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CCLV.

Et s’ils ont promis au mariage de leurs filles or, argent, ou autres meubles qui soient encores dûs lors de leurs decez, les enfans ne seront tenus les payer aprés la mort desdits pere et mére sinon jusqu’à la concurrence du tiers de la succession, tant en meubles qu’héritages.

Dans l’Article précedent la Coûtume accorde aux freres la revocation des donations d’heri tages faites par les peres et meres à leurs filles, quand elles excedent le tiers des biens du donateur ; par cet Article si les peres et meres oni promis or, argent, ou autres meubles qui soient encores dûs lors de leurs decez, les enfans ne sont tenus de les payer, sinon jusqu’à la concurrence du tiers de la succession, tant en meubles qu’herita : s.

Pour l’explication de cet Aiticle il est utile de discuter ces questions : Si les freres doivent demander cette reduction dans l’an et jour de la mort du pere ou de leur majorité, comme en l’Article précedent : Si les rentes constituées sont comprises fous cet Article : Si les freres peuvent demander la reduction de ce qu’ils ont eux. mêmes promis ; Si cet Article, a lieu contre les filles reservées à partage ; Si l’on peut demander le rapport de l’or, argent, ou meubles qui ont été payez quand ils excedent la valeur du tiers : Et enfin. de quel temps il faut faire l’estimation pour parvenir à cette reduction

La Coûtume n’ayant point limité de temps dans lequel les freres soient tenus de demander ette reduction, comme elle a fait dans l’Article précedent pour la revocation des donations. d’héritages, il faut tenir qu’ils ont une exception pei petuelle pour se défendre du payement de ce que leur pere a promis, ce qui paroit par ce2 paroles ; ne seronu-tenus de payer. Elles marquent que les freres ne sont obligez de se défendre que quand ils sont attaquez, Loysel C’est la jurisprudence des Arrests : Loysel promit à sa fille en la mariant à Rufin deux cens cinquante livres, il en paya cinquante livres comptant, et pour les deux cens livres restants à promit de les payer dans deux fois six mois, et cependant qu’il en payeroit l’interest : son fils étant poursuivi pour les arrerages des quatorze livres de rente demanda la reduction des promesses de mariage ; on luy opposoit qu’il n’avoit point agi dans l’an et jour, et que cet Article ne pouvoit être entendu que des meubles et non des immeubles ; car il ne parle que d’or, d’argent, et de meubles : On avoit ordonné que l’estimation des biens du pere seroit faite eu égard au temps de la donation, la Sentence fut infirmée en ce cher, et il fut dit que l’estimation seroit faite felon la valeur au temps de la mort du pere. Au surplus on disoit qu’aprés l’an et jour les freres ne pouvoient plus revoquer la donation des héritages dont leurs seurs étoient en possession s’agissant de leur profit, et de lucro captando, ils doivent veiller et imputer à leur negligence s’ils laissent écouler le temps fatal ; mais quand il étoit dû quelque chose, soit meuble ou immeuble, les fteres ont une exception préparée, nam que temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum : Par Arrest, en la Chambre des Enquêtes, du Loysel 29 de Mars 1645. au Rapport de Mr de la Place, l’exception de Loysel fut jugée raisonnable.

Il y avoit eu un Arrest pareil, au Rapport de Mr Clement, du mois de Jaillet 1644. entre François de la Grange appelant, et Loüis le Normand intimé. Valeran de la Grange avoit promis au Normand pour le mariage de sa fille trois cens livres, pour le payement de cette somme l s’étoit obligé de l’acquitter de dix-huit livres de rente, ce qu’il ne fit point ; le Normand fut contraint de payer deux années d’arrerages échûës durant la vie de son beau-pere, et la troisième année étant échûë la veuve de Valeran de la Grange luy fit une obligation de cinquante-quatti divres : cette veuve étant arrétée pour cette somme François de la Grange son fils la cautionna, et peu de jours aprés il obtint des lettres de restitution contre ce cautionnement, et demanda la reduction de la dot comme excessive ; on le soûtint non recevable pour avoir en quelque sorte ratifié la donation par son cautionnement, il fut reçû neanmoins à faire réduire cette promiesse de mariage : ainsi il fut jugé qu’encore que les rentes soient immeubles il n’est pas necessaire de demander la reduction dans l’an et jour ; cela me semble sans difficulté, quand les rentes son dûës par la succession du pere, mais si le pere avoit cedé des rentes sur des particuliers pour le payement de la dot de sa fille, je penserois que ces rentes seroient de la même condition que les héritages, et qu’il seroit necessaire d’en demander la reduction dans l’an et jour, car alors le frere n’y viendroit point par exception, mais par action.

La reduction ne peut être demandée par les freres que pour les dons et promesses faites par E leurs peres, car ils ne peuvent venir contre leur propre fait, l’excez qui s’y rencontre n’étant s point considérable, ayant pû donner à leurs seurs plus qu’il ne leur appartenoit, ce qui a été jugé même contre un mineur. Un frere êtoit demandeur en récision contre une donation de sept mille livres, qu’il avoit faite à sa seur en la mariant, il se fondoit sur sa minorité, et offroit de la recevoir à partage : La soeur remontroit qu’elle avoit été mariée du consentement de sa mere et de ses parens, qui avoient estimé son mariage avenant, que le frere ne pouvoit avoir été trompé, ayant donné depuis six mille livres à une autre seur, qui étoit une condition beaucour meilleure, parce qu’elle avoit reçû cette somme ; au contraire il ne luy avoit été rien payéi et que cet Article s’entendoit des peres et non des freres : Par Arrest de l’ir d’Aoust 1612. le frere fut debouté de ses lettres de récision

Cet Arrest, à mon avis, ne peut être tiré en consequence ; on présumoit par le mariage que de frere avoit donné à son autre foeur, que la lesion dont il se plaignoit n’étoit pas considérable, et d’ailleurs le mariage avoit été arbitré par la mere et par les parens, cessant quoy l’on ne pourroit p refuser au mineur le benefice de restitution, sur tout offrant de recevoir sa seur à partage.

Cet Article qui reduit les donations au tiers de la valeur de la succession, tant en meubles e qu’héritages, n’a point lieu contre les filles reservées à partage, en ce cas elles ont une part égale. aux freres aux meubles et aux biens qui sont en bourgage : celles qui ont été mariées et payées de leur dot en argent ou autres meubles, sont pareillement à couvert de cette reduction, ce qui, est clair par les paroles de cet Article, s’ils ont promis or, argent ou meubles, qui soient encore dûsi lors de leur decez : Cette action donc ne peut être formée que pour ce qui reste dû au temps de et la mort du pere, et non point pour ce qui a été payé suivant l’Arrest cité par Berault Pour l’estimation elle doit être faite, ayant égard à la valeur des biens au temps de la mort du pere ; cet Article le décide assez expressément, en disant que la fille ne peut avoir, sinon jusqu’ào a concurrence du tiers de la succession ; ce mot ssuccession, marque que c’est aprés le decez du pere ou de la mere : c’est aussi la jurisprudence des Arrests, comme on l’apprend par celuy de Loysel Loysel rapporté cu-dessus. Autre Arrest du 4 de May 1665. au Rapport de Mr Brice, entre li Demoiselle de Tibermont et ses freres, par lequel il fut dit que l’estimation des biens seroit faite selon la valeur au temps de la mort du pere ; il fut aussi jugé que l’intervention de l’ayeul en la romesse du pere n’empeschoit point l’action des freres. Autre Arrest en la Chambre des Enqueles du 26 d’Aoust 1664. entre Boucher et les Religieuses Ursulines. Pour concilier ces Arrests avec l’Article precedent, il faut dire que pour l’estimation des héritages on considère le temps, de la donation, et pour les autres choses le temps de la mort du pere.