encore des immeubles par fiction, les rentes et les Offices. Tantost les fiefs sont individus, et tantost ils sont divisibles ; en quelques lieux l’ainc prend le fief entier par préciput, et en d’autres Coûtumes il n’a que le vol du Chapon. Enfin les rentes constituées et les Offices ont produit beaucoup de diffieultez lorsqu’il a falu regler la manière de les partager ; nôtre Coûtume a fait comme les autres ces distinctions de personnes et de biens, comme nous l’apprenons par ce Titre.

Il arrive souvent que des coheritiers ou des associez pressez par la necessité de leurs affaires, pu par mauvais ménage, disposent des biens de la succession-ou de la société ; cela fait naître cette question, si la division ou le partage d’une chose commune entre des associez ou des coheritiers, se peut faire valablement en l’absence leurs créanciers : Mrdu Val , de Rebus dubiis tract. 10. n. 2. distingue entre le partage d’une heredité et la division d’une chose commune entre associez, inter judicium familiae erciscundae, quod est universale & communi dividunde quod in re communi consistit. Pour le partage entre coheritiers il n’est point necessaire d’appeler ni les creanciers du défunt ni ceux des coheritiers, parce qu’ils peuvent puis aprés exercer leurs actions sur les choses qui tombent au partâge de leur debiteur : mais pour laction que le Droit appelle communi dividundo, il faut considerer si l’associé a mis en gage la chose commune, ou Sil l’a simplement hypothequée à ses dettes : An socius partem suam pro indiviso pignori dederit, an pignori tantum obligaverit : Au premier cas, lorsque le creancier joüit par engagement, la division se doit faire avec luy, parce qu’il est saisi pignori incumbit, mais si l’associé n’a fait qu’affecter sa part à son créancier, sa presence n’est point necessaire, son hypotheque luy Loüet étant acquise sur la part de son debiteur. Cette question est amplement traitée par Loüer, I. ff. n. 11. et parTronçon , sur le Tit. des Actions Personel. et Hypothec. j’en parleray plus amplement sur l’Article 593. Régulierement l’hypotheque constituée sur une chose commune n’engage que la part de celuy qui a contracté, et non celle de son coheritier ou de son associé, l. 1. si res com. pign. data sit, l. 1. C. comm. diviid. Nous ne faisons point de distinction. entre les coheritiers et les associez, et nous tenons comme à Paris que lorsque le partage est fait sans fraude, le creancier ne peut agir que sur la part échûë à son debiteur : et quand même un coheritier avant les partages auroit vendu quelque portlon des biens héréditaires, si cette portion tomboit au lot d’un autre coheritier, il pourroit s’en mettre en possession, pourvû qui le tout eût été fait sam fraude.

Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre. Un frere qui joüissoit de toute la succession en vendit quelque portion, et lors de la choisie des lors il laissa à son frere puisné celuy dans lequel les terres alienées étoient comprises : L’acquereur ayant été maintenu, sur l’appel du frère, Pichot son Avocat disoit que la vente faite par son frère n’empeschoit point son action, que l’acquereur n’avoit point de titre ayant acquis à non Domino, l. 1. C. de rerum commun, alienatione, et que cet héritage étant tombé en son lot il en devoit jouir. Theroulde répondoit pour l’acquereur, que l’appelant plaidoit sans interest, son frere offrant de luy bailler. d’autres terres ; néanmoins par Arrest du 4 d’Avril 1658. en reformant la Sentence, on ordonna que l’on procederoit à nouvelle choiie en preence de l’acquereur.


CCCXXXV.

Division d’héritage.

En Normandie il y a héritage partable, et héritage non partable.

Chacun sçait ce que la Coûtume appelle héritage partable et non partable. Les héritages partables sont les terres roturières, les maisons en Bourgage et en Franc-Aleu : Il faut ajoûter les rentes constituées et les Offices ; les héritages qui ne se divisent point sont les fiefs ; mais il peut encore arriver que des biens qui par leur nature pouvoient être partagez, ne le seront plus en vertu d’une stipulation apposée par les contractans. Celuy qui donne un fonds peut ordonner qu’il n’entrera point en partage, et qu’il appartiendra à certaines personnes.


CCCXXXVI.

Fiefs-nobles individus, en quel cas peuvent être divisez.

Tous fiefs nobles sont impartables et individus : neanmoins quand il n’y a que des filles heritières, le fief de Haubert peut être divisé jusques en huit parties, chacune desquelles huit parties peuvont avoir droit de court et usage, jurisdiction et gage-plege.

Les fiefs ne sont individus qu’à l’égard des mâles, mais entre filles ils sont tellement divisibles, qu’ils peuvent être separez jusques en huit parties. Nôtre Coûtume est encore au-purd’huy observée en Anglererre ; car les soeurs, au defaut des mâles, y succedent égaement au fief, apud Anglos sorores masculis deficientibus aequaliter in feudo succedunt ;Couvell . onstit. Instit. jur. Angl. l. 2. 5. n. 11. Elle s’est même établie en Ecosse : les fiefs s’y divisent entri illes, soit qu’elles foient nobles ou de condition rotutière, sive pater fuerit miles, sive soccoannus, c’est ainsi qu’ils appellent les Roturiers, et en Angleterre aussi, parce qu’ordinairement ls mettent la main à la charué ; c’est la même origine que nous donnons à nôtre mot roturier à ruptura, parce qu’ils rompent la terre, comme je l’ay remarqué plus amplement ailleurs. Il est vray qu’en Ecosse la fille ainée a cet avantage qu’elle retient le manoir principal, salus tamen messuagio capitali, c’est ainsi qu’ils ont traduit en Latin nôtre mot de menage, dont ils se servent en leur langue, comme aussi les Anglois.

La Coûtume permettant en termes generaux de diviser tous fiefs entre filles, on demande si les fiefs de dignité, comme les Duchez et les Paîtrres, les Marquisats et les Comtez, sont compris sous cette loy generale :

Par le droit des fiefs il n’y avoit que les grands fiefs qui ne pouvoient être divisez, comme les Duchez, les Comtez, et les Marquisats, c. 1. 8. praterea Ducatus, de prohib. feud. alien ver Fridericum, et Cap. 1. omnes filii, si de feudo defunct. controv. sit.

Plusieurs Coûtumes au contraire permettent la division des fiefs de dignité. Par celle du Touraine, au Tit. comment Baronnie se doit departir ; La Baronnie est indivisible seulement lorsque iné peut bailler recompense à ses puisnez en châtel ou châtellenie de la même succession.

Mais il y a grande différence entre les anciens Marquifats et Comtez, et ceux de nouvelle creation. Ces dignitez qui n’étoient point divisibles par le droit des fiefs, étoient au commencement des gouvernemens de Provinces et de Villes frontières ; mais aujourd’huy que ces dignitez ont perdu leur éclat pour être devenuës trop communes, et que le plus souvent elles sont attachées à des fiefs de peu d’importance, dont la mouvance est de nulle étenduë, et et droits Seigneuriaux tres-mediocres, il n’y a pas d’apparence de distinguer des autres fiefs ces Marquisats et ces Comtez de nouvelle creation, et de les excepter de la loy generale. établie par cet Article, que tous fiefs sont divisibles entre filles. Il faudroit changer l’ordre de partager les fiefs, vù les creations frequentes qui se font tous les jours de ces nouvelles dignitez, et cela seroit sans aucune raison. Il est vray que le Roy peut a-corder ces titres, mais en les accordant il n’entend pas déroger aux Loix et aux Coûtumes de chaque païs : que si nos anciennes Baronnies, dont les Seigneurs n’ont point eu cette vanité d’en changer les titres, bien qu’elles soient composées de grandes mouvances et de beaux droits Seigneuriaux, sont neanmoins divisibles, il n’y a pas d’apparence que contre la disposition si expresse de la Coûtume on attribuë ce privilege d’être individuës à ces nouvelles dignitez, qui n’ont rien qui les leve au dessus de la qualité ordinaire des fiefs que des Lettres du Sceau. L’ancienne Coûtume, au TItre de Partage d’heritage, parlant des biens qui ne sont point partables entre freres, compte les fiefs de Haubert, les Comtez et les Baronnies ; d’où il s’enfuit que les Comtez et les Batonnies, non plus que les Fiefs de Haubert, ne sont indivisibles qu’entre filles, et c’est aussi le sentiment deTerrien Terrien -

On ne peut approuver cette maxime, qu’en renversant entièrement l’ordre de partager que la Coûtume a établi entre les fiiles, elles ne partageroient plus également, car lorsque la succession seroit composée d’un seul Marquisat, elles seroient forcées de prendre leur part en deniers, et il ne seroit plus véritable que tous fiefs sont divisibles entre filles, puisqu’il se treuve n si grand nombre de Marquisats et de Comtez, et qu’il se fait encore tous les jours tant de pouvelles creations, qu’il ne resteroit que peu de fiefs où la disposition de cet Article pût voir lieu : mais sans renverser la Coûtume, lorsque ces Dignitez peuvent tomber à des filles, il est aisé de les conserver en aitachant la Dignité à une portion du fief, comme on a fait aux anciennes Baronnies. Il est vray que par Arrest donné en la Chan-bre des Enquêtes, au Rapport de Mr Scot, le 27 d’Aoust 1677. on cassa la Sentence qui deboutoit le sieur de Pirou de les Lettres de récision contre le partage, et l’on declata le Marquifat de Pirou indivisible, et l’on a entériné les Lettres de récision obtenuës par Me Claude de Vassi contre les partages qu’il avoit faits avec la Dame Comtesse de Creance sa coheritière, par : lesquels ce nouveau Marquisat avoit été divisé, mais cet Arrest ayant été donné par forclusion, il ne fait point de regle ni de décision.

Les fiefs sont divisibles entre filles, ils peuvent être encore partagez lorsque les enfans de ces filles, soit mâles ou femelles, viennent à la representation de leurs meres à la succession de leur ayeul ou ayeule ; mais la portion qui échet à l’une des filles ne se divise plus entre ses d enfans, s’il y a des mâles, suivant l’Arrest que j’ay remarqué sur l’Article 272. Par l’ancien a usage des fiefs les filles ne succedoient point, ils étoient toûjours dévolus aux mâles les plus proches, décendus de celuy qui avoit acquis le fief, Tit. de Success. feud. Cet usage fut aboli par l’Empereur Frederic pour les Royaumes de Sicile et de Naples, n’y ayant point de mâles, la fille succede tant aux fiefs qu’aux biens en bourgage : non extantibus filiis, filia succedit tam in feudalibus quam Burgensaticis, MatthausMatthaeus de Afflict . l. 3. Rubr. 26.


CCCXXXVII.

Préciput de l’aîné aux fiefs.

Le fils aîné au droit de son aînesse peut prendre et choisir par préciput tel fief ou terre noble que bon luy semble, en chacune des successions tant paternelles que maternelles.1

avant que de traiter des prerogatives de la primogeniture, il ne sera pas inutile de donner la définition de la primogeniture : M Charles du Moulin la définit en ces termes, la primogeaiture est un droit de premier âge, et une compétence honoraire et utile attachée à l’ainés primogenitura est jus prioris atatis, honorificum et utile competens filio qui primus est in ordine nascendi, Article 13. de la Coûtume de Paris.

Les prerogatives de la primogeniture sont incomparablement plus grandes qu’elles n’étoient avant l’établissement des fiefs ; depuis ce temps presque toutes les Coûtumes donnent le fief entier à l’ainé, ou sameilleure partie d’iceluy ; il y a même des Loix qui affectent particulierement certains fiefs aux ainez des maisons, Spelmannus les appelle fiefs des premiers en naissance, feuda genearchica, parce que le chef et le premier auteur de la famille a voulu qu’ils demeurassent perpesuellement à l’ainé de la maison :Spelman , in verb. feudum. Les Espagnols les appellent des majorasques, et les Anglois des fiefs à taille, feudum talliatum.

Cette Coûtume qui permet à l’ainé de prendre un fief par préciput est fort ancienne en Normandie, et il y a beaucoup d’apparence que les Normans l’ont établie dans les Royaumes d’Angleterre, de Sicile et de Naples ; en Angleterre le fils ainé d’un pere noble succedoit seul au fief :Glanville , 1. 7. c. 3. Quand il est parlé dans les Constitutions Neapolitaines de certains peuples, chez lesquels on vit selon le Droit des François, in quibus vivitur jure Francorum, Il faut entendre ces paroles des Normans par cette raison, que les conquêtes des Normans ayant precedé celles des François dans les Royaumes de Sicile et de Naples, ils y ont aussi établi les premiers leurs Loix et leurs Coûtumes ; cela paroit par la conformité que ces Loix, qu’ils appellent Droits des François, jura Francorum, ont avec l’ancienne Coûtume de cette Province : MatthaiisMattaeus de Afflictis , en ses Constitutions Neapolitaines, l. 3. Rubrique 17. de adjutoriis pro militia, et en la Rubrique 23. de successione Nobilium, expliquant ce que c’est que succeder aux fiefs, jure Francorum, dit que c’est lorsque l’ainé succede seul aux fiefs, et qu’il n’est tenu de donner à ses puisnez que leurs alimens et un employ à la guerre, victum & militiam : Or cette Coûtume a beaucoup plus de rapport avec la nôtre qu’avec celle de France, qui ne donne pas au fils ainé le fief entier.Hottoman , in Controversia nepotis & patrui, a entendu ces paroles, jure Francorum, dans le même sens ; car rapportant une Lettre de l’Empereur Frederic Il. qui contient ces termes, qu’il reconnoisse immediatement le fief de nôtre Cour, vivant selon le Droit des François, sçavoir en ce que l’ainé ayant exclus ses puisnez succede au fief toûjours indivisible entr’eux, Castrum à Curia nostra immediatè recognoscat vivens jure Francorum, il ajoûte vivens jure Francorum, in eo videlicet quod major natu exclusis minoribus fratribus in Castro succedat inter illos nullo tempore dividendo : Il y a neanmoins cette difference que le pere ne pouvoit aliener au préjudice de son fils ainé ces espèces de fiefs où l’on vivoit selon le Droit des François, in quibus vivebatur jure Francorum.

Mais aujourd’huy suivant nos Usages le pere est maître de son bien, il peut non seulement en disposer, mais aussi en changer la nature jusqu’au dernier soûpir de sa vie, soit pour augmenter les droits de son ainé ou pour les affoiblir en faveur de ses puisnez ; et je ne sçay en uel lieu Me Charles du Moulin a lû qu’en Normandie il y a des fiefs qui sont tellement iffectez au droit d’ainefse que le pere n’en peut disposer, de feud. 5. 13. gl. 3. n. 3. Les fiefi étant devenus patrimoniaux comme les autres biens, l’on peut égalemennt disposer des uns et des autres, et le préciput que l’ainé choisit ne luy appartenant qu’à droit hereditaire, il est tenu de prendre la succession en l’état qu’il la trouve. Il y a de la difference entre la legitime et le préciput, celle-là ne peut être ôtée, parce que c’est un benefice de la loy, et c’est pouruoy on peut fort bien la nommer la legitime de la loy et non la legitime du pere ; mais le préciput n’appartient à l’ainé que quand dans la succession il se trouve des biens de la qualité requise pour donner lieu au préciput, et les alienations sont même reputées favorables lorsque le Godefroy pere rétablit l’égalité entre ses enfans, et qu’il ne le fait que par le motif d’une tendresse paternelle qui le porte à les cherir également : Godeftoy sur cet Article a tenu que le pere ne pouvoit vendre le fief au préjudice de son ainé, mais le contraire a été jugé de la sorte sur ce fait. Catherine de Moulins durant la maladie dont elle mourut échangea son fief de Berou contre huit acres de terre en roture avec le nommé le Franc, qui acheta le même jour le Domaine non fieffé moyennant sept mille livres constituées en cinq cens livres de rente, au profit de cette Demoiselle, qui retint la joüissance des choses venduës jusqu’à la S. Micheli elle mourut neuf jours aprés ces contrats, nonobstant lesquels Pierre Damours, son fils ainé. prit possession du bien, et obtint des Lettres de récision contre les contrats, comme étant rauduleux, et ayant été exigez de sa mere lorsqu’elle étoit à l’extrémité, pour le frustrer de son préciput, car elle n’avoit aucune necessité de vendre, et en effet elle n’avoit reçû aucun argent, et même elle étoit morte en la possession de son bien, et l’acquereur n’en étoit point entré en oüissance : Les puisnez se défendoient de la suggestion qui leur êtoit imputée par leur frere ainé, et qu’au surplus leur mere n’étant point interdite de disposer de son bien, leur frère ainé devoit prendre la succession en l’état que leur mere l’avoit laissée, que l’on ne pouvoit blamer l’intention qu’elle avoit euë de remettre les choses dans le droit commun, en rendant ses enfan égaux, et cette cause, ditdu Moulin , 5. 13. gl. 3. n. 23. par laquelle le pere a été mû à faire cela n’a pas été une haine injuste ou une fraude, mais un amour égal et une pieté envers tous ses enfans, convenable au droit et à l’équité naturelle, hec causa quâ pater motus est ad hoc faciendum, non fuit iniquum odium, vel fraus, sed aqualis amor et pietas in omnes liberos, juri et aequitati naturali conveniens. L’acquereur soûtenoit de son chef que ses contrats étant véritables et non simulez, l’ainé ne leur pouvoit donner atteinte par la seule raison de son interest : Par Arrest du 20 de Juillet 1629. sans avoir égard aux Lettres de récision, les contrats furent confirmez ; comme le pere peut ôter le préciput à son ainé en alienant le fief, il peut au contaire accroître son préciput par la reünion de plusieurs fiefs, et Me Jacques Godefroy sur cet Article s’est trompé, lorsqu’il dit que le pere ne pouvoit reünir ses fiefs au préjudice de ses puisnez qui étoient nez :

Du Moulin au lieu préallégué a été de ce sentiment, que si la vente êtoit faite dans la seule vûë de faire préjudice à l’aine, il seroit bien fondé à revoquer les alienations, soit qu’elles fussent faites à titre onereux ou lucratif ; mais si l’on fait consister la fraude en ce que le pere voulu affoiblir ou ôter entierement le préciput à son ainé, ce ne seroit pas un moyen valable pour aneantir la disposition du pere, et pour faire casser la vente que le pere auroit faite à un étranger à titre onereux, puisque d’ailleurs cette vente a eu pour motif l’égalité si convenable au droit commun et naturel.

Le pere ne pourroit pas neanmoins par une donation ou par un contrat de mariage faire des avantages aux puisnez au préjudice du droit primogeniture,Molin . de feud. 5. 13. gl. 13. n. 7. et sequent.Loüet , l. E. n. 7. Il n’est pas au pouvoir du pere de changer l’ordre de la nature, elle est maîtresse en ce point, et le pere est contraint de luy obeir, en conservant les droits de primogeniture à celuy auquel ils sont acquis incommutablement. Nous apprenons dans le Genefe que Joseph vit avec quelque déplaisir la preference que Jacob donnoit à Ephraim fut Manassé, et pour l’en détoutner, ou plûtost présumant qu’il le faisoit par erreur, il luy remontra que ce qu’il faisoit n’étoit pas dans l’ordre ; mais ce pere, dont les actions étoient conduites par des mouvemens secrets de la Providence luy répondit sagement qu’il n’ignoroit pas la Coûtume : ce fut par un semblable motif que David fit monter sur son Trone Salomon au lieu d’Adonias son ainé : Mais ces exemples ne font pas de loy, et nos Coûtumes ont établi des dispositions contraires.

Puisque le pere est le maître de son bien, et qu’il peut en changer la nature, si désirant rendre égale la condition de tous ses enfans, et pour éviter la vente ou un changement qu’il pourtoit faire de son bien, l’ainé renonce volontairement à son droit d’ainesse, cette renontiation sera-t’elle valable ; Plusieurs Docteurs l’ont estimée valable, parce que durant la vie de son pere ce droit ne luy est pas incommutablement acquis, il renonce seulement à une espérance que son pere auroit pû rendre vaine et sans effet, s’il n’avoit pas donné son consentement.

Mais quelque liberté apparente que le fils pût avoir, on doit toûjours présumer que cette renonciation n’a point été entièrement volontaire, car on ne présume jamais que l’on renonce sans quelque contrainte à l’esperance presque certaine d’un bien à venir ; ces renonciations sont. un effet de la crainte et du respect paternel : L’exemple d’Efaù ne doit point être imité, c’étoit un profane qui se rendit indigne d’une si noble prerogative, et même les circonstances de cette histoire marquent assez que cette cession n’étoit pas legitime, puisque Jacob obligea son frère de la confirmer par un serment solennel, jura mihi juxta hunc diem, suivant la Paraphrase Chaldaique, c’est à dire certâ et liquidâ, comme Fagius l’a remarqué dans ses Notes sur ce passage. Aussi il a été jugé au Parlement de Paris que bien qu’un ainé eûr quitté tout son droit d’ainesse en faveur de son puisné, pour luy procurer un marlage. avantageux, et moyennant de grands benefices que son pere luy avoit obtenus, toutefois cet ainé s’étant marié depuis, ses enfans furent reçûs à demander la part qui appartenoit à leur pere suivant les Coûtumes des lieux, nonobstant sa renonciation, le pere n’ayant pû luy ôter son droit de primogeniture, et tous les actes qu’il avoit faits au préjudice du droit non échû étant de nulle valeur, car bien que ce droit de succeder ne soit pas en être devant la succession dévoluë, et que ce ne soit pas encore un droit formé, toutefois n’étant pas un benefice du pere, mais de la loy, le pere ne peut l’ôter, le transferer ou diminuer, ou en disposer autrement au préjudice de l’ainé, soit entre vifs ou en sa derniere volonté, nam et si jus illud succedendi ante successionem devolutam non sit in esse, nec sit jus formatum, attamen cum non sit beneficium patris, sed legis, non potest à parre auferri, transferri, diminui, vel aliter disponere in orajudicium primogeniti, sive inter vivos, sive in ultima voluntate.Molin . de feud. 8. 13. gl. 3. n. 7. et sequent.Loüet , l. E. n. 7.

Il faudroit dire autrement, à mon avis, si le pere achetoit un fief sous la promesse solennelle de son fils ainé, de le partager également avec ses freres, car ce bien n’appartenant point auere, lon ne peut dire que lainé ait renoncé à un droit qui luy êtoit acquis, et n’étant acheté que sur cette assurance, il ne seroit pas raisonnable qu’il profitât de sa fraude et de sa mauvaise foy ; ces sortes de contrats d’un pere avec son fils ne doivent point être reprouvez, pourvû qu’il soit majeur, et que sa volonté ait été ontièrement libre : Il y a différence entre la renonciation à un bien acquis et possedé par le pere, et la renonciation à un bien que le pere ne veut acquerir qu’à cette condition ; au premier cas le pere ne peut changer l’ordre établi par la loy nais au dernier le fils n’est point reputé blesser son droit d’ainesse, lorsqu’il renonce à s’en prévaloir sur un bien que son pere n’auroit pas acquis, s’il ne l’avoit consenti de la sorte. l est vray que regulierement le temps de la mort du pere regle la loy du partage, mais cela ne se doit entendre que quand les enfans n’y ont point dérogé par des actions legitimes.

Mais bien que le ffils ne puisse renoncer à son droit d’ainesse durant la vie de son pere, n’a-t’il pas au moins le pouvoir de le vendre ou de le céder, pourvû que ce soit du consentenent de son pere ; Du Moulin a fait distinction entre le titre et le droit de primogeniture, et les effets de la primogeniture, inter jus ipsum primogeniturae in se, quoad titulum et honores primogeniturae et effectus primogeniturae, et il estime que le droit et l’honneur de la primogeniture ne pouvans appartenir qu’à celuy qui possede naturellement ce titre et cette qualité, ils ne peuvent être cédez ; mais quant aux effets du droit d’ainesse, comme le droit de prendre un fief par préciput, que l’ainé en peut disposer, mais il me semble que sans distinction, ces cessions ne peuvent valoir pour les mêmes raisons que les renonciations ont été reprouvées, car au lieu d’exiger une renonciation, on pourroit aisément dépoüiller un ainé de son droit d’ainesse par le moyen d’une cession.

Il est si mal-aisé de donner atteinte à ce droit d’ainesse durant la vie du pere, que ni l’avan cement de succession, ni le partage que les enfans en auroient fait, ne priveroient pas l’ainé de choisir un nouveau préciput, ou de ne le prendre point, si les choses ne se trouvoient pas au même état au temps de l’écheance de la succession, et que sa condition fût devenuë meilleure qu’elle n’étoit lors de l’avancement de succession : Le Forestier, sieur d’Ouzeville, ayant fait in avancement de succession à ses enfans l’ainé choisit un fief par préciput, mais un puisné étant mort avant le pere, lorsque la succession du pere fut ouverte l’ainé demanda à proceder de nouveaux partages, et l’affaire ayant été portée à la Cour, je soûtenois pour luy que tout ce qui s’étoit fait dutant la vie du pere n’étoit que provisoire, que les droits successifs ne devoient point être reglez suivant l’état où les biens êtoient lors de l’avancement, mais suivant leur condition au temps où la succession êtoit échûë, parce que la qualité d’heritier ne commençoit qu’à prendre son être, et les droits successifs ne devenoient incommutables que de ce temps-là. Maurry pour les intimez répondoit qu’en consequence de l’avancement de succession qui leur avoit été fait par leur pere, ils en étoient devenus propriétaires incommutables, et chacun des freres étoit si absolument maître de son partage, qu’il en pouvoit diposer avec toute iberté, de sorte que l’ainé ayant confommé son droit d’option et pris un préciput, il ne pouvoit plus varier ni renoncer à son choix pour rentrer en partage avec ses puisnez : Cette cause ayant été appointée au Conseil, par Artest, au Rapport de Mr de Brinon, l’ainé fut reçû à demander de nouveaux partages.

Aprés la mort du pere l’ainé peut renoncer au droit qui luy est échû et acquis, mais en ce cas de renonciation on a demandé si ce droit d’ainesse passe au second fils, ou s’il accroit aux autres frères : Par l’Article 310. de la Coûtume de Paris, et par l’Article 359. de la Coûtume n’Orléans, le droit et part de l’enfant qui s’abstient, et renonce à la succession de ses pere G mere, accroit aux autres enfans et heritiers, sans aucune prerogative dainesse de la part qui accroit.

Du Moulin , sur le Titre des Fiefs, Article 13. gl. 1. n. 27. et suivans, est de ce sentiment que tous les enfans y succedent également, et que le pere étant mort l’ainé peut renoncer à son droit d’ainesse ; mais il dit que ce droit ne passe pas alors au second fils, mais qu’il s’éteint entierement, et qu’il donne lieu au droit commun, mortuo patre renuntiare potest juri primogeniturae, an autem tunc transiret jus primogeniturae ad secundogenitum s Dico quod non, sed deficit omnino, et est locus juri communi. La raison est que la prerogative d’ainesse est artachée à la personne de l’ainé, qui se trouve le plus âgé et le plus habile à succeder lors de la succession échûé et celuy qui le suit ne se peut dire l’ainé lorsqu’un autre le precede, la qualité d’ainé n’étant pas considerée par la seule comparaison aux freres puisnez, mais par rapport à celuy qui se trouve le plus âgé au temps du decez du pere ; neanmoinsBrodeau , sur sur Mr Loüet, l. E. n. 7. cite un Arrest du Parlement de Paris, par lequel il a été jugé que le droit d’ainesse n’accroit point à tous les freres, non accrescit singulis, contre la disposition de la loy unique, C. quando non pet. part. si de plusieurs heritiers quelques uns abandonnent la succession, leur portion accroit aux autres qui l’ont prise, si plures ex heredibus quidam omiserunt hereditatem, reliquis qui adjerint accrescit rllorum portio. Pour concilier les opinions contraires on fait cette distinction, que quand l’ainé renonce pour se renir aux dons qui luy ont été faits par ses pere ou mere, pour n’être pas obligé ddles rapporter le premier puisné ne succede point au droit de primogeniture, parce que l’ainé est présumé l’avoir eu par le moyen des avantages qui luy ont été fatis, et Brodeau au lieu préallégué estime que du Moulin vouloit restreindre son opinion en ce cas : mais si la renonciation est simple et gratuite, et que l’ainé s’abstienne sans aucun profit, le premier puisné succede au droit de primogeniture.

Pour décider cette question selon nos Maximes, lorsque lainé ne veut pas être heritier, et qu’il s’abstient de la succession, le second frère entre en sa place, car n’y ayant plus personne qui le précede, il devient sans doute le premier et le plus ancien, et celuy qui renonce n’a plus le titre et le rang d’ainé, si enim re et effectu caret, carere debet et nomine : cela ne reçoit point de difficulté en consequence de l’Artiçle 339. qui permet successivement aux freres de prendre des fiefs s’il y en a dans la succession ; car puisque lainé n’a pas seul ce droit de prendre préiput, et que le second et le troisième frere peuvent comme luy choisir un fief lorsqu’il y en dans la succession, ils ne peuvent être privez de ce droit par la renonciation de lainé, ce qui montre que ce droit de choisir un fief par préciput n’est pas un privilege personnel qui soit uniquement attaché à la personne de fainé, la Coûtume le communique à tous les freres lorsque la succession est composée de biens propres à faire ce choix.

Si au contraire fainé se déclare heritier, mais ne veut point choisir de préciput, le second frere n’est pas exclus de prendre un fief quand il y en a deux, mais en ce cas on peut distraire l un fief tel que lainé voudra choisir pour le remettre en partage ; que s’il n’y avoit qu’un fief, quand l’ainé s’abstiendroit de le choisir par préciput, le second frère ne le pourroit prendre, mais il seroit mis en partage avec les autres biens ; car la Coûtume n’oblige pas nécessairement l’ainé à prendre un préciput, elle laisse ce choix en sa liberté, comme il paroit par ce mot peut, ) ce qui est d’une pure liberté n’apporte pas de necessité, quod est merae facultatis non importat necessitatem : Si donc il renonce au privilege qui luy est donné par la loy, et qu’il consente que le fief entie en partage, le second frere ne peut se prévaloir de l’Article 339. mais s’il y en a deux il peut obliger ses freres d’en retenir un pour luy laisser le choix de l’autre pour l’éclaircissement de ces difficultez il faut faire cette reflexion, que l’intention principale. de la Coûtume n’a pas été de donner indispensablement un préciput à l’ainé, mais d’empescher la division des fiefs ; ce qui paroit par l’Article 330. où elle communique ce droit de préciput à tous les freres, lorsqu’il se trouve assez de fiefs en la succession, ce qui n’a d’autre motif que la subsistance et la conservation des fiefs en leur integrité : Il n’est donc pas véritable que le seul choix de l’ainé donne ouverture au choix des autres frères, ce droit leur appartient par la disposition de la loy toutes les fois qu’il y a plusieurs fiefs en la succession, cela est nettement décidé par ces paroles de l’Article 340. aprés le choix fait du fief ou fiefs. nobles par l’ainé ou par les ainez à droit de préciput : car cette disjonctive Cou ) marque clairement que les ainez peuvent de leur chef choisir successivement des fiefs, et que pour avoir droit de le faire il n’est pas necessaire que l’ainé ait choisi auparavant, autrement on se seroit servi de la conjonctive ( et et l’on auroit dit aprés le choix fait par l’ainé et par les puisnez, ce qui n’êtant pas, il faut tenir que les autres freres peuvent choisir des fiefs s’il y en a, quoy que leur alné ne l’ait point voulu faire.

Non seulement l’ainé peut renoncer à son droit de primogeniture, il peut aussi le vendre et le donner, mais pour donner effet à la vente et à la donation, son choix et son option doivent préceder, et il est necessaire qu’il ait declaré son intention ; il ne suffit pas en cette Province que le droit soit acquis et la succession échûë, car ce privilege est personnel et attaché à la personne, le préciput ne luy étant acquis qu’en vertu de son choix et de sa déclaration : Il est vray que du Moulin estime que si le contrat de cession portoit cette clause, que l’ainé vend son droit de préciput avec pouvoir de choisir, et que dés à present il accepte tout et tel choix qui sera fait par l’acheteur, en ce cas cette cestion est bonne, non pas en vertu du choix fait par acheteur, parce qu’il semble qu’il n’en a fait aucun, mais en vertu du choix fait auparavant par l’ainé, non virtute electionis factae per emptorem, quia nulla videtur per eum facta, sed virtute electionis dudum factae per primogenitum,Molin . de feud. 5. 16. gl. 1. n. 5. Mais quoy qu’il tienne qu’une procuration pour proceder aux partages suffise pour pouvoir opter le fief, il seroit necessaire, â mon avis, qu’elle fût expresse pour cet effet.

Il est donc certain parmy nous que la declaration d’option est requise pour donner effet à la cession qui en seroit faite, autrement elle deviendroit inutile si le cedant êtoit prévenu de la mort : la raison est qu’il n’est pas de ce préciput comme de celuy de la Coûtume de Caux, la Coûtume ne le luy donne pas absolument elle luy donne pouvoir de le prendre, de sorte qu’il ne luy est acquis qu’aprés avoir déclaré son intention et consommé son droit d’option ; il fut ainsi jugé en la Grand.-Chambre, au Rapport de Mr de Bethencourt, le 21 de Juillet 16x Toutes sortes d’ainez ne joüissent pas des prerogatives de la primogeniture, on en peut voir les exemples dans les Commentaires de Me Charlesdu Moulin , sur le Tit. des Fiefs, S. 13. gl. 1. E on met en ce rang celuy qui est legitimé par un mariage subsequent : Cet Auteur n’estime pas qu’il puisse préceder celuy qui est né en legitime mariage, parce que la legitimation n’a point un effet retroactif, mais cela n’empesche pas qu’entre ceux qui font legitimez de cette maniere l’ainé ne doive avoir tous les droits de la primogeniture.

On a même revoqué en doute si cette prerogative n’étoit pas attachée à la personne de l’ainé et si le fils de l’ainé ne pouvoit succeder au fiof au préjudice de son oncle ; La Coûtume ne sen est point expliquée en cet endroit, parce qu’elle l’avoit fait sur l’Article 2, 8. où elle a décidé que le fils de l’ainé a les mêmes avantages que son pere auroit eus.

Nos Docteurs ont traité cette question, à qui de deux enfans nez gemeaux, eodem partus Sans pouvoir discerner lequel est sorti le premier, on doit donner le droit d’ainesse Mr Cirier en a parlé dans son Livre de la Primogeniture, et du Moulin dans son Commentaire sur le Titre des Fiefs, 5. 13. gl. 1. Mais ces questions se décident plûtost par les circonssances particulieres du fait que par le point de droit : on doit avoir beaucoup d’égard à la déclaration des peres et des meres, lorsqu’il ne paroit rien de contraire, et sans en remettre la décision au sort comme veut du Moulin ; il me sembleroit plus à propos de laisser les choses dans le droit commun, et de les faire partager également.

Les imperfections et les defauts du corps ou de l’esprit, ne privent point du droit d’ainesse Zazius ceux à qui il appartient par l’ordre de la naissanoe ; Lazius et Mr Cirier ont été de ce sentiment, que cela ne doit point avoir lieu pour les Royaumes et les Principautez où l’interest de l’Etat, et du Gouvernement désirent que le plus capable soit preferé : Du Moulin au contraire estim que dans les Royaumes où l’on succede par le droit du sang, la foiblesse d’esprit n’est point un empeschement à la succession ; mais tous les Docteurs conviennent que l’imbecillité ou la fureur survenuë, depuis que la succession auroit été ouverte, ne pourroit servir de pretexte pour dépoüiller l’ainé de la prerogatiye dont il seroit en possession.

On prétend même que toutes sortes de fiefs ne sont pas susceptibles de ce droit d’ainesse et de préciput. On propose pour exemple les terres nobles du Domaine du Roy qui sont engaées. C’est une jurisprudence certaine au Parlement de Paris, que si le fief tenu par le pere êtoit du Domaine du Roy, engagé avec faculté de rachapt perpetuel fainé peut y prendre son préciput ; mais que quand le rachaps s’en fait, les deniérs doivent être rapportez pour être galement partagez entre les coheritiers, et on repute le prix du rachapt comme un pur et vray meuble, et que ce ne sont que simples deniers ausquels il ne consiste et ne se rencontre aucune qualité ni de fief ni d’immeuble, et que le pere n’a jamais été seigneur incommutable du fief. Le rachapt du Domaine étant perpetuel il empeschoit l’effet de l’alienation, laquelle êtant revoquée par une cause necessaire et dépendante de la nature de la chose même, et non de la volonté des parties, il étoit vray de dire qu’il n’y avoit eu aucune vente puisqu’elle étoit, esoluë par, une condition nécessaire, nulla fuerat venditio que sub necessariâ conditione resoluta cuerat ; Loüet etBrodeau , 1. D. n. 30. Tronçon etRicard , Article 13. de la Coûtume de Paris.

Nous n’en usons point de même en cette Province, et cette jurisprudence me semble pleine d’embarras et d’inconveniens.

C’est une maxime generale et certaine que pour regler les droits successifs, on corsidere seulement le bien que le pere a laissé au temps de sa mort, ea sola substantia spectatur, quai pater habuit cum moreretur, l. in duplicibus 79. ad legem falcid. & jus heredis, & vel maximè tempore respiciendum est quo adquirit hereditatem, l. si alienum in fin. de hered. institut. l. 6. dé suis et legitim. hered. Les choses qui arrivent depuis la succession échûë ne doivent point changer ce qui a été fait : Il est vray que le pere étoit seigneur du fief au temps de sa mort, et l’on convient que l’ainé peut le prendre par préciput ; il est vray que l’alienation êtoit revocable pour une cause nécessaire, le Domaine du Roy étant toûjours rachétable ; mais il peut arriver que le Roy ne retirera point, et en effet combien de Domaines demeurent engagez depuis plusieurs siecles ; et cependant seroit-il juste que la proprieté et la condition des biens demeurât incertaine : si la condition perpetuelle du rachapt suspend tellement l’effet de l’alienation qu’elle est considérée comme li jamais elle n’avoit été faite, elle doit pareillement empescher. qu’aprés la mort du pere lainé ne prenne le fief par préciput, car si le rachapt est mfaillible et indispensable, il seroit bien plus à propos de considerer ce Domaine comme un meuble, et regler le partage comme on le feroit au temps du rachapt effectif, autrement il faudroit souvent rompre tous les partages qui auroient été faits depuis l’engagement, si les freres pouvoient forcer leur ainé ou ses representans de rapporter les deniers du rachapt pour être par-tagez également.

On pourroit dire la même chose pour les rentes ; la faculté du rachapt perpetuel n’y est pas moins necessaire que pour les terres du Domaine, et même il pourroit bien être que les causes de l’alienation du Domaine seroient si importantes que la condition du rachapt perpetuel n’y seroit point employée, mais une rente constituée ne peut jamais valoir sans cette faculté de rachapt perpétuel ; ainsi lorsque le rachapt s’en feroit tous les heritiers aux meubles d’un défunt pourroient y prendre part, et neanmoins c’est un usage notoire et general que les deniers provenans du rachapt d’une rente constituée appartiennent à celuy qui l’a euë en son partage. Cette nécessité donc du rachapt n’est point considérable à l’égard des partages, lorsqu’elle n’est point executée elle laisse les choses dans l’ordre commun, et ne change point la nature du bien et les loix du partage, il ne rgourne pas en son ancienne cause, mais on le considere en l’état present ; non regrediti, n antiquam causam, sed in statu presenti consideratur, M d’Argent . Art. 219. gl. 6. n. 3. Et aussi durant ce temps les engagistes joüissent de tous les droits honotifiques et profitables, et il ne se peut alléguer rien de plus décisif que la distinction que cet Auteur fait, Art. 219. des Don. gl. 6. n. 4. car traitant cette question si les deniers procedans d’un retrait lignager fait depuis la mort du mary, sont meubles ou immeubles ; il refout qu’ils sont immeubles, par cette raison qu’il y a bien de la différente entre le nécessaire et le contingent : le necessaire est co qui contraint, le contingent est ce qui peut arriver, et ne pas arriver, necessarium est quod cogir, contingibile est quod potest evenire et non evenire : il en propose un exemple sen la vente faioe sous faculté de rachapt ; le vendeur peut user de cette condition s’il luy plaist, mus durant le temps qu’il ne s’en sert point l’héritage demeure à l’acquereur et passe à ses heritiers, et alors on ne peut pas dire que le prix de la vente soit dans les biens du défunt, fit-m. bonn defuncti : De sorte qu’il ne faut pas considerer ce droit anterieur, et cette faculté que l’on a de pouvoir retirer quand on ne s’en est point encore aidé : on doit seulement considerer l’état resent des choses lorsque l’on use de la faculté du rachapr, et que l’on fait le rembourfsement, car le cas arrivant de present montre en quel état est la chose ; mais la necessité ayant : son induction d’une cause antecedente, remet la chose au premier état qu’elle étoit au templs Me la cause ; car dans les choses contingentes et qui dépendent de la liberté, il ne se faitijamdis de etroaction, mais on les juge en l’état de present, nam cosus de presenti contingens ren igdieot : iu ro statu in quo est, sed necessitas ex causa antecedente inducta rem reponit in pristinum statum que fuit tempore cause ; namin his que veniunt à libertate contingentia nunquam fit rerractio, sed àpra senti statu dijudicantur. Il y a donc cette difference que ce qui se fait par necessité remet les choses en leur premier état pour ce qui arrive contingemment, de eo vero quid contingenter sccidit ; il faut prendre la chose en l’état qu’elle se trouve lorsque l’action est exercée, parce que la fin n’induit aucune nécessité dés le commencement, mais elle dépend du choix, cûm actus exercetur, quia finis nullam inducit necessitatem in principio, sed ab electione est On répondra que le Domaine du Roy ne pouvant être engagé qu’avec cette faculté d’un tachapt perpetuel, il y a une nécessité indispensable et perpétuelle d’en recevoir le rachapts mais cette nécessité ne régarde que le Roy, car à l’égard de l’engagiste il est toûjours contingent, si le Roy retirera ou ne retirera pas, et comme il peut arriver que le Roy n’usera pas de cette faculté, lorsqu’il s’agit de partage il ne faut pas remonter à la premiere cause, mais considerer les choses en leur êtat present.

Toutes ces raisons sont encore plus fortes et plus décisives pour les ventes à facnlté de rachapt ; car il est encore beancoup plus contingent, si le vendeur usera de cette faculté ou s’il n’en usera pas, et la necessité du rachapt n’est pas si absolué : Du Moulin est dans ce sentiment qu’en cas de rachapt il doit être divisé, non pas pour la quotité hereditaire, mais selon la portion que chacun a au fief, parce que véritablement ils revendent leurs portions, et le premiet sontrat est resolu par un nouveau, non pro quota hereditaria, sed pro portione quam quisque habet in feudo, quia vere portiones sum regendunt, et dissolvitur prior contractus per novum contractumiMolin . 5. 18. gl. 31. Suivant cela si tout le fief appartenoit à l’ainé il toucheroit tous les deniers Loüet du remboursement. On juge néanmoins le contraire au Parlement de Paris ; voyez Loüer etBrodeau , 1. D. n. 30. et I. V. n. 12. etGodefroy , Art. 294. Il est vray que le pere mourant lorsque la condition duroit encore, il n’en êtoit pas le seigneur incommutable ; mais comme il pouvoit arriver que le vendeur n’useroit pas de la faculté, il demeuroit cependant le veritable proprietaire et possesseur de la chose. Brodeau pour soûtenir la jurisprudence du Parle-ment de Paris, dit que ces ventes sous faculté de remere, bien que du commencement elles soient parfaites et non conditionnelles, néanmoins cette faculté étant executée dans le temps. limité le contrat vient à se refoudre, fingitur retro nullus ; cette vente étant proposée pour être esoluë on la considere comme un contrat pignoratif qui se refout en deniers, et c’est pourquoy il n’est point dû de lods et ventes de ce dernier contrat, comme ayant un effet resolutit p et retroactif dés Rn principe, et que les lods et ventes n’en sont point dûs. Il est vray que quand on retire en vertu de la faculté de femere, que le contrat ne subsiste plus et qu’il est refolu il n’est pas reputé nul, et les lods en sont dûs comme d’un contrat valable et parfait ; ainfi quoy que le vendeur rentre dans la possession de la chose venduë par voye de resolution, toutefois ce qui s’est fait et executé entre les heritiers du vendeur pendant qu’il a subsisté, ne doit pas être ancanti par la resblution du contrat qui arrive puis aprés.

Si le vendeur usoit du benefice de la l. 2. de rescind. vendit. et que les heritiers au lieu de suppléer consentoient d’être remboursez, je suivrois le fentiment dedu Moulin , qu’en ce cas l’aind ne rendroit pas la même part dans les deniers qu’il avoit dans le fief, et que ces deniers seroient partagez également, parce que ce n’est pas une nouvelle vente, mais une pure et volontaire resolution du premier contrat qui se fait de leur part, car ils pouvoient retenir le fief ; mais je ne croirois pas qu’il fût juste, comme lestimedu Moulin , que si les fteres vouloient sup pléer ils dûssent le faire également, mais à proportion du profit, pro moda emolumenti ; Molin J. 18. gl. 1. n. 32

Le même Auteur est d’avis que si le pere avoit acheté le fief de celuy qui n’en seroit pas le proprietaire, l’ainé en étant évincé, les interests de l’éviction et les denlers qui seroient restituez par le vendeur devroient être aussi partagez également, non pas à propottion du ief, mais à l’égalité de chaque action hereditaire, non pro portione feudi, sed aequalitate cujustiver actionis hereditariae,Molin . eodem ; et on ne peut pas dire la même chose comme pour les ontrats sous condition de remere, parce qu’en contractant l’acheteur en est le véritable propriétaire, tant qu’ils ne sont pas retirez ; mais quand le pere a acquis à non Domino, il n’a jamais eu de proprieté.

Le préciput que la Coûtume donne par cet Article à l’alné n’est pas un préclput et un avant : part, comme en la Coûtume de Paris, c’est sa pottion hereditalre, et en prenant ce préciput il est tenu d’abandonner à ses frères le reste de la succession, et c’est pourquoy il contribué aux dettes, pro modo emolumenti, et on ne peut former à cet égard cette question dont j’ay parlé sur le premier Article de la Coûtume de Caux, si le préciput est exempt de la contribution aux dettes : car puisqu’il prend le fief pour son partage, il doit contribuer à proportion de ce qu’il profite de la succession ; mais quoy qu’il soit contribuable generalement à toutes les dettes à proportion de ce qu’il prend, on n’a pas laissé de faire cette difficulté, si lorsque le fief étoit acquis par le pere, et que le prix en étoit encore dû, l’acquit de cette detté ne tombe pas à la charge de l’ainé seul, lorsque le fief entier luy demeuroit par préciput, sur out lorsque le fief étoit specialement obligé à la dette ; Suivant le sentiment dedu Moulin , Tître des Fiefs, s. i8. gl. 1. n. 11. l’ainé n’est tenu que pour sa part et portion hereditaire, de sorte que s’il y avoit quatre freres il n’en payeroit qu’une quatrième portion, quoy que le fief entier demeurât à son profit ; il en donne cette raison que c’est une charge de la succession à laquelle tous les biens sont affectez, elle ne regarde pas une certaine chose, ou les fa-cultez d’un certain lieu, mais le patrimoine universel, non respicit certam rem, vel facultates certi oci, sed universum patrimonium, l. si fideicommissum, 5. tractatum de judic. D. ce qui même auroit lieu, bien que par le contrat de vente on eût stipulé une obligation speciale sur le fief, parce que l’obligation personnelle s’y rencontre qui ne fuit pas la chose, mais la personne et la portion hereditaire, que non sequitur rem, sed personam, & portionem hereditariam. Bacquet a traité cette même question, Titre des Droits de Just. et la resout contre l’avis de du Moulin ; maisTronçon , sur l’Article 334. de la Coûtume de Patis, assure que l’opinion de du Moulin a prévalu au Parlement de Paris, et que l’on le pratique de la sorte ; voyez Brodeau sur Ms sur Mr Loüet, I. D. n. 16.Robert , Rer. jud. l. 4. c. 13.Chopin , sur la Coûtume d’Anjou, l. 2. p. 3. c. 5. n. 3.

Quoy que Mornac eût écrit sur la l. 1. C. si cert. pet. que l’ainé étoit seulement tenu pour se quore-part hereditaire, primogenitus tenebatur tantum pro quota hereditaria, néanmoins sur la l. in fundo de re. vend. D. il est d’un sentiment contraire, si le pere, dit-il, s’étant endetté pour acheter un fonds, il doit être payé par les fils heritiers, non pas selon les portions égales, comme la coûtume en étoit autrefois, mais à proportion du profit ; fi pater, inquit, coneracto axe aliei fandum emerit, dissoloendum est non ex aquis portionibus ut olim mos erat, sed pro modo emolument à liberis heredibus.

Nôtre usage est conforme en ce point, que la dette. creée pour l’acquisition du fief ne tombe point à la charge de l’ainé seul ; mais nous differons en cecy que l’ainé n’y contribué pas seulement pour sa portion hereditaire, mais à propottion du profit, pro modo emolumenti, de sorte que s’il n’y avoit que ce fief en toute la succession l’amé payeroit toutes les dettes, et les puisnez qui n’auroient que le tiers par usufruit ne contribuéroient qu’à l’interest d’un tiors : Il faut dire la même chose d’une rente que le pere auroit créée sur tous ses biens, mais à laquelle il auroit specialement obligé et hypothequé le fief pris par l’ainé, parce que l’on doit considerer le droit principal de lebligation, vu que c’est un principal et non pas une hypotheque qui n’est seulement qu’un accessoire, et il en est de même comme s’il avoit constitué le tout an profit du vendeur, quia jus principale obligationis debet artendi, cum sit principadle, non autem hpotheca que est tantum accessorium :Molin . 8. 18. gl. 1. n. 12. et is. Pour les charges réelles et les rentes foncieres elles le payent par la chose sur laquelle elles sont dûës, ibid. n. M. et m. 77. Le même Auteur dit que si quelqu’un avoit acheté un fief. à la charge d’acquiter. des rentes dont le vendeur êtoit redevable, cette rente seroit payée sur le fief, parce, dit-il, qu’il n’étoit point obligé personnellement, ce qui n’est pas véritable, car s’étant obligé d’en décharger le vendeur, il a contracté une obligation personnelle.

On conteste souvent à l’ainé qui prend on fief par préciput la consistence et l’étenduë. de son fief, et principalement pour les reünions. Nous avons vù ailleurs de quelle maniere les rotures se reünissent aux fiefs. Il fut jugé au Rapport de Mr Deshommets, en la GrandChambre, le 18 de Février 1669. qu’un seigneur feodal ayant acquis un héritage mouvant de son fief, à condition de remere, et cette condition ayant été venduë et depuis retirée par de Seigneur à droit feodal pour se maintenir en son acquisition, cet héritage devoit être paragé comme une roture et comme n’étant point reüni au fief, la condition de retirer à droit eodal n’ayant eu d’autre effet que de maintenir le Seigneur en sa premiere acquisition, qui étoit une roture, et n’ayant fait qu’empescher la resolution du contrat de vente, mais n’ayant point rendu l’héritage noble.

J’ay remarqué que ce préciput n’appartient à lainé qu’en vertu de loption qu’il en a faite ; il reste à sçavoir s’il peut varier et changer de sentiment, soit qu’il ait été trompé, ou que par erreur il ait fait son option, ou qu’une autre chose luy plaise davantage, sive quod deceptus fuerit, sive quod per errorem elegerit, sive quia res alia magis arrideat : Par la disposinon du droit cette option n’est pas irrevocable, lorsqu’elle a été faite par erreur ou par la fraude du coheritier ou des interessez, comme on lapprend par la loy Schphum et les suiv. de opr. leg. D. Par exemples si lainé avoit pris pour fief ce qui n’étoit que roture, ou qu’on luy en rétranchât quelque notable portion qu’il croyoit reünie, en ce cas il y auroit lieu à la restitution, et il a été jugé de la sorte, au Rapport de Mr Auber, le 4 de Novembre 1632. aprés le jugement d’un procez entre l’ainé et les puisnez, s’étant trouvé qu’une grande partie de ce que l’ainé prétendoit noble étoit roture, et que cela diminuoit notablement son préciput, il fut jugé recevable à enoncer au préciput qu’il avoit choisi : c’est aussi l’opinion dedu Moulin , que s’il a choisi par gnorance une maison de cense, il pourra choisir le Manoir feodal, si elegerit mansionem censuariam gnoranter, aliam poterit feudalem eligere, S. 16. gl. 1. n. 11. si aussi il avoit optâ un fief que le gere avoit acheté avec faculté de remere, si puis aprés il étoit retiré, pourvû que l’ainé eût gnoré cette condition, il pourroit faire une autre option, en restituant le prix qu’il a reçû du rachapr, restituendo pretium quod ex redemptione recepit, ibid. parce que la Coûtume qui donne cette prerogative à l’ainé veut qu’elle se fasse pleinement, et cum effectu, mais cela cessant, outefois et quantes que l’option attire avec soy l’execution on n’admet plus la variation, parce qu’il a consommé tout son droit, et la chose à même temps est devenuë sienne si tost qu’il a dit qu’il la choisit, hoc vero cessante quoties electio trahit secum executionem non admittitur variatio, quia jus omne primâ testatione quâ sumere se dixisset, consumpsit, res ejus continub fit simul ac dixerit eam sumere, l. apud Aufidium, de opt. leg. D. Lorsque l’ainé n’a point fait d’alienations on le reçoit assez aisément à renoncer au préciput qu’il a pris pour entrer en par-age, sur tout lorsque ce préciput se trouve moindre que le partage ; c’est une grace que à Coûtume a voulu luy faire, et il doit être en sa liberté de ne s’en prévaloir point ; estime néanmoins que quand les choses sont pleinement consommées, il n’y a point lieu au repentir et à la variation s’il n’y en a quelque cause favorable ; on le jugea rigoureusemen sur une choisie de lots faite par un ainé, entre Simon, sieur de Turqueville, heritier d’une sienne tante, et le sieur Chevalier de Turqueville son frère ; ce puisné avoit presenté des lots à l’ainé qu’il luy fit signifier dans la Sale du Palais, lequel choisit le premier lot par Exploit signé de luy et delivré à l’instant au puisné ; mais il se resilia et en demanda Acte devant un Commissaire qui renvoya les parties à l’Audience. Le puisné conclud que la choisie étant faite, l’ainé ne pouvoit varier sans se pourvoir par Lettres de restitution : L’aint oûtint que cet Acte n’étoit point parfait, n’ayant pas été fait en la presence de son puisné, et luy ayant aussi-tost declaré que par erreur on avoit mis le premier lot au lieu du second, il étoit encore en sa liberté de la reparer : Par Arrest du 2r de Juillet 1665. on déclara la choisie valable. Voyez l’Arrest de Mailloc sur l’Article 343

Par Arrest du 9 de Mars 1665. au Rapport de M’Salet, entre les nommez du Hamel, on ESPERLUETTEclara l’ainé non recevable à se relever du choix de précsput fait par son tuteur, dont il avoit joisi dix ans aprés sa majorité, depuis laquelle plusieurs puisnez étoient decedez, et bien que l’ainé fit plusieurs offres, on estima qu’il n’y faloit avoir aucun égard, qu’aprés dix ans les d relevemens ne pouvoient être reçûs, et que l’augmentation par la mort des freres puisnez ne devoit accroître qu’au cadet, les rotures n’ayant pas augmenté par la diminution de celuy qui pronoit le relevement.

Sur la question sçavoir si ce droit de choix et d’option passe aux heritiers ; le Jurisconsulte répond en la loy illud aut illud, de opt. leg. que cette faculté passe autant de fois qu’elle arrive à quel qu’un par son droit et à son nom propre, illam facultatem toties transire, quoties competit alicui jure suo et nomine proprio ; voyezdu Moulin , S. 16. gl. 1. n. 2. et 8. 43. gl. 1. n. 3.

Le fisc ou les creanciers n’auroient pas ce droit de préciput, si l’ainé êtoit mort sans passer son option, Article 345

Ce droit de préciput est trop avantageux lorsqu’il y a grand nombre d’enfans, et que tout e bien de la succession consiste en un fief : La Coûtume de Paris, Article 13. paroist plus équitable, elle ne donne pour préciput à l’ainé dans les fiefs que le Château ou Manoir principial : avec la bassecourt attenante au Château avec im peu de terre de l’enclos ou jardin oignant au Manoir, et elle le limite ou étond selon le nombre d’enfans ; mais quand il n’y a que deux enfans, la condition de l’ainé en devient meilleure, luy donnant les deux tiers du fief, Article 15. et s’il y a plus de deux enfans, l’ainé a la moitié, Article r6 ainsi le droit Romain. ugmente la legitime selon le nombre des enfans

Ce n’est pas le seul avantage que la Coûtume donne à l’ainé par cet Article, il peut prendre un fief par préciput en chacune des successions, tant paternelles que maternelles, ce qui s’etend foit loin, comme on l’apprend par cet exemple où l’ainé a eu préciput en la succession du pere et en celle de l’ayeule. Mre Gabriel, Comte de Mongommeri, avoit plusieurs fils ssus de son mariage avec Dame Susanne de Bouquetot, l’ainé prédeceda son pere, laissant des enfans ; aprés la mort du Comte de Mongommeri, la mere tutrice des enfans de l’ainé choisit par préciput la Comté de Mongommeri : Aprés la mort de la Dame Comtesse de Mongommeri, sa succession fut aussi partagée entre les enfans de l’ainé et leurs oncles ; la Baronnie d’Escouché demeura aux enfans de l’ainé : aprés leur majorité le frère ainé demanda par préciput en la sucression de la Dame Susanne de Bouquerot son ayeule cette terre d’Escouché, s’aidant de cet Artiele. Sur le contredit des puisnez, de laLande , pour le Comte de Mongommeri, disoit que par la Coûtume l’ainé a droit de prendre préciput en chacune des successions, tant gaternelles que maternelles, que sous ce terme de paternelles, au nombre plutier, la Coûtume avoit entendu celle du pere et celle de l’ayeul, qu’il pouvoit donc prendre un préciput dans charune, parce qu’elles n’étoient point confuses, la succession de leur ayeule ne leur étant chûé que long-temps aprés la mort de leur pere, en la succession duquel ils avoient fait option d’un préciput. Lyout prétendoit pour, les puisnez, que l’ainé n’y pouvoit venir que par la representation de son pere, et que par cette raison il faloit considerer ces deux successions comme une feule et même succession, et qu’aprés tout sa prétention étoit odieuse, et qu’il n’étoit pas juste d’admettre cette multitude de préciputs : Par Arrest en la Grand : Chambre du 2é d’Avril 1652. le préciput fut ajugé à l’ainé ; ainsi l’on jugea qu’il n’y avoit point de confusion, et que la reprefentation ne servoit à l’ainé que pour le degré. Cet Arrest est conforme à celuy de la Menardiere remarqué par Berault sur l’Article 347. Parmy les Hebreux lainé avoit une double portion, c’est à dire s’il y avoit trois freres on faisoit quatre lots, dont Painé en avoit deux ; ; mais cette double portion ne luy êtoit dûë que sur les biens du pere, et dans ceux de la mere il partageoit également avec ses freres.Selden . de Success. ad leg Hebraor. c. 6.

Quand une succession échet à partager par souches, on demande aprés les partages faits, s’il y a plusieurs enfans de l’ainé, si l’ainé d’iceux peut choisir le lot où il y aura un fief qu’il prendra puis aprés par préciput, ou s’il peut en être empesché par fes puisnez : On dit en leur faveur qu’étant également heritiers, ce choix se doit faire à la pluralité des voix, n’étant pas uste que l’ainé choisisse un lot qui ne sera composé que d’un fief, lequel il prendra par préciput, par ce moyen les puisnez seront privez de tout le benefice de la succession ; c’est neanmoins un usage certain que l’ainé a ce droit à l’exclusion de ses cadets, de choisir un lot en une succession collaterale et commune pour y prendre un fief par préciput, suivant un ancien Arrest du Is de Juin 1595. entre Antoine de Mathan, sieur de Vaine, fils ainé de Joachim de Mathan, heritier en partie de feu Pierre de Mathan, appelant et demandeur, à ce que suivant la Coûtume et déclaration par luy faite, il luy fût permis de prendre par préciput, à la representation de son pere, sur l’ancienne succession de défunt Pierre de Mathan le fief de Pierre-Fite, ou tel autre fief qu’il voudra, sans préjudice de sa part aux acquests, et Nicolas de Mathan son frere puisné, appelant de ce que le droit de préciput auroit été ajugé à son préjudice audit sieur de Vaine, et au principal demandeur pour être reçû en partage tant au propre que conquest, en la place d’Adrien et Robert de Mathan ; et Me Joachim de Mathan Conseiller en la Cour, et Jacques de Mathan frères, enfans de feu Me Georges de Mathan, fils puisné en ladite succession, et au principal demandeur pour être envoyé en la possession de l’un des deux lots faits de ladite succession par leur pere, à faute par les parties de vouloir proceder à la choisie d’iceux La Cour ordonna que les lots presentez par feu Gcorges de Mathan demeureroient en l’étai qu’ils étoient, sur l’un desquels ledit Antoine de Mathan prendroit son droit de préciput te qu’il aviseroit bon être, et pour demeurer le surplus dudit lot audit Nicolas de Mathan son frert puisné, et l’autre lot demeurer pour non choix aux enfans dudit feu Georges de Mathan.


CCCXXXVIII.

Préciput exclud du reste de la succession.

Et au cas que l’aîné choisisse ledit fief-noble par préciput, il laisse le reste de toute la succession à ses puisnez.

Bien que cet Article déclare en termes generaux que l’ainé en prenant un préciput laisse le reste de toute la succession aux puisnez, il faut neanmoins en excepter les meubles, ausquels il prend une part égale avec ses puisnez.

Depuis la reformation de la Coûtume les Offices sont devenus une espèce d’immeuble. leur importance et leur valeur a fait douter, si on devoit les comprendre dans cet abandonnement ue l’ainé prenant un préciput noble est tenu de faire du reste de toute la succession, ou s’il pouvoit y prendre part : La question s’offrit entre les heritiers de Me Jean le Bas, Referen daire en la Chancellerie de Roüen ; elle fut partagée en la Grand-Chambre, au Rapport de Mr de Fermanel, départie sur le champ en la Chambre des Enquêtes : L’ainé avoit pris la terre noble de Breville par préciput, et laissé le reste de toute la succession à ses puisnez, et il prétendoit que la Charge de Referendaire devoit être déclarée immeuble, qu’il étoit des Charges. comme des rentes constituées, que par fiction de droit on avoit declarées immeubles, quoy qu’elles fûssent meubles de leur nature, parce que les deniers qui les composent sont puts meubles, à qui il a falu attribuer les droits et les qualitez ordinaires des immeubles pour leur faire tenir rang d’immeubles dans les actes et les contrats de la societé civil ; il est vray neanmoins qu’elles ne sont pas devenuës si absolument immeubles qu’elles n’ayent encore retenu quelque chose de la condition des meubles, c’est à dire de leur première nature, n’étant point qujettes au retrait lignager, et n’ayant point de suite par hypotheque quand elles ont été rachetées.

Qu’il faloit dire la même chose des Charges, qui étant de pures fonctions personnelles étoient par leur nature de véritables meubles, lesquelles pour rinterest et pour le bien des familles on voit declarées immeubles, qui n’étoient point susceptibles de l’action en rétrait non plus que les rentes constituées, et que lorsqu’elles étoient passées aux mains d’un autre, si l’on nes’ôtoit opposé au Sceau elles n’auroient aucune suite par hypotheque, ainsi qu’elles n’étoient pas tellement mmeubles qu’elles ne retinssent toûjours quelque qualité de leur première nature de meubles.

Qu’elles n’étoient immeubles que par fiction, et que comme pour le bien des familles et pour des causes particulieres on les avoit declarées immeubles, en certains cas aussi pour le bien les mêmes familles, il les faloir declarer meubles en quelques rencontres.

Que pour faire un discernement juste sur cette matière, il faloit penetrer dans l’esprit de la Coûtume qui doit être la regle de toutes nos décisions.

Que par l’Article 337. l’ainé a droit de prendre préciput dans les successions patemelles et maternelles, et que lorsque la Coûtume fut reformée, les Charges n’étoient pas d’une telle consideration qu’elles pussent donner atteinte aux préciputs, et par cette raison qu’il n’est pas étrange que l’on n’ait point fait de décision expresse et précise sur cette matière ; mais aujourd’huy que l’ambition en a fait le bien le plus precieux et le plus considérable des familles, et qu’il y a peu de préciputs qui puissent marcher de pair et égaler leur valeur, il étoit necessaire de trouver quelque temperament pour empescher que les enfans ainez des Officiers ayant employé la meilleure partie de leur bien en achapt d’Offices, soient reduits à cette facheuse necessité, ou de demeurer à leurs préciputs, ou d’abandonner ces Offices qu’ils auroient remplis dignement en suivant lexemple de leurs Prédecesseurs : Cette prudence qui a porté les Juges à declarer les Offices immeubles à l’égard des veuves, les engage pareillement à se conformer à l’esprit de la Coûtume, à les tenir pour meubles entre coheritiers, afin de ne détruite point le droit de préciputs dont la Coûtume a voulu favoriser les ainez, comme étant les chefs des familles, ceux qui en doivent avoir les principales prerogatives et les marques d’honneur les plus éclatantes.

Qu’en faisant les Charges immeubles, ou il faut qu’ils renoncent à prendre part dans les Charges qui est la portion la plus ardamment désirée, ou qu’ils renoncent à prendre préciput, qui est les priver d’un avantage que la Coûtume leur donne, qu’en ln et en l’autre cas c’est leur faire une injure ; il est donc juste entre coheritiers, pour ne choquer point la Coûtume, de les mettre plûtost dans le rang des meubles que des immeubles.

Les puisnez au contraire representoient qu’encore qu’autrefois cette question eût été problenatique, aujourd’huy elle ne pouvoit plus recevoir de difficulté aprés tant d’Arrests qui avoient déclaré les Offices immeubles, sans aucune distinction des personnes ; il est vray lorsque ce n’étoient que de simples commissions on les reputoit meubles, mais depuis qu’ils étoient devenus hereditaires, et que la vanité les avoit fait monter au prix excessit où ils sont maintenant, qu’on les avoit toûjours déclarez immeubles, que c’étoit la jurisprudence du Parle-ment de Paris et de tous les autres Parlemens de France.

Que par nôtre Coûtume, à l’égard du tiers des enfans, et à l’égard des veuves, on les jugeoit pareillement immeubles.

Que la difficulté que l’on vouloit former entre cohetitiers n’étoit qu’en consideration qui les ainez pourroient être privez de leur préciput si cette doctrine avoit lieu, et que c’est ur avantage que la Coûtume leur a voulu faire, dont il n’est pas juste de les priver.

Mais il est fort aisé de répondre à cette objection : Premierement, qu’il y auroit quelque chose d’étrange de faire qu’une chose fût meuble et immeuble : En second lieu, que la jurisrudence de tous les Parlemens de France étant uniforme en ce point, il n’y a pas d’apparence d’établir une doctrine particulière dans ce Parlement, que le pretexte de la ruine du préciput, l’est point considérable, et ce n’est qu’improprement qu’on l’appelle ainsi ; car qui dit preciput, dit une avant-part exempte de toute sorte de charges, tant que le reste de la succession les peut porter ; c’est un droit qui appartient à l’ainé privativement à tous les autres, et qui ne se leve amais qu’une fois dans une succession-

Or nous n’avons rien de semblable dans nôtre Coûtume, de sorte qu’il est vray de dire que nous n’avons point de préciputs dans nôtre Coûtume ; par la Coûtume generale et par celle de Caux l’ainé peut choisir un fief, non pas comme un préciput qu’il ait droit de prendre mais à cause des fiefs qui de leur nature sont indivisibles, de sorte qu’ayant le droit de choisir de premier, il les prend sans en faire part à ses coheritiers et à ses freres, parce qu’il ne les seur diviser et partager avec eux, et pour montrer qu’ils n’ont pas les fiefs à droit de préciput, à faudroit admettre plusieurs préciputs dans une même succession, ce qui est contre la nature les préciputs ; davantage ceux qui prennent les fiefs contribuent aux mariages des filles, et à ontes les autres charges de la succession à propottion de leur valeur, à quoy ils ne seroient pas sujets si lesdits fiefs leur tenoient lieu de préciput.

Le Manoir roturier que nôtre Coûtume donne aux ainez par préciput ne peut non plus asser pour préciput, car outre qu’il est sujet à toutes les charges de la succession, l’ainé ne l’a qu’à condition d’en faire recompense à ses puisnez

Le préciput en Caux est pareillement sujet aux mariages des filles, et aux autres charges de a succession, et par consequent à proprement parler il ne peut passer pour ptéciput.

Mais quand la Coûtume en consideration des charges qui tombent aux ainez, et à cause de leur prerogative d’ainesse, auroit voulu leur faire quelque avantage, il est certain neanmoins qu’elle n’en a pas fait une necessité, puisque dans une infinité de successions il n’y a aucun préciput ; au contraire elle en a laissé la liberté entiere aux peres en leur permettant la libre disposition de leurs biens, et de les mettre en telle nature que bon leur semble, en sorte qu’un pere qui a une terre considérable n’est pas privé de la vendre, si bon luy semble de l’ameublir, ou de l’échanger contre une roture, et de rendre son bien également divisible entre ses enfans ; ce sont des graces que les ainez doivent attendre de leurs peres, et non pas des drous qui leur soient dûs et incommutablement acquis dans leurs successions, et l’on peut dire que quand les peres laissent de ces sortes de biens où leurs ainez ont quelque avantage, ils ont bien voulu se servir des moyens que la Coûtume leur fournit pour les favoriser, mais quand ils ne le font pas, on peut dire aussi qu’ils ont usé de la liberté que la même Coûtume leur donne de ne le pas faire.

Et comme un ainé qui ne trouve pas dans la succession de fiefs assez confidérables pour les prendre à droit d’ainesse, ni de manoir rotutier, ni de préciput en Caux, ne peut pas dire que son pere fût obligé de luy laisser dans sa succession ou un fief ou un manoir roturier, ou un préciput en Caux ; sa plainte seroit aussi mal fondée s’il prétendoit que son pere ne pouvoit pas en user de la sorte, en achetant un Office d’un prix considérable pour le priver de prendre un fief par préciput : Il reste assez de moyens à un père de faire des avantages à sonainé, quand il a cette intention, il peut de son vivant luy vendre la Charge ou acquerir en des lieux où l’ainé aC peaucoup de prerogatives : Par Arrest du S d’Aoust 1660. les Offices furent jugez immeubles, et en consequence les ainez qui prennent préciput privez d’y avoir part. Il passa à l’avis de Mr de Fermanel Rapporteur, Mr de Boivin-Montmorel Compartiteur, êtoit d’opinion qu’on jugeât les Offices meubles, pour donner moyen aux ainez de prendre un préciput. La plus forte raison de l’Arrest fut que l’ainé n’avoit rien aux rentes constituées comme étantimmeubles, et puisque les Offices tenoient aujourd’huy la même nature, il faloit les mettre au nombres des biens que l’ainé est obsgé d’abandonmer en consequence de son choix C’est une grande question, sçavoir comment se partagent les Offices Domaniaux et hereditaires, lorsque le Titulaire est demeurant en une Coûtume, et les fonctions de l’Office se sont en-ue autre ; Je l’ay traitée sur l’Alticle 329. pour l’interest des femmes ; la difficulté reste entri l’ainé ayant pris préciput, et ses puisnez, car on doute si les Offices ont un être permanent et une realité pour les soûmottre à la loy du lieu où ils se trouvent, et où les droits en sont petçûs, ou bien s’il faut les considerer comme une espèce d’étrange nature, incertaine et muable, pour être attachez à la personne qui en jouit, et suivre par tout son domicile et être reglée par la loy d’iceluy, comme ces sortes d’Offices ayant plus de personalité que de realité : S’on fuit la premiere opinion, lorsque l’Office est en Normandie et que les droits de ces Offices sont perçûs hors de Normandie, l’ainé sera reçû à y prendre part. Si au contraire on les artache à la personne, quand l’Officier a son domicile en Normandie, l’ainé qui a pris préeiput er a succession n’entrera point en partage, bien que les fonctions de ces Offices le fassent. hors de Normandie, et que les droits et les profits soient perçûs ailleurs. On a jugé au Parlement de Paris pour des Offices de Contrôleurs des Titres à Alençon et pour des Offices de Com troleurs des Cuirs à Louviers, qu’ils avoient plus. de personalité que de realité, et par cette traison on en regla les droits selon la Coûtume du domicile du Titulaire ; et au contraire nous estimons en cette Province que ces sortes d’Offices ont plus de realité que de porsonalirs, et ainsi les droits s’en percevant en cette Province on les regleroit selon nôtre Coûtume VoyezTronçon , Article 305.


CCCXXXIX.

En plusieurs fiefs chaque frère a son préciput.

Et si en chacune desdites successions il y a encores autres fiefs-nobles, les autres freres les peuvent choisir par préciput, selon leur ainesse, chacun en leur rang.

Cet Article prouve nettement que ce que la Coûtume appelle un Preciput en l’Article 337 n’est proprement qu’un droit de choisir le premier, puisqu’elle donne successivement ce droit le choix aux freres lorsqu’il y a plusieurs fiefs dans la succession ; ainsi l’ainé n’a en ce cas d’autre prerogative sur les freres que le droit de choisir le premier Quelques-uns ont pensé que si l’ainé refusoit de choisir un fief par préciput, il n’y auroit pas ouverture au second fils pour en prendre un de son chef, les préciputs n’étant accordez ux seconds ainez qu’à cause des ainez ; mais le contraire est véritable, comme je l’ay prouvé sur l’Article 337. Et il faut toûjours faire cette reflexion, que l’intention principale de la Coûtume n’a pas été de donner un préciput à l’ainé, mais d’empescher la division des fiefs ; ce qui paroist par cet Article où elle étend ce droit de choisir à tous les autres enfans ; pourvûi qu’il y ait des. fiefs, ce qui ne peut avoir d’autre motif que celuy de la subsistance des fiefs en eur inregrité. Il n’est donc pas véritable que le seul choix de l’ainé donne ouverture au choix des puisnez, ce droit leur appartient par l’autorité de la loy toutes les fois qu’il y a plusieurs fiefs en la succession que l’on partage, et cette question me semble nettement décidée par l’Article. suivant.


CCCXL.

Partage entre puisnez.

Aprés le choix fait du fief ou fiefs-nobles par l’aîné, ou par les aînez à droit de préciput, les puisnez partageront entr’eux tout le reste de la succession.

Cet Article confirme entièrement ce que j’ay remarqué sur l’Article 337. que la Coûtume en permettant aux frères de choisir par préciput autant de fiefs qu’il y en a dans la succession, elle n’a eu pour but que d’empescher la division des fiefs, cela paroist par l’ordre qu’elle a tenuElle déclare d’abord que tous fiefs sont individus entre mâles, mais en consequence de cette prohibition, comme il êtoit necessaire de prescrire de quelle manière les fiefs seroient partagez, ne pouvant pas toûjours demeurer indivis entre mêmes coheritiers, pour éviter cet inconvenient, elle ordonne que l’ainé pourra prendre un fief en chacune succession paternelle et mater nelle, et parce que dans la succession il pouvoit se trouver un autre fief qui appartiendroit à plusieurs treres qui ne se pourroit diviser entr’eux, elle donne pouvoir au second frère de de prendre aussi par préciput ; elle donne successivement cette faculté aux autres freres s’il y a plusieurs fiefs, ce qui montre que cette sorte de préciput n’est pas un droit de la primogeniture, mais que c’est un moyen pour empescher la division des fiefs.Godefroy , sur cet Aoticle, propose une question qui luy paroist fort douteuse, sçavoir si aprés soption d’un fief faito par fainé, le second frere peut prendre le préciput rotuner lorsqu’il n’y a quiun Manoir, suivant lArticle 356 E Mais la resolution de cette question ne paroit pas difficile ;, car outre que le privilege niest donné qu’à fainé, on ne peut pas dite qu’en la succession il n’y ait qu’un Manoir, lorsque lainé prend un fief par préciput, sur lequel il y a des batimens : ainsi quoy que sur les terres roturieres il n’y ait qu’un Manoir, on ne peut pas dire que son soit dans les termes de Article 356. parce que ce n’est qu’une feule et même succession, quoy qu’elle soit composée de fiefs et de rotures, et ainsi se trouvant plusieurs Manoirs, la prétention du second frère seroit toûjours mal fondée ; il faudroit dire la même chose quand il n’y auroit aucun batiment sur le fief, parce que l’Article 356. n’a lieu que quand toute la succession consiste en rotures Le même Auteur. propose encore cette question, si le secondainé, qui n’a point pris un préciput, peut faire les fruits siens, lorsque le puisné est tenu de faire les partages ; Mais ce second. frere n’étant pas saisi de la succession par la Coûtume comme l’ainé, il ne doit pas avoir cette ti prerogative, et d’ailleurs la succession est déja partagée en quelque sorte par le choix du fief, que l’ainé a fait.

. Lorsque l’ainé abandonne le reste de la succession, suivant cet Article, si les puisnez l’aereprent, ils ne peuvont luy demander aucune chole, mais si ces puisnez, pour le favoriser et le décharger de sa contribution au mariage de leurs seurs, déclaroient qu’ils reçoivent leurs soeurs à partage, seroient-lelles obligées d’accepter cot offre ; Cette question fut décidée sur ce fait. ean Langlois ayant épousé Marguerite de Savigni demanda mariage avenant à Jean-Jacques, Julien, et Jacques de Savigni ses frères ; ces deux puisnez qui n’avoient que des rotures declacerent qu’ils recevoient leur soeut en partage, ce qui donna lieu au frère ainé de soûtenir que sa soeur ne pouvoit rien prétendre sur le fief qu’il avoit pris par préciput, étant, obligée de. arrêter au partage qui luy étoit offen par les puisnez : ce qui fut jugé de la sorte, dont le E fieur Langlois ayant appelé, il faisoit voir que cette déclaration êtoit frauduleuse, et qu’elle pe avoit été mandiée par l’ainé pour décharger son fief de la contribution au mariage avenant, les rptures étant de peu de valeur, et puisqu’elle preferoit le mariage avenant au partage, l’ainé ne pouvoit empescher que l’arbitration n’en fût faite, tant sur le fief que sur les rotures.

L’ainé se défendit par la disposition de cet Article, qu’aprés le choix du fief fait par l’ainé, les puisnez partagent entr’eux le reste de la succession ; que sous le nom de puisnez les seeurs êtoient comprises, iorsqu’elles sont reçûës à partage : Il est vray que suivant l’Article 364. les freres. lontribuent aux mariages de leurs seurs selon qu’ils prennent plus ou moins en la succession, mais cela s’entend quand les freres leur donnent mariage avenant sans les recevoir à partage, et en ce cas le mariage est estimé à la valeur du partage de l’un des puisnez ; mais quand les soeeurs sont reçûës à partage, elles ont la portion que la Coûtume leur attribue pareille à celle des puisnez. La marque essentielle de cette difference est que leurs seurs qui n’ont que mariage avonant, sont reputées étrangetes et créancières de la succession, et leur mariage est compté entre les dettes passives d’icelle, et c’est pourquoy les freres y contribuent comme aux pû autres dettes ; mais lorsqu’elles sont reçûës à partage, elles sont heritieres de leur chef comme seurs freres, de sorte que quand l’ainé qui prend préciput leur abandonne le reste de la succession, elles sont tenuës de prendre leur partage sur les biens delaissez et non sur le fief opté par l’ainé. l’Article 363. le décide expressément, la fille reservée à partage aura sa part sur la roture et autres biens s’il y en a, et suivant cet Article les puisnez partagent entr’eux le reste de la succession.

Ces mots C’entr’eux ) qui ont leur relation aux puisnez, du nombre desquels est la soeur, émoignent que l’ainé ne doit plus être appelé à ce partage, comme n’y ayant plus d’interest, ce qui est d’autant plus juste que par l’Article suivant lorsqu’un puisné décede, l’ainé ne luy succede point, si donc la soeur reçûë à partage décede sans, enfans, l’ainé ne luy peut succeder, parce qu’il n’a point contribué à son partage. Mais ces raisonnemens de l’ainé étoient fondez sur ce mauvais principe, que la soeur êtoit tenuë d’accepter le partage, aussi la Cour n’y eut point d’égard, et il fut dit par un Arrest preparatoire du 23 d’Aoust 1646. qu’avant que faire droit, il seroit fait une estimation par les parens des biens tant nobles quefroturiers, ce qui fut executé, et les parens n’ayant estimé le mariage avenant qu’à trois mille livres, Langlois s’en orta appelant, et par Arrest, au Rapport de Mr le Coigneux ; la Cour, sur l’appel de la Sentence qui déchargeoit l’ainé, mit l’appellation, et ce dont êtoit appelé, et sur l’autre appel de l’aibitration du mariage avenant, elle mit les parties hors de Cour.


CCCXLI.

Puisnez succedent les uns aux autres.

L’ainé ou autre ayant pris préciput avenant la mort de ’un des puisnez, ne luy peut succeder en chose que ce soit de la succession, ains luy succederont les autres freres puinez, ayant partagé avec luy, et leur décendant au devant de l’aîné.

Cet Article exclud l’ainé de prendre part en la succossion de ses puisnez, lorsqu’il a choisi un fief par préciput ; mais cette exclusion fe termine en la personne de l’ainé, car si tous les treres étoient morts, et qu’il s’agit de partager une succession entre les enfans des fteres ou eurs décendans, les representans de l’ainé ne seroient pas privez d’entrer en partage en la succession de leurs cousins décendus des puisnez, sur ce pretexte que leur pere où leur ayeul avoit autrefois pris un préciput : Cet Article parle seulement de la succession du frere puisné, auquel les puisnez ou leurs décendans succedent au préjudice de l’ainé, mais cet Artcle ne s’étend point si loin sur la succession des freres.

Toutes les paroles de cet Article prouvent que telle est l’intention de la Coûtume, il est dit que lainé avenant la mort de l’un des puisnez ne luy peut succeder, mais bien les autres puisuez qui ont partagé avec le défunt ; dans cette première disposition de l’Article il n’est parlé que des freres, de l’ainé, et des puisnez ; en suite il est parlé des décendans des puisnez, et il est dit que ces décendans des puisnez succederont aussi au devant de l’ainé ; mais la Coûtume en demeura-là sans passer plus outre, n’ajoûtant pas que ces décendans des puisnez succederont au devant des décendans de l’ainé : Cet Article est fondé sur ce que la succession du frere étant en quelque façon reputée la succession du pere, il ne seroit pas juste que l’ainé, lequel y a pris préciput, ût encore part en cette succession, qui est estimée une même succession avec celle du pere, et c’est sur ce même principe que l’on a établi cette jurisprudence, que quand les seurs mariées viennent à la succession du frere avec les soeurs non mariées, elles sont obligées de rapporter ce qui leur avoit été donné par le pere ou par le frère, parce que c’ost encore en quelque sorte la succession du pere-

Il y a quelque ambiguité en ces paroles, ( en chose que ce soit de la succession, car il est incertain. si l’on doit les entendre de cette maniere, que l’ainé ne peut succeder au puisné décodé sans enfans, en chose que ce soit de la succession, et en ce cas l’ainé ne pourroit avoit part, ni aux propres ni aux acquests, ce qui seroit contraire aux Articles 3i8. et 319. suivant lesquels l’ainé on ses representans prennent part aux acquests avec leurs freres puisnez : Il faut donc donner un autre sens à ces paroles ( en chose que ce soit de la succession ) en les expliquant de cette manière, que l’ainé ayant pris préciput ne peut succeder à son juisné en chose que ce soit qu procede de la succession du pere, parce que ( comme je viens de le dire ) cette succession d’un trere puisné est encore oonsidérée comme si c’étoit la succession du pere. L’ancienne Coûtume l’étoit expliquée clairement en ces termes : Nous decons sravoir que si l’ainé choisir le fief qui n’est pas partable, et il baille aux autres les êchetes, si l’un des autres meurt, les êchetes ne vientront pas à l’ainé, mais à celuy qui en auroit eu sa partie : Ce qui prouve clairement que l’exclusion de l’alné ne s’entend que des biens provenans de la succession du pere, mais lorsque l’ainéi le second ou troisième frere ont pris un fief par préciput, si quelque puisné décede sans enfans, la condition de tous ceux qui ont pris préciput est égale, sans pouvoir se prévaloir de cet Article les uns contre les autres.

Quand les puisnez ont changé la nature du fonds qui leur êtoit échû en partage, ou qu’ils l’ont remplacé en des lieux où les Coûtumes sont differentes, on a souvent agité cette quetion, si nonobstant ces changemens ces biens retenoient leur première natute, à l’effet que l’ainé n’y puisse avoir plus de droit qu’il en auroit eu, si les choses étoient demeurées en leur premier état : Cette regle qui dit que la chose subrogée ressemble à celle dont elle prend la place, subrogatum sapit naturam subrogati, est mal entenduë, et l’Arrest de Sercus mal rapporté par Bérault ont donné lieu à plusieurs erreurs ; mais c’est maintenant une jurisprudence certaine que toutes uccessions directes ou collaterales doivent être partagées en l’état qu’elles se trouvent au temps de écheance, et par consequent si un puisné avoit vendu sa part des rotures et les avoit remlacées en un fief, quoy que dans la même Coûtume, l’ainé pourroit le prendre par préciput, par chacun est maître de son bien, il peut le mettre en telle nature et en tel lieu qu’il luy plaist ; le pere même a cette faculté, bien qu’il luy soit défendu si expressément de faire avantage à l’un de ses enfans plus qu’à l’autre : c’est ce que la Cour a décidé par l’Article 67. du Reglement de l’année 1666. les héritages se partagent selon la Coûtume des lieux où ils sont situez lors de la succession écme, et non selon la Coûtume des lieux où étoient situez ceux ausquels ils sont ubrogez En quel cas. l’action subrogée retient tantost la nature de celle en laquelle elle est lubrogée, et tantost non ; In quibus casibus actio subrogata modo sapiat naturam ejus in cujus locum subroratur, modo non : videBart . Ad l. l. 6. hec actio si quis testam. liber esse, etMornac . e Ad l. fidejuss. S. ult. de pignor. Toutes subrogations dépendent de la loy ou de la convention des parties, toutes les autres ne sont point recevables, parce qu’elles pourroient aller à l’infinivide l. cum in fundo, S. si fundus D. de jure dot.

L’action subrogée retient souvent les qualitez et les effets de celle en laquelle elle est subrogée, mais elle prend et revest seulement sa nature intrinseque et premiere, et non point ses conditions extrinseques ou accidentelles : Par exemple, si quelqu’un change son fief conre une roture, cet héritage échangé retient bien la nature d’immeuble, de conquest, de pro-pre paternel ou maiernel, au lieu du patrimoine échangé, vice permutari patrimomii, car cette qualité est intrinseque et primordiale, elle est inherente au fonds, mais non pas la qualité teodale, qui est accidentelle et extrinseque ; Loüet etBrodeau , l. 8. n. 10.

Un homme de Normandie qui avoit épousé une femme d’Orléans, fit échange d’une succestion

échûë à sa femme avec des rentes et des héritages situez en Normandie, ce contrat fut ratifié par la femme, mais une fille fortie de ce mariage, matiée par le pere, voulut aprés la mort dle la mere avoir part aux biens échangez, comme subrogez à la place de ceux d’Oiléans, où les soeurs succedent avec leurs freres ; elle disoit que la chose subrogée retient la nature de celle qui luy est subrogée, subrogatum sapit naturam subrogati, que la succession étoit échûè à sa mere avant qu’elle fille eût été mariée, que son mary et elle s’étoient contentez d’un mariage venant, sur cette espérance qu’aprés la mort de sa mere elle auroit part en cette successiont gue si elle en étoit privée par cette échange elle auroit été beaucoup deçûë : Le frere répondoit que la succession devoit être considérée au temps de la mort, l. si alienam 5. in extraneis de hered. institut. l. in quantitate ff. Ad l. Falcid. successio est jus universum quod defunctus habuit tempori mortis. Par la Coûtume le mort faisit le vif, il ne peut être faisi des choses échangées, venduës. et alienées, le mort ouvre les yeux du vivant, mortuus aperit oculos viventis, non pour voit les choses qui ne sont plus, mais ce qui reste en l’heredité au temps de la mort, le pere et la mere sont libres de disposer de leur bien, de le changer de nature, de qualité et de lieu, la volonté et la disposition du pere de famille en use comme il luy plaist, totum facit voluntas & dispositio patrisfamilias, l. ex facto ad Senatusconsult. Trebell. Les biens donc êtant en Normandie, il faut suivre cette Coûtume qui est réelle pour le partage.Molin . Consil. 53.Argent . de Donat.

Quant à la regle subrogatum sapit naturam subrogati, elle a lieu dans les demandes universelles, n petitionibus universalibus, ut in petitione heredit. et rebus que restitutioni subjacent, non pas en a succession directe, la subrogation doit être faite par la loy ou par le contrat, et étant une fiction, on ne la doit pas faire si elle n’est expresse par la loy, joint que la chose subrogée pourroit : retenir sa condition primordiale et non pas sa qualité accidentelle, comme l’héritage paternel vendu ou remplacé retient bien la qualité de paternel ou de maternel, et non point la qualité de feodal ou autre s’il en avoit : Par Arrest du s de Février 1626. entre Noel Dubois, sieur des Noyers, et Gaspar le Boucher, sieur de S. Aubin, ayant épousé Marie Dubois, le beau rere et la seur furent deboutez de leur action.


CCCXLII.

Quand peut l’aîné succeder au fief échûs au puisné.

Neanmoins s’il y avoit aucun fief partagé avec les autres biens de la succession, sans avoir êté choisi par preciput avenant la mort sans enfans de celuy au lot duquel il est échû, lainé ou ses representans succedent en ce qui est noble, et peut prendre ledit fief par preciput.

Me Josias Berault a fort mal expliqué ces Articles, et il estimoit que s’il : y avoit deux fiefs dans la succession, dont l’ainé en eût choisi un, et que l’autre du consentement du second frere eût été mis en partage, avenant la mort du puisné au lot duquel ce fief seroit échâ, fainé ne le pourroit avoir, mais que le second frere le pourroit choisir, pour le recomponser de ce que lors du premier partage il n’avoit pas voulu le prendre par preciput Cela n’est pas véritable, soit que l’ainé ait pris preciput, ou qu’il ait partagé avec ses puisnez, lorsque dans la succession d’un puisné qui décede sans enfans il se rencontre un fief qu’aucun des treres puisnez n’a pas pris par preciput, mais qui a été partagé avec les rotures et les autres biens, l’ainé peut le retenir par preciput, et c’est la seule chose qu’il peut avoir dans la succession de les puisnez lorsqu’il a pris un preciput ; car il faut considerer cet Article comme une exception à l’Article precedent, suivant iceluy l’ainé qui a pris preciput ne succede en aucune chose aux biens qui procedent du pere : néanmoins limitant par cet Article cette exclusion generale, elle ajoûte que si neanmoins il y avoit aucun fief partagé avec les autres bions de lafuccession, sans avoir été choisi par preciput, l’ainé ou ses décendans y succedent.

Il est clair que quand cet Article parle d’un fief qui n’a point été choisi par preciput, cela ne peut s’entendre que dans le cas où l’ainé n’a point pris preciput, car on ne pouvoit jamais revoquer en doute que si l’ainé n’avoit pas pris preciput, et qu’il eût partagé avcc ses freres, il ne pût opter un fief dans la succession d’un frere puisné ; mais la Coûtume ayant disposé par l’Article 340. qu’aprés le choix fait par l’ainé d’un fief, les puisnez partageroient entr eux le reste de la succession, et ayant ajoûté dans l’Article 341. que cet ainé qui avoit pris preciput ne pouvoit succeder à ses puisnez en chose que ce soit de leur succession, elle le rend néanmoins capable de succeder au fief quand il a été partagé avec les autres biens, sans avoir été choisi par preciput, car s’il avoit été choisi par preciput, il ne pourroit avoir été partagé, et n’ayant point été partagé, l’ainé n’étoit pas privé de succeder à son frère et de prendre le fief par preciput Par l’Article 341. l’ainé ou les ainez ne sont exclus que de la succestion des puisnez qui ont partagé, et non de ceux qui ont pris preciput, et cette exclusion a lieu également pour le second ou pour les autres freres qui prennent preciput, comme pour Painé ; ainsi pour faire que cet Article ne soit pas inutile, il faut l’entendre de cette manieère, qu’encore que l’ainé qui a pris precipui

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soit exclus de la succession des puisnez qui ont partagé également entr’eux la succession, néantioins cela n’a point lieu lorsqu’il y a un fief qui a été mis en partage avec les autres biens, Sans avoir été opté par preciput par aucun des puisnez.

Puisque lainé ou ses representans succedent au fief qui n’a pas été opté par preciput, on ne seur dire raisonnablement qu’il soit exclus du fief qui n’a point été choisi par preciput, car si ainé succede au droit de ses puisnez avant les partages faits, et si à leur droit il peut chbisir el fief qu’il luy plaist à leur representation et comme leur heritier, sans prejudice du droit de reciput qui luy appartient de son chef, suivant l’Article 343. à plus forte raison doit-il succeder aprés le partage fait et prendre le fief qui est échû en leur lot ; c’est pourquoy nos Reformaeurs, pour prevenir. ce que l’on pouvoit dire, que par le preciput que l’ainé prend il est privé de la succession de ses puisnez, ont employé ces mots ( sans avoir été choisi par preciput pour nous faire entendre qu’encore que le fief fût compris dans les biens que l’ainé a laissez à ses puisnez, néanmoins il est capable d’y succeder, c’est à dire en un mot qu’en toutes manieres l’ainé peut succeder au noble, et qu’il n’est exclus de la succession des puisnez qui ont partagé. également qu’à l’égard des rotures.

On demande si de trois freres lainé a pris preciput aux successions de ses pere et mere, et à laissé le reste desdites successions à ses deux puisnez qui avoient partagé également, au lo de l’un desquels étoient échûs des fiefs tant de la succession paternelle que maternelle, iceluy puisné étant mort sans enfans, si l’ainé doit succeder en tout ce qui est noble, tant de l’une que de l’autre succession : Suivant cet Article, l’ainé ou ses representans succedent en ce qui est noble et ces paroles étant generales, l’ainé peut soûtenir qu’elles doivent être entenduës generalement, il n’est point dit s’il n’y a qu’un fief, comme en l’Article 346. qui porte que sil n’y a qu’un fiefnoble sans roture, les puisnez n’y peuvent pretendre que le tiers à vie, dautant que s’il y en avoit plusieurs, l’ainé ne les pourroit pas tous avoir, et les puisnez y auroient part, et en l’Article 356 s’il n’y a qu’un Manoir roturier aux champs, l’ainé le peut prendre, parce que s’il y en avoit plus l’un, ils ne viendroient pas au profit de l’ainé, mais ils seroient partagez entre les autres freres c’est pourquoy la Coûtume disant en cet Article que s’il y a aucun sstf partagé sans avoir été choisi par preciput l’ainé y succede en ce qui est noble : Il semble que son intention soit que quelque nombre de fiefs qui soient en la succession du puisné qui décede sans enfans, l’ainé les puisse avoir sans en faire part à ses puisnez qui se doivent contenter des rotures.

Il faut neanmoins tenir le contraire, car quand la Coûtume dit que l’ainé succede en ce qui est noble, elle n’entend pas qu’il succede en tout le noble pour exclure ses autres puisnez, nais qu’il succede conjointement avec eux, ayant cette prerogative, qu’il a droit de choisir s’il y a plusieurs fiefs, et s’il n’y en a qu’un il le peut prendre, en leur laissant les rotures et les rentes constituées ; car celuy qui est heritier succede generalement en tous les droits, mais il ne s’ensuit pas que celuy qui succede soit seul heritier, car une feule personne peut avoir plusieurs successions : l’ainé donc qui succede à ses freres en ce qui est noble ne succede pas en out le noble, si ce n’est lorsqu’il n’y a qu’un fief en toute la succession, mais s’il y ena plusieurs, il n’a que le droit d’en prendre un par preciput, de sorte que ces mots sen ce qui est noblel e doivent expliquer par deux clauses particulieres, qui se trouvent au commencement et à la in de cet Article ; le commencement porte s’ily a aucun fief partagé avec les autres biens de la succession, et la fin contient il peut prendre ledit fief par preciput, pour montrer qu’il doit se ontenter de prendre un fief par preciput et non tout ce qui est noble, ne se trouvant aucun cas en toute la Coûtume où tout ce qui est noble appartienne à l’ainé, bien qu’il succede en tous les droits, in universum jus, et en ce cas particulier il seroit beaucoup plus injuste qu’il eût tout le noble, parce qu’il ne succede que par une espèce de privilege que la Coûtume luy donne sur ce qui est noble seulement, de lorte qu’il ne se peut pas dire heritier universel, mais particulier.

Bérault rapporte mal à propos sur cet Article la question qui fut mûë entre les sieurs de Brevant, que Godefroy a traitée sur l’Article 319. où j’ay aussi touché cette matière, et lorsqu’il dit sur la fin de cet Article avoir appris qu’une question pareille à celle qu’il agite, avoit été jugée par Arrest du 20 de Mars 1626. il ne se souvient pas d’avoir rapporté ce même Arrest ur l’Article 318. où il le cite mal, comme je l’ay remarqué en ce lieu-là.


CCCXLIII.

Avantage de l’aîné aprés le decez de son ainé avant les partages.

Avenant le decez du fils aîné avant les partages faits de la succession qui leur est échûë, le plus aîné des freres survivans peut choisir tel fief qu’il luy plaist à la representation, et comme heritier de son frère ainé, sans prejudice du droit de preciput qu’il a de son chef, et n’y peuvent les autres freres pretendre aucune part, legitime, provision ou recompense sur ledit fief.

Le sieur de Mailloc eut pour ses heritiers Charles, Gabriel, et Jacques de Mailloc ses enfans ; Charles mourut étant encore mineur en l’année 1652. Gabriel et Jacques eurent procez pour leurs partages, qui furent évoquez en la Cour, où Jacques puisné interpella Gabriel son ainé de déclarer quelle terre il choisissoit par préciput en cette Province, en celle de Picardie ou ailleurs, et quels biens il prétendoit divisibles entr’eux comme puisnez de Charles leur frère ainé : Gabriel fit réponse qu’il prenoit les terres de Mailloc et de Cailly en leur integrité, comme heritier de son pere et de son frere, offrant sur ces terres la provision à vie à Jacques son frere, et consentant qu’il prit sa part aux terres en Picardie selon la Coûtume du lieu, suivant l’Acte signé de luy du 20 de Février 1652. Le puisné demanda que son frère expliquât plus précisément quelles terres il prenoit en la succession du pere, et quelle terre il choisissoit pour la succession du frère ; par Acte du 12 de Juin 1654. lainé declata que n’y ayant autres biens en la Coûtume de Caux que la terre de Gailly, elle luy appartenoit entière au droit de Charles son ainé, sauf la provision à vie qui seroit du sixième comme heritier dé son pere : et à l’égard des biens situez en la Coûtume generale, qu’il prenoit au droit dudit Charles la terre de Mailloc, sauf à partager entre luy et ledit Jacques les rotures, s’il y en avoit aucunes.

Le puisné soûtenoit que l’ainé ayant déclaré par deux Actes qu’il prenoit les terres susdites comme heritier de son pere et de son frere, il ne pouvoit plus varier, mais seulement expliquer laquelle des deux il choisissoit comme heritier du pere, et quelle terre il retenoit comme negitier du frère ; son interest consistoit en ce que sur la terre qu’il prendroit comme heritier du pere, la provision qui sera duë au puisné sera du tiers entier, et non d’un sixiéme, ou que les rotures luy appartiendront entièrement, et non pour une moitié : Par les Articles 337 18. et 343. l’ainé peut prendre un fiefpar préciput, et avenant le decez de l’ainé le plus ainé des freres urvivans peut choisir à sa representation tel fief qu’il luy plaist. Par ces Articles il est besoin d’une declaration de l’ainé, il s’en peut passer et laisser faire lots, s’il a fait son choix, un autre fief appartient aux puisnez ou les rotures ou provision, et si-tost que l’option de l’ainé est faite, le droit des puifnez est acquis et l’ainé ne peut plus varier ; par les Arnicles 338. et 340. en cas que l’ainé, &c.

I laisse le reste aux puisnez, et par consequent dés l’instant du choix le surplus appartient aux puisnez, l. quoties de opr. leg. l. apud Aufid. eod.Cujac . Ad l. 112. de verbor. obligat.

Pour l’ainé l’on disoit qu’il peut varier, suivant l’Arrest de Courtonne rapporté sur l’Art. 358. l. nonnunquam de oblig. nonnunquam Prator variantem non repellit & consilium mutantis non aspernatur. Nous avons plusieurs loix au C. et au D. suivant lesquelles l’on peut varier, Rebus integris, que les choses sont icy entieres puisqu’il ne s’agit que d’une explication demandée par son puisné, que ce n’est qu’une omission de son Procureur, lorsqu’il a dit qu’il prenoit lesdits fiefs comme heritier de son pere et de son frere, et qu’il devoit écrire qu’il prenoit les fiefs comme heritier de son frere, et part aux notures comme heritier de son pere, ou qu’il prend les fiefs comme héritier de son frere qui étoit heritier de son pere : Par Arrest donné au Rapport de Mr de Toufreville-le-Roux, l’ainé fut maintenu en la possession des tertes de Mailloc et de Cailly, sauf les droits des puisnez suivant la Coûtume.

Et ne peuvent les autres freres pretendre aucune part. Sçavoir si en une succession collaterale de propre, hors le premier degré, en laquelle il n’y a qu’un Duché, Comté, Baronnie, ou Fief, les puisnez n’y doivent point avoir de provision à vie, comme ils auroient en succession directe tant en Caux que hors Caux, suivant les Articles 302. et 46. Pour les puisnez l’on peut dire que cet Article est un cas singulier qui ne se doit étendre qu’entre freres et en succession de freres, et non entre freres qui succedent à un oncle, trand. oncle, ou autre ; comme lorsque la Coûtume a dit en l’Article 303. que l’ainé a l’ancienni uccession de ses parens collateraux sans en faire part on portion à ses freres puisnez, elle a mis une exception, que si l’un des puisnez meurt sans enfans, l’ainé n’a que les deux parts, et les puisnez l’autre : D’ou l’on apprend que quand il s’agit de l’interpretation des mêmes Coûtumes, il les faut entendre comme elles parlent, et ne faisant mention que d’un cas, il faut chercher l’équité tirée du Droit et des Coûtumes qui ne permetient point qu’un frère ait tout le bien et les autres rien ; il est certain neanmoins qu’en une succession collaterale où il n’y a qu’un fief, les puisnez n’y ont rien, et la raison de la difference entre la succession directe et la collaterale, est que par le droit naturel les parens sont obligez à la noutritute de leurs enfans, necant qui alimenta denegant, l. 1. 8. pen. de justit. et jur. Il est vray que quand il n’y a qu’un Marquisat, Comté, Baronnie ou une autre Dignité, la Coûtume ne donne rien en proprieté, parce que ces choses sont indivisibles principalement entre freres, Article 272. 361. et 366. La legitime des fils n’est point tirée d’un Royaume, Duché, Comté, ou d’une autre pareille Dignité, legitima filiorum non detrahitur de Regno, Ducatu ; Comitatu, vel aliâ tali Dignitate.Guido Pap .

Quest. 436.Tiraquel . de jure primogenit. Quaeft. n. n. 32. Mais au lieu de la legitime la Coûtume donne aux puisnez pour leur nourriture Pusufruit de la tierce partie, ce qui n’a point de lien en la collaterale, les cousins n’étant point obligez à la nourriture ni à la legitime, mals ils peuvent disposer de tout leur bien c’est pourquoy le frere survivant a le fief sans en faire part à ses puisnez, et l’Article 303. est fondé sur cette raison.

Cet Article étoit necessaire pour prevenir la difficulté qui pouvoit naître, si le premier puisné pouvoit prendre un fief comme heritier de son frère ; et la raison de douter êtoit que l’ainé étant mort sans faire aucune déclaration, s’il acceptoit la succession du pere ou s’il la refusoit, sa portion devoit accroitte également à tous les autres freres, le premier ipuisné ne pouvant choisir aucun preciput au droit de son ainé défunt, parce que pour acquerir ce preciput à l’alné, Il est necessaire qu’il en ait fait option et qu’il ait declaré qu’il retient un tel fief par precipat, ce qui se prouve par les termes de l’Article 337. qui porte que l’ainé peut prendre un preciputi Il ne luy est donc acquis que quand il a témoigné son intention, et cette déclaration est si necessaire, que s’il neglige de la faire avant lécheance des successions paternelles et maternelles, Il s’en fait une confusion, et il ne peut avoir qu’un seul preciput dans les deux successions, encore qu’il eût pû en prendre deux s’il avoit fait son option en temps et lieuMais cet Article a décidé la question en faveur du premier puisné, il n’est pas necessaire dans la succession : paternelle, pour donner lieu à la disposition contenuë en cet Article, que ce frère ait fait une option, et l’on peut soûtenir cette maxime par cette raison, que le mort saisissant le vif, l’ainé dés l’instant de la mort du pere, ipso jure fuit heres et saisitus, et por tionem suam vel ignorans transmisit ad quoscunque heredes, et ainsi ce n’est plus la succession-du pere, mais celle du frere, ista portio non est de successione patris ; c’est une succession collaterale : VideMolin . 5. 13. gl. 1. 4. 8. 31. et 32. Et cela est si véritable, que la Coûtume donne ce droit de preciput, bien que les partages n’eussent point été faits. D’où il s’ensuit que lainé est reputé saisi dés l’instant de la mort du pere.


CCCXLIV.

Avantage de l’aîné aprés la mort du second fils avant les partages.

Pareillement avenant la mort du second fils avant les partages faits de la succession, l’aîné peut prendre par preciput, comme heritier de son frère, le fief qu’il eût pû choisir de son chef, et ainli consecutivement des autres, tant qu’il y a fief en la succession.

Il étoit raisonnable d’accorder à l’aîné le même avantage que l’on avoit donné au second frère par l’Article precedent : Ces paroles ( avant les partages faits ) ne sont point limitatives, et ne font aucune restriction, l’on ne doit pas en induire que dans le cas de l’Article procedent et de celui-cy, les deux ainez ne puissent prendre preciput que quand l’un ou l’autre décede avant les partages faits, mais qu’ils n’ont pas la même faculté lorsque leur mort arrive aprés la confection des partages, car en ce dernier cas il n’y avoit pas de difficulté, mais la question eût parû douteuse cessant cette décision, si l’ainé ou le second frere étoient morts avant les partage. dits et sans avoir fait aucune option ; car la déclaration d’option paroissant necessaire en consequence de l’Article 337. le second’frere sembloit n’être pas recevable à demander un preciput au droit de son frère ainé, lorsque cet ainé étoit décedé sans avoir témoigné qu’il vouloit choisit un fief par preciput : Pour faire cesser cette difficulté la Coûtume en ces deux Articles en a fait une décision expresse, de sorte que l’on peut dire que l’ainé ou le second frere venant à mourir avant ou aprés les partages, ils peuvent prendre un preciput au droit l’un de l’autre.


CCCXLV.

Droit de preciput non transmision.

Le fisc ou autre creancier subrogé au droit de fainé avant le partage fait, n’a le privilege de prendre le preciput appartenant à lainé, à cause de sa primogeniture ; mais aura seulement part égale avec ses autres freres.

La Coûtume fait en cet Article en faveur des puisnez ce qu’elle avoit fait en faveur des filles par l’Article 263. la cause du fisc est trop odieuse pour luy attribuer les droits et les prerogatives de la primogeniture, il ne peut les pretendre avant qu’ils ayent été parfaitement acquis à l’aîné, et ces paroles ( avant le partage fait ) doivent s’étendre largement à l’effet, qu’il ne suffit pas que le partage soit fait, mais qu’il est encore nécessaire qu’il soit choisi, comme Bérauit l’a fort bien remarqué, quoy que par l’Article 347. ce soit assez, pour empescher la confusion des successions, que l’ainé ait declaré prendre un preciput ; il n’en est pas de même à l’égard du fisc pour le subroger au droit de l’ainé, l’acte du partage doit être pleinement consommé, ce qui n’arrive qu’aprés la choisie : C’est par ce même principe que Chopin a resolu que le rapport ordonné entre coheritiers ne se pratique point pour le fisc vix autem ut fiscus Chassan qui in privati jus succedit, coheredis ab altero deposcat collationem ei datorum, ut Chassan. scripsit ad S. 2. Chop de Success. quod Neustriae prisca instituta sanxere, chop. l. 2. t. 3. n. 19. deMor . Paris. bien que cet Article ne fasse mention que du creancier subrogé, il a lieu pour tous creanciers, soit à titre universel ou à titre singulier, soit qu’ils se soient fait subroger ou qu’ils ne l’ayent point fait, et qu’ils agissent en vertu de cette subrogation naturelle, que tous creanciers leuvent exercer sur les biens de leurs debiteurs. Voyez l’Arrest de l’Epeudri sur l’Art. 263 L’Arrest remarqué parBérault , par lequel il a été jugé que le preciput appartenant à l’ainé en Caux étoit affecté à ses dettes, bien qu’il fût mort avant que d’en avoir fait l’option ou Je partage, n’est point contraire à cet Article et à ce que nous venons de dire, par les raisons ue nous en avons rapportées sur l’Article 279.

Par Arrest du 20 de Juin 1631. en l’Audience de la Grand. Chambre, entre Danisi Hebert et de Loncauney, on confirma une Sentence qui ordonnoit que la soeeur auroit au prejudice les acquereurs du frere l’estimation du tiers du fief qu’ils avoient acquis, sans distraire la part d’un puisné décedé, parce qu’il n’auroit qu’une provision à vie : il fut aussi jugé que ces acquereurs ne pouvoient l’obliger comme auroit pû le frère à se contenter de rentes au denier ringr, et ou ne luy fit point de défenses d’aliener, comme étant proprietaire de ce qui luy êtoit baillé pour sa legitime.


CCCXLVI.

Pension des puisnez quand il n’y a qu’un seul fief.

Quand il n’y a qu’un fief pour tout en une succession sans autres biens, tous les puisnez ensemble ne peuvent prendre que provision du tiers à vie sur ledit fief, les rentes et charges de la succession déduites.

Les filles ne sont point comprises sous ce mot de puisnez, et il est certain qu’en cette rent contre le masculin ne comprend point le feminin, masculinum non concipit femininum, cela paroist par la suite et la liaison de cet Article avec les precedens, dans tous lesquels il n’est fait mention que des frères : et d’ailleurs les soeurs n’étant point heritières, mais simples creancieres, leur mariage fait partie des dettes et des charges qui doivent être acquitées, sant par les deux tiers de l’ainé que par le tiers des puisnez : or touchant la manière que cettes contribution se doit faire lorsqu’il n’y a qu’un fief, j en ay parlé sur l’Article 262.

La nouvelle Coûtume de Bretagne, Article 541. est plus équitable pour les puisnez, donsant à lainé le Manoir et les deux tiers, mais laissant l’autre tiers en héritage aux puisnez.

Mr d’Argentré appelle ces pauvres cadets qui n’ont qu’une provision à vie, alimentarios potius uâm heredes. Par la Loy des Hebreux si le pere laissoit des enfans de l’un et de l’autre sexe, et une succession opulente, les freres y succedoient, et les filles n’avoient qu’une provifion alimentaire : s’il y avoit peu de biens on le donnoit entierement aux filles, et les fils mandioient leur vie ; l. Hebraor. si defunctus liberos utriusque sexus arque patrimonium satis opulentum reliquerit, jure hereditario succedunt filii, et alimenta capiunt filiae : si vero rem angustam reliquerit, dlimenta capiunt filiae, & ostiatim filii mendicant.Selden . de Success. ad leg. Hebraor. c. 9. ce qui quelque rapport à nôtre usage, lorsqu’en une succession il n’y a qu’un fief que l’ainé prend par preciput, les puisnez n’ont qu’une provision à vie, les filles l’ont en proprieté.

Un frère ainé prit une terre noble par preciput, et n’y ayant d’autre biens en la succession les puisnez se contenterent de la provision à vie ; l’ainé donna à sa seur en la mariant quatre mille livres ; elle moutut sans enfans, les puisnez demanderent part à cette somme ; l’ainé dit que l’ayant payée seul, elle luy devoit revenir toute entière, que par le droit quoy que la succession ne remontât pomt, le pere qui avoit marié sa fille luy succedoit, l. 2. C. de bonis que liberis, que si cette fille étoit motte sans avoir été mariée les puisnez ne pretendroient tien à ce qui luy eût appartenu pour son mariage avenant, de sorte que pour l’avoir mariée sa condition n’en devoit pas être pire, que les fiefs sont indivifibles, et que si l’on a donné part sur les fiefs en proprieté aux filles, on l’a fait par cette consideration qu’elles n’auroient point trouvé de partis. Les puisnez répondoient que leur seur n’avoit point êté mariée aux dépens de leur frere, mais des biens de la succession, et l’ainé n’avoit eu le fief qu’à la charge du mariage desdites seurs, que c’est leur legitime qui leur est faite propre par le mariage, et à laquelle par consequent ses plus proches peuvent succeder ; que les fiefs sont indivisibles, mais que cela n’empesche pas que les creanciers, les soeurs et les puisnez ne puissent agir pour ce qui leur appartient ; que ce qui est baillé aux soeurs ne retient pas cette qualité feodale ; que les avantages octroyez à l’ainé luy doivent être conservez, mais qu’il doit se contenter de ceux qui luy sont expressément accordez par la Coûtume ; ainsi jugé pour les puisnez en la Chambre des Enquêtes, par Arrest du mois de Mars 1622. au Rapport de Mr le Doux. Toute la difficulté étoit que si la soeur n’eût point été mariée, les puisnez n’y pouvoient rien avoir pour avoir été mariée, pourquoy tenir que le bien avoit changé de condition : Mais on répond qui jusqu’au mariage rien n’est acquis à la seur, elle n’a qu’une provision equipolente au mariage. venant, Art. 268. Il y a encore cette raison, si un frere avoit marié sa seur non de la sucression du pere, mais de son propre bien, s’il n’avoit particulièrement stipulé que la dot luy retourneroit arrivant le decez de sa soeur, elle seroit partagée entre ses plus proches heritiers.

C’est une question fort incertaine dans le Palais, si lorsque l’ainé et en suite le second fils ont pris chacun un fief par preciput, la provision à vie des puisnez et le mariage des filles doit être pris sur les deux preciputs, ou s’ils doivent être portez seulement sur le fief opté par le second frere ; car l’ainé pretend que la Coûtume luy donne le fief par preciput exempt de toute contribution, pourvû qu’il abandonne tout le reste de la succession à ses puisnez ; que sa condition ne doit pas devenir pire lorsque le second frere prend un preciput, il n’a qu’un fief aprés le choix de l’ainé, et aprés l’abandonnement qu’il a fait de tout le reste de la succession ; que si le second frere peut prendre aussi un fief par preciput, ce ne peut être qu’à condition de payer luy seul toutes les charges de la succession : Le puisné se défend, alleE guant que sa condition devient égale à son ainé lorsqu’il y a deux fiefs en la succession, que la Coûtume en permettant aux fretes ainez de prendre autant de preciputs qu’il y a de fiefs en la succession, elle fait assez paroître que son intention n’a pas été de faire un avantage particulier à l’ainé, mais d’empescher la division des fiefs, et c’est l’opinion la plus commmune du Palais, que l’ainé doit contribuer avec le second frère tant aux dettes qu’au mariage des soeurs.

I reste encore cette difficulté, sur quel prix on arbitrera la provision des puisnez, si on la donnera seulement sur le tiers eu égard au fief choisi par le second frere, ou si elle sera prise également sur les deux fiefs, sçavoir un tiers sur celuy de l’ainé, et un tiers sur l’autre fief ; Car en ce faisant il peut arriver quand il n’y a qu’un puisné, que sa part sera meilleure que celle du second frère ; c’est encore le sentiment le plus ordinaire que la provision à vie des puisnez sera prise sur l’un et sur l’autre fief

Cette question si les successions de l’ayeul et ayeule paternel et maternel le confondent comme celles du pere et de la mere, s’offrit à l’Audience de la Cour le 9 de Juillet 1613. entre François de la Bessiere, Ecuyer, sieur de S. Pierre, et Pancrace, et Pierre Louvel freres : Du mariage d’Antoine Louvel et de Catherine Penel naquirent Pancrace et Pierre Louvel, la mere étant morte la premiere et en suite le pere, Jean Louvel, tuteur de Pancrace et de Pierre Louvel, ne fit aucune déclaration de preciput à la succession du père ; Jean Louvel, tuteur, étant mort, Avenete fût institué tuteur, qui ne gera que six mois ; François de la Bessiere, qui avoit obtenu la garde-noble, ayant continué la tutelle, René Penel, ayeul maternel de Pierre et de Pancrace Louvel, étant mort, il leur laissa la terre d’Ecajeul, ainsi la succession du pere et de l’ayeul maternel se trouverent confuses avant aucune déclaration d’option de preciput.

Pierre Louvel ayant presenté des partages à Pancrace Louvel son ainé, il les blâma en ce qu’il y avoit employé la terre d’Ecajeul, qui étoit de la succession de l’ayeul maternel, et qu’il pretendoit prendre par preciput : Par Sentence il fut dit que les freres feroient des partages. égaux des deux successions, dans lesquels on employeroit la terre d’Ecajeul, sauf la recompense de l’ainé pour la moitié de la valeur de la terre d’Ecajeul sur les sieurs de la Bessiere et Avenete, lesquels y furent condamnez : Le sieur de la Bessiere appela de cette Sentence, soûtenant qu’il ne se faisoit point de confusion que dans les successions de pere et de mere. On traita donc cette question, sçavoir si la succestion du pere et de l’ayeul maternel étant échûë avant que lainé ou ses tuteurs eussent fait aucune déclaration d’option de preciput, étoient pas confuses et reputées pour une feule et même succession, en laquelle il n’y avoit qu’un preciput ce sieur de la Bessière s’aidoit de l’Arrest de la Menardière rapporté par Berault sur cet Article Ce puisné soûtenoit que leur question n’étoit pas pareille, parce qu’en l’Arrest de la Menardiere les deux successions venoient d’un même côté, du pere et de l’ayeul paternel, mais ils n’étoient pas en ces termes, parce qu’il y avoit nne succession venante du pere, et une autre qui proceloit de l’ayeul maternel : Par la disposition du Droit les creanciers pouvoient demander la separation de l’heredité de leur obligé, avant qu’elle fût confuse avec les biens de l’heritier, mais s’ils n’avoient fait la declaration avant la confusion ils n’y étoient plus recevables, confusis enim bonis et mitis separatio impetrari non potest.

Suivant cet Article si les successions paternelles et maternelles sont échûës avant que l’ainè ait fait declaration de preciput, elles sont confuses : Or la succession du pere est paternelle et la succession de la mère maternelle, et par consequent il s’en fait necessairement une confusion, car on ne peut contester que la succession de l’ayeul maternel ne soit une succession maternelle, la Coûtume s’en étant expliquée nettement dans les Articles 245. et 246. comme elle dit que les héritages du côté paternel retournent aux parens paternels, et ceux du maternel aux maternels, ce qui se doit entendre, dit l’Article suivant, non seulement des biens qui décendent des veres et meres, mais aussi des autres parens paternels et maternels ; il est vray que cet Article ne parle que des successions paternelles et maternelles, mais on répond que appellatione patris et matris genus quoque intelligitur. La Coûtume par l’Article 337. dit que l’ainé peut choisir par preciput tel fief que bon luy semble en chacune des successions tant paternelles que maternelles, et néanmoins on ne laisse pas d’étendre ces paroles aux successions de l’ayeul paternel et de l’ayeul maternel. Or on doit faire bien plûtost cette extension en cet Article, parce que la disposition en est plus favorable en ce que par la confusion on rétranche la multitude de preciouts, c’est expliquer trop subtilement cet Article, que de soûtenir que la confusion ne se peut faire si les successions ne viennent de lignes égales, et qu’elles concurrent en parité de degrez, comme de pere et mere. Cette cause fut appointée au Conseil, mais depuis elle a été nettement décidée par l’Arrest de Mongommeri que j’ay rapporté sur l’Article 337. Il fut jugé qu’il ne se fait point de confusion des pere et de l’ayeul paternel, et de la mère et de l’ayeule maternelle, et que la confusion dont il est fait mention par cet Article, ne se fait que dans la oncurrence des deux successions de pere et de mere, et par l’Arrest de Mongommeri le fils de l’ainé, quoy que son pere fût mort avant sa mere, fut reçû à prendre preciput en la succession de son pere, et un autre preciput en la succession de lon ayeule paternelle : Godefroy n’approuvant pas l’Arrest de la Menardière, se persuadoit qu’il avoit été donné sur des circonstances particulières, mais la question generale a été nettement décidée par l’Arrest de Mongommeri-La Coûtume donne deux moyens à l’ainé pour empescher la confusion, le premier est en optant n preciput ; mais pour donner effet à cette option, il faut qu’elle soit faite judiciairement, la Coûtume le prescrivant de la sorte, il ne suffiroit pas que l’ainé eût déclaré cette option àf ses freres par un simple Exploit : En second lieu, l’ainé peut prevenir la confusion de successions en gageant partage à ses freres, et en ce cas partageant également la succession la premiere échuë, il peut prendre un fief par preciput en celle qui arrive en suite, mais la Coûtume ne repétant point que le partage doit être fait judiciairement, l’on pourroit douter si cette formalité seroit necessaire ; mais il est apparent que cette declaration d’option et de partage doi-vent être faits en jugement.


CCCXLVII.

Les successions paternelles et maternelles étant confuses, l’aîné n’a qu’un preciput.

Les successions paternelles et maternelles étant échûës auparavant que l’ainé fait judiciairement declaré qu’il opte par preciput un fief, ou gagé partage à ses freres en celle qui premierement étoit échûe, elles sont confuses et reputées pour une seule succession, tellement que l’aîné n’a qu’un preciput en toutes les deux.

La véritable intention de la Coûtume en cet Article est d’empescher le nombre de preciputs, et pour cette raison on n’admet point la confusion que quand il se rencontre des fiefs dans les successions paternelles et maternelles, et non pas lorsqu’il n’y a qu’un fief dans une succession et des roiures dans l’autre. Cela a été solennellement décidé sur ce fait. Le Sens, Ecuyer, sieur de Coqueville, laissa plusieurs enfans et un fief en sa succession, sa femme l’avoit predecedé, dont la succession consistoit en treize cens livres en rotures ; le fils ainé êtoit mineur au temps du decez de sa mère, aprés sa majorité il déeclara à ses freres qu’il optoit le fief par preciput en la succession paternelle, et qu’il partageroit avec eux la succession maternelle, ce qui luy fut contredit par les puisnez, pretendans que les successions paternelle et maternelle ayant été confuses, il ne pouvoit partager les biens maternels aprés avoir pris un preciput, que cet Article n’avoit pas lieu seulement pour les fiefs, mais aussi pour les rotures, ce qui paroissoit par ces paroles ( ou gagé partage ) qui ne pouvoient s’entendre que du pargage des rotures ; que par la confusion les deux successions n’en deviennent qu’une, et que suivant l’Article 337. ayant pris preciput, il étoit obligé d’abandonner le reste ; que l’ainé par son silence étoit reputé y avoir renoncé et s’être contenté à un preciput ; que c’étoit le véritable esprit de la Coûtume, car sa disposition generale étant que l’ainé a droit de preciput en la succession paternelle et maternelle, par quel motif l’auroit-t’elle privé de cet avantage, si elle n’avoit eu dessein de l’obliger à cette condition de passer promptement sa declaration, et de laisser à ses frères la libre et entière disposition de leur pottion : Ils rapportoient en leur faveur l’opinion de Roullier, deDaviron , deGodefroy , et de Berault Au contraire l’ainé representoit que la Coûtume introduisant cette confusion, n’a eu d’autre intention que d’empescher la multitude de preciputs, ne voulant pas que l’ainé en pût avoir deux, l’un en la succession paternelle et l’autre en la maternelle, lorsqu’elles arrivoient avant que sainé eût déclaré judiciairement qu’il optoit un preciput en l’une ou en l’autre ; qu’il étoit inoui usqu’à present qu’il se fit une confusion lorsqu’il n’y avoit que des rotures en l’une des successions, et qu’on n’avoit jamais soûtenu que l’ainé prenant preciput en la succession du pere, fût, privé de partager avec ses freres les rotures de la succession maternelle : Il ajoûtoit qu’il étoit mineur au temps du decez de sa mere, et qu’étant tombé en la tutelle de son pere, il auroit, dû passer pour luy la déclaration d’option, et que ne l’ayant pas fait, ses freres devenus ses heritiers, seroient obligez eux-mêmes de luy gatantir ce preciput : Le Juge de Coûtance avoit prononcé que l’ainé auroit preciput en la succession paternelle, et qu’il partageroit la maternelle avec ses deux autres freres, dont les puisnez ayant appelé, par Arrest en la Grand-Chambre du 20 de May 1672. la Sentence fut confirmée, et l’Arrest fut donné sur la question generale. de droit, plaidans Maurry et de l’Epiney pour les puisnez, et Greard pour l’ainé. Il y avoit cela de articulier en la cause, que l’ainé étoit mineur, et qu’il n’avoit point d’autre tuteur que son pere.

La même chose avoit été jugée, au Rapporrde Mr du Fay, le 16 de Janvier 1649. et par l’Arrest un ainé fut reçû à prendre le preciput roturier, quoy que les deux successions fussent confuses, d’Arrest rapporté par Befault n’ayant point été suivi.

On a douté pareillement si cet Article devoit s’étendre au preciput en Caux, et si l’ainé en Caux n’ayant point fait sa declaration avant lécheance des successions desdits pere et mere, il y avoit confusions Cette question fut jugée en la Chambie des Enquétes, au Rapport de Mr Clement, le 1s de Juillet 1659. entre Guillaume le Nionnier, appelant du Bailly de Monville, et Guillaume le Monnier son neveu, fils de Raoul son fière ainé, lesdits Raoul et Suillaume le Monnier, sreres et heritiers de Michel le Monnier et de Matie Guibert leur mere, r il fut dit que le Manoir et pourpris en Caux appartient à l’ainé, bien qu’il suit mort sans en faire option, et que les successions de pere et de mere fussent échûës avant qu’il eût passé se déclaration de prendre preciput, la confusion n’empeschant point que Guillaume le Monnier, sà la representation de Raoul son pere qui étoit l’ainé, ne conservât le preciput dans l’une et l’autre succession des fiefs : d’ailleurs le preciput en Caux est acquis à l’ainé ipfo jure.

Il sembloit que la Coûtume de Caux n’étant qu’une exteptien de la Coûtume generale, les cas dont elle ne fait pas mention devoient être reglez suivant la Coûtume gencrale : or la Coûtume de Caux n’en parlant point, on pouvoit soûtenit suivant cet Article qu’il n’appartenoit qu’un preciput à l’ainé, le contraire est véritable : dans la Coûtume generale il peut rendre preciput ou partage, mais pour avoir ce preciput il est tenu de le déclarer ; mais en Caux le preciput luy est acquis sans declaration.

veite question s’offrit encore en l’Audience le 3 de Mars 1671. entre François le Danois et Philippes Dumont Procureur en la Cour, et le Vilain, et on cassa la Sentence des Requêtes qui avoit jugé la confusion, et les deux preciputs furent ajugez à l’ainé.


CCCXLVIII.

Quand elles ne sont confuses, l’ainè a preciput en chacune.

Mais si l’ainé a fait judiciairement déclaration du fief qu’il prend par preciput, ou gagé partage à ses puisnez avant lécheance de la seconde succession, il aura preciput en chacune des deux, encore que le partage n’ait été actuellement fait et par le moyen de ladite déclaration judiciaire les deux successions sont tenuës pour distinctes et separées pour le regard des freres puisnez.

Cet Article est inutile ; car étant dit par le precedent que les successions sont confuses, quand elles sont échûës avant que l’ainé ait fait option d’un fief ou gagé partoge à ses puisnez, il s’ensuivoit evidemment que quand il avoit fait ces deux choses il n’y avoit point de confusion.

IIn’est pas necessaire pour prevenir cette confusion que le partage soit fait et choisi comme bi il le faut à l’égard du fisc et du creancier subrogé, c’est assez que l’ainé ait declaré judiciairement son intention.


CCCXLIX.

Interest de la negligence du tuteur au choix du preciput.

Si l’ainé est mineur, son tuteur doit faire ledit choix, et à faute de le faire dans le temps dû, doit répondre de tous dommages et interests à son pupile

La Coûtume ne déclare pas expressément que le mineur n’est pas recevable à faire ce choix, lorsque son tuteur ne l’a point fait dans le temps dû ; mais il est assez clair que c’est son intenl tion, puisqu’elle ajoûte que le tuteur faute d’avoir fait le choix dans le temps di, doit répondre à des dommages et interests de son pupile.

Si le mineur n’est point restitué contre le defaut de declaration, l’absent ne pourra s’excuser fut son éloignement, quelque necessaire qu’il puisse être. L’absent est beaucoup moins excusable que le mineur qui est dans l’impuissance d’agir pour la censervation de ses interests ; mais un absent peut prévoir les choses et y donner les ordres necessaires.


CCCL.

L’ainé est saisi de la totale succession.

L’ainé fils par la mort de ses pere et mere est saisi de leur totale succession, et doivent les puisnez luy en demander partage.


CCCLI.

Meubles et lettres concernans la succession demeurent par devers lainé.

Il doit aussi avoir la saifine des lettres, meubles et écritures, avant qu’en faire partage aux autres puisnez, à la charge d’en faire bon et loyal inventaire, incontinent aprés le decez, appelez ses freres, et s’ils sont mineurs ou absents, deux des prochains parens, ou deux des voisins, un Sergent, un Tabellion, ou autre personne publique, qui seront tenus signer ledit inventaire.


CCCLII.

Le puisné prend de l’aîné les lettres de la succession pour faire partages.

Les lettres, tîtres et enseignemens de la succession doivent être mis par l’aîné entre les mains du dernier des freres, pour en faire lots et partages.

Par la Coûtume de Bretagne entre Nobles l’ainé doit avoir la saisine de la succession de quelque chose que ce soit. Les avantages de cette saisine sont grands, outre les commoditez dont il est parlé en la l. commoda D. de re. vindic. L’ainé peut exercer tous les droits et les actions hereditaires, il peut défendre seul, et il joüit des biens jusqu’à ce que les coheritiers luy demandent partage ; il est aussi saisi de tous les titres de la succession.Argent . Ad Art. 51a. gl. 1. n. 5. Mais, comme dit ce même Auteur, sous pretexte de ce droit les ainez font souvent des refuites à dessein dé tromper leurs puisnez, à laquelle injustice les Juges doivent pourvoir promptement et avoir égard à la necessité des puisnez, pratextu hujus juris magna interdum et quesita effugia fiunt à primogenitis fraude secundogenitorum, cui malignitati iri obviam lebet à judicantibus et celeriter consuli inopibus, gl. 2. n. 3.

Quand la Coûtume donne cette, saisine à l’ainé elle entend parler d’un ainé capable, et dont la condaite est prudente, et non pas d’un prodigue ou d’un débauché, entre les mains duquel il seroit perilleux de déposer les titres et les secrets d’une famille. Le tuteur des enfans puisnez du sieur de Martot êtoit jppelant d’une Sentence, qui contenoit que le frere ainé de ces mineurs seroit saisi des titres de la succession. Laloüel, son Avocat, remontroit que cet ainé étoit separé de biens, decreté et emprisonné pour ses dettes, et qu’il n’y avoit pas d’apparence de confier un depost si important à un misérable, et qu’il seroit beaucoup plus sûre-nent entre les mains d’un tuteur, de la gestion duquel les parens étoient garans. De Cahagnes. pour les Religieux Benedictins prenoit les mêmes conclusions du tuteur. Theroulde soûtenoit le droit par l’autorité de cet Article : Par Arrest du 2 d’Aoust 1650. la Sentence fut cassée, et ordonné qu’il seroit fait assemblée des creanciers pour convenir d’un depositaire solvable, qui seroit saisi des lettres de la succession.

Par autre Aprest en la Grand. Chambre du 19 de Janvier 1652. plaidans de la Lande et yout, entre le sieur Comte de Mongommeri et Philippes Auguste de Mongommeri son frere, qui se plaignoit des violences de son ainé et du peu de sûreté qu’il y avoit pour luy l’aller en sa maison, il fut jugé que le sieur Comte de Mongommeri mettroit au Greffe du Pontlevéque les lettres de la succession pour être procedé au partage. Autre Arrest entre le sieur de Vaulaville et ses freres, du 24 de Février 1652. plaidans le Tellier et Caruë.


CCCLIII.

Puisné faisant les lots à quoy doit avoir égard. Le puisné faisant les lots, doit avoir égard à la commodité de chacun desdits lots, sans démembrer ne diviser les pieces d’héritage s’il n’est necessaire, et qu’autrement les partages ne puissent être également faits, sans separer aussi les rentes seigneuriales et foncieres, et autres charges réelles d’avec le fonds qui y est sujet, et faire en sorte que le fonds de chacun lot porte sa charge.

Tout ce qui est prescrit par cet Article à été ordonné fort justement, pour prevenir la malice d’un cohentier.

Plusieurs ont crû jusqu’à present que les lors faits avec un tuteur pour ses mineurs n’étoient que provisoires ; mais quand ils ont été faits par l’avis des parens ils sont definitifs, et sont aussi pons qu’entre majeurs, et pour les faire casser la lesion doit être aussi grande qu’entre majeurs ; ainsi jugé en la Grand-Chambre le 14 de May 1657. en la cause du sieur de Laval contre le Painteur, sieur de Marchesis.

C’est une dispute assez ordinaire pour sçavoir quelle sorte de lesion peut donner ouverture à la récision des partages, illud adverte, ditdu Moulin , 5. 33. gl. 1. n. 42. et de usur. que st. 14. à l’égard des partages il n’est pas requis que la lesion soit ultradimidiaire, il suffit d’une inégalite qui ne soit pas trop mediocre, circa rescisionem divisionum quod non requiritur lesio Acurse ubtra dimidiam, sed sufficit non minus modica inaequalitas. Acurse, avec plusieurs de nos anciens Glossateurs, a estimé le contraire, et que pour les partages comme pour les ventes, la lesion ultramidiaire étoit requise, parce que la division tient lieu d’achapt, quoniam divisio vicem emptionis obtinet, l. 1. C. communia utriusque judic. Le sentiment le plus ordinaire des Praticiens.

François, est qu’il suffit que la lesion soit du quart, Imbert en son Enchirid. et on apporte pour autorité l’Authent. contra cum rogatus C. ad Senatusconsult. Trebellian. tirée de la Nov. 108. c. 1. et la çaison de la loy Majoribus, c. communia utriusque judic. parce que dans les jugemens de bonne foy, on doit reformer ce qui n’aura pas été fait avec une juste égalité, quia in bonae fidei judiciu quod inaequaliter factum esse constiterit, in melius reformabiiur. Si ce raisonnement est bon le vendeur est restituable, bien qu’il ne souffre point une lesion ultramidiaire ; car les jugemens de ponne foy n’appartiennent pas moins à l’achapr et à la vente, qu’aux autres contrats faits de bonne foy, nam bona sidei judicia non minus pertinent ad emptionem & venditionem quam ad cateros bona fidei contractus : D’autres font distinction entre les partages des freres et ceux des autres coheritiers : entre les freres l’égalité doit être gardée plus exactement, l. inter filios 11. C. famil. ercisc. mais pour les autres coheritiers cette exactitude n’est pas si necessaire.

Il ne seroit pas juste d’exiger une lesion aussi grande pour les partages des successions comme pour les ventes, la difference en est notable, il n’est pas permis de se tromper reciptoquement dans les partages comme dans les contrats de vente et d’achapr, il est permis natu-sellement aux contractans en achetant et vendant de se trompet au prix, mais il n’est pas permis dans les partages qu’aucun fasse sa portion plus grande que de raison au dommage. d’autruy ; car l’intention de ceux qui partagent est que chacun ait ce qui luy appartient : Non sieut naturaliter licer contrahentibus in emendo & vendendo se in pretio decipere ita & in dividendo permissum est, ut suam quisque ex divisionibus portionem alieno incommodo faciat ampliorem quàm ex ratione esse debeat. Id enim agunt qui dividunt, ut unusquisque id duntaxat ferat quod suum est, ex alieno autem. Anton. Fabri de error. pragmat. Tom. 1. Decad. 5. err. 1. n. 23. Mais bien que cet Auteur accuse d’erreur ceux qui estiment que la lesion du quart ou du tiers ne soit pas suffisante, puisqu’il n’y a point de loy qui lordonne de la sorte, la loy Majoribus ne parlant que des pargages qui n’ont point encore êté executez, et non de ceux qui l’ont é é pleinement, ex quibu transtita est possessio & cum possessione proprieias, c’est assez pour déttuire son opinion de luy opposer son propre raisonnement, sçavoir que les coheritiers n’ont pas dessein de se surprendre comme les vendeurs et les acheteurs, et que chacun ne se propose que d’avoir ce qui luy ppartient, de sorte qu’il est juste de reparer la surpiise, quand elle est considérable et qu’elle va squ’au quart, et encore au dessous, et selon nôtre usage la deception doit être du quart au quint, On demande aussi si à l’exemple de l’acquereur qui a la faculté de suppléer, le coheritier reut offrir le supplément à celuy qui se plaint de la moindre valeur de son partage : Fabri errore 3. soûtient que le droit de supplément appartient au coheritier comme à l’acquereur Tous les Praticiens combatent son opinion par cette raison, que dans la vente il y a d’un tôté la chose et de l’autre le prix, non ficut in venditione ex una parte merx, ex altera pretium versature u contraire chaque coheritier veut avoir sa part en essence, et ainsi il ne peut être forcé à la secevoir en argent,

Ce qui fait souvent de la difficulté pour ces récisions de partage, est quand le demandeur a pliené une partie de son lot, car les choses n’étant plus entieres, et le demandeur en Lettres de récision ne pouvant les rétablir, il y a une fin de non recevoir qui procede de son fait, qui vaudroit même contre un mineur, l. quod si minor. 8. c4. 8. Scavola D. de minor. et la regle ordinaire en matière de restitutions est que toutes choses soient remises au premier état, S. restitutio ead. l. et l. un. C. de restitut. que fiunt in judic. Fabri condamne aussi comme une rreur le sentiment de ceux qui veulent que si la chose alienée tombe en un autre partage, le demandeur en récision puisse bailler en supplément les biens de la succession, et il allégue pour son avis que le demandeur seroit de meilleure conditiorque le défendeur, et celuy qui a aliené que celuy qui a retenu sa portion entière, melioris esset conditionis actor quam reus, et is qui alienavit, uâm is qui portionem suam integram retinuit, errore 4. Il faut apporter quelque temperament, et dire que si celuy qui demande la récision des partages avoit aliené la plus grande et meilleure partie de son lot il le faudroit debouter par fin de non tecevoir, que si l’alienation n’étoit pas considérable, il seroit recû à suppléer en baillant d’autres biens de son partage.

On n’admet pas seulement la récision pour la deception en la valeur des choses divisées, mais austi pour l’erreur en droit sur la qualité de celuy que l’on a reçû à partager. Une succession aux meubles et acquests étant échûé en Normandie à un homme du Mayne, il la par-tagea avec les heritiers au propre, comme si c’eût été une feule et même succession ; cet homme aprés avoir reconnu son erreur ceda ses droits à un Receveur des Tailles, qui obtint les Lettres de récision ; on les contesta par cette raison qu’il ne s’agissoit que de meubles, n quorum vilis et abjecta possessio, et pour lesquels on n’accorde point de Lettres de récision, que c’étoit un majeur qui avoit reçû à partage ceux que la nature y appelle, et qui n’en sont exclus que par la Coûtume. On répondoit que bien qu’il ne fût question que de meubles, neanmoins il s’agissoit d’une succession de meubles et d’acquests qui est un droit universel les partages avoient été faits par un homme qui n’étoit point de la Province, et qui en ignoroit les usages ; or il pouvoit être restitué contre cette erreur, vû que les droits municipaux tiennent lieu de fait pour les personnes étrangeres, un majeur même pouvoit être restitué contre un partage quand il avoit été deçû : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Buquet, du 20 de Juillet 1618. les Lettres furent enterinées : On jugeroit la même chose pour un homme de la Province qui auroit ignoré le droit qu’il auroit en la succession


CCCLIV.

Chaque frere peut blamer les partages.

Aprés les lots faits et presentez par le puisné, chacun des freres en son rang est reçû à les blamer avant qu’être contraint de choisir.

l’ay rapporté sur l’Article 337. l’Arrest de Turqueville, par lequel on jugea qu’un ainé aprés avoir fait l’option d’un lot fut jugé non recevable à se retracter, quoy qu’il l’eûr fait inconrment aprés : Mais on a taité la question, si aprés que le puisné a fait les lots, qu’il les a presentez à l’ainé qui a fait aussi-tost son option, ce puisné peut être reçû à les reformer : Mre Boutin, fieur de Victot, laissa deux filles ses heritières, l’ainée avoit épousé en premieres nopces le sieur de la Luzerne, et en secondes nopces le sieur. de Villerville : Coüillibeuf, et Madeleine Boutin la seconde avoit épousé Jacques de Sainte Marie, Seigneur d’Aigneaux, par les partages qui furent faits, le sieur d’Aigneaux mit le fief de Victot en un lot, et les rotures en l’autre qui étoit d’une valeur beaucoup plus grande, ce qu’il faisoit dans cette vûë, que la Dame de Villerville ayant des fils de son premier mariage, le sieur de Villerville son second mary ne choisiroit point le noble, parce qu’il appartiendroit aux enfans de sa femme, et que par cette voye il luy haisseroit la roture : Le sieur de Villerville remarquant cette ruse, vendit ses droits au sieur de Loncauney, qui declara prendre la roture ; le sieur d’Aigneaux étant deçû de son espérance, déclara devant le Juge du Pontlevéque qu’il vouloit augmenter le premier lorSur l’opposition du sieur de Villerville l’affaire ayant été portée à la Cour, les sieurs de Loncauney et de Villerville soûtenoient que les choses n’étoient plus entieres, et que l’option ayant été faite, il n’étoit plus en la liberté du sieur d’Aigneaux d’y rien changer, que d’ailleurs paroissant que le sieur d’Aigneaux avoit eu le dessein de tromper son coheritier, il n’étoit pas recevable aux Lettres de récision qu’il avoit obtenuës, car la Justice doit secourir les trompez et non les trompeuus, nam deceptis non decipientibus jura subveniant. Caruë pour le sieur d’Aigneaux disoit qu’il n’avoit point besoin de Lettres de récision, que c’étoit un usage certain dans la Province qu’il confirmoit par le sentiment de Godefroy et de Berault sur cet Article, qu’un coheritier aprés que ses autres coheritiers ont approuvé les lots qu’il leur a presentez, peut les tugmenter ou diminuer, et puisque l’on peut être restitué pour une lesion du quart, pourquoy un puisné ne pourra-t’il pas reformer les lots s’il est tombé dans quelque erreur : C’est la disposition de la loy Majoribus, C. communia utriusque judic. et la loy si divisionem, C. famil. ercisc. que option que le sieur de Loncauney disoit avoir faite n’étoit pas considérable, parce qu’il l’avoit faite avant que de l’avoir communiquée, et lorsqu’il en asoit donné connoissance le sieur d’Aigneaux avoit déja declaré qu’il vouloit augmenter le premier lot, la lesion êtoit si énorme qu’il offroit en luy quittant la terre de Victot la charger de quarante mille livres de retour envers le lot des rotures : La Cour faisant droit au principal, ordonna que le sieur de Villerville chargeroit son lot qui consistoit en la terre de Victot de quarante mille livres envers l’autre lot, si mieux il n’aimoit quitter son lot au sieur d’Aigneaux conformément à ses offres, laquelle option il seroit tenu de faire dans la quinzaine, ou à son refus qu’il seroit procedé à nouveaux partages, par Arrest en la Grand. Chambre du s de May 1651. plaidans Lyout pour le sieur de Loncauney, et Castel pour le sieur de Victot-


CCCLV.

L’ainé est saisi des partages des puisnez absents.

Les lots et partages des puisnez qui ne sont presents lors desdits partages, demeurent en la garde, et saisine de l’aîné jusques à ce que les puisnez le requierent.


CCCLVI.

Preciput de l’aîné en roture.

S’il n’y a qu’un Manoir en roturier aux champs, anciennement appelé hebergement et chef d’heritage, en toute la succession, l’aîné peut avant que faire lots et partages déclarer en justice qu’il le retient avec la court, clos et jardin, en baillant recompense à ses puisnez des heritages de la même succession, en quoy faisant le surplus sera partagé entr’eux également : et où ils ne pourroient s’accorder, l’estimation dudit Manoir, court et jardin sera faite sur la valeur du revenu de la terre et loüage des maisons.

Le mot d’Hebergement, dont cet Article fait mention, vient d’Heribergium, qui signifie lemeure preparée ou logis, d’où vient Heberger : Heribergium quod paratam mansionem & hospitium significat ; inde heribergare in Capitulis Bononiensibus Carolimagni. c. 6. hospitio excipere, heberger. serm. ad Capit. Carol. Calv. p. 338.

Nous trouvons cet Article dans nôtre ancienne Coûtume établie en Anglois ; si pater fuerit onomannus, et fuerit socagium, c’est à dire si le pere étoit roturier, et que l’heritage fût une roture, il sera partagé également entre les freres, à la reserve du principal ménage, capitali nenagio, qui demeurera à l’ainé en baillant compte des autres biens de la succession ; Glanville 1. 7. c. 3. Il paroit par ce passage que le mot de Ménage est encore plus ancien que celuy d’Hebergement : ce mot de ( Ménage ) se lit aussi dans les Loix d’Ecosse ; la même chose s’observe en Angleterre.

Voicy une espèce de preciput fort imparfaite, puisque l’ainé en doit recompense à ses freress de seul profit qu’il apporte à l’ainé consiste en ce que la recompense qu’il doit à ses freres n’est estimée que sur le prix du revenu et non sur la valeur intrinseque : Par la Coûtume de Paris et par plusieurs autres, le preciput ne contribué point aux dettes, et il n’en est point dû de recompense.

Ce preciput roturier ne peut être demandé que dans la succession directe et non dans la colgaterale, mais il appartient à l’ainé tant en la succession paternelle qu’en la maternelle : Pour obtenir le preciput, l’ainé est obligé de le demander avant les partages faits. Ces trois questions arrivent ordinairement en l’explication de cet Article. La première sur la consistence et l’etenduë de ce preciput roturier ; et la seconde lorsque pour exclure l’ainé de ce preciput, l’on pretend qu’il y a d’autres Manoirs et maisons dans la fuccession ; et la troisiéme touchant la recompense qui est dûé aux puisnez : Presque tous les Commentateurs des Coûtumes ont traité de ce preciput, ce qu’il doit contenit, et jusqu’où il se peut étendre,Tiraquel . jure Primogenit. Quast. 73.Molin . 5. 13. gl. 4.Chop . de Privil. rust. rust. l. 2. c. 4. Ad fin.

QuestBrodeau Argentraeus , Art. 543.Coquil . Quest. 256. Biodeau, sur la Coûtume de Paris, Article 13.

On trouve dans les Loix d’Ecosse une disposition tout à fait parcille, enore roturiers les biens se partagent également, salvo tamen capitali messuagio : C’est nôtre mot François ( Ménage ) pro orimogenito suo, pro dignitate primogeniturae, ita quod in aliis rebus satisfaciat, aliis fratribus, ad Valentiam. Skenaeus ad Reg. Majest. leg. Scot. l. 2. c. 27.

La premiere question touchant l’etenduë et la consistence de ce preciput, est plus de fait que de droit, la destination et l’usage du pere de famille en fait le plus souvent la décision, consuetudo patrisfamil. conjecturam facit summam, l. si servus s. ult. de leg. 1. l. nummis de leg. 3. et consuetudo, familia et tenor qui perseveravit semper in eadem domo, et est singularis locus de observandâ consuetudine domus in 1. Dominus 5. testamento D. de peal. leg.Cujac . Consult. 35.

La Coûtume de Paris, Article ; 3. marque assez que la destination du pere de famille est considérable : Au fils ainé appartient pur preciput le château ou Manoir principal, la basse-court attenant et contigue au Manoir, et destinée à iceluy, encore que la fisse du Château ou quelque chemin fût entre deuxi destinatione patrisfamil. fundi constituuntur, dilatantur et limitaniur, et utra res cedat alteri & ejus sit accessio ex visu atque usu rei et consuetudine patrisfamil. etiam si aliter non exprosserit, estimandum est : Text. in l. si quando D. av. et ad leg.Molin . de feud. 8. 1. gl. 5. n. 15.

Argentré Mr d’Argenré dit que la destination du pere de famille regle ce qui doit faite une dépendince et un accompagnement de ce Manoir destiné pour le preciput de l’ainé, cum interve-niente facto voluntatis demonstrativo unum aliquod separatum corpus alteri adjungitur, sive diuturnâ possessione ; sive sensu animi expressé probato : Cette destination et cette volonté du pere de famille. doit être connuë par quelque fait, per quem appareat fundum adjectum uniri veteri jure perpetua pertinentiae, aliter presumitur gratiâ commodioris culturae fitri, non vero uniendi causa, l. Cajus, S. 1. de leg. 2. On presume au contraire que le pere de famille n’a point eu la volonté de les unir à son Manoir principal, lorsqu’il les a tenus et fait valoir separément, separata possessio, dixversa opera, sepes interjecta, et cArgent . Art. 26 c. c. 10. n. 25. Tout cela se décide plûtost par les circontances que par les autoritez ; voyez la l. Seia, 2c. S. Torann. De fund. inst. leg.

Sur la feconde question il arrive une double difficulté : Où l’on prétend que le Manoir que Pl’ainé veut choisir n’est point de la qualité requise pour former un preciput, où les puisnez soûtiennent qu’il y a d’autres Manoirs et maisons en la succession, et qu’ainsi il n’y a point d’ouverture à ce preciput roturier, qui n’est donné par-là qu’en cas qu’il n’y ait qu’un Manoir.

Il est assez vray-semblable que, comme ditBérault , l’intention de la Coûtume a été de ne donner ce preciput à l’ainé que quand il se trouve en la succession quelque maison commode pour y habiter. Du Moulin a été de ce sentiment sur l’Article 11. de la Coûtume de Paris, in princ. n. 1. intelligitur de mansione destinatâ ad habitationem patrisfamil. non enim tuguriun astorum, vel casula villici pro mansione habetur. Cela s’entend d’une demeure separée pour l’habitation du pere de famille, car on ne repute pas la cabane des pasteurs, ou la chaumière d’un fermier, pour un Manoir. Chopin desaprouve son opinion, deMor . Paris. l. 1. t. 2. n. 14. et tient que l’édifice bari sur l’arpent de terre que la Coûtume donne à l’ainé de quelque qualité qu’il soit, doit passer pour Manoir, quand il ne s’en rencontre point d’autre dans la succesdion ; et Brodeau suit cette opinion, comme plus conforme à l’esprit de sa Coûtume, Art. 15 maisTronçon , sur ce même Article, estime que le sentiment de du Moulin doit être préféré.

Parmy nous comme l’ainé doit une recompense à ses puisnez, il luy importe fort peu de pren dre ce preciput lorsque la valeur intrinseque n’est pas considérable, parce qu’il n’en tire aucun benefice, et les puisnez par la même raison ont fort peu d’interest de le contredire, et neanmoins pour peu que la maison soit habitable l’ainé la peut retenir pour son preciput.

Par la même raison, lorsque l’on veut empescher ce preciput à l’ainé, il sussit qu’il y ait une maison où l’on puisse habiter, outre celle que l’ainé veut avoir pour le priver du benefice de cet Article, suivant qu’il a été jugé par plusieurs Arrests ; le premier du 23 de Juin 1614. entre le Capelain et le tuteur de ses frères ; l’ainé demandoit le Manoir où le pere faisoit ordinairement sa demeure, ce qui étoit contredit par ses fteres, parce qu’il y avoit une autre getite masure, et quoy que l’ainé alléguast qu’elle n’étoit pas commode pour habiter, il fut exclus du preciput : La même chose fut jugée, au Rapport de Mr du Moucel, sur un partage. de la Chambre des Enquêtes, Mr de la Champagne Compartireur, le 12 de Decembre 1637. entre les sieurs du Pont ; l’ainé soûtenoit que la maison que l’on vouloit faire passer pour un autre Manoir, n’étoit point une maison convenable pour demeurer ; qu’elle ne servoit qu’à faire valoir les terres ; les puisnez répondoient que cela suffisoit puisqu’ils pourroient s’en servir s’ils étoient obligez de cultiver les terres de leur partage, ce qui fut jugé à leur benefice Autre Arrest du 3 d’Aoust 1856. pour la succession de feu Mr le Noble Avocat en la Cour.

Quelques-uns expliquoient ces paroles, s’il n’y a qu’un Manoir, comme s’il avoit été dit, encore qu’il n’y ait qu’un Manoir : mais cette explication ne fut pas reçûéUn pere avoit commencé à batir un pressoir, le batiment êtoit commencé à couvrir, un des arbres du pressoir placé, et le reste du bois tout prest d’être mis en oeuvre lorsqu’il mourut.

L’ainé demanda suivant cet Article le Manoir, et y comprit le pressoit ; les puisnez le voulurent distraire, parce qu’il n’étoit point placé ; l’ainé leur répondoit que la destination du pere de famille faisoit que la chose étoit reputée être ce à quoy elle étoit destinée, qu’une partie de ce pressoir étant immeuble et faisant partie de la masure, l’autre partie ne pouvoit être reputée meuble, et d’ailleurs les puisnez étoient desinterefsez par la recompense qu’il leur pailloit, mais cette recompense ne fe jugeant pas sur la vraye valeur, mais sur le revenu, ils en souffroient de la perte : Mr du Viquet Avocat General, conclud qu’il n’y avoit pas d’apparence de separer ce pressoit, et d’en laisser une portion à l’ainé, et de partager l’autre, le out ayant été amassé avec beaucoup de dépense et de soin, mais qu’on pouvoit y apporter ce temperament en faisant payer la valeur à l’ainé : Par Arrest du 17 de Janvier 1630. en l’Audience de la Grand-Chambre, le pressoir fut ajugé à l’ainé en baillant recompense sur le prix du revenu : la destination du pere de famille eut autant de force que si la chose avoit été pleinement consommée et executée. On a traité cette question, si l’ainé peut prendre par preci-put un Manoir étant en bourgage, et neanmoins hors la Ville et Fauxbourgs ; Le frère ainé soûtenoit que la Coûtume luy donnoit ce privilege quand le Manoir du pere est aux Champs, ue l’héritage situé hors les Villes, Bourgs et Fauxbourgs est aux Champs, bien qu’il soit en lieu de bourgage, que ces termes ( étant aux champs ) excluent seulement ce qui est dans la’ille et Fauxbourgs : L’Usage Local de Bayeux explique clairement cette difficulté, donnant à l’ainé par preciput le lieu qu’elle appelle Chevels, soit en Ville ou aux Champs, opposant ce mot (’aux champs ) à ce qui est en la Ville, d’où il s’ensuit que ce qui est hors la Ville et Fauxbourgs, que urbis appellatione continentur, est reputé être aux Champs, l. urbis, de verbor, signi-ficat. Au contraire les puisnez disoient que le Manoir et maisons situées en bourgage ne peuvent être reputées être aux Champs, ils sont reglez par d’autres usages que les biens des Champs, la Coûtume ne distingue point les héritages situez dans les Villes d’avec ceux qui sont dans le bourgage d’icelles, ils ont les mêmes regles et les mêmes privileges, par consequent il n’ya point de preciput pour ce qui est dans les Villes, il n’y en a point pour ce qui est dans le bourgage ancien des mêmes Villes ; par l’Article 270. les freres et soeurs partagent également les héritages qui sont en bourgage, quand les soeurs sont reçûës à partage, ce qui semble décider la questien, car le partage égal exclud le preciput, si l’ainé pouvoit prendre preciput en bourgage, les fieres et leurs ne partageroient pas également, et par l’Article 261. les seurs ne peuvent rien demander aux Manoirs et masures logez aux champs, s’il n’y a plus de ménages que de freres ; pourront neanmoins prendre part és maisons assises és Villes et Bourgages : Doù l’on infere que les maisons assises aux bourgages ne peuvent être choisies par preciput par l’ainé, et qu’elles doivent être partagées non seulement avec les puisnez, mais avec les soeurs.

Quand les soeurs sont reçûës à partage aux terres qui font aux champs, elles n’ont toutes ensemble que le tiers, et lainé peut encore lever un preciput roturier, et neanmoins si les éritages sont en bourgage les soeurs ont part égale avec les freres, ce qui fait voir que la regle de partager est differente pour les biens de bourgage, et qu’il n’y a point d’avantage pour les freres au prejudice des soeurs.

L’ancienne Coûtume de Normandie, au Trre de Tenure par Bourgage, du texte de laquelle ont tirez tous les Articles qui sont redigez en divers Titres de la nouvelle, dit que des tenûres par bourgage, l’on doit sçavoir qu’elles peuvent être venduës et achetées comme meubles, sans l’assentement des Seigneurs, les ventes qui s’en font doivent être rappelées dans le jour naturel de l’audition de la venduë.

Ces termes font connoître la diversité des Loix et des Usages des biens qui sont en bourgage, d’avec ceux qui sont aux champs, et qu’ils sont reglez par de mêmes maximes que les biens des villes, et partant qu’il n’y a point de preciput pour lainé, autrement un frere qui n’auroit que les soeurs, s’il prenoit preciput, les seurs ne partageroient pas également avec luy Le terme de Bourg ou Burg est venu des Allemans, et en leur langue ce mot signifie Ville La Bourgogne porte ce nom, parce que les Romains y ayant fait retraite y hyvernerent, faisant plusieurs bourgs et enclos où ils logeoient leurs troupes, avant cela les habitans s’appeloient Eduë ; penna in l. enim qui lib. 11. cod. Lucas de Penna fundis rei poivatae.

Ceux qui sont en Bourgage sont ceux qui joüissent des mêmes privileges que ceux de la Ville, qui ont mêmes Loix et mêmes Coûtumes, comme à Rome il y avoit les incorporez à la Ville qui joüissoient des mêmes privileges, Tit. cod. de privileg. corporat. rebus Romae.

En la loy eum qui cod. de fundi rei privata, lib. 11. il est fait mention de Burgis, que celuy qui aura servi au College ou à la Cour, ou aux bourgs et autres corps par trente ans sans interruption, demeure en la Cour ou au corps où il aura servi, eum qui Collegio vel curiae, vel Burgis aeterisque corporibus per 30. annos, sine interpellatione servierit, in curiâ vel in corpore in quo servierit remaneat.Bartol . in l. si heres. S. vices. ff. de legat. 1. Burgum vocat universitatem hominum approbatam Bartole Sartole appelle bourg une université d’hommes approuvée

Le droit civil distingue entre la populace de la Ville et celle de la campagne, on ne faisoit pas venir celle de la Ville dans les dénombremens pour la capitation, inter plebem urbanam & rusticam, plebs urbana in censibus pro capitatione non conveniebatur, l. unicâ, de capitatione civium cens. exim.

Constantin Laquelle loy est de l’Empereur Constantin.

Par le droit civil, edificia Romae fieri ea videbantur, qué in continentibus Roma aedificiis fiunt, I. Adificia de verbor. significat. Dont s’ensuit que tout ce qui est dans le bourgage de la Ville doit être reglé par les mêmes maximes, et que l’ainé n’ayant point de preciput aux Manoirs et maisons des Villes, il n’en a point aussi aux Manoirs et maisons qui sont dans le bourgage.

Aussi l’Article 369. regle le partage des seurs pour les terres des champs ausquelles elles ont le tiers, et ne peuvent obliger les freres pour leur bailler leur tiers de partager les fiefs, ni leur bailler les principales pieces, mais se doivent contenter des rotures.

L’Article suivant, qui est une exception du precedent, dit pour distinguer les terres étant en bourgage, que les freres et seurs partagent egalement, en quoy il n’y a point d’avantage pour l’ainé ; ce qui a été jugé par Arrest du 30 de Janvier 1613. en la Chambre des Enquêtes entre les surnommez Blanchet : Par la Coûtume de Caux la succession en propre des collateraux appartient entièrement à l’aine, et neanmoins il fut jugé que les héritages d’un parent collateral, situez dans le bourgage du Havre de Grace, seroient partagez également entre le frère ainé et ses representans et ses puisnez, et par ce moyen il est décidé que l’ainé n’a point d’avantage en ce qui est en bourgage.

L’Ecriture Sainte distingue fort bien les biens de Campagne et des Villes d’avec ceux de Bourgage, Campestria & Urbana cum suburbanis, cap. 35. Num. et c. 18. Num. Les Levites par la Loy de Dieu ne pouvoient posseder de champs, mais seulement la dixme, néanmoins elle commande de leur donner des maisons dans les Villes pour habiter, en quoy sont compris les Faux-bourgs, et suburbana, jusqu’à une certaine distance, ce qui est une espèce de banlieue limitée, qui est reglée par mêmes loix et de même qualité que la Ville sans distinction de bourgages et du temps de Josué la Tribu de Levi avoit quarante-huit Villes avec leurs Fauxbourgs, chacune étant distribuée par familles, Josuc. c. 21. cum suburbanis suis singula per familias distributae.

La Coûtume qui donne ce preciput à l’ainé veut non seulement qu’il soit aux champs, mais qu’il soit roturier ; or les héritages qui sont en Bourgage sont en Franc-Aleu, et sont d’autre qualité, car en Normandie il y a tenûre par hommage, comme les terres tenuës en feodalité, à cause desquelles il est dû foy et hommage ; les héritages tenus en bourgage different de ceux tenus roturierement,

Il est vray qu’on distingue deux sortes de Franc-Aleu, l’un noble et l’autre roturier, le noble est celuy auquel la Jurisdiction est attachée, ou duquel dépendent les fiefs ou les censives, Allodium quoddam nobile, quoddam paganicum : Allodium nobile est illud cui cchaeret Jurisdictio, vel à quo dependent feuda, vel censualia predia, desquelles espèces d’Aleu du Moulin traite fut la Coûtume de Paris, S. 46. qui apporte cette distinction, que le Franc-Aleu auquel il y a Justice censive ou fief mouvant, se partage comme fief noble, sinon il se partage roturierement.

En Normandie le Franc : Aleu de la ville de Vernon, et des Paroisses comprises dans les bourgages d’icelle, où celuy qui a la plus ancienne rente sur le fonds fitffé a droit de treizième, semble tenir la qualité de noble. Allodium definitur proprietas seu patrimonium liberum, quod àl. nemine recognoscitur, pro quo nulla debetur gratia.

Les Manoirs ou masures qui sont en bourgage n’ayant donc point ces deux qualitez de roture et des champs, ne peuvent être pris par pteciput suivant l’Article 356 La cause fut plaidée le 20 de Juin 1622. entre Claude de Mausçavoir fils puisné, et Jean Mausçavoir fils ainé : Les Sentences du Bailly et du Vicomte qui avoient jugé ce preciput fus ent cassées, et en reformant ordonné que les freres partageroient également et sans preciput, ainsi il faut tenir qu’aux terres situées en bourgage il n’y a point de preciput.

Pour la troisième question touchant la recompense que l’ainé doit à ses puisnez, il y eut autrefois une grande contestation comment elle devoit se faire ; Par exemple, le Manoir ne aut en revenu que trente livres, on demandoit si c’étoit assez que l’ainé baillât à tous les freres trente livres de rente seulement, ou si chaque puisné devoit avoir trente livres de rente Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 14 de Février 1626. on jugea que chaque puisné devoit avoir autant comme le Manoir valoit de revenu : mais aprés cet Arrest la question fut encore disputée en la Grand. Chambre, et partagée ; mais enfin l’usage a prévalu que chaque puisné prend autant que le Manoir vaut de revenu, et l’ainé n’a de l’avantage qu’en la valeur intrinseque.

Le preciput toturier, non plus que le preciput noble, ne se peut céder ni transporter avant les fartage. faits, suivant l’Arrest rapporté sur l’Article 337. mais on a revoqué en doute si l’ainé en ayant disposé sans en avoir fait d’option, l’acquereur ou le cessionnaire de ses droits peut prendre le lieu-Chevel, ou le preciput : Jean Hué laissa trois fils, l’ainé d’iceux ceda à son second frere tout et tel droit de partage qui luy pouvoit appartenir, ensemble son preciput et le lieu-Chevel que l’acquereur declara bien connoître, sur quoy cette question fut mûë, si l’ainé avoit pû disposer dudit lieu-Chevel, n’ayant point déclaré qu’il l’optoit ; On soûtenoit que ce contrat par lequel il cedoit son preciput et le lieu-Chevel étoit une option suffisantr, et neanmoins par Arrest du mois de Juin 1625. il fut dit que le lieu-Chevel seroit partagé également sans préjudice du mariage avenant, ou partagé en essence des soeurs.


CCCLVII.

Action des soeurs pour leur mariage contre leurs freres

Les soeurs ne peuvent demander partage és successions du pere ou de la mere, ains seulement demander mariage ; et pourront les frères les marier de meuble sans terre, ou de terre sans meuble, pourvû que ce soit sans les déparager.

Cet Article permet aux frères de marier leurs seurs de meubles. Les Romains assignoient des pains civils ou des revenus annuels à la fille, dont elle étoit nourrie, Romani panes civil, seu annuos reditus filiae assignabant, quibus nupta alebatur, l. ult. C. de jure Dot.

S. Augustin . Augustin parlant de la loy Voconia, qui défendoit d’instituer des filles heritieres, en donne cette raison, que les anciens Romains ne vouloient pas que les femmes devinssent riches, car ils scavoient qu’il n’y a rien de plus insupportable qu’une femme riche, nolebant antiqui Romani livites fieri feminas, sciebant nihil intolérabilius esse divite feminâ : Cette loy fut observée jusqu’au Justinien temps de l’Empereur Justinien, qui pour complaire à IImperatrice publia la loy Maximum Moise vitium, c. de ret. lib. Par la Loy de Moise le droit de posseder des héritages n’appartenoit qu’aux males. S. Jerôme êtoit sans doute en colère contre les fenimes lorsqu’il écrivit ces paroles sur ce mot Congregavi, du Chap. 2. de l’Ecclesiaste. On remarque, dit-il, qu’aucun des Saints n’a engendré de filles, sinon rarement, et que le seul Selophead, qui est mort dans son peché, n’a pas eu d’autres enfans que des filles : Jacob entre les douze Parriarches n’engendra qu’une fille, et pour eile il courut risque de sa vie, nullus Sanctorum nisi perraro filias genuisse narratur, solus st Selonhead qui in peccatis mortuus est, omnes filias genuit : Jacob inter duodecim Patriarchas unius iliae pater est, et ob ipsam periclitatur.

Il est bien vray que suivant cet Article les seurs ne peuvent demander partage, mais il est veritable aussi que suivant la jurisprudence des Arrests et l’Article 47. du Reglement de lannée 1é66. ils ne peuvent obliger leurs soeuts à entrer en partage, comme je lay remarqué sur l’Article 249.

C’est encore une regle que le frere peut donner à sa soeur des héritages de la succession pour e payement de son mariage avenant, Article 47. du Reglement ; mais on a voulu faire distinction.

entre ce qui est destiné pour la dot, et ce que la feut a baillé pour don mobil à son mary.

Le mariage de Madeleine de Goüel avoit été liquidé à quatre mille cinq cens livres : En se matiant à du Boussel, Ecuyer, sieur de Preaux, elle luy donna le tiers de cette somme, il poursuivit de Goüel, sieur de Grés, son neveu, pour luy payer le mariage de sa femme : le sieur de Giés offrit de luy bailler des héritages de la succession, et sur teut une prairie que lon appeloit la commune des prez : Du Boussel declara que pour les mille écus qui étoient pour la dot, il ronsentoit de prendre des héritages, mais pour les quinze cens livres qui luy avoient été donnez pour son don mobil il n’étoit pas obligé de prendre du fonds, et qu’il faloir les luy payer en irgent ; ce qu’il fit juger de la foite, dont le sieur de Grés ayant appelé, du Boussel se rendit appelant d’une Sentence qui le condamnoit à prendre certain héritage qu’il ne vouloit pas accepter.

Maurry pour le sieur de Grés s’aidoit du Reglement de l’an 1666. Art. 47. prétendant qu’il de voit être executé tant pour la dot que pour le don mobil, la Cour n’y ayant point fait de distinction, et la feur par la division qu’elle avoit faite en se matiant de son mariage avenant, n’a-voit pû faire prejudice à la faculté qui luy étoit donnée par cet Article, que lun et lautre cemposoient le mariage avenant, et puisque la Cour avoit permis de donner du fonds pour le paye ment du mariage avenant, il le pouvoit pour le tout, soit qu’il eût été divisé en dot ou en don mebil.

De IEpiney prétendoit que cet Article 47. du Reglement ne pouvoit s’étendre au don mebil, dequel étant destiné pour faire les frais du mariage devoit être poyé en argent : Par Arrest en la Grand : Chambre du 8 de Mars 1675. les Sentences furent cassées, et ordoinné que du Boussel prendroit du fonds pour la somme de quatre mille cinq cens livres, suivant l’estimation qui en seroit faite par les parens : de l’Epiney demanda qu’il plût à la Cour regler de quel temps on feroit l’estimation, il prétendoit que ce devoit êtie du jour de son action ; cela paroissoit raisonnable, et il est bien vray que pour estimer le mariage avenant on considère la aleur des biens au temps de la mort du pere ; mais quand le mariage a été estimé, et que depuis le frere ne voulant plus payer l’interest, offre à sa seur de luy donner du fends, il semble qu’on doit faire l’estimation du temps de son offre, néanmoins on jugea que l’estimation seroit faite suivant la valeur des biens au temps de l’est-matien du mariage avenant Pour l’explication de cet Article 47. du Reglement de l’an 1666. il faut remarquer qu’encore que le mariage avenant soit liquidé, toutefois jusqu’à ce que les filles soient mariées le frere ne peut les forcer à prendre des héritages ; il ne le peut aussi lorsqu’il a traité avec elles, et qu’i l’est obligé à paver une summe ou une rente pour leur legitime, comme il fut tenu pour constant au procez de Mr Jean Cardel contre sa soeur, il fut debouté de sen action pour-obliger sa soeur à prendre des terres au lieu de la somme qu’il luy avoit promise ; mais quand les filles ont fait arbitrer leur mariage, et qu’en suite elles se marient, comme alors elles en acquierent la proprieté, le frere peut s’acquiter en baillant du fonds de la suocession suivant le Reglement Cette même question s’offiit entre Hermier pour qui je plaidois, et Caron ; la seur dudit Caron, femme de Hermier, voulant faire arbitrer son mariage avenant, on êtoit convenu de parens pour cet effet, et comme ils étoient prests de proceder à l’aibitration, le frète et la seeur s’accorderent sans faite aucune estimation ; le frere promit à sa seur la somme de deux mille trois cens livres, qu’il s’obligeoit de luy payer quand elle se marieroit : Hermier qui lavoit épousée ayant demandé cette somme à Caron son beau-fiere, il offrit de la luy payer en héritages de la succession, ce qui fut refusé par Hermier, qui consentit que le mariage avenant fût arbitré, et que pour le payement il prendroit du fonds de la succession : Par Sentence il fut dit que Caron payeroit les deux mille trois cens livres, si mieux n’aimoit accepter l’offre de Hermier : Par Arrest du 24 de May 1675. on cassa la Sentence, et en reformant Caron fut condamné de payer les deux mille trois cens livres, en baillant caution de remplacer la dotII faut donc entendre de cette maniere cet Article 47. du Reglement de l’an 1666. que quand le frere pour s’acquiter du mariage avenant de sa seur s’eblige de luy payer une somme, ou qu’il constituë une rente sans avoir fait aucune arbitration, il ne peut plus se décharger de àa promesse, parce qu’il a volontairement contracté une obligation personnelle ; mais lorsque le mariage avenant a été arbitré par les parens, le frère ne doit rien personnellement, et il sieut s’en acquiter en baillant des biens hereditaires.

l en est de même quand la seour a été mariée par le pere, le frere n’est pas recevable à bailler du bien de la succession, comme il a été jugé par Arrest du premier de Février 1675. contre Me le Chevalier, Vicomte de Montivilliers, qui faisoit offre à sa seur qui avoit été mariée par leur pere de luy donner du fonds, et cette offie étoit d’autant plus favorable qu’elle avoit saisi réellement ses héritages pour le payement de sa dot, néanmoins on n’y eut point d’égard, plaidans de Hotot et Maunourry.


CCCLVIII.

Fille reservée à partage que peut demander.

La fille reservée à partage, ne peut prendre part qu’en la succession de celuy qui la reservée.

Cet Article paroit entièrement contraire à l’Article 258. car si la fille ne peut avoir partage. qu’en la succession de celuy qui l’a reservée, il s’enfuit que la reservation faite par le pere à la succession de la mere, lorsqu’elle n’y a point consenti, est inutile et de nul effet, et neanmoins le pere a ce pouvoir en vertu de l’Article 258. et par la jurisprudence des Arrests, il peut même la reserver à la succession de la mére décedée.

Il faut concilier ces deux Articles par ces deux moyens, en expliquant celui-cy en cette manière, que la fille peut avoir part non seulement en la succession du pere qui l’a réservée, mais encore en celle de la mère, parce que le pere a eu le pouvoir de faire cette reservation, ce qui a le même effet que si la mere même avoit fait la reservation, ou bien l’on peut donner ce sens à cét Article, que la reservation à la succession n’opere et ne sert que pour la suc-ression de celuy qui l’a fait, et que la reservation à une succession ne s’étend point à l’autre de sorte qu’une fille pour être réservée à la succession du pere ne peut pas pretendre qu’elle soit aussi reservée à la succession de la mère, s’il n’y en a une disposition expresse.


CCCLIX.

Fille revenant à partage que doit rapporter.

Fille mariée revenant à partage des successions de ses pere ou mere, doit rapporter ce qu’elle à eu de meuble et héritage de celuy qui l’a reservée.

Cette question si les soeurs mariées par le pere, et revenans à succeder à leur frere avec leurs autres soeurs qui n’ont point été matiées, étoient tenuës de rapporter, ou moins prendre, a fait beaucoup de bruit, elle a été long-temps problematique au Palais ; les Arrests qui l’ont décidée y ont fait cette distinction, que quand aprés la mort du pere et du frete il restoit des rurs à marier, les soeurs mariées venans à la succession du frere étoient obligées de rapporter, ou bien les soeurs non mariées pouvoient lever une pareille somme, parce que leur mariage lieur êtoit dû sur la succession du pere, c’est proprement la succession du pere qui est à partageri mais quand elles ont toutes été mariées par le pere et le frere, et qu’il n’est plus rien dû de seurs mariages, il n’y a plus lieu au rapport, parce que c’est la succession du frere qu’il faut partager. Cela avoit été jugé par les Arrests rapportez parBérault , et depuis il le fut encore entre les sieurs de la Motte-Heuté et la Dame de S. Georges-Buron. Le sieur Morand pere voit marié ses deux filles aux sieur de S. Georges-Buron Conseiller en la Cour, et à M’Heuté Conseiller en la Cour des Aydes : La Dame de S. Georges avoit eu dix mille livres plus que sa soeur, mais leurs mariages avoient été payez entièrement. Le sieur Morand leur frere étant mort sans enfans, les sieurs Heuté pretendoient faire rapporter à la Dame de S. Georges leur tante les dix mille livres qu’elle avoit eus plus que leur mère ; elle s’en défendoit par la distin. tion que j’ay remarquée, et ayant gagné sa cause aux Requêtes du Palais, sur l’appel des sieurs Heuté, par Arrest au Rapport de Mr du Houley du 25 de Juin 1663. la Sentence fut confirmée, et afin que l’on ne doutât plus de la question on en fit un Reglement par l’Article 68. du Reglement de l’an 1666. On ne laissa point neanmoins de renouveler la question, et quoy que par un Arrest donné en la Grand-Chambre le 8 de Février 1667. on eût condamné une fille à rapporter non seulement ce qui étoit constitué pour sa dot, mais aussi ce qui avoit été ayé pour le don mobil du mary, quoy que cette sout n’eûr pû être recompensée de sa dot sar les biens de son mary, on s’opiniâtra à porter encore une fois la question en l’Audience Jacques et Jacques le Seigneur, Ecuyers, sieurs de Botot et du Ménil-Lieutray, ayant été condamnez à rapporter, comme representans leurs meres à la succession du sieur de Tibermont, frère de leurs meres, sur la demande d’Isaac du Mont, Ecuyer, sieur du Bostaquet, avant épousé Anne le Cauchois, et Demoiselle Susanne le Cauchois autres seurs du sieur de Tibermont, ils s’en porterent pour appelans, et par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 4 de uillet 1670. la Sentence fut confiirmée, plaidans le Peuit pour les appelans, et moy pour les ntimez ; maintenant on ne doute plus de cette maxime.

On pretendoit étendre cette regle au-de-là des soeurs. Nicolas Olivier eut pour enfans Nicolas, Marguerite, Auastase, et Marie Olivier ; il maria Marguerite et Anastase, Nicolas qui luy succeda eût deux enfans, Nicolas et Jean Olivier qui moururent sans enfans, ainsi leurs tantes leur succederent : mais Marie Olivier qui n’avoit rien eu de la succession de on pete, soûtint que ses soeurs étoient sujettes à rapporter ce qui leur avoit été donné par sieur pere en les mariant, et à partager le reste de la succession suivant l’Arrest de Bignopuis rapporté par Berault sur cet Article, quoy qu’il y eût un degré davantage, la succession de son pere étant toûjours demeurée chargée de sa legitime. Les soeurs s’en défendoient, ayant été mariées par leur pere, dont elles n’étoient point devenuës heritieres, qu’il s’agissoit d’une nccession collaterale, et qu’on n’étoit tenu de rapporter qu’à la succession de celuy qui avoit donné ; que ce qu’on avoit jugé pour la succession du frere êtoit fondé sur cette égalité que l’on vouloit conserver entre les soeurs, mais que cela ne pouvoit s’étendre aux neveux qui étoient les petits-fils du pere, et qu’il fe pouvoit faire qu’il n’y avoit plus en leur succession aucuns biens de l’ayeul : Par Arrest, au Rappoit de M de Fermanel, du prenier d’Aoust 1636.

Marguerite et Anastase Olivier furent dispensées de rappoiter, et on ajugea mariage avenant à Marie Olivier sur la succession de Nicolas et Jean Olivier, pour être le surplus partagé également entre les soeurs. Les parties étoient Anne le Boulanger et Jean Caillot.


CCCLX.

Fiefs de Haubert comment se partagent entre filles.

Les seurs quand elles sont heritieres peuvent partager tous fiefs de Haubert jusques à huit parties, si autrement les partages ne peuvent être faits.

Nos Reformateurs ayant employé la même disposition par le second Article de ce Titre, il a lieu de s’étonner qu’ils l’ayent repetée dans cet Article, quoy que cet Article ne permette la division des fiefs que quand les partages ne peuvent être faits autrement, l’ainée ne peut pas forcer ses soeurs à recevoir leur part en argent pour éviter la division du fief.


CCCLXI.

Fille reservée à partage sur quels biens prend part.

La fille reservée à partage aura sa part sur la roture, et autres biens s’il y en a, sinon sur le fief, lequel pour le regard de ladite fille est évalué en deniers pour ce qui luy peut appartenir, pour en avoir rente au denier vingt.

J’ay taché d’expliquer sur l’Article 262. comment le mariage avenant des filles doit être liquidé, tant sur le fief que sur les rotures, et les autres immeubles ; mais les filles pouvant être reservées à partage, et cette reservation rendant leur condition plus avantageuse, il est necessaire d’expliquer ce qui leur appartient lorsqu’elles sont reservées.

Pour cet effet il faut examiner la qualité des biens de la succession, elle peut consister en fiefs et en rotures, ou en un fief seulement ; lorsqu’il y a des rotures et un fief qui est choisi par preciput par l’ainé, cet Article n’explique pas assez ouvertement si la fille aura part seulement ur la roture, ou si son partage sera pris tant sur le fief que sur la roture : car encore qu’il soit dlit que la fille reservée à partage aura sa part sur la roture, et autres biens s’il y en a, sinon sur le fief, on peut entendre ces paroles de cette manière, que la part de la fille sera estimée tant uur le fief que sur la roture et qu’en soite elle sera payée premierement sur la roture et sur les autres biens, et s’ils ne suffisent pas sur le fief, l’intention de la Coûtume n’ayant pas été de reduire la fille reservée à prendre part seulement sur la roture.

Mais on peut dire que cette explication n’est pas naturolle, car la reservation à partage ne peut donner à la fille d’autre avantage que de la rétablir dans le droit commun, en la rendant capable de succeder aux mêmes conditions que les freres ; or puisque les freres, quand l’ainé a pris le fief par preciput, sont contraints de se contenter des rotures ou de demander la provision à vie sur le fief, la pretention de la fille reservée ne doit pas s’étendre plus loin, et son artage ne peut être pris sur la roture et sur le fiefchoisi par l’ainé, ce qui paroit par ces paroles, la fille reservée à partave aura sa part sur la roture s’il y en a, sinon sur le fief : D’où l’on induit. avec raison que la fisse reservée ne peut rien demander sur le fich, que quand il n’y a point de rotures ou d’autres biens en la succession.

Cela néanmoins fit naître un procez dont voici le fait. René Groignant, sieur de la Rosiere, en mariant sa fille à Nicolas du Buat, sieur de Migergon, luy donna neuf mille livres par avancement de succession, et la reserva à tous et tels droits de partage aux successions qui luy pourroient cy aprés arriver, tant directes que collaterales, en quelques lieux et sous quelques Coûtumes qu’elles fussent assises, et qu’autrement le mariage n’eût été fait : ce sieur de la Rosière laissa deux fils et cette fille mariée ; son bien consistoit en un fief de valeur de cinq ou lix cens écus de rente, et en trois ou quatre cens livres de terres rotures ; le frere prit le fief par preciput, et refusa de bailler aucun pariage à la fille, le puisné eut les potures pour son partage.

Sur la contestation entre le frère ainé et la soeur la cause fut évoquée en la Cour, il fut dit par l’ainé que la Coû-ume luy donne le fief par preciput, qu’il n’est point obligé de donner partage à sa seeut sur sen preciput qui est indivisible, et puisque les puisnez n’y pourroient rien prétendre, la soeur n’est pas de meilleure condition qu’eux, par cet Article la fille reservée à partage aura sa part sur les rotures et autres biens s’il y en a, sinon sur le fief : Si donc il y a des rojures la soeur s’en doit contenter, et elle ne peut étendre sa prétention sur le fief que quand il n’y a point de rotures ; et par l’Article 269. les filles doicent se contenter des roiures s’il y en a, et des autres biens que leurs freres leur pourront bailler revenans à la valeur de ce qui leur appartient.

La foeur répondoit que ce qui se trouve ambigu dans la Coûtume doit être expliqué par la même Coûtume. Dans la Medecine les remedes ses plus propres et les plus falutaires sont ceux, qui naissent dans la region et sous le climat où les personnes ausquelles on les veut appliquer ont : aussi pris leur naissance. Aussi la lumière et l’éclaircissement que l’on donne à l’ambiguitél d’une loy est plus naturel et plus convenable quand il est pris de la même loy : la part que les seurs doivent avoir en la succession est le tiers, et toute l’obscurité se resout en un mot, que sil y a rotures et biens outre le fief suffisans pour fournir le partage et le tiers à la fille, elle ne prendra rien sfur le tiers ; mais si les rotures ne la remplifsent point de son partage, il doit être fourni sur le noble

Cette proposition est confirmée par l’Article 269. qui oblige la seur de se contenter des rotures si aucunes y a, et autres biens que les freres leur pourront bailler, revenant à la valeur de ce ui leur peut appartenir.

D’où il s’enfuit que si les rotures ne fournissent pas le tiers qui leur est dû, elles ne sont asobligées de s’y. contenter, elles peuvent demander que le surplus leur soit baillé sur le fief.

Par cet Article ( la fille reservée aura part sur la roture et autres biens s’il y en a ) c’est à dire qui soient suffisans de porter son partage, autrement s’il n’y en a point assez le reste de son partage sera fourni sur le fief ; et ces termes indefinis ( pour ce qui peut leur appartenir ; monrent évidemment que le fief doit porter’em deniers le supplément du tiers des soeurs reser-vées à la succession.

Si l’on expliquoit la Coûtume de cette maniere, que quelque peu de rotures qui se trouvassent en la succession, la sout reservéene pourroit neanmoms avoir d’autre part que sur ces rotunes, il s’ensuivroit que s’i n’y a que poun vingt livtes de roture en la succession et un sief de trois mille livres de rente que le frere ainé prendra par preciput, la fille reservée n’auta part que sur ces vingt livres de rente, ce qui rendroit vaine et illusoire la faveur que la Coûtume a voulu faine : a da fille, en permeitant au pere de la reserver à sa succession, ce seroit donner ouverture à tromper un gendre qui se seroit marié dans l’esperance d’un mariage avantageux ; car un pere dont tout le bien consistoit en rentes et rotures au temps du mariage de sa fille, pourroit les vendre et les remplacer en un fief ou en fiefs que ses fils prendroient par preciput, et s’ils étoient exempts de bailler partage en estimation sur les fiefs, la fille reservée seroit déchûë de son espérance. Par l’Article 254. si pere ou mere ont donné à leurs filles en faveur de mariage, ou autrement hénitages excedans le tiers de leur bien, les enfans mâles le peuvent revoquer dans l’an et jour. La fille reservée doit avoir pour partage autant que son pere peut luy dunner : or il peut luy donner jusqu’au tiers de son bien, et S’il a donné moins que le tiers les freres ne pouvent se plaindre, et ils n’ont point le droit de revoqueri Il est donc vray de dire que la fille réservée doit avoir le tiets tant sur le noble que sur la roture pour son partage, ce qui doit être observé quand il n’y a que deux freres et une sour.

On objecte que la soeur seroit de meilleure condition que le frère, et que par l’ancienne Coûtume la seur ne doit avoir greigneure part que son frère ; mais on répond qu’en cette rencontre la condition des soeurs est meilleure que celle des freres, comme il arrive encore quand Il n’y a qu’un fief en la succession, les soeurs ayant en proprieté ce que les freres n’ont que par usufruit : ce qui se pratiquoit aussi dans l’ancienne Coûtume de Caux, où les seurs avoient leur legitime en proprieté sur le tiers, bien que les puisnez n’eussent qu’une provision à vie.

La nature indivisible du fief ne fait point de consequence à l’avantage de l’ainé, c’est une maxime que les choses indivisibles peuvent être employées. en partage. Dans les jugemens pour le partage de la succession et pour en fixer les limites, il est permis au Juge d’ajuger avec toute équité la part de ceux qui sont en litige à l’un d’iceux, et s’il luy semble que la part d’uns d’iceux est trop chargée il doit condamner l’autre : à luy payer une somme en la place, in juliciis familiae erciscundae communi dividundo, finium regundorum permittitur judici rem alicui exliti-gatoribus ex aquo et bono adjudicare, et si unius pars pragravari videbitur, eum invicem certâ pecuniâ alteri condemnare, 8. quedam actiones instit. de action. l. ad officium. C. communi divid.

La cause fut plaidée et appointée, et depuis jugée au Rapport de Mr de civil, le à y d’Avril 1623. et par l’Arrest le sieur de Migergon fut debouté des fins de son mandement, et par ce moyen le frère ainé fut déchargé du partage de la soeur reservée : ainsi suivant cet Arrest de Migergon, il faut tenir pour maxime que bien que la fille soit reservée à partage, quand il y a dans la succession des rotures et un fief, la fille reservée ne peut avoir son partage que sur la roture, et non point sur le fief.

Si les rotures sont de petite valeur, et qu’il n’y ait qu’une fille, elle pourra abandonner les rotures pour demander sa part sur le fief, et en ce cas sa condition sera meilleure que celle les puisnez, parce qu’elle aura le tiers en proprieté que les puisnez n’auront qu’à vie.

Que si la fille reservée a des fretes puisnez qui se contentent des rotures, elle ne pourra pas y renoncer pour venir demander le tiers du fief en proprieté, il faut qu’elle prenne part avec ses freres puisnez et qu’elle suive leur fortune ; encore même qu’elle alléguât que cette acceptation des rotutes êtoit frauduleuse, et faite en faveur de l’ainé pour le décharger de la contribution à la provision des puisnez ; cela fut jugé de la sorte contre la Demoiselle de

Vieuxpont, qui prétendoit que le puisné ne s’étoit contenté de la roture que pour faire : plaifit au sieur d’Ozouville leur frere ainé. Or la fille réfervée a beaucoup moins de pretexte que celle qui n’a que mariage avenant, parce qu’elle a sa part en essence égale à celle des freres, tant pour les meubles que pour les rotures : J’ay tapporté ailleurs l’Arrest du sieur de Vieuxpont.

Voila quel peut être le partage de la fille réservée lorsqu’il n’y a qu’un fief opté par l’ainé, et des rotures et autres biens immeubles ; mais s’il y a un fief ou plusieurs fiefs, et des rotures qui foient mis en partage sans aucune option de fiefs de la part des frères, les sours reser-ées doivent-elles employer les fiefs dans les partages, ou fi les freres peuvent retenir les fiefs et mettre seulement leur estimation en partage ; Cet Article décide ouvertément la question en faveur des freres, car la part de la fille reserode doit être prise sur la roture s’il y en ai de sorte que lorsqu’il y a des fiefs et des rotures, la fille resenée à partage ne doit être payée le sa part que sur la roture, et quand il n’y a qu’un fief la fille ne peut en avoir aucune portion, mais on estime en deniers la part qui luy pent appartenr. Cette difficulté se mût entre Mr Baillard Maître des Comptes, et les Demoiselles ses soeuts ; elles avoient été reservées à partage en la succession paternelle, qui confistoit en fiefs et en rotures dans la Coûtume geneale ; dans les lors qu’elles presenterent à leurs freres elles employerent les. fiefs, mais ces lois furent blamez par leurs freres, qui prétendirent que les fiefs ne pouvoient être mis en partage, et que la part qui leur pouvoit appartenir devoit être estimée pour leur être payée en rotures ou autres biens, ou pour leur en faire la rente au denier vingt ; cela fut jugé de la forte par sentence des Requêtes du Palais, qui fut executée volontairement par les parties.

Il est beaucoup plus mal-aisé de liquider les droits de la fille reservée à partage lorfqu’il y a des freres puisnez, et que toute la succession consiste en un fief qui est opté par l’ainé ; car on ne convrent pas si la fille doit avoir le tiers du fief en proprieté en contribuant seulement pour un tiers à la provifion à vie des puisnez, ou si fon tiers doit être entièrement chargé de cette provision : Me Josias Berault a tenu ce party, et son opinion peut être foûtenuë par beaucoup de raisons.

Il est certain que l’ainé demeure quitte de toutes les pretentions de ses puifnez en leur abanonnant le tiers du fief, les filles reservées ne peuvent pas tenir un autre rang que celuy des puisnez, puisqu’elles joüissent des mêmes droits, et qu’à la reservation des fiefs elles partagent galement même avec leurs ainez les meubles, les rotutes, et tous les auires biens : Il n’est lonc pas raifonnable de faire une troisième espèce d’heritiers au prejudice de l’ainé, en donnant la fceur reservée des droits particuliers, comme elle auroit si l’ainé étoit sujet à la contribution de la provision à vie des puisnez, et la foeur n’a pas fujet de se plaindre puifqu’elle est ecompensée : Dailleurs il est vray que s’il y avoit plusieurs puisnez la refervation à partage ne rendroit pas sa condition meilleure, au contraire elle pourroit être plus desavantageuse, car en prenant le mariage avenant, l’ainé seroit tenu de contribuer pour deux ciers à la provision des puisnez, ce qui augmenteroit sa legitime. Mais on répond que la reservation à partage luy profire d’ailleurs outre la part égale aux meubles, le tiers entier luy dénreure en proprieté, et la provision à vie finissant par la mort des puisnez ce tiers en seroit déchargé ; car l’ainé n’y ayant rien contribué ne pourroit rien pretendre, et cette extinction ne se feroit qu’au profit de la soeur.

Plusieurs estiment neanmoins que l’ainé doit contribuer aux deux tiers de la provision à vie des puisnez, soit que la seur soit reservée à partage ou qu’elle n’ait que mariage avenant, parce qu’autrement la fille reservée ne profiteroit point davantage que si elle ne l’étoit point, par cette raison il ne seroit pas raisonnable de la charger entierement de la provision des puisnez, l’esperance de voir finir cette charge onereuse étant si éloignée, qu’elle ne pourroit entrer en balance avec la trop grande charge qu’elle porteroit presentement, et la part qu’elle prendroit aux meubles ne seroit peut-être pas suffisante pour la desinteresser Par l’Arrest de Hebert et de Danisi, dont j’ay parlé sur l’Article 345. il fut jugé que la fille, quoy qu’elle ne fût pas réservée, auroit le tiers du fief que le frère mom msolvable avoit vendu, et que les acquereurs ne pourroient diminuer sur ce tiers la part d’un puisné qui étoit décedé, parce que l’on soûtenoit qu’étant chargée de la provision à vi des puisnez elle êtoit liberée de cette charge aprés la mort des puisnez, et que cette extinction de la provision ne pouvoit tourner qu’à son profit ; mais cet Arrest ayant ête donné contre des acque-reurs, il ne fait point de décision entre les freres, et neanmoins il paroit que la soeur ne contestoit point qu’en prenant le tiers elle ne fût obligée seule à la provision des puisnez, et cela semble plus conforme à l’espnt de la Coûtume ; car on auta de la peine à persuader qu’elle air eu dessein de favoriser si avantageusement les filles reservées, et de les élever si fort au dessus de leurs freres puisnez

Il y a long-temps que ces difficultez ont été formées, et elles ont été agitées par Terrien Terrien sur le Titre d’Echeance d’Heritage en Caux : L’ancienne Coûtume disoit que les freres parisnez et les seurs ensemble, ne peuvent avoir és lieux où les puisnez ne partagent point avec leur ainé que le tiers de la succession, a sçavoir les puisnez à vie, et les seurs à héritage.

Terrien Terrien estimoit que suivant un Arrest de l’année 1516. qu’il rapporte, il faloit entendre la

Coûtume de cette manière, que les soeurs ne devoient avoir le tiers qu’à fin d’héritage, et les frores puisnez un autre tiers à vie, icelles seurs portant le tiers de la provision à vie : Par exemple, si la succession valoit neuf cens livres de rente, les soeurs en auroient trois cens pour leur part, et les frores puisnez pareille somme à vie, dont les seurs payeroient cent livres, et l’ainé deux cens livres.

Le Sryle de proceder expliquoit autrement la Coûtume, suivant lequel les freres puisnez et les soeurs ensemble ne pouvoient avoir que le tiers de la succession, et Terrien Terrien rapporte un Arrest de l’année 1560. qui semble l’avoir jugé de la sorte ; celuy qui a fait les Additions aux Commentaires de Terrien Terrien n’approuve pas fon opinion, mais l’espèce qu’il propose étoit pour la Coûtume de Caux : Nos Reformateurs qui ne pouvoient ignoter ces difficultez auroient fait prudemment s’ils les avoient décidées, et s’ils avoient établi une loy certaine ; il seroit fort utile de les terminer par quelque Reglement pour empescher la division du fief : lorsque la sour est reçûë à partage il est évalué en deniers pour la part qui luy appartient, mais la Coûtume n’explique point sur quel prix on doit faire cette évaluation, si ce sera au denier vingr-cinq ou au denier vingt ; elle ne déclare point aussi si cette estimation doit être faite sur la valeur annuelle ou sur la valeur intrinseque.

Ces deux difficultez ont été décidées par l’Arrest donné au Rapport de Mi Deshommets, le ar d’Aoust 1664. entre de Limoges, sieur de S. Saens, et de Valles, sieur de Boisnormand, il fut jugé que les terres nobles à l’égard des filles ne seroient estimées que sur le pié du denier vingt, conformément à un Arrest precedent donné entre les sieur Comte de Mongommeri et les Demoiselles ses seurs, la raison est que la portion du fief qui appartiendroit à la soeur ne seroit qu’une roture en sa main, et c’est pourquoy elle ne doit être estimée que sur la valeur ordinaire des rotures qui est le denier vingt.

Il fut oncore ordonné par le même Arrest que l’estimation des fiefs ne seroit faite que sur le pié du revenu, sans estimer les batimens et les bois de haute, fûraye, ce qui est contraire à l’Arrest remarqué parBerault , et par l’Article 52. du Reglement de l’an 1666. la liquidation du nariage avenant sera faite sur le pié du revenu des héritages, sans mettre en consideration les bois de bante. fûtaye et les batimens, sinon entant qu’ils augmenteront le revenu, et ne seront les terres nobles estimées qu’au denier vingr.


CCCLXII.

Fille mariée, encore qu’elle ne revienne à partage, fait part au profit de ses freres.

Filles mariées encore qu’elles ne reviennent à partage, si elles n’y ont êté expressément reservées, si est-ce qu’elles font part, d’autant qu’il leur en appartiendroit au profit des heritiers, telle comme si elles avoient eu partage au lieu de mariage.

La Coûtume ne continuë pas long-temps à favoriser les filles, dans cet Article elle modere et limite le benefice de la reservation à partage, en ordonnant que les filles mariées non reservées à partage font part au profit des freres.

Cet Article est non seulement inutile, parce que l’on ne fait que repeter ce qui est contenu dans l’Article 257. mais il est même si mal conçû, qu’il a rendu douteuse une question qui êtoit nettement décidée par l’Article 257. car au lieu d’avoir employé que les seurs font pari au profit de leurs freres, comme il est dit par l’Article 257. on s’est servi du mot d’heritiers qui peut comprendre les seurs comme les fteres lorsqu’elles sont reservées à partage, et ce terme équivoque leur a fourni un pretexte, comme on l’apprend par l’Arrest de Brice rapporté par Berault sur cet Article, pour soûtenir qu’étant porté par cet Article que les filles mariées non reservées à partage sont part au profit des heritiers, ce benefice leur doit être commun vec leurs freres, puisqu’en vertu de la reservation à partage elles peuvent prendre la qualitéd’heritieres, et qu’en effet elles sont sujettes à toutes les charges où les véritables heritiers sont tenus.

Godefroy Dodefroy même est tombé dans cette erreur et il a crû que pour les biens de bourgage les filles mariées faisoient part au profit des seurs reservées aussi-bien que des fteres, et pa Sentence donnée aux Requêtes du Palais il fut jugé de la sorte, mais par l’Arrest qui fut rendu ur l’appel des freres on cassa la Sentence, et il fut dit que les parts des soeurs mariées non reservées demeureroient au profit des freres, en consequence des Articles 254. 255. 256. et 257. et qu’au partage égal de l’immeuble en bourgage, les seurs mariées et non refervées font aussi part au profit des freres, comme au tiers des filles aux héritages étant hors bourgage. Cet Arres de Brice a décidé plusieurs questions qui s’étoient mûës en explication de cet Article.

Premièrement il a été jugé que les filles mariées non reservées font part au profit des freres aussi-bien pour les meubles que pour les immeubles.

En second lieu, que cette part des filles mariées non reservées appartenoit aux freres seuls, et non point aux seuts

En troisième lieu, que les freres premnt la pareide : leurs seurs êtoient oblmez de rapporter.

Il faut observer que par cet Arrest de Brice les frens. furent obligez de rapporter ce que leits soeurs avoient eu en mariage ; mais on ne doit pas se persuader que les freres qui veulent profiter de la part de leurs soecors mariées soient tonus de rapporter tout ce qui a été donné à leurs oeurs par leurs pere ou mere ; car puisque suivant cet Article les filles marrtes ne font part. au profit des freres que pour autunt qu’il leur en appartiendroit, il ne seroit pas juste de leur faire rapporter ce qu’elles aufoiont eu au-de-là de leur legitime, autrement ce benefice de la loy seron fe plus souvent mutile aux freres, et l’on ne doit pas tirer consequence de l’Arrest de Btice, parce qu’il pouvoit être que les seurs n’avoient point eu plus qu’il ne leur appartenoit, et il ne paroit point qu’on eût formé de contestation sur ce point.

Ausoi c’est une jurisprudence certaine au Palais que les freres ne sont tenus de rapporter qui jusqu’à la concurrence de ce qui appartiendroit à leurs seurs, mais en ce faisant il est important d’expliquer comment on doit regler ce rapport, cela ne se peut connoître qu’aprés avoir liquidé certainement le partage ou le mariage avenant des soeurs non mariées, car quand on auta liquidé le partage ou le mariage avenant des soeurs non mariées, il est certain que le frere sen tenu de rapporter pareille somme pour chaque soeur mariée, pourvû que ce qui a été liquide soit égal à ce qu’il faut rapporter ; car si les seurs mariées avoient eu moins que ce qui est liquidé pour le partage ou pour le mariage avenant, le frère ne seroit tenu de rapporter que ce que les soeurs mariées auroient reçû

Pour concevoir plus aisément la manière de faire ces rapports, je proposeray cet exemple Du Moutier, Bourgeois du Pontdelarche, avoit cinq filles et un fils, il en maria trois ausquels les il donna quinze mille livres, c’étoit cinq mille livres pour chaque fille : aprés son deces Antheaume ayant épousé l’une desdites filles, demanda son mariage avenant à son frère pour en faire la liquidation : Les biens delaissez par le pere furent évaluez à quarante-cinq mille. livres, mais il faloit y ajoûter les sommes que le ftere êtoit tenu de rapporter pour les trois seurs mariées, qui faisoient part à son profit. Cela fit de la peine pour sçavoit ce que le frere devoit rapporter ; car puisqu’il n’est pas raisonnable que le rapport excede la part qui en revient, on ne pouvoit pas l’obliger à remettre en la masse de la succession. les quinze mille livres qui avoient été réçûës par les seurs mariées, parce que les quinze mille livres étant ajoûtées aux quarante-cinq mille livres composeroient un capital de soixante mille livres, dont neanmoins les filles ne pouvans demander que le tiers, ce ne seroit que quatre mille livres pour chacune, et toutefois le frere auroit rapporté cinq mille livres : Pour trouver donc ce que le frere doit rapporter, il faut sçcavoir ce qui appartient aux soeurs non mariées, quand elles n’ont que mariage avenant. Il paroit par lestimation du bien du pere, que chaque fille auroit trois mille ivres, et en faisant rapporter au frere une pareille somme pour chaque soeur mariée, ce seroit neus mille livres pour les trois soeurs mariées, dont il faudroit augmenter la masse de la successiont laquelle jointe aux quarante-cinq mille livres, composeroient cinquante-quatre mille livres, dont le tiers montant à dix-huit mille livres étant donné aux filles, leur produiroit à chacunt rois mille six cens livres, ainsi leur mariage avenant étant de trois mille six cens livres, il ne suffit pas que le frere rapporte trois mille livres, il faut encore ajoûter six. cens livres pour chacune dont il prend la part, ce qui feroit dix-huit cens livres, et par consequent le capital du bien seroit de cinquante-cinq mille huit cens livres ; or prenant le tiers des dix-huit cens livres qui est de six cens livres, et divisant ce tiers en cinq parts, ce seroit pour chaque fille six vingts livres d’augmentation, et par consequent il faudroit encore augmenter la succession de trois cens soixante livres, sur le pié de cent vingt livres pour chacune des trois soeurs mariées, et desquelles trois cens soixante livres on en prendroit encore le tiers pour chaque fille, qui seroit pour chacune desdites cinq filles vingt-quatre livres, laquelle jointe avec trois mille sept cens vingt livres, reviendroit à trois mille fept cens quarante-quatre livres, ce qui feroit augmenter la masse de la succession, et c’est pourquoy le frère seroit encore obligé de rapporter pour thaque soeur vingt-quatre livres, ce qui feroit soixante et douze livres, et prenant encore le tiers des soixante et douze livres qui seroit huit livres, en divisant les huit livres en cinq ce seroit ncore trois livres douze sols d’augmentation pour chaque soeur, de sorte que leur mariage du moins se monteroit à trois mille sept cens quarante-sept livres douze sols, et augmentant encore le capital de la succession de dix livres seize sols, il reviendroit à cinquante-six mille deux cens quarante-deux livres seize sols, sur quoy le frere n’auroit rapporté qu’onze mille deux cens quarante-deux livres, qui feroit pour chaque seur trois mille sept cens quarante-sept livres six sols huit deniers ; d’où il paroit que le droit qui luy est accordé par cet Article de prendre la part des filles mariées, luy est fort avantageux ; car ne restant que deux seurs à marier qui auroient eu le tiers des quarante-cinq mille livres, leur mariage avenant eût été de sepr mille cinq cens livres ; mais les soeurs mariées faisant part au profit des freres en comprenant les sommes rapportées, leur mariage est reduit à trois mille sept cens quarante-sept livres seize sols.

Il reste à diseuter dans la même espèce ce que les freres seroient tenus de rapporter si les filles non mariées étoient reservées à partage, si les biens étoient hors bourgage, les filles reservées, s’il n’y avoit point ou peu de meubles, n’auroient pas une plus grande part que celles qui seroient reduites au matiage avenant, et par cette raison la liquidation des rapports se feroit de la même manière.

Mais si le bien êtoit en bourgage, les quarante-cinq mille livres étant à partager entre le frère et les cinq seurs, comme chaque part excederoit cinq mille livres, le frère seroit tenu de rapporter cinq mille livres pour chaque soeur, en quoy il gagneroit encore beaucoups car en ajoûtant les quinze mille livres payées aux trois soeurs mariées, le capital de la successionseroit de soixante mille livres, et par consequent chaque seur auroit dix mille livres


CCCLXIII.

Fille mariée par pere ou mere, que peut demander en leur succession.

Les filles mariées par le pere ou la mere ne peuvent rien demander en leur succession, et si elles ne font part au profit de l’aîné au prejudice du tiers que les puisnez ont par provifion, ou en proprieté en Caux

La Coûtume a tant de fois imposé silence aux filles mariées, qu’il étoit inutile de repeter en cet Article qu’elles ne peuvent rien demander, ainsi la premiere partie de cet Article est inutile.

La seconde partie contient une exception à l’Article precedent, pour les successions en Caux où les soeurs mariées ne font point part au profit de lainé au prejudice des puisnez.


CCCLXIV.

Contribution des freres à la nourriture, entretenement, et mariage des soeurs.

Les freres contribuent à la nourriture, entretenement, et mariage de leurs soeurs, selon qu’ils prennent plus ou moins en la succession de leur pere et mere, ayeul ou ayeuie, en ligne directe, et pareillement aux autres charges et dettes de la succession.

Cet Article êtoit fort necessaire pour terminer cette grande question, si l’ainé prenant preciput contribuoit au mariage des soeeurs, et aux autres dettes et charges de la fuccession à proportion de la succession ou du profit, pro portionibus hereditariis, aut pro modo emolumenti, n’a pas expliqué ces matieres, et principalement touchant la contribution au mariage des seurs, à cause des preciputs, sur les Articles 279. et 337.

Les freres contribuant aux dettes immobiliaires à proportion de ce qu’ils prennent en la succession, et aux dettes mobiliaires à proportion de ce qu’ils prennent aux meubles, et jusques à concurrence de leur valeur, et où les meubles ne suffiroient pas, ils contribuent au surplus du payement des dettes mobiliaires à proportion de ce que chacun, profite aux immeubles. ûrrest en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mi Bigot, du 12 d’Avril 1628. entre Bertrand et Nicoles de la Bigne : celuy dont la portion est plus grande dans les immeubles que dans les meubles a interest de faire proceder. à l’inventaire et estimation des meubles, afin que les dettes mobiliaires étant connuës elles soient acquitées également par les heritiers aux meubles. Le contraire s’observe à Paris, et les dettes se payent selon la part de la succefsion, pro quotâ hereditariâ. VideMolin . 5. 18. gl. 1. n. 8. Le sd’Aoust 1666. on décida le partage en la Chambre des Enquêtes, sur le procez du sieur de Fry, touchant la contribution aux frais faits par son tuteur pour le procez d’un héritage où il avoit les deux tiers, et il passa à dire qu’il y contribuëroit à proportion du bien et non personnellement, Mr Voisin Rapporteur. Le Verrier, sieur de Toqueville, avoit trois fils et deux filles, il donna à ses filles en les matiant quelques rotures, à condition que ses fils pourroient les retirer toutefois et quantes en leur payant à chacune trois mille livres ; aprés la mort du pere les puisnez se plaignirent de la donation de ces rotures, parce qu’elles leur auroient appartenu, et par cette raison ils concluoient contre leur ainé qui avoit pris preciput, qu’il étoit tenu de contribuer au rachapt qu’ils pretendoient faire de ces rotures, parce qu’autrement il ne contribucroit à aucune chose au mariage de leurs seurs contre la disposition de cet Article, et puisque le mariage des soeurs êtoit une dette de la succession il ne pouvoit s’en exempter, à quoy l’ainé ayant été condamné, il soûtenoit sur son appel que le pere avoit pû donner de l’héritage à ses filles en les mariant, et qu’ayant pris un fief par préciput et laissé à ses puisnez ce qui restoit de rotures, ils étoient obligez de partager la succession en l’état qu’ils la trouvoient, que cette faculté de rachapt étoit une grace pour les puisnez à laquelle il ne desiroit pas de participer, mais qu’ils pouvoient s’en prévaloir s’ils le trouvoient à propos : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 27 de May 1625. la Sentence fut cassée, et l’ainé déchargé de la contribution.

Un pere avoit un fils et une fille de son premier mariage, en mariant fa fille il luy promit la somme de trois mille fivres qui seroit payée, sçavoir mille livres sur son bien, et deux mille livres sur celuy de la mere, ce qui fut executé, ce pere en mariant une autre fille issuc de son second mariage, luy promit deux mille cinq cens livres pour toute et telle part qu’elle pouvoir esperer en sa soccession et en celle de sa mère le cas écheant. Aprés la mott du pere le mary demanda la dot de sa femme aux fils du premier et du second lit ; le fils du premier lit sourenoit que la somme promise devoit être distribuée sur les successions paternelle et maternelle à proportion de leur valeur, consentant de payer sa portion de ce que la succession parernelle devoit contribuer, mais il ne devoit aucune chose de la portion qui seroit duë par la succession maternelle, parce qu’il n’y prenoit rien, ayant payé le matiage de son autre loeur sur la succession de sa-mere, ou en tout cas s’il payoit le tiers du mariage entier de cette seconde loeur, il devoit être subrogé à son droit, pour avoir le tiers du mariage qui luy appartiendroit sur les biens maternels le cas écheant. Les deux enfans du second lit alléguoient pour défenfe que eur mere étoit vivante, et que le mariage demandé étant l’obligation du pere seulement, ils étoient tenus de l’acquiter comme ses heritiers, à quoy l’ainé repliquoit que la promesse du pete étoit faite pour décharger sa succession et celle de la mère, que par consequent elle devoit être acquitée sur l’une et sur l’autre, qu’il ne seroit pas juste qu’il payât le mariage qui étoit dû cette fille du second lit sur le bien de sa succession, que la renonciation qu’elle avoit faite à la uccession de la mere en consequence de cette promesse tournoit au seul profit des enfans du econd lit, et que suivant cet Article les freres contribuent aux mariages de leurs soeurs selon qu’ils prennent plus ou moins aux successions de pere et de mère, et à proportion du profit, et pro mode emolumenti, le pere même auroit pû la reserver à la succession de sa mère : Par Arrest du 14 de Jan-ier 1622. entre les nommez Mausçavoir, il fut jugé que le pere ayant promis mariage à sa fille pour telle part qu’elle pouvoit prétendre en la succession de pere et de mère, encore qu’il eûr promis feul, et que la mere n’eût rien promis, néanmoins que la somme promise pour le mariage seroit payée tant sur la succession du pere que de la mere qui étoit vivante et qui défendoit tant en son nom qu’en qualité de tutrice, et pour cause et sans tirer à consequence, et en effet cet Atrest ne peut servir de loy

Par la disposition du droit la mere n’est point obligée de doter sa fille, le pere même ne peut assigner la dut sur le bien de la mere contie sa volonté, neque mater dotem pro filia dare cogitur, neque pater de bonis uxoris suae invitae, ullam habet dandi facultatem, l. neque mater C. de jur. Dot. et bien que le pere eût promis la dot, tant sur le bien paternel que maternel, qui appartenoit à ses enfans, il est tenu de la payer seul : si un pere a dit dans le contrat de mariage qu’il donne la dot sur les biens paternels et maternels, sçavoir si la donation semble faite à proportion de moitié, ou suivant le bien du pere et de la mere, si le pere est totalement pauvre, il semble que la dot est donnée sur les biens qui doivent appartenir aux fils ou aux filles, mais si le pere a des biens sussisans, en ce cas on doit reputer qu’il a donné comme de son pairimoine ; car il pouvoit selon ses facultez donner la dot à sa fille, et faire consentir les fils s’ils veulent joindre une part de leur bien ou la totalité à la liberalité du pere pour la dot, afin qu’en effet il appaçoisse ce qu’il pretend donner, et ce qui doit être pris sur le bien des fils, l. si pater 7. C. de Dor. promiss. 5. nuda pollicit. si dixerit pater in instrumento dotali ex bonis paternis, & maternis dotem dare, utrum pro dimidia parte videatur datio facta, an pro rata portione utriusque substantiae : Si penitus inopiâ detentus est, ex illis rebus dotem videri datam que ad filios vel filias pertineat, si vero substantiam idoneam possideat pater, in hoc casu quasi de suo patrimonio dedisse intelligitur, poterat onim secundum suas vires dotem pro filia dare, et consentire filiis quando voluerint partem, vel totam suam substantiam paternae liberalitati pro dote aggregare, ut reverâ appareat quid ipfe velit dare, et quid è substantiâ filiorum proficiscatur.

Le frète aussi n’étoit point obligé de doter sa seur sur la succession de sa mere, l. cum plures. 12. ff. de admin. et pericul. tut. Tutor non dabit dotem sorori pupilli sui à suo patre natae ; etiam aliter nubere non possit, nam et si honestè ex liberalitate tamen fit, que arbitrio pupilli servanda est.

Les dernieres paroles de cet Arrest, pour cause et sans tirer à consequence, nous marquent que la Cour se fonda sur des motifs particuliers, et qu’il ne doit point être allégué pour exemple.

En effet la mere n’ayant point parlé au contrat, c’étoit la seule obligation du pere, et la mere n’ayant rien promis elle ne s’étoit point obligée, tale as alienum totum patrimonium afficit, l. si fideicommissum. ff. 5. 1. ff. de judiciis, ce que le pere promet pour le mariage de sa fille procede de sa pure liberalité, s’il avoit acquité sa promesse de son vivant ses enfans ne s’en pour-roient plaindre : Cette stipulation ( pour telle part qu’elle pouvoit demander en la succession maternelle ) pourroit être considérée comme une décharge et une liberation de la mère.

Aussi le frere alné prévoyant bien qu’il ne pouvoit engager ses freres à cette contribution, il demanda qu’en payant il fût subrogé au droit de la soeur pour la portion qui luy appartiendroit sur la succession de sa mère le cas échéant, ce qui recevoit encore de la difficulté, car la seut ne le pouvoir subroger à un droit qu’elle n’avoit point, parce que suivant l’Article 252. la fille mariée par ses pere ou mere ne peut rien demander à ses freres, outre ce qui luy fut promis en la mariant ; il suffit que l’un ou l’autre layent mariée, il n’est pas necessaire qu’ils promettent tous deux : or la mere n’ayant rien promis, il n’y a point d’ouverture à demander une subrogation aux droits de la fille

Il est vray que le pere peut reserver sa fille à la succession de sa mère, mais outre qu’il ne la point fait, il y a de la différence entre l’un et l’autre cas ; car la réservation faite par le pere n’engage point la mere à payer quelque chose de son vivant, mais en promettant une somme tant sur son bien que sur celuy de sa femme, il l’engageroit à payer de son vivant si cette romesse pouvoit valoir sans le consentement de la femme. Pour refoudre cette difficulté il faut dire que cette promesse du pere n’engageroit point la mère de son vivant, mais qu’elle D peut valoir à l’effet qu’aprés le décez de la mere, la fille ou ceux qui seroient subrogez à son droit pûssent reprendre son mariage avenant sur les biens matornels.

Cet Article a réglé que les freres contribuent au mariage des seurs pro modo emolumenti, Il restoit à sçavoir s’ils pouvoient être contraints solidairement, comme pour toutes les autres tharges de la succession : Cette question a été traitée sur l’Article 351. lorsque Godefroy composa son Commentaire elle étoit encore douteuse : il étoit de ce sentiment que les freres étoient tenus solidairement à la dot promise par le p et, mais quand les seurs avoient été mariées par les frères, l’obligation solidaire ne pouvoit être exercée contr’eux qu’en vertu l’une stipulation expresse : mais on n’a point eu d’égard à cette distinction, sur cette raison que le mariage avenant étant une dette de la succession, l’obligation solidaire avoit lieu comme pour toutes les autres charges.


CCCLXV.

La part que la femme prend aux conquests ne la prive de son dot.

Femme prenant part aux conquests faits par son mary constant le mariage, demeure néanmoins entière à demander son dot sur les autres biens de son mary, au cas qu’il y ait consignation actuelle du dot fait sur les biens du mary : et où il n’y aura point de consignation le dot sera pris sur les meubles de la succession, et s’ils ne sont suffisans, sur les conquests.

On peut dire véritablement qu’en cet Article nos Législateurs se sont fort éloignez des principes et des regles qu’ils avoient établies par tout ailleurs : On reconnoit par toutes les dispo-sitions de la Coûtume que son intention a été de moderer le droit des femmes et de ne les enrichir pas de la dépoüille de leurs maris : Cependant on ne pouvoit faire une loy plus contraire à ce principe, ni plus favorable aux femmes. Nous ne souffrons point la communauté, mais cet Article leur donne des avantages qu’elles ne pourroient pas obtenir en vertu de la communauté. Il peut arriver qu’en consequence de cette consignation actuelle, la femme emortera tout le bien de son mary ; car si aprés avoir consigné sur ses biens une somme nota-ple d’argent qu’il aura reçûë, il décede étant encore saisi de ces mêmes deniers ( comme il est arrivé plusieurs fois ) la femme en vertu de cet Article reprendra sa dot sur ses biens, et comme heritière de son mary mort sans enfans, elle emportera la moitié des meubles et la moitié de ce même argent qu’elle avoit apporté à son mary : et bien que cet usage soit ancien en cette Province, comme Bérault nous l’apprend par les Arrests qu’il a remarquez, nos Reformateurs ont dù le retrancher comme ils en ont fait beaucoup d’autres.

Cet Article mérite sans doute une reformation, qui seroit que la dot non remplacée seroit reprise sur les acquests comme une dette immobiliaire, et au defaut d’acquests sur les meubles.

On objectera qu’en ce faisant les femmes seroient presque toûjours excluses de la part des meubles et des acquests ; mais on répond que cela est plus supportable que de luy voir emorter tout le bien de son mary : elle ne souffre point de perte, ses deniers dotaux luy sont onservez, et les meubles et les acquests peuvent exceder la valeur de la dot si la femme en fait bon ménage ; mais en pratiquant le contraire les heritiers aux propres sont entièrement rivez du patrimoine de leur famille. Dans cette conjoncture où l’un veut tout avoir et l’autre. de perdre pas tout, le party de ce dernier est toûjours assurément le plus équitable, et d’aileurs les femmes pourroient aisément prévenir ce préjudice en faisant remplacer leur dot-Dans les Coûtumes où la communauté a lieu, le remploy du bien de la femme se prend sur la masse de la communauté, c’est à dire sur les meubles et sur les acquests de la communauté, au cas qu’ils soient suffisans, suivant l’Article 232. de la Communauté, et où ils ne seroient pas suffisans, sur les propres du mary, ce qui est raisonnable Les femmes qui sont ingenieuses pour ménager leurs avantages stipulent quelquefois que le remploy de leurs propres se prendra non fut la masse de la communauté, mais sur la part appartenanre à son mary en la communauté :Brodeau , sur Mi sur Mr Loüet, l. R. n. 30. a écrit qu’il est au pouvoir de la femme de faire cette stipulation, et qu’elle a été confirmée par Arrest, parce qu’une clause de cette qualité tient le mary en bride, et lempesche d’induire sa femme à consentir à la vente de ses propres, et cela loblige d’en faire le remploy promptement.

Brodeau Mr’Ricurd, sur lArticle 232. ne peut approuver le sentiment de Btodau ; car supposé, dit-il, que les Arrests qu’il rapporte ayent jugé cette question de la sorte, il faut considerer qu’ils ont été donnez en un temps où cette matière n’étoit pas encore défrichée, et les Arrests jugeoient le contraire de ce qu’ils font maintenant, ces alienations n’étant pas en ce temps-là considérées comme des avantages indirects reprouvez entre les conjoints, et il croit que si cette question se presentoit, il en seroit jugé autrément. Entre nos principes nous n’en observons aucun plus religieusement que celuy qui porte qu’il n’y a point d’acquests que les deniers dotaux ne soient acquitez, sur tout les rentes constituées qui font considérées comme des alienations ; car par le moyen de l’hypotheque on parvient facilement à lalienation, nam per hypothecam facile pervenitur ad alienationem : Or les biens du mary étant chargez de la restitution de la dot, et pa ce moyen étant diminuez, le remploy doit être fait régulierement avant que la femme puisse prendre part aux acquests, cette distinction que la Coûtume introduit entre la dot qui a été consignée et la simple promesse de consigner n’a rien de solide ; car quelle véritable difference peut-on trouver entre la dot qui est reçûë par le mary, et qu’il constituë sur tous ses biens, ou qu’il consigne en cas de recepdon, ou bien quand le contrat de mariage ne porte aucune de ces clauses : Pourquoy donner tant de pierogatives à cette consignation imaginaire, et pourquoy distinguer entre la dot consignée et celle qui ne l’est pas, puisque le mary étant payé il ne profite pas davantage de l’une que de l’autre ; Il est certain qu’en toutes manières le mary recevant la dot de sa femme hypotheque ses biens qui n’augmentent point, s’il dissipe les deniers dotaux, et s’il les employe utilement, ils font partie de ses acquests. Cet Article ne peut donc servir qu’à faire fraude à la loy qui défend au mary de faire avantage à sa femmes aussi il arrive souvent que la femme remportant sa dot et la moitié des acquisitions faites de ses deniers, elle joüit de deux benefices, et deux causes lucratives concurrent en sa personne, et au contraire deux causes onéreuses concurrent en celle des heritiers du mary : La Coûtume de iretagne, Article 4. 7. en use avec plus de moderation, elle porte que s’il y a promesse d’assiette. elle sera faite et préalablement prise sur le tout des acquests, d’autant qu’ils en pourront porter, et sils ne suffisent, sur les biens du mary, et où il n’y auroit que promesse de rendre les deniers, ils seront levez sur le tout des meubles, et où ils ne seroient suffisans, sur les acquests, et s’ils ne sufsi sent, sur les propres biens du mary. Cette disposition sans doute est plus prudente que la nôtre, elle veut que quand le mary a promis d’employer les deniers en fonds, quoy qu’il n’ait pas fatisfait à cette stipulation, le remploy en soit fait sur les acquests, et au defaut d’acquests sur les biens du mary, et ainsi les propres du mary ne sont point chargez de la dot qu’au defaut d’acquests ; et pourquoy ces acquests ne porteroient-ils point la dot, puisque vray-semblablement ils en ont été faits ; et à quelle fin introduire cette consignation sur les propres comme a fait aôtre Coûtume, puisqu’au lieu de les augmenter elle les détruit et les ôte aux enfans ou aux neritiers du mary : Voyez Frain, Arrest 116

La Coûtume de Bourgogne, Titre des Droits des Gens Mariez Article 24. porte que les deniers de mariage qui ne sont ameublis, et qui sont assignez et promis d’assigner, sont héritages pour la femme et pour ses heritiers ; il seroit juste que quand les deniers sont assignez ou consignez, ils fussent reputez immeubles pour être repris sur les acquests, et même quoy que la simple promesse d’assigner ne rende pas régulierement les deniers immeubles, on pourroit les déclarer mmeubles à l’égard de la femme suivant la Coûtume de Bourgogne, selon cet axiome, qu’une chose destinée est dite une partie de celle à laquelle elle est destinée, destinatum dicitur pars ejus ad quod destinatur.

Comme cet Article n’est pas favorable, il ne faut pas l’etendre au-de-là de ses termes, au contraire il doit être gardé dans ces termes précis, que cette Coûtume soit sterile, et qu’elle n’engendre en aucuns cas, et ce qui est introduit contre la raison du droit ne doit pas être tiré à conse-quence, consuetudo ista esto Sterilis, nec generet casus, & quod contra juris rationem introductum est, non est trabendum ad consequentias ; cet Article donc ne doit avoir hieu que pour la dot et non pour les autres biens qui sont échûs à la femme depuis son mariage, suivant que Berault le propose, les quels biens étant vendus par le mary, le remploy s’en doit faire sur les acquests et sur les meubles, ce qui fut même jugé en l’espèce de la dot baillée au mary, qu’il avoit venduë constant son mariage.

En l’Audience de la Gtand : Chambre le 12 de Janvier 1635. on agita cette question, si le mary ayant vendu la dot de fa femme, et luy ayant depuis donné tous ses meubles par son testament, les frères du mary étoient tenus du remploy de la dot ; La femme remontroit que comme legataire universelle des meubles elle n’étoit obligée qu’aux dettes mobi faires, que sa dot étant constituée sur son pere et ses freres, et son mary l’ayant venduë, il en étoit de même que s’il en avoit reçû le rachapr, et partant qu’elle devoit être tenue pour consignée, suivant l’Article 366. et elle pouvoit prendre part aux meubles et acquests, et demander sa don entière, le remploy de sa dot étant une dette immobiliaire, elle n’en est pas tenuë en sa qualité de légataire aux meubles. Les heritiers du mary répondoient que les Articles 365. et 366. n’avoient lieu que dans le cas de la consignation actuelle, ou quand on baille en assierte au mary des sentes constituées pour la dot de sa femme, dont le rachapt est fait en ses mains et qu’il est forcé le recevoir ; que la constitution faite par le pere et les freres sur eux n’est point une consignation actuelle que le mary doit faire par termes de present, et par consequent que le remploy de la dot alienée doit être fait sur les meubles : Il y a de la difference entre la reception des deniers dotaux par le mary qu’il est forcé de recevoir, et l’alienation volontaire qu’il en fait ; en ce cas de rachapt il est tenu d’en faire la consignation, mais au cas de l’alienation volontaire de la dot, lle doit être reglée suivant le Titre du Mariage Encombré, et si la femme n’apoint consenti à l’alienation de son bien, elle peut s’en remettre en possession, fauf le recours de l’acquereur auquel la femme legataire universelle des meubles est tenue ; que si elle y a donné son consentement, elle en a recompense sur les biens de son mary si les denters n’ont point été employez à son profit : or le mary ayant reçû les deniers, et quelque temps aprés donné tous ses meubles, ils étoient compris dans ces meubles que la femme a pris, et quand le mary les auroit consumez, il auroit en ce faisant autant épargné ses meubles. Cette cause ayant été plaidée entre du Mouchel appelant, et Alphonse Belin, veuve de Martin, legataire universelle des meubles, à qui on avoit ajugé la recompense de fa dot alienée par son mary, on cassa la Sentence, et les heritiers furent déchargez de la recompense de la dot Nous appelons consignation actuelle lorsque le mary a consigné et constitué sur tous ses biens les deniers donnez pour dot à sa femme, une simple promesse de remplacer n’est pas reputée si une consignation actuelle, comme il fut jugé, au Rapport de Mr de Brinon, le 22 de Decembre 1657. le contrat de mariage ne portoit qu’une simple promesse de remplacer, et il ut dit que la femme reprendroit sa dot sur les meubles et sur les acquests.

La destination pour la consignation ou l’employ des deniers ne seroit point valable, et les d deniers conserveroient toûjours leur nature mobiliaire, nonobstant cette simple destination, de l’effet de laquelle voyezCharondas , sur l’Article 93. de la Coûtume de Paris ; mais la consination actuelle de la dot ne la rend pas seulement immobiliaire, l’action même qu’elle produit pour la redemander est immobiliaire, et par Lette raison elle appartient aux heritiers au propre de la femme comme une constitution de rente qui subsiste sur les biens du mary, ce qui rend cette action fort différente de celle que la femme exerceroit pour le remploy de ses propres, que son mary auroit alienez ; cette derniere action a été jugée au Parlement de Paris, tantost et mmobiliaire et tantost mobiliaire, comme on l’apprend deBrodeau , l. R. n. 3. et deRicard , li sur la Coûtume de Paris, Art. 232. et ce dernier Auteur estime que cette action pour le remploy des propres alienez, même au cas qu’il échet de la prendre sur des immeubles, est neanmoins censée mobiliaire, et qu’en cette qualité elle appartient aux heritiers aux meubles, parce que pour juger de la nature de ce qui peut revenir d’une action, on ne considère pas sur quelle sorte de bien elle est à prendre, mais seulement ce qui en peut revenir : or ce que la femme ou ses heritiers peuvent demander au mary ou à ses heritiers est une rente, la consignation constituë si parfaitement la dot en rente, que depuis qu’elle a été constituée, soit au denier dix ou quatorze, elle ne change et ne diminuë point par la reduction des rentes, comme il fut jugé, au Rapport de Mr Labbé, le 17 de Decembre 1685. le mary ayant reçû la dot de sa femme, et l’ayant, remplacée sur tous ses biens en un temps où les rentes se constituoient au denier dix, ses heritiers furent condamnez de continuer la rente sur ce même prix Au procez du sieur de la Tour, ayant épousé la Demoiselle veuve du sieur de Gemicourt, et des sieur d’Arandel et des Rotours, et de Hoden, il se mût plusieurs questions dont la décision fournit beaucoup d’éclaircissement à cet Article : On disputa si le mary ayant constigué sur luy la somme de sepr mille cinq cens livres pour tenir le nom, côté et ligne de la femme, avec ces termes ( qu’il a consignè et consigne sur tous ses biens presens et avenir, parce qu’en cas le predecez elle pourroit dans six mois repeter cette somme ou demander la continuation de la rente, cette consignation êtoit suffisante et actuelleE On disoit premièrement qu’en ces consignations le erme àdes à present, étoit requis : Secondement, que cet Article d’ailleurs rigoureux ne se pratique que quand la dot a été payée avant le mariage : En troisième lieu, que cette clause qui lonnoit la faculté à la femme de repeter cette somme six mois aprés la mort de la femme, marquoit que ce n’étoit pas une véritable constitution ou consignation actuelle. On répondoit que ces termes ( a consigné, étoient suffisans pour operer la consignation, n’étant pas moins significatifs que ces mots des à present, qui ne sont point requis par cet Article, et qu’étant dit ( a con-signé ) ce n’étoit pas une simple promesse de consigner, mais une consignation parfaite et achevée. La seconde objection n’étoit point considérable pour la validité et l’effet de la consignation : on n’a point fait de difference entre le temps du payement, soit qu’il soit avant ou depuis le mariage, c’est assez qu’il ait été promis, qu’en consequence de la promesse il ait été consigné, et qu’en suite la promesse ait été executée ; la dot ne se paye le plus souvent que constant se mariage, principalement entre Gentilshommes, et il ne seroit pas juste de ne faire commencen Phypotheque que du jour du payement, cela engageroit à faire une recherche trop exacte des biens du mary. Pour la troisième objection, que cette faculté accordée à la femme n’empeschoit point leffet des autres clauses du contrat, cela fut jugé de la sorte au Rapport de Mr de RoméFrequienne, le mois de Decembre 1623.

En ce même procez cette autre question fut agitée, si la femme remporteroit le remploy de ses rentes rachetées durant son mariage sans diminution de sa part aux meubles.

et conquests ; Et quoy que, cette question se décide principalement par fautorité de l’Article. qui suit, neanmoins comme elle fut vuidée par le même Arrest, j’en rapporteray lespece et les raisons.

Il étoit expressément stipulé par son contrat de mariage que ses immeubles luy retourneçoient, mais il n’y avoit point de consignation en cas de vente ou de rachapr ; toute la difficulté tomba sur ces deux Articles 365. et 366. il se trouva trois opinions differentes ; la premiere, que ce remploy ne pouvoit être donné sans diminution des droits de la femme, qu’il devoit être pris sur les meubles, et s’il n’y en avoit pas assez sur les acquests, de sorte qu’ayant pris une moit ié aux meubles, elle avoit confondu en sa personne une moitié de ce remploy : Cet Article requeroit une consignation actuelle pour remporter la dot sans diminution, qu’il n’y avoit point de consignation actuelle, de plus que la Coûtume ne parloit que de la dot que ce que l’on demandoit n’étoit pas la dot, mais le bien de la succession du sieur de Vitermont son pere ; qu’on ne peut faire force de l’Article 366. dautant que ce n’est pas le bien dotals. mais quand on luy donneroit cette qualité, quoy que suivant l’Article 366. lorsque le mary reçoit le rachapt des rentes baillées pour dot, ces rentes soient reputées consignées, on ne seroit point aux termes de l’Article precedent qui désire une consignation actuelle, la femme ayant d’ailleurs assez d’avantage ; car outre les conquests et les meubles, elle avoit encore ses rentes dont les deniers ont peut-être été employez en ces acquisitions. Le second avis étoit que le remplacement n’est pas une dette mobiliaire, qu’il ne faut pas étendre la disposition de l’Art. 365. et qu’il faloit plûtost l’entendre de l’argent baillé au temps du mariage. Le troisième avis étoit que ce remplacement devoit être pris sans diminution des meubles ni des conquests, puisque par l’Article 366. le rachapt des rentes appartenans à la femmé est tenu pour consigné et pour avoir l’effet de cet Article. L’on ne peut douter que ce ne soit une dot ; suivant le droit civil il y avoit de la difference entre la dot et les autrés biens de la femme, mais les Coûtumes y en font peu, et Mr d’Argentré , en la Preface du Titre de Mariage, dit qu’il n’y en a plus, et que tous les biens de-la femme sont censez de même qualité, et en Normandie on ne remarque cette difference que par les Articles 534. et 542. dans lesquels neanmoins on n’exprime pas ce qui doit être censé dot ou non, et toute la distinction que l’on en peut faire est que ce qui a été baillé à la femme lors du mariage pour tenir son nom, côté et ligne, est reputé un bien dotal, cemme au ssi ce qui luy échet en ligne directe ; les autres biens non dotaux sont ceux qui viennent à la femme pendant le mariage, soit par succession collaterale, donation ou acquest, ce que la femme apporte en mariage prend hypotheque du jour du mariage, et les autres biens du jour de l’alienation : puis donc que les immeubles apportez par la femme sont sa dot, et que par son contrat ils doivent tenir son nom, côté et ligne, qui sont les vrais termes de constitution de dot usitez entre les vieux Praticiens, et que suivant l’Article 3é6. ils sont dits être consignez : s’est avec raison que l’on a introduit cette feinte consignation, car l’expresse seroit impertinenter la consignation réelle ne se fait que quand on baille du meuble et non de l’immeuble, auque cas elle n’est point necessaire, que si la consignation est reputée faite, c’est sans doute pour avoir l’effet de l’Article 365. et l’on donne encore cette autre raison de l’Article 366. que la consignation est censée faite à cause de l’alienation forcée entre les mains du mary, auquel cas la Coûtume a voulu pourvoir à la sûreté de la femme, qui sans cela souffriroit un grand prejudice le mary n’ayant pas remplacé ces rentes, elle perdroit ses droits de meubles et de conquests, ou son remplacement. L’Arrest qui intervint ne décida point ces difficultez, mais la troisième opinion me paroit plus conforme à l’Article 366.

Par le contrat de mariage d’André Eurry, Ecuyer, et d’Anne Sécles sa femme, Michel et Stenot Sceles ses freres luy donnerent cinquante livres de rente pour sa dot, et Eurry confessa avoir reçû quatre cens livres qu’il promit de consigner en quarante livres de rente sur ses biens au nom de ladite Sceles et des heritiers issus d’elle, à condition toutefois que si elle décedoit sans hoits, ses heritiers ne pourroient demander les quarante livres de rente, mais qu’ils demeureroient au profit du mary : Jean Eurry qui naquit de ce mariage mourut aprés sa mere, et André eurry survéquit l’un et l’autre ; aprés son décez Christophe son fils, issu d’un premier mariage. luy succeda, comme aussi audit Jean Eurry son frère de pere, et il pretendit que cette somme de quatre cens livres reçûë par son pere, et qu’il avoit consignée lors de son second mariage, luy appartenoit comme heritier dudit Jean son frère ; il disoit qu’il paroissoit assez que cette somme n’avoit pas été payée, le contrat de mariage ne portant aucune numeration, et c’étoit un avancement fait par le mary à sa femme, que si les freres avoient payé cette somme, elle auroit été consignée comme les cinquante livres de rente. La fraude paroissoit par cette stipulation, que si sa femme mouroit sans enfans on ne repeteroit point cette somme ; or par l’ordonnance et par le droit relles confessions sont reprouvées, la numeration fait la dot et non l’écriture du contrat dotal, dotem facit numeratio, non dotalis instrumenti scriptura, et quand cela ne seroit point, que cette somme de quatre cens livres tenoit nature de meubles, qui luy retournoit comme frère de pere, et non à Secles qui n’étoit que cousin ; car bien que son pere eût promis de consigner cette somme, il n’en avoin rien fait, ainsi l’on ne pouvoit dire que par aucune constitution cette somme eût été renduë immobiliaire : La Coûtume fait grande difference entre la dot qui est consignée et celle qui ne l’est point, ce qui se voit par cet Article 365. où la femme qui prend part aux conquests peut encore demander sa dot sur les autres biens, quand elle a êté consignée, mais s’il n’y a point de consignation, la dot doit être prise sur les meubles de la succession, et s’ils ne sont suffisans sur les acquests.

Par cet Article on voit que la dot non consignée tient nature de meuble ou d’acquest, et partant que le plus proche parent y doit succeder, et en parité de degré le paternel prefere le maternel, ainsi Eurry frere est preférable à Sceles qui n’est que cousin : aussi par Arrest. du 18z d’Aoust 1550. entre Lamie de Laffaye et Jeanne Fonteville, et par un autre du 18 de Mars 1583. entre le Riche et Françoise du Ménil, par autre du 1o Mars 1595. entre Madron et le Gentil il a été jugé que la dot non consignée se prenoit sur les meubles, et que comme meuble elle appartenoit au plus proche parent.

Sceles répondoit que l’Article 365. ne faisoit rien à la question, bien qu’il soit dit que la dot non consignée se doit prendre sur les meubles et sur les acquests, plûtost que sur lel propre, il ne s’ensuit pas qu’elle doive être reputée plûtost meuble ou acquest que propre ; au E contraire par l’Article 511. deniers donnez pour mariage de filles par pere, &c. sont reputez imneuble et propre à la fille, propre qu’ils ne soient employez ni consignez, ce qui est donné par d’autres personnes est immeuble et tient nature d’acquests : de ces deux Articles on peut tirer ces distinctions.

Ce qui est donné par le pere, mere, ou frere, pour être la dot de la fille tient nature de propre, parce qu’il est au lieu de legitime, loco legitimae, ce qui est donné par d’autres personnes est immeuble et tient nature d’acquests, parce qu’il vient de donation qui est toûjours reputée acquests.

Mais on ne peut dire que ce qui est denné par pere, &c. pour être la dot tient nature de neuble, et neanmoins ce que les pere et mere et freres donnent se prend le plus souvent sur les meubles ; aussi par l’Article 511. deniers donnez, c’est à dire meubles donnez, ne sont pas tenus meubles s’ils sont destinez pour la dot des filles.

L’autre distinction est que la dot actuellement consignée se prend sur les propres ou sur la part des acquests des heritiers du mary, non surla part de la femme ; celle qui n est pas actuel. lement consignée se prend sor les meubles et sur les acquests La dot actuellement consignée court en rente du jour du décez du mary, celle qui n’est pas actuellement consignée ne court en rente que du jour que les heritiers du mary sont refusans de la restituer

L’Article 23. de la Coûtume de Bourgogne, Titre des Gens Mariez, traite les difficultez qui pouvoient naître sur ce sujet, Deniers de mariage assignez ou promis d’assigner et qui ne sont payez emportent arrerages, à sçavoir dix pour cent, dés le terme passe qu’ils sont promis de payer, et s’il n’y a terme declaré, dés lors que le debireur des deniers sera suffisamment interpelé De ce Texte on peut tirer ces décisions, que Deniers promis au mary et constituez en rente par le traité de mariage, doivent interest du jour des épousailles ou du jour que la rente a été promise, parce que du jour du mariage maritus sustinet onera matrimonii : ces deniers tromis à certain jour avec promesse d’interest, faute de payer courent en interest aprés le terme promis, quia dies interpellat. pro homine, deniers promis sans terme ne courent en interest que du jour de l’interpellation, l. cum notissimi. S. sed & siquis, C. de prascrip. 36. vel 40. Chassanée ann. l. 2. et 3. C. de ann. except. Chassanée, sur cet Article, his verbis ( a promis assigner ) ex promissione de assignando nascitur actio personalis, ex assignatione nascitur actio hypothecaria : de la promesse d’assigner nait l’action personnelle, et de l’assignation nait l’action hypothecaire.

Dans la question proposée en l’une et l’autre espèce, soit que la dot soit actuellement consignée, soit qu’elle ne le soit pas, elle tient toûjours nature d’immeuble, et retourne aux neritiers au propre ou aux heritiers aux acquests lorsqu’elle tient nature d’acquest. Cette fomme de quatre cens livres encore qu’elle dût être prise sur les meubles du mary, étoit le propre de ladite fille, et en la personne d’Eurry défunt c’étoit un propre maternel, il fut ainsi jugé sur un partage en la Chambre des Enquêtes ledit jour 2é de Mars 1607. et les quatre cens livres de rente furent ajugées à Secles avec les interests du jour de l’introduction du procez. On ne tint point que la consignation fût actuelle, autrement on eût ajugé les interests du jour du décez du mary.

I ne suffit pas pour joüir de l’effet de cette consignation actuelle, que le mary ait consigné et constitué sur ses biens la dot qui luy est promise, il faut que le payement se soit ensuivi et qu’il soit justifié

L’Amendé Tonnelier lors de son mariage ne possedoit qu’une piece de terre à bail d’heritage, l’on promettoit de luy payer trois jours avant les épousailles deux cens livres, dont il y en avoit cent livres en don mobil, et cent livres pour la dot ; peu de temps aprés le mary fîit des batimens et quelques augmentations sur ce fonds dont il joüissoit, aprés son décez sa femme demanda son doüaire et sa dot ; les heritiers contreditent la dot, parce qu’on ne voyoit pas que le mary l’eût reçûë, n’étant fait apparoir d’aucune quittance ni endossement, et n’en ayant été parlé lors de la reconnoissance du contrat de mariage : La veuve offroit de verifier

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le payement par les parens du mary, et par les siens qui étoient presents : Le Juge d’Emandreville les avoit appointez a écrire, la veuve en ayant appelé, Me Paul le Févre son Avocat disoit que l’on avoit agité cette question, sçavoir dans quel temps le mary est obligé de demander les deniers promis à sa femme, et dans quel temps l’action en peut être prescrite : Par le droit civil aprés dix ans lemary ne pouvoit demander la dot, Auth. quod locum, C. de dote cautâ ; la l. 1. dotibus qui precede, dit que quand il n’y a aucune donation de dot, mais une simple promesse, non seulement il est permis au mary d’opposer contre sa femme ou ses heritiers l’exception de l’argent non payé, mais aussi les heritiers du mary peuvent s’aider de cette promesse, cum adhuc nulla datio dotis, sed pollicitatio tantùm subsecuta sit, liceat exceptionem non numeratae pecuniae, opponere non solûm marito contra uxorem, vel ejus heredes, sed etiam heredibus mariti. Mais l’Authen-tique ajoute ( ce qui a lieu si dans l’efpace de deux ans le mariage est dissolu ; ) mais si cet intervalle s’étend au-de-là des deux ans jusques à dix, le mary et ses heritiers peuvent s’en plaindre dans trois mois, mais si la dixième année s’écoule il n’y a plus lieu à la plainte contre le mary, la prescription étant survenue pour la restitution en la totalité, quod locum habet si intra biennium solvatur matrimonium, si autem ultra biennium usque ad decimum annum extendatur & ipsi marito & ejus heredibus intra tres menses querela permittitur, sed si decennium transcurerit omnino querela denegatur permissâ restitutione in integrum prafinitâ, ce qui est conforme à la Novelle 100. de tempore non solutae pecuniae super dote, S. generaliter. Aprés un si long-temps la presomption est toute entière contre le mary, et il n’est pas croyable qu’ayant à supporter toutes les charges du mariage il ait negligé de se faire payer. Arrests deLoüet , 1. D. n. 14. que la même chose avoit Eté jugée pour la nommée Bocquemare, quoy qu’il s’agit de quatorze mille livres, que cette presomption devoit être reçûë en cette cause pour une somme si modique, et qu’il paroissoit d’ailleurs que son mary qui étoit pauvre, depuis son mariage avoit employé beaucoup d’argent en ses barmens, et en tout cas qu’elle devoit être reçûë à sa preuve. Le Canu pour les heritiers soûtenoit qu’elle n’y éroit point recevable ; la Coûtume reçoit les parens à recorder pour de doüaire seulement, et non pas pour les autres conventions : Par Arrest du 3r de Janvier lé5aon cassa la Sentence, et on condamna les heritiers à payer les cent livres. Sans doute la modicité de la somme fut le motif de l’Arrest.

Bien que les plus penetrans dans l’esprit de la Coûtume ayent toûjours murmuré conctre cet Article, on n’a point laissé de l’étendre encore fort avantageusement pour les femmes, comme l’on fit en la cause de la Dame d’Auxouville : Par le contrat de mariage de Mr M’Adrien Secart, Conseiller en la Cour, avec Dame Jacqueline Prevel, on luy promettoit vingt et un mille livres pour être la dot de sa femme, laquelle il consigna sur tous ses biens ; cette somme fut depuis payée et reçûë par Mr Secart pere, et Mr d’Auxouville son fils, qui en baillerent conjointement leur quitrance, et comme le pere êtoit demeuré saisi des deniers, il se fit un contrat entr’eux le I8 d’Avril 1632. qui contenoit que le sieur Secart delaisse des héritages au sieur d’Auxouville son fils, pour demeurer déchargé des trente-cinq mille livres, du nombre des deniers qui avoient êté payez par le sieur de Monterollier, frère de la Dame d’Auxouville.

Aprés la mort du sieur d’Auzouville et de son fils, la Dame d’Auxouville ayant demandé au sieur de Bailleul, à Mr de Roüen-Bermonville, Conseiller en la Cour, et au sieur de Ste Colombe, ses gendres, heritiers du sieur d’Auzouville, ses conventions matiimoniales, il ut dit par Sentence des Requêtes du Palais que les vingt et un mille livres qui composoient sa dot seroiont remplacez sur les héritages acquis constant son mariage, par le sieur Secart pete de son mary.

Sur l’appel de cette Sentence, la Dame d’Auxouville disoit qu’il avoit été mal-jugé, parce qu’en ce faisant on la faisoit contribuer au payement de sa dor, quoy qu’elle eût été consignée, ce qui étoit contraire à la disposition de cet Article, qui donne à la femme quand il y a consignation sa dot entière, sans diminution de sa part aux conquests, et sur l’objection qui luy êtoit faite, que pour se prevaloir de cet Article deux conditions sont necessaires, à sçavoir que le mary ait reçu actuellement la lot, et qu’il ne l’ait point remplacée : Elle répondoit qu’il étoit vray que dans la quittance son mary, et le sieur Secart son pere sont employez tous deux, comme ayant reçû l’argent, mais que cela ne changeoit rien, que c’étoit une chose qui se pratiquoit ordinairement quand le pere du mary est vivant, et qui ne pouvoit faire de prejudice à la femme ni à la consignation stipulée par le contrat de mariage ; il suffit que la dot ait été consignée, et que la quittance du mary soit justifiée : Pour le remplacement de ses deniers elle soûtenoit qu’il n’y en avoit point eus et que quand il y en auroit eu, cela ne dérogeoit point à cet Article. Il paroissoit par la lecture du contrat qu’il n’y avoit point de remploy, il contient bien que le sieur Secart delaisse à son fils des héritages pour se décharger des trente-cinq mille livres qu’il avoit reçûs pour le mariage. le sa belle-fille, mais il n’est point parlé de remploy, ni que le sieur d’Auzouville baille ces héritages à la Dame sa femme pour le remploy de sa dot, ainsi l’on ne peut dire que cette dot ait été remplacée par le contrat, il faut pour cela qu’il y ait une déclaration expresse de bailler les héritages à la femme, que la proprieté luy en soit tiansfeiée, autrement ce n’est point un remploy qui luy soit donné, le fonds acquis des deniers dotaux n’est pas dotal, c’est une acquisition qui appartient au mary et non à la femme, et ce contrat ayant été fait en son absence il ne luy pouvoit nuire, et quand même il y auroit une declaration expresse de bailler l’herigage à la femme pour le remploy de sa dot, elle ne ruineroit pas l’effet de la consignation, dés le moment que la dot est consignée le droit est acquis, elle est assurée de la remporter sans à aucune diminution de ses droits, dont son mary ne peut la frustrer par quelque contrat qu’il puisse faire.

Il est inutile de dire que ce sont deux causes lucratives, l’intention de la Coûtume a été de donner cet avantage à la femme, qu’elle ait sa dot qui a été consignée, et qu’elle ait encore sa part aux conquests, sans distinguer si ces conquests ont été faits des deniers dotaux ou-d’autres deniers : La Coûtume n’a pas douté qu’un mary bon ménager, qui faisoit des acquisitions, n’avoit pas dissipé les deniers dotaux, et qu’il les avoit utilement employez, et neanmoins elle a voulu que la femme eût ces deux droits en cas de consignation, et cela fondé sur ce que la dot consignée est une dette anterieure du mariage, et les acquests doivent porter seulement les dettes posterieures du mariage : la difference entre la dot consignée et celle qui ne l’est pas, consiste principalement à exempter la femme prenant part aux conquests de contribuer à sa dot consignée. Tout ce dont qu’on pouvoit pretendre, s’il n’y avoit point de consi-gnation, seroit que l’appelante y contribueroit, mais puisqu’il y a consignation elle doit avoir son effer ; que la Cour l’avoit ainsi jugé par l’Arrest de la Demoiselle Penelle, du 12 de Mars 1671. luy ayant donné sa part entière aux conquests, et sa part entière sur les autres biens de son mary, a et quoy qu’il soit dit par cet Arrest qu’elle prendra les rentes acquises de ses deniers, et à elle paillez pour son remploy, cela n’opere qu’une simple destination de la maniere qu’elle devoit être payée. ; mais on ne luy ôte pas un droit qu’on venoit de luy accorder, outre que dans lespèce de cet Arrest la consignation étoit posterieure au mariage, et il y avoit remploy actuel. par les contrats ; mais en cette espèce la consignation étoit portée par le traité de mariage, et il n’y a nulle stipulation de remploy par le contrat de l’année 1632.

On répondoit qu’elle avoit mal compris le sens et l’intention de cet Article : Il est bien vray que quand le mary consignoit actuellement la dot et qu’il la retenoit, la femme prenoit sa part entiere aux acquests sans diminution de sa dot mais cet Article contient deux conditions. necessaires ; la première, le payement effectif des deniers dotaux entre les mains du marys et la seconde, qu’il ne se trouve pas un remploy exprée et formel de ces mêmes deniers, car en ce cas la femme ne peut demander encore un autre remploy de ces mêmes deniers sur les propres de son mary, ce sont deux causes fucratives qui ne peuvent concutrer en un même sujet.

Or ces deux conditions manquent en cette rencontre : Mr de S. Arnout n’a point reçû les deniers dotaux de la Dame sa femme, on désira pour une plus grande asfurance qu’ils fussent tis par le sieur Secart son pere, par consequent il ne peut y avoir de consignation actuelle, et quand le mary y auroit été present, cette presence n’auroit effet que pour acquerir une nypotheque et non point pour produire une consignation sur les biens du mary, qui ne peut, amais avoir lieu que quand il a reçû et fait son profit des deniers dotaux Il est donc vray de dite que le pere seul étoit debiteur de la dot et non point le fils, et que le pere voulant se liberer de cette dette a baillé un fonds à son fils, ainsi ce fonds ne peut être censé pour acquest fait par le fils, c’est le bien du pere qu’il a baillé en payement de sa dette, et par consequent ou la femme doit le prendre en payement comme un fonds baillé par le pere en payement, ou elle doit l’abandonner comme n’appartenant point à son mary.

Il faut ne connoître pas l’esprit de la Coûtume et ignorer absolument l’usage de la Province pour avancer des propositions de cette nature ; chacun sçait que cet Article 365. a parû fort étrange, parce qu’en effet il est contraire à toutes les sages dispositions de la Coûtume, pour empescher les avantages que les maris voudroient faire à leurs femmes ; cependant si l’on en croit la Dame de S. Arnout, dés le moment qu’une consignation de dot est stipulée, il est impossible au mary de décharger ses propres, quelque remplacement qu’il fasse des deniers doraux, et quelque declaration qu’il puisse employer

Il est tres-certain néanmoins qu’on n’a point douté jusqu’à present qu’un mary ne puisse employer en fonds les deniers dotaux qu’il reçoit, et que quand la déclaration de l’employ est portée par le contrat d’achapt, ce fonds ne soit un actuel remplacement, et Godefroy apporte expressément cette limitation à la disposition de cet Article, parce qu’autrement elle auroit eux payemens d’une même chose ; on convient bien que la femme n’est pas tenuë de la rendre si elle ne l’a pas acceptée, mais en cas qu’elle le refuse elle ne peut y demander parti parce qu’il seroit incompatible qu’elle prit part au fonds acheté de ses deniers, et qu’elle remportât encore sa dot entière sur les autres biens du mary : la consignation actuelle n’a son effet que quand il ne se trouve aucun remploy des deniers, parce qu’alors on peut dire en aveur de la femme, que les deniers dont on a fait l’acquest proviennont de leur commune industrie et de leur bon ménage, plûtost que de ses deniers dotaux, puisque l’on n’en a fait aucune déclaration, autrement on feroit un avantage extraordinaire et inoüi aux femmes, si nonobstant le remploy formel de leurs deniers elles prenoient part à l’acquest, et pouvoient encore exiger un autre remboursement ; c’est proprement faire concurrer deux causes lucratives, ce qui est incompatible en droit, et la Dame appelante se trompe quand elle dit que vintention de la Coûtume a été de donner cet avantage à la femme, n’ayant pas douté qu’un mary qui faisoit des acquisitions n’avoit pas dissipé les deniers dotaux ; au contraire la Coûtume est en toutes occasions trop défavorable aux femmes, pour presumer qu’elle ait eu l’intention de leur faire un avantage qui choque la raison, en leur donnant deux fois le payement d’une même chose ; et bien loin qu’elle n’ait point douté que le mary n’avoit dissipé les deniers dotaux, elle a presumé plûtost qu’il les avoit consumez mal à propos puisqu’il n’en avoit pas fait de remploy, et en ce cas elle n’a pas voulu priver la femme d’avoir part à ce qui étoit cquis de leur seul bon ménage, et c’est aussi ce que la Cour a jugé par l’Arrest de la Demoiselle Penelle, qui porte expressément qu’elle prendroit en déduction de sa dot les rentes dont ses contrats de constitution portoient un remploy, il est ridicule de dire que ce n’est qu’une simple designation de la maniere dont elle devoit être payée ; car outre qu’il n’étoit pas necesfaire de faire cette designation en l’obligeant de prendre ces rentes qui portoient ce remploy, on la privoit d’y prendre part comme à un acquest.

Que si la cause de la Dame appelante n’est pas soûtenable dans la question generale, elle l’est encore moins dans le fait particulier, où il paroit que le mary n’a point reçû la dot, mais son pere ; quand on supposeroit en faveur de l’appelante que le mary auroit reçû sa dot, et qu’en consequence elle pût se prevaloir de la consignation, et en la manière qu’elle pretend, il demeureroit toûjours constant par la confession du pere qu’il avoit fait son profit des deniers, et cette reconnoissance du pere produiroit une action au fils pour luy en demander la restitutioes mais en même temps il luy opposeroit qu’il en est quitte au moyen du fonds qu’il luy a baillé en payement : d’où il resulte que ce n’est point un acquest que le fils ait fait, que c’est le bier du pere, et que le pere étant debiteur de la dot et s’en étant liberé par la vente du fonds, la femme du fils n’y peut jamais rien pretendre : il est surprenant que la Dame appelante ose dire qu’il n’y a point eu de remplacement, puisque le contrat porté expressément que le peredelaisse ses héritages à son fils pour demeurer quitte des trente cinq mille livres qui luy avoient éité payez par le sieur de Monterollier, pere de la Dame appelante : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes du 22 de Juin 1675. au Rapport de Mr Halé. d’Orgeville, la Sentence ut cassée, et en reformant ordonné que les deux mille cinq cens livres de rente pour la dot de ladite Prevel seroient pris sur la part que ledit de Bailleul et ses coheritiers prenoient en la succession, sans que la part appartenante à ladite Prevel aux conquests en reçoive de diminution. Les parties étoient Jeanne de Prevel, veuve de Mr Me Adrien Secart, sieur d’Auzou-ville, Conseiller en la Cour, appelante, et Me François de Bailleul, ayant épousé Dame Françoise Secart, et Mr Me Abraham de Roüen, sieur de Bermonville, Conseiller en la Cour, intimez. J’avois écrit au procez pour lesdits sieurs de Bailleul et de Bermonville.

On ne doit pas induire de cet Arrest que depuis qu’un mary aura une fois consigné sur ses biens les deniers dotaux de sa femme, il ne pourra plus les remployer si sa femme n’agrée ce remploy, il seroit fort étrange qu’un mary pour ne charger pas ses propres de la dot de sa femme, ne pût pas acheter des héritages des deniers qu’il auroit reçû pour valoir de remploy ; il est bien vray que la femme n’ayant pas accepté ce remploy, ne seroit pas forcée de le prendre en payement de sa dot, mais la déclaration faite par le mary doit valoir au moins à l’effet, que sur ce fonds acquis des deniers dotaux la femme n’y puisse pretendre droit de conquest.

Par Arrest du 1s de May 1671. au Rapport de Mr du Houley, il fut jugé que celuy qui étoit en curatelle en se mariant n’avoit pû obliger ses immeubles à la consignation de la dot, mais seulement ses meubles dont il avoit l’administration : mais voici les circonstances du fait.

Jean Trevet, sieur de Senouville, fut mis en curatelle en l’année 1649. mais en l’année 1665. on luy laissa l’administration de son tevenu et de ses meubles, parce qu’il ne pourroit aliener ses immeubles que par l’avis de deux parens ; depuis par son contrat de mariage fait en l’absence de tous ses parens avec la Demoiselle Saviniaire de Mazemguerbe, il confessa avoir reçû une somme qu’il avoit consignée sur ses biens pour être la dot : Le sieur Trevet, Conseillet au Presidial de Roüen, qui s’étoit opposé à ce mariage, n’ayant point de causes valables d’opposition. fut obligé de s’en desister ; aprés le decez dudit Trevet, sa veuve demanda sa dot à François Trevet, fils du premier lit, qui s’en défendit, parce que son pere étant en curatelle n’avoit où aliener ni hypothequer ses immeubles que par l’avis de deux parens qu’on luy avoit nommez ; on s’étoit bien gardé de les appeler, parce qu’en effet on n’avoit rien payé. La femme disoit au contraire qu’elle n’avoit pu y appeler les deux parens nommez par la restriction, parce que l’un êtoit décedé lors du contrat de mariage, et l’autre qui étoit le sieur Trevet Conseiller étoit opposant, qu’il seroit rigoureux de luy faire perdre sa dot, son mary ayant reconnu deva nt les Tabellions qu’il l’avoit reçûë, qu’avant été capable de contracter-mariage sans le consentement de ses parens, il avoit aussi été capable de consentir les pactions ordinaires dans les contrats de mariage, et par consequent de s’obliger à la consignation de la dot qui est la principale ; neanmoins il fut jugé que Trever n’avoit pû engager ses immeubles par une confession faite en l’absence de ses parens, fauf à la femme à prendre sa dot sur les meubles. Il a été encore jugé en l’Audience de la Grand. Chambre le 18 de Janvier 1672. qu’il y a consignation actuelle de dot quand le maty a promis de la remplacer en cas de rachapt ; ce rachapt avoit été actuellement fait, les freres en mariant leur soeur s’étoient constituez en une renté pour sa dot, et ils avoient stipulé qu’en cas de rachapt, le mary seroit tenu de remplacer les deniers pour tenir le nom, côté et ligne de sa femme : quelques années aprés les freres payerent la dot de leur seur entre les mains du mary, qui fit depuis des acquisitions, sans déclarer si les deniers qu’il payoit provenoient de la dot de sa femme, mais cela paroissoit assez par la proximité des contrats : La question êtoit de sçavoir s’il y avoit eu consignation actuelle de la dot sur les biens du mary, en forte que la femme eût droit de la prendre sur les propres sans diminution de sa part aux meubles et conquests, la Cour par son Arrest jugea qu’il y avoit eu consignation actuelle, et que la part de la femme aux meubles et conquests n’en devoit rien porter. L’Arrest peut être fondé sur ces deux raisons ; la premiere, que le mary par le contrat de mariage avoit promis de remplacer en cas de rachapt, ce qui avoit la même force que la consignation ; la seconde raison est prise de l’Article 366. de la Coûtume, par lequel la dot est tenué pour consignée, quand le mary constant le mariage a reçù le rachapt de la rente dotale constituée par les freres. Lyout le, jeune laidoit pour les heritiers du mary, qui soûtenoient qu’il n’y avoit point de consignation.


CCCLXVI.

Dot quand est tenu pour consigné.

Si le mary reçoit constant le mariage le raquit des rentes qui luy ont êté baillées pour le dot de sa femme, le dot est tenu pour consigné, encore que par le traité de mariage ladite consignation n’eût été stipulée.

En cet Article la Coûtume introduit une autre espèce de consignation, qui se fait lorsque se mary reçoit constant son mariage le rachapt des rentes qui luy ont été baillées pour la dot de sa temme ; en ce cas, dit cet Article, la dot est tenué pour consignée, bien que par le contrat de mariage la consignation n’eût été stipulée.

Par lArticle 65. du Reglement de l’année 1666. il est dit que-le remploy des immeubles que le mary ou la femme possedoient lors de leur mariage, doit être fait sur les immeubles qu’ils ont acquis lepuis leur mariage au sol la livre, et à faute d’acquests sur les meubles, et que la femme n’avoit part sur les acquests ni sur les meubles qu’aprés ce remploy fait. Cet Article fit naître cette difficulté : Mr Mre Loüis Marc, sieur de la Ferté, Conseiller aux Requêtes, tant pour luy que pour ses freres, heritiers de Mi Me Laurens Marc, sieur de Freux, Conseiller en la Cour des Aydes, soûtenoit contre la Dame veuve de feu Me Pierre Romé, sieur du Thuit, Tresorier de France en la Genéralité de Roüen, et héritière de Dame Catherine le Tertier, veuve de Mr de Dreux, que le remploy des rentes de la Dame de Freux, dont Mi de Dreux avoit reçû le rachapt, devoit être pris sur toute la masse des acquests : il s’aidoit de cet Article 65. du Reglement, par Sentence des Requêtes du Palais il le fit juger de la sorte ; sur l’appel par Arrest du 2 de Juillet 1670. au Rapport de Mr Sales, la Sentence fut cassée, et en reformant ordonné que le remploy des sommes ausquelles se montoient les alienations faites par ledit sieur de Freux seroit fait sur la part des conquests appartenant audit. Mare, sieur de la Ferté, et que la part des conquests appartenant à ladite Eblsabeth le Terrier, femme dudit Marc, sieur de Freux, en demeureroit déchargée. Par cet Arrest on a expliqué que cet Article du Reglement de lannée 1666. ne s’entend point de la dot ni des rentes baillées pour la dot, qui ont été rachetées, mais des ventes volontaires du bien de la femme. Par ce même Arrest on déchargea la veuve de contribuer à une pension viagere de cent livres, que le sieur de Freux avoit donnée à son Cocher

Eacharie le Blanc joüissoit à droit de viduité de quarante livres de rente appartenant à sa femme : au decret des héritages de l’obligé, il se fit colloquer pour le principal de cette rente du consentement de Dalencon, sieur de Mireville, qui en avoit la proprsété ; aprés sa mort orsque l’on demanda à ses heritiers le principal et les arrerages, ils offrirent le principal, mais ils contesterent les arrerages, parce que ce principal n’avoit point été remployé ni constitué ors du rachapt qui avoit été fait de la rente, et que par consequent il ne pouvoit produire aucun interest : le sieur de Mireville qui étoit present ayant dû en demander le remploy ou la constitution, que suivant cet Article il se fait bien une consignation tacite, mais ce n’est qu’à l’effet que la part de la femme aux conquests et aux meubles n’en soit point diminuée, et comme la femme êtoit morte au temps du rachapt, il faloit necessairement en faire une nouvelle constitution, parce que le mariage étoit dissolu par la mort de la femme, et ce n’étoit plus que des deniers qui avoient été ameublis lorsqu’ils avoient été remboursez lors du decret de l’obligé, et c’est pourquoy ces deniers à l’égard des heritiers de la femme ne produisoient point d’interest de leur nature. Les heritiers répondoient que le mary recevant le rachapt des rentes appartenans à sa femme, le remploy en êtoit fait par cet Article, et qu’il ne faloir point de nouvelle constitution, ce qui fut jugé de la sorte : Sur l’appel la Sentence fut confirmée en la Chambre de l’Edit l’Ir de Decembre 1641. plaidans Aleaume, Laloüey, et moy

Puisque les deniers provenant du rachapt des rentes appartenans à la femme qui ont été reçûs par le mary produisent interest de plein droit, il reste a sçavoir combien d’années diarrerages. la femme ou ses heritiers en peuvent demander ; il a été jugé par plusieurs Arrests que la femme ou ses heritiers ne peuvent demander que cinq années de la dor consignée sur les biens du mary ni des rentes dont il a reçû le rachapt : Arrest en l’Audience de la Gnand. Chambre. du 9 de Juin 1606. entre Dubose et Alorge. Autre Arrest, au Rapport de Mr Voisin, entre Loysel Lhermite et Martin, du a22 de Decembre 1612. Autre Arrest, au Rapporrde Mr de la RoqueVarengeville, du 7 de Juillet 1629. entre Pyvoirie et Loysel.



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L E Lecteur aura vû sur l’Article 338. un Arrest, par lequel l’ainé qui a pris preciput est exclus de prendre part aux Offices ; cette jurisprudence n’étant pas au goust de plusieurs les Juges, ils prirent occasion d’y donner atteinte en jugeant un procez d’entre Charles Tharel, sieur Dalo, Conseiller Secrétaire du Roy, appelant de Sentence renduë aux Reque-

tes du Palais à Roüen le 30 de Juillet 1676. par laquelle entr’autres choses, sur la recompense demandée par Jacques Tharel, sieur de Navarre, audit Dalo, son frère ainé, de la valeur du prix de ladite Charge de Conseiller Secretaire du Roy du College des cent : vingt Gagez, donnée audit sieur Dalo lors de son mariage par Loüis Tharel, sieur Domonville, oncle paternel des parties, il avoit été dit qu’avant de faire droit ledit sieur Dalo bailleroit audit de Navarre état des biens immeubles que ledit Domonville leur oncle commun possedoit lors de dadite donation, pour ce fait être ordonné ce qu’il appartiendroit, d’une part ; et le sieur de Navarre intimé en appel, d’autre part. Les raisons alléguées par ledit de Navarre, demandeur ors de ladite Sentence, étoient qu’étant ledit Dalo et luy presomptifs heritiers du donateur, equel étoit frère ainé de leur pere, ladite donation devoit être reputée un avancement indirect fait audit Dalo au prejudice dudit de Navarre, et partant sujette à rapport ainsi que les autres vancemens à luy faits par son traité de mariage, et quand même elle ne passeroit pas pour in avancement indirect, il est certain qu’il n’y auroit pas lieu de la confirmer, vû qu’elle seroit excessive et faite au-de-là des termes de la Coûtume, attendu que ladite Charge valoit plus de quatante-cinq mille livres au temps de la donation, laquelle somme excedoit de beaucoup le tiers des biens dudit Domonville donateur, quand même elle n’auroit pas été défectueuse, d’ailleurs outre qqu’elle n’avoit point été insinuée, ce qui la rendoit nulle, et concluoit par. toutes ces raisons que, sans avoir égard à ladite donation, ledit Dalo devoit être condamné de luy restituer la moitié du prix de ladite Charge, sur le pié dont il en a disposé, avec interest du jour de ladite pretenduë donation, ou du moins du jour du decez d’Antoine Tharel, pere commun des parties.

Ledit Dalo défendeur soûtenoit au contraire qu’il n’étoit pas vray que ledit de Navarre ni luy fussent presomptifs heritiers du donateur, qui a vécu encor huit ans depuis ladite donation, et duquel Antoine Tharel leur pere commun devint heritier en fannée 1648. et posseda la succession un an entier, n’étant décedé qu’en l’année 1649. sans avoir jamais pensé à se plaindre de cette donation, quoy qu’il fût le seul qu’y eût eu la qualité de reclamer contre icelle, si elle eût été excessive ou faite contre les formalitez prescrites par la Coûtume, et partant que ce n’est point le cas où lon puisse trouver un avancement indirect, puisqu’il n’ont point été heritiers du donateur, mais bien ledit Tharel leur pere commun, qui n’a jamais contredit la dona tion, comme en effet il n’y en avoit pas de pretexte, et il est inoûi qu’on vienne trente-six Sans aprés demander raison audit Dalo d’une Charge qui a changé deux fois de main depuis ce temps-là, et a été autant de fois purgée par le Sceau de toutes hypotheques, sçavoir lors des Provisions qu’en obtint ledit Dalo en tannée 1é40. en consequence de ladite donation, et en ayant disposé vingt-deux ans aprés il. y eut encor nouvelles, Provisions expediées il y a prés de quinze ans sous le nom : du Tresignataire dudit Dalo, sans aucune opposition au Sceau de la part dudit de Navarre ; et par cette nuison seule fondée sur la maxime et la regle du Sceau, qui est certaine et universelle par tout le Royaume, on peut dire qu’il y auroit double fin de non recevoir à la demande dudit de Nayatre faute par luy d’avoir opposé aux Provisions, outre qu’étant une action mobiliaire et pprsonnelle, cile a dû être intentée dans les trente ans, ce qui n’ayant été fait qu’aprés plus-de trente-six ans, ledit Dalo pretend être bien fondé à alleguer la prescription, et sans prejudice de faquelle il n’entend pas demeurer d’accord que la valeur de ladite Charge au temps de ladire donation fût de quarante-cinq mille livres, justifianturer, contraire qu’elle ne valoit pas alors plus de vingt mille livres, ce qui doit demeurer constant par deux concordats de Charges de-pareille-nature venduës à peu prés dans le même temps, l’une au sieur Vaignon en lannée 1636. c’est à dire quatre ans avant ladite donation, par vingt : mille livres seulement, l’autre au sieur Becquet, sieur du Mélé, en l’année 1650. par vingt. quatre mille livres, et dans l’intervalle de ces deux ventes l’on avoit payé deux taxes, montant à prés de six mille livres, pour joüir des augmentations des droits du Sceau, ce qui fut cause apparemment que le prix de ladite Charge haussa de quatre mille livres, et ces concordats étant passez devant les Tabellions, ne peuvent pas être revoquez en doute, et ledit de Navarre n’en peut pas disconvenir, puilqu’il n’allégue et ne produit rien qui soit contraire, et c’est pourquoy bien loin que le prix de ladite Charge excedat le tiers des biens du donateur, elle n’en faisoit pas la cinquième partie, ce qu’il osfroit prouver par Experts, outre que ladite Charge étant un acquest en la personne du donateur, il en pouvoit disposer ; au reste il n’étoit pas vray que ladite donation n’eûr point été insinüée, paroissant au contraire d’une insinûation dans toutes les formes requises du traité de mariage dudit Dalo, dans lequel ladite donation étoit comprise, comme faisant partie d’iceluy, et partant ledit Dalo concluoit à être déchargé de ladite demande, avec dépens.

Il est certain que toute la question du procez rouloit sur ces deux points, si le sieur de Navarre avoit action pour demander le rapport du prix de l’Office, et si quand il auroit pû faire cette demande, l’action en étoit prescrite : Il ne s’agissoit aucunement de sçavoir si l’ainé qui a pris preciput pouvoit prendre part à l’Office, et le sieur Dalo même ne contestoit pas que l’Office ne fût un immeuble, il pretendoit seulement que n’étant tenu d’en rapporter le prix, c’étoit une action mobiliaire ; cependant ceux qui vouloient renverser l’Arrest qui prive l’aîné ayant pris preciput d’avoir part aux meubles, furent d’avis de reputer les Offices. meubles entre coheritiers, en quoy faisant l’ainé ne seroit point exclus d’y prendre part, et en consequence, comme il est permis à celuy qui n’a point d’enfans de donner tous ses meubles, on cassa la Sentence, et le sieur Dalo fut déchargé de rapporter le prix de l’Office, comme étant un meuble, par Arrest en la Grand. Chambre du 14 de Mars 1678. au Rapport de M Boulaye ; il ne passa que de deux voix, et ceux qui liront l’Arrest ne remarqueront pas que la question generale ait été décidée, parce qu’il ne s’en agissoit pas, mais on pretend qu’elle l’a êté en declarant les Offices meubles entre coheritiers.

FIN.