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DES FIEFS ET DROITS FEODAUX

EPUIS que les Fiefs ont fait une partie si considerable du bien des familles ; et qu’ils ont été réhaussez par tant de nobles prerogatives sur les terres roturieres, on a beaucoup étudié pour en découvrir lorigine.

Un tres-grand nombre de gens sçavans ont travaillé sur cette matière ; linvention en a paru si belle à quelques Auteurs ; qu’ils ont fait leurs efforts pour en attribuer la gloire à leur nation : au contraire d’autres Ecrivains les ont considérez comme des productions odieuses et défavorables, de lambition et de la tyrannie, les terres que chacun possedoit auparavant en pleine liberté ayant été reduites par ce moyen en une servitude rigoureuse et inconnuë dans le droit naturel On rencontreroit avec peine un autre sujet sur lequel les sentimens des Auteurs fussent plus partagez ; et chacun d’eux a beaucoup mieux reüssi à combattre lopinion des autres qu’à établir solidement la sienne.

Zazius Ces deux célebres Jurisconsultes, Lazius etBudée , qui ont rapporté lorigine des fiefs aux Patrons et Cliens de Iancienne Rome, n’ont pas eu Beaucoup de sectateurs. Il y a de l’apparence qu’étant fort amateurs de l’élegance et de la pureté de la langue Latine, ils embrasserent ce party pour pouvoir expliquer par ces termes de Patrons et de Gliens, ce que nous appelons Seigneurs et Vassaux. Mais il n’y a point de conformité entre les uns et les autres. Les Cliens n’étoient tenus envers leurs Patrons qu’à de certains devoirs de civilité, sans aucune obligation de les servir ou de les accompagner à la guerre, et les Patrons ne devoient qu’une protection D’autres Auteurs, ayant remarqué qu’Obertus de Orto etGerardus Niger , deux Praticiens. de Milan, ont été les premiers qui ont traité des fiefs, se sont persuadez que les Lombards s’en ont été les premiers inventeurs.

Pour détruire cette erreur il suffirn d’observer que ces deux Auteurs vivoient au temps de l’Empereur Frideric I. et qu’ils ne publierent leurs Livres qu’en l’an 1158. c’est à dire prés de 400 ans aprés que les Lombards eurent été détruits par Charlemagne, comme ditRadevicus , 2. c. 7. ainsi quoy que deux Lombards ayent été les premiers qui ont écrit des fiefs et ramassé les usages qui étoient gardez en ce temps-là dans la ville de Milan, et dans la Lombardie, il ne s’ensuit pas que cette invention des fiefs soit dûë aux Lombards. Au contraire cela est si peu véritable, que dans les loix mêmes des Lombards il n’y est fait aucune mention des fiefs, non plus que dans ces autres loix que Charlemagne et quelques-uns de ses successeurs y ont ajoûtées : ce qui a fait dire à MrCujas , qu’inepté id repetieris ex Longobardis ipsis et Gothis, quorum leges nihil habent palam, nec antiquissimum effe quisquam nobis persuaserit. Nisi liquido deduxerit ex moribus Romanorum.Cujac . de feud. l. 1. in princip

On pourroit avec beaucoup plus d’apparence attribuer la gloire de cet établissement des fiefs aux François, puisque les benefices étoient en usage en France, avant le regne des Lombards, qui ne passerent en Italie qu’environ l’an 573. car nous lisons dans Aimonius l. 1. c. 14 que Clovis ayant étendu les limites de son Royaume jusqu’aux fleuves de Seine et de Loire, lI donna le Château de Melun avec le Gouvernement du païs au Comte Aurelien jure beneficii, et dans tous les Auteurs qui ont vécu sous les Rois de la premiere et seconde Race, il est souvent fait mention de ces benefices, ausquels dans la suite des temps on a donné le nom de fiefs.

Mais un Auteur moderne a composé un Livre entier, pour prouver contre l’opinion universellement reçûé, que le benefice et le sief n’étoient pas la même chose, et que les fiefs tels qu’ils sont maintenant n’ont commencé que sous le regne de Hugues Capet ou peu auparavant, et que même le nom de fief n’a commencé que de ce temps-là, et qu’il étoit inconnu dans les siecles precedens, comme dit Mr le Le Févre de l’origine des fiefs.

Enfin on a cherché dans l’antiquité Romaine le premier plan, et les premiers crayons des fiefs. En effet ils ont beaucoup de conformité avec ces distributions de terres, que les Empereurs Romains faisoient à leurs : vieilles bandes, qu’ils laissoient pour la garde des Provinces frontieres, avec engagement de porter les armes pour le service de l’Etat, sans pouvoir être ossedées par des personnes privées, ce qu’ils appeloient predia militaria, et les Grecs MOTGREC.

Quoy que toutes ces opinions paroissent fort opposées, il ne sera pas mal-aisé de les concilier, pour peu que l’on penetre dans le véritable principe des fiefs, et que l’on considere qu’ils sont les enfans du temps, et qu’ils ont eu leur enfance, leur adolescence et leur âge parfait ; car en faisant ces reffexions on sera pleinement persuadé que tous les peuples qui ont fait du bruit. dans le monde, peuvent prendre part à la gloire de cette invention La guerre a ête sans doute la cause efficiente des fiefs, feudorum inventum peperit rei militaris necessitas,Spelman . in glos. y. feud. On la doit imputer à la seule ambition des Conquerans, et particulièrement à cette fatale inondation des peuples du Nord, qui changerent l’ordre naturel, et legitime de la proprieté et de la possession des biens ; chacun voulut. avoir part au butin, mais les chefs pour conserver leurs conquêtes et maintenir leur autorité, ne distribuerent les terres conquises à leurs troupes qu’à ces conditions de fidélité, de tribut, et de service militaire.

Ces distributions de terre ont donc été la matière qui a servi depuis à l’établissement des fiefs, et comme elle a été pratiquée par plusieurs Conquerans, il ne seroit pas raisonnable d’en attri-d buër la gloire à une feule nation. On pourroit dire que Dieu même en a donné le premien exemple par la donation qu’il fit au peuple d’Israel, de la terre de Canaan ; car non seulement il se reserva le commandement et la souveraineté, mais il imposa même à sa donation la loy de la Commise, en cas qu’ils abandonnassent le culte qu’il leur avoit ordonné, et il retint encore comme un droit Seigneurial, la dixme de tous les fruits, qu’il commanda d’être employée pour la subsistance de cette à ribu qu’il destinoit particulièrement à son service pour luy être une milice sacrée.

On ne peut encore douter que ces colonies Romaines, et ces distributions de gerres qui furent faites par Alexandre Severe, à ses gens de guerre, à oondition de garder les frontieres et de porter les armes, n’ayent été comme le premier plan de nos fiefs. Agros ab hostibus captos limitaneis donavit, ita ut eorum liberi militarent, nec unqaeam ad privatos redirent, credens attentius aeos militaturos effe, si defenderent jura sibi à principibus donata.

Les Empereurs Probus,Honorius , &Arcadius , et Valentinien en userent de même, Constantin I. 2. et 3. c. de fundis limitroph. Et depuis Constantin Porphyrogenete par sa Novelle de fundis militar. ordonna-même une peine contre ceux qui manqueroient à rendre le service militaire, où ils étoient obligez. Cette Novelle est rapportée par MrCujas , sur le premier Livre des fiefs, au commencement.

Quoy que Me Charles du Moulin ait considèré les fiefs, comme s’ils avoient êté dans leur origine, la même chose qu’ils sont maintenant, et qu’il ait confondu le benefice et le fief, neanmoins il ne laisse pas d’avoüer que ces possessions militaires des Romains avoient beaucoup de ressemblance avec nos fiefs ; predia militaria Romanorum quandam feudorum similitudinem habebant, Casaubon Vopiscus Praf. de feudis. Le sçavant Casaubon a eu la même pensée sur Vopiscus, en la Vie de l’Empereur Probus, efse quandam speciem feudi, vel potius initia quedam ejus juris, quod postea variè introductum, et feudorum appellatione designatum ; et quoy que le même du Moulin fasse tous ses efforts pour prouver l’institution des fiefs dés l’établissement de cette Monarchie, il y a neanmoins beaucoup d’apparence que ces benefices qui étoient en usage sous la première Race, et au commencement de la seconde, avoient moins de rapport avec nos fiefs tels qu’ils sont maintenant, qu’avec ces possessions militaires des Romains. La raison est que celles-cy passoient aux heritiers, comne font aujourd’huy nos fiefs ; mais les benefices dans leur origine ne s’accordoient qu’à vie, et le plus souvent même ils étoient revocables à la volonté du Prince, et ce qui est encore fort important, les possesseurs des benefices n’avoient point de vassaux, parce que le Souverain seur pouvoit infeoder.

Mais on objecte que tout ce qu’on allégue de l’antiquité Romaine et les exemples des Empereurs Romains, n’ont rien de commun avec nos fiefs, ni pour leur nom, ni pour leur substance.

On n’y fait point de mention de foy, d’hommage, de droit de retenuë, de commise, ni d’aueuns droits Seigneuriaux, et que ces delaissemens de terres faits par un Conquérant, un usur-ateur ou un bien-faicteur, ne doivent pas être considèrez comme des établissemens de fiefs.

Voyez l’Auteur du Franc-Aleu, Mr le Le Févre de l’origine des fiefs.

On satisfait à cette objection en distinguant les temps, et en separant ce que les siecles suivans ont ajoûté à cette premiere institution ; que si ces Auteurs prétendent que la foy, l’hom-mage, la commise, les droits Seigneuriaux, et toutes les autres qualitez feodales, qui composent maintenant le fief, y fussent attachées dés sa premiere institution, ils n’ont pas dû en rapporter l’origine à la naissance de cette Monarchie, puisqu’il est certain qu’il y avoit une tres-grande différence entre le benefice et le fief, tant pour le nom que pour la chose même.

Il seroit mal-aisé d’expliquer cette difference, et de marquer précisément le temps et la. manière, par laquelle ces changemens sont arrivez, sans la connoissance de l’histoire ; les sentimens de nos Auteurs sont fort differens sur pe sujet. Tous nos Jurisconsultes François esti-nent que le benefice et le fief sont la même chose, que les fiefs depuis leur établissement n’ont reçû, quant à leur nature et à leurs qualitez essentielles, d’autre changement que d’avoit été rendus dans la suite des temps patrimoniaux et hereditaires, au lieu qu’auparavant ils n’étoient concedez que pour un temps, ou pour le plus à vie, la seigneurie directe demeurant toûjours au Prince, et pouvant être revoquez à sa volonté, et qu’au surplus toutes les qualitez qui en composent aujourd’huy l’essence et la dignité, y étoient attachées dés leur premiere institution.

Au contraire quelques Auteurs modernes ont entrepris de prouver que les fiefs n’ont commencé que sous le regne de Hugues Capet, ou peu auparavant, et que ce fut sous Charles le Simple qu’ils furent rendus hereditaires ; qu’auparavant le Prince seul donnoit les benefices, et que ceux qui les possedoient n’avoient point le pouvoir d’infeoder ni de s’acquerir des vassaux ux mêmes conditions qu’ils tenoient leurs benefices, c’est à dire de les servir à la guerre, qu’ils n’étoient, point enrichis de tous ces droits, que l’on tient aujourd’huy en être inseparables, et qu’enfin le mot même du fief étoit encore inconnu.

Voila trois points de l’antiquité Françoise fort curieux et fort difficiles ; le premier, touchant re mot de fief, et le temps auquel on a commencé d’appeler de ce nom les benefices ; le second, pour le changement des benefices en des proprietez hereditaires ; et le troisiéme, si dés le regne de Hugues Capet, ou de Charles le Simple, les possesseurs des benefices pouvoient infeoder et s’acquerir des vassaux, à la charge d’un service militaire, d’en faire la foy et hommage, de comber en commise, et de payer ces droits feodaux qui sont maintenant en usage.

Cependant comme tout ce qu’on met en avant de Charles le Simple, et toutes ces usurpations et ces innovations que l’on prétend avoir été faites fous le regne de Hugues Capet, ne font aucune preuve, et ne sont d’aucune consideration pour la Normandie, je rechercheray particulierement l’origine et l’établissement des fiefs en cette Province.

Quelques-uns estiment que ce mot Beneficium, que nos Auteurs emprunterent des Latins. pour exgtimer cette recompense que les premiers Rois de cette Monarchie donnerent à leurs gens de guerre, étoit employé par les Romains en cette même signification, Tertulliens ’en est servi dans ce sens contre Hermogenes. Tribus modis aliena sumuntur, jure, beneficio, impetu, lominio, precario, vi, dominio non suppetente. Mr Bignon en ses sur Notes sur Marculphe, l. 2. c. 5. dit qu’en ce lieu-là Beneficium, vouloit dire, ce qu’en droit on appelle precaire, quand quelqu’un en donnant son héritage à l’Eglise, en retenoit la joüissance, inde Beneficii nomine ea pradia dicta sunt, que pro servitio militari à Rege vel ab aliis conceduntur, que feudum posteritas dixit, initio namque vitâ accipientes finiebantur, et certis ex causis reLocari poterant.Dominici , de prarog alod. c. 8. ajoûte que penes Romanos militum beneficiariorum frequens mentio occurrit : Erant enim apud ipsos quedam in usu beneficia, in quibus sieut in nostris jusjurandum fidelitatis erga Dominos desidérabatur, ce qu’il confirme par un passage deS. Augustin . Augustin, notum est dilectissimi charitati vestre, quod milites seculi beneficia temporalia à Dominis accepturi, prius militaribus sacris obligantur, & Dominis suis fidem se servaturos profitentur. Il est vray que suivant le sentiment de ce même Auteur, ces benefices dont joüissoient les soldats Romains étoient beaucoup differens des benefices de France

Suivant le sentiment de Mr le lévre en son Traité des fiefs, ce terme de fief n’a commencé d’être en usage, au lieu de celuy de benefice, que sous le regne de Hugues Capet, ou peu auparavant. En effet on no le trouve en aucun Auteur qui ait precedé ce siecle-là. Il n’est pas le premier qui ait fait cette remarque. Benedicti avoit dit la même chose, que contractus feudalis ante librum feudorum fuerat encognitus, saltem in suo nomine, cum antea vocarentur predia stipendiaria, sic dicta quia militibus pro stipendiis dabantur.Bened . verb. & uxorem nomine Adelasiam ne 524. Ce sont les tropres termes de cet Auteur

Marcardus Freherus Ercherus en ses Notes sur une certaine Constitution qu’il avoit publiée, dont je parleray incontinent, a écrit qu’il avoit crû jusques alors que ce mot de fief, étoit né sous l’Empereur Frederic environ l an 1152. avec les Usages et les Coûtumes des fiefs, parce qu’ayant lû une infinité de Constitutions Imperiales, d’anciens monumens, d’Annales et d’Histoires, il ne l’avoit trouvé en aucun lieu.

Nos Historiens de Normandie qui ont écrit en Latin la vie de nos Ducs, se servent toûours du terme de benefice.Dudo , Doyen de S. Quentin, parlant de ce qui se passa à Roüen lors que Loüis Roy de France retenoit par force dans la ville de Roüen, le petit Duc Richard I. dit qu’un François demanda au Roy, qu’il leur donnât les fiefs des Normans, ut lar-ciretur illorum beneficia. lib. 3. Et dans le même Livre il est fait mention que le même Richard I. onna de grandes terres à quelques Normans qui s’étoient convertis à la Foy Chrétienne, tribuit amplissima beneficia quibus morarentur in pace. Guillaume de Jumieges recitant la revolte de Guillaume de Belesme contre Robert I. dit que ce Prince le fut assieger dans le Château d’Alencon qu’il tenoit en fief de luy, quod jure beneficii tenebat. l. 6. c. 4. Et dans le Chap. 7 du même Livre, Guillaume le Conquérant donna à Guillaume d’Arques la Comté de Taloge, obtentu beneficii, ut inde illi existeret fidelis

Depuis même que le mot de fief commença d’être usité, on ne laissa pas de se servir encore de celuy de benefice ; ce qui fut cause d’une grande querelle entre l’Empereur Friderie I. et le. Car ce Pape Adrien ayant écrit à l’Empereur en ces termes, se illius erga se beneficii non oenitere, comme ce mot signifioit en ce temps ce qu’on appeloit fief, lEmpereur en fut. fort choqué, parcequ’il crût que le Pape s’attribuoit le pouvoir de donner l’Empire, quasi Papa Germanicum Imperium suum esse statueret, atque Imperatorem illo feudali beneficio affectum effe. Sur quoy il écrivit fort aigrement au Pape, qu’il en avoit menti, et en suite il luy declara la guerres mais le Pape appaisa sa colete en expliquant son intention, Otho Frinsting Frinsting. l. 1. c. 9. 10. et 22.

On ne trouve rien qui soit contraire à cette opinion, que deux constitutions, l’une de l’Empereur Lothaire, l’autre que l’on prétend être de Charles le Gros : et dans ces deux constitu-tions le mot de fief se trouve employé,

On ne doute point que : celle de Lothaire ne soit véritable, mais comme il y a eu plusieurs Empereurs de ce nom, on ane convient pas de l’Auteur de cette Constitution. Me Charles duMoulin , qui en à fait son prinéipal fondement, pour prouver l’antiquité des fiefs, et pour ersuader que les François en ont été les véritables auteurs ; l’attribue à Lothaire I. et ce qui l’a engagé dans ce sentiment est qu’, rapportant la loy, siquis miles Obertus de Orto usibus feud. dit que la Constitution de feudi non alien. a été faite du temps du Pape Eugene Il. Or il n’y a oint d’autre Empereur Lothaire fous le Pape Eugene Il. que Lothaire I. Mais MrCujas , et aprés luy Mr leLe Févre , prouvent par plusieurs raisons, que cette Constitution ne peut être de Lothaire I. mais de Lothaire Il. ou de Lothaire III. comme Mr Cujas l’a crû, et que le nom d’Eugene a été employé par erreur, et qu’en effet son inom ne se trouve point dans les anciennes Pancartes. Voyez le Le Févre des Fiefs. l. 1. c.. 5.

Pour l’autre Constitution non seulement, l’on ne convient pas qu’elle foit de Charles le Gros, on prétend même qu’elle est supposée. Frcherus qui l’a publiée, et qui a fait des Notes sur cette piece, avouë qu’elle luy est fort suspecte pour plusieurs raisons, et sur tout pour y avoit trouvé ce mot de fief, dont on ne s’étoit pas servi une seule fois dans les Constitutions qui avoient Velserus été faites par les Empereurs qui avoient porté le nom de Charles ; mais Velserus son amy qui la luy avoit envoyée, l’ayant assuré que l’Original en êtoit en bonne forme, il la croyoit veriable. Subdubitantem me de veritate illius Constitutionis, & cum ob alia tum ob feudi vocem, quam equi dem tam antiquam esse absque hoc non credidissem, in suspicionem falsi, aut saltem interpolationis Velserus diploma vocantem, Velserus authoritate sua confirmavit, &c.

Mr le Le Févre en découvre la supposition par plusieurs moyens, et notamment par la datte qu’elle porte, qui est de l’an 770. Et neanmoins Freherus demeure d’accord que Charles le Gros, ne parvint à l’Empire qu’en l’an 881. Il est encore dit que cette Constitution fut expediée l’an 22. du regné de celuy qui l’a faite, et toutefois Charles le Gros ne regna que huit ans ou environ, Mr Charles du Moulin en sa Preface, sur le titre des Fiefs la Coûtume de Paris ; a écrit ces paroles, que Etiamnum extant vestigia feudoram antiquorum ad onus armigeroram et equorum militavium concessorum, et ipse, dit-il, vidi’antiqua instrumenta donationis feudorum facta per Childebertum, primum filium Clodovei, Francorum Regem, Monacterio S. Germani Pratensis, ante Justiniani tempora, Ou Du Moulin s’étant servi du mot de fief, on auroit pû croire qu’il l’auroit lû dans cos anciens monumens qu’il avoit vûs ; et particulierement dans cette Donation de Childebert ; mais ce que Mr le Le Févre reproche à nos Jurisconsultes, qu’ils n’ont pas fait assez de reflexion sur la difference benefice et fief ; me paroit véritable en cette rencontre. Car du Moulin ayant assuré qu’il avoit lû antiqua inctrumenta feudorum, on devoit croire apparemment que le mot de feudum Godefroy y êtoit employé, et nôtre Commentateur Codefroy sur l’autorité de du Moulin a allégué ce passage pour un argument l’antiquité des fiefs, cependant le contraire paroit par Aimonius, qui est cité par Me RenéChopin , sur la Coûtume de Paris, t. 2. n. 1. Il est vray que Childebert fenda l’Abbaye de S. Vincent, qui est maintenaut celle de S. Germain des Prez, et voicy les termes de la Donation, tirez d’Aimonius , concedimus fiscum largitatis nostre, qui vocatur Issiacus, qui est in agro Parisiorum unâ cum omnibus qui ibi aspiciuntur. Cette Donation est la même que avoit vûë, et Chopin comme luy se sont servis du Moulin mot de fief, comme s’il eût été employé dans l’Original, n’ayant point de différence entre feudum & fiscus, qui est le terme d’Aimonius .

Il est donc certain que le mot de fief ne se trouve point dans cette Donation, mais celuy de fiscus ; de sorte que bien loin que ce passage prouve l’antiquité du mot de fief, on en tire une preuve contraire, puisqu’on connoissoit si peu le mot de fief, que pour exprimer ce que nous appelons maintenant de ce nom, on se servoit de celuy de fiscus. M Bignon en ses Notes sur sur Marculphe, qui vivoit au temps du Roy Dagobert, expliquant ces paroles super proprietate, aut super fisco, qui se lisent dans le Livre 1. c. 2. dit qu’en cet endroit bona fisci, aut fiscalia vocavere beneficia, que à Rege ut plurimum postea etiam ab aliis concedebantur, ut certis legibus & servitiis obnoxia cum vitâ accipientis finirentur. Suivant la pensée de Mr Bignon fiscus, fiscalia, et beneficia étoient la même chose : ce qui marque assurément que l’on ne connoissoit point lors le mot de feudum, puisque l’on ne s’en servoit point.

vetrus Dominici n’est pas du sentiment de MBignon , de Prarog. Alod. c. 8. Il estime que fiscus, & bona fiscalia, n’étoient point la même chose que les benefices, et qu’en France, et particulierement sous la première Race de nos Rois, il y avoit trois. sortes de biens. Nos Rois avoient comme les Empereurs Romains fundos patrimoniales, leurs fonds patrimoniaux qu’ils donnoient en Emphyteose sous de certaines pensions, et ceux qui les prenoient sont appellez par les Ecrivains de ce siecle-là, Coloni fiscales, et Coloni Regii, qui et. Mansorii diountur apud Marculplium l. 2. Et ils étoient de condition différente, les uns libres, et les au-tres serfs. Les Rois mêmes donnoient quelquefois des héritages en proprieté. On trouve dans Marculphe la confirmation de biens fiscaux qui avoient êté donnez en proprieté ; voicy les termes ; ut ipse et posteriores ejus eam teneant & possideant, et cui voluerint ad possidendum relinquant, vel quidquid exinde facere voluerint ex nostro permissu libero perfruantur arbitrio.

Les autres enfin n’étoient que de simples benefices qu’ils accordoient à leurs géns de guerre, ou à vie, ou pour un temps limité. Et les particuliers avoient outre les benefices à temps, les biens alodiaux qu’ils possedoient optimo jure, parce qu’ils leur appartenoient en proprieté et heredité. Mr le Eévre a suivi l’opinion de MrBignon , j’en parleray encore ailleurs Quoy qu’il en soit, on ne trouve en aucun lieu, qui ne soit point suspect, le mot de fief, vant Hugues Capet, ou pour le plus, avant le regne de Charles le Simple.Petrus Dominici , cap. 15. de prarog. Alud. qui a écrit avant Mr leLe Févre , trompé par cette Constitution de Charles le Gros, à crû que c’est un mot Allemand qui commença de paroître, fous cet Empereur ; fautorité de cette Constitution néanmoins ne lauroit pas persuadé, et même il l’au-roit accusée de faux, s’il n’avoit remarqué que dans les temps suivans on s’étoit servi de ce mot, pour cet effet il cite une vieille Charte de l’Eglise de Tulle, qua Ademarus Vicecomes, qui vixit : emporibus Odonis, et Caroli simplicis, multa huic Ecclesiae in redemptionem peccaminum confert bona, ex quibus est primum omnium Scalas Castrum meum, cum omni Castellania, et cum universis feudalibus. Il prouve aussi que l’on s’en servoit sous le Roy Raoul, par une donation incienne, qui lui a été communiquée par Mr Justel, où il est fait mention de feudalibus militaribus, à quoy il ajoûte le testament d’un certain Ranulphe sous le Roy Lothaire, ubi ita legi-tur, illo fevo Lemanico. Et dans une donation de ce même Ranulphe, et fevum quem bellus homo tenet in Verneto. Et c’est aussi dans ce même temps que Dominici croit que les droits et devoirs Seigneuriaux ont pris leur origine.

Il y a beaucoup d’apparence que ce mot a eu cours dans le même temps que l’on a commencé à posseder les benefices en heredité et proprieté, et comme ceux qui s’en rendirent les maîtres absolus, commencerent à exiger de leurs vassaux le serment de fidelité, qui se faisoit auparavant au Souverain seul, ils appellerent ces benefices fé, ou fié, à cause de la fé, c’est ùà dire de la foy, qu’on étoit obligé de leur garder. Car dans l’ancien langage, on disoit fe pour foy. Et en effet dans la Coûtume Normande d’Angleterre, où le langage de nos peres s’est conservé, le mot de fe y est emplovyé pour celuy de fief. Et c’est aussi l’opinion de nos plus célèbres Auteurs. Vers la fin de la Race de Charlemagne, et au commencement de celle de Capet, on disoit Fe, et on Latin Fevum. Dans les anciens Manuscrits que Brodeau a vûs, le mot de fief est écrit en cette sorte, Fié, sans F, ni D, à la fin, et au pluriel, Fies ; ce qui montre que son origine est Françoise, et non pas Allemande, comme Dominici l’a crû, ibid. On ne peut mieux prouver que ce mot vient de foy, que par la definition que nôtre Coûtume en fait. L’héritage noble est celuy, à cause duquel le vassal doit foy et hommage. C’est aussi le sentiment de Cujas in Proëm. feud. vel eo maximè quod hi qui rem à Domino jure feudi tenent, dicuntur Leudes, sive Leodes, quod est Francorum linguâ, ses Leaux, ou Loyaux. Hottoman avec quelques autres le font venir du mot Allemand feeld, qui signifie, guerre ; D’autres du mot Feod, Saxon, qui signifie la montre et la paye des Soldats, stipendium. Mais à mon avis si cela êtoit, comme les benefices se donnoient au commencement aux gens de guerre pour leur subsistance, on les auroit appellez feod, plûtost que benefices

Le temps où l’heredité et la proprieté des fiefs a commencé n’est pas moins incertain : la luspart de ceux qui ont traité cette matière veulent que c’ait été dés le temps de Loüis le Debonnaire, se persuadans qu’il étoit aisé d’obtenir de ce Prince tout ce qu’on en vouloit : et ils confirment leur sentiment par le témoignage de Thegan dans la vie de ce Prince, in tantum largus, ut antea nec in libris antiquis, nec in modernis authoribus auditum est, ut villas Regias, que erant sui, et avi, et tritavi fidelibus suis tradiderit eas in possessiones sempiternas.

MrBignon , ad form. Marcul. l. 2. c. 5. à repris le PresidentFauchet , pour avoir interpreté ce passage, des Benefices contre l’intention de l’Auteur, et d’avoir fait décendre de-là. l’heredité et la proprieté des fiefs dans ses antiquitez lib. 7. c. 18. Ces métairies et ces maisons Royales, dont ce Prince faisoit tant de largesses, étoient ses biens patrimoniaux, non oint des benefices. C’est aussi la pensée de l’Auteur du Franc-Aleu. Cependant Dadin de Haute-Serre, de orig. fudi c. 2. l’a entendu comme le PresidentFauchet , et dit que depuis ce temps-là les benefices passerent aux enfans. Mais on ne peut appliquer le texte de Thegan aux benefices ; il est certain que du temps de Loüis le Debonnaire, c’étoit une recom-ense, que l’on demandoit souvent au Roy, de convertir le benefice en propre in alodem, Dominici p. 98. et 97. de Prarog. Alod. Dadin rapporte un autre passage tiré de l’Historien

Nitard , où l’on voit que Bernard, Duc de Languedoc, envoya son fils Guillaume vers l’Empereur Charles le Chauve, afin qu’il accordat à son fils les honneurs qu’il possedoit en Bour-gogne ; mais cela ne se faisoit encore que pour les enfans. C’est pourquoyDominici , et Mr leLe Févre , ne font commencer cette héredité generale, et la proprieté irrevocable, que sous Charles le Simple ; et elle reçût la derniere main sous Hugues Capet, et principaement pour les Duchez et Comtez, qui de simples Gouvernemens qu’ils étoient auparavant, devinrent des espèces de Souverainetez, ces Ducs et ces Comtes en ayant usurpé toutes les Le Févre marques. Les preuves en sont rapportées parDadin de Haute Serre , Dominici et le Févres Joannes Faber sur l’Auth. ingressi C. de sacros. Eccl. est aussi de ce sentiment.

Cette héredité ne s’établit pas si-tost en Allemagne, car suivant la Constitution de Conrard le Salique, dont lEmpire ne commença que cinquante-huit ans devant Hugues Capet, qui commença de régner en l’an 988. les petits enfans et les freres eurent droit de succeder aux fiefs, ce qui montre que la proprieté ou l’heredité n’en étoit point encore établie.

Ce changement de la joüissance en proprieté ne se fit pas tout d’un coup, mais en divers temps et en différentes manières ; tantost par la tolèrance du Prince Souverain ; tantost à cause de l’autorité et du mérite de ceux qui les possedoient ; le Roy ne jugeant pas à propos d’éloigner de son service un homme de Commandement, en s’opposant ouvertement à la joüissance de pere en fils, d’un même benefice, ou même n’osant pas mécontenter quelque grand Seigneur Et quelquefois aussi par l’entreprise des Seigneurs particuliers qui s’emparoient des benefices qui étoient à leur bien-seance, et les rendoient héreditaires à leur postérité ; ce qu’ils faisoient assez souvent pour les Abbaves, dont les Rois mêmes ne pouvoient empescher l’usurpation.

On. trouve dans l’Histoite des exemples de toutes ces choses. Nitard au lieu que je viens de citer, raconte la cause et la maniere que la concession fut faite à Bernard, Gouverneur de Languedoc, aprés la baraille de Fonteney en Champagne, qui fut gagnée par Charles le Chauve.

Ce Gouverneur envoya vers luy Guillaume, son fils ; ut se et commendaret in fidem, et hominium tosssgret, dum et honores et beneficia, que pater in Burgundiâ habuit, transscriberet. Voicy les parbles de Nitard ; Bernardus Dux Septimaniae, quamquam à loco prelii plus minus tres leucas defuerit, neutri in hoc negotio supplementum fuit ; victoriam autem ut Caroli esse didicit, filium suum Villelmum ad eum direxit, et si honores quos in Burgundia habuit ei donare vellet, ut se illi commenaret precepit. Cette concession apparemment ne fut pas trop volontaire de la part de Charles. ernard avoit attendu l’évenement du combat, sans s’avancer au secours du Roy ; cependant quand il le sçût victorieux il renvoya vers luy son fils, pour luy demander la confirmation des honneurs, c’est à dire des benefices qu’il avoit en Bourgogne, et en ce faisant il ordonna à son fils de se mettre à son service. Le Roy n’osa le luy refuser, quoy qu’il ne l’esr pas mérité, pour ne mécontenter pas un homme de cette importance. Il faut observer que ce mot Honneurs est ynonyme avec Benefices. On l’apprend des Capitulaires de Charles le Chauve, apud Atiniacum c. 4. et ad Francos et Aquitanos per Hinemarum.

Rheginon Le Comte Uto en usa plus respectueusement, voicy comme Rhegino. 2. Chron. s’en explique, Miraeus an no Dominicae Incarnâtionis 949. Uto Comes obiit, qui permissu Regis quidquid beneficii aut praefecturaram habuit, quasi hareditatem inter filios divisit. Dans Miraus Norit. Eccl. Belg. c. 32. on voit une Concession de l’Empereur Lothaire I. de l’an 841. qui montre que dés le temps de ces Empereur, on donnoit les benefices en proprieté. Et comme elle est fort expresse et fort notable, j’en rapporteray les termes. Quid. Hubertus Abbas nostram deprecatur magnitudinem ut cuidam fideli Comiti Palatii nostri, Ansfrido nomine, aliquantum ex rebus juris nostri, beneficiario destinet, ad proprium concederemus, ac per praceptum largiremur, cujus precibus libenter acquiescentes, Cc. et ad proprium tribuimus, &c. Cette Constitution se trouve aussi dans Dominici c. 11.

Ces exemples sont de personnes qui tenoient des benefices du Roy ; en voicy un pour les particuliers. Odon de Clugny dans la vie du Comte Gérault, qui vivoit sous Charles le Simple, a écrit en sa loüange, non patiebatur ut quilibet senior à suo vasso beneficia pro qualibet animi commotione posset auferre : Cet. exemple merite quelque reflexion. Il nous apprend que du temps de Charles le Simple, les Seigneurs particuliers pouvoient encore déposseder leurs vasaux à leur volonté, même par un pur emportement ou par caprice, ce qui prouve que l’he-redité n’a été parfaitement établie que sur la fin de la seconde Race, ruente fecundâ stirpe.

Si nous voulons apprendre l’histoire de l’origine et de l’établissement des fiefs de Norman die, ce ne sera pas assez de sçavoir par quelle manière en France les benefices ont été convertis en fiefs, et comment ils sont devenus patrimoniaux et héreditaires ; Car les Normans n’êtans pas alors sous la domination des Rois de France, la foiblessé des derniers Princes de la seconde Race, ni la patience politique de Hugues Capet, ne peuvent avoir servi de pretexte et d’occasion aux Normans, pour changer l’ordre qui étoit établi dans cette Province. Il faut donc nécessairement que les choses se soient passées en Normandie d’une autre manière qu’en France, puisque les Normans ne peuvent avoir usurpé lheredité de leurs fiefs, au préjudice de leurs Ducs, qui n’êtoient pas des Princes foibles ; ni pareillement le pouvoir d’infeoder et de s’acquerir des vassaux, qui fussent obligez à des services militaires, et à ces autres sujetions, qui sont des fuites presque inseparables du vasselage.

Pour s’en éclaircir avec quelque certitude, on doit remarquer que quand Raoul fut devenu le maître de la Normandie, il la partagea en deux manieres : premièrement il en recompensa dargement ses braves Normans, et leur donna les plus belles possessions : mais comme ils n’éoient pas en assez grand nombre pour repeupler cette grande étenduë de païs, ce sage Prince pour rendre sa Province habitée, rappella les fugitifs, et les conserva en la possession de leurs ertes, securitatem omnibus gentibus in sua terra mainere cupientibus fecit, universamque diu deserre tam readificavit, atque de suis militibus advenisque refertam restituit. En effet plusieurs Seigneurs de France et de Bretagne vinrent s’établir en Normandie, comme les Belesmes, dont l’Heridiere fut mariée à Roger de Mongommeri, et les Gerois, ex nobili Francorum, et Britonum amilia, dit Guillaume deJumieges , l. 7. c. 11. dont la postérité posseda les Bourgs de Monn-terius et d’Echaufour, par la liberalité de Richard Il.

Or comme en ce même temps dans le Royaume de France les fiefs commençoient à devenir patrimoniaux et héreditaires, il ne faut pas douter qu’entre ces Neustriens, qui furent con-ervez en la possession de leurs terres, il n’y en eût plusieurs qui avoient déja obtenu ou usuré l’heredité de leurs fiefs, en laquelle ils ne furent point troublez par Raoul.

Pour les Normans, il n’y a pas d’apparence que les terres qui leur tomberent en partage, ne leur fussent accordées qu’à vie ; cette recompense n’eût pas été proportionnée à leurs services, et Raoul qu’à peine ils reconnoissoient pour leur Chef, comme il parût par la réponse qu’ils firent à-Hasting, n’auroit pas eu assez d’autorité pour les forcer à se contenter de si peu de chose : Aussi quand nos Historiens parlent de cette distribution, ils disent que Raoul ayant obtenu la Normandie en proprieté et hérédité perpétuelle, in fundum et alodum sempiternum, il en fit aussi-tost la distribution et le partage à ses gens de guerre, illam terram suis fidelibus funiculo divisit, universamque, &c.Dudo , l. 2

e confirmeray cette proprieté par deux preuves, qui ne laisseront plus lieu d’en douters les Normans devinrent si bien les proprietaires des terres qui leur furent delaissées, qu’ils leur imposerent leurs noms qu’elles portent encore aujourd’huy, ou bien ils prirassua qualité de leurs terres, ou peut-être ils firent lun et lautre. Ils possedoient encore plussesirs reigneuries avec le titre de Comté : Nous connoissons encore aujourd’huy les terres de Beaunont, de Toni, de l’Aigle, d’Arques, de Harcour, de Mongommeri, de Btione, de Torf, et une infinité d’autres ; et il est fait souvent mention dans l’Histoire des premiers Ducs, des Comtez de Mortain, d’Eu, Dieme, de Monfort, et autres : Or il n’est pas vray-semblable qu’ils en eussent usé de cette manière, si leur possession eût dû finir avec leur vie.

Guillaume le Conquérant imita l’exemple de Raoul, aprés la conquête de l’Angleterre : Il distribua à ses Normans qui lavoient suivi, les Comtez et les plus grandes Seigneuries, en pure proprieté ; ce qui est si véritable, que plusieurs de leurs décendans les possedent encore aujourd’huy. Du Chesne Chesne en son Historiens, a ajoûté un Catalogue, qui fut fait du temps Guillaume, et qui a été tiré Archives la Tour Appendice des Historiens de Normandie Lon-dres, qui contient le nom des Gentilshommes Normans, qui passerent la Mer avec leur Duc, et les noms des Comtez et des terres qui leur furent données pour recompense de leurs services. Or il ne faut pas de meilleure preuve de la concession de la proprieté que cette lon-gue possession, que leurs successeurs en ont continuée durant tant de siecles.

L’autre preuve est fondée sur fautorité de l’ancienne Coûtume. Il ne nous reste rien de plus ancien touchant les Usages et les Coûtumes primitives des Normâs, que ce qui s’en est conservé parmy les Anglois, et qui a été recueilli parLithleton . Cet Auteur a écrit que l’on peut tenir un héritage. en leux manieres, en fée simple, et en fée taille. Tenant en fée simple, est celuy qui a des terres à tener à luy et à ses heyres à’toûjours, et est appelé en Latin feodum simplex, quia feudum idem est quod hereditas, et implex idem eit quod legitimum & purum. Il est si véritable que les fiefs appartenoient en proprieté et heredité, que suivant cet Auteur fief et heredité, sont la même chose ; et un fief simple est une heredité, qui appartient à quelqu’un legitimement et purement ; et dans nôtre ancien Coûtumier, le mot de fief est souvent employé pour signifier une succession et une heredité Le fée à taille, est ce qui est donné conditionnellement, et à certaines personnes ; mais cet Auteur remarque qu’avant le Statut de Westmontier, qui fut fait sous Edoüard I. toutes en héritances fueront en fée simple ; et depuis Edoüard on fit diverses sortes de ces fées à taille, les uns tenans â terme de vie, les autres â termes d’ans, les autres à volonté On peut induire de ce Texte, que le mot de fief n’étoit pas propre et particulier à cette espece de biens, que l’on appelle nobles, et que l’on s’en servoitandifferemment, pour tous les piens que l’on possedoit en proprieté, soit nobles ou roturiers, et nous en trouvons encore plusieurs exemples dans la Coûtume, qui a été commentée par le Roüillé et Terrien Terrien On peut dire aprés cela que nos fiefs ont été établis à limitation des possessions militaires des Romains, qui se donnoient en proprieté, et qu’ils ont cet avantage sur les fiefs de le France, qu’ils ne sont point devenus hereditaires et patrimoniaux par usurpation, mais qu’ils létoient dans leur principe et dés leur premier établissement.

Dans l’Italie et dans l’Allemagne ils n’ont obtenu cet avantage qu’avec le temps ; au commencement la concession en étoit precaire, et à la volonté du Prince ou du Seigneur. En suite il ne fut permis de revoquer le benefice qu’aprés un an. Aprés on le donna à vie, on le fit passer depuis aux enfans, aux petits enfans, et à tous ceux du nom, et enfin ils tomberent dans un commerce libre comme tous les autres biens, lib. 1. de feud

Le droit de proprieté emporta aisément avec soy le pouvoir et la liberté d’infeoder. Sur ce point Mr le Le Févre s’est fort éloigné de l’opinion commune ; Il a taché de prouver que le Prince seul avoit le pouvoir de donner les benefices, et qu’on ne trouve point dans aucun Auteur ancien, qui ait vécu sous la première et seconde Race, que l’on ait attribué la donation des benefices ou fiefs à d’autres qu’au Prince Souverain. Ce qui se pratiquoit aussi ( à ce qu’il prétend ) parmy les Romains, et que l’usage contraire a apporté un grand préjudice à’Etat, puisque par ce moyen une grande partie des Sujets du Prince luy êtoit ôtée, comme il est prrivé plusieurs fois en France, suivant les exemples notables qu’il en rapporte ; et il a ramassé plusieurs passages pour prouver que sous la premiere et seconde Race, ces termes de assus et de vassallus, ne signifioient point une personne qui possedat en proprieté, ou en usufruit, un héritage en la mouvance d’un Seigneur particulier et qu’au contraire, vassus étoit une personne de qualité et de service, qui residoit en la Cour du Roy, et qui étoit ouvent envoyée dans les Provinces pour y administrer la Justice, ou pour y exercer d’autres commissions qui importoient au bien de l’Etat. Il donne aussi à ces mots de Senior et de Hsomines, une signification bien differente de celle qu’ils ont euë dans les siecles suivans ; voyez Mr leLe Févre , l. 2. c. 3. et suivans.

Mais toutes ces autoritez sont détruites par l’histoire du Comte Giraut, dont j’ay parlé cy-devant, et par plusieurs autres passages : Ces vassaux que le Comte Giraut ne permetoit pas que l’on dépossedât, avoient necessairement des Seigneurs ausquels on le défendoit, et ces Seigneurs étoient aussi dans la dépendance de ce Comte, et sans doute son autorité sur eux roit grande, puisqu’il leur défendoit si hautement de chasser leurs vassaux, sans une cause lestime : Aussi il y a peu d’apparence que les grands Seigneurs de France n’eussent pas eu la diberté de se défaire d’une partie de leur Domaine, pour en recompenser leurs amis et leurs serviteurs : Et pour prouver que Senior se prenoit dans le même sens que nous luy donnons aujourd’huy, je rapporteray ce passage de Dudo en la vie de Richard I. Loüis Roy de France ayant appris que Richard Duc de Normandie s’étoit sauvé, il écrivit à Hugues le Grand, qu’il se vint trouver, en diligence, afin de l’assister comme son seigneur, ut eâ fide quâ contenatur Senior et miles venire festinaret. Or cet Historien vivoit en ce même temps, comme il nous l’apprend dans la Preface de son Histoire

Ces grands Seigneurs ne se contentoient pas d’avoir des vassaux, qu’ils engageoient indispensablement à leur service contre toutes personnes ; et ce desordre n’avoit pas cours seulement en France, mais aussi en Italie et en Allemagne. Ils débauchoient les sujets de leurs Princes tous pretexte de les proteger, comme nous lapprenons par les Constitutions que l’Empereur Fridéric fit pour son Royaume Sicile ; MatthausMatthaeus de Afflictis , qui les a commentées, dit qu’en ce Royaume les Gentilshommes, les Capitaines et les Barons, avoient outre leurs vassaux certains hommes attachez à eux, dont ils recevoient certains services, et ausquels ils donnoient protection, certos homines affidatos et recommendatos, à quibus solebant recipere certa encenia annuatim, pro eo quod prestabant illis favorem & defensionem. L’Empereur. Frideric fit une Constitution pour retrancher cet abus, ne liceat Baronibus, militibus, & nobilibus habere tales homines affidatos, quia Rex est omnibus tutissimum refugium.Matth. de Afflic . l. 3. rub. 7.

En France les grands Seigneurs n’en usoient pas avec plus de moderation, détachans du service du Roy ses propres vassaux, comme dit, dans la Vie Odo de Clugni S. Géraut, l. 1. c. 3. Reipublica Statu nimis turbato, regales vassos insolentiâ Marchionum sibi subjugarat.

Sur tout en France les Ecclesiastlques furent maltraitez en leurs biens ; Flodoard en rapporte uin exemple notable en son Histoire de Rheims, l. 3. Benard Comte de Tolose, n’ayant pû obtenir d’Hinemarus, Archevesque de Rheims, son parent ; qu’il luy cedât les biens que l’Eglise de Rheims possedoit dans l’Aquitaine, il ne fit point de scrupule de les donner en fief à ses gens de guerre, eas in beneficium suis hominibus dedit

Les Ecclesiastiques mêmes se donnerent la liberté d’infeoder leurs biens ; ce qu’ils faisoient en deux manieres : La première par des Contrats qu’ils appeloient precaires, qui étoient une espece d’Emphytheose. Et c’est ce qui a donné l’origine aux dixmes infeodées, comme Dominici l’a fort bien remarqué en son Traité de Prarog. Alod. c. 11. où il justifie la mémoire de Charles Martel, dont les Ecrivains Ecclesiastiques avoient noirci la reputation avec tant d’injustice, en l’aceusant d’avoir usurpé les dixmes

L’autre manière d’infeodation pratiquée par les Ecclesiastiques, étoit de les donner en benefices : Un Rodolphe, Abbé de Figeac, donna à un Officier de guerre, neveu de l’Evesque de Rhodés, soixante Eglises, cum quingentis mansis, eâ conditione, ut fidem exhiberet de his, suis sumptibus si opus foret, cum trecentis hominibus pro ejus causâ militarent. La Charte de cette Donation est du temps du Roy Lothaire ; que si les Ecclesiastiques dés le temps de ce Prince prenoient la liberté d’infeoder, et de s’acquerir des vassaux, aux conditions de les servir même en guerre, il n’est pas difficile à croire que les Seigneurs Laiques, qui en avoient encore plus de besoin, ne le faisoient pas moins qu’eux.

Ce ne fut pas néanmoins la foiblesse de Fugues, où des Rois precedens, qui causa tout le vesordre, ou qui donna la liberté aux Seigneurs d’infeoder leurs benefices ; on en faisoit autant en Italie et en Allemagne, et cela même est appreuvé par le Livre des fiefs ; car dans le premier titre du premier Livre on propose ceux qui peuvent donner en fief, et ceux qui sont capables de de posseder. dui feudum dure possunt, vel non, et qualiter acquiratur : et ceux qui recevoient ces infeodations étoient qualifiez differemment, selon la dignité des personnes qui bailloient en ief. Ceux qui devenoient vassaux des plus grands Seigneurs, qu’ils appeloient Capitaneos reoni, et Regis, étoient appelez V’alvussores majores, et les vassaux de ces grands vassaux, lalvassores Zazius minores, et les vassaux de ces derniers, Valvassores minimi, vel Valvassini. zazius de feud. par. 3. qui feud. dare poss. Eguinar. Eguiner. Baro ad Tit. c. 1. l. 1. de seud. Je sçay bien que la compilation des fiefs n’a été faite que plus r5o ans aprés Hugues Capet ; mais Obertus de Orto et Evardus.

Niger , ne donnoient pas ces Coûtumes comme nouvelles, mais comme tres-anciennes, jus antiquissimum.

Cette usurpation que l’on prétend avoir été faite par les Seigneurs de France sous Hugues Capet, et les Rois precedens, ne peut être imputée aux Normans ; parce que comme je l’ay déja remarqué, ce qui se passoit en France ne fait point de consequence pour la Normandie, où l’on vivoit alors sous l’autorité d’un autre Prince. Or comme les fiefs furent absolument atrimoniaux et hereditaires en cette Province dés leur premiere origine, il n’est pas difficile à croire que les possesseurs d’iceux eurent dés leur commencement une pleine liberté d’en user comme il leur plairoit, ou pour parler selon nôtre Coûtume, de s’en joüer à leur volonté Il est certain que la distribution des terres que les Ducs firent à leurs Officiers, ne consistoit pas seulement en la proprieté et en la joüissance des choses données ; mais elle leur acqueroi aussi l’autorité et le commandement sur tous ceux qui étoient dans l’etenduë de leurs fiefs ; ce qui rendoit ces grands Seigneurs si puissans, qu’avec leurs vassaux ils se trouvoient en état de Dudo faire la guerre à leur Prince. Un passage tiré de Dudù l. 3. nous confirme cette vérité : Riosf voulant se revolter contre Guillaume I. il proposa à ceux de son party, que pour affoiblit Guillaume, il luy falloit demander tout le païs qui êtoit entre Roüen et la rivière de Risle, et voicy son raisonnement, nos frequentia militum, si dederit, ditabimur, ille frustratus milite annullabitur.

On reconnoit par ce discours que Riout ne demandoit pas ces terres-là, pour en avoir simplement le revenu, son dessein étoit que tous les habitans devinssent ses vassaux, et qu’ils fussent obligez de prendre les armes en sa faveur, et de l’assister à la guerre contre leur Souverain.

Aussi l’Historien ajoûta que le Duc et son Conseil ayant reconnu l’artifice de Riout, il rejetta cette proposition.

Pour conclure ce discours on peut dire assurément, qu’en Normandie les fiefs n’ont reçû aucun changement considérable depuis leur premiere institution. Du Chesne Chesne en son Appendice les Historiens Historiens de Normandie, nous a donné des pieces qui en font une preuve certaine. On trouve deux Catalogues des Gentilshommes de Normandie, qui accompagnerent Guillaume pour la Conquête de l’Angleterre. Or pour montrer ( comme nous avons déja remarqué, que leurs fiefs leur appartenoient en proprieté, les terres qu’ils possedoient alors, et ausquelles ils avoient imposé leurs noms, ou dont ils avoient pris la dénomination, conservent encore qujourd’huy parmy nous la même dénomination employée dans ces Catalogues, ce qui fait connoître qu’ils ne possedoient pas ces fiefs à vie, puisqu’ils fe qualifioient de leurs noms Et pour montrer qu’en Normandie le Duc seul ne donnoit pas les fiefs, et que les grands. seigneurs avoient aussi des fiefs qui ne relevoient pas immediatement Duc ; du Chesne Chesne njoûte un autre, qui tenoient immediatement Catalogue des Gentilshommes terres de Guillaume le Conquérant.

Enfin lors que Philippes Auguste eut conquis la Normandie, on dressa par son ordre deux dénombremens ; le premier des Gentilshommes, tant de Normandie que de France, qui voient droit de porter Bannière ; le second contenant les noms des fiefs de Normandie, et e nombre de Chevaliers qu’ils étoient tenus de fournir au Roy ; auquel on ajoûte un autre écrit qui parle du service que tous les Seigneurs feodaux, tant Laiques qu’Ecclesiastiques, devervoient au Duc de Normandie. Et ce qui est remarquable en tous ces titres là, est que l’on déclare premierement le nombre de Chevaliers qu’ils devoient au Duc, et puis on ajoûte le nombre de Chevaliers qu’ils devoient amener pour leur service. Par exemple, il est dit que l’Evesque de Bayeux doit au Roy le service de 20. soldats, et qu’il doit servir en personne avec 120. debet servitium 20. militum, & ad suum servitium 120. militum, id est, debet capere servitium 120. militum pro exercitu.

Les fiefs de Normandie étant en cet état lors qu’elle fut reünie à la Couronne, on ne peut douter qu’ils n’ayent été établis dés leur origine sous les mêmes conditions.

Il est vray que Philippes Auguste ayant confisqué les terres de plusieurs Seigneurs, qui refuerent de prendre son parti, il les donna depuis à ceux qui l’avoient assisté, sous diverses con-ditions, mais il ne changea rien à l’égard de ceux qui se déclarerent pour ses interests.


XCIX.

Division d’héritage.

Par la Coûtume generale de Normandie, tout héritage est noble, roturier, ou tenu en franc-aleu.

En France on divisoit anciennement les biens en trois autres manieres : en biens fiscaux, qui étoient les biens patrimoniaux du Prince, qu’ils donnoient quelquefois en Emphyteose ; les Benefices et les Alodes : d’autres n’en faisoient que deux especes, les biens fiscaux qui comprenoient Bignon les Benefices et les Alodes. MrBignon sur sur Marculphe, l. 1. c. 2.Le Févre , l. 1. c. 7. et l. 3. c. 3.

Les benefices qui ont été depuis convertis en fiefs, ne tenoient pas alors le premier rangi car les possesseurs d’iceux n’en ayant qu’une joüissance precaire et revocable, ils les laissoient souvent en friche pour cultiver leurs Alodes, parce qu’ils leur appartenoient en proprieté.

Ce la leur fut défendu par Charlemagne, leg. Longob. l. 3. t. 8. l. 1. quicumque beneficium suum, occasione proprii desertum habuerit, et infra annum, postquam Comes aut Missus noster notum factumb habuerit, illud emendatum non habuerit, ipsum beneficium amittat.

Ils pratiquoient encore cette ruse, dont il est fait mention dans les Capitulaires de Loüis le Debonnaire, l. 3. c. 20. audivimus quod aliqui reddant beneficium nostrum ad alios homines in proprietatem, & in ipfo placito dato pretio, comparant et ipsas res etiam in Alodum.

Mais lors que par la foiblesse des derniers Rois de la seconde Race, les benefices furent convertis en des proprietez hereditaires, il se fit deux changemens notables. Le premier à l’égard des biens, car les benefices étant devenus des fiefs, ausquels on ajoûta plusieurs droits fort importans, ils commencerent d’être fort recherchez, et ce premier changement en causa un second à l’égard des personnes ; car les fiefs étant tombez en la main des personnes puissantes et qui portoient les armes ; ils commencerent alors à se distinguer de ceux qui n’avoient que de simples biens, et ne souffrirent plus qu’ils fussent possedez que par ceux qui faisoient, comme eux, profession des armes.

Auparavant et jusques sur le déclin de la seconde Race, les François n’étoient point distinguez par leur naissance, ils naissoient également libres, c’est à dire également nobles, et ils contribuoient aux charges de l’Etat, à proportion de leurs facultez ; étant tous obligez de servir à la guerre, dont on trouve une preuve dans les Capitulaires de Charles le Chauve, apud arisiacum, c. 55. in Alode suo quis quiètè vivere voluerit, nullus ei aliquod impedimentum facere presumat, neque aliud aliquoae ab co requiratur ; nisi solummodo ad defensionem patriae pergat. Ce qui montre qu’indistinctement les possesseurs des Alodes et des Benefices étoient tenus à des ser tices militaires. Le Févre l. 3. c. 4. Et suivant le sentiment de MBignon , ce terme de noble ignifioit les hommes libres, constituez en dignitez Ecclesiastiques ou Seculieres, ou possedans des Benefices ou des Aleuds, comme à Rome on observoit la même chose, quoy que la Repuplique fût divisée en trois ordres, le Senat, les Chevaliers, et le Peuple : on ne distinguoit point ces trois Etats par le titre de nobles, et il ne se donnoit qu’à ceux qui avoient exercé certaines.

Magistratures ; Curulem Magistratum exercuerat. M’Bignon sur sur Marculphe l. 1. Formul. 22. Dominici de prarog. Alod. c. 14. a pareillement remarqué qu’en France il y avoit deux sortes de personnes ibres ; les uns qui étoient libres et nobles ; les autres libres et non nobles ; mais ce n’étoient que des affranchis : les uns et les autres étoient capables de posseder des Alodes ; mais les Senefices et les Dignitez n’étoient donnez qu’aux personnes libres et nobles : et tous ceux qui étoient libres de naissance étoient reputez nobles.

Ce ne fut donc que depuis l’accroissement des fiefs que les proprietaires d’iceux fe qualifierent Gentilshommes, et les autres Roturiers, et qu’ils se distinguerent par des qualitez et par des Armes.

Cette opinion est plus suivie que celle de Me JosiasBerault , qui dans sa Preface sur ce titre a écrit que les François, aprés avoir conquis les Gaules, retinrent à eux seuls la dignité d’être Gentilshommes, et le droit de porter les armes, et qu’ils ne laisserent aux anciens Gaulois que le ménage rustique et la marchandise, lesquels pour cette raison furent appelez Roturiers : et c’est de-là que procede la distinction des Nobles et des Roturiers.

Car tous les Historiens remarquent que les François ne traiterent pas les Gaulois avec cette igueur ; en effet soit que les Gaulois eussent sollicité les François de les delivrer de la domination Romaine, ou que les François voulussent se les rendre favorables, ils devinrent bien-ost un seul peuple, gouverné sous les mêmes loix, et cette distinction des personnes ne fu introduite que par l’établissement des fiefs, dont les possesseurs furent reputez seuls nobles, et ils obtinrent encore dans la suite qu’ils ne pourroient être possedez que par des personnes de cette qualité ; de sorte que la possession d’un fief faisoit une preuve de noblesse : ce qui ne se pratiquoit pas parmy les Romains, immunitas praediis data, nihil commune cum persona nobilitate habuit. Eguinar. Eguiner. Baro de jure benef. l. 1. c. 8.

Les voyages d’Outremer ou de la Terre Sainte, donnerent occasion aux roturiers de pouvoir posseder des fiefs. Les Ducs, les Comtes, les Seigneurs, et les Gentilshommes pour lournit la dépense de cette entreprise, étoient contraints de vendre et d’engager leurs plus belles terres, et afin de trouver plus aisément des acheteurs, on permit aux Ecclesiastiques et aux ro-turiers de les acquerir ; les Papes qui étoient les Promoteurs de cette guerre, solliciterent les Princes d’y donner leur consentement : ce qu’on apprend d’une lettre d’Eugene III. Ut liceat eis terras sive cateras possessiones Ecclesiis, aut aliis personis, sine ulla reclamatione impignorare. Otho Frising Frising. De Gest. Friderici, c. 35., Dadin de Alta-Serra Orig. feud. Philippes le Hardi en l’année 1275. donna permission aux roturiers de posseder des fiefs, moyennant finance, et c’est ce qu’on appelle encore aujourd’huy droit de francs. fiefs, et en l’an 1579 denry. III. ordonna que lles fiefs n’anobliroient plus : plusieurs villes de ce Royaume ont ce privilege que leurs Citoyens peuvent posseder des fiefs, en exemption du droit de francs-fiefs.

La ville de Roüen en a de tres. anciens et de tres-authentiques, qui luy ont toûjours été conservez, nonobstant la nécessité des affaires publiques.

La Coûtume en cet Article fait de trois sortes d’héritages, le noble, le roturier, et le francleu. Cette division est plus exacte que celle de la Coûtume de Paris, qui ne fait que de deux sortes d’héritages, les feodaux et les censiers : elle a compris les alodiaux sous les feodaux, quoy que leurs qualitez soient fort differentes : mais dans son district il y a des Aleuds, qui ont Justice censive, ou fief mouvant d’eux, Article S8. de la Coûtume de Paris Et quoy que la Coûtume en l’Article 108. fasse de quatre espèces de tenures, il n’est point contraire à celui-cy, parce qu’il y a différence entre la qualité d’un héritage et la tenure.


C.

Definition d’héritage noble.

L’héritage noble est celuy à cause duquel le vassal tombe en garde, et doit foy et hommage.

En l’état où sont maintenant les fiefs, la definition que cet Article nous en donne est plus pûrfaite que celle des Jurisconsultes, Feudum, dit MCujas , in proem. Ad lib. fend. est jus pradio alieno utendi, fruendi, quod pro beneficio Dominus dat, eâ lege, ut qui accipit fidem & militia munus, aliud-ve exercitium exhibeat. Mr le Le Févre a repris cette definition comme ne convenant plus au fief ; un vassal en France n’étant plus obligé depuis plus de 300. ans de suivre son Seigneur à la guerre, et d’ailleurs une joüissance perpetuelle et legitime est une véritable roprieté ; Toutes les autres definitions conservent au Seigneur de fief une proprieté inutile, celle de du Moulin est la plus suivie ; Benevola, et perpetua concessio rei immobilis, aut aaequipollentis cum translatione utilis dominii, retentâ proprietate sub fidelitate & exhibitione servitiorum.

Le fief peut retourner au Seigneur en tant de manieres, que le domaine direct qu’ileretient de luy est pas inutile : La proprieté des fiefs a introduit la foy et l’hommage ; auparavant on le faisoit le serment de fidelité qu’au Roy, et tous les lieux où l’on parle du ferment de fidedité, doivent être entendus de la sorte, non pro ea fidelitate qua vassaticum importat, non point de cette foy que le vassal doit à son seigneur feodal cela ne s’est pratiqué que depuis six cens ans ou environ,Domin . Prarov. Alod. c. 11., dans son voyage Remond de Agiles la Terre Sainte, a écrit que Remond Comte de Tholose voulut bien prêter le serment de delité à l’Empereur Alexius, mais qu’il refusa de luy faire hommage, n’étant point son vassals La différence de ces mots, fidelité et hommage, est fort bien marquée dans une Epitre duPape Adrien , rapportée parRadevicus , en ces termes, Episcopos, inquit, ltalia solum Sacramentum fidelitatis, sine homagio debere Domino Imperatori, id est, sine personarum subjectione.

L’hommage est d’un usage plus nouveau, et quoy que cet Article le fasse entrer dans la definition du fief, non est tamen de substantialibus feudi, le terme même en êtoit encore inconnu au temps de la compilation du livre des fiefs ; Il n’en est fait mention en aucun lieu. Illud verbum homagium barbarius est feudo, ditdu Moulin , et introductum fuit moribus quorumdam, & quod aut consuetudine se faciendi hominem alterius, car il étoit permis à un homme libre de se choiir un seigneur ; ce que Mr leLe Févre , des fiefs, l. 3. c. 1. et dans ses preuves verb. homo. traite Chassanée fort doctement, quoy que cette Coûtume soit abolie, on a retenu le terme ; voyez Chassanée sur la Coûtume de Bourgogne, titre des fiefs 83. in verb. hommoge ;Hotom . disput. feud. c. 20 et Bouteiller en sa Somme Rurale.

Spelmannus en son Glossaire, verb. feudi, a fort bien expliqué les diverses espèces des fiefs ; nous n’avons reçû que les fiefs de Dignité, et les fiefs de Haubert.

Les droits des fiefs sont aussi de plusieurs sortes,Argent . Art. 277. gl. sunt substantialia, naturalia, et accidentalia. Ceux qui composent leur essence sont inalterables et immuables, telle est la retention de la Seigneurie directe ; l’hommage non est de naturalibus : les fiefs ont subsisté avant la prestation de Phommage, c’est pourquoy les Docteurs disent feudi naturam dependere potius ex pacto, quam alio jure communi,Boër . Coûtume de Bourges, t. des fiefs, S. 5. Tous les autres droits que les hommes ont ajoûtez sont accidentels aux fiefs, et naissent de la convention des parties. Or quand il s’agit de ces droits feodaux, il y a cette difference que le demandeur n’a point besoin de prouver ceux qui sont de l’essence ou de la nature des fiefs, mais pour eux qui ne sont que par accident et par la seule convention, ils ne sont point dus, s’ils ne sont prouvez,

Il y a neanmoins certains droits ordinaires que la Coûtume a établis, et qui sont dûs sans aucune convention, et qui peuvent être demandez par ceux qui ont fief ; d’autres extraordinaires, quii ne peuvent être exigez sans paction ; ce que l’on peut apprendre dedu Moulin ,Molin .. 82.. n. 125.Argentré , Coûtume de feud Bretagne, Art. 230. gl. 1.

Chaque fief a sa denomination particulière, et c’est pourquoy il n’est pas permis de prendre a qualité d’un fief, dont on n’est point Seigneur ; Et quand dans une Paroisse il y a deux fiefs, qui ont la même denomination, et qui appartiennent à deux Seigneurs differens, qu l’ont aucune prerogative lun sur lautre, à cause de leurs fiefs, chacun d’eux peut se qualifier Seigneur en partie ; jugé par Arrest en l an 1601. pour le sieur de Surtainville, contre le sieur de Sainte Mereglise, et depuis pour le sieur de la Rochelle-JourdainLa Noblesse du fief, et la Jurisdiction ne pouvant être données que par le Roy, elles ne peuvent s’acquerir par prescription ni par usurpation ; la possession d’une chose contraire à son origine et à sa qualité naturelle n’en peut changer la nature ni la condition. Cela est vray seulement quand il paroit que la possession n’a pour fondement que l’usurpation ; car il est sans doute que la qualité de fief peut être prouvée par une possession immemoriale, justifiée par titres : autrement aprés tant de vicissitudes, de changemens et de guerres, qui sont arrivées en ce Royaume, il resteroit peu de fiefs ; s’il falloit montrer leur titre primordial. C’est l’espece des Arrests remarquez parBérault , on découvroit l’usurpation ; ainsi cette possession étant vicieuse, elle ne pouvoit suppléer le titre. Ce qui fut jugé sur les mêmes considerations. contre les Chanoines de la Ronde de Roüen, l’Ir de May 1616.


CI.

La déclaration de tenir par foy et hommage ne rend l’héritage noble.

Et combien qu’en plusieurs endroits ceux qui tiennent roturierement declarent en leurs aveux tenir par foy et par hommage, ils ne font pourtant foy et hommage, et suffit qu’ils le déclarent en leurs aveux, sans que pour ce ils tomoent en garde, ou puissent acquerir aucune qualité de noblesse en leur héritage.

La Coûtume n’a expliqué que negativement ce qu’elle appelle héritages roturiers : La Coûtume de Paris a fait la même chose pour le Franc. Aleu roturier ; aprés avoir dit que le Franc-Aleu noble est celuy où il y a censice, justice et fief, elle en demeure là, sans parler de FrancAleu roturier : mais par la definition de Franc-Aleu noble, on peut dire que le FrancAleu roturier est celuy qui n’a censive, justice ni fief ; ainsi nous pouvons conclure aprés la defini tion de l’héritage noble, contenuë dans l’Articl precedent, que l’héritage rotutier est celuy à cause duquel on ne fait point la foy et l’hommage, et pour lequel on ne tombe point et garde : La definition de l’héritage roturier se peut faire en cette manière ; l’héritage roturien est celuy à cause duquel on est tenu de payer censive, rente, ou autre redevance au Seigneur, duquel ils sont tenus, avec reconnoissance de la Seigneurie directe, sans tomber en garde, ni faire la foy et hommage : Contractus censualis dicitur, quando quis concedit omne jus quod habet in ve, licet debeat prastari sibi certa pensio.Boër . sur la Coûtume de Berri, titre des fiefs, S. 5.

La Coûtume de Paris appelle héritages censuels ; ceux que nous appellons roturiers. Brodeau sur la Coûtume Paris, titre des fiefs, cite un passage MePierre de Fontaines , qui fait la différence des héritages feodaux et vilains : Par la Coûtume du païs, terre de vilains n’est mie cee, puis qu’on leur en demande droiture, la charge est sur le demainé à vilain, et la justice n’est maie à vilain.

Lithleton sur l’ancienne Coûtume Normande d’Angleterre, fait deux espèces d’héritages ou tenemens roturiers, villenage et soccage ; on leur donnoit aussi anciennement ce nom cn France ; dans la Cronique de S. Denis, recognovit se emisse in villenagium, et pour cette raison les possesseurs des villenages étoient appellez vilains ; le livre de la Reyne Blanche dit, tu peux se-mondre ton vilain ou ton franc, en quelque lieu que tu le puisses.

On tire l’origine de ce mot Roture du Latin, ruptura, à terra rupta, vel proscissa, Ruptarii, les roturters. La raison est que le Prince, ses principaux Officiers, et les personnes puissantes ayant retenu pour eux les terres fertiles, et qui étoient en bonne valeur, ils laisserent les autres aux pauvres gens pour les rompre et pour les defricher. Oderic.Vit . l. 5. concesserunt etiayn totius villae herbagium, absune ullius participatione quietum, terram quoque tum in mansu ris quam in rapturis totius Parochiae hominibus ibidem hospitatis excolendam, réservato sibi tantummodo

Camparto. Prarog. Feud. c. 1o. Dominici Prarog. Alod. c. 11. Dans les donations Loüis le Debonnaire, publiées parPithou , on remarque que ce Prince donnoit aux Espa Dadin de Alta-Serra gnols, qui se refugioient dans la Province Narbonnoise, des terres incultes et desertes pour les labourer, et la portion que chacun avoit, êtoit nommée aprisio, quasi aperitio, ab aperta terra, comme nous disons apricum locum, soli apertum ; Aprisiones ergo idem érant quod rupturae ; Et par la même raison les loix d’Angleterre et d’Escosse appellent la roture, soccage, et les roturiers, soccomans. comme gens occupez à mettre la main au soc de la charue, pour rompre la terre. Suivant la même analogie de ruptura, à rumpendo : dans les Auteurs du moyen âge, Scinda vocatur quod ad culturam scissum est, terram enim scindere dixere veteres Galli : Grégoire de Tours Tourts, dans son second livre des Miracles, c. 32. Erat non procul à via ager cujusdam dititis campanensis, ad quem seindendum magna multitudo convenerat. Brodeau en sa Pref. sur le t. des Cens, n. 4.


CII.

Definition de Franc-Aleu.

Les terres de Franc Aleu sont celles qui ne reconnoissent Superieur en feodalité, et ne sont sujettes à faire ou payer aucuns droits Seigneuriaux,

Ce Franc-Aleu est une troifième espèce de biens ; elle est sans doute beaucoup plus precieuse et plus estimable que les autres, puisque les terres de Franc-Aleu ne reconnoissent point de Superieur en feodalité, et qu’elles ne sont sujettes à faire ou payer aucuns droits Seigneuriaux, on les possede optimo jure, et en pleine liberté, ainsi les proprietaires d’icelles sont affranchis des rexations des Seigneurs feouaux, et des Receveurs du Demaine du Roy : aussi la Coûtume de Nivernois, t. dernier, d’assiette d’héritage, Article 11. prise le FrancAleu le dixième denier plus que le fief.

Les biens alodiaux étoient autrefois si considerez qu’il n’y avoit que ces sortes de biens, sur esquels on pouvoit seurement asseoir une hypotheque, in his tantum hypotheca tuto contrahi poterat.

Ceux qui n’avoient que des benefices ou des emphyteoses pouvant être dépossedez aisément, et par ce moyen les dettes et les hypotheques contractées sur ces biens-là étoient aneanties uivant la loy, lex vectigali ff. de pignor. Dominici de Prarog. Alod. c. 9. C’est pourquoy dans les anciennes Foimules on employoit ces paroles, oprimis praediis, pradibusque cavere ; et Benedicti sur le C. Rain. in verb. & uxorem nomine Adelasiam, decis. 2. n. 899. dit que celuy qui a promis de donner une caution bourgeoise, doit bailler une personne qui possede des biens alodiaux, qu’il ppelle burgensia, aut burgensatica, qu’il estimoit être francs et libres, comme le FrancAleu.

Dans la definition que la Coûtume donne du Franc-Aleu, elle ajoûte fort à propos, que les terres renuës par Franc-Aleu, ne reconnoissent aucun Supetieur en feodalité ; cette exemption donc n’est que pour la feodalité, et non pour la Jurisdiction, soit du Prince ou du Haut-Justicieri les biens alodiaux et la Jurisdiction n’ont rien de commun, et leur nature n’est point alterée pour reconnoître un Superieur quant à l’autorité publique, il suffit qu’à l’égard de la proprieté ils ne soient dépendans d’aucun Seigneur : La Jurisdiction ni la Souveraineté du Prince, ni de qui que ce soit, ne sont jamais comprises sous la Franc-Aleu, et comme les Romains conservoient a puissance publique sur les terres qu’ils distribuoient à leurs Colonies et à leurs Veterans, ou qu’ils laissoient aux anciens possesseurs, aussi les Aleux ayant commencé par les terres qui furent laissées aux anciens Gaulois, et par celles qui furent données aux gens de guerre, ce fut toûjours à condition de reconnoître l’autorité du Prince, et de l’assister à la guerre : vide, plura apudDominic . e Prarog. Alod. C. ult.

L’origine et la connoissance des Aleuds est un des plus curieux points de l’antiquité Franoise : et c’est une question fort controverse, si le titre est necessaire pour le Franc. Aleu : parce que toutes choses sont présumées naturellement libres ; celuy qui prétend la feodalité est tenu de la justifier. Un scavant homme de ce siecle a combattu le Franc. Aleu sans titre ; deux autres au contraire ont soûtenu fortement la liberté naturelle, et particulierement dans les Provinces oû les loix Romaines ont conservé leur autorité

Pour l’éclaircissement de cette matière, il faut connoître l’origine du terme et de la chose Quant au mot Aleud, il y a grande diversité d’opinions sur son origine : elles ont néanmoins pour la pluspart un grand rapport quant à la signification ; car soit qu’il vienne d’aldia, qui signifit ffranchi, ou du mot Allemand ald, qui veut dire ancien, ou d’aloüé, qui signifie ce qu’on possede depuis long-temps, ou de ein anlod, lequel en Allemand signifie ce qui est propre et hereditaire à la famille ; toutes ces origines expriment, la véritable nature du Franc-Aleu, à sçavoir que c’est un bien propre et hereditaire, et qui est exempt de toute servitude : ceux qui le font écen-lre de Leudes, n’ont pas scû la signification de ce terme, qui veut dire fidéle et sujet : et c’est pourquoy d’autres ont crû qu’Aleud êtoit composé de l’Alpha privatif des Grecs, et de Leude, comme étant un bien qui n’est point sujet ; mais nos anciens Gaulois ou les Allemans n’étoient pas assez sçavans en la langue Grecque pour inventer ces mots composez du Grec et de l’Allemand.

Dominici luy donne à peu prés la même origine, de Prarog. Alod. c. 1. le faisant décendre de l’Allemand, Obn leiden, qui signifie la même chose mutatâ prapositione que privativa est in aliam Caseneuve ejusdem qualitatis. On peut voir sur ce sujet Caseneuve, en son Traité du Franc. Aleu ; Mr Bignon en ses sur ; le Pere Sirmond en ses Notes sur Marculphe sur les Capitulaires de Charles le Chauve ; Spelman en son Glossaire, verb. alodiums Pontanus en ses Origines de la langue Françoises et Ménage en ses Origines : in verbo Aleu-

Il nous importe peu du mot, pourvû que la chose nous soit connuë. Aprés la conquête des Gaules, les terres furent partagées en deux manieres à l’égard des particuliers, en Benefices et en Alodes, ou Aleux. Les benefices consistoient aux terres que le Prince avoit données, pour un temps, ou à vie à ses gens de guerre ; et les Aleuds étoient les terres que l’on avoit laissées aux anciens possesseurs, ou que le Prince même avoit données en proprieté. Tunc Alodii nomen auditum, ut propriam hereditatem & rem sui juris, & cum omni integritate possessam designarets et on appeloit terre Salique, la portion que Salio militi et Regi assienata erat. Pitheus ad leg Salic.Lindembrog . in Glossario Glossario ad leges Barbaras, et Tit. 62. leg. Sal. Hottoman a crû que la loy et la terre Salique étoient la même chose : mais Dominici en montre fort bien la difference c. 7 de Prarog. Alod. Dans tous les anciens Auteurs, dans les Capitulaires de Charlemagne, de Loüis de Debonnaire, et de Charles le Chauve, on remarque par tout une perpétuelle opposition entre les Benefices et les Aleuds : ponuntur Alodis et Beneficium, dit le PereSirmond , en ses Notes sur les Capitulaires de Charles le Chauve, quia quod beneficiario jure habetur, beneficiarii proprium tion est ; et Mr Cujas au commencement du premier Livre des fiefs fait cette observation., si praedia que miles possidet non sint omnia adscripta militiz, sed habeat miles jure optimo possessionem aliquam militia functione liberam, que Alode sive Alodium dicitur, quasi fidei vinculo soluta.

Constantin Constantin Porphyrogenete l’appelle MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, et c’est pourquoy, que proprio jure possidentur non jure beneficii distrahi poterant.

Les Romains appeloient aussi certains biens hereditaires, ceux qu’ils avoient donnez en proprieté à leurs Colonies, ou qu’ils avoient laissez aux anciens possesseurs.

Mr Bignon dans un passage, dont j’ay déja parlé ailleurs, a expliqué fort nettement la nature et la qualité des biens alodiaux, sur ces paroles deMarculphe , l. 1. c. 2. aut super proprietate aut uper fisco his verbis duae notantur bonorum species, et velut maximâ rerum divisio, que ex eo seculo vecepta erat. ( Marculphe vivoit sous le Roy Dagobert dans le septiéme siecle. ) Omnia namque predia aut propria érant aut fiscalia : propria seu proprietates dicebantur, que nullius juri obnoxia essent, sed optimo & maximo jure possidebantur, ideoque ad heredes transibant : fiscalia verb, sive fisci vocabant, que à Rege ut plurimum, posteaque ab aliis ita concedebantur, ut certis legibus servitii obnoxia cum vita accipientis finirentur.

Je n’ajoûteray point que ces propres ou proprietez étoient de deux sortes, comme M’Bignon l’a aussi remarqué, parce que j’en parleray sur le titre des Propres. Il suffit de sçavoir que les Aleuds étoient libera juris praedia, que nec fidem nec pensitationem deberent, generaliter dicta sunt ad seudi differentiam, quo sensu Alode vocabulum hodie inter nos usurpatur.

Le Pere Sirmond in not. Ad cap. Car. Cal7. en fait de trois espèces, les uns étoient reputez veritablement propres ; parce qu’ils provenoient des Ancêtres : Non olim omnis proprietas Alodis nomine comprehensa, sed illa Speciatim que jure successionis obveniebat, et hereditas appellabatur. Les autres consistoient en ce qui provenoit d’un bon ménage et des acquests, et la troisiéme étoit composée de ce qu’on possedoit par la donation du Prince. Mais aujourd’huy ce mot n’a plus d’autre signification que d’exprimer les héritages qui ne reconnoissent point de Superieur en sdelité, et qui ne sont sujets à faire ou payer aucun droit. La definition que les Coûtumes de France en ont faite est conçûë en ces termes ; Franc-Aleu est héritage tellement franc, qu’il ne doit point de fonds de terre, et d’iceluy n’est aucun Seigneur foncier, et ne doit vest ni devest, ventes ni dessaisines, ni autres servitides : mais quant à la Justice, il y est bien sujet à toute Jurisdiction. Bacquet nouveaux acquests c. 2. Chopin Coûtume de Paris t. des fiefs, n. 26. l. 1. t. 13. Article 16. Coût. d’Anjou l. 2. 1. Alod. Pithou sur la Coûtume de Domanio Troyes, t. 4. Article 30. Alode proprium, in quo tam utile quam directum quis habet do-minium.

D’où il paroit que les Aleuds avoient deux grandes prerogatives sur les benefices : on les possedoit en proprieté et heredité, et sans aucune servitude ; au contraire on n’avoit la joüissance du benefice que pour un temps, et à condition de servir à la guerre. Aussi les pre-mniers étoient beaucoup plus recherchez que les derniers, et chacun faisoit ses efforts pour convertir son benefice en Aleud, comme je l’ay montré cy-devant par les Capitulaires de Charle-magne et de Loüis le Debonnaire

Cela dura jusques sur la décadence de la seconde Race, que commença l’heredité et la proprieté des benefices : Alors sous Hugues Capet, et depuis, les Aleuds et les Benefices changerent bien de nature et de condition. Les Seigneurs feodaux, outre lheredité et la prorieté qu’ils avoient usurpée, ajoûterent encore plusieurs droits à leurs fiefs, et diminuërent ses Aleuds autant qu’il leur fut possible, pour accroître leur feodalité. Quelquesfois ils employoient pour cet effet la violence et la force ; quelquesfois les proprietaires des biens ilodiaux, ou par complaisance, ou par amitié, ou dans l’espèrance d’en recevoir de la protection, leur remettoient leurs Aleuds pour les reprendre d’eux en fiefs. On peut en voir des exemples dansDominici , de Prarog. Alod. c. 19. et ce changement pour les Aleuds n’arriva pas feu-lement en France, mais aussi en Allemagne, dont Freherus nous a donné une illustre exemle dans ses Origines Latines. Cependant comme les Seigneurs ne pouvoient se prevaloir de leur autorité sur les villes et les bourgs, ni obtenir le consentement de tant d’habitans, les Aleuds se sont conservez plus aisément dans ces lieux-là.

De cette alteration et diminution des biens alodiaux, ce Proverbe, nulle terre sans Seigneur, pris naissance ; on en fait remonter néanmoins le principe un peu plus loin, à sçavoir à une Constitution de Chaules le Chauve ; volumus etiam ut unusquisque liber homo in rosiro regno, seniorem qualem voluerit, in nobis & in nostris fidelibus accipiat. Pour comprendre le sens de cette Constitution, il faut sçavoir que les hommes de condition libre, sous la première et seconde ace, ne se croyoient point obligez de servir leurs Rois, que quand ils tenoient d’eux quelques benefices, et ceux qui possedoient des Aleuds n’étoient point obligez au commencement l’aller à farmée, que pour défendre leur païs : et quand le Royaume êtoit partagé, chacun pouvoit se choisir un Prorecteur et un Seigneur à sa volonté : ce qui paroit par ce partage. qui fut fait par Loüis le Debonnaire entre ses enfans, ut unusquisque homo post mortem Domini ui, licentiam habeat se commendandi inter hac tria regna ad quemcumque voluerit, similiter et ille qui nondum commendatus est.

Pour remedier à de desordre, Charles le Chauve fit deux Constitutions ; par la premiere il vonlut que personne ne fût exempt du service militaire, sed ut liberi homines fecundùm qualitatem proprietatis exercitare debeant. Que ceux qui avoient des Aleuds fussent obligez de servir la guerre, selon la valeur et la qualité d’iceux ; et quand ils n’avoient pas de grandes commoditez on les assembloit deux, trois, et quatre ensembla, qui contribloient à l’aimement de celuy d’entr’eux qu’ils nommoient pour rendre le service en leur nom, ce que nous avons vû pratiquer pour les pauvres Gentilshommes, lors de la Convocation de l’Arriere-ban ; mais comme ils n’étoient obligez à ce service que quand il s’agissoit du falut et de la défense de la patrie, ceux qui tiennent en Franc. Aleu Vsuivant le sentiment deBacquet , titre des francssefs ) se sont conservez cette prerogative d’être exempts de l’Arriere-Ban. Brodeau n’est pas de cet avis, par cette raison que les biens alodiaux et le proprietaire d’iceux est sujet aux loix et aux coûtumes des lieux, et par la même raison le Franc. Aleu noble est sujet aux francs-fiefs.

Par l’autre Constitution, qui fut faite par le Traité de Paix entre Charles le Chauve, Lothaire. et Loüis ses freres, il fut ordonné, ut unusquisque liber homo in regno nostro seniorem qualen voluerit, in nobis & in nostris fidelibus accipiat. On voulut que chacun se choisist un Seigneur, un Prorecteur tel qu’il vouloit. Il ne faut pas neanmoins s’imaginer que ce Senior fût un Seineur de fief, ou que cet homo fût ce que depuis on a appelé homme-de-fief

Il paroit par ce partage de Loüis le Debonnaire, dont je viens de pailer, que chacun pouvoit prendre tel Seigneur qu’il luy plaisoit, ou le Roy même, ou quelqu’un de ses Sujets, et qu’aprés la mort d’iceluy il pouvoit en choisir un autre, post mortem Domini sui licentiam habeat se commendandi ad quemcumque voluerit, similiter et ille qui nondum commendatus est. Ce qui n’a point de relation avec le Seigneur feodal, que le vassal ne choisit point, et qu’il ne peut quitter qu’en abandonnant le fonds qui le rend vassal, et ce mot homo ne signifioit dans ce siecle là que ce qu’il veut dire dans sa signification generale en la langue Latine, et non point dans le sens qu’il est pris dans la matière feodale, pour celuy qui a pris un héritage d’un autre à la charge d’un service militaire, ou de quelqu’autre sujettion

Cependant cela servit de pretexte aux Seigneurs feodaux, pour introduire cette maxime, nulle terre sans Seigneur : obtentu hujus Constitutionis, ut quis seniorem in Rege vel in fidelibus ejus habear liberorum hominum proprietates, oneri fuere subdite militari ; adeb ut que primum in personi iberis inducta subjectio, ad res deinceps ejusdem qualitatis fuerit explicata : C’est la pensée deDominici , c. 13.

Godefroy Berault , sur l’Art. 100. et Gudefroy, sur l’Art. 101. ont traité la question, si le possesseur d’un fief pouvoit renoncer à la noblesse d’iceluy. Berault avoit tenu l’affirmative d’abord ; depuis il changea de sentiment et suivit celuy deGodefroy , qui sans doute est le plus véritable On peut former cette même question pour les biens alodiaux ; et s’il étoit permis aux Seigneurs de se faire rendre des aveux, et d’accroître par cette voye leur feodalité et leurs tenures Depuis Hugues Capet, les grands Seigneurs affectoient passionnément de s’acquerir un grand nombre de vassaux pour se rendre plus redoutables, et on peut dire qu’en usurpant la feodadité sur les terres en Franc-Aleu, ils soustrayoient autant de Sujets au Roy, qui devenoient par ce moyen obligez de servir contre luy leur nouveau Seigneur. Il ne faut pas douter que quand les Rois de France eurent commencé de rétablir leur autorité ils ne rétranchassent cet abus, et que cela ne fut plus permis que par la concession du Roy : En effet on apprend par une vieille Charte du Roy Philippes, rapportée parDomin . c. 19. n. 5. qu’entre plusieurs immunitez qu’il accordoit aux Gentilshommes de Perigord, pour recompense de l’assistance qu’ils luy avoient donnée dans la guerre de Flandre, il leur octroyoit particulierement par une grace speciale, quod illos qui tenent alodia, qui ipsa alodia de ipfis nobilibus tenere & advocare voluerint, liberè possint recipere in eorum homines de allodiis ipfis, que tamen infra omninodam eorum jurisdictionem exitant, quorum quidem alodiorum per eos receptorum feuda tenebuntur à nobis. On peut faire deux observations importantes sur cette Charte : La premiere, qu’ils ne pouvoient recevoir pour vassaux les possesseurs des terres en Franc-Aleu, que ceux qui étoient situez en des lieux où ils avoient toute Justice, omnimodam Jurisdictionem : La seconde, qu’ils ne pouvoient les unit leurs fiefs, mais ils les tenoient en fief du Roy.

En Normandie comme j’ay remarqué que les fiefs n’y avoient pas eu une même origine un même progrez, et une même destinée, que ceux de France sous Hugues Capet, parce qu’alors elle êtoit separée de la Couronne ; aussi le changement qui arriva en France pour les biens alodiaux, par l’usurpation de l’heredité et de la proprieté des fiefs, ne peut s’étendre au Franc. Aleu de cette Province, parce que l’autorité souveraine du Prince qui y commandoit n’avoit reçû aucune atteinte ni diminution.

On ne peut douter que dés le temps de la conquête de cette Province, les proprietez, c’est à dire les Aleuds, n’y fussent connus et établis ; on le pourroit induire de cet Article, qui n’est pas de Coûtume nouvelle ; mais j’en rapporteray un témoignage plus ancien que nôtre Coûtume écrite. Dudo Doyen de S. Quentin, dans son Histoire des Gestes des Normans, racontant les conditions du Traité fait entre Charles le Simple et le Duc Raoul, dit que Charles donna à Raoul, terram determinatam in alode et fundo â flumine Epta usque ad mare terramque Britanniam, de qua posset vivere. Ces paroles in alode et fundo, signifiant que cette Province êtoit cédée à Raoul en pleine proprieté ; et en : ce sens on peut dire que les terres qui furent divisées et distribuées par Raoul à ses gens de guerre, leur appartenant en heredité et proprieté, pouvoient être appellées des Aleuds, puis qu’Alodes en sa propre et naturelle signification est une proprieté hereditaire ; mais comme ces terres-là ne furent pas don nées en exemption de la feodalité, qui est la prerogative essentielle des véritables aleuds, i faut chercher ailleurs ce Franc-Aleu, dont il est parlé en cet Article.

Cette cause me semble la plus apparente : Avant la cession de la Neustrie faite aux Normans par Charles le Simple, plusieurs villes de cette Province avoient fait leur composition, et il est ray-semblable qu’elles s’étoient rachetées du pillage par argent, et qu’elles furent maintenues en la possession de leurs maisons et de leurs territoires qui leur appartenoient en proprieté, et non point en benefice, parce que les benefices consistoient principalement en terres de la campagne, et pour le reste du païs, Raoul voyant sa Province si inculte et si abandonnée qu’il refusa de l’accepter, sinon en luy donnant aussi la Bretagne, ut inde se suosque aleret, pour rappeler les habitans que la frayeur de ses armes en avoit chassez, il leur accorda des franchises et des immunitez selon la faveur, le mérite et la condition des uns et des autres, et comme apparemment les villes et les bourgs s’étoient maintenus auparavant en leur liberté naturelle, le Duc leur continua leur franchise, ainsi les Seigneurs feodaux ne pûrent étendre leur domination dans senceinte des villes et des bourgs, qui depuis ce temps-là ont toûjours demeuré exempts de leurs mouvances.

Quoy qu’il en soit le Franc-Aleu étant autorisé par l’ancienne Coûtume, il ne faut pas douter qu’il n’ait été établi dés le temps des Ducs de Normandie, et il n’y a pas d’apparence qu’il se soit introduit depuis Philippes Auguste, parce qu’alors tout conspiroit pour l’agrandissement des fiefs ; de sorte que les Aleux mêmes étoient convertis en fiefs ; ce qui montre que lon êtoit fort éloigné d’affranchir des terres de la feodalité.

Le FrancAleu êtant reconnu et approuvé par cet Article, on en tire une forte conséquence pour la décision de cette question si fameuse, si celuy qui allégue le Franc-Aleu est tenu de prouver son droit, vù la Maxime, nulle terre sans seigneur, ou si le Seigneur qui le conteste doit ustifier sa mouvance :

Les Provinces qui gardent le droit Romain prétendent avoir un grand avantage sur les autres aïs qui sont au decâ de la Loire, dont les Coûtumes font leur droit commun : et deux sçavans hommes de nôtre siecle, pour soûtenir le droit de ces Provinces, ont posé pour fondement certain, que sous l’Empire des Romains, et depuis même que leur domination a été détruite, selon les loix Romaines, qu’elles ont toûjours observées, toutes choses sont reputées franches et libres, l. cum eo. l. imperatores in l. cujus de servit. prad. urb. l. sicut 5. sed si quaeritur ff. si servit. vind. l. Altius de servit. et ac4. C. Et afin qu’on ne pense pas que ces loix ne doivent point s’éendre au de-là de leurs especes, on confirme cette maxime par l’autorité des Interpretes du droit, et particulièrement par le sentiment de MrCujas , de feud. l. 4. t. 3. presumuntur in dubio predia omnia esse Alodia ; ad d. l. Altius de servit. et ac4. Godefroy dit la même chose, hinc nferunt rem prasumi liberam, alodialem, non feudalem ; feudum enim Speciem servitutis esse, que regulariter presumend. i non sit. EtChopin , Coûtume d’Anjou l. 2. de feud. part. 2. c. 2. t. 5. Romanis legibus conjicitur pradia esse libera. EtPontanus , Coûtume de Blois, Article 107. res omnes suâ taturâ liberaee, et immunes ab omni servitio conjiciuntur, ut probationibus liquidis conctat Ce changement de dumination n’altera point cette liberté. Les Goths la confirmerent, et elle leur resta toute entière sous la première Race de nos Rois, qui firent la conquête de ce païs-là : Le Seigneur donc a bien un droit general quant à la Jurisdiction et pour la protection, et non point quant à la Seigneurie directe, et pour la proprieté des biens, étant obligé quand il la prétend de faire apparoir d’un titre.

Dans la France Coûtumière l’établissement des fiefs semble avoir ruiné cette liberté naturelle, et avoir introduit une servitude universelle, par cette Maxime, nulle terre sans Seigneur, qui est si ancienne que Joannes Faber 61. de sum. Trin, c. n. 9. l. 1. c. de jur. Emphyt. n.S. Domin . in Inçt. de act. n. 13. ne l’a point ignorée, in regno Franciae omnes terrâ, vel quasi feudales, vel aliis ensionibus seu censibus affecte, ita ut possessores quasi omnes sint utiles Domini, le droit du Seigneur est si fort que la prescription même immémoriale ne peut sen priver, le vassal ne pouvant amais prescrire la foy et hommage ; que si les terres sont présumées naturellement libres, ce n’est qu’à l’égard des services et des charges réelles, et non point à l’égard de la reconnoissance et de l’hommage qui sont dûs au Seigneur, dans le térritoire duquel l’héritage est situé, tout ce qui se trouve dans son térritoire est présumé sujet à sa mouvance, si le contraire n’est justifié par titre. Aussi les Docteurs François tiennent que le Franc-Aleu est un privilege, une concession particulière qui va contre le droit commun suivant lequel tout héritage est présumé enu en fief ou en censive, cé qui s’observe particulièrement en la Coûtume de Paris ; quoy que le Franc-Aleu soit reconnu par cette Coûtume, toutefois plusieurs tiennent qu’il n’y a point de Franc-Aleu sans titre particulier, et que la presomption n’est jamais pour le FrancAleu, quand le Seigneur est fondé en un terroir uniforme, universel, continu et limité, et en droit d’enclave, sans qu’il s’y trouve aucun autre héritage voisin, tenu en Franc Aleu, et Loüet qui ne soit en sa censive. Voyez les Auteurs citez par Mr Loüer, l. C. n. 21. in fine.Brodeau , sur la Coûtume de Paris, Article S8. n. 5.Tronçon , sur l’Article 87.Ricard , Article S8.

De la Lande dit la même chose, sur l’Article 255. de la Coûtume d’Orléans, qui est conforme à celle de Paris et à la nôtre.

Heraut l. rer. et quest. quot. c. 14. n. 8. sequ. à contredit cette opinion et soûtient que dans les Coûtumes qui reconnoissent un Franc-Aleu, la possession immemoriale vaut de ître, lors que cette possession n’est interrompué, ni affuiblie par aucun acte contraire ; car il y beaucoup de différence entre la question, si les droits Seigneuriaux peuvent être prescrits par cent ans, et celle dont il s’agit ; si par une possession immemoriale de franchise ou de liberté, qui n’est détruite ni affoiblie par aucun titre ou possession contraire, la chose ne doit pas être présumée naturellement libre, et si une telle possession vaut pas de titre : Or une possession de ette qualité a toûjours été reputée valoir de titre ; si tous les héritages étoient sujets à servitule de leur origine, et qu’il ne parût point qu’en aucun temps, on les eût possedez en franchise, la presomption seroit assurément pour la servitude contre la liberté, à plus forte raison puisque toutes choses sont naturellement libres, cette perpétuelle possession de la liberté est le titre le plus fort que l’on puisse désirer.

Si nous suivions la raison, elle nous apprendroit que Dieu donna la terre à lhomme, sous cette feule obligation, de le reconnoître pour son Maître et pour son seigneur : Cependant puisque la guerre et loccupation peuvent donner un droit legitime, il faut sçavoir seulement de quelle manière les Conquerans ont disposé des terres qu’ils avoient gagnées, s’ils les ont distribuées à charge de services et de reconnoissance feodale, sans doute la presomption gene. fale doit être pour la servitude, si au contraire ils les ont divisées de telle sorte que les anciens ossesseurs ayent conservé la même franchise dont ils joüissoient auparavant, suivant toutes es regles, il faut dans lincertitude incliner pour la liberté, ainsi la necessité de la preuve doit omber sur celuy qui prétend la servitude : possessorem enim cogi ab eo qui expetit titulum suae possestionis, dicere incivile est : l. cogi de pet. hered.

l est notoire que les François aprés leurs conquêtes firent deux espèces de terre, terram alicam et Alodem. Ce qui fut aussi imité par les Goths, qui appeloient sortes Gothicas, les terres qu’ils avoient retenuës, et sortes Romanas, celles qu’ils avoient laissées aux Romains.

La terre Salique étoit la portion qui fut donnée aux gens de guerre en benefice, et on appeloit Alode, le bien qui étoit demeuré en proprieté aux anciens possesseurs. Terra Salica dicitur quae dharet Corona ad differentiam Alodialis, que est subditorum. De Grassaliis, l. 1. Regul. Franc. c. 17.

Il se trompe neanmoins en ce qu’il restraint la terre Salique aux biens de la Couronne, car elle s’entendoit aussi de celles qui avoient été concédées aux particuliers :Domin . de Prarog. Alod. c. 7.

Et j’ay aussi montré qu’en Normandie les anciens possesseurs ne furent pas dépoüillez de tous leurs biens par les Normans, et qu’ils en conserverent quelque partie sans aucune sujettion feodale. Les terres donc se trouvant divisées en feodales et en alodiales, il est plus juste de s’attacher à l’ordre naturel

Ce qui semble ne recevoir point de difficulté, lors que la Coûtume reconnoit qu’il y a des Francs-Aleux dans l’etenduë de son territoire : car on fait de deux sortes d’Aleux ; unum a concessione, in quo titulus requiritur : alterum à natura seu legibus inductum, in quo sola presumptio sufficit. Quare feudum pratendenti onus probandi incumbit, de leg. Conradi Cap. 1. et Cap. si Vassallis. si de feud. fuerit controvers.

Le Franc-Aleu ne doit point être considéré en ce cas comme un privilege, la Coûtume l’autorise et qu’elle en fait une espèce de biens, comme du fief et de la roture ; les uns et les autres sont par consequent du droit commun établi par la loy.

Ce qui détruit en même temps ce Proverbe nulle terre sans seigneur, puisque la Coûtume déclare expressément qu’il y a des terres en Franc-Aleu. Aussi du Moulin aprés avoir dis-couru sur ce Proverbe, il conclud qu’il est faux, non posse quempiam in hoc regno terram tenere ine Domino, & hoc intelligendum sine Domino, scilicet directo, quem scit necesse in Dominum directum recognoscere ; sed hoc intelligendum, sine Domino, id est, quin subsit Dominationi et Jurisdictioni Regis, vel subalterni Doinini sub eo, est verissimum ; c’est aussi le sentiment de Duaren difput. seud, c. 21. n. 10. Nec verum est quod dicitur neminem tenere posse Alodium sine Domino, nisi contraria Loysel it in aliquibus locis consuetudo. Ideo hac ratione intelligenda sunt haec verba, sine Domino, id est, Jurisdictione alicujus. Aussi Loysel en ses Institutes coûtumieres, n’a pas placé cette Maxime sous le titre de Cens ou de Fief, mais sous le titre de Justice et de Seigneurie, suivant l’observation le Mr Salvaing part. 1. c. 53. Si donc cette regle ne peut passer pour le droit commun, le party de la liberté est trop favorable pour fabandonner : et cette liberté ne consiste pas en une simple xemption de charges réelles, mais en une liberation de la plus importante de toutes les sujetions, à sçavoir de la necessité de reconnoître quelqu’un pour son seigneur.

L’Auteur du Franc. Aleu a ramassé un tres-grand nombre d’autoritez pour établit ce Proverbe, nulle terre sans Seigneur : mais cette regle ne peut valoir contre fautorité de la Coûtume, que pour obliger le possesseur à montrer un titre, quoy que par le droit naturel il n’y fût pas obligé. cette regle ne peut donc valoir que dans les Coûtumes qui rejettent expressément le FrancAleu, comme celle de Bretagne, Article 289. ou en tout cas dans celles qui n’en parlent point ; et je ne puis comprendre pourquoy l’Auteur du Franc-Aleu a mis nôtre Coûtume au nombre de celles qui n’admettent point le Franc. Aleu, contre la teneur si expresse de cet Article.

Quelque inclination que l’on puisse avoir pour la liberté, il y a neanmoins des cas où la presomption ne peut être reçûë en faveur Franc-Aleu ; Me Charles du Moulin 5. 8. n. 4. et seq. fait cette distinction, que quand le Seigneur a un térritoire uniforme et universel, en ce cas il est fondé en droit commun ; que si le territoire est separé en portions éloignées, la prefomption n’est point pour le Seigneur : et pour en dire mon sentiment je distinguerois ces trois cas. Le premier, pour les Coûtumes où tout héritage est franc, et reputé en Franc-Aleu, si on ne montre le contraire comme celles de Troyes, Article 51. De Nivernois, t. 7. Article 1.

En ce cas comme la liberté naturelle est le titre des titres, c’est au Seigneur à prouver son droit. Le second cas est pour les Coûtumes qui ne reconnoissent aucun Franc-Aleu, comme celles de Bretagne et de Blois. Bret. Art. 328. Blois, Art. 32. Le possesseur de Franc-Aleu doit representer son titre ; In locis in quibus consuetudo derogat juri communi pro alodio requiritur titulus, quia presumptio specialis vincit generalem,Mol . S. 68. Le dernier cas est pour les Coûtumes qui reçoivent et autorisent le Franc-Aleu, comme la nôtre ; mais qui ne disposent point si le titre est necessaire de la part du Seigneur feodal ou du proprietaire du Franc. AleuLa question doit se decider alors par les circonstances particulières ; Si le Seigneur a un terri-toire universel et continu, sans qu’il s’y trouve aucun autre héritage voisin, tenu en FrancAleu, et qui ne soit en sa censive, le proprietaire du Franc-Aleu n’ayant point pour luy la presomption du droit commun, il est tenu de produire son titre ur quoy neanmoins il faut remarquer qu’à faute par le proprietaire de representer fon titre, Il décherra véritablement du droit de Franc-Aleu : mais si en outre il desavoué de tenir de co Seigneur-là, il le reduira dans la necessité de montrer son titre, ce que ne faisant pas il demeurera dispensé de le reconnoître, et par cette voye il obtiendra au moins à l’égard de ce Seigneur-là une exemption de feodalité, quoy qu’il ne puisse faire ce desaveu mal à proups sans tomber en Commise :. Cela fut ainsi jugé en la Grand. Chambre le 2 de Juillet 1626. pour Poret sieur de la Josserie, appelant d’une Sentence qui ordonnoit que les parties liciteroient à qui écriroit de premier, sur la demande du sieur de Clere, pour la tenure d’un héritage, comme rotutier, et le sieur de la Josserie prétendoit que c’étoit un fief relevant du Roy : Par l’Arrest on cassa la Sentence, et le Seigneur fut condamné d’établir sa demande.

Il faut aussi remarquer qu’encore que la presomption soit pour le Seigneur qui a un territoire universel et continu, on ruine aisément l’effet de cette presomption, pour peu qu’on dit de preuves contraires, comme il a été jugé par un Arrest du Parlement de Paris remarque par Mr Loüet ibid. et parRicard , sur la Coûtume de Paris, Article S8. par lequel un herigage fut déclaré tenu en Franc-Aleu roturier, quoy qu’on ne rapportât point le titre primitif ni aucun autre déclaratoire passé avec le Seigneur, fondé en un térritoire limité ; mais seulement des contrats d’acquisition passez 60 ou 7o ans auparavant, qui énonçoient la qualité du FrancAleu, suivie de possession immemoriale, le Seigneur ne rapportant aucun titre.

Comme la presomption est pour le Seigneur, lors que dans son térritoire il ne se trouve point d’autres terres qui ne soient en sa censive, par la même raison elle est contre luy, quand dans le lieu’il y a plusieurs Franc-Aleux, comme dans les villes et bourgs. Cela fut décidé de la sorte par Arrest du 8 de Juillet 1631. on cassa la provision ajugée au Receveur du Domaine de Caen, des treizièmes des héritages acquis par le Sueur, Bourgeois de Caen, et les parties. furent renvoyées instruire la cause. Le Sueur seûtencit que les héritages contentieux etoient dans le Franc. Aleu et Territoire de Cormeille, et que le Roy n’étoit fondé en un dreit general pour les profits de fief, n’ayant que la souveraineté et protection en Franc-Aleu : ce qui étoit contredit par le Receveur du Domaine, par cette ration que le Franc : Aleu êtoit un tivilege et un dioit special, qu’il failloit prouver par titre

La presomption peut être en faveur du Seigneur, quand il n’y a qu’un particulier qui allégue a fianchile ; mais quand tous les habitans d’un lieu se maintiennent exempts de la feodalité, le eigneur n’ayant point de térritoire qui ne luy soit contesté, c’est à luy à prouver la feodalité Ainsi jugé pour les h. birans de Forge, appelants contre Mr le. Maréchal de S. Luc, Seigneur Haut-V. sticier de Gailli fontaine, en infiimant la Sentence par laquelle ils avoient été condam nez par provision, quoy qu’il alléguassent que leurs terres étoient en Franc. Aleu. en posant cette Maxime que le piroprietaire est tenu de produire pour justifier le FrancAleu, il reste encore cette difficulté quel titre est necessaire pour cet effet, s’il faut montrer le titre primitif, ou s’il si ffit de ce titre que du Moulin et les autres Docteurs François appellent declaratoire S. Bre deau etRicard , Article c8. de la Coûtume de Paris, con-viennent qu’il n’est pas necessaire de rapporter le titre primordial pour la preuve du FrancAleu ; autrement il n’y en a point qui ne perdit son privile ge, n’étant pas possible de l’avoir conservé aprés une si longue suite d’années, et qu’il suffit de quelque titre déclaratoire, comme en l’Arrest du Parl ment de Paris, dont je viens de parler ; mais la possession immemoriale ou centenaire destituée de tout titre primitif ou déclaratoire ne stroit pas si ffisante, suivant les Arrests du Pail ment de Paris. alléguez par Trencon sur l’Article 87. sur la fin. Les partates et les contiats, lors qu’ils sont foit anciens, et qu’ils sont soûtenus et confirmez par une possession certaine, font presi mer la perte du titre primitif

Bacquet a tenu que la concessien du Franc : Aleu doit être faite necessairement par le Roy, et qu’il n’est pas au pouvoir d’aucun Seigneur particulier de faire un Franc. Aleu, sans le consentement du Roy. Brodeau soûtient au contraire que cela n’a lieu que pour la Souveraineté. ou pour la Jurisdiction, et non point pour les droits profitables et honorifiques, ausquel E Roy n’a qu’un droit habituel et éloigné, et qu’il ne veut pas être si puissant que d’ôter aux Seigneurs la liberté d’user de leurs biens.

Il est vray que les Rois ne refusent guere les graces qui leur sont demandées ; mais il ne s’ensuit pas que les Seigneurs puissent sans sa permission renoncer à la feodalité. Ils peuvent pien remettre quelques droits profitables et honorifiques, puisque la Coûtume leur donne ce pouvoir de se joüer de leurs fitfs ; mais le Roy étant le S. igneur mediat ou immediat de tous les fiefs qui peuvent retourner en sa main par plusieurs voyes, les Seigneurs ne peuvent clipser de leurs fiefs la mouvance ; sur tout pour les Francs-Aleux nobles, dont le Roy peut avoir la garde-Noble, encore qu’ils fussent tenus en artière fief.

C’est aussi l’avis de Brodeau que le proprietaire du Franc. Aleu, est cbligé d’exhiber ses titres au Roy ou au Seigneur Haut Justicier, lors qu’ils font leur Papier Terrier, cela servant pour empescher que le proprietaire des biens alodiaux ne les augmente : cela est vray à l’égard du Roy ; mais pour le Haut Jestitier, le proprietaire n’est tenu que de fournir sa declaration des biens qu’il pretend être alodiaux,Tronc . Art. 69. pag. 119.Héraut . c. 13. in adject. n. 6. et 13. sans être obligé d’en fournir les titres, sur tout quand ils sont reconnus pour tels par le Scigneur, et on ne peut en faire de comparaison avec les gens de Main-morte : le diroit d’amor-rissement n’est pas un droit naturel et commun, ils n’en joüissent que par grace, dont ils ne lieuvent se prévaloir qu’en la fondant sur un titre ou sur la prescription que la Coûtume a utorisée en lar faveur.

Godefroy propose la question, si les tetres de Franc-Aleu sont sujettes à confiscation ; et sans se determiner absolument, il semble tenir la negative, à l’exception des crimes de lezeMajesté, pour lesquels ces biens-là sont confiscables.Dominici , c. 13. de Prarog. Alod. estime ue sous la première Race ils n’étoient point sujets à la confiscation, et qu’ils n’ont perdu cette prerogative que sous la seconde Race ; mais il faut sçavoir qu’en ces siecles-là les crimes. à la réserve de ceux de lez-Majesté, ne si punissoient que par amende, et même pour ceuxlà on laissoit souvent les Al’euds ax coupables, dont Grégoire de Tours rapporte un exem-ple, l. 0. c. 36.Brodeau , Art. 68. dit que le Franc-Aleu est sujet au droit de cunfiscation, et de deshérence au profit du Roy et du Haut. Justicier,Domin . c. 10.

Je ne d’ute point que le Franc-Aleu ne soit confiscable comme les autres biens, par cette raison generale que qui confisque le corpe, confisque les biens sans distinction ; les rentes et le, meubles, comme les héritages. La confiscation est ordonnée pour l’interest pablic, ce qui fait que tous les biens tombent sous cett : peine sans distinction de leur nature et de leurs qualitez, et c’est d’ailleurs un fruit de la Jurisdiction : mais la confiscation des terres en Frane-Aleu ne doit tourner qu’au profit du Roy, le Haut-Justicier ne doit avoir que ce qui est de sa mouvance ; Il n’importe pas que ces terres-là soient dans l’enclave de sa Haute Justice, puis que le possesseur ne le reconnoissoit point pour Superieur, et il en est comme des rentes contuées, soit que le condamné eût son domicile dans la Haute-Justice ou Fief d’un Seigneurs elles appartiennent au Roy aussi-bien que les meubles, quoy qu’ils suivent la loy du domicile.


CIII

Quatre sortes de tenure

En Normandie, il y a quatre fortes de tenure, par hommage, par parage, par aumône, et par bourgage.

Cette division de tenures est d’un ancien usage en cette Province, car nous la trouvons dans l’ancienne Coûtume portée en Angleterre. Dans les Commentaires MatthausMatthaeus de Afflict . sur les Constitutions de l’Empereur Frideric Il. l. 3. Rub. 10 les biens sont divisez en la même maniere : potest quis habere res triplicis juris, videlicet Burgensatica, feudalia, et res que non si nt feudales, sed tenentur à Baronibus ce sont les rotures. On ne fait point mention de la tenure par aumône, parce que par ces Constitutions Neapolitaines, un vassal ne pouvoit pas laisser son fief à l’Eglise, bien que ce fût pour la remission de ses pechez, idem 16. l. 3. Rub. 5. il falloir que le Donateur ou le Testateur en obtint la permission du Prince.


CIV.

Deux sortes de foy et hommage.

Il y a deux sortes de foy et hommage : l’un lige dû au Roy seul, à cause de sa souveraineté, l’autre dû aux Seigneurs qui tiennent de luy mediatement ou immediatement, auquel doit être exprimée la reservation de la feauté au Roy.

Cette foy et cet hommage que les Seigneurs exigent de leurs vassaux n’étoient point dûs autresfois. Le premier acte de foy et hommage que les Feudistes pretendent avoir été rendu par un vassal à son Seigneur feodal, est celuy de Tassilo, Duc de Baviere, à Pepin Roy de France, en l’année 756. Mr leLe Févre , l. 2. c. 3. de l’orig. des fiefs, fait voir leur erreur, et prouve que ce ne fut pas un acte de foy et hommage que Tassilo fit pour son Duché, mais un serment de fidelité tel que tous Sujets sont tenus de prêter à leur Souverain.

En France on tient abusive la Constitution deBoniface VIII . l. hac consultissima de Reb. Ecc. non alien. qui défend aux Ecclesiastiques de faire la foy et hommage pour les choses temporelles et fiefs dont ils joüissent, soit à cause de leurs benefices, ou de leur propre pien. Nous avons dans Aimonius un Formulaire fort ancien du serment de fidelité que les Ecclesiastiques font au Roy, en la personne de Hinemarus Evesque de Laon ; amodo fidelis, et obediens ero Domino Carolo Regi seniori meo, secundùm ministerium meum, ficut homo seniori suo.

Quelques differentes que soient les Coûtumes de France touchant les fiefs et les droits qui en dé pendent, il y a entr’elles une parfaite conformité pour la foy et hommage. Nôtre Coûtune fait de deux sortes d’hommage, sun lige dû au Roy seul, l’autre dû aux Seigneurs qui tiennent de luy mediatement ou immediatement.

L’origine de ce mot de lige est rapportée fort diversement. MrCujas , l. 1. des fiefs. M Bignon sur sur Marculphe, l. 1. c. ult. in verbo Leoda ; et Brodeau sur la Coûtume de Paris, Art. 63. estiment qu’il vient d’un ancien mot François Leudum, qui signifie foy ou fidelité.Couvellus , l. 2. t. 2. 8. 6. en ses Institutions du droit Anglois ; feudum apud Anglos aliud est ligium, aliud non ligium : Feudista ab Italica voce ligâ, quod vinculum significat, derivatum volunt, idque quod arctius liget vassallum. VoyezDuaren , in Comment. de feud. disput. feud. c. 7. Hottoman a écrit ue cette distinction d’hommage est inconnuë dans le livre des fiefs, et qu’elle est venuë des tal ens, comme aussi le mot de lige.

IlI importe peu que le mot soit Latin ou Italien, pourvû que la chose qu’il signifie nous devienne connuë. La Coûtume fait de deux sortes d’hommage : elle veut que l’hommage-lige. soit celuy qui est dû au Roy seul, à cause de sa Souveraineté.

Deux sçavans hommes, dit M d’Argentré , Art. 314. de la Coûtume de Bretagne, ont fort disputé touchant la signification de ce mot de lige, et de son usage : unus ut demonstret ligii voce, non alium intelligi quam vassallum quemlibet, alius ut eum vassallum designari agnoscat, non tamen quemvis, sed eum qui fidelitatem jurat, nullâ alterius cujusque fidelitate jalvâ, sine exceptione contra omnes, qualis summis principibus prastari solet. C’est en ce lens que les Italiens, dont ce mot nous est venu, prennent ce mot de lige, comme fait aussi nôtre Coûtume. Mais en Bretagne on ne l’entend pas de cette manière, hec significatio nobis recepta non est, que supremi agnitione fit. sed pro communi, & vulgari feudi et hommagii jure quod à quolibet vassallo cuilibet Domino praestari folet, ratione hommagii directi. Plusieurs Coûtumes de France, dit le Bouteiller en sa comme Rurale, l’ont pris en cette manière, l. 1. c. 12. des fiefs. Et c’est aussi le sentiment de

Mr leLe Févre , qui montre que ceux-là se trompent qui se persuadent que l’hommage-lige est celuy qu’on rend à son seigneur, quand il est Prince Souverain : justifiant par plusieurs actes que des vassaux-liges ont des vassaux-liges, et que les Rois de France ont des vassaux simples. aussi-bien que des liges : et que la véritable différence de l’un et de l’autre est, que le vassaldige est obligé au service personnel, quand son seigneur en a besoin, et que le vassal simple à y est obligé qu’à raison du fief, c’est à dire que le vassal peut mettre un homme en sa place ; nais en l’état que les fiefs sont maintenant reduits, il importe peu de sçavoir en quoy consiste le vasselage-lige et le vasselage-simple : Nôtre Coûtume nous en instruit suffisamment n appelant l’hommage-lige, celuy qui est dû au Roy seul, et que dans celuy qu’on rend aux Seigneurs la reservation de la feauté doit être exprimée. Cette clause a été prudemment employée, les Seigneurs depuis Hugues Capet jusqu’à Loüis XI. commandoient absolument à urs vassaux, et les obligeoient à les servir même contre le Roy ; et par une Ordonnance de S. Louis, ils pouvoient luy faire la guerre sans crime, aprés avoir gardé les mesures prescrites par cette Ordonnance, que Mr le Le Févre a donnée au publie. L’Empereur Frederic I. pour empescher ce desordre fit une Ordennance au Camp de Roncal, portant qu’en tout serment de fidelité ( il entend la foy et hommage que les vassaux font à leur Seigneur de fiefy l’Empereur seroit nommément excepté.

Maintenant on n’entend plus parler d’hommage-lige, de service personnel en guerre, d’ouvrir ses châteaux à son seigneur, et autres choses pareilles : Le droit des fiefs ne subsiste plus que pour les Cens, rentes Seigneuriales, lots et ventes, ou treiziémes, et autres profits, selon les coûtumes des lieux

Ce mot de Seigneur dans le sens feodal, signifie celuy qui donne une partie de son héritage, en retenant sur celuy qui le reçoit quelque marque de superiorité ; Il a été donné aux Seigneurs de fiefs, aprés qu’ils se sont fait prêter le serment de fidelité par leurs vassaux. Tou-chant ce mot de Seigneur, voyez leLe Févre , l. 2. c. 2. des fiefs


CV.

Foy et hommage se doit faire en personne.

Le Seigneur n’est tenu recevoir son vassal à luy faire foy et hommage par Procureur, sans excuse legitime.

L’hommage étant un devoir de respect, d’honneur, et de dignité, il est inseparable de la personne du vassal. Les Actes de cette consequence ne se peuvent expedier par l’entremise d’un Procureur : comme autrefois à Rome les Actes d’adoption, d’adrogation, d’émancipation, et t autres semblables, ne se pouvoient expedier par Procureur. VoyezHottoman , disp. feud. c. 21 et 24. in primord.

Brodeau , sur l’Article 67. de la Coûtume de Paris, a remarqué plusieurs exceptions à cette regle : Premierement, pour les fiefs avenus au Roy, et qui étoient mouvans d’autres Seigneurs : car autrefois le Roy en faisoit faire la foy et hommage par un Procureur ; cela ne se pratique plus depuis l’Ordonnance de Philippes le Bel, de l’an 1302. qui contient ces termes. Si vero contingai nod in territorio Ecclesiastico, aut aliorum subjectorum nostrorum, aliquae forfacturae nobis eveniant, jure nostro Regio infra annum & diem ponemus extra manus nostras, & hoc in manibus sufficientis niminis ad deserviendum feudo vel recompensationes sufficientes et rationabiles faciemus. Matthieu Paris rapporte un Edit de Jean Roy d’Angleterre, en l an 1215. en ces termes, nos autem non renebimus terras eorum qui convicti fuerunt de felonia, nisi per unum annum & diem, & tunc reddantur terra Dominis feudorum. Il y a plusieurs autres Ordonnances semblables qui s’observent exactement.Terrien Terrien , l. 12. c. 40. de Forfaiture

La deuxiéme exception est pour les Communautez qui font l’hommage par leur Syndie, Les Moniales par un Procureur, quoy queBoniface VIII . en la Decretale de Statu Regul. n. 6. c. un. co. 8. verum de Statu, leur permette de sortir pour cet effet.

La troisième pour le curateur établi pour les creanciers. Mais en cette Province elle n’auroit point lieu. La quatrième pour la femme mariée qui fait l’hommage par son mary : et la cintième quand il y a excuse legitime. Les excuses legitimes sont amplement traitées par duMoulin , pag. 67. n. 2. et sec. et par Brodeau ibid. et parPontanus , sur l’Article 57. de la Coûtume de Blois. Plusieurs Coûtumes sont conformes à la nôtre

Si le vassal êtoit un seigneur de marque, et le Seigneur non noble, ou beaucoup inferieurs on demande si en ce cas le vassal pourroit être dispensé de ce devoir : Il faudroit que l’inégalité le condition. fût tres-considérable : Mr Loüet a remarqué des Arrests par lesquels quelques Conseillers de la Cour ayant demandé congé de desemparer pour aller faire la foy et hommage, on ordonna qu’ils seroient reçûs à faire la foy et hommage par Procureur, si mieux le seigneur ne vouloit donner souffrance jusqu’à la premiere commodité,

Ce terme de vassal n’est entré dans l’usage des fiefs que long-temps aprés leur établissement, et suivant l’opinion de Mr leLe Févre , l. 2. c. 3. des fiefs, depuis Hugues Capet jusques à S. Louis, le mot de vassal n’a point été employé pour signifier celuy qui tenoit un héritage en fief. Ceux qui acceptoient des héritages en feodalité étoient nommez hommes de leur Seigneur, en Latin milites, et souvent homines.


CVI.

Quand la foy et hommage sont dûs.

Foy et hommage ne sont dûs que par la mort ou mutation du vassal, et non par la mort ou mutation du Seigneur.

La Coûtume de Paris ; Article 65. et 66. est contraire ; mais nôtre usage est meilleur.

C’est une aggravation inutile sur les vassaux. Aussi Brodeau a remarqué que l’ancienne Coûume de Paris êtoit conforme à la nôtre : Voyez aussidu Moulin , sur cet Article-là, et Mr d’Argentré , Article 200. Cet Article a pour fondement que la foy et hommage est un droit réel : Homagium est servitus realis, quam Patrono vassallus prastat,Couvel . Inst. Inst. juris Angl. l. 2. t. 3. 5. 9. et du Moulin c. 1. gl. 5. et S. 42. n. 34. fidelitas magis concernit et afficit rem, quam personam, et c’est pourquoy il suffit que le vassal s’en soit acquitté une fois. Vide li licer ; et l. circa locationes. C. locato.


CVII.

La forme de l’hommage.

La forme de l’hommage est, que le vassal noblement tenant, doit étendre ses mains entre celles de son Seigneur, et dire ces mots, je deviens vôtre homme à vous porter foy et hommage contre tous, sauf la feauté au Roy.

En cet Article la Coûtume prescrit la forme de l’hommage ; mais un si grand nombre d’Auteurs ont traité de cette matiere, qu’il seroit inutile d’en parler.Cujas , lib. 2. de feud. c. 7.

Ou Moulin , en son Commentaire des fiefs, etBrodeau , sur la Coûtume de Paris, Article S3.

Chassanée D’Argentré , Coûtume de Bretagne, Article 332. Chassanée, titre des fiefs, tab. 3. Manibus dati nore antiquo fidelitas promittebatur : DansMarculphe , l. 1. Form. 18. in manu nostra Trustem et idelitatem visus est conjurasse. Trustem, id est, fidem, et Antrustio est fidelis : Vide, plura apudBignonem .

Cette forme d’hommage que cet Article ordonne, est d’un ancien usage en cette Province.

On trouve dans les loix d’Ecosse, l. 2. c. 62. la forme de l’hommage à peu prés pareille à la nôtre : Ut fiat homo Domini sui, & fidem ei portet de tali tenemento, et quodejus in omnibus ser t’et terrenum honorem, salvà fidelitate debitâ Domino Regi et heredibus suis. Couvellus nous apprend qu’en Angleterre, le vassal étant teste nuë et à deux genoux, étend ses mains entre celles, le son seigneur qui est assis, et luy dit ces paroles ; Je deviens vôtre homme de ce jour à l’avenir, et vous garderay fidelité pour les terres que je tiens de vous, sauf la feauté que je dois au Roy. Ce fut en cêtte maniere que les Normans firent hommage au Duc Guillaume. His dictis Berenverus Comes, et Alanus, caterique Britones, nec-non Normanorum Principes subdiderunt se volentes Willelmo unanimes, juramentoque sacra fidei illi se colligaverunt, manusque suas manibus illius vice cordis dederunt.Lithleton , l. 2. c. 1. d’Hommage, en rapporte la forme en vieux Normand. Hommage est le plus honorable service et le plus humble service de déference, que franc tenant peut faire à son segnior ; car quand le tenant fera l’hommage il sera discinct, et son test discovert, et son Segnior eerra, et le tenant genuëra devant luy sur ambiduë genuë et tendra ses maines extendes et jointes ensemble enter les maines les Segnior, et dira jeo deveione vôtre homme de cet jour en avant de vie, d et de member et de terren honneur et à vous sera foyal et loyal, et foy à vous portera des tenemens que jeo clame de tener de vous salve la foy que j’en day à nôtre Segnior le Roy ; et doncques le Segnior issint seiant luy baisera.

Glanville a remarqué que l’Evesque consacré et la femme mariée n’étoient point tenus de faire la foy et hommage. Mais le même Lithleton et les Auteurs recens, nous rapportent la forme de l’hommage des Ecclesiastiques. Mes si un Abbé, oi un Prior, ou auter homme de Religion feront hommage à son Segnior, il ne dito, jeo deveigne vôtre homme, parce qu’il ad luy professe à pur ester tant seulement l’homme de Dieu. Mais ils diront issint : jeo vous face hommage et à vous sera feval et loyal, et soy à vous portera des tenemens que jeo teigne de vous, salve la foy que je dois à vôtre Segnior le Roy.

Et à l’égard de la femme mariée, si femme sole fera hommage à son Segnior, ne dira, jeo deveigne vôtre femme pur ceo, qu’il uconvient qus femme dira, qu’elle devindra femme à aucun homme, fors qu’à son baron quand elle est épouse ; mes dira, jeo face à vous hommage et à vous sera foyale et loyale, et fay à vous portera des tenemens que jeo teigne de vous, falve la foy que je doy à nôtre Segnior Roy.

Comme lon n’a pas trouvé dans cette formule qu’il fût de la bien-seance que la femme dit à son seigneur, je deviens vôtre femme. Aussi dans les Coûtumes de France qui portent que le vussal doit la bouche et les mains à son seigneur, on a jugé que la femme vassalle avoit satislait son devoir, quand elle avoit fait la foy et hommage, bien qu’elle n’eûr pas presenté la bouche et les mains. Du Moulin en ses Notes sur l’Article S4. la Coûtume de Blois.Chopin , titre des fiefs la Coûtume de Paris, n. 4

Pour la forme de lhommage, il faut garder la Coûtume du fief Dominant ; car sur cette question, s’il falloit suivre la Coûtume du fier Dominant, ou celle du fief servant : Lors que les Coûtumes prescrivent des formes differentes on a fait cette distinction que pour la foy et hommage il salloit garder la Coûtume du fier Dominant. Mais quand il s’agit des redevances services et rentes, la Coûtume du lieu où le fief servant est assis doit être suivie ; parce, dit duMoulin , de feud. 8. 12. n. 37. que in dubio Dominus dans in feudum, non censetur concedere secundùm consuetudinem suam, sed fecundùm consuetudinem loci, in quo sita est res in feudum concessa, quin de jure in his quae concernunt rem vel onus rei, debet attendi consuetudo loci, ubi sita ext : De la même naniere que pour les contrats, quant à la forme on considère le lieu où ils ont été passez, et uant à la matière la Coûtume du lieu où l’on contracte. VoyezLoüet , l. C. n. 49. etBrodeau , Article 63. n. 18. etRicard , sur ce même Article, dit qu’on ne doute plus à present, pour ce qui est de la foy et hommage, l’on régarde la Coûtume du fief Dominant ; mais pour les droits de relief, rachat, quint, et autres, il faut suivre la Coûtume du fief servant. Luc. 1. 7. t. 4.

Coquille Tit. des fiefs, Article 2. qui se fonde sur la l. si fundus de evict.Pontanus , Article 46. de la Coûtume de Blois. Consuetudo loci, in quo positum est feudum serviens, est sequenda tam in successionibus, laudimiis, et servitiorum prastationibus, quidquid dubitetFaber , ad legem Cunctos, codice Molinaeus le summâ Trinitate Molineus S. 22. n. 37.

On trouve trois opinions differentes sur cette question, si le Seigneur ayant laissé plusieurs heritiers, le vassal est tenu de faire autant de fois la foy et hommage, qu’il y a d’heritiers Quelques-uns pensent que l’hommage devoit être rendu aux heritiers, parce que le serment de fidelité est individua quedam servitus : d’autres n’obligent le vassal qu’à rendre l’hommage. à un seul, la condition du vassal ne pouvant être renduë plus onèreuse ; aprés la mort ou la mutation de son seigneur, et presque tous les Feudistes tiennent ce partv La troisième opinion est que quand il y a plusieurs heritiers qui possedent le fief par indivis, se vassal doit faire la foy et hommage à l’ainé d’iceux seulement. Nôtre Coûtume ne prescrivant point de temps au vassal pour faire la foy et hommage, il profite de la negligence de son Seigneur, et ainsi il n’arrive gueres qu’un vassal soit pressé de rendre ce devoit avant que les heritiers ayent fait partage. Si toutefois le vassal étoit poursuivi, il me semble juste d’obliger les heritiers à convenir de celuy d’entr’eux à qui l’hommage seroit fait, autrement il doit être fait à l’alné, parce que par la Coûtume il est saisi de toute la succession, en attendant que partage luy soit demandé. Voyez Pontanus sur la Coûtume de Blois, Article 55.Cuj . l. 4. feud. t. 9. d’Argentré , Article 332. n. 1.Coquille , Inst. Inst. du droit François, titre des fiefs.Brodeau , Article 63. n. 7. parce que c’est un Acte individu, il n’est dû qu’une seule prestation de oy et d’hommage.


CVIII.

En quel lieu le vassal doit faire la foy et hommage.

Le vassal est tenu faire les foy et hommage en la maison seigneuriale du fief dont il releve ; et si le Seigneur n’y est pour le recevoir, ou Procureur pour luy, en ce cas le vassal aprés avoir frappé à la porte de ladite maison, et demandé son seigneur pour luy faire les foy et hommage, doit attacher ses Offres à la porte, en la presence d’un Tabellion ou autre personne publique pour luy en bailler Acte, et puis se presenter aux Pleds ou gage-plege de ladite Seigneurie pour y faire lesdits foy et hommage. Et où il n’y auroit maison sSeigneu-riale, il fera ses Offres au Bailly, Senéchal, Vicomte ou Prevost du Seigneur, S’il y en a sur les lieux : sinon il se pourra adresser au Juge, soit Superieur du fief Royal, ou autre, pour avoir sa main-levée.

Aprés avoir parlé de la forme de l’hommage, la Coûtume en cet Article designe le lieu ou doit être fait ; cet Article contient trois parties : Dans la premiere, il remarque le lieu où le vassal doit se presenter : Dans la seconde, on luy prescrit ce qu’il doit faire quand le Seigneur est absent ; et dans la derniere on luy marque le lieu où il doit aller, quand il n’y a point de maison seigneuriale sur le fief.

Il est raisonnable que le vassal aille trouver son seigneur, et il ne seroit pas de la bien-seance qu’un seigneur recherchant son vassal pour l’obliger à faire son devoir, puisque d’ailleurs il a le pouvoir de châtier sa negligence et son peu de respect, par la saisie de son fief.

Le fief servant ayant fait autrefois partie du fief Dominant, et n’en ayant été démembré que ous des conditions imposées par l’investiture, la foy et hommage ne se doit faire qu’en la maison du Seigneur, comme le lieu le plus noble et le plus respectueux, et destiné par le Seigneur pour y exercer les principales fonctions et les actes les plus importans de sa puissance reodale. Aussi dans les anciens Auteurs le manoir Seigneurial est appelé Curtis, curia, la Cour du Seigneur, et en plusieurs lieux de cette Province on appelle encore la Cour, la maison de Seigneur.

Le vassal neanmoins peut en être dispensé dans ces deux rencontres, quand il ne peut y alles ans peril, soit à cause de la violence du Seigneur, ou à cause des inimitiez capitales qui peuvent Chassanée être entr’eux. Chassanée, titre des fiefs 5. 1. toutefois y apporte cette limitation, dummodo non sit inculpâ. En effet il ne seroit pas juste que le vassal pour avoir fait une injure à son Seigneur, fût dispensé de s’acquitter de son devoir. Il peut encore être excusé en temps de guerre ou de peste ; l’intention de la Coûtume n’est pas d’engager le vassal à des devoirs perilleux et difficiles.

Si le manoir du Seigneur est entierement ruiné, le vassal est aussi dispensé d’y aller, il seroit inutilement des Offres à des murailles ruinées, et à une maison deserte et inhabitable : Ce seroit plûtost une illusion qu’une marque de son respect ; que si le Seigneur avoit fait construire un aistre manoir, bien qu’en un autre endroit, le vassal seroit tenu de s’y transporter, pourvû qu’il fût dans l’etenduë du même fief, car le Seigneur a cette liberté de placer son manoir Seigneurial en tel lieu de son fief qu’il voudra choisir ; le vassal ne peut pas contraindre son Seigneur à recevoir son hommage hors l’etenduë de son fief, encore même que cela luy fût plus commode

Dans la seconde partie de cet Article, la Coûtume instruit le vassal de ce qu’il doit fairi quand le Seigneur est absent. Il n’eût pas été juste de l’obliger d’attendre le retour du Sei gneur, et cependant que la saisie de son fief eût continué. En cas d’absence du Seigneur ou de quelque Procureur pour luy, le vassal aprés avoir frapé à la porte de la maison, et demandé son seigneur pour luy faire la foy et hommage, doit artacher ses Offres à la porte en la presence d’un Tabellion ou d’une autre personne publique, pour luy en bailler Acte, et puis se presenter aux Pleds de la Seigneurie pour luy faire foy et hommage.

Par la Coûtume de Paris, Article 63. quand le Seigneur ne se trouve point sur le lieu, ni autre ayant pouvoir pour luy, il suffit de faire foy et hommage devant la principale porte du manoir, aprés avoir appelé à haute voix le Seigneur par trois fois Par la Coûtume d’Orléans, titre des fiefs, Article 11. quand le Seigneur n’est pas sur le dieu, le vassal doit faire son hommage à la porte ou verou., en baisant la porte ou verou toutes ces ceremonies ridicules ressentent l’ignorance et la simplicité des siecles passez.

Dans la derniere partie la Coûtume enjoint au vassal, quand il n’y a point de maison Seigneuriale, de garder les mêmes formalitez qu’elle luy a prescrites, en cas d’absence du Sei-gneur. Il eût été fort à propos de déclarer si ces Offres ont le même effet que la reception en foy ou acceptation faite par le Seigneur, et s’il peut encore puis aprés contraindre son vasfal à luy faire la foy et hommage. Par la disposition du droit une offre simple ne libere point : sed obligationem tantùm debitoris leviorem reddit. l. si mora soluto matrimonio I. qui Roma in princ. ff. de verb. oblig. et ainsi cette offre du vassal ne le décharge pas si absolument que son Seirneur ne le puisse interpeller derechef, et le poursuivre pour luy rendre ses devoirs, dont il luy avoit fait offre en son absence. Ce refus du vassal le constituëroit en un juste retardement, ultima quippe mora nocet ; et il y a grande différence entre le vassal qui a rendu effectivement son hommage à la personne de son Seigneur, et celuy qui peut-être a cherché l’occasion de son absence, et bien que la Coûtume donne le même effet aux offres faites par le vassal, qu’à une véritable prestation de l’hommage, cela toutefois ne doit s’entendre que pour décharger le vassal de la peine qu’il auroit encouruë cessant son offre, et comme en droit, qui dari vult proximus danti habetur, & ideo à pona excusatur, ita hoc casu vassallus propter istam obligationem non tenetur, nisi postea interpellatus fidelitatem Domino prestare recuset : ista oblatio à vassallo facta illi quidem fructus rei suae servat, non autem liberationem rerum Domino debitarum parit C’est le sentimentPont ., Art. 56. et Coût. de Blois du Moulin des fiefs, S. 45. 4. 1. n. 14. et seq. qu’encore que le vassal soit en seureté et n’encoure plus la perte des fruits de son fief, en consequence de la saisie, parce qu’il a purgé la demeure et satisfait à son devoir, entant qu’il a pû, neanmoins il n’est point déchargé de la prestation de la foy, parce que c’est un Acte de deux personnes naturel et reciproque, qui ne se peut accomplir par defaut et en l’absence du Seigneur.

du contraireBrodeau , Art. 63. n. 12. dit que comme en matière beneficiale, un refus injuste vaut de Collation, l’Offre de la foy et hommage faite serieusement et de bonne foy pro-eluit le même effet que l’admission et la reception actuelle, et il atteste que l’usage a rejetté l’opinion de du Moulin ; et en effet ce dernier party me semble plus équitable, car un vassal ayant executé tout ce que la loy luy prescrit, il ne seroit pas juste de rendre son obe issance llusoire, et de l’exposer derechef aux surprises d’un Seigneur, qui sous pretexte d’un interellation faite à un vassal absent, ou dont il pourroit n’avoir point eu de connoissance, saisi-roit de nouveau son fief.

C’est une maxime certaine que les Engagistes du domaine du Roy ne peuvent exiger la foy et hommage, et que les vassaux la doivent faire en la Chambre des Comptes, les Engagiste n’ont que les droits utiles : mais dans les Apanages des enfans de France, on fait la foy et nommage aux Apanagers.


CIX.

Prises de Fiefs.

a faute d’homme, aveu non baillé, droits et devoirs Seigneuriaux non faits, le Seigneur peut user de prises de fiefs, quarante jours aprés le deceds du dernier possesseur, où mutation du vassal avenuë.

La disposition de cet Article est universelle : Elle se trouve employée presque dans toutes les Coûtumes de France ; cela se pratique aussi au de-là du Rhin et des Alpos en Lombardie, en Sicile, en Angleterre, et par tout où l’usage des fiefs est reçû. Dans quelques Coûtumes il y a des fiefs de telle nature, que le vassal ne peut s’en mettre en possession sans avoir fait a foy et hommage au Seigneur, dont ces fiefs sont mouvans ; autrement il commet son fiefs esi ce n’est qu’il luy fût échû de pere ou de mere, et c’est ce que l’on appelle fiefs de Danger. thaumont, Art. 56. Bar-le. Duc, Art. 1.

Cet Article contient ces matieres, quelles personnes peuvent user de saisie feodale ; pour quelle cause elle peut avoir lieu ; quand elle peut être faite ; et quels en sont les effets et les vantages au profit du Seigneur.

Le Seigneur proprietaire fief Dominant peut seul user ce droit. Et bien quedu Moulin ,. art. 1. gl. 4. ait été d’avis que le Seigneur n’a pas besoin de feud Mandement ou de Commission pour saisir ; et que cela semble être raisonnable, puisque la Coûtume est une Commission suffisante, son opinion n’a pas été suivie. La Coûtume de Blois, Article 76. le dit expressément, et il y a long-temps que cela a été décidé en cette Province.

Par un Arrest du 3 d’Aoust 1533. entre Loüis du Bose et Mre Jacques Dauvert, il fut jugé que le Seigneur ne pouvoit de son autorité privée user de prise de fief, et qu’il doit obtenit un Mandement de son Senéchal ; ce qui est conforme à la l. 3. C. de pignor. Creditores qui non redditâ sibi pecuniâ conventionis legem ingressi possessionem exercere vim quidem facere non videntur, attamen autoritate Presidis pissessionem adipisci debent : non seulement il doit saisir en vertu l’une Commission, mais il doit aussi saisir en son propre nom. Dans le Journal des Audiences du Parlement de Paris, on trouve un Arrest par lequel une saisie fecdale requise par un Procureur fiscal, fut déclarée nulle, ayant dû être faite au nom du Seigneur, parce qu’il n’y a que le Roy qui puisse plaider par Procureur.

Ou Moulin sur l’Article premier de la Coûtume de Paris, gl. 1. n. 1. et seq. a traité fort amrement cette question, si l’usufruitier pouvoit exercer en son nom cette saisie feodale, et il voit resolu qu’il ne le pouvoit pas ; quia jus prehendendi, non alii suo nomine competere, quam vero Domino. La qualité de Seigneur ne subsiste qu’en la personne du véritable propriétaire pr l’usufruitier n’a pas cette qualité, mais par la Coûtume qui a été reformée depuis que du Moulin avoit écrit, la question a été décidée : Par l’Article 2. l’Usufruitier peut à sa requête, perils et fortunes, faire saisir le fief dont il joüit par usufruit, à faute d’hommes, droits et devoirs non faits et non payez, pouruû qu’en l’exploit qui sera fait le nom du proprietaire soit mis et apposé, commation toutefois préalablement faite au proprietaire du fief Dominant de faire saisir, et ne peut le proprietaire bailler main-levée, sinon en payant les droits à l’usufruitier.

Cette disposition est fort raisonnable, nôtre Coûtume n’a point décidé cette question, j’estime néanmoins que parmy nous un usufruitier en pourroit user de la sorte, par argument de l’Art. 191. suivant lequel les Pleds doivent être tenus sous le nom du propriétaire et de l’usufruitier conjointement.

S’il arrivoit au contraire que le fief dont quelqu’un joüit par usufruit fût saisi par le Seigneur Dominant, et que le proprietaire fût negligent d’en demander la main-levée, sçavoir si l’usufruitier pourroit la demander en son nom Du Moulin n’estime pas qu’un usufruitier soit une versonne capable pour cet effet, mais il peut poursuivre le propriétaire pour obtenir la mainvée, et en cas de défaut le faire condamner à l’indemniser : Cet Auteur excepte néanmoins la Doüairière, parce, dit-il, qu’encore qu’elle ne soit qu’une usufruitière, et qu’elle n’ait l’autre droit, néanmoins elle est recûë à demander souffrance pendant son usufruit, parce qu’à cause du mariage, ce n’est qu’une continuation de joüissance, licet assimiletur fructuario, nec ampliori jure gaudeat, tamen conceditur ei, ut pro tempore sui usufructus admittatur : Cela est vray, quand le mary a baillé aveu, bien qu’elle ne soit qu’une usufruitière, et qu’elle n’ait l’au tre droit, néanmoins elle est reçûë à demander souffrance pendant son usufruit, parce qu’à cause du mariage, ce n’est qu’un continuation de joüissance ; que s’il ne s’en est pas acquitté, le Seigneur peut saisir les biens baillez en doüaire, sauf les actions de la doüairière contre les propriétaires, pour les obliger à bailler aveu-

On ne doute poine que le tuteur ne puisse saisir au nom de son pupille, et le mary au nom de sa femme : mais un fermier quoy qu’il eût generalement tous les droits du Seigneur, ne pourroit user de saisie en son nom, nonobstant toutes les distinctions dedu Moulin , 8. 1. gl. 1. n. 71. et seq. il convient que le Seigneur peut céder son droit, n. 34 Cette difficulté peut souvent arriver, si la saisie feodale doit être preférée à celle des créanciers : On peut dire que les creanciers ne peuvent empescher l’execution des droits du Sei-gneur, parce qu’ils sont plus anciens que leurs hypotheques. Lors que le fief est ouvert on ne peut empescher la saisie feodale, ni priver le Seigneur de punir la negligence de son vassal, qu’en faisant la foy et hommage, et en payant les droits qui sont dûs. Or cet hommage ne peut être rendu que par le vassal en personne, et le Seigneur n’est point tenu de recevoir un étranger en sa place. Il est vray que regulièrement le créancier peut se faire subroger en tous les droits appartenant à son debiteur ; mais la prestation de la foy et hommage est si fort attachée à la personne du vassal, que ce devoir ne peut être fait ni acquitté par autre que par luy.

Ricard , sur l’Article 34. de la Coûtume de Paris, qui porte que le Curateur ou le Commissaire établi à la requête des creanciers, à un fief saisi, peut faire la foy et hommage au Seigneur feodal, au refus du propriétaire vassal dudit fief, pour obtenir main-levée de la saisie feodale, dit qui cet Article suppose, que le droit du Seigneur feodal est preferable à celuy des autres creanciers, et que cela ne reçoit point de difficulté, le Seigneur ayant un privilege qui surpasse celuy de tous les autres, et en consequence que, comme la saisie feodale et la saisie réelle sont de diverses qualitez, et produisent de differens effets, rien n’empesche que le Seigneur ne fasse proceder par saisie feodale sur un fief, qui se trouve avoir été auparavant saisi réellement à le requête des creanciers, ce qu’il confirme par un Arrest du Parlement de Paris.

On allégue au contraire, qu’un debiteur se voyant accablé de dettes, par intelligence avec son seigneur feodal, negligeroit de rendre aveu, et d’obtenir la main-levée de la saisie feodale. et par cette voye le Seigneur feroit les fruits siens au préjudice des creanciers, ausquels on ne peut imputer de retardement, le Seigneur ne reçoit point de préjudice par leur saisie, parce qu’il peut convertir sa saisie en opposition, et se faire payer de ses droits sur les fruits vant tous les creanciers

Si l’on suivoit la rigueur et la subtilité du droit, il seroit mal-aisé de trouver un remede pour empescher la fraude et la malice d’un vassal, et tirer les creanciers de perte. Mais les Coûtumes et les Arrests des Cours Souveraines ont passé par dessus ces subiilitez, en permettant aux creanciers pour l’absence ou pour le refus du vassal, de faire créer un curateuru fief, à l’effet de prêter la foy et hommage, ou d’être reçû en souffrance.Tronçon , sur l’Article 34. de la Coûtume de Paris : et De laLande , sur l’Article 4. de la Coûtume d’Orléans.

En Normandie, suivant l’Arrest remarqué parBerault , les créanciers peuvent exercer leurs droits et leurs actions, en payant au Seigneur les frais des saisies, et les arrerages des rentes Seigneuriales : Ce qui est fondé sur cette raison, que les fiefs étant tout à fait patrimoniaux, on les peut engager et hypothequer

Il semble neanmoins que le Seigneur ne soit pas pleinement desinteressé, lors qu’aprés la mort ou l’abandonnement fait par le vassal de tous ses biens il y a ouverture au fief ; car si les créanciers oresentent un curateur, comme il ne passe pas pour un véritable proprietaire, à l’effet de produire quelque mutation de son chef, il n’est pas juste que le Seigneur soit sans homme, pendant un emps considérable que le decret peut durer. Dans les Coûtumes qui permettent de presenter un Curateur, le Seigneur peut obliger ceux qui le luy presentent, de convenir que cet nomme passera pour homme vivant et mourant : ce qui a été jugé au Parlement de Paris, comme rapporteRicard , Art. 34. mais en cette Province, où nous ne recevons point ces Curateurs, quel remede peut-on apporter pour desinteresser le Seigneur : Si le saisi a fait la foy et hommage, il ne laisse pas d’être proprietaire pendant la saisie et jusques à l’adjudication, et il n’y a point d’ouverture au fief. Mais s’il vient à mourir pendant la saisie, ou s’il étoit decedé avant la saisie, alors comme le Seigneur n’a plus d’homme, et que par consequent il peut user le saisie, ce n’est pas assez pourvoir à son indemnité, que de luy payer ses frais et ses arrerages : En ce cas il seroit raisonnable, à mon avis, de recevoir le Commissaire à prêter la foy et hommage, à condition que ce Commissaire passeroit pour homme vivant, mourant et confisquent, par le decez duquel les reliefs et les autres droits feodaux seroient acquittez à lexemple des Mains-mortes

Le droit de saisie dépendant de la pure faculté du Seigneur, on ne prescrit point contre cela ToannesJoannes Faber , in l. 1. Cod. de servit. et aquâ. On a formé cette question si les créanciers du Seigneur pouvoient contraindre le Seigneur à saisir quand il y a ouverture de fief, et s’il peut reünir les héritages de ses vassaux, à faute d’avoir baillé leur aveu, pour en gagner les fruits question et les appliquer au payement de ses dettes :Coquille , question 26. et sur la Coûtume de Nivernois titre des fiefs, Article 11. est d’avis que si l’ouverture du fief est sans profit de bourse, de Seigneur n’y peut être contraint ; que s’il y a du profit, le droit luy en étant acquis ipfo jure les créanciers peuvent arrêter les lots et ventes, et les autres droits dus par un acquereur ; il semble au contraire que le Seigneur peut faire cette grace à son nouveau vassal ; cette remise ne doit être considérée comme une fraude ; celuy qui n’acquiert point, quoy qu’il le pût faire, n’est point reputé diminuer son bien, l. qui autem ff. qui in fraudem creditorum l. 1. 8. utrum siquid in Fraudem Patroni. Les graces que le Seigneur fait à son vassal, en n’exerçant point la rigueur de son droit, ne sont point defavorables. Et c’est aussi le sentiment de Godefroy sur cet Article.

Pour la resolution de cette difficulté, il me semble que s’il s’agissoit d’un droit pleinement acquis au Seigneur, pleno jure, et sans aucun ministere ni déclaration de sa part, comme un treizième, les créanciers pourroient user d’arrest ou lobliger à passer une procuration, pour s’en faire payer ; pour les fruits qui n’appartiennent au Seigneur qu’en vertu de la saisie feodale, le temps. u’il donne à son vassal ne peut passer pour une fraude, et il seroit contre la nature de la feodalité, de contraindre un Seigneur à traiter rigoureusement son vassal.

Le fermier qui auroit tous les droits utiles du fief, l’Usufruitier ou le Commissaire établi la regie du fief Dominant, seroient aussi favorables à faire cette poursuite contre le seigneurs à l’exception toutefois de la foy et hommage s’il ne luy êtoit dû que la bouche et les mains, argumento legis 3. 4. siquid minori de minoribus. Coquille ibidem : ce qui me paroit raisonnable, quoy que Godefroy soit d’un sentiment contraire.

La Coûtume ne déclare point si le vassal tombe en quelque peine, quand il enfreint la saisie et enleve les fruits ; plusieurs Coûtumes punissent son infraction : Coquille croit que le vassal ombe en Commise, mais la Coûtume de Paris, Article 29. le condamne simplement à la restitution des fruits enlevez ; je n’étendrois la peine de cette infraction qu’à la restitution entière des fruits, tant de ceux qu’il auroit perçûs, que de ceux qu’il auroit dû percevoir : on pourroit toutefois y ajoûter quelque amende, selon l’exigence du cas, et selon la qualité de la violence qu’il auroit commise.

C’est l’opinion generale des Docteurs, que le vassal est tenu d’indiquer au Seigneur les terres qu’il possede, mouvantes de luy, lors qu’il se reconnoit vassal ; son aveu l’oblige à designer ce qui luy donne cette qualité. Il n’en est pas de même quand il desavouë, c’est alors au Seigneur à prouver et à chercher le fonds qu’il demande

C’est aussi une regle que le Seigneur peut toûjours saisir hormis en trois cas : quand le vassal desavoue ; quand il y a contestation entre deux Seigneurs ; et quand il a fait des offres suffisantes.

La Coûtume explique trois causes, pour lesquelles le Seigneur peut user de saisie, à faute d’hommage, d’aveu non baillé, de droits et devoirs Seigneuriaux non faits. On doute si pour sauver l’esser de la saisie feodale, le vassal est indispensablement obligé de satiefaire et d’accom plir ces trois conditions : Si aprés avoir fait la foy et hommage, sans bailler aveu, il pourroit en obtenir la main-levée ; La Coûtume semble être favorable pour la negative ; car tous les termes en sont eopulatifs, et ce n’est pas assez d’executer une des conditions, si l’on n’accomdit toutes les autres. Par l’Article 120. aveu bon ou mauzais sauve la levée. Il faut donc pour la sauver bailler aveu ; et cela est si véritable queBrodeau , sur le premier Artiele du titre des fiefs, dit que le Seigneur peut proceder par voye de saisie feodale, non seulement pour les droits et profits du fief, dus à cause d’une derniere acquifition, mais même pour les mutations precedentes ; à plus forte raison en cette Province, le cours de la saisie ne peut êtré arrété que par la prestation de l’hommage, et la presentation de l’aveu : On oppose au contraire que la fin principale de la saisie est pour avoir un vassal, et pour obliger le proprietaire du fonds saisi à le reconnoître pour tel.Molin . de feud. 5. 1. gl. 9. n. 47. Hec manâs injectio praecisè est limitata propter defectum clientis, & causa principalis et productiva, est interruptio fidelitatis ; defectus autem solutionis jurium, non est causa effectiva et productiva potestatis prehendendi, sed solum accessoria, et fic quando consuetudo loquitur de juribus, non debet indistinctè intelligi de quibuscumque, sed de fidelitate tantum que debetur ratione illius mutationis. Ainsi le Seigneur obtient la fin principale de la saisie feodale, quand son vassal luy a fait la foy et hommage. La Coûtume êtant si favorable au vassal, qu’un aveu bon ou mauvais sauve la levée ; à plus forte raison la prestation de la foy et hommage. doit avoir cette vertu : en quoy nôtre usage est fort different de celuy de Paris, où le vassal n’obtient point la main-levée de la saisie, en vertu de ses Offres, si elles ne sont suffisantes : mais en Normandie la simple presentation de l’aveu bon ou mauvais, aneantit la saisie et la reünion. Le Seigneur ne peut plus retenir les fruits, quoy qu’il ne soit point payé de ses droits, fauf à luy de les saisir et de les faire vendre

En Normandie cette difficulté ne peut naître que pour les fiefs, car pour les fotures on ne fait point de foy ni d’hommage. Elle fut décidée par un ancien Arrest du 6 de Février 1543. pour le Seigneur du fief des Portes, contre le sieur de Normanville, qui obtint main-levée de son fief, quoy qu’il n’eût point donné d’aveu, et qu’il eût fait simplement la foy et hommage.

Par la Coûtume de Paris, Article 8. quand le vassal a fait la foy et hommage il obtient la main-levée ; mais il est tenu de bailler dénombrement quarante jours aprés, que s’il ne le fait pas, l’Article suivant permet au Seigneur de saisir, sans neanmoins gagner les fruits : ce qui nontre que c’est assez d’avoir fait l’hommage pour sauver les fruits. La Coûtume de Tours, Article 30. titre des droits feodaux, le vassal est tenu de bailler aveu et dénombrement de e son fief, dans les quarante jours, aprés qu’il a été reçû à foy et hommage, et au defaut de cela, le Seigneur peut saisir et aussi enlever les fruits sans les faire siens.

Les raisons alléguées pour le vassal me semblent fortes et favorables, la foy et l’hommage étant l’attribut le plus noble et le plus relevé du fief, puisque celuy qui le reçoit est appelé Seigneur, et celuy qui le rend, vassal et sujet ; mais les termes de la Coûtume me semblent contraires : par cet Article le defaut d’aveu est une des causes qui donnent ouverture à la prise de fief ; et quand la Coûtume veut aider au vassal, et luy donner les moyens de repaver promptement sa negligence, et de sauver ses fruits, Art. 120. elle ne luy accorde ce secours et ce remede que par une seule voye, à sçavoir par la presentation d’un aveu bon ou maupais, puisque par cet Article elle permet au Seigneur de saisir pour le defaut d’aveu, aussi bien que pour le defaut d’hommage, si son intention avoit été que le vassal fût à couvert de la rigueur de la saisie feodale, par la seule prestation de la foy et l’hommage, elle n’auroit pas manqué de s’en expliquer ; et neanmoins par l’Article 120. elle ne conserve les fruits au vassal qu’à cette condition de bailler un aveu ; et aujourd’huy que la foy et hommage ne s’exigent as avec tant de rigueur et de faste, que dans les siecles passez, dautant que les droits feolaux ne s’exercent presques plus que pour les droits profitables, l’aveu est plus requis par les Seigneurs que la foy et l’hommage, et c’est pourquoy il est devenu la cause impulsive et finale de la saisie.

Suivant le sentiment, de feud. 833. gl. 1. n. 152. et sequent. la donation du Moulin fief faite par le vassal à retention d’usufruit, opere une mutation suffisante pour donner ouverture à la prise du fief, vivo etiam donante, et nondum finito usufructu, quia feudum verè fuit apercum et transtatum in aliam manum, idque facto possessoris, nec retentio ususfructus impedit jus patroni.

L’absence du vassal pour longue qu’elle soit, ne donne point au Seigneur un pretexte legitime pour saisir. La mort du vassal étant le fondement de son action, il doit la prouver par des témoignages certains, et à son égard on fait valoir cette presomption de la loy, qu’un homme peut vivre jusqu’à cent ans, s’il ne paroit du contraire.Du Moulin , 5. 81. gl. 2. n. 4. ajoûte que si les presomptifs heritiers du vassal s’étoient mis en possession de son bien, qu’il y auroit mutation, et que le vassal retournant, le Seigneur qui auroit jouï, ne seroit condamnable à la restitution des fruits consommez, mais seulement de ceux qui existeroient encore, sauf le recours contre les heritiers : mais, à mon avis, le Seigneur ne pourroit se défendre d’une pleine restitution, l’usurpation faite par les heritiers ne le déchargeroit pas, ayant dû luy-même. sçavoir s’il avoit droit de saisir, et il est juste que s’étant trompé il restitué tout ce qu’il a perçû.

Le Seigneur ne peut saisir que quarante jours aprés la mort du dernier possesseur, ou mutation du vassal avenuë ; ce delay de quarante jours est donné au nouveau possesseur, presque par toutes les Coûtumes de France, et je ne sçache que la seule Coûtume de Bourgogne, titre Chassanée des fiefs, Article 41. qui donne l’an et jour : ce qui est imité du droit des Lombards ; si vassallus sit miles habet annum & mensem, si non sit miles habet annum & diem, voyez Chassanée ibid.

Brodeau , sur la Coûtume de Paris, Article 7. fonde cet usage sur plusieurs raisons S’il arrivoit que l’heritier mourut avant les quarante jours, on demande si le nouveau succeseur auroit encore quarante jours, ou s’il seroit tenu de faire les devoirs dans l’intervalle du Chassanée temps qui restoit lors du decez de ce premier heritier ; Chassanée luy donne le delay entier, quia ipse successor feudum habet à principio magis beneficio alterius, quâm pradecessoris, et quasi ex successorio edicto, unde tempus in persona pradecessoris incoeptum non debet successori noceres de feud. 5. 1. n. 4 Ces paroles, ou mutation de vassal avenué, ont fait cesser lambiguité qui se rencontre dans l’Article 7. de la Coûtume de Paris, qui contient que le Seigneur aprés la mort de son vassal ne peut saisir que jusques à quarante jours, aprés ledit trépas. Il étoit incertain si la mutation arrivant autrement que par la mort, le Seigneur seroit tenu d’attendre quarante jours, ou s’i pouvoit saisir sans aucun delay :Du Moulin , Article 4. la Coûtume de Paris, a soûtenu l’affirmative ;Ricard , sur ce même Article, a écrit que l’on a jugé le contraire, par cette raison qu’il ne doit point y avoir de surprise entre le Seigneur et le Vassal, et que le delay de quarante jours doit être donné en toutes mutations ; et c’est la disposition expresse de cet Article Il faut parler des effets de la reünion feodale, et de la peine que le vassal en souffre. Autrefois en France la reünion feodale emportoit non seulement la perte des fruits, mais aussi la perte du fief ; cela ne s’observe plus : On a reduit l’effet de la reünion à la seule perte de fruits produits par le fonds reuni. Car pour les meubles et les utensiles destinez pour l’exploitation, ou pour faire valoir le fonds, et mêmes les fruits engrangez et recueillis avant la saisie ils n’appartiennent point au Seigneur.Brodeau , Article 1. de la Coûtume de Paris, n. 8. I1. n’en est pas de même comme du legs de l’usufruit d’un fonds, in quo non solum veniunt fructus, sed & usus omnium instrumentorum fundi l. item in fundi S. seminarios et S. instrumenti. D. del usufructu, quod mihi non placet, ditPontanus , sur la Coûtume de Blois ; Article 76. hoc enim jure communi receptum est, ut ad quem pertineret ususfructus rei alicujus, ejusdem non intelligerbus tur esse instrumenta exceptâ solâ legati causâ, nisi de instrumentis et bobus aratoriis, caterisque renehujusmodi ; que ad fundi culturam destinata sunt, expressim cautum sit, l. ult. de supell. leg. Il y a d’ailleurs cette différence entre le Seigneur et l’usufruitier, que le Seigneur auroit à son profit tous les meubles, et l’usufruitier n’en auroit qu’un simple usage.

Aprés la S. Jean les levées sont ameublies, et par cette raison l’on pourroit conclure, comme na faitGodefroy , que le Seigneur ayant saisi à faute d’homme et d’aveu non baillé, ne dût poifit avoir les levées, comme n’étant plus qu’un meuble, neanmoins il me semble que lors que le Seigneur les trouve pendantes sur les racines sans être separées du fonds, il les doit emporter.

Pour donner un effet parfait à la reünion, il ne suffit pas que les diligences en ayent été jugées bien faites ; la Sentence de reünion doit être signifiée au détenteur de l’héritage reüni La Coûtume de Paris s’est expliquée plus amplement que la nôtre. Elle ne dispose pas simplenent qu’à faute d’homme et droits et devoirs non faits, le seigneur peut mettre en sa main le fief mouvant de luy, elle ajoûte qu’il peut l’exploiter en pure perte, et faire les fruits siens, avant la main-mise, à la charge d’en user par luy comme un bon pere de famille. Nôtre Coûtume, en cet Article, permet bien au Seigneur d’user de prise de fief, mais elle n’ajoûte point qu’il peut l’exploiter en pure perte ; cela s’entend de droit, la reünion le rendant maître de la chose reünie-Avant que de le laisser mettre en possession des héritages reünis, et recueillir les fruits, il ne sera pas superslu de proposer ces deux questions, si le Seigneur peut expulser le fermier, et s’il peut mettre le vassal hors de sa maison, et le contraindre d’en vuider ses meubles e remettray la discussion deda premiere question, sur l’Article 119. parce qu’il en fait la décision. Mais dans les cas opposez l’on demande si le Seigneur durant la main-mise, avoit fait bail des héritages reünis, le vassal aprés en avoir obtenu la main-levée, seroit obligé de souffrir la continuation de ce bail : On peut dire pour le Seigneur que la reünion le rendant propriétaire, il a pû le bailler à ferme, étant peut-être dans l’impuissance de le faire valoir luy-même.

Ce qu’on allégue au contraire pour le vassal est plus raisonnable, la jouissance du Seigneur l’étant fondée que sur la negligence du vassal, comme il ne souffre cette dépossession que par sa faute, le Seigneur a pû prévoir qu’il feroit césser tout son droit, aussi-tost qu’il se mettroit en état de faire son devoir, c’est le raisonnement dedu Moulin , titre des fiefs.. 8. 1. gl. 8. n. 49.

Patronus non habet jus nec administrationem ; nisi ad tempus et non nomine vassalli, sed suo ; et ides non potest teneri vassallus de gestis à Patrono : Et le fermier a dû prévoir que le droit du Seigneur n’étoit pas perpetuel, et qu’il s’évanoüiroit par la presentation de l’aveuPour la seconde question on dit pour le vassal, qu’en vertu de la reünion le seigneur peut bien avoit la pleine et entiere joüissance de tout le fief, et generalement de tout ce qui produit du fruit et du revenu ; mais comme les maisons de la campagne ne sont pas faites pour en tirer un profit pecuniaire, comme sont celles des villes, il semble qu’il ne soit pas juste que le vassal en puisse être chassé par le Seigneur sur ce pretexte qu’elle fait partie du fief : ce seroit une pure malice du Seigneur, qui a d’ailleurs sa maison, nihil inde laturus, nisi ut officiat : Et la loy ne doit point se rendre indulgente à ces actions, il n’en tireroit d’autre avantage que de nuire et d’incommoder son vassal ; que cela peut s’induire de l’esprit de la Coûtume, qui ne donne au Seigneur que ce qui est in fructu. Or la maison du vassal n’est destinée qu’à son feul usage, et sans en tirer du profit, sed ea que sunt in usu non sunt in fructa, l. 1. de usi & habitatione, et pour cette raison plusieurs Coûtumes en ont fait des dispo-sitions expresses. Etampes, Article 30. Poitou, Article 58. Orléans, 73. Tours ; 134. et sur tout celle de Paris ; Article 58. y apporte un temperament fort équitable ; si le vassal tient en ses mains son fief, et ne l’a baillé à ferme, et il est exploité par le Seigneur Dominant, ledit Seigneur Dominunt doit avoir les caves, greniers, granges, étables, pressoirs et celiers, qui sont principal manoir et basse-court servant pour recueillir et garder les fruits, et aussi une portion du logis, pour se loger, quand il y voudra aller, sans toutefois déloger son vassal, femme, enfans y demeurans.

Cette Coûtume par une grande humanité restraint cé droit de logement et d’habitation, en sorte que le Seigneur ne puisse déloger son vassal ni sa famille, qui demeure dans la maison, et hhabite actuellement. Car autre chose seroit, dit Brodeau sur cet Artiele ; s’il n’y demeuroit point.

Cette disposition de la Coûtume de Paris peut être confirmée par fautorité de la loy, is cui, ut in possess. legent. D. is cui legatorum fidei commissorum-ve nomine non cavetur, missus in possessionem nunquam pro Domino esse incipit, nec tam possessio rerum datur, quam custodia : neque enim expellendi heredaem jus habet, sed tantùm possidere jubetur, ut saltem tedio perpetuae custodiae cautionem extorqueat ab herede. C’est toute la rigueur dont on peut user contre le vassal, que de le contraindre à partager sa maison avec son Seigneur, afin de l’obliger par un partage incommode à se mettre dans son devoir, et la Coûtume de Paris peut être fondée sur ce motif ; mais on ne pourroit sans cruauté le chasser hors de sa maison avec toute sa famille ; la loy même declare que c’est une violence de chasser quelqu’un de sa maison, quia domus sua tutissimum uni-cuique refugium, l. plerique de in jus voc. D. Pithou sur la Coûtume de Troyes ; titre des droits des Seigneurs feodaux, Art. 20. cite un Arrest du Parlement de Paris, par lequel il fut dit qu’un Seigneur seodal jouiroit de tout le fief, à la réserve de lhabitation du Château et de la maison seigneuriale, pour laquelle le vassal seroit tenu de luy payer le loyer, tel qu’il seroit trouvé valoir pour un an-

Ces sentimens sont fort humains ; mais on répond pour le Seigneur que le fief étant retourné en sa main par les loix de linvestiture, la Seigneurie utile est entièrement consolidée à la Seigneurie directe, et l’effet n’en peut être empesché en tout ni en partie par le vassal ; lors qu’il persevere dans sa contumace la reünion emporte la pleine jouissance des choses reunies ; e manoir donc et lhabitation qui en font partie peuvent être exploitez par le Seigneur, comme tout le reste, autrement un seigneur jouiroit mal-aisément des choses reünies, il y seroit continuellement traversé par son vassal et par ses domestiques ; Il y auroit même du peril à faire demeurer dans un même lieu des personnes irritées, et ce seroit les exposer à des compars et à des querelles continuelles. Un vassal qui méprise son seigneur jusqu’à ce point de luy refuser un aveu bon ou mauvais, en vertu duquel il pourroit obtenir la main-levée de son fief, seroit assez refractaire pour ne le recevoir pas dans sa maison, et le Seigneur souffriroit mal-aisément d’être mal-traité par son vassal,

La loy is cui, ne peut être alléguée sur ce sujet ; elle parle de celuy qui est envoyé en possession au refus de lheritier de bailler caution ; mais il ne faisoit pas les fruits siens, au con-traire quand le Seigneur prend possession de hhéritage reüni, il y rentre comme dans son aepropre bien, non quasi rei alienae, aut rei servandae causâ, sed tanquam in rem propriam missus.

Pontanus sur l’Article 76. de la Coûtume de Blois. Il est vray qu’ordinairement les maisons de la campagne ne se donnent pas à loyer, et que l’on n’en tire gueres de profit, ou de revenus et neanmoins le droit civil met en fruit l’habitation d’une mailon, l. si is qui 5. antiphona D. de pign. Du Moulin que je remarque avoir suivi fort souvent le sentiment dePontanus , a dit pareillement que, Dominus potest vassallum expellere. Brodeau s’est surpris, lors qu’il impute à une opinion contraire : Coûtume de Paris, 5. 18. n. 14. et 5. 38. et 39.Pontanus Pontanus , sur l’Article 78. ne parle que du fermier, et il conclud suivant la Coûtume qu’il ne peut être expulsé de sa maison ; quod quidem, ajoûte-t-il, magis aequitate qudm subtili juris ratione inductam est : et à la fin de son Commentaire, sur cet Article 78. il établit ces trois conclusions.

La première, si le Seigneur saisit le fief que le vassal faisoit valoir par ses mains, potest illum expellere domo nnâ cum omni familia sua. La seconde, que si avant la saisie le vassal avoit fait un bail de bonne foy et sans fraude, le Seigneur ne peut expulser les fermiers. Et la troisiéme, qu’en cas d’opposition de la part du vassal, il faut établir un sequestre.

L’opinion de Pontanus et dedu Moulin , encore qu’elle soit la plus rigoureuse, paroit plus conforme à l’esprit de nôtre Coûtume, et à la raison : 10. Parce que si le Seigneur peut expulser le fermier de bonne foy, en le remboursant de ses labours et semences comme je le nontreray sur l’Article 119. à plus forte raison il peut expulser le vassal dont l’opiniâtre mépris le rend indigne de toute faveur. 20. La Coûtume donnant au vassal un moyen si facile pour se mettre à couvert et sauver ses fruits, à sçavoir par la seule presentatior d’un Aveu, Quoy que mauvais, il est inexcusable, quand il ne veut pas s’en prévaloir. Dans les autres Coûtumes le vassal n’obtient la main-levée, et ne fauve ses fruits que quand il a fait des Offres valables ; mais en cette Coûtume on n’examine point la validité des Offres ou de l’Aveu, c’est assez que le vassal avoue et reconnoisse son seigneur, quoy que cet Aveu ne contienne pas la reconnoissance de tous les droits prétendus par le Seigneur. Il est donc sans excuse quand il ne veut pas s’aider d’un moyen si favorable, et le laissant dans sa maison ce ne seroit que pour insulter à son seigneur, et pour le troubler dans sa jouissance. Sur cette question il seroit à propos, à mon avis, pour concilier en quelque façon les coûtumes et les sentimens des Commentateurs, de faire quelque différence entre le Seigneur qui jouit pour son droit de relief du revenu d’une année, et le Seigneur qui s’est mis en possession du fief en vertu d’une reunion à faute d’homme et devoirs seigneuriaux non faits : à légard du premier, comme sa jou’issance ne dure qu’une année, et que ce droit ne luy est point acquis par la faute ou par la negligence du vassal, et qu’au contraire il ne peut l’empescher, le Seigneur ne doit pas l’exercer dans la derniere rigueur. Il n’en est pas de même, quand le Seigneur se met en possession du fief à faute d’Aveu ; car le vassal ne tombant dans ce desordre que par sa seule faute, et pouvant la reparer aisément par la prestation d’un Aveu, on ne peut châtier trop rigoureusement son mépris et sa negligence.

Quand le Seigneur prend la possession des liéritages reünis, c’est condition d’en user comme un bon pere de famille. La Coûtume de Blois s’est expliquée sur ce sujet, beaucoup mieux que toutes les autres. Voicy les termes de l’Article 78. Si le Seigneur de fieftrouve son fief vuide et ouvert, il le doit exploiter, comme un bon pere de famille, et non autrement ; car il ne peut couper et abbatre les bois de haute-fûtaye, ni troche, qui soient l’embellissement du lieu, ni cueillir les fruits s’ils ne sont en maturité, comme blés en la saison d’Aoust, et les vignes en la saison de vendanger, ni pescher étangs s’ils ne sont en pesche, ni couper les bois taillis, s’ils ne sont en coupe, et en sdison, comme est accoûtumé faire, et ainsi és autres semblables, esquels fruits et en tous autres le Seigneur ne prendra plus qu’eût fait le vassal.

Le Seigneur ne peut jouir des choses reünies qu’en la maniere prescrite par cette Coûtumelà : Il est vray qu’il peut s’éjouir de sa bonne fortune, et prendre tous les fruits qui sont en maturité, et dont le vassal comme un bon père de famille auroit pû profiter, comme la coupe r des bois et la pesche des étangs ; et bien que le Seignéur profite en un moment du fruit et du provenu de plusieurs années precedentes, ce profit luy appartient justement, puisque son vassal a pû éviter cette perte si facilement. Le Seigneur qui trouve son fief ouvert à faute d’homme, y entre comme dans son propre bien. Il presente même aux Benefices et aux Offices s’ils viennent à vaquer durant la main-mise ; nam prasentatio est in fructu : si le Benefice avoit vaqué avant la saisie, quoy que le vassal n’y eût pas encore presenté, le Seigneur ne pourroit pas s’en prévaloir, quia, ditdu Moulin , de feud. S. 5. gl. 10. n. 12. ad Patronum non Spectant, nisi fructus qui accidunt durante prehensione. Si toutefois ce vassal ne se plaignoit point, ou ne s’opposoit point à cette presentation que le Seigneur auroit faite, du Moulin estime qu’elle seroit valable, quia Dominus non est omnino extraneus, sed Dominus directus feudi aperti.

Comme le Seigneur qui a fait reünir sur le point de la recolte ; gagne tous les fruits, le vassal aussi peut en éviter la perte, en donnant son aveu avant la recolte des fruits ; la coupe des bois et la pesche des étangs ; nonobstant que la main-mise du Seigneur ait duré long-temps. avant la recolte des fruits, ou plusieurs années avant la coupe des bois et la pesche des étangs. en ce cas le Seigneur ne prend aucun profit, soit à proportion du temps ou autrement. VoyezTronçon , sur l’Article 1. de la Coûtume de Paris : etBrodeau , sur l’Article 48.

La reünion et le rachapt ou relief ont des effets bien differens. Dans les Coûtumes où le Seigneur pour son droit de rachapt, doit avoir la jouissance d’une année, il ne peut avoir la coupe des bois, ni la pesche entière des étangs ; il ne luy en appartient qu’à proportion du temps, Article 48. de la Coutume de Paris ; Orléans, Article S7.

Le Seigneur êtant tenu d’en user en bon père de famille, si le vassal coupoit ses bois et peschoit ses étangs pour son usage seulement, et sans en vendre, on demande si le seigneur seroit obligé d’en user de la même maniere : Poterit Dominus, réponddu Moulin , ne dum pro se accipere, sed de piscaturis piscium et de mortuis, et supersluis lignis vendere, si lacus et solva ad hoc sufficiunt, & in sui substantia non deteriorentur. Admodum enim referendum est, non ad qualitatem utendi, id est, non debet precisè attendi, qualiter & quatenus utebatur paterfamilias, sed modus ipsei destinatio & conditio rei, quibus servatis dicitur Patronus moderatè utiPour les fruits et les autres revenus, dont la perception et la recolte n’a pas un temps certain,. nec simul et successivè et quotidie secundum exigentiam et voluntatem patrisfamilias colliguntur, puta in némoribus non destinatis ad seindendum, sed ad usum Domini pro ministrando igne necessario familiae ex lignis supersluis fortè veteribus aut demortuorum ramorum, vel arborum, in stagnis, vel lacubus qui non solûm in totum evacuari, sed quandocunique opus est ibi piscatur, tum in columbariis, tum in vivariis feraram, in his & similibus debitus modus utendi est secundùm consuetudinem regionis, qualitatem & conditionem rei et patris fam.Mol . de feud. 8. 1. gl. 8. n. 53.

Il est sans doute qu’à cause de la jouissance, que le Seigneur a des maisons, il doit les reparer et les tenir en bon état pourvû qu’il ait percù les fruits : car s’il n’en a point profité, on doit à luy tenir compte des reparations qu’il aura faites utilement : Ce qui a été jugé par Arrest du s 9 de Février 1653. Il fut aussi dit par le même Arrest que le vassal rembourseroit les frais que le Seigneur avoit fait faire aprés la reünion, d’une adjudication jusqu’aux hoirs venans.

Les Commentateurs des Coûtumes se sont fort étendus sur la matière et sur la forme des dénombremens : Berault sur cet Article est d’avis, que pour un fief noble, on n’est point obligé de bailler les choses par le menu, ce qu’il confirme par un ancien Arrest. On prétend que cet t Arrest a jugé le contraire de ce qu’il dit, et on tient aujourd’huy que faveu ou le dénombrement doit contenir en particulier toute la consistance du fief, et les droits qui en dépendent, j’en parleray sur l’Article 120. touchant les aveux et les dénombremens, voyez d’Argentré , Article 81.Du Moulin , 5. 1. gl. 8.


CX.

Vassal gagne les fruits, le Seigneur êtant negligent.

Tant que le Seigneur dort, le vassal veille : c’est à dire, tant que le Seigneur est negligent de faire la prise de fief, le vassal joüit et fait les fruits siens, encore qu’il n’ait fait les foy et hommage.

On trouve une pareille disposition dans la pluspart des Coûtumes de France. La Coûtume de Troyes, Article 22. s’en explique comme la nôtre. La Coûtume de Paris est semblable, Article 6r. touchant l’origine de ce Proverbe, tant que Seigneur dort, le vassal veille. VoyezBrodeau , sur ledit Article 6r. et les Auteurs par luy citez.

Du Moulin apporte une exception à cet Atticle, en faveur des mineurs, et il soûtient que lors que le mineur n’est point dans un âge capable de faire la foy et hommage, la saisie du Patron ne luy donne point les fruits, mais qu’il est obligé de les restituer. Je remets à traiter ces questions sur l’Article 198.


CXI.

Saisie feodale est annale.

Toute prise de fief est annale, et doivent les diligences être recommencées par chacun an, s’il n’y a Sentence d’adjudication, ou procez formé pour lesdites diligences.

Par l’Article 3. de la Coûtume de Paris, la saisie feodale doit êtré renouvelée de trois ans en trois ans. Mais parmy nous quand la reünion est jugée bien faite par Sentence, et qu’on en ajuge le prosit au Seigneur, elle ne perit point par an et jour : fuivant cet Article il fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand-Chambre le 31 de Juillet 1671. entre le sieur Comte de Chamilli et le sieur de Courci : De Cahaignes soûtenoit que la Sentence êtoit annale, mais on n’eûr point d’égard à cette prétention, on décida par le même Arrest, qu’encor que le Seigneur ait fait signifier la Sentence à son vassal par trois ans consecutifs, et qu’en consequence il demandât les fruits de ces trois années-là au vassal, qui avoit joui par ses mains, toutefois elles ne luy appartenoient point, non pas même les fruits de l’année, puisqu’il en avoit souffert l’enlevement sans s’en plaindre, et puisqu’il luy avoit permis de labourer, il devoit veiller qu’il n’emportât les levées, et que c’est en ce cas que l’on peut dire, tant que le Seigneur dort, le vassal veille. Il semble étrange que le vassal profite de son attentat, et que le Seigneur qui a fait tout ce que la Coûtume luy preserit, ayant fait juger la reünion valable, et l’ayant fait. signifier à son vassal., soit neanmoins privé du benefice de sa diligence par un vassal peu resrectueux, et que la neüinion ne puisse avoir son effet, si le Seigneur ne couche sur le champ et n’y pose des gardes : C’est en vain que la Coûtume donne ce pouvoir, si le vassal le peut rendre inutile par une surprise, et par un attentat, ou une diligence prematurée : Il perd la pos-ession et la proprieté de son fonds par la signification qui luy est faite de la saisie et de la reü nion, et cependant il peut impunément emporter les fruits, s’il peut prévenir son Seigneur, si le fonds reüni consiste en une terre aux champs qui soit labourée et ensemencée, lors que l’adjudication est faite au Seigneur, il ne peut executer la Sentence ni prendre d’autre possession que la notification de la reunion qui dépossede le vassal, et qui ne peut toucher aux fruits que par attentat, et autrefois la saisie feodale emportoit non seulement la perte des fruits, mais aussi celle du fonds même, ce qui montre que le vassal est absolument dessaisi ; ce qu’on peut dire pour soûtenir l’Arrest, est que le Seigneur s’étoit en quelque sorte départi de l’effet de la reunion, en ce que depuis la notification qu’il en avoit faite, il avoit souffert son vassal dans la ouissance des choses reünies, et qu’il ne l’avoit pas empesché de labourer et d’ensemencer les terres, ce qu’il êtoit tenu de faire. Aussi la Cour s’en est expliquée nettement par un Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre, le 12 de Juillet 1674. sur ce fait. Un Seigneur ayant fait reunir un héritage, dont tout le revenu consistoit en fruits, il fit cueillir deux boisseaux de pommes au mois d’Octobre, à l’effet d’executer la reunion par une prise de posses-sion actuelle. Depuis le vassal ayant emporté les fruits, et nonobstant qu’il eût presenté Aveu, la Cour le condamna à la restitution d’iceux, parce que le Seigneur avoit pris possession, et que les fruits avoient êté enlevez par le vassal avant que d’avoir baillé son Aveu.

Si les héritages sont baillez à ferme, il faut suivre l’Article 1o du Reglement de 1666. Touchant la peine qu’encourt le vassal quand il empesche la jouissance du Seigneur, voyez Co-quille, Question 25.


CXII.

Solemnitez requises aux prises des fiefs.

Le Prevost, Sergent, ou autres faisant prise de fief, doit declarer par trois Dimanches consecutifs à l’issuë de la Messe Paroissiale du lieu où les héritages sont assis, que le Seigneur les entend mettre en sa main, à faute d’homme, droits et devoirs Seigneuriaux non faits, et que s’il ne se presente aucun homme pour les faire dans les quarante jours ensuivant de la derniere criée, ils se-ront ajugez au Seigneur aux prochains Pleds ensuivant : et en ce faisant doit déclarer le jour, lieu et heure desdits Pleds par le même exploit qui sera certifié de témoins.

Par tous ces longs delais et ces diligences, que le Seigneur est tenu de faire, il paroit que nôtre Coûtume est fort indulgente aux vassaux, mais aprés tant de semonces de s’acquitter de eur devoir leur negligence est inexcusable

La Coûtume de cette Province donne à tous les fiefs une Justice feodale, qu’elle appelle asse-Justice ; et c’est pourquoy ils peuvent se servir de leurs Officiers, qu’on appelle Prevosts.

La Coûtume de Nivernois, titte des fiefs, Article 9. porte, que la saisie feodale peut être faite par le Sergent du Seigneur de fief, ores que ce soit en Justice, et doit ledit Sergent demander assistanJe au Seigneur Justicier du lieu, où il fait ladite saisie. Et Coquille expliquant cet Article, dit u’il s’entend, si le Seigneur du fief a Justice et droit de créer des Seigents, autrement il doit s’aider du Sergent de la Justice du lieu, en laquelle est le fief servant, parce que c’est une regle que le fief et la Justice n’ont rien de commun, et que pour être Seigneur feodal on n’est pas fondé en Jurisdiction ; mais comme j’ay dit il n’y a point de véritable fief en Normandie, qui ne soit fondé en Cour et usage, c’est à dire en basse-Justice, ce qui est tres-ancien. Car nous apprenons que dans l’ancien usage de nos fiefs, les Seigneurs faisoient leurs saisies, et ous leurs exploits feodaux par le ministere de leurs Sergents, comme ils faisoient juger leurs auses par leurs Pairs ou Hommes de fief, appelez Pares curiae.Brodeau , Article 1. n. 13. et Loüet se9. et M. Loüer, l. R. n. 36. Nous avons donné le nom de Prevosts à ces Sergents de fief quasi Prapositi, comme étant préposez par le Seigneur pour avoir le soin de ses affaires feodales.

Brodeau ibidem, estime que nos Prevosts ou Sergents de fief, étoient ces servientes, sive milites solidarii, idest stipendiarii, quia in solidis, forensi nummorum genere, ctipendia numerantur vice feudi, quod feudum soldata dicebatur, dequoy il est fait mention dans les Auteurs du temps. Voyez Ménage in verbo, fouldoiers, et, l. 2. Dadin de Haute-Serre Duc. et Com. Provincialibus Galliae, c. 8. et i0. in fine, et libro de originibus feudorum pro moribus Galliae, c. 30. où il dit que de-là viennent les Sergenteries fieffées, dont les propriétaires sont obligez de faire la recepte des droits du Seigneur du fief, et d’en tenir compte et rendre autres semblables services, et dont il est souvent parlé dans l’ancienne Coûtume de Normandie, c. 26. 28. 33. 34. 83. 85. 94 et 117. et autres Ordonnances de l’Echiquier de l’an 1426. Du Chesne Chesne, sur sur Alain Chartier, pag. 864. et 865. etTerrien Terrien , l. 2. c. 13. au commencement

Les formalitez necessaires pour parvenir à la reünion sont prescrites par cet Article : il oblive seulement le Prevost à declarer par trois Dimanches consecutifs, à l’issué de la Messe Paroissiale, que le Seigneur entend mettre en sa main les héritages saisis, sans ajoûter qu’il est neces-faire d’afficher ces proclamations. Bérault neanmoins en est d’avis, et rapporte un Arrest qui doit l’avoir jugé de la sorte, et la pluspart des Prevosts le pratiquent ainsi : voyez la Coûtume de Nivernois, titre des fiefs, Article 8. où Coquille prouve par plusieurs raisons qu’il ut offrir ou bailler copie à la partie, ce qui ne se peut faire que par affiche, lors que la partie est inconnuë. L’Ordonnance semble y être conforme, cette formalité néanmoins ne me paroit pas necessaire, et ce seroit aujourd’huy une aggravation de frais pour le vassal à cause du papier de Formule et du Controlle

On demande si ce delay de quarante jours court contre ceux qui l’ignorent ; Comme les publications rendent la saisie notoire, l’ignorance ne peut être excusée. NeanmoinsPontanus , Coûtume de Blois, t. 5. Art. 54. estime que, etiamsi summo jure currat, tamen ob probabilem & justam ignorantiam per in integrum restitutionem eis succurri posse : Mais aprés tant de forma litez, l’excuse fondée sur. l’ignorance n’est point admissible.

Si on doit dire la même chose pour les mineurs, cela sera décidé sur l’Article 148. Mre Jacques Godefroy propose cette question, comme fort douteuse, si le Seigneur pendant les diligences pour parvenir à la reünion fait les fruits siens s Mais il faut tenir certaine-ment que si le vassal purge son retardement et donne son Aveu avant la reünion, le vassal sauve ses fruits, et que le Seigneur ne peut demander que les frais. Les diligences ne sont de pour reveiller le vassal, et pour luy donner le loisir de se mettre à son devoir, aussi les termes de cet Article y sont exprés ; les fruits ne sont ajugez au Seigneur que quand il ne se presente personne avant la reünion. La Coûtume d’Orléans, Art. 50. dit que le Seigneur fait les fruits siens, qui sont échûs depuis la saisie, et avant que le vassal ait fait son devoir. Ce même Auteur propose cette difficulté, si le proprietaire de l’héritage faisi décede aprés les quarante jours de la dernière Criée, le successeur aura encore quarante jours : Mais il faut dire que le Seigneur n’ayant point connu le défunt pour vassal, sa mort ne doit point interrompre bi arrêter le cours des diligences, si ce nouveau successeur ne se presente point pour avoir le delay porté par l’Article 109.


CXIII.

Si les héritages sont roturiers, les bouts et côtez seront inserez dans la declaration : et s’ils sont nobles, il suffit saisir le corps du fiefs.


CXIV.

Saisie feodale dequoy décharge le vassal.

Le Seigneur ayant joüy en vertu de prise de fief, peut neanmoins se faire payer des reliefs et treiziémes qui luy sont dûs. Mais il ne peut rien demander des arrerages des rentes Seigneuriales ou foncieres, ni même des charges et redevances dûës à cause des héritages desquels il a jouy, de tant qu’il en seroit échù depuis et durant la saisie : et neanmoins le vassal payera les arrerages dûs auparavant icelle saisie.

Le Seigneur qui a joul en vertu de prise de fief, peut se faire payer des reliefs et treiziémes, par cette raison que lucrum fructuum est pena vassalli negligentis, et Dominus fundatur in carentiâ vassalli, relevium autem fundatur in facto vassalli, vel casu contingente in ejus personam, ex quo sequitur mutatio feudi, & debetur, etiamsi nouus vassallus non sit in aliquâ morâ.

La Coûtume en cet Article ne s’est pas expliquée touchant les rentes constituées, si le Seigneur est tenu de les acquiter durant sa jouissance. La Coûtume de Paris, Article 28. décide cette difficulté, disant que le Seigneur n’est tenu de payer et acquiter les rentes, charges, ou hypotheques non infeodées, constituées sur le fief par son vassal. Du Moulin étend cela à toutes sortes de charges, qualecumque sit onus, sive servitus, sive hypotheca, aut aliud, & quocumque modo sit impositum, quia contra Patronum nihil prascriptum possessum-ve est, supposé même que l’autorité du Juge fût intervenuë, et la vente et adjudication par decret faite du fief à la charge des rentes, le fait du Juge n’étant pas plus puissant que celuy de la partie ; le droit du Seigneur est primitif et plus ancien que celuy de tous ceux qui ont traité avec le vassal Brodeau ibid.

Nous le pratiquons aussi de la sorte en cette Province ; et le seigneur n’a pas moins de droit qu’un acquereur, sur lequel les autres creanciers, quoy qu’anterieurs, ne pourroient saisir les fruits, mais ils seroient tenus d’agir par la voye hypothécaire ; mais cependant le Seigneur fait les fruits siens jusqu’à la saisie.

Si les créanciers ne veulent point agir par la voye hypothecaire, ni s’engager à poursuivre une saisie réelle, comment pourront-ils se faire payer de leurs rentes : Du Moulin etBrodeau , Article 28. traitent cette question au même lieu, et sont d’avis que les creanciers peuvent purger le retardement et le mépris du vassal leur debiteur, et obtenir main-levée de la saisie feodale, en faisant faire pour luy, et à son refus, la foy et hommage au Seigneur feodal par le Curateur ou le Commissaire établi à leur requête, par autorité de Justice, au fief saisi, et en payant et avançant les droits, en quoy faisant ils sauvent les fruits du jour qu’ils auront satisfait, et le debiteur rentre en la possession de son fief ; ou s’il est saisi réellement à leur requête, le Commissaire qu’ils y ont établi ; et c’est la disposition de l’Article 34. de la Coûtume de Paris, comme je l’ay remarqué sur l’Article 109-

En Normandie pour déposseder le Seigneur qui jouiroit en vertu de la reunion, il faudroit necessairement agir par saisie réelle ; le Seigneur en ce cas ne pourroit être contraint de recevoir un Commissaire ou un Curateur à luy faire la foy et hommage : Car n’étant pas propriétaire, le Seigneur demeureroit sans vassal, les créanciers ne pourroient esperer cette grace, qu’aprés une saisie reelle, comme je l’ay remarqué sur l’Article 109.

Non seulement le Seigneur, mais même l’acquereur, n’est point tenu des arrerages des rentes constituées, dont il n’a point été chargé, il ne peut être dépossedé que par la saisie réelle ; le delaissement par hypotheque n’ayant point lieu en cette Province : et pour les rentes foncieres, il ne peut être condamné personnellement à les payer, et en déguerpissant le fonds, il est déchargé des arrerages precedens. Les nommez le Messager d’en mariant leur seur au Masson, luy donnerent vingt et une livre de rente, pour sa legitime. Ils dsssiperent sieurs biens, et n’ayant point payé les arrerages de cette rente, le fils de cette soeur poursuivit les acquereurs pour être payez de leurs arrerages, et pour continuër la rente à lavenir, si mieux il n’aimoit déguerpir en payant les arrerages, jusqu’à la concurrence de la valeur des fruits perçûs par eux depuis leur acquisition ; et l’ayant fait juger de la sorte, sur lappel de Bacheley, Ecuyer sieur du Breüil, je soûtenois pour luy, que suivant la disposition du droit, bona fidei d possessor ; fructus suos facit etiam ex re alienâ perceptos, que si le véritable proprietaire du fonds ne peut pas repeter les fruits que le possesseur de bonne foy a perçûs, à plus forte raison la sirur qui n’a qu’une rente fonciere à prendre sur le fonds ne peut pas l’y faire condamners Theroude, pour le fils de la seur répondoit, que la legitime de la soeur êtant une charge réelle, que sequitur quemlibet possessorem, il étoit tenu de payer les arretages, ou de rapporter les fruits perçûs depuis son acquisition : Par Arrest en la Grand. Chambre du s de Février 1655. vù la declaration du fieur Bacheley, qu’il déguerpissoit le fonds, la Sentence fut cassée, et l’intimé debouté de sa demande : La même chose fut encore jugée depuis pour Mr Cousin, sieur de Martot, pour lequel je plaidois contre le sieur Février.

Bérault cite un Arrest, par lequel un acquereur fut condamné de payer les arrerages échûs t durant sa jouissance, mais il a remarqué que le motif de l’Arrest fut que l’acquereur avoit reconE nu le creancier de la rente, et luy avoit payé quelques arrerages, de sorte qu’ayant connoissan-ce de la renté il n’étoit plus. en bonne foy.

Les charges réelles suivent le fonds obligé, et régulièrement le creancier de la rente n’a pas d’action personnelle contre l’heritier du preneur à bail à rente, quand il ne possede plus l’herit tage, si toutefois le preneur à bail à rente y avoit affecté tous ses biens par une generale hypotheque, son heritier pourroit être poursuivi personnellement et solidairement pour les arrerages, encore qu’il ne fût pas possesseur du fonds, comme il fut jugé le 2 de Mars 1671. en la Grand. Chambre, en vuidant un partage de la Chambre des Enquêtes. En l’an 1622 Louis de Gourmont avoit pris à fieffe un héritage d’un nommé Bataille, par roo livres de rente fonciere, au payement de laquelle il avoit obligé specialement cet héritage et tous ses autres biens par generale hypotheque ; Marie et Charlotte, filles dudit Gourmont, ayant par tagé les biens de leur pere, l’héritage affecté à cette rente êtoit tombé au lot de Marie, et neanmoins Charlotte étoit chargée par son partage de payer la moitié de cette rente, montant à 50 livres ; Dame Judith le Loup, veuve de Charles Mustel, sieur du Bosroger, ayant eu cession de cette rente, fit saisir les biens du sieur Osber, mary de ladite Charlotte de Gourmont, pour le payement de cinq années d’arrerages, et pour luy passer titre nouveau : Osber offrit les arrerages de 50 livres de rente, dont le partage de sa femme avoit été chargé : Mais. il contredit les autres 5o livres, qui faisoient l’autre moitié, parce qu’il ne possedoit pas le fonds affecté à la rente : Ladite Dame du Bosroger soûtenoit que Louis de Gourmont pere, ayant obligé par une generale hopotheque tous ses biens au payement de cette rente, tous ses heritiers pouvoient être poursuivis personnellement et solidairement ; par Sentence du Juge de Carenten, Osber fut condamné de son consentement à payer les 5olivres de rente, et déchargé de l’autre moitié, sauf à la Dame du Bosroger à poursuivre le possesseur du fonds : Sur l’a pel de la Dame du Bosroger, le procez fut partagé aux Enquêtes : Osber s’aidoit de l’Article de la Coûtume de Paris, qui porte que si aucun a pris héritage à rente, et que par lettre il ait promis payer ladite rente, et obligé tous ses biens, que telle promesse s’entend tant qu’il est proprietaire, sinon qu’il eût promis mettre aucun amendement, ce qu’il n’eût fait, où qu’il n’eût promis fournir et faire valoir ladite rente, et à ce obligé-tous ses biens, dont Osber concluoit que n’étant pas propriefaire ni possesseur de l’héritage, il n’étoit obligé à cette rente, que pour autant qu’il avoit été chargé : On répondoit que suivant l’usage de cette Province, le preneur de la rente ayant ebligé tous ses biens par une generale hypotheque, il en êtoit tenu personnellement, que la même obligation avoit passé sur chacun de ses heritiers, parce que suivant les Maximes de cette Province les heritiers sont tenus personnellement et solidairement des dettes du défunt ; il passa en la Grand. Chambre tout d’une voix à dire, qu’il avoit été mal-jugé, et en reformant, Osben ut condamné personnellement et solidairement au payement des roo livres de rente, quoy que le possesseur du fonds fut tres-solvable.

Cette question si le preneur à baii d’héritage, peut déguerpir sans avoir satisfait à son obligation, de batir sur le fonds qu’il avoit pris, s’offrit en l’Audience de la Grand : Chambre le t d’Aoust 1655. Mr Marette, Avocat General en la Cour des Aydes, fit un bail à rente d’une place et maison, située en la ville de Roüen, à un Masson, moyennant do livres de rente fonciere et irraquitable, à condition d’y faire un bâtiment de la valeur de 1200 livres, pour asurance de la rente, et pour l’execution de faquelle clause il donna une caution, et par contrat on employa l’obligation de l’hypotheque generale sur tous les biens : quinze jours seulement aprés ce Masson en obtint des lettres de récision fondées sur la lesion, et en suite il déclara qu’il déguerpissoit le fonds au même état qu’il luy avoit été baillé ; par Sentence des Requêtes du Palais, il fut declaré non recevable en ses lettres de récision et de déguerpissement. Le Canu laidans pour le Masson appelant, dit que ses lettres de récision étoient justes, à cause de la lesion qu’il souffroit, étant obligé de faire un bâtiment de 1200 livres, sur un fonds qui ne les valoir pas, que quand il avoit contracté il étoit yvre et ne sçavoit ce qu’il faisoit ; et en effet dés le dendemain ayant reconnu sa faute, il avoit prié Mi Marette de reprendre sa maison, et la luy remettant au même état il n’en souffroit aucun préjudice, qu’il étoit recevable à déguerpir en payant les arrerages échûs, que lobligation par hypotheque generale n’étoit point considérable n’étant qu’accessoire. L’Article 109. de la Coûtume de Paris le décide expressément de cette orte, si aucun a pris héritage à cens ou rente, il y peut renoncer en payant tous les arrerages du passe, iaçoit que par lettres il eût promis payer ladite rente et obligé tous ses biens, et s’entend telle promesse tant qu’il est proprietaire. Le Daim pour Mi Marette intimé, répondoit qu’il n’y avoit pas d’apparence qu’un Masson eût été trompé en une affaire qui étoit de son mêtier ; il n’étoit pas véritable qu’il fût vvre, lors que l’on passa le contrat, que le déguerpissement ne pouvoit avoir lieu suivant l’Article même de la Coûtume de Paris qu’on avoit cité, où aprés les paroes qu’on a rapportées il est ajoûté, sinon que par lettres il eût promis de mettre aucun amende-ment, ce qu’il n’eût fait, ou promis fournir et faire valoir ladite rente, et à ce obligé tous ses biens, en laissant toutefois l’héritage en aussi bon état qu’il luy avoit été baillé.Du Moulin , ur cet Article, a écrit ces paroles, quid si hi velint Domino offerre, interesse reparationis aut alterius rei non factae : puto non audiendos, tum quia non est merum factum, ideo non succedit interesse Et Ricard a remarqué sur ce même Article, qu’il y a de la difference de la clause par laquelle le preneur par bail à rente, s’oblige à mettre amendement, d’avec celle par laquelle on promet fournir et faire valoir sous l’obligation de tous ses biens : car au premier cas, satisfaisant à cette charge, rien ne l’empesche de déguerpir ; mais au second, encore qu’il offre de rendre les héritages en bon état, il ne peut pas obliger le bailleur à recevoir le déguerpissement ; parce que cette clause contient une obligation personnelle, non seulement pour le temps de la détentions mais même pour la continuation : comme il a été jugé par Arrest. Voyez MrLoüet , l. D. n. 4.

Mais par nôtre Usage la promesse par generale hypotheque a le même effet que la promesse de fournir et faire valoir, suivant les Arrests de ce Parlement. Par Arrest du s’d’Aoust 1655. on mit sur l’appel les parties hors de Cour : parce neanmoins que l’appelant seroit tenu faire les reparations sur le fonds, jusqu’à la valeur de ; 0o livres, si mieux l’intimé n’aimoit reprendre son fonds.


CXV.

Saisie d’aînesse, et pourvoy des puisnez

Si aprés la saisie ou adjudication d’une aînesse faite au Seigneur, l’ainé est negligent d’obtenir main-levée, les puisnez sont reçûs à la demander. Et en ce cas, il est à l’option du Seigneur de la leur bailler chacun pour leur part, retenant par devers luy la part de l’ainé, ou bien la leur laisser, en baillant par eux déclaration entière de toute l’ainesse, et payant les arrerages des rentes qui en sont dûës.

Cet Article étoit fort necessaire pour éviter la collusion du vassal avec son seigneur ; car le proprietaire d’une ainesse refusant de faire son devoir, on auroit pû douter si le Seigneur pourroit être contraint à recevoir les puisnez à faire les devoirs et les charges de l’ainesse : J’ay remarqué sur l’Article precedent que le Seigneur ne peut être obligé à recevoir la foy et homnage par un Curateur ou par le Commissaire établi à la saisie réelle, parce qu’ils ne sont point propriétaires ; d’où l’on pouvoit induire une fin de non recevoir contre les puisnez, qui n’ont rien au chef de l’ainesse : cet Article a levé cette difficulté, et sa décision est tres-équitables car la condition des puisnez est fort differente de celle des creanciers : le Seigneur voulant étendre sa main-mise sur les terres dont les puisnez sont propriétaires, en consequence de la negligence de leur ainé, ils sont tres-favorables en leurs offres de contenter le seigneur pour obrenir la main-levée : Leurs héritages faisant partie de l’ainesse, et étant tous obligez par indivis, on ne peut pas les considerer comme des étrangers ; et afin que la contumace de l’ainé ne demeurât pas impunie, cet Article a donné une option au Seigneur, par laquelle il peut punir le mépris de son vassal, en retenant sa part, et les puisnez de leur côté sont hors d’interest en obtenant la main-levée de leurs portions.

Mr Jacques Godefroy a traité cette question, si la doüairiere ou tout autre usufruitier pourroit s’aider de la faculté accordée par cet Article aux puisnez ; On peut dire pour la negative, qu’ils ne sont point proprietaires, que le Seigneur a un notable interest d’avoir un vassal asieuré, et qu’au moins il luy faudroit donner un homme mourant, vivant et confisquant. Du Moulin a soûtenu l’affirmative, en faveur de la doüairiere seulement, et non point pour les autres usufruitiers, sauf leur recours contre les proprietaires. Il est sans doute que le doüaire est tres-favorable, étant constitué par la loy, même sur les biens du mary ; il ne seroit pas raisonnable que la veuve en fût privée par la malice d’un heritier. Le doüaire étant un droit réel, il affecte plus fortement la chose qu’une simple dette, ou une rente constituée, suivant le sentiment de Godefroy : Le Seigneur est obligé de donner souffrance à la doüairiere, ce qui s’étend à tous autres usufruitiers. Il n’en est pas de même comme du Curateur aux biens vacans, la succession étant abandonnée, le Seigneur a raison de demander un véritable vassal, ou un homme vivant, mourant et confisquant. Mais quand le proprietaire est certain, quoy u’il neglige de reconnoître son Seigneur, son bien peut tomber en commise, confiscation ou deshérance. Cependant comme une doüairiere ou un usufruitier ne perdroient pas leur usuruit, quoy que la succession fût vacante ou abandonnée, la difficulté reste toûjours, si le Sei-gneur n’auroit pas raison de demander un vassal certain, qui par sa mort, ou autrement, puisse donner ouverture à ses droits : Il sembleroit que le droit du Seigneur étant le plus ancien, il ne peut être détruit par les conventions des vassaux ; neanmoins la Coûtume ne permettant point que les puisnez souffrent de préjudice par la negligence d’un ainé, par un même principe d’équité, il y a lieu d’accorder la même grace à l’usufruitier.

Si le Seigneur retient l’ainesse, ou qu’elle retourne en sa main, les puisnez ne peuvent plus être poursuivis par indivis, comme il a été jugé au Rapport de Mr Gormier, le 18 de Février 1631. entre le sieur de Breauté et le Seigneur de Pleine-Sevete. Il est vray que le et Seigneur peut remettre le Chef de l’ainesse toutesfois et quantes, quoy qu’il fait possedée quelE que temps, et en ce cas les puisnez sont obligez solidairement aux rentes, fauf à eux à faire leur profit de toute l’aînesse, et à élire entr’eux un aîné.


CXVI.

L’hommage ne peut être prescrit.

Le vassal ne peut prescrire le droit de foy et hommage dû au Seigneur par quelque temps que ce soit.

Suivant cet Article le droit de foy et hommage est imprescriptible, par quelque temps que ce soit, non point par la raison alléguée parBérault , que les fiefs appartiennent à la Republique, mais parce que ( selon le sentiment de du Moulin et de Brodeau ) le Seigneur et le vassal sont deux correlatifs, qui ne peuvent subsister lun sans fautre ; la privation de l’un opere en un même instant la ruine de l’autre, ce qui produit à tous momens une interpellation naturelle de la part du Seigneur, et une sûmission tacite et volontaire de la part du vassal, qui empesche l’effet de la prescription. Vide Boûrium dec. 2rt.

Pithou , sur l’Art. 23. t. 3. de la Coûtume de Troyes, qui est conforme à la nôtre, rapporte un Arrest du Parlement de Paris, suivant lequel en païs de droit écrit, la foy et hommage. peut se prescrire par un temps immemorial, par le C. 26. 8. siquis per triginta S. 2. de feud. con. trov. sit int. dom. et agn. vassal. feudum 30 annis prascribitur ; ut feudum fiat, et pro feudo habeatur quod feudum non erat.

On peut douter si par ces paroles, par quelque temps que ce soit, la prescription de cent ans est excluse ;Du Moulin , sur l’Art. 7. l’ancienne Coûtume de Paris, a été d’avis que la prescription centenaire n’est jamais excluse par des clauses generales, et qu’il en faut une disposition expresse, centenaria prescriptio non expressa nunquam intelligitur, quibuscumque verbis lex concepta sit, et qu’elle a lieu tant à l’égard du Seigneur que du vassal qui prescrit tout droit de feodalité, non tam jure prascriptionis quam presumptione justitiae. VoyezLoüet , l. C. n. 21.

Les Feudistes sont presque tous de ce sentiment ; d’autres ont crû que ces mots, par quelqui temps que ce soit, sont exclusifs de toutes autres prescriptions, prater immemorialem et sanè summus est, ditPontanus , Art. 37. de la Coûtume de Blois, omnium interpretum consensus ut nun-uam eâ sublatâ videatur, cujus vitii mémoria non extet cum eâ tempus infinitum contineat ; et Bartolus affirmat, statutum quo cavetur rem executioni mittendam, non continere prescriptionis centenariae exceptionem, quia immemorialis praescriptio alius sit naturae à reliquis, et longé potentiorem haber virtutem. Pontanus conclud néanmoins, que quand la loy défend la prescription entre le Seigneur et le vassal, elle rejette absolument toute prescription, même l’immemoriale. La raison est que ces paroles, par quelque temps que ce soit, ne recoivent aucune exception, dictio illa ( quocumque tempore est universalis, nihil excipiens ) cum consuetudo negativâ dispositione constituit ea jura praescribi non posse, & verbum ( potest ) cui negativa adjecta est, precisam necessitatem im. portat. Et cette opinion a prévalu contre la faveur de la prescription centenaire, quoy qu’un si long-temps dût établir le repos et l’assurance en toutes choses, que alia improbum liticatorem tam valida defensio submovebit, si nec transacta in infinitum secula defendunt. Nov. S. La prescription n’est point reputée immemoriale si elle n’excede cent années.

En une Paroisse il y avoit deux Seigneurs qui possedoient chacun un fief ; l’un prétendoit que l’autre avoit quelques rotures relevantes de luy, et pour cet effet il s’aidoit de quelques anciens aveux et fieffes ; on mit en controverse si contre ses anciens aveux et titres, la prescription pouvoit être alléguée ; comme le vassal ne peut prescrire contre son seigneur, aussi le Sei-gneur ne peut prescrire contre son vassal. Or en ce fait ces deux qualitez concurrent, il fut tenu pour constant au procez jugé au Rapport de Mr Baillard aux Enquêtes, le mois de Juillet 1629. que la prescription ne pouvoit être opposée. Le procez neanmoins ne fut pas décidé sur cette question, mais sur le fait particulier.

Le vassal ne peut prescrire contre son seigneur la foy et hommage ; mais entre deux Seigneurs la prescription n’est pas défenduë, ni même la peremption d’instance. Un particulier avoit mis en debat de tenûire son héritage entre le sieur de Courcelles et le sieur Morin, Receveur des Consignations ; par Sentence la tenûre fut ajugée au sieur de Courcelles. Morin en appela sans faire aucune poursuite sur son appel ; le sieur de Courcelles obtint des lettres de peremption. Heroüet et le Bigot contestoient l’enterinement des lettres de peremption, disant que s’agissant de tenûre, l’instance ne pouvoit tomber en peremption, les fiefs étant de droit public, que le fief d’Asniere possedé par Morin êtoit immediatement mouvant du Roy, et par consequent le Roy avoit interest que ses tenures ne fussent pas diminuées et ajugées au fief de Courcelles, qui ne relevoit pas immediatement du Roy, et que la peremption n’étoit point reçûë dans toutes les causes où le Roy pouvoit avoir quelque interest. Theroude pour le sieur de Courcelles representoit que l’Edit des peremptions êtoit general, et que les troits du Roy n’en étoient point diminuez, tous fiefs étans mouvans de luy mediatement ou immediatement. Par Arrest du 4 de May 1654. l’instance fut déclarée perie.

Toutes prescriptions entre le Seigneur et le vassal ne sont pas prohibées, quand ils ne possedent point jure feudi, sed Dominii. La prescription dont il est parlé dans cet Article, ne doit être entenduë qu’en ce cas, ut scilicet omnem quam Domino debet subjectionem vassallus non possit ullo temporis spatio prascribere, ce qui est pleinement expliqué pardu Moulin ,Tronçon , et grodeau, sur l’Article 10. de la Coûtume de Paris ; et parPontanus , sur l’Article 37. de la Coûtume de Blois.

Nous ne trouvons dans le titre des fiefs que deux prescriptions qui soient défenduës par la Coûtume : La premiere en cet Article, et la deuxième en l’Article suivant. Dans la pluspart Loüet des autres Coûtumes les droits de fief, de cens, et de directe, sont imprescriptibles. Loüer, Loyseau l. C. n. 21. Loyseau du Déguerp. p. l. 1. c. 3. n. 3. ajoûte que c’est une prerogative des rentes Seigneuriales, qu’elles ne se prescrivent point, sinon quant à la quotité, et quant aux arrerages, prés trente ans, parce que le rentier quasi nomine Domini possidens, causam possessionis sibi mutare non potest ; Et la Coutume de Paris en a fait une disposition expresse, Article 124. Il sem-ble parmy nous que les rentes Seigneuriales ne soient point si favorables ; on ne peut en denander que trois années, quoy qu’il y ait action pour vingt-neuf années d’arrerages d’une rente fonciere. Elles peuvent être prescrites par le vassal et par le Seigneur aprés le laps de quarante ans : cette prescription de la part du vassal est favorable, nec enim ad lucrum querendum spectat, sed liberationem concernit, ex solâ non petentis negligentiâ.

Quand le cens est pris pour ce droit qui est dû en reconnoissance de la Seigneurie directe, il semble qu’il ne soit point plus sujet à la prescription que la foy et hommage ; c’est pourquoy Pontanus fait de deux sortes de cens, l’un qui est dû au Seigneur in signum subjectionis et recognitionis, et hic jure communi prascribi non potest, sicut nec ipsa subjectio propter quam prestatur : altero autem modo consideratur census, ut scilicet privato debetur, et hic prascribitur ao annorum pario. Nous ne faisons point ces distinctions, et toutes les rentes Seigneuriales sont prescriptibles.

Dans les Coûtumes où le cens est imprescriptible, les autres droits se peuvent prescrire ;Pithou , Coûtume de Troyes, Article 3. titre 3.Brodeau , Coûtume de Paris, Article 12.

Pontanus , Coûtume de Blois, Article 37. Certas et speciales libertates sive exemptiones vassallus prascribere potest, putâ cùm feudum vendit, ut nulla Domino debeantur laudimia.

Comme nous recevons la prescription pour les rentes Seigneuriales, c’est une question assez familière, si les Journaux et papiers de recepte du Seigneur font une preuve pour la possession et pour interrompre la prescription : Il semble, ditPithou , sur le même Article, que les papiers censiers de recepte faite par le Seigneur doivent faire foy des payemens à l’effer seulement d’empescher la prescription. La faveur est grande pour le Seigneur quand ses papiers censiers sont soûtenus par des titres ; et il y a d’autant plus de nécessité à recevoir cette sorte de preuves ; que souvent les Seigneurs ne donnent point de quittances, et se contentent d’écrire les payemens Chassanée sur les Registres. GuyPapé , Décision 206. Chassanée, Coûtume de Bourgogne, titre 4. des prescriptions, S. 4. de hoc genere probationis multa extant apud jurisconsultos in legem admonendi, ff. de jure-jurando. Les Seigneurs exacts et diligens font approuver leurs Journaux par leurs Senéchaux. Mr d’Argentré estime que les papiers de recepte ne font pas une preuve entière, mais une grande presomption : Si non plenam fidem faciunt, magnam tamen conjecturam faciunt, sum scriptura est vetus et de facto antiquo & mortui dicantur qui superscripsere. Du Moulin 5. 1. n. 8. aprés avoir fait plusieurs raisonnemens sur la question, an catalogi probent, conclud que, quando caralogus non habet formam publicam et authenticam, tunc cûm sit privata scriptura, de se neque probat neque judicat, et si est omni adminiculo destituta, tunc quod nullum gradum probationis facit per rationem legis, exemplo de probationibus. C.

Il faut faire distinction entre les papiers du Receveur du Domaine, et les Journaux des particuliers. Il a été jugé pour de la Mare Receveur du Domaine au Ponteaudemer, que les anciens Régistres du Domaine font preuve. Quelques-uns sont aussi de cette opinion pour les Registres des Seigneuries temporelles des Ecclesiastiques, et qu’ils en ont une Declaration du Roy. Pour les particuliers leurs Journaux ne font pas absolument foy, mais quand le titre est constant, il faut peu de chose avec les Régistres pour interrompre la prescription.


CXVII.

Le Seigneur ne prescrit ce qui est saisi en sa main.

Le Seigneur ne peut prescrire les héritages saisis en sa main, ains est tenu les rendre au vassal ou ses hoirs toutes les fois qu’ils se presenteront, en faisant leurs devoirs.

La Coûtume a prudemment ajoûté ces paroles, les héritages saisis en sa main, car le Seigneur pourroit les acquerir par la prescription ; il n’y a que la foy et hommage qui soient exceptez par l’Article precedent, la raison décilive de cet Article, est que le Seigneur ayant commencé sa possession par une saisie feodale il est presumé l’avoir continuée en cette feule qualité, quia nemo possessionis causam sibi mutare potest. l. cûm nemo. ff. de acquis. poss. Aussi plusieurs Coûtumes ont ordonné la même chose ; Paris, Article 12. Blois, Article 37. Nivernois, Article 12. titre des fiefs et 16. celle de Tours est contraire ;Coquille , titre des Justices, Article 20. le Seigneur prescrit les héritages reünis par cinquante ans de possession.

Quand le vassal demande à son seigneur la restitution d’un héritage, comme le possedant en vertu d’une saisie feodale, il est tenu de le justifier, encore même qu’il fit voir par des titres qu’il eût appartenu à ses predecesseurs ; car le Seigneur peut avoir possedé à autre titre, il pourroit même avoir prescrit quand il n’a point fait de reünion.

Mais le vassal peut demander que le Seigneur represente ses Gages-pleges, comme il a été jugé sur ce fait. Le Chapelain de la Chapelle de Chamblart prétendoit que le sieur de la Porte, Seigneur de Chamblart, possedoit quelques terres par reünion, dont il demandoit la restitution, en luy faisant les droits et devoirs Seigneuriaux, ce qui étoit contredit par le Seigneur ; le Chapelain pour le prouver demandoit la representation de ses Gages-pleges. Le Seigneur l’empescha par cette raison, que nemo tenetur contra se edere. Il y fut condamné par Sentence, dont ayant appelé, on mit sur l’appel les parties hors de Cour, en l’Audience de la Grand. Chambre le 15 de Mars 1661. plaidans Heroüet et de l’Epiney.

Mr Josias Berault cite un Arrest, par lequel on a jugé que la clause Commissoire portée par un coûtrat de fieffe devoit avoir son effet, et que le bailleur fût maintenu en la possession et proprieté de l’héritage, à faute par le preneur à fieffe d’avoir payé la rente dans le temps préfix.

Il fut jugé le 23 de Juin 1671. pour un contrat de fieffe, qu’encore qu’il n’y eût point de clause Commissoire, le baisleur pouvoit rentrer en la possession de son fonds, et la Sentence qui le jugeoit ainsi fut confirmée : On citoit pour le preneur à fieffe ou bail d’héritage, les loix du titre de lege comm. pour le bailleur on réponvoit que ces loix ne parlent que des contrats de vente, et on alléguoit la l. 2. de jure Emphyt. On donna néanmoins trois mois au preneur pour purger son retardement et payer les arrérages, à faute dequoy le bailleur seroit maintenu en la possession de son héritage : plaidans Durand et de Freville.

Par Arrest du 18 de Février 1618. donné en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Toustain, entre les Paroissiens de Carville et Demoiselle Anne Lozier ; lesdits Paroissiens furent envoyez en possession d’un contrat à bail d’héritage à cette condition qu’en cas que les preneurs fussent trois ans sans payer la rente, les bailleurs pourroient s’en remettre en possession, sans aucune sommation ni Sentence ; la matière des clauses Commissoires fut discutée par les Juges. Il sembloit rude à quelques uns que la negligence ne se pût reparer, et qu’au moins la clause Commissoire ne devoit pas operer contre lheritier, qui la pouvoit ignorer : On jugea neanmoins le profit de la clause Commissoire, on eut égard que c’étoit bien l’Eglise qui avoit été baillé à vil prix, et que d’ailleurs on n’avoit pas gardé toutes les formes dans le contrat à bail d’héritage. On alléguoit pour les Paroissiens la l. 2. de jure Emphyt. et plusieurs anciens Arrests, qui avoient approuvé la clause Commissoire. Mais ladite de Lozier excusoit le defaut de payement par cette raison, qu’elle étoit sous la puissance d’un mary, et que par consequent on ne pouvoit luy imputer cette négligence, ni même s’en prévaloir contr’elle, parce que son mary n’avoit pû aliener, ou luy faire perdre son fonds par cette negligen-ce ; mais on repliquoit qu’il y avoit différence entre la faute du mary, qui procede de delict, et celle qui consiste en omission, maritus delinquendo rebus dotalibus praejudicare non potest, secu in omittendo. Il en est comme du Prelat, lequel fait préjudice à son Eglise, en ne payant point la redevance, gl. in cap. Constit. de Relig. dom. quia hac pena descendit ex contractu, at in penis conventionalibus nec Ecclesia nec minor restituuntur, l. legem. C. de Pact.Molin . titre des fiefs S. 30. L’appellante s’étant faite autoriser pour prendre la succession de son pere, cette autorisation la mettoit en pouvoir d’agir. De expulsione coloni ab non solutum canonem, et an Do-minus possit illum expellere propriâ authoritate ; videGuid. Pap . Quest. 1o7. et Quast. 123. et Chassanée Quast. 171. cum additionibus ; Chassanée 5. 22. in verbo, Demeure.

Nos Docteurs ont fort discouru des Stipulations penales portées par les contrats, et de leur ffet si on y doit tenir à la rigueur, ou s’il faut les reduire au juste et véritable interest de celuy qui en demande l’execution : Par un Concordat du 8 d’Aoust 1668. Herout avoit traité de l’Office de Referendaire en la Chancellerie de Roüen, avec Estard, à condition d’en fournit les provisions dans le jour de S. Martin ensuivant, et moyennant la somme de dix mille livres et 850 livres, qui furent payées comptant, et en cas d’inexecution celuy qui manqueroit se soûmettoit à une peine de mille livres. Herout n’ayant point fourni les provisions dans le temps préfix, il fut condamné au payement de la peine ; sur son appel, Greard soûtenoit que les stipulations poenales étoient reductibles au legitime interest, in quantum interest ex variis circonstantiis facti ; suivant l’opinion dedu Moulin , je répondois pour Estard, que les excuses qu’il rapportoit étoient frivoles, que l’inexecution du Concordat êtoit tout à fait volontaire de sa part, qu’au surplus ces pactions étoient legitimes, et qu’il y en avoit un titre exprés dans le droit civil, de contrah. et committ. Stip. C’est un remede de droit, quod gerendis negotiis adminiculari solet. Elles étoient des liens et des chaines, pour contraindre les hommes à executer leurs promesses, et il y avoit de la difference entre les stipulations legales et conventionnelles, en celles-cy non admittitur mora purgatio, et pour constituer quelqu’un en retardement, il n’est as même besoin d’interpellation. lmagnam de contrab. et committ. Stip. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 16 de Decembre 1670. en infirmant la Sentence, la peine de mille livres fut moderée à 8oo livres.


CXVIII.

Fruits quand sont acquis au Seigneur saisissant.

Les fruits ajugez au Seigneur ne luy sont acquis s’ils ne sont engrangez avant que le vassal presente son Aveu, ou forme de delivrance.

La Coûtume par ces paroles, s’ils ne sont engrangez ; a terminé plusieurs grandes questions. cormées par les Docteurs sur la perception des fruits par le Seigneur : Du Moulin 5. 1. gl. 8. n. 42. estimoit que les fruits qui étoient en maturité et prests à être recueillis, étoient reputez perçûs.

Nôtre Coûtume en use autrement, soit que les blés soient coupez ou encore pendans par les racines. Elle dispose qu’ils ne sont point acquis au Seigneur, s’ils ne sont engrangez. La Coûtume de Blois, en l’Article 100. dit que si le Seigneur a commencé à couper les fruits, et que le vassal offre de luy faire la foy et hommage les fruits déja coupez demeurent au Seigneur, et ce qui reste à couper au vassal. Cette distinction inter fructus collectos et colligendos, est prise de la loy, qui saxum ff. de don. Pour acquerir les fruits à l’usufruitier, il falloit que les fruits fussent recueillis et separez du fonds.

La décision est précise pour les blés, il faut qu’ils soient engrangez, mais elle ne peut servir pour les bois taillis et pour les étangs. La Coûtume de Blois, dans le même Article 100. ordonne que s’il y a un étang, et que la bonde eût été levée avant l’offre, les fruits de la pesche appartiendront au Seigneur. Pontanus neanmoins n’approuve pas cette distinction, nam piscatio non fit, nisi totâ ferè stagni aquâ evacuatâ. Du Moulin traite cette autre question, si aprés la saisie teodale, le Seigneur avoit vendu le bois taillis, et l’acheteur avoit commencé de le couper, s’il pourroit l’emporter au préjudice du vassal, qui feroit ses offres. Puisque la Coûtume est si favorable au vassal qu’aprés la presentation de son Aveu, elle luy conserve les fruits, pourvû qu’ils ne soient pas encor engrangez : on peut dire qu’encore que le Seigneur ait commencé à couper le taillis ou à pescher les étangs, il ne peut neanmoins avoir à son profit que ce qui étoit pris et enlevé hors le lieu avant la presentation de l’AveuSi au contraire le vassal avoit commencé à pescher et à couper son bois avant la saisie feo-dale, le Seigneur n’y pourroit rien prétendre. On trouve dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 4. c. 6. un Arrest du Parlement de Paris, par lequel on a jugé qu’un bois taillis ayant été vendu et commencé à couper avant la saisie, il n’appartenoit point au Seigneur, suivant l’opinion dedu Moulin , que fructus maturi & colligi incoepti pro collectis habentur.

Le premier de Mars 1663. cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre. De Cordey, aprés avoir fait reünir à son fief quelque héritage le premier de Juin, il declara au sermier qu’il s’arrêtoit aux fermages, et neanmoins le même jour il fit signifier un desaveu de cet exploit, son intention étant d’avoir les levées, et pour en avoir Acte il le fit appeler devant son Senéchal. Depuis ayant emporté les levées, il fut poursuivi par le vassal pour les rendre, ne pouvant avoir que les fermages, suivant sa première déclaration, qu’il n’avoit pû e changer aprés avoir consommé son droit d’option, ce qui fut jugé de la sorte par le Bailly de Longueville ; sur l’appel on mit les parties hors de Cour, plaidant Maurry et Theroude. On tint à la rigueur de la première déclaration du Seigneur, quoy qu’il l’eûr revoquée le même pour, par cette raison qu’il gagnoit assez ayant les fermages.

En l’explication de ces paroles, que les fruits ne sont acquis au Seigneur, s’ils ne sont engranvrez avant que le vassal presente son Aveu, on a donné Arrest sur ce fait. Charles du Puits Ecuyer, sieur de Sandouville, aprés avoir fait reünir quelques héritages dépendans de ses fiefs, il fit declarer au fermier qu’il s’arrétoit aux fermages, dont il luy fut donné Acte en Juge ment au mois de Septembre. En Novembre ensuivant Claude Minfant Ecuyer, propriétaire des terres reünies, presenta son Aveu, et sur la main-levée des fermages qui étoit demandée par le sieur de Sandouville, le sieur Minfant s’y opposa, prétendant qu’ayant baillé son Aveu avant que le fermage eût été payé, il n’appartenoit point au Seigneur. Le Bailly de Longueville ayant jugé au contraire, le sieur Minfant en appela. Greard concluoit que comme les fruits n’appartiennent au Seigneur que quand ils sont engrangez, par la même raison les fermages ne luy étoient point acquis avant que le terme du payement fût échû : Je concluois au contraire pour le sieur de Sandouville par les termes de cet Article, qui donne les fruits au

Seigneur, lors qu’ils sont engrangez ; que les fruits ayant été perçûs long-temps avant la presentation de l’Aveu, la déclaration qu’il avoit faite de s’arrêter aux fermages, pour ne dépos-seder pas le fermier, ne devoit pas luy être préjudiciable. Par la Coûtume les fermages sont reputez ameublis du jour que les fruits sont perçûs, encore que le terme de payement ne soit pas échû, d’où il s’ensuivoit que c’étoit assez pour gagner les fermages que les fruits eussent été ecueillis. La Cause fut appointée au Conseil, et par Arrest du 8 de Juin 1660. la Sentence fut confirmée. Par l’Article 19. du Reglement de l’an 1666. les fermages des héritages reünis ont acquis au Seigneur, si pendant que les fruits sont encore sur le champ il a signifié au fermier qu’il s’arrête ausdits fermages, à moins que le vassal ne baille Aveu avant que les fruits soient engrangez par le fermier

Godefroy Sodefroy propose cette difficulté, si le Seigneur ayant ensemencé les terres, et le vassal ne presentant son Aveu qu’aprés la S. Jean, il peut avoir les fruits ; car il a de la peine, dit-il, à concilier cet Article avec le 505. par lequel les fruits aprés la S. Jean sont meubles, et par consequent ils doivent appartenir au Seigneur. Mais cela ne doit point faire de peine, quand il s’agit de gagner les fruits par le Seigneur, il n’est pas necessaire d’examiner s’ils sont meubles ou immeubles ; la Coûtume ne les donne pas au Seigneur pour être devenus ou reputez meubles ; ils ne luy appartiennent pas même encore qu’ils soient separez du fonds, et il ne les peut svoir qu’à cette seule condition qu’ils soient engrangez ; ainsi il n’importe pas qu’ils soient meubles ou immeubles, puis qu’encore qu’ils soient meubles, il faut en outre qu’il en soit saisi, qu’il les ait enlevez et engrangez avant que le vassal ait fait son devoir ; autrement ils demeurent au vassal en quelque état qu’ils soient, pourvû qu’ils ne soient point engrangez :


CXIX.

Charge des fruits.

Si les fruits demeurent au Seigneur, il doit payer les aireures, labours et semences à celuy qui les aura faites, autre que le vassal, si mieux le Seigneur n’aime se contenter du fermage, ou de la moitié des fruits.

Les Coûtumes. de France, et leurs Commentateurs, veulent que le Seigneur qui gagne les fruits, rembourse les labours et les semences au vassal. Il est vray qu’elles parlent de lannée du rachapr, qui est dû au Seigneur par la mutation du vassal ; et comme en ce cas les fruits luy appartiennent, quoy que le vassal ne soit point en faute, il est raisonnable qu’il rembourse les labours et les semences, nam quod in fructus impensum est, ipsos diminuit, l. 46. D. de usu.

Nôtre Coûtume donnant le loisir au vassal de faire son devoir, pendant les longs delais et les diligences qu’elle prescrit au Seigneur pour parvenir à la reünion, punit enfin son mépris, tion seulement par la perte des fruits, mais encore par la perte de tous les frais qu’il a faits pour la eulture de son héritage ; ce qui est d’autant plus juste, qu’il peut même aprés la Senence de reünion fauver sa levée en baillant un Aveu, quoy qu’il soit mauvais.

En cas que la reünion soit executée, on demande si le Seigneur peut déposseder le fermier : On dit pour le Seigneur qu’il ne prend pas la possession d’un fief, comme d’un bien qu APOae il ne luy appartienne point, Dominus in possessionem non quasi rei alienae, aut causâ rei servandae, sed in propriam rem mittitur : Ce qui est si véritabie, que le Seigneur n’est pas tenu de payer les rentes ausquelles le vassal a hypothequé le fief, parce que tout le droit du vassal est ineanti par la dépossession. La Coûtume d’Orléans, titre des fiefs, c. 3. le décide expressément, quoties feudo aperto jus suum patronus exertere voluerit, hoc sine ulla pendendi vectigalis quod vassallus impofuit necessitate potietur. Le Seigneur n’entre pas en la place du vassal par une suprogation à ses droits, mais par une pure extinction et une resolution parfaite de tout le droit lu vassal. Et tout ce que le fermier peut demander, est d’être remboursé de ses frais et de ses abours et semences, ce que le Seigneur ne peut refuser, nam nec casus ullus in jure intervenire gotest, qui impensarum bonâ fide factarum deductionem impediat, l. fundus qui in fine. ff. fam. erscise.

Et comme cette resolution du droit du vassal procede de la cause primitive et essentielle de nfeodation, le vassal n’a pû rien faire qui donne atteinte, ou qui affoiblisse les droits de son Seigneur, ni qui rempesche de jouir avec toute liberté du fief qui luy retourne. C’étoit aussi Tiraquel a disposition de lancienne Coûtume de Paris, Article. 38. et a été de ce sentiment en plusieurs lieux de ses écrits ; Tiraqueau du Moulin Retr. lign. Art. 40. n. 2. Mr d’Argentré , ur la de Bretagne, Art. 76. not. 8. nomb. 3.Chopin , sur la Coûtume d’Anjou, l. 1. C. 4. n. 17. parlent du desaveu fait par le vassal, et si lon s’attache à la rigueur du droit, plûtost qu’à l’équité, cette opinion doit être. suivie.

L’on dit au contraire qu’un vassal pour une simple omission de devoirs ne doit pas être puni de plusieurs peines, en permettant au Seigneur de chasser le fermier ; le vassal perd les fruits, et outre cela il est encore condamnable aux interests envers son fermier. La reünion n’a point un effet permanent et itrevocable, il n’est pas privatif, il suspend seulement le droit du vassal, et le Seigneur est sans interest, quand le bail est fait de bonne foy et sans fraudes puisqu’il perçoit le véritable revenu de la chose.Brodeau , Article 56. vide eundem, sut Mr Loüet Loüer, l. 5. n. 11. in fine. Aussi la nouvelle Coûtume de Paris, Article 58. a corrigé l’ancienne en maintenant le fermier, si le bail a été fait de bonne foy et sans fraude : etdu Moulin , en son Appendice, sur l’Article 38. de lancienne Coûtume, avoit reconnu que la décision en êtoit rigoureuse, et que les Coûtumes qui obligent le Seigneur à se contenter des fermages sont plus équitables ; et en d’autres lieux, Article 43. et 45. de la Coûtume de Valois, il a écrit que le Seigneur ne peut déposseder le fermier qu’aprés la première année, à laquelle s de peut toucher : ce qu’il jugeoit devoir avoir lieu pour les fermiers des benefices. La Coûtume de Blois, Article 76. est conforme à celle de Paris ; et Orléans, Article 72. titre des fiefs.

Cette question peut recevoir moins de difficulté dans les Coûtumes qui donnent au Seigneur pour son droit de relief ou de rachapt, le revenu d’une année, parce que la jouissance du Seigneur étant limitée à un certain temps, on ne doit pas luy permettre d’expulser le fermier, au trement le vassal souffriroit la perte de son revenu pendant une année, et de plus il seroit tenu aux interests envers son fermier pour sa dépossession ; et quoy qu’au cas de la saisie seodale le Seigneur doive jouir autant de temps que dure le mépris et la negligence du vassal, toutefois comme il peut en tout temps se remettre en possession, on ne doit point donner cette liberté au Seigneur de déposseder le fermier ; parce que ce seroit augmenter la peine du vassal, qui payeroit des interests au fermier, et faute d’en trouver un autre solvable aprés avoir obtenu main-levée, sa terre luy demeureroit inutile ; et c’est aussi le sentiment dePontanus , Article 78. de la Coûtume de Blois. Et Brodeau témoigne que la Coûtume de Paris, qui oblige le Seigneur feodal de tenir le bail fait par son vassal avant la saisie, comme tres juste et équitable, a été étenduë aux autres Coûtumes qui n’en décident rien. Voyez les Auteurs citez par luy, et par MrLoüet , l. et. n. 54.

Mr d’Argentré , Article 76. nomb. 9. n. 3. fait différence entre les causes, qui donnent ouverture à la prise de fief et à la possession du Seigneur, quand il jouit du fief à droit de rachapr. ou à faute d’homme, droits et devoirs Seigneuriaux non faits, le Seigneur n’est point obligé d’entretenir le bail, parce que son droit procede ex causâ antiquâ inseodationis et investiturae, qui est préférable à toutes les obligations que le vassal a contractées depuis Mais lors que le fief retourne au Seigneur à droit de Commise pour la felonie du vassal, ou par confiscation, ou pour cause d’ingratitude, en ces cas le droit du Seigneur n’a pas un effet ret roactif, et par consequent il est tenu de reprendre son fief en létat qu’il le trouve, cum ex hujusmodi causis feudum revertitur, retro iste non respiciunt, sed rem in eostatu in quo reperitur applicant cum suis causis & hypothecis pracedentibus.

Les paroles de cet Article paroissent décisives contre le fermier, si les fruits demeurentu Seigneur, il doit payer les labours et semences à celuy qui les aura faites, autre que le vassali si mieux le Seigneur n’aime se contenter du fermage ou de la moitié des fruits. N’est-ce par déposseder le fermier, que d’avoir les fruits à son préjudice, en luy remboursant seulement ses labours et semences ; et s’il est au pouvoir du Seigneur de se contenter de la moitié de fruits, il a par consequent la liberté de jouir par ses mains ; Voyez la Coûtume d’Anjou, Article 22. Mante, Article 132. Poitou, Article 136

Quelques-uns sont de ce sentiment, que si le bail est passé devant Notaires, le fermier a son hypotheque, comme un autre créancier ; mais cette raison n’est pas considérable en Normandie, où le Seigneur fait les fruits siens au préjudice des creanciers hypothecaires. Berault semble incliner pour lopinion qui maintient le fermier par une raison de commiseration, et afin que le vassal ne soit pas encore surchargé par une condamnation d’interests envers son fermier.

Cependant puisque le Seigneur peut avoir les fruits en payant les labours et semences, cette consideration des interests n’est point décisive, car ils luy sont dûs en cas que le Seigneur prenne les fruits. Nôtre Coûtume étant indulgente au vassal, en ce qu’elle luy donne des moyens si faciles pour sauver les fruits de son héritage, il ne peut être puni trop severement lors qu’il neglige de s’en servir.

On pourroit expliquer cet Article en cette manière, que le Seigneur peut bien retenir les fruits en payant les labours et semences, et non pas chasser le fermier ; mais cette explication seroit contraire au sens de l’Article, car le fermier pouvant être privé du profit de son travail, quoy qu’il ait labouré et ensemencé les terres, on rend par cette voye le bail inutiles Le Seigneur ayant cette faculté de rembourser les frais à celuy qui les aura faits, autre que se vassal ; on demande s’il est tenu de faire ce remboursement aussi-tost qu’il entrera en possession, ou s’il peut retarder le remboursement jusqu’à la recolte : On répond que ces paroles, en remboursant ) important tantùm modum non conditionem, & actum futurum, non prasentis tempris, et que partant le Seigneur peut attendre aprés la recolte ; et même du Moulin est de ce sentiment, que si les fruits étoient perdus par quelque accident, le Seigneur ne seroit point tenn au remboursement des labours et semences, de feud. Article 3. n. 3. et seqL’opinion contraire a parû plus équitable àBrodeau , étant injuste de faire tomber la perte sur un pauvre fermier dépossedé de son bail malgré luy ; nôtre Coûtume décide cette difficulté par ces paroles, si les fruits demeurent au Seigneur : comme il n’est pas asçuré d’avoir les fruits, et qu’ils ne peuvent luy appartenir qu’aprés être engrangez, on ne peut pas le forcer à rembourser les frais avant ce temps ; si toutefois aprés sa declaration faite au fermier de luy rembour-ser ses fruits, ils étoient perdus par un cas fortuit, le fermier qui ne les peut plus avoiri et qui aprés cette déclaration n’y doit plus prendre aucun interest, ne doit pas en porter la perte, encore que le vassal ne donnât point d’Aveu, le Seigneur qui a consommé l’option qui luy étoit donnée par la loy, ne pouvant plus y renoncer. Il est vray que cette option pouvoit devenit caduque par la presentation de l’Aveu, mais à l’égard du fermier elle etoit pleinement consommée.


CXX.

Presentation d’Aveu bon ou mauvais que profite.

Aveu baillé, soit bon ou mauvais, sauve la levée : doit neanmoins le vassal payer les frais de la saisie, adjudication, si aucune y a, et de ce qui s’en est ensuivi.

Cet Article donne au vassal un moyen fort commode et fort prompt pour reparer sa negligence, et pour éviter la perte de ses levées. Il n’est point necessaire pour obtenir la main-devée de son fonds d’entrer dans la discution de son Aveu, ni de sçavoir si ses Offres sont vadables ou non ; La seule presentation de l’Aveu suffit tel qu’il puisse être, elle ne suspend pas seulement l’execution de la saisie, elle la détruit entièrement, et bien qu’il ne paye pas au Seigneur ce qu’il luy doit, il ne perd pas ses fruits ; le Seigneur peut les arrêtet ; mais il ne les gagne pas comme il auroit fait, si le vassal n’avoit pas baillé son Aveu. Ce qui a été prudemment ordonné pour prévenir l’oppression des Seigneurs, qui trouvoient toûjours à rédire aux Offres ou à l’Aveu leur vassal, ce qui rend inutiles toutes ces questions traitées pardu Moulin , de feud. S. 67. et Brodeau 16. et par les Commentateurs des Coûtumes, sur la validité ou invalidité des Offres du vassal. Cette disposition est semblable à ce vieux mot de nos Auteurs, quod contumacia abstulit, obedientia restituit.

La première difficulté qui peut naître sur cet Article resulte de la qualité des personnes, qui peuvent bailler Aveu. J’ay remarqué ailleurs que l’absence ne peut servir de pretexte pour proceder à une saisie faute d’homme et devoirs non faits, quand le vassal absent a donné son Aveu.

Si le vassal n’en a point donné et le Seigneur a usé de main-mise, sçavoir si l’heritier presomptif peut être reçû à donner Aveu ; Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand.

Chambre le 7 de Juin 1661. Un jeune garçon de vingt ans et quelques mois, êtoit party en l an 1658. pour aller à S. Jacques en Galice, quelque temps aprés le Seigneur fit reünir les héritages faute d’Aveu, et fit juger les fruits à son profit, dont le frere uterin de l’absent se rendit adjudicataire à fort vil prix. L’heritier presomptif de l’absent presenta sa Requête au Senéchal du fief, pour être reçû à bailler Aveu ou Declaration, et faire les droits et devoirs Seigneuriaux, ce qui fut consenti par le Procureur Fiscal, mais contredit par l’adjudicataire qui obtint Sentence à son profit, dont l’heritier ayant appelé : Thomas, son Avocat, disoit que dans l’incertitude de la mort ou de la vie des personnes absentes, on prend toûjours le party de plus équitable. En cette cause la faveur êtoit toute entière pour lappelant, qui êtoit lheritier presomptif, et qui se presentoit pour conserver le bien de son parent absent, consentant même pour cet effet de donner caution de rapporter les fruits en cas du retour de l’absent, que quand on ne présumeroit pas la mort de labsent, il étoit plus juste de luy laisser hadministration du bien, que de la bailler à un Seigneur, dont le droit n’est pas si favorable. Laloüel, pour lintimé, répondoit que Iabsent êtoit majeur lors qu’il étoit party, qu’il avoit dû presenter son Aveu, ou laisser une Procuration pour obtenir un temps durant son absence, qu’à faute de lavoir fait la reünion êtoit valable ; l’appelant n’étoit pas recevable à faire les devoirs Seigneuriaux. On ne reconnoissoit point en Normandie de curateur aux biens vacans, que la mort de l’absent ne pouvoit être présumée, n’étant absent que depuis trois ans, et qu’enfin si l’appelant alléguoit la mort, il étoit en obligation de l’a prouver. Maurry Avocat, se presenta aussi pour le Scieneur, qui demandoit l’execution de la reünion, nonobstant le consentement collusoire de son Procureur Fiscal. Par l’Arrest la Sentence fut infirmée, et l’heritier envoyé en possession de l’héritage, en baillant caution de rapporter les fruits en cas de retour de l’absent, et en donnant Aveu et en faisant les droits et devoirs Seigneuriaux, et en payant les frais de la reünion : cet Arrest est d’autant plus remarquable qu’en Normandie on n’admet point de Curateurs aux biens vacans ni de Commissaires, comme à Paris.

La Coûtume aprés avoir remis, ou maintenu le vassal en la possession de son bien, permet au Seigneur de blamer l’Aveu, les blâmes pouvant être de plusieurs sortes ; s’il n’a pas employé toutes les rentes et rédevances ; s’il n’a pas designé et marqué assez expressément et en particulier les héritages dont il a donné Aveu ; s’il n’y a pas employé la quantité, les bornes, es tenans et aboutissans, et autres pareille nature : Du Moulin dit qu’un Aveu peut être blamé en sept manieres : Mol. de feud. 5. 10. n. 11.

Berault , sur l’Article 109. est d’avis que pour un fief-noble, on n’est point sujet à specifier par l’Aveu les espèces des rentes, sur quelles personnes elles sont dûës, et le nombre de son Domaine, tant fieffé que non fieffé, ni le déclarer par tenans ou aboutissans. On jugé le contraire aux Enquêtes, au Rapport de Mr Boulaye, le 16 de Decembre 1666 entre Guillaume Picard appelant de Sentence donnée par le Bailly Haut-Justicier de Vicfleurs par laquelle il avoit êté dit, à bonne cause les blames proposez contre son Aveis, et qu’il seroit tenu d’emloyer dans iceluy par le menu les noms de ses tenans, la quantité de leurs heritages, et les redevances é Seigneuriales, autant qu’il pouvoit luy en être dû, et ce par bouts et côtez houveaux, pour êviter aux entreprises sur le Domaine fieffé et non fieffé. Mre Henry de Bourbon Abbé de Fécamp, intimé. par l Arrest la Sentence fut confirmée.Chopin , sur la, l. 2. t. 2. de la seronde partie, est Coûtume d’Anjou avis que le vassal ne peut être contraint de comprendre en son dénombre : ment, que les censives et les droits dont il a connoissance, et quant aux droits dont il ne jouit pas ; de déclarer au Seigneur qu’il n’en a pas de connoissance, et qu’il les abandonne : mais un Seigneur l’est pas obligé de se contenter de cette déclaration-là, si le vassal ne fournit pas la quantité des héritages compris dans les anciens Aveux, et qu’il n’y employe pas les tenans et aboutissans ; faute par luy de remplir son dénombrement, il en doit être condamné aux interests envers on seigneur, qui souffre du préjudice par la diminution de ses tenûres : On ne peut mieux regler ce dédommagement que par l’exemple des Main-mortes, en condamnant son vassal au droit d’indemnité, suivant l’usage dé cette Province.

Du Moulin en plusieurs endroits de ses Commentaires sur le titre des fiefs, et en son Traité des usures, a fort discouru touchant l’effet des reconnoissances et déclarations portées par les Aveux. Mr d’Argentré a pareillement traité ce sujet, Art. 85. homb. 4. de la Coûtume de Bretagne, et particulierement cette question, si quand on a acquis à condition de relever d’un tel Sei-eneur, et de payer certaine rente, le Seigneur peut user de saisie en consequence d’un tel contratâ Jure stricto tdit Mr d’Argentré ) il ne peut agir en vertu d’un contrat, il peut neanmoin servir de preuve ; sur tout vû que par l’Ordonnance de François I. de l’année 1536. et de HenTy Il. en l’an 1549. il faut exprimer dans les contrats de vente la tenûre des terres qu’on vends his verbis narrativis et enuntiativis in contractibus appositis praesertim de re feudali Domini fundatur intentio, per regulam in l. optimam d. de contrah. Stip. non solum inter contrahentes & successore : vorum singulares : ande isti contractus faciunt fidem pro Dominis contra contrahentes et quostiber successores eorum in qualitate dominicà procedentibus, & ita judicatum in curia parisiensi. Papon dit que le contraire a été jugé, titre des droits Seigneuriaux, Article 18. La reconnoissance faite par le vassal, en vendant son fonds, sert de titre au Seigneur, pourvû que le vassal ne montre point qu’il l’a faite par erreur, ou par imprudence. Par la Coûtume de Paris, Article 8. l’Aveu doit être écrit en parchemin. Cela est ordonné fort à propos, vù l’importance de ces Actes qui doivent servir pour la posterité. On ne les donne aussi qu’en parchemin en cette Province.

Si le Seigneur nonobstant la presentation de l’Aveu, soit bon ou mauvais, retient la possession des choses saisies, par quelle voye le vassal se doit-il pourvoir contre luy : Plusieurs Au-teurs anciens ont estimé qu’il ne pouvoit intenter la complainte en cas de saisine et de nouvelleté, ou la reintegrande ; mais qu’il devoit se pourvoir par opposition, ou par appel, parce que les querelles et ces actions possessoires marquent quelque violence, notant vim expulsivam et dolum ejus, contre quem instituuntur. Or le vassal doit toûjours. demeurer dans les termes de re spect envers son seigneur, et n’intenter aucune action qui blesse son honneur et sa reputation, ce que l’on confirme par l’exemple des affranchis, qui ne pouvoient agir contre leurs Patrons par interdits possessoires, interdicto recuperandae possessionis non agunt liberti adversus Patronos ; sed actio in factum tribuitur ; l. 2. et l. licet de obsed. à liber. et libert. prest. D. 3 Mais nous n’avons point tant de consideration pour le Seigneur, qui retient injustement le bien de son vassal. Les vassaux sont reçûs à former la complainte pour l’obliger à leur quitter la possession de leurs héritages, lors qu’ils luy ont rendu les devoirs où ils sont obligez par la Coûtume.


CXXI.

Dans quel temps le Seigneur est obligé blâmer l’Aveu, pour obliger son vassal à la comparence aux Pleds.

Si le Seigneur ne blame l’Aveu dans les prochains Pleds ensuivans la presentation d’iceluy, le vassal n’est plus tenu y comparoir s’il n’y est assigné pour rece-voir blâmes, lesquels luy doivent être fournis au jour de la premiere assignation.

La Coûtume de Paris déclare le Seigneur non recévable à blamer le dénombrement baillé r par le, vasçal, s’il ne le fait dans les quarante jours, autrement il est tenu pour reçû. Suivant cet Article, si le Seigneur ne blame l’Aveu dans les prochains Pleds aprés la presentation, le vassal est dispensé d’y comparoître davantage, s’il n’y est ajourné de nouveau pour y recevoir des blames

Brodeau rapporte l’origine de ces blâmes d’Avcu aux descriptions et reformations censuel les des Romains, dont il est parlé en la l. forma. 3. ult. de censib. veniam petiit, ut censum, sed et vitia priorum censuum emendare permittatur.


CXXII.

Dans les trente ans l’Aveu peut être blâmé.

Peut neanmoins le Seigneur blamer l’Aveu de son vassal trente ans aprés qu’il luy est presenté, et cependant le vassal joüit et fait les fruits siens.

Le Seigneur étant obligé de blamer dans les trente ans l’Aveu qui luy a été rendu par son vassal ; on demande si le vassal a omis quelque droit ou rente Seigneuriale, et le Seigneur s n’ayant point blamé cet Aveu dans les trente ans, la rente sera prescrite, ou s’il faut quarante Sans pour en achever la prescription : Bérault a été de ce sentiment, qu’il n’y a de prescription ue pour les blames, et que le Seigneur ne peut perdre sa rédevance que par le laps de quarante ans ; il a été jugé de la sorte aux Enquêtes, le 2 d’Aoust 1668. au Rapport de Mr Bretel, on confirma une Sentence qui prononçoit, à bonne cause le blame contre l’Aveu, et ordonné que Bénard le bailleroit reformé, et chargé d’une rente de quarante-huit boisseaux d’avoine, nonobstant que l’Aveu n’eûr point été blamé dans les trente ans : Les parties étoient Pierre Bénard, ainé de l’ainesse du fief au Fayel, appelant, et Mr Etard Bouton Comte de Chamilli, mary de Dame Catherine le Comte de Nonant, Baronne de Beauménil

Cette question n’étoit pas sans difficulté ; l’Aveu que le vassal presente, et que le Seigneur eçoit, est un contrat qui les oblige reciproquement ; c’est un titre authentique et puissant our établir de la part du Seigneur quelque servitude ou quelque redevance, et de la part du vassal pour justifier son exemption et sa liberté ; ces Aveux sont irreprochables, et ont force de loy quand le Seigneur est demeuré dans le silence durant trente années, et qu’il en souffre execution volontairement ; et si l’Aveu qu’on a laissé fubsister n’operoit pas au vassal l’exemption de tous autres droits que ceux qui y sont contenus, la prescription de trente ans deviendroit vaine, illusoire, et sans effet, puisque nonobstant icelle, il resteroit encore au seigneur dans les quarante ans une action pour demander des droits, ausquels il avoit tacitement renoncé par l’acceptation de l’Aveu. On répond pour le Seigneur que sa condition. seroit pire que celle des particuliers, dont les droits réels et fonciers ne se prescrivent que par quarante ans, que l’Article étant general, il n’est pas juste de le restreindre au préjudice du Seigneur, et c’est aussi le sentiment deGodefroy .


CXXIII.

Foy d’entre le Seigneur et le vassal.

Entre les Seigneurs et leurs hommes foy doit être gardée, et ne doit l’un faire force à l’autre.

Licet vassalli homines nostri dicuntur, quia tamen propriè eâ appellatione servi vocantur, non tan eos quiquid à nobis jure feudi possident homines esse nostros quam nobis dominium debere, que vox hominii concinnior est, quam homagii :Le Févre , l. 3. c. 1.

Mr le Le Févre a fait un long discours, pour prouver que les Feudistes se sont persuadez mal à propos, que les conventions entre le Seigneur et son homme se faisoient par l’usage des sefs, et qu’à cette occasion ils se sont servis des termes de Seigneur, et d’homme, et sur ce sujet, il rapporte l’origine du Seigneur et de ses hommes, que le lecteur pourra voir en son Traité des fiefs, l. 3. c. 3. de l’origine de ces mots, Seigneur et vassal : voyez le même, l. 2. c. 2. et 3. et en ses preuves des devoirs reciproques entre le Seigneur et le vassal, idem, l. l. c. 14.


CXXIV.

L’honneur dû par le vassal.

Le vassal doit porter honneur à son seigneur, sa femme, et son fils aîné : comme aussi les freres puisnez doivent porter honneur à leur frere aîné.

On demande si sans contrevenir à cet Article, un Avocat qui tient noblement peut plaider contre son seigneur ; Il a été jugé qu’il le peut, suivant un Arrest qui se trouve dans la Bibliotheque du droit François : verbo Advocat. Voyez aussi Joan. Galli 4. 23. excepté en deux cas, quand la cause touche l’honneur du Seigneur, ou quand il est question des droits du fief, dont il seroit vassal

La Coûtume en cet Article apporte quelque temperament à l’Article precedent, d’où l’on pouvoit induire qu’elle avoir mis en même rang le Seigneur et le vassal. Elle s’explique en cet endroit, en ordonnant particulierement au vassal, non seulement de porter honneur à son sieigneur, mais encore à sa femme, et à son fils ainé ; et la Coûtume prend occasion de-là, de prescrire le même devoir aux puisnez envers leur ainé. Voyez ce que les Commentateurs ont dit sur ce sujet sur le Chap. de la Genese, où Esaù vend son droit d’ainesse Les fiefs ( dit Mr leLe Févre , l. 1. c. 9. des fiefs ) ont succedé à l’esclavage : les fiefa ont mis en liberté les esclaves, et asservi les libres

La Coûtume enjoignant au vassal de porter honneur à son Sseigneur, à sa femme, et à son fils ainé, il s’enfuit que quand il manque à ce devoir, il est punissable. La Coûtume en l’Article suivant, declare particulierement quelle doit être l’injure, qui fait tomber le vassal en Commise

Quoy que le vassal doive reverer son seigneur, il ne sera pas tenu de le nourrir, s’il tompoit en pauvreté. Godefroy qui tient le contraire se fonde sur cette mauvaise raison, que le vassal n’est riche que des bien-faits de son seigneur ; ce raisonnement ne pourroit être appliqué que contre ceux qui ont reçû les premieres infeodations, et l’exemple du Patron ne peut être tiré en consequence, outre que la disposition de la loy y est expresse. L’Eglise qui est riche est plus fortement engagée à ces actions de gratitude et de charité.


CXXV.

Cas de felonnie commise.

Si le vassal est convaincu par Justice avoir mis la main violentement sur son Seigneur, il perd le fief, et toute la droiture qu’il y a revient au Seigneur.

La felonnie et le desaveu sont presque les seules causes, qui parmy nous donnent lieu à la Commise ; cet Article n’exprime que la première ; le desaveu du vassal n’est pas moins criminel, et ne mérite pas moins cette peine.

Pour faire juger la Commise il faut que l’injure soit atroce, et le desaveu formel, et accompagné de perseverance : Cela consiste ordinairement en fait, et le jugement en est remis à la prudence du Juge. Les Feudistes veulent que le Juge suive à peu prés les cinq causes d’inratitude, exprimées dans la l. dern. C. de revoc. don. Et en effet la Commise est fondée sur ces exemples. Du Moulin toutesfois soûtient fort bien que toutes les causes d’exheredation ne peuvent pas être appliquées au vassal, quia longé gravior est injuria à filio illata, quam ab alio, etiam beneficiato nostro

J’expliqueray en quoy consiste la felonnie et le desaveu : quelles personnes peuvent tomper dans la peine de la felonnie et du desaveu ; quels en sont les effets, si tous Seigneurs peu-vent remettre cette peine ; et enfin si elle s’étend aux rotures comme aux fiefs.

Plusieurs comprennent sous ce mot de felonnie la violence, et linjure atroce que le vassal fait à son Seigneur, mais aussi le desaveu, et l’origine de ce mot felonnie est rapportée fort differemment. Mr Cujas l. 7. t. 2. de feud. la tire de ce mot Grec MOTGREC sive MOTGREC, car la felonnie n’est pas seulement une rebellion ou une revolte, puisque le Seigneur peut tomber aussi de son côté dans la felonnie. La felonnie est donc une faute ou une mé Vossius chanceté, et en effet dans nos anciens Auteurs, felonnie se prend pour ce que les Latins appellent scelus : Vossius, de vitiis sermonis et Glossematis Latino-barbaris, c. 6. pag. 202.Ménage , sur le mot felonnie, et sur toutSpelmanus , sur le même mot, en ont amplement discouru.

Matthieu Paris , en la Vie du Roy Jean, lappelle exheredation. Tunc Rex Francorum rem diu desideratam intelligens, accinxit se ad pugnam ; atque omnes suae ditionis homines cum equis & armis jussit sub nomine Culvertagii apud Rothomagum ita potenter convenire, ne crimine lase Majestatis. damnum exheredationis incurrere viderentur, vulgariter sub nomine Felonis Mais sans rechercher des Etymologies si éloignées, j’estime qu’il vient de ce mot François felon, qui signifie en vieux François dépit et cruel. Il peut bien être néanmoins que felon vient du Latin fel, fiel, qui est le siege de la colere : et c’est ce qui m’oblige à appeler prorement felonnie, l’action violente et injurieuse du vassal et du Seigneur reciproquement, quoy qu’il puisse être aussi fort bien appliqué au cas de desaveu Puisque la Coûtume, en l’Article 123. veut que la foy soit gardée entre le Seigneur et ses nommes et qu’elle leur défend de se faire force l’un à l’autre, et qu’en suite pour mettre quelque difference entre le Seigneur et le vassal, elle enjoint particulierement au vassal de porter respect non seulement au Seigneur, mais aussi à sa femme, et à son fils ainé : Il étoit enécessaie d’imposer une peine à celuy qui contrevient à ces dispositions. Le vassal qui a mis violemment la main sur son seigneur perd le fief, et toute la droiture qu’il y a, et le fief retourne au Seigneur. Gabriel de S. Bosmer ayant commis plusieurs violences contre Mr le Duc d’Elbeuf, d’il fut mis en prise de corps dés l’année 1580. et par Arrest du 12 d’Avril de l’année 1601. il fut banni du Royaume ; ses héritages, entant qu’il en avoit qui dépendoient de la Carneille. appartenant à Mr le Duc d’Elbeuf, declarez reinis et incorporez au domame de cette terre, à droit de commise et de forfaiture, le surplus de ses biens acquis et confisquez au Roy, ou à qui il appartenoit. Je rapporteray sur l’Art. 201. la suite de cette affaire, et si hhéritage doit repourner au Seigneur en exemption des dettes

En l’année 1669. les nommez Meldon vendirent à Lagnel quelques héritages moyennant la fomme de 1900 livres, payables dans trois ans, à faute dequoy les vendeurs pourroient reprendre la possession de leur fonds, perquisition et discussion faites auparavant des meubles de l’acquereur. Aprés les trois ans expirez, lesdits Meldon ayant outragé Tanneguy Labbé, sieur de Duci, leur Seigneur, on jugea la Commise de cet héritage qu’ils avoient acquis mais pendant le procez intenté sur le fait de la Commise, Guillaume le Tourneur, tuteu des enfans de Lagnel, pour en éluder l’effet, fit ordonner qu’à faute de payer les 190o livres, on vertu de la clause Commissoire, il rentreroit en la proprieté de l’héritage ; la Commise ayant été jugée au profit du Seigneur, le tuteur s’opposa à sa prise de possession, soûtenant que lesdits Meldon acquereurs n’en avoient jamais eu la proprieté, puisqu’ils n’en avoient point payé de prix. Le sieur de Duci luy reprochoit que son action étoit collusoire avec eux ne l’ayant formée qu’aprés le crime commis, et qu’en tout cas, avant que de pouvoir executer là clause Commissoire, il avoit dû faire la perquisition et la discution de leurs meubles, suivant les Stipulations du contrat ; le tuteur ayant été maintenu en possession, si mieux le Seigneur ne vouloit payer les 1900 livres, et lesdits Meldon ayant obtenu main-levée de leurs meubles : Le sieur de Duci en appela, et pour causes d’appel Grihaud, son Avocat, se fonda sur l’Article 2o1 suivant lequel l’héritage retourne au Seigneur, à la charge des rentes foncieres et hypotheques et dettes mobiliaires, discution préalablement faite des meubles : D’où il inferoit que les 1900. livres étant une dette mobiliaire, elle devoit être acquittée sur les meubles, et quand même il seroit question d’une dette immobiliaire, le Seigneur n’étant tenu de la payer qu’aprés la discution des meubles, il avoit été mal-jugé, d’en avoir donné la main-levée, vù principalement que la clause Commissoire ne pouvoit être executée qu’aprés la discution des meubles des acquereurs. Malherbe pour le tuteur, ne s’appuyoit que sur la clause Commissoire, dont il demandoit l’effer, le prix de la vente n’ayant point été payé dans les temps préfix : Durand pour lesdits Meldon remontroit que la main-levée de leurs meubles leur avoit été accordée sort justement, la Commise ne pouvant s’étendre sur les meubles, et cet Article n’imposant point d’autre peine au vassal que la perte de son fief. Il y a grande différence entre la Commise et la Confiscation : La Commile n’a lieu que pour l’héritage tenu du Seigneur, que l’on a offensé : La Confiscation emporte la perte de tous les biens, meubles et immeubles : Par Arrest du 10 de Janvier 1675. la Sentence fut cassée au Chef, qui donnoit main-levée des meubles, et ordonné qu’ils seroient vendus, à la charge que lesdits Meldon ne seroient tenus de payer les 1900 livres, que jusqu’à la concurrence du prix des meubles : On tint ces deux maximes. pour constantes, que la Commise ne s’étend point sur les meubles, et qu’ils demeurent au vassal, et que le Seigneur pour avoir l’héritage étoit obligé de payer les 190o livres, mais dau-tant que par le contrat le vendeur étoit obligé de faire la discution des meubles des acquereurs, avant que de pouvoir exercer la clause Commissoire, on jugea qu’il étoit raisonnable que cette clause fût executée, à condition que si les meubles n’étoient pas suffisans de payer les 1900 livresi le vendeur ne pourroit rentrer dans son héritage : que si les meubles ne pouvoient fournir cette somme, le Seigneur ne pouvoit avoir l’héritage au préjudice du vendeur, qu’en payant les 1900 livres.

Le vassal n’est pas seulement criminel lors qu’il frappe son Seigneur : il n’est pas moins coupable quand il l’offense par des injures atroces contre sa personne, ou contre fa qualité. Par un Arrest du 18 de Juin 1628. au Rapport de Mr Malet, entre Jacques Simon, Ecuyer, sieur de la Haye, et Richard Osber, Ecuyer : La Cour ajugea au sieur de la Haye la Commise des héritages qu’Osber possedoit mouvans de son fief de la Haye, pour luy avoir contredit sa qualité de noble ; cette injure étant la plus atroce que le Seigneur puisse recevoir de son vassal Par autre Arrest du 20 de Mars 1638. au Rapport de Mr de Banneville, entre le sieur de S. Victor et le Curé de la Paroisse. Ce Curé pour les injures atroces, qu’il avoit proferées contre son Patron, qui d’ailleurs l’accusoit d’impudicité, fut privé de son Benefice, et du consentement de son Patron il luy fut ajugé une pension de 3oo livres. Jay remarqué cet Arrest sur le titre de Patronnage.

Le vassal peut tenir des discours qui ne méritent pas une moindre punition. Mahieu, premier Elù en l’Election de Caen, avoit publié des discours fort injurieux contre Me de Cha-motel, Ecuyer, Avocat à Caen, et contre la Demoiselle sa femme ; per Sentence la Commise de ses héritages fut jugée, il fut condamné à en faire reparation en l’Audience du Bailliage, este nuë, et à luy défendu de venir à Caen, et dans la Paroisse d’Audrieu pendant six mois, et on y ajoûta encore d’autres peines : Sur l’appel de Mahieu, par Arrest au Rapport de Mr Fauvel en la Grand-Chambre, du 28 de Juillet 1674. on modera en quelques chefs la condam-nation ; mais pour la Commise il y eut contestation, quelques-uns estimans que cet Article ne parlant que de la violence commise par le vassal, il ne faloit point étendre cette loy ponaler d’autres soûtenoient que quelquefois on pouvoit offenser son seigneur plus outrageusement par des paroles que par des coups : On ne jugea point la Commise, mais au lieu que la Sentence ne prononçoit que rooo livres d’interests, on condamna Mahieu en r500 livres d’interests, et ces s00 livres d’augmentation valoient mieux que l’héritage. Il ne faut point douter que selon l’atrocité des injures, le vassal ne puisse tomber en Commise. Entre les causes qui donnent lie u à la revocation des donations, suivant la loy dernière Cod. de revocationibus : la premiere est, si donatarius atroces injurias effuderit in donatorem, si un simple démenti donné en jugement emporte la Commise, suivant l’Arrest cité par Berault sur cet Article, les injures infamantes. ne doivent pas être punies avec moins de severité. Brodeau fait mention d’un Arrest prononcé en Robbes rouges, par lequel un vassal fut privé sa vie durant de l’usufruit de son fief, pour avoir donné un démenti à son Seigneur. Et aussi du Moulin met les injures atroces entre les causes qui font tomber le vassal en Commise : Et en effet on ne les punit pas simplement par la perte de l’héritage, selon les circonstances et la gravité de l’offense, on y a ajoûté encore d’autres peines, comme on fit en l’Arrest de Mahieu, l. respiciendum de penis. Loüet I. ff. n. 9. arg. 516.Coquil . Coûtume de Nivernois c. 4. Art. 60.

Nôtre Coûtume ordonnant au vassal de porter honneur à la femme de son Seigneur, l’ofa fense qu’il commettroit contre elle seroit châtiée comme si elle avoit été faite au mary. DuMoulin , S. 454. Il en faut dire autant pour le fils ainé, mais il ne faut point étendre la peine plus avant ; car quoy que Godefroy ait été de ce sentiment, que la violence faite au pere du Seigneur êtoit suffisante pour donner sujet au fils de conclure à la Commise, je fetrois difficulté de suivre cette opinion. On punit l’offense faite à la femme, parce qu’elle est reputée faite à son mary ; et le fils ainé qui a l’espèrance certaine de la succession, est considéré comme le Seigneur : mais le vassal n’est engagé par aucun devoir que de bien-seance envers le pere de son Seigneur : Du Moulin neanmoins comprend entre les personnes que le vassal ne peiit outrager, sans tomber en Commise, la fille, la petite fille, et la seur du Seigneur. La Coûtume a marqué les personnes que le vassal ne peut offenser. sans châtiment, ût in ponalibis non fit extensio de personâ ad personam : Et je croy même que l’on suivroit l’opinion deBalde , que l’offense reçûë par la veuve du Patron, quoy qu’elle ne fût point re-mariée, si elle ne possedoit point le fief, ne seroit point comprise dans le cas de cet Article, dautant que par le déceds de son mary, le fils ainé ou quelqu’autre heritier est entré en si place, et a pris la possession du fief. Aussi le C. 1. 8. 1. quib. mod. feud. amittit. ne parle que de la femme du Patron

Le vassal qui desavoue son Seigneur tombe aussi dans cette peine, et sans doute en matière feodale on ne peut commettre une faute plus grande. Le desaveu détruit la qualité de Seigneur, et cette relation mutuelle du Seigneur et du vassal, avec toutes les obligations et de-voirs reciproques qui en dépendent. C’est donc avec justice que le fief demeure acquis au Seigneur par : le desaveu temeraire du vassal, et cet usage est fort ancien, témoin ce Proverbe remarqué parTronçon , sur l’Art. 81. de la Coûtume de Paris, qui fief renie, ou rogne fiefi pert. Nous observons cela depuis long-temps en cette Province, comme on l’apprend d’un Arrest donné leré de Juin 1541. entre de Mailloc, sieur de Saquanville, et Cassandière ; par cet Arrest on confirma l’adjudication faite audit de Mailloc, des héritages dudit Cassandière, à cause du desaveu par luy fait d’une vergée et demie de terre qu’il tenoit dudit de Mailloc, et nonobtant les lettres par luy obtenuës pour être restitué contre son desaveu, dont il fut debouté, parce qu’il l’avoit fait sciemment, ayant été sommé aux Pleds d’avoüer ou de desavoüer Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre l’rr de Decembre 1609. entre Guillaume de la Vernade, appelant d’une Sentence qui jugeoit la Commise d’une demie vergée de terre au profit du sieur de Mezeray, parce que de la Vernade, en baillant la declara-tion de ce qu’il tenoit des fiefs de Morville, avoit ômis cet héritage, et juré de ne tenir que ce qu’il avoit declaré, bien qu’il sçût que cette demie vergée en fût tenuë, pour l’avoir acquise depuis peu comme relevante dudit fief, et à la charge d’en rendre Aveu, et d’en payer les rentes. Par l’Arrest la Sentence fut confirmée, nonobstant l’offre posterieure de la bailler par déclaration.

François Bouley avoit baillé Aveu à Roland de Nolent, Ecuyer, sieur de S. Christophles cinq mois aprés il vendit les neuf vergées de terre contenuës en son Aveu, au sieur de Sacy, il les déclara tenuës dudit sieur de Sacy, et perseverant dans sa mauvaise foy, aprés les avoir retirées du sieur de Sacy, il luy en fit encore une seconde vente avec la même expressionqu’elles étoient tenuës de son fief ; mais il en prit une indemnité. Le sieur de S. Christophle luy donna action pour faire juger la Commise : pour prévenir cette peine, Bouley le même pour se rendit demandeur contre le sieur de Sacy, pour, voir reformer le contrat, en ce que du nombre des terres qu’il luy avoit venduës, il y en avoit six tenuës du sieur de S. Christophle ; par Sentence Bouley fut condamné en soixante livres d’interest, et aux dépens. Sur l’appel du sieur de S. Christophle, je difois pour luy, que si jamais il y avoit eu sujet de châtier l’infidelité d’un vassal, c’étoit en cette rencontre : il connoissoit cettainement son Sci-gneur, luy ayant donné Aveu cinq mois auparavant ; neanmoins en vendant deux fois sa terre il l’avoit declarée tenuë d’un autre Seigneur, et cette infidelité étoit plus criminelle par cette de circonstance, qu’il en avoit pris une indemnité du sieur de Sacy, ce qui montroit qu’il ne le faisoit pas par ignorance, mais par un dessein premedité de faire fraude à son seigneur ; que l’action qu’il avoit formée depuis la plainte de son Seigneur, n’étoit pas un témoignage de son repentir, mais une continuation de sa mauvaise foy, ne demandant cette reformation que pour six vergées, bien que les neuf vergées fussent contenuës en son Aveu : ainsi toutes les circonstances requises pour donner lieu à la Commise se rencontroient au fait de la cause, la science, le dol, et la perseverance : ayant donc voulu luy faire fraude par un dessein concerté, et non point par un emportement de colere, il méritoit de souffrir la peine ordonur née par la loy. Par Arrest en la Chambre de l’Edit, du 14 de Juillet 1660. on cassa la Sen-tence, et la Commise fut jugée pour trois vergées de terre, avec i8 livres d’amende ; on ne jugea point la Commise pour les autres six vergées, parce qu’avant la contestation en causes il avoit taché de reparer sa faute par la reformation du contrat qu’il avoit demandée. Cet Arrest peut servir pour la décision de plusieurs questions qui seront formées cy-aprés Mais avant que de m’y engager, il faut en traiter une autre qui est fort necessaire et fort familière, si le vassal est tenu précisément d’avoüer ou de desavoüer, et si auparavant il peut demander d’être instruit par son Seigneur ; Nos Coûtumes ne s’accordent pas sur ce sujet : l’Art. 9. c. 22. de la Coûtume d’Auvergne porte, que le vassal est tenu d’avoüer ou de desavoüer le fief dont est requis, et n’est tenu le Seigneur feodal montrer au vassal, mais le vassal est tenu s’enquerir si bon luy semble. Du Moulin a écrit sur cet Article qu’il n’est pas juste, debent enim mutub edere, ce qui me semble raisonnable ; autrement le Seigneur voudroit surprendre son vassal, ce qui seroit de mauvaise grace

Il est certain neanmoins que lopinion contraire est la plus véritable et la plus generalement Loysel gardée. Loysel, l. 4. des Institutes coûtumières, t. 13. etBrodeau , Article 44. rapportent cela comme une regle de l’ancien droit François, que le vassal est tenu d’avoüer ou de desavoüer son seigneur. Paris, Article 44. Nouvelle Coûtume d’Orléans Article 77. Du Moulin même,. Article 45. n. 12. en donne cette raison, qu’il est souvent tres-difficile à un Seigneur montrer sa tenûre, sorte que si les Seigneurs étoient obligez de feud produire d’abord et d’instruire leurs vassaux, on leur formeroit une infinité de procez, et ils perdroient souvent leurs tenûres. Et un vassal au contraire peut éviter le peril du desaveu en avoüant, et demandant en suire à son Seigneur communication de ses titres. C’est le temperament que la Coû-tume de Paris y apporte, Article 44

Aprés avoir obligé le vassal à avouer ou à desavouer, il faut sçavoir si le desaveu emporte toûjours la Commise, s’il ne peut point être rétracté, et s’il y a lieu au repentir On doit faire d’abord ces deux observations ; La premiere, que pour obtenir Pi ffet de la Commise, soit pour injure atroce, soit pour le desaveu, les preuves en doivent être tres-liqui-des et tres-certaines.Mol . S. 43. n. 34. La seconde, on ne peut presque jamais se tromper en prenant dans les choses douteuses le party le plus équitable.

Le desaveu n’est point criminel, quand il est fait par ignorance, et non point par un motif de fraude ou de mauvaise foy ;Molin . 43. gl. 1. n. 5. non scienter & fraudulenter. C’est le sentiment de tous les Feudistes, que la peine du desaveu n’a point lieu, nisi cum fit per dolum verum aut presumptum. Nos Praticiens sont plus rigoureux à cause de cette regle, qu’il faut avoaeer ou desavoüer, d’où ils concluent nullum ignorantiae praetextum ab ista vocatione vel negatione facienda excusare caterum semper mihi placuit, ut in certis casibus in quibus est justissima dubitationis causa, possit judex succurrere.Pontanus , Coûtume de Blois, Article 101.

Et c’est pourquoy nos Docteurs François ont expliqué particulierement de quelle manière, e desaveu qui emporte la Commise, doit être fait.Brodeau , Coûtume de Paris, Article 43. n. 11. dit avoir remarqué que ce desaveu peut être fait en six manieres, qui se reduisent néanmoins aux trois moyens que du Moulin a enseignez : Premierement, à l’égard de la person-ne et de la chose quand le vassal ne le reconnoit pour Seigneur, et desavouë tenir de son fief : En second lieu, à l’égard de la personne seulement, quand le vassal ne contredit pas la tenûre, mais il ne reconnoit pas le demandeur pour Seigneur du fief : Troisiémement quand il reconnoit le demandeur pour son seigneur, mais il maintient que c’est à cause d’un autre fief. De ces trois espèces, il n’y a que la premiere qui puisse passer pour un parfait desaveu, suivant le sentiment dedu Moulin , parce qu’on ne reconnoit ni la personne, ni la Chassanée Basmaison chose. Voyez Chassanée, Coûtume de Bourgogne, des fiefs, t. 4. 8. 3. n. 1.Boërius , Coûtume de Berry, t. 4. 18. 13. et 14. Basmaison de l’orig. des fiefs, c. ult. sur la fin.Chopin , l. 2. de la, pag. 3. c. 2. t. 2. n. 1.Pontanus , Coûtume d’Anjou de Blois, Article 101r. verb. nisi puré.

Le vassal qui vend un héritage, qu’il dit être tenu d’un autre Seigneur que celuy qu’il sçait être son véritable Seigneur, soit pour luy avoir donné Aveu, ou parce que la tenûre luy a été exprimée par contrat, est inexcusable, et sur tout quand ce desaveu est fait en jugement, loffense en est plus grande, et dés ce moment le droit semble acquis au Seigneur, quia in judicio contrahimus.

Il y a lieu neanmoins au repentir, et le vassal qui ne persevere pas en sa faute, peut éviter la peine où il s’engageoit, quand la chose ne s’est point passée en Jugement, ou en tout cas qu’il n’y a point de contestation en cause ; autrement le delict seroit tout à fait consommé, si de Seigneur avoit conclu à la Commise ; à l’exemple de laffranchi qui avoit appelé en Justice Son patron ; s’il se repent, et qu’il se départe de son action, avant que l’on compare en Jugement, il est déchargé de la peine, l. quamvis. ff. de in jus vocando. Plusieurs mêmes ont été d’avis que le vassal, qui se retracte avant la Sentence, repare suffisamment sa faute.Charondas , sur l’Article 43. de la Coûtume de Paris. De ponitentiâ vassalli, tot capita tot sensus, ditPontanus , Article 101. de la Coûtume de Bois. Plures putant usque ad litis contestationem, & etiam ante orobationem à Domino factam.

En l’Arrest de Nolent, le vassal avoit commis deux sortes de fraudes contre son seigneur, n luy détournant sa tenûre, et même aprés avoir été ajourné pour voir juger la Commise, il ne voulut repater sa faute qu’en partie, et neanmoins pour avoir témoigné, bien que de mauvaisé foy, qu’il consentoit de reformer son Aveu, il prévint la perte entière de son heritage. La même chose avoit été jugée par un autre Arrest du 27 de Février 1627. entre du Roüil, et de la Haye. De la Haye fut condamné en 7s livres d’amende, en 7s livres d’inverests, et aux dépens, pour avoir dans un contrat d’échange, fait en l’an 1622. exprimé que la te-nûre de lhéritage qu’il bailloit à son gendre, dépendoit du fief de la Giche, appartenant à ce même gendre, quoy qu’en l’année 1607. il eût reconnu que le même héritage étoit tenu d’une Vavassorie, dont du Roüil étoit proprietaire. Il avoit corrigé son erreur, aussi-tost aprés l’assignation qui luy fut donnée

On admet aisément le repentir du vassal : le Seigneur doit être content, quand on luy rend ce qui luy est dû, et le vassal qui ne persiste pas en son desaveu avec opiniâtreté, mérite quelque compassion ; il est vray que la loy n’est pas comminatoire, mais elle ne doit pas être infle-tible, et il ne faut pas dire avec le Poête,

Et semel emissum volat irrevocabile verbum.

a légard des rentes méconnuës, le vassal ne tombe pas en Commise, pour en avoir ômis quelques-unes dans son Aveu ; on le condamne seulement à le reformer, comme il fut dit par Arrest du premier de Juin 1607. au Rapport de Mr Martel, entra le sieur de lEtanville, de Pierre Pont, et Toutain.

Quand le desaveu du vassal mérite la Commise, elle n’est pas neanmoins acquise ipfo jure, de Seigneur doit la faire juger avec connoissance de cause. On ne peut saisir, ni se mettre en possession, qu’en vertu d’un jugement de condamnation, le vassal demeurant cependant en possession de son bien : car c’est une maxime en France, que toute peine requiert declaration, Loysel mnis pona sententiam exigit. Loysel, en ses Institutes coûtumieres, l. 6. t. 2. la gl. sur le ch. Molinaeus licer Episcopus. Verbo, te non vocato. Et ibi Molinaus, verbo, de Prabendis in sexto Si la Commise est jugée, onidemande de quel jour les fruits sont acquis au Seigneur QuestionPontanus , Coûtume de Blois, Article 101. etdu Moulin , Question 8. n. 44. aprés luy, ont fait cette distinction, que si le Seigneur avoit saisi faute d’Aveu, avant le desaveu formé par le vassal, les fruits luy appartiendroient sans difficulté, du jour de la saisie feodale ; mais si le desaveu avoit été fait, en déduction de quelque instance, la question seroit plus douteuse.

La Commise non plus que la revocation, ne, se fait pas ipfo jure, sed demum per sententiam, immo quia non est locus Commisso, nisi volente offenso, & voluntatem suam declarante, et suivant ce raisonnement, les fruits doivent appartenir au Seigneur du jour de son action, pour faire juger la Commise

Quand il s’agit de restitutions de fruits, il y a bien de la difference entre un titre revocable, et un titre qui ne lest point dans son origine, qui le devient seulement par une cause survenante : Par exemple en la Donation à cause de mort, ou en la Donation sous condition, que vous irez à Rome, si la condition n’arrive point, vous ne rendez pas seulement le fonds, mais tous les fruits perçûs, quia defectu implementi titulus resolvitur, & causa reducitur ad non rausam : Et c’est une maxime en droit, que le titre revocable, nunquam praebet causam ad acquitionem fructuum, mais si la donation est revoquée pour cause d’ingratitude, ou que lhéritage tombe en, Commise, les fruits perçûs ne se restituent point, parce que le titre étoit irrevocable dans son origine, et qu’il ne cesse de l’être que dans la suite, superveniente causâ Si le Seigneur laisse tomber en Peremption l’action qu’il avoit formée, et que depuis il en recommence une nouvelle, aura-t-il les fruits du jour de la premiere instance, ou du jour de la nouvelle action ; On dit pour le vassal, que la peremption aneantissant tous les actes du procez, elle détruit par consequent tous les effets de l’action, n’étant pas possible qu’une action qui n’est plus, produise quelque effet ; la restitution n’est ddè qu’en consequence du jugement, et de la condamnation : Or le jugement ne pouvant être donné sur une instance qui n’est plus, Il n’y peut échoir aucune restitution de fruits. On répond pour le Seigneur que les actes sont bien peris, mais non point le droit, ni tous les effets, que la contestation en cause peut produire ; or si-tost que le vassal a desavoüé son Seigneur, il perd son fonds, et ne peut plus ga-gner les fruits, parce qu’il devient un possesseur de mauvaise foy.Pontanus , Article rors est d’avis que le vassal doit seulement les fruits du jour de la nouvelle action, et dit avoir appris qu’il a été ainsi jugé au Parlement de Paris : Et je croy qu’il a raison, le Seigneur étant censé avoir remis son offense et son droit par son silence Comme la faute du vassal peut être reparée par un prompt répentir, aussi sa faute peut être effacée par le temps, et je n’estime pas qu’il soit besoin d’une prescription de trente ans, suisant la pensée de quelques Auteurs : si le Seigneur n’a point inquieté son vassal durant quelques années, si au contraire il la laissé dans la libre et paisible possession du fonds qu’il pourroit Argentré demander à droit de Commise, on présume qu’il luy a remis foffense. D’Argentre, Article 506.Chopin , Coûtume d’Anjou, partie seconde, l. l. t. 2. n. 3.

Cette action seroit encore moins favorable de la part d’un heritier, si aprés quelque temps. considérable, le Seigneur êtoit mort sans en avoir témoigné de ressentiment ; la loy his folis : ff. de revoc. don. et la glose y sont formelles ; comme aussi la loy omnimodo, in verbo, non licebit.

Cod. de inofficiosis donationibus. C’est le sentiment des Docteurs, que cette action n’est point transmise aux heritiers, ni contre les heritiers, nam cûm hec injuria ad meram vindinctam tengat, ad heredes, nec in heredes transitoria est ; et si le Seigneur qu’on a desavoüé ne s’est point plaint, lheritier ne peut plus exiger la peine du desaveu. Pontan. sur la Coûtume de Blois, Art. 101.

L’Acquereur qui pretendroit que l’action pour la Commise feroit partie du fief et des droits ceodeaux, qui luy auroient été vendus par le Seigneur offensé, seroit absolument non recevable, et je ne serois pas de l’opinion de, qu’aprés la vente du Moulin fief, le Seigneur pourroit encore demander la Commise, sur tout s’il ne s’y étoit pas reservé expressément.

Il est certain aussi que si la mort du vassal arrive avant laction formée par le Seigneur ; le crime est éteint, et on ne peut plus inquieter son heritier, si au moins il s’est écoulé assez de temps pour se plaindre, si Dominus feloniam resciverit ; tempusque ad conquerendum, feudumque revocandum habuerit ; Pont : ibidem. Mais s’il l’a ignoré, ou s’il a été prévenu de la mort aussi-tost qu’il en a eu connoissance, licet eo casu heredi supplere quod defunctus non potuit efficere.

On ne doit point accorder aux heritiers une action de cette qualité, car si l’offensé n’en a point témoigné de ressentment, on doit imposer silence à ses heritiers, et il n’importe que suivant cette regle de droit, actiones ab heredibus & contra incipere possint, tam active quam passive l. heredem : Cod. de hereditariis actionibus, & etiam quod obligatio ex delicto descendat ad heredes & contra heredes transeat, quatenus ad eos percenit ; car le seigneur n’ayant point ignoré l’injure qui luy êtoit faite, et n’en ayant pas poursuivi la vengeance, son heritier n’est plus en état de le pouvoir faire.

La peine de la Commise est reputée remisé, non seulement par un long silence et par la dissimulation de l’injure, mais aussi par les actes que le Seigneur a faits, qui sont contraires à sa prétention pour la Commise, pourvû qu’il les ait faits avec connoissance de cause, comme par le payement qu’il auroit recû de ses droits et redevances, encore même que par les quittances il eût employé cette clause, sauf nôtre droit. La Commife n’est point présumée reservée par cette clause, per hanc clausulam non presumitur reservari, repugnans negotio quod geri-tur ; bien qu’il soit vray que l’on ne présume jamais que l’on ait eu intention de donner, cela ne s’entend que quand il s’agit d’un bien qui nous appartient dont nous sommes en possession, et dont le droit nous est tout à fait assuré, et comme il n’est rien de plus genereux, ni de plus chrêtien, que de pardonner et de remettre une offense, on fait valoir cette presomption, que le Seigneur a eu cette indulgence pour son vassal, quand il a fait quelque chose dont on peut induire cette intention.

Il seroit superslu de traiter cette question, si le mineur peut tomber en Commise, en consequence d’un desaveu : Comme il est incapable d’agir et de contracter, tous les actes qu’il fait vant sa majorité ne luy peuvent nuire. Si la Commise étoit demandée pour injures atroces, ou pour mauvais traitemens qu’il auroit faits à son seigneur, il faudroit faire quelque discernement sur son âge. Au dessous de quatorze ans, on ne le traiteroit pas si rigoureusement, mais au dessus de la puberté il est capable de dol, et si l’action qu’il a commise mérite quelque peine, son âge ne l’en peut exempter, in delictis enim constat minoribus non succurri, l.

Cod. si adversus delictum.Du Moulin , 5. 3. gl. 1. n. 2. fait cette distinction, aut prohibitio facta est favore tertii & tunc excluditur : omnis alienatio non solûm voluntaria, sed etian necessaria, aut fit favore prohibiti, & tunc non excluditur alienatio que fit delinquendo ; il en faut dire autant à plus forte raison du prodigue, delinquendo minor, & prodigus favorem suum amittunt.

En un mot le desaveu du vassal peut être excusé en quatre manieres, suivant le sentiment Boërius de Boëtius, sur la Coûtume de Berry, t. 4. 8. 14. 1.. Si sine dolo et culpâ : 2. Si ante litem, contestatam poniteat : 7. Si justa dubitatio fuerit, quia justa dubitatio est pro ignorantiâ : 4. Si negat pro parte, non perdit totum.

Quelques Auteurs ont crû que le vassal est à couvert de la Commise, quand il soûtient que son fief est tenu du Roy, et que le Procureur General se joint avec luy, parce qu’on dit qu’il est fondé dans le droit general et commun ; que si le Procureur General Iabandonne, et qu’il persiste en son defaveu, il ne peut éviter la Commise.Brodeau , sur la Coûtume de Paris, Article 43.Boyer , sur celle de Berry, t. 4. 8. 11. et 13. Nota quod si vessallus advocet Regem Franciae in Dominum, licet non sit, non perdit feudum. Je voudrois faite cette distinction, si la prétention du Procureur du Roy a précedé le desaveu du vassal, sopinion de Boyer est vrayes mais si avant que le Procureur du Roy ait pris part en la cause, ou que le vassal ait mis lhéritage. en debat de tenure il passe un desaveu, j’estime qu’il n’est point excusable, si par l’évenement il troit qu’il l’ait fait de mauvaise foy, et sans raison. Autrement si aprés un desaveu temeraire un vassal se pouvoit exempter de la peine, en mandiant l’intervention d’un Procureur du Roy, il n’y a point de vassal qui ne desavoüât impunément son seigneur.

Pour donner lieu à la Commise, ces deux conditions s’y doivent principalement rencontrers que celuy qui desavouë soit le véritable proprietaire de la chose, et qu’il soit capable d’aliener.

Quelques-uns même ont crû que le véritable proprietaire, qui n’avoit point encore fait la foy et hommage, ne tombe point en Commise, sur quoy la Coûtume de Bretagne, Article 62t. fait cette difference, que celuy qui frappe son seigneur, auquel il n’a point fait la foy et hommage, perd son fief, que s’il a fait l’hommage, il perd son fief, et devient infame, et perd aussi ses meubles, aggravante ( dit Mr d’Argentré ) juramento, et prestatione fidelitatis ; nam juramentum est vinculum debiti. Cette distinction ne me semble pas considérable. Il est sans doute que la faute du vassal, qui a fait l’hommage, en devient plus grave, mais la cause efficiente de la Commise étant le desaveu, il suffit que le desavoüant soit le proprietaire ; la prestation de la foy n’est qu’une circonstance qui aggrave : Aussi parmy nous le vassal tombe en Commise pour une roture, quoy qu’il ne fasse point la foy et hommage. Mr d’Argentré , sur ce même Article, cireChopin , qui a remarqué deux Arrests, où des vassaux n’ayant point fait la foy et hommage, ont été privez de leurs fiefs, mais il ne les approuve pas.

Le desaveu fait par le proprietaire ne détruit point le droit de l’usufruitier, bien qu’il semble que son droit soit aneanti, parce que le fief retourne au Seigneur, ex causa potentiore & antiquiore, mais les fiefs étant patrimoniaux, et les vassaux en pouvant disposer, la faute du propriétaire ne doit point retomber sur lusufruitier, c’est assez que le proprietaire soit puni par la perte de la proprieté. Ce qui n’a pas lieu simplement pour l’usufruit dont quelqu’un seroit en jouissance avant le desaveu. Quand le mary auroit été privé de son fonds, la femme pourroit demander son doüaire aprés sa mort, et même aprés sa separation ; et par cette même raison les portions du fief que le vassal auroit alienées ne retourneroient pas au Seigneur : La Commise ne luy acquiert que ce qui reste en la possession de son vassal, et il n’a pas le pouvoir de revoquer les alienations precedentes.

Bien que l’heritier beneficiaire ne soit pas absolument le maître de la succession, il tombe neanmoins en Commise, suivant le sentiment dedu Moulin , quia est verus heres ; et comme la Commise ne peut être executée au préjudice des creanciers hypothecaires, cet Auteur tient qu’il doit suppléer du sien la valeur de l’héritage. J’estime néanmoins que la faute de l’heritier benéficiaire ne feroit pas perdre aux creanciers leurs hypotheques, s’il n’avoit pas d’au-tree biens pour les payer, comme on le peut remarquer par l’Arrest donné pour Mr d’Elbeuf.

Si aprés qu’une succession est échûé au plus proche parent, et au plus habile à succeder, il comment felonnie contre son seigneur, nencbstant sa renonciation posterieure le Seigneur perd : il le droit qui luy étoit acquis, s’il avoit formé son action avant la renonciation Le Seigneur ne paroit pas moins favorable qu’un autre créancier, qui pourroit se faire subroger pour prendre une succession que son debiteur ne voudroit point accepter, ce qui recevroit moins de difficulté, si le Seigneur obtenoit encore des interests ou des dépens. La I. qui autem ff. que in fraudem cred. et l’opinion dedu Moulin , qui a tenu que l’heritier presomptif pouvoit renoncer aprés la felonnie commise, pourvû qu’il n’ait point fait acte d’heritier, ne sont point con sidérables, à cause de la disposition particulière de nôtre Coûtume, Article 278. qui donne cet avantage au creancier de se pouvoir faire subroger, ce qui n’est pas ailleurs. On répond que le privilege de l’Article 278. n’appartient point au Fisc, comme il a été jugé par l’Arrest que j’ay remarqué sur cet Article, et quoy que le Seigneur en cas de Commise soit plus favorable que le Fisc, neanmoins si cet homme n’a point fait acte d’heritier, il ne peut avoir droit en la chose, et par consequent n’ayant aucun droit propriétaire il ne peut être vassal, et cette qualité cessant il ne peut commettre de felonnie

Ce n’est pas assez d’être proprietaire de la chose, il faut être capable d’aliener, nam qui non porest alienare, non potest committere. J’ay déja parlé du mineur : Pour la femme il est sans doute que le desaveu par elle fait, sans l’aûtorité de son mary, seroit nul ; que si elle offensoit son Seigneur jusques au point qu’elle pût être privée de son fonds, il faudroit suivre la disposition de l’Article 544. de nôtre Coûtumes

Il en faut dire autant du Prelat, qui n’est qu’un simple usufruitier, et dont la faute ne peut nuire à son Eglise, il perdroit seulement les fruits ; que s’il resignoit ou permutoit son Bes nefice sans fraude, il éluderoit la peine de son crime, car la resignation ou la permutation aneantit tout le droit du precedent titulaire. Fit novus Praelatus & novus homo. L’ingratitude t est un vice qui ne doit être puny qu’en la personne du vassal ingrat, quod afficit tantum personam vassalli peccantis. Ainsi un vassal Ecclesiastique peut presque impunément offenser son seigneur, s ayant tant de voyes pour rendre la Commise illusoire

Pontanus , et plusieurs autres, ont crû que si le desaveu avoit été communiqué par l’Eveque à son Chapitre, ou par l’Abbé à ses Religieux, et qu’ils l’eussent autorisé de le faire, l’Eglise seroit absolument privée de son fief : nullâ spe relictâ recuperationis. Car encore que le delict du Prelat ne puisse nuire à son Eglise, certé quod ipsa Ecclesia deliquit, illi optimâ ratione nociturum est : tunc autem Ecclesia dicitur delinquere, cum omnes qui sunt illius communicato simul con-silio simul delinquunt. Cette raison ne me persuade pas : lEvesque avec son Chapître, et l’Abbé avec ses Religieux, ne sont que de simples Administrateurs, Procuratores, non Domini, ainsi la communication faite au Chapitre ou aux Religieux, rend le desaveu plus formel, et par consequent plus criminel : mais pour cela l’Eglise ne doit point en recevoir de dommage, et quand on obligeroit l’Evesque à representer une Procuration, cette précaution ne me sembleroit pas suffisante.

Le desaveu fait par le mary pour les biens de sa femme, peut être éludé avec la même facilité ; on peut bien le priver de la jouissance pour la donner au Seigneur, mais elle s’en met à couvert par une separation de biens ; et quand même elle auroit ratifié ce desaveu, elle pourroit se faire restituer, et en vertu de la separation elle entreroit en possession de son bien.

Pontanus neanmoins est de contraire avis

Si l’on fe porte avec tant de facilité à moderer la peine, ou à excuser la faute du vassal, on doit encore autoriser avec plus de raison la grace que le Seigneur veut faire à son vasfal : Je ne doute pas que le Prelat ne puisse remettre son droit, non plus que le mary sur tout quand l’offense a été faite à sa personne, nonobstant que le Prelat ou le mary eussent formé leur plainte, et même aprés la Sentence, pourvû qu’elle ne fût point realisée et executée. Les actes de clemence et de misericorde sont si favorables, qu’il ne les faut point restraindre, et l’injure étant faite au Prelat ou au mary, ils peuvent relacher tous leurs avantages, puisqu’il êtoit en leur pouvoir de dissimuler et de ne se plaiaedre pas, nam hi omittende nocere possunt, Pralatus Ecclesiae, & maritus uxori. L’opinion de du Moulin me semble trop rigoureuse, lors qu’il veut que dés le moment que le Prelat ou le mary se sont rendus demandeurs pour faire juger la Commise, il n’y ait plus lieu au repentir et au changement de volonté

Si l’injure faite à la personne de la femme êtoit si atroce qu’elle emportât la Commise, n ce cas ( parce que le fief tombe en Commise non point à cause de l’injure faite au mary, mais à sa femme ) il ne pourroit pas remettre l’effet de la Commise, comme étant un bien qui est acquis personnellement à la femme, et dont il peut aussi peu disposer que des autres biens qui luy appartiennent

Par la Commise le vassal est privé de la proprieté de son héritage : mais on demande s’il ne peut pas retenir ou repeter les ameliorations qu’il a faites sur le fonds, com-me aussi tout ce qui auroit augmenté le fief, et qui en fait partie ;Pontanus , Article 1o1de la Coûtume de Blois, a fait cette distinction, que quand l’infeodation ou le fief finis-sent par la loy de la concession, et retournent à ce droit-là, et sans la faute du vassal ou du preneur à bail d’héritage, ses heritiers ou luy-même peuvent repeter les augmentations, comme les batimens et autres choses qu’ils ont faites, suivant le S. si vassallus. ff. hic finitur. l. 2. feud. Loyseau si vassallus in feudo aliquod adificium fecerit, et postea sine masculo decesserit, Dominus aut patiaur adificium auferri, aut solvat pretium meliorationis. C’est aussi le sentiment deLoyseau , D. l. 6. c. 6. du Déguerpissement ; au contraire Mr Loüet et son Commentateur, l. 6. n. 10. rapportent des Arrests, par lesquels il a été jugé que l’on ne peut repeter les ameliorations faites par celuy qui sçavoir le bail emphyteutique, parce que la presomption est que l’emphyteure bâtissant sur le fonds d’autruy, au delâ de ce qu’il est obligé par son bail, il le fait animo donandi et pour sa propre commodité ; que si par la disposition de la loy 7. 5. cûm in jus de ad quir. rer. domin. omnes quod adificatur solo cedit, à plus forte raison cela doit avoir lieu pour les emphyreoses, où celuy qui batit y est aucunement tenu par la nature du Contrat ; et Mre Didier Heraut ne pouvant approuver l’Arrest du Parlement de Paris, combat les raisons sur lesquelles on s’étoit fondé pour le donner : Il dit contre la premiere que l’on ne pouvoit présumer de donation de la part de l’emphyteure, si elle n’est expresse, et s’il a baty pour sa commodité il ne l’a fait que pour le temps que le bail emphyteutique devoit durer ; mais que cela ne l’empeschoit pas aprés son bail fini d’enlever ses materiaux, si le proprietaire ne vouloit luy en payer la vasieur, et qu’on luy reprochoit mal à propos qu’il êtoit en mauvaise foy en barissant sur un fonds dont la proprieté ne luy appartenoit pas, parce que l’emphyteure ne bâtit pas comme sur son fonds, mais seulement sur un fonds qui luy a été baillé en emphyteose.Herald . de autor. rer. jud. l. 2. c. 22. Cette opinion qui est suivie par nos plus celebres Auteurs, peut être soûtenuë dans la pureté des regles et des maximes de droit : neanmoins le Parlement de Paris a jugé par plusieurs Arrests que l’emphyteure ne peut aucunement repeter les ametiorations par luy faites, ni mêmes celles ausquelles il n’étoit pas obligé par son bail, ni empor-ter les materiaux.

Que si l’héritage retourne au Seigneur par la Commise et par la faute du vassal, tous les Docteurs conviennent sur la l. senatus, S. Marcellus, ff. de leg. 1. que le vassal perd toutes ses ameliorations, ce qui est décidé par la l. 2. C. de jure Empbyt. nulla in posterum allegatione nominum, meliorationum sive que emponemata dicuntur opponenda, & hoc non iniquum videtur, cum ex. suo vitio hoc incommodo afficiatur, l. nec hoc iniquum. ff. siquis omissa, si le principal est perdu pour le vassal, il ne peut pas conserver les accessoires, et naturellement l’édifice, et tout ce fr qui est artaché ou planté sur un fonds solo cedunt.

Du Moulin sur l’Art. 1. gl. 5. n. 69. et suivans, de la Coûtume de Paris, a été d’opinion contraire. Il convient bien que par la Commise l’emphyteure doit perdre les simples ameliorations qu’il étoit obligé de faire par la nature de son Contrat, mais qu’il ne doit pas être privé des grosses ameliorations qui excedent la nature de l’emphyteose ; mais le vassal n’a point plus de troit pour conserver ces sortes d’ameliorations que le fonds même, et si son crime le rend indigne de retenir le principal, il ne doit pas être traité plus favorablement pour les accessoi les : aussi nos Auteurs ont remarqué que la distinction de du Moulin n’étoit fondée que sur Loyseau des termes qu’il n’avoit pas bien entendus. Loüet l. B. n. 10. Loyseau du Déguerp. l. 6. c. 6.

Connanus Connarus 1. 7. c. 12.

Cette autre question, si les servitudes et les terres acquises par le vassal, et même la Justice ou Jurisdiction appartiendroient au Seigneur, en vertu de la Commise, se décide aussi par ces distinctions tirées du C. 1. Ex contrario de invest. reb. alien. fac. scilicet id quod additum est per se subsistere nequit, et feudo non accrescit, aut per se subsistere nequit, ut est servitus, & tunc omnino feudo accrescit, ou bien les choses acquises et les augmentations ont été reünies, et en ce cas comme faisant partie du fief, elles suivent la même condition, aut unio semel atque irrevocabiliter est facta, & eo casu unicum censebitur feudum, ac principali feudo confiscato sub feudum illi unitum unâ veniet, ou le vassal n’en avoit fait aucune reünion au fief, tombé en Commise, et en ce cas le seigneur n’y peut rien prétendre.Pontanus , Article ro1. Et toutes ces questions sont nettement décidées par les paroles de cet Article, que le vassal perd le fief, et tou-te la droiture qu’il y a retourne au Seigneur.

Si le Seigneur a cet avantage, et si toute là droiture du fief luy revient, il semble juste en même temps de luy en faire porter toutes les charges : on a douté néanmoins s’il étoit tenu d’acquitter les rentes que le vassal avoit constituées, et si le vassal avoit pû hypothequet son fief au préjudice du Signeur : Mais la Coûtume a décidé cette question en l’Article 201. oû je remets cette matière.

Aprés l’adjudication de la Commise, si le Seigneur trouve l’héritage occupé par le fermier, on demande s’il peut l’expulser : car il n’en est pas de même au cas de la Commise, comme en la reünion, où le droit du Seigneur cesse aussi-tost que le vassal presente son aveu ; mais par a Commise le droit Seigneur devient certain et irrevocable, et c’est pourquoy sans distinguer, comme font Pontanus etdu Moulin , an locatio facta sit ad modicum vel longum tempus, j’estime que si le bail est fait sous signature privée, le Seigneur peut expulser le fermier, en duy rendant ses labours et sem. nces, et je me fonde sur ces raisons, que singularis successor sive ex contractu, sive ex ultimâ voluntate non tenetur Stare colono. l. emptorem c. locato. Et d’ailleurs le Seigneur ne succede pas au droit du vassal, mais c’est son fonds qui retourne en sa mains en la même maniere qu’aprés l’usufruit fini la chose retourne au proprietaire qui n’est point obligé d’entretenir le bail fait à l’usufruitier. l. siquis domum. 8. 1. ff. locati.

Que si le bail a été reconnu, comme il est vray que les fiefs sont patrimoniaux, que le vassal pouvoit engager et vendre son fief, et que par la Coûtume le Seigneur est tenu d’acquitter les dottes hypothecaires, il ne peut déposseder le fermier, puisque le proprietaire n’a pû commettre un delict au préjudice du droit hypothecaire acquls à son fermaeer, quia jus haber in re et possessioni rei conductae incumbere, eamque jure pignoris retinere pbtest, et c’est aussi le sentiment de Pentanus qui traite ces deux questions : La première, si cette regle est toûjours cer-taine, tant pour l’hypotheque generale que pour la speciale : Et la seconde, si ce droit d’hypotheque oblige précisément le si ccesseur ou à souffrir la continuation da bail, ou à payer au fermier les interests de sa dépossession. Sur la première question il fuit le sentiment des Docteurs, qui ont tenu que l’hypotheque sprciale est necessaire, et que la generale n’est pas suffisante.

Mais l’opinion de Bartole me semble plus raisonnable sur la l. 51. filiofam. S. si vir in quem ffi ol. atr. que l’hypotheque generale si ffît,

Pour la seconde question, ce même Auteur est d’avis que ce droit d’hypotheque n’engage point le successeur à souffrir la continuation du bail ; mais qu’il acquiert au fermier les interests de sa déposs ssion, nam caurela et provisio quam adhibet conductor pro securitate con-tractus, non inest principaliter ipsi contractui locationis & conductionis, sed pro tutiore illius implemento, venitque accessoriè ad contractum.Bart . Ad I. qui fundum. ff. locati & ad l. emptorem locate et sic cum ex eo contractu oriatur obligatio personalis non habet extendere contractum. l. incelligere et ibi gl. etBal . C. de luit. pign. sed obligatio ex eo contractu descendens, cum sit ad factum praecisé, ad ipsuae factum non obligat ; sed practando id quod interest dissolvitur, quae est natura omnium obligationum que sunt ad factum conctitutaee. Ces raisons me semblent fort bonnes, si la question éroit entre un acquereur et un fermier, ou tout autre successeur particulier autre que le Seigneurs mais puisque la Coûtume en luy ajugeant la Commise, ne luy donne que la droiture que le vassal y avoit, et que d’ailleurs il est obligé à tous les droits hypothecaires, il seroit juste que le bail eût son effet tout entier, et que le fermier fût maintenu, le Seigneur n’étant pas tout à fait si favorable que le fermier, sa condition étant assez avantageuse d’avoir le fonds sans en rien payer.

Du Moulin neanmoins sur le S. 43.. 4. 22. et 23. a suivi generalement la doctrine de feudPontanus . Il fait distinction entre le bail, ad modicum vel longum tempus. Et si le bail est fait pour plusieurs années, sans suspicion de fraude, le Seigneur est obligé de l’entretenir, comme il est obligé de payer ceux qui ont des dettes ou d’autres droits sur le fonds, parce que le fief ne luy retourne par la Commise qu’au même état qu’il êtoit au temps du delict : que si le bail est ad modicum tempus, tunc aut sine hypotheca, & omnino Dominus potest expellere colonum, quia simplex personalis obligatio vassalli non sequitur feudum, aut sub hypotheca feudi, et committitur Patrono cum onere lpothecae. Et en suite passant à l’autre question, si l’hypotheque acquise au fermier peut luy operer la continuation de la jouissance, ou si le Seigneur peut le déposseder en payant ses interests, il resoud, teneri colono pracisé, nisi velit refundere interesse non observata locationis, & colonus habet ratione hopothece jus retentionis non pracisè ad factum patientia, sed ut et liceat frui, vel ut suum interesse es refundatur. Ce qu’il confirme par les mêmes raisons dePontanus .

Le fief avec toute sa droiture rétournant au Seigneur, on propose cette question si la reunion s’en fait naturellement et de plein droit au fief Dominant ; Pour la refoudre, du Mou-lin la distingue en plusieurs cas : quandoque feudum finitur, quandoque confiscatur, quandoque committitur, quandoque mediante voluntaria alienatione vassalli Patrono acquiritur. Au premier cas la consolidation se fait naturellement par la nature et par la necessité de la cause primitive, qui êtoit inherente, et à la chose consolidée, et à la chose à quoy la consolidation se fait ; consoidatum ipfo jure afficitur ejusdem juris, qualitatis & conditionis cum re cui consolidatur, et redit ad Patronum per modum mera privationis, et annihilationis feudi ; et il conclud fort bien contre l’avi. deJoannes Faber , que c’est un propre, et non un acquest, et que par consequent la femme ne doit point y avoir de part, non enim est conquestus, sedrecuperatio, et consolidatio, quand le fief est du propre de son mary : car si c’étoit un acquest les choses reünies tiendroient la même nature.

Pour les trois autres espèces de reversion, il les repute des acquests, ce qu’il prouve par exemple du Domaine du Roy, auquel les biens confisquez ne sont point reünis, ipfo jure au contraire le Roy peut en disposer. Il fait neanmoins différence entre la Commise et la Confiscation ; les héritages qui retournent par la Commise soli Patrono acquiruntur in ultionem injuriae ; et par ce raisonnement il semble en vouloir exclure les heritiers aux acquests. Il ne veut pas neanmoins que ce soit un propre, et il soûtient que la reünion ne s’en fait point naturellement au fief Dominant

Brodeau , Art. 43. n. 27. de la Coûtume de Paris, a suivi cette opinion, et que le Seigneur n’est point obligé de l’unir, et de l’incorporer à son fief Dominant, si bon ne luy semble : l1 est aussi de ce même avis pour les biens confisquez.

Ces opinions-là ne sont pas conformes à l’esprit de nôtre Coûtume par l’Art. 203. des choses venuës par confiscation, droit de ligne éteinte, et autres droits de reversion, l’usufruitier en joüit durant sa vie, et sont tenus ses hoirs d’en laisser la joüissance au proprietaire, en remboursant ce qui a été payé à l’acquit et décharge du fonds. L’intention de la Coûtume est apparente ; car en donnant à l’usufruitier tout ce qui retourne au fief, dans tous les cas de reversion, elle le repute propre et reüni naturellement au fief ; autrement l’usufruitier n’y au-roit aucun droit, s’il n’étoit pas considéré comme une ancienne portion du fief dont il a l’usufruit.

Il faut encore examiner cette question, si la Commise jugée pour le desaveu a lieu seulement pour le fief, ou si l’on peut l’etendre aux rotures : Brodeau a soûtenu la negative, et que dans la Coûtume de Paris, comme dans plusieurs autres, les terres roturières ne se perdent pas par le dény du cens, ni par la felonnie ; et Chopin dit que les Coûtumes qui décident le contraire, ne doivent point être étenduës hors leur térritoite, comme étant odieuses.

L’Auteur de la Glose, sur l’ancienne Coûtume, a traité cette question, et il refoud que les rotures tombent en Commise, comme les fiefs. Et c’est aussi l’usage certain de cette Province, quoy qu’il y eût quelque sujet d’en douter, puisque cet Article ne parle que du fief que le vassal perd par sa felonnie.


CXXVI.

Pareillement, le Seigneur qui met la main sur son homme et vassal pour l’outrager, il perd l’hommage et tenûre, rentes et devoirs à luy dûs à caule du sief de son vassal, et dont les foy et hommage dévoluts et acquis au Seigneur

superieur : et ne paye le vassal outragé, rente de son fief fors ce qui en est dû au chef-Seigneur.

Pour une plus grande explication de cet Article, on peut voir le titre in quibus causis feudum amittitur l. 2 de usibus feud. et cap. unico quibus modis feudum amittitur. 1. Eaxium de feud. t. ad quid vassallus Domino, & Dominus vassallo tenetur,Jul. Clar . l. 4. 8. 21. leg. Scot. l. 2. c. 67.

Comme il y a une étroite relation entre le Seigneur et le vassal, et que l’obligation est reciproque, ils ne peuvent violer cette relation sans détruire la nature du fief, ces devoirs en sont de lessence, ex mutuâ benignitate et correlatione officiorum consistunt. Mais bien que cette foy soit nutuelle, il est certain que le vassal est encore plus étroitement engagé à s’en acquitter que son seigneur, et ideo non est tam expedita ratio caducitatis committendae de Patrono ad cltentem, it cliente ad Patronum.Mol . de feud. 8. 1. gl. 3. n. 22. Et le Domaine utile se reünit et se consolide plus aisément, que la Seigneurie directe ne se perd et ne se confisque.

Cependant il n’eût pas été raisonnable que le Seigneur eût pû outrager impunément un vassal, et du Moulin ne doute pas que, si tam atrox & enormis offensa Patroni invenitur in personam innocentis clientis, causâ cognitâ cliens possit eximi, et manere vassallus immediatus superioris Patroni : Mais afin que l’on n’en doutât pas, la Coûtume en a fait une disposition expresse, de sorte que le Seigneur qui met la main sur son homme et vassal pour l’outrager, perd l’hommage et la tenûre, les rentes et les devoirs à luy dûs, à cause du fief de son vassal : Cet Usage rapporté par Berault est fort ancien en cette Province, et on en trouve un Arrest rendu en l’Echiquier tenu à Caen en l’an 1380. par lequel il fut jugé que Guillaume Aubert, vassal de Mre Guillaume d’Orbec, et qui avoit été mal-traité par luy, seroit déchargé des rentes qu’il faisoit audit Seigneur d’Orbec, et de toute autre redevance, et que le Roy auroit l’hommage. dudit Aubert, avec la Cour et Usage, bien que le Procureur du Roy voulût aussi avoir les rentes et redevances. Il y a un autre. Arrest du 21 de Novembre 1540. entre la Vigne. et Raveton. Mais pour les arrerages échûs avant la felonnie, le Seigneur n’en est point privé, Arrest du 18 de Novembre 1509. entre la Riviere et Courseulle.

Comme le vassal qui ne peut aliener ne peut tomber en Commise, il en faut dire autant du Seigneur, et pour cette raison la felonnie du Seigneur Ecclesiastique contre son vassal ne donneroit pas lieu à la Commise, parce qu’il ne peut par sa mauvaise conduite faire préjudice à l’Et glise, quoy que ce soit d’ailleurs une regle que, Ecclesia patitur ponas conventionales. Mais le vassal seroit déchargé de payer la rente durant la vie ou durant la joüissance de ce Prelat : La faute du mary ne seroit point aussi punie aux dépens du bien de sa femme, et il faut dire en l’espèce de cet Article du mineur et du prodigue, ce que nous en avons dit sur l’Article precedent.


CXXVII.

Tenûre par parage.

La tenûre par parage est quand un fief-noble est divisé entre filles ou leurs décendans à leur representation.

Plusieurs Auteurs ont traité de l’origine du Parage, et de la signification de ce mot. Loyseau en donne cette origine, qu’on laissoit aux puisnez des grandes maisons, certains membres de hautes Seigneuries, qui leur étoient baillez en partage, pour les tenir à pareil droit que l’ainé renoit le chef-lieu, à condition néanmoins de les relever d’eux en parage. Stenaus en ses loixf d’Ecosse, l. 2. c. 29. dit que la même chose se pratique en Ecosse, que les maris des soeurs puisnées ne sont point obligez de faire la foy au mary de l’alnée, ni leurs enfans jusqu’au second dégré inclusivement. Il ajoûte que ce mot de parage veut dire egalité, à pari, égal ; sie pares Curiae dicuntur convassalli, qui habitant in eodem territorio, ubi feudùm jacet, de quo est controversia cap. unic. de controver. feudi apud pares terminandis, quod enim ibi dicitur domus, dicitur territorium, Scotus Baroniam vocai

Bouteiller en sa Somme Rurale, et, qui étoit Maître Pierre des Fontaines Requêtes de Loyseau S. Louis, assurent la même chose que Loyseau ; obtinebat in illustrium familiarum minoribus filiis sub primogenito ut nunc sub filiabus.Chop . l. 2. c. 3. de Dom.

D’autres tirent ce mot non à paritate, sed à fraternitate, et par cette raison il faudroit dire frarage, et non parage, parce que cela se partage entre frères et seurs en plusieurs Coûtumes ; Bretagne, Article 363. Poictou, 225. et 226. et Angoumois, Article 25. 1. 7. En effet nous apprenons qu’autrefois en Normandie le parage avoit lieu entre freres comme entre soeurs, ce que l’on remarque par un ancien Arrest du Parlement de Paris de l’an 1398. donné entre Guillaume, Vicomte de Moulins, Gardien Noble du Comte de Tancarville, son frere, et Roger de Bricqueville, à cause de Jeanne Campion, sa femme, et le Procureur Quesnel, pour l’hommage ou parage de la Baronnie de la Haye-du-Puits ; et il est dit dans cet Arrest que Robert de Mortemer avoit eu de Guillaume son frère la terre de la Have-du-Puits en premier degré de parage de la Baronnie de Varanguebec, per consuetudinem nostrae Provinciae Normaniae observatam, per quam filius fecundogenitus portionem hereditagii sibi ex successione paternâ obvenientem à fratre primogenito per paragium tenere debebat usque ad sextum gradum consanguinitatis.

Mr Cujas n’a point ignoré cet ancien usage de Normandie, il en parle en ses Commentaires sur les fiefs, l. 2. t. 10. en ces termes ; et in quibusdam locis res ita geritur inter fratres, ut frater major natu feudum obtineat, et cateris aspergat tertiam partem, cateri non minus nobiliter suam partem tenent quam frater major natu, nec minus dicuntur esse pares in feudo, et à majore quidem fratre dicuntur tenere jure paragii, quo sensu paragium etiam dicitur : Constit. Neap. l. 3. c. 18. sed ejus conditio talis est, ut pro eo nullam fidelitatem, frater fratri jurare aut repromittere debeat : et ce fut peut-être par cette raison que Charles, ce Roy de Navarre qui causa tant de maux à la France, obtint du Roy Jean de tenir par parage certaines terres dont il faisoit auparavant la foy et hommage.

I falloit qu’autrefois il y eût des fiefs qui pouvoient se diviser entre mâles.Guntherus , Marchia, seu Comitis possessio, sive Ducatus,

Integra permaneant, feudalia catera multis

Participanda petent, Domino dum quisque fidele

Spondeat obsequium, jurandâque federa prestet.

Et dans un vieux Manuscrit Statutorum Reeni Gallici, on trouve ces mots, Ducs et Barons, et autres hommes de foy ne peuvent donner leurs hommes de foy, si ce n’est à son frere ou à sa seur, mais à ci eux les peuvent-ils bien donner en parage et en partie, mais ils ne pourroient l’y donner â homme étrange. Et le grand Coûtumier de France t. de saisine de fief, dit le frèrage ou partage d’un Fief oi Haute-Justice que chacun tient du Seigneur superieur. D’Argentré , sur’l Article 314. de sa Coûtume, veut que hoc verum paritatis indicium et aequalitatis honorem signifi-car : Et nôtre vieil Coûtumier le définit de la sorte, tenûre par parage est quand cil qui tient et cil de qui il tient doivent par raison de lignage être pairs en partie de l’héritage qui descend de leurs ancêtresBrodeau , Article 13. n. 20. a pensé que le parage étoit imité de la loy des Hebreux, Gen. c. 27. 8. 29. et qu’il a été approuvé par plusieurs Coûtumes ; Bretagne, Maine, Anjou, Poitou, Tours, Loudunois, et Normandie, autrement appelé pareage, et parentage, ou fraragium. ditPithou , l. 1. de ses Memoires des Comtes de Champagne, et aprés luy Dominici de Prarog. Alod. c. 21. Il n’a point lieu en la Coûtume de Paris, où lainé n’est point parageux, ni les ainez parageaux, et leurs portions quoy que divisées relevent nuëment et immediatement et en plein fief du même Seigneur dont la terre est mouvante.Chopin , l. 1. de Mor. Mor. Paris. 1. n. 1o. 12. tient que cela fut établi par une Ordonnancae de Philippes Auguste intitulée, Stabilimenta de feodis regni Franciae. Brodeau la rapporte tout au long, et il assure qu’avant cette Ordonnance le parage avoit lieu par le droit commun et general de la France En Normandie nous n’avons plus pratiqué la division des fiefs qu’entre les filles. Quand le Royaume cessa d’être divisé, comme il s’étoit fait sous la première Race de nos Rois, on commença en suite à ne diviser plus les fiefs de dignitez, comme les Duchez, Marquisats, Com-ez, et autres ; et enfin on jugea même qu’il étoit plus utile pour la conservation des familles, de ne separer point les fiefs entre mâles, ce qui s’est introduit principalement dans les Coûtumes où les ainez ont de grands preciputs

Jous apprenons par lhistoire de la Chine de Martinus Martinii l. 6. Hist. Hist. Sinicae, que les Empereurs de la Chine donnoient des Provinces en partage à leurs fils et à leurs freres, et cet Auteur appelle Regulos, les Princes partagez de cette manière. Il arriva que pour la fois blesse de quelque Empereur, ces petits Rois usurperent la souveraineté. Chongus Unxius, qui regnoit 246. ans avant la nativité de Nôtre Seigneur, ayant usurpé lEmpire de la Chine il détruisit tous ces petits souverains ; mais lorsqu’il voulut, à l’exomple des Empereurs precedents, ériger des Royaumes à tous ses enfans, un Gouverneur de Province luy remontra, qu’à la vérité les Empereurs des anciennes familles en avoient usé de cette manieres mais que l’experience avoit fait connoître combien cet exemple étoit pernicieux pour l’Etat, parce que ces petits Rois s’élevoient contre leur souverain, où ils se faisoient entr’eux une guerre mortelle qui troubloit tout l’Empire ; que cette funeste experience du passé ne permettoit pas d’esperer à l’avenir un meilleur succez, et qu’il importoit au repos et à la grandeur de son Empire de leur donner seulement de grands revenus dans les Provinces, dont il donneroit le gouvernement et l’autorité à d’autres. Chongus approuva ce sage conseil. Il y eut neanmoins de ses successeurs qui ne suivirent pas son exemple.

Quoy que le parage rende la condition des paragers égale, il est vray pourtant que l’ainé a toûjours quelque prerogative. Au procez de Me Robert de Croisilles, Conseiller au Presidial de Caen, representant l’ainée au partage de la terre de Breteville, il fut jugé au Rap-port de Mr du Houlé, le premier d’Avril 1666. que les enfans de la fille ainée paragere auroient les lionneurs du Patronnage alternatif avant les enfans de la fille puisnée, et même pendant la joüissance du Curé presenté par la puisnée.

Quand il y a dans la succession quelque Patronnage honoraire, si lors de la division du fief entre seurs, il n’a point été fait mention à qui les droits honorifiques doivent appartenir, il a été jugé que tous les paragers auroient les honneurs en lEglise, à condition que la part de lainée auroit seule cette prerogative aprés le parage fini. Arrest au Rapport de M’Roque du 20 de Mars 1632.

Le Patronnage de l’Eglise de Monfort avoit été aumôné par les Seigneurs de Monfort, ce fief avoit êté divisé entre filles ; Mr de Matignon representant l’ainée, et le sieur de la Harillière representant la puisnée, Mr de Matignon avoit reüni sa portion à sa Seigneurie de Gacey, et il n’avoit d’autres preuves de sa possession qu’un banc dans le Choeur que l’on présumoit être e banc des ainez. Le sieur de la Harilliere avoit banc et sepulture au dessous ; il fut jugé que Mr de Matignon auroit seul les honneurs de Patron honoraire, parce qu’on imposeroit trop de servitude à l’Eglise, si tous les paragers avoient les honneurs, et neanmoins le sieur de la Harilliere fut maintenu en la possession d’un banc, et il fut jugé que quoy que la possession ne soit pas suffisante sans titre, toutefois qu’à cause du parage il étoit fondé en titre L’Arrest donné au Rapport de Mr Roque me semble plus équitable, en ce qu’il donne conjointement les honneurs à tous les paragers, lors qu’ils n’ont point été partagez, jusqu’à ce que e parage soit fini. L’Arrest donné au profit de Mr de Matignon pouvoit être fondé sur ce motif que le parage pouvoit être fini ; mais en ce cas on faisoit une grace au sieur de la Harilière de luy laisser un banc dans le Choeur, sa sepulture, ses armes, et la presceance avant les autres Gentilshommes, c’étoit luy donner presque tous les honneurs Ce parage n’a lieu qu’en cas de partage. Au procez entre le sieur le Doux pour sçavoir s’il s avoit parage pour le fief d’Outrebois, que deux seurs avoient eu par droit de retenuë feodale, il fut jugé qu’il n’y avoit point lieu au parage, parce que la Coûtume ne l’admet qu’en cas de partage, et non en cas de division entre des associez ; in judicio famil. ercisc. non de comm. dividundo.

Si par le partage entre soeurs le fief n’avoit point été divisé, et qu’un lot eût été composé seulement d’une portion du domaine du fief, sans aucune dignité feodale, la seur qui possederoit ce lot ne pourroit tenir en parage, bien qu’il fût dit par les lots qu’elle tiendroit son lot en cette qualité, car le parage ne peut échoir qu’aux fiefs, suivant l’Arrest rapporté parBérault , Article 134. Il est encore certain que la prerogative du parage doit toûjours demeurer à l’ainée ou à ses representans, nonobstant qu’elle eût choisi un lot qui dût tenir par parage d’un autre, suivant les Arrests qui en sont remarquez parBerault , desquels ont pû inferer que cette prerogative est en quelque façon personnelle, puisqu’elle est tellement attachée à la personne de l’ainée et de ses descendans, qu’elle luy doit être conservée nonobstant toutes pactions contraires,


CXXVIII.

La foy et hommage de l’aîné acquitte les puisnez.

Les ainez font les hommages aux chefs-Seigneurs pour eux et leurs puisnez paragers, et les puisnez tiennent des ainez par parage sans hommage.

Par les loix d’Angleterre la seur ainée fait la foy et hommage, tant pour elle que pour ses autres soeurs, et conformément à cet Article elle ne peut exiger l’hommage de ses autres seurs. Henry Roy d’Angleterre en rend cette raison dans une Declaration qu’il envoye au Viceroy d’Irlande, cum omnes sorores sint quasi unus heres de unâ hereditate, si primogenitâ posset habere homagium aliarum fororum, vel custodiam petere, tunc effet illa hereditas divisa, itâ quod soror primogenita esset simul semel de hereditate et Domina et heres, heres suae partis, et Domina fororum suarum. Stanford de prarogativâ Reg. c. 5. Voyez Briton c. 27. l. sancti Eduardi.


CXXIX.

Le parage finit au sixième degré.

En cette manière le puisné et les descendans de luy tiennent de l’ainé et de ses hoirs, jusques à ce que le parage vienne au sixième degré inclusivement.

Le parage ne s’étend point à l’infini, la Coûtume le restraint au sixième degré inclusivement,


CXXX.

Puisnez comment payent les redevances des chefs-Seigneurs.

Par les mains des aînez payent les puisnez, les reliefs, aides, et toutes rede-

vances aux chefs-Seigneurs et doivent lesdits puisnez être interpellez par les ainez pour le payement de leur part desdits droits.

Tay remarqué sur l’Article 31. que l’ainé ne peut demander par recompense à ses puisnez que trois années des rentes Seigneuriales qu’il a avancées pour eux au Seigneur ; on peut soûtenir cette jurisprudence par cet Article, car il cblige l’ainé à faire ses diligences. Les puisnezdit l’Article ) doivent être interpellez par les ainez pour le payement de leurs parts lesdits droits. Doù il resulte que l’ainé est obligé d’interpeller ses puiinez, et faute d’avoir fait cette interpellation, il faut suivre la loy imposée au Seigneur qui ne peut demander que trois années, ce qui est d’autant plus raisonnable que ces contributions des puisnez étant ordinairement fort médiocres, on néglige d’en prendre des quittances, et d’ailleurs il seroit rigoureux d’obliger de pauvres païsans à les gaider pendant vingt-neuf années. On convient que l’action pour des choses mobiliaires dure trente années, et que l’ainé n’agissant que par une action de garantie et de iécompense, elle ne peut être prestrite que par trente ans ; mais il en faut considerer l’origine, en ce que le Seigneur que l’ainé represente n’en peut demander que trois nées, ainsi l’ainé ne doit pas être de meilleure condition que son auteur, lors qu’il a négligé de poursuivre ses puisnez et de les faire payer, quoy qu’il fût tenu de les interpeller, suivant cet Article.

On demande en quel cas les puisnez doivent payer les reliefs et aides aux chefs-Seigneurs. par les mains des ain-z : On répond que c’est lors que l’ainé parager vient à mourir, car le dioit du Seigneur superieur n’étant point diminué par la division du fief, il luy doit être payé tout entier ; or les puisnez qui en possi dent des portions en paiage n’en payant rien à leur ainé, tant que ce parage duré, il est juste qu’ils contrib-ient au payement des reliefs, des aides, et des autres redevances qui sont duës au chef-Seigneur.


CXXXI.

La Justice des ainez sur les puisnez.

Les ainez paragers peuvent faire Justice sur les biens des puisnez par les mains du Prevost de leur fiefs

Par l’Article 31r2. de la Coûtume de Bretagne, l’ainé n’a point de Justice fut son juveigneur, mais il le peut convenir en sa Cour, Article 313. habet mediam & infimam jurisdictionem, dit Mr d’Argentré . Il étoit juste, puisque les puisnez doivent être interpellez par leurs ainez de payer leurs parts des droits qui sont dûs au chefe Seigneur, de leur permettre de faire ces interpellations par leurs Prevosts.


CXXXII.

Cas auquel les puisnez doivent foy et hommage.

Quand le lignage est hors le sixième degré, les hoirs des puisnez sont tenus faire foy et hommage aux hoirs de fainé ou autres, possesseurs du fief qui échet à la part de l’aîné.

Cet Article paroit superslu, puisque suivant l’Article 120. le parage finit au sixième degré, il s’ensuivoit que les paragers retomboient dans le droit commun, et qu’ils étoient tenus de faire la foy et hommage dont le parage les avoit dispensez.


CXXXIII.

Cas auquel le fief sort hors de parage.

Le fief sort de parage, et doit foy et hommage quand il tombe en main d’autres qui ne sont paragers ou descendans des paragers, encore qu’ils soient parens.

Cet Article établit un autre moyen qui fait cesser le parage, lors qu’il tombe entre les mains de ceux qui ne sont point paragers ou descendans des paragers. Suivant cet Article le treiziéme n’est point dû pour la premiere vente que le parager fait de son fief ; mais on demande si le parager tombe en garde ? La Coûtume nouvelle de Bretagne, Article, 41. porte que l’aîné n’a vente ni rachapt sur son juveigneur, et puisque le treizième n’est point dû pour la premiere vente, l’alné auroit beaucoup moins de raison de demander la garde-noble pour la premiere fois ; mais le droit de treizième et le droit de garde-noble ont des principes bien differens ; la garde-noble n’est dûë que pour les fiefs qui doivent la foy et hommage, et comme les paragers. ne la doivent point, ils ne peuvent tomber en garde, comme je le prouveray sur l’Article 413.


CXXXIV.

Parager ne doit treixième pour la premiere vente.

Treiziéme n’est dû pour la premiere vente que fait le parager de son fief, soit à un étrange, ou à celuy à qui il pourroit écheoir à droit de succession.

Le treizième n’est point dû pour la premiere venté que le parager fait de son fief : mais si un lignager retire cette portion et qu’il en fasse revente, sera-t il dû trerième de cette reventes Mre Jacques Godefroy a proposé cette difficulté, et il refoud que le treizième est dû de cette seconde vente, parce que le retrait lignager n’a point détruit la premiere vente. J’ajoûteray que ce que le lignager a rétiré n’étant pas la portion qui luy est échûe et qu’il tient par parage, il n’est pas dans le cas de cet Article, et puisque la premiere vente a été executée, et que le retrait ne l’a point aneantie, il s’enfuit qu’on ne peut se prévaloir de cet Article pour cette seconde vente, et bien que par l’Article suivant le fief parager retiré à droit de lignage par un parager retombe en tenûre par parage, on ne peut conclure de là que le treizième ne soit point dû de la revente, dautant que l’exemption du treizième ne se prolonge et ne durs pas autant que le parage, au contraire elle est expressément limitée à la premiere vente.


CXXXV.

Fief parager vendu quand retombe en parage.

Et au cas que le fief parager vendu à un étrange soit retiré à droit de lignage par aucun des descendans des paragers êtant dans le sixième degré, en ce cas ledit fief vendu retombe en teneur par parage.

On auroit pû soûtenir avec raison si cet Article n’avoit pas décidé le contraire, que le fief parager vendu à un étranger ; et rétiré par un lignager, ne pouvoit plus retomber en tenûre par parage, parce que le lignager ne le possedoit plus à titre de partage, mais à titre d’achapt, de lignager entrant en la place de l’acquereur ; mais le retrait lignager a cette vertu de remettre les choses en leur premier état.


CXXXVI.

Pareillement si le vendeur rentre en possession de son héritage par clameur revocatoire, ou par relevement ou condition de rachapt, il tiendra son héritage par parage comme il faisoit auparavant : mais s’il le rachete, il le tiendra par hommage.

Le cas de cet Article est blen different du precedent, car la clameur revocatoire, ou les lettres de restitution rendant le contrat nul, le vendeur est remis au premier état.


CXXXVII.

Droit de Colombier entre coheritiers comme se divise et prescript.

En cas de division de fief, le droit de Colombier doit demeurer à l’un des heritiers, sans que les autres le puissent avoir, encore que chacune part prenne titre et qualité de fief avec les autres droits appartenants à fief-noble par la Coûtume : Neanmoins si les paragers ont bary un Colombier en leur portion de fief, et joùi d’iceluy par quarante ans paisiblement, ils ne pourront être contraints de le démolir.

Il n’y a rien de moins uniforme par les Coûtumes de France que le droit de Colombier : dans la pluspart d’icelles ce n’est pas un droit feodal, et il ne suffit pas d’avoir un fief pour avoir la liberté de batir un Colombier. Par l’Article 170. de la Coûtume de Paris, le Seigneur qui n’est point Haut : Justicier ne peut avoir de Colombier à pred, s’il n’a des terres en domaine jusques à cinquante arpens ; et par l’Article 168. de la Coûtume d’Orléans., le Seigneur non Haut-Justicier ayant fief et censive en doit avoir jusques à cent arpens. Mais celuy qui a cent arpens de terres labourables peut avoir une volière à pigeons jusques à deux cents trous.

Selden Cela semble être imité des Hebreux ; car Seldenus à fait cette observation, que par le droit des Noachides il n’étoit pas permis de batir un colombier sur son héritage, s’il n’étoit éloigné de toutes parts de cinquante coudées des terres voisines, afin que les pigeons n’apportassent roint de dommage aux bleds.Selden . de jure not. et gent. juxta disciplinam Hebraorum l. 4. c. 5. et lib. 6. c. 10.

Chopin en son Traité du Domaine, l. 3. t. 22. n. 70. soûtient qu’il n’y a pas d’apparence de mettre au nombre des prerogatives seigneuriales le droit de colombier et de garenne. Colûmbaria et leporaria verè non sunt superioris insignia Dominii, eaque superioribus tantum in fun-dorum Dominis competere prorsus nugatorium est, nisi contrarium suggereret vetus loci consuetudo, aut lex predio feudali et emphyteutico dicta, et tel est lusage de Tholose et de Provence Nôtre Coûtume en l’Article 160. semble en faire un droit feodal, puisqu’elle dit qu’avec les corps des fiefs-nobles sont relevez par même moyen toutes les dépendances d’iceuxi comme sont garennes, moulins, colombiers, et autres appartenances de fief, d’où lon peut es dire que les colombiers sont des dépendances mseparables des fiefs : En effet non seulement Il n’est pas permis de batir un colombier sur une roture, mais aussi la prescription ne peut donner ée droit ; Article 20. du Reglement de l an 1666. Mais cet Article nous apprend que tous fiefs n’ont pas droit de colombier, puisqu’en cas de division du fief le droit de colombier doit demeurer à l’un des heritiers, sans que les autres le puissent avoir, encore que chaque parl prenne titre et qualité de fief, avec les autres droits appartenans au fief-nobles Il ne peut donc y avoir que le plein fief de Haubert à qui ce droit appartienne absolument et generalement, et lorsque la Coûtume le met entre les dépendances des fiefs, il faut entendre ces paroles des fiefs seulement qui ont droit de l’avoir, c’est à dire des fiefs de Haubert. pu-des fiefs sur lesquels les paragers ont baty un colombier, et dont ils ont joui paisiblement par quarante ans.

Aprés avoir traité du titre et de la qualité requise pour avoir droit de colombier, il ne sera pas inutile d’agiter cette question, si les Seigneurs ausquels les Coûtumes accordent le droit de colombier peuvent le permettre à d’autres, ou si en donnant cette faculté de batir un colombier ils se privent eux-mêmes de leur droit

Par la Coûtume de Bourgogne, Rubr. 13. Arn 9. on ne peut faire aucun colombier à pied de nouveeau en justice d’autruy, sans licence du Seigneur. Celle de Nivernois contient la même disposition, 1t. des Colombiers, Art. 1. Il est cettain que dans ces Coûtumes le Seigneur qui ermet ou qui n’empesche point que l’on batisse un colombier n’est pas reputé renoncer à son droit, au contraire ces Coûtumes donnent au Seigneur Haut-Justicier une si grande autorité, qu’il suffit aux particuliers, et même à ceux qui n ont point de fief, d’obtenir son consentement pour avoir droit de colombier.

Nôtre Coûtume est plus rigoureuse ; elle ne permet pas même à ceux qui possedent une portion du fief, auquel le droit de colombier êtoit attaché, d’en pouvoir jouir, si les paragers. n’en ont joui paisiblement pendant quarante ans. Ainsi ce droit ne pouvant être multiplié par la division du fief, il s’enfuit qu’il ne peut être accordé par le Seigneur du fief qu’en se privant luy-même de s’en servir. C’est une jurisprudence certaine en cette Province, que non seulement les Seigneurs feodaux, mais même les Hauts-Justiciers consentiroient ou donneroient inutilement cette faculté de batir un colombier, s’ils ne cedoient en même temps le droit qui eur appartenoit ; Berault en a cité plusieurs Arrests

Mais en tout cas ce qui n’est pas permis aux Seigneurs de fief, ou aux Hauts-Justiciers, ne le doit-il pas être au Roy : Nos deux Commentateurs, Bérault etGodefroy , étant de sentiment contraire, chacun d’eux a cité un Arrest pour soûtenir son opinion : Quoy que Berault fait repris aigrementGodefroy , pour l’avoir contredit, son opinion neanmoins me paroit la plus. xéritable. Il fait sort à propos cette distinction entre la permission que le Roy donneroit de batir un colombier sur des terres qui seroient de sa mouvance, et la permission qui seroit donnée de le batir sur des rotures qui seroient tenuës d’un autre Seigneur. En ce dernier cas la faculté accordée par le Roy ne pourroit valoir au préjudice du droit acquis au Seigneur, et rpuisque le Seigneur même ne pourroit donner cette licence dans son propre fief, à plus forte raison le Roy ne pourroit faire ces deux choses contraires à la Coûtume, de donner un droit de colombier sur une roture, ou de l’accorder sur un fief qui ne seroit point tenu immediate. ment de luy. Et c’est l’espèce de l’Arrest de Mr de la Tigeoire, que Berault alléguoit en sa faveur : Car Mr Guairin prétendoit en vertu des Lettres qu’il avoit obtenuës, de faire bâtir un colombier sur une roture, tenuë d’un fief qui appartenoit aux Religieux de sainte Catherine.

Au contraire si le Roy érigeoit des rotures en un fief de Haubert, il pourroit sans difficulté y attacher le droit de colombier, car le pouvoir d’ériger en fief les terres roturieres qui seroient en sa mouvance, ne pouvant luy être debatu, on contrediroit beaucoup plus mal à propos le droit de colombier qu’il luy plairoit d’attribuer à ce nouveau fief, et c’est l’espèce de l’Arest du Miere qu’il rapporte. Je n’approuverois pas neanmoins le sentiment de Godefroy en ce point, qu’il estime que le Roy pourroit attacher ce droit à une roture ; parce que par nôtre Coûtume c est un droit tellement feodal, que regulierement il n’appartient qu’au plein fief de pe Haubert, et qu’il ne peut être possedé par les fiefs divisez qu’aprés une possession de quarante i Sans, et il ne le peut jamais être sur une roture, suivant l’Art. 20. du Reglement de l’an 1666. ré Suivant cet Article le droit de colombier bâti sur une roture ne peut être acquis par prescription, et suivant la derniere partie de cet Article les paragers, qui ont bâti un colombier ena eur portion de fief, et qui en ont joûi paisiblement par quarante ans ; ne peuvent être contraints de le démolir.

Daviron êtoit de ce sentiment, que si un parager avoit laissé tomber en décadence S émolir son colombier, il ne pourroit le réedifier si le droit luy en êtoit contredit, nonobstant sa possession durant quatante ans : mais, à mon avis, ce droit ne peut être perdu par lap eule démolition, ni pas même per non usum ; il suffit pour le conserver que les restes et les estiges en apparoissent encore, habuisse columbarium intelligitur, non tantum qui integrum habuit li et volantes columbas, sed et qui parierinas solas, et superstantiâ radera et reliquias veteris materiae habuit, sicut & in moletanis quoque judicatur.Argent . Art. 368. de la Coûtume de Bretagne.

On ne pourroit batir un colombier sur un héritage tenu en Franc-Aleu ou en Bourgage, arce que c’est un droit purement feodal ; cela fut jugé de la sorte le 24. de May 1623. en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr du Moucel, entre Guillaume le Mercier et Demoiselle Marie Jourdain, veuve de Nicolas Anquetil, appelans et opposans à l’enterinement de Lettres en forme de Charte, obtenuës par Me Gilles Gaudin, pour être permis de réedifiera un colombier sur une place située en la franche bourgeoisié d’Avranches, et ledit Gilles Gauin intimé. Par l’Arrest la Sentence fut cassée, et faisant droit au principal, défenses furent faites audit Gaudin d’appliquer le batiment de nouveau par luy fait à usage de colombier, quoy qu’il y eût plus de quarante ans que ce droit fût employé dans l’Aveu qu’il en avoit rendu au Roy, et dans des anciens partages.


CXXXVIII.

Tenûre en bourgage.

L’héritage tenu en bourgage est exempt de payer relief, treizièmes, et autres droits Seigneuriaux et coûtumiers, et n’est tenu le possesseur d’iceluy que bailler simple declaration, en laquelle il doit exprimer les rentes et redevances qui sont duës, s’il n’y a tître convenant, ou possession suffisante au contraire.

Voicy une troisième espèce de tenûre, qui n’est point feodale, et qui n’a point les prerogatives du Franc-Aleu.

Cet Article exprime bien les qualitez et les privileges du bourgage ; l’héritage tenu en bourgage est exempt de payer reliefs, treixièmes, et autres droits et devoirs Seigneuriaux, mais il n’en t donne point une véritable définition. Ragueau dans son Indice des droits Royaux et Seigneuriaux, cite la Coûtume et le stile de proceder de Normandie, pour nous apprendre que les heritages tenus en bourgage sont les masures ; manoirs, et héritages qui sont aux bourgs, et qui sont renus sans fief du Roy ou d’autres Seigneurs du bourg, et qui gardent et qui payent les Coûtumes du bourg sans devoir autre service ni rédevance. Ce mot boure vaut autant que celuy de ville, et aujourd’huy Il signifie une ville non close de murs et fossez. De burgis et purgensibus, Boerius decis. 260. Coûtume de Troyes, Art. 9. Tit. 1. Pontanus Origin. Franc. c. 2 Asciat. lib. 1. pretermiss. Brito Tit. des Gardes, lib. 1. de legibus sancti Eduardi.

Dans les dernieres paroles de cet Article, la Coûtume apporté cette restriction, que l’on peut opposer au privilege de bourgage un titre convenant, ou une possession suffisante au contraires c’est par cette raison que lors qu’il s’agit de sçavoir la nature et la qualité d’un héritage, soit entre la veuve et les heritiers du mary, ou entre coheritiers, ce n’est pas assez pour prouver qu’un héritage n’est point en bourgage de justifier que l’on en paye les reliefs et treizièmes, farce que suivant cet Article un héritage peut être tenu en bourgage, quoy que l’on en paye les reliefs et treizièmes.


CXXXIX.

Tenûre par aumone ne diminuë les droits du Seigneur.

Par aumône ou bien fait que fasse le vassal de son bien à l’Eglise, les droits du Seigneur ne sont en rien diminuez, soit en sustice, rente, ou autres devoirs.

Terrien L’ancienne Coûtume définit que pure aumone est en quoy le Prince ne retient rien de terrien, ni Jurisdiction, ni dignité, et de cela Jurisdiction et dignité appartient du tout à l’Eglise.

Cet Article est conforme à plusieurs Coûtumes de la France, l’Article 41. de la Coûtume de Blois défend expressément aux gens d’Eglise, Communautez, Confrairies, et autres qui sont reputez main-mortes, d’acquerir héritages sans le congé et permission des Seigneurs feodaux, et s’ils en acquierent ils peuvent les contraindre dans quarante ans de les mettre hors de leurs mains

On trouve presque dans tous les Etats une défense semblable. Dans l’ancienne Rome la Loy Papyria défendoit de consacrer aucunes maisons ou terres sans la permission du peuple ; ne innumeris consecrationibus res omnes sensim è Dominio commercioque suo eriperentur. Sous les Empe-reurs il en falloit obtenir d’eux le congé, l. ult. D. ut in possess. leg.

Les Canonistes ont taché de persuader que cette défense ne devoit avoir lieu que pour les terres feodales ou censuelles, et non pour celles qui sont situées en Franc-Aleu : mais on ne les en a pas crûs, non plus quele Pape Alexandre IV . quoy que dans le Chap. 1. de immunit. Eccl. in 6. il ait fort declamé contre les Seigneurs feodaux de France, et qu’il leur ait défendu de ne contraindre plus les gens d’Eglise à vuider leurs mains des héritages qu’ils possedoient : car, comme dit Pontanus sur l’Article 41. de la Coûtume de Blois, parum potest illius conatus ad elidendam rem tantis temporibus et longevo usu confirmatam, & ad prajudicandum Regiam majestatem, que in temporalibus neminem in superiorem agnoscit. Par le Chap. Imperialem de prohib. feud. alien. non licet etiam pro falute animae aut alius piae causae intuitu feudum alienare. Et par le Chap. Si clientelas de alienat. feud. optimâ ratione constitutum est ne feudum quod ex natura sua ad Dominum revertitur in Ecclesiam alienare possit.

Enfin on a permis aux gens de main-morte de posseder des terres, tant feodales que censuelles ou roturieres. Mais c’est à cette condition que l’aumone ou le bien, fait du vassal ne donne aucune atteinte, et ne diminuë point les droits du Seigneur en quelque manière que ce soit. Ce qui est si raisonnable que cela même auroit lieu, ditdu Moulin , licet etiam feudum transferretur in capitulum ejusdem Patronae seu dominantis Ecclesiae, quia tunc aeque illi fit prajudicium, ac si in aliud corpus transferretur.Molin . de feud. 8. 51. gl. 2. n. 59.

La tenûre par aumone se forme en deux manières ; la premiere quand le Seigneur de fief donne à l’Eglise, ou à quelqu’autre corps de main-morte quelques héritages ; en ce faisant on resume qu’il a consenti qu’elle demeure déchargée des reliefs, treiziémes, et des autres droits de cette qualité ; et même si lhéritage étoit chargé de quelques rentes, et que le Seigneur donateur ne les eût point reservées, le fonds en demeureroit déchargé, suivant l’Article 142.

Il faudroit dire la même chose si le Seigneur avoit vendu ou donné son consentement à la vente ; Bacquet des franes-fiefs, l. 2. n. 7

L’autre manière par laquelle un héritage devient tenu par aumone, est quand le vassal aumone son fonds ; en ce cas si le corps de main-morte a possedé par quarante ans, il n’est plus obligé qu’à bailler une simple declaration, suivant l’Article 141.


CXL.

En ce cas l’Eglise ou autre corps de main-morte à qui est le don ou aumône fait, doit en tout pourvoir à lindemnité du Seigneur, et luy bailler homme vivant, mourant, et confisquant, pour faire payer les droits et devoirs qui luy sont dûs.

Puisque par l’Article precedent les droits du Seigneur ne sont point diminuez par laumone, ou par le bien-fait que le vassal fait de son bien à lEglife, il étoit necessaire d’expliquer comment l’Eglise ou un autre corps de main-morte pouvoit posseder ces biens-là, sans faire préjudice au Seigneur. C’est le sujet de cet Article, où la Coûtume dispose que les gens de main-morte doivent en tout pourvoir à findemnité du Seigneur

Cet affranchissement et cette immunité est sans doute un tres-grand privilege, puis qu’en Modestin consequence d’icelle on est affranchi de toute servitude. Modestin en la l. 15. de exception. la Justinien définit en cette manière, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, et Justinien l’appelle. MOTGREC MOTGREC.

Les premiers Empereurs Chrêtiens qui en connoissoient l’importance ne donnoient cette Bignon exemption que pour les charges et les services personnels. MBignon a fait cette observation, que nos Rois ont été les premiers qui les ont accordez tres-amples, et qu’ils en ont donné l’exemple aux autres Princes. In not. Ad lib. c. 3.Marculphi , on trouve dans Marculphe plusieurs modéles de ces immunitez ou émunitez, comme cet Auteur les appelle : mais appa-remment nos Rois ne les donnoient dans le commencement que pour des terres alodiales, dont les proprietaires n’étoient sujets à aucuns services militaires, et par cette raison elles n’étoient pas préjudiciables à l’Etat. Mais il est toûjours véritable que sous les Empereurs

Romains on ne pouvoit pas bâtir un Temple ou un Oratoire sur le fonds d’un particulier sans sa vermission. Cela même fut expressément ordonné par le Canon 4. du Concile de Calcedoine, nullum adificari posse Monasterium prater voluntatem Episcopi civitatis, et preter voluntatem Domini pos-sessionis ; MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC. Il est vray que ce Canon a été étrangement mutilé par les Balsamon compilateurs des Decrets ; car dans les Canons de l’Eglise universelle, dans ceux de Balsamon, deDenis le Petit , et deGratian , on a rétranché ces paroles, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, preter voluntatem Domini possessionis

Depuis qu’en France les terres ne furent données qu’à la charge de plusieurs services, et que les fiefs furent devenus patrimoniaux, on n’accorda plus ces immunitez avec tant de facilité ; la consequence en devint trop grande, tant à l’égard du Roy et de l’Etat, que des par-ticuliers ; de sorte qu’il ne fut plus permis aux gens de main-morte de posseder des terres sans indemniser le Roy et les Seigneurs de fiefs. On peut donc asseurer que les droits d’amortissement et d’indemnité n’ont commencé d’être en usage que depuis que les terres ont été chargées de services et des redevances envers les Seigneurs de fief, et qu’ils ont commencé e les posseder propriétairement et héreditairement.

Dans nôtre droit François le mot de main, morte a deux significations : dans son premier usage il comprend tous les gens d’Eglise, Corps-de-Ville, Bourgs et Villages, Colleges, Hopitaux, et generalement toutes les Communautez qui sont perpetuelles, et qui par subroga-tion de personnes sont reputées être les mêmes Corps et Communautez, et qui par consequent ne produisent aucuns droits ni profits Seigneuriaux ; et par cette raison on pourroit avec plus d’apparence les appeler main-vives et perpetuelles, que main-mortes, puisqu’elles ne meurent point, et qu’elles representent toûjours leurs predecesseurs, et que les héritages par eux possedez ne changent jamais de main, tam infrugeri sunt Dominis, quam si emortui possiderent.

Argent . Art. 346.

Nous avons apparemment porté ce mot en Angleterre, où il a la même signification legibus magnae Charta sancitum est, ut nemini liceret dare predia collegiis Monachorum, & legem uanc Manumortuam vocaverunt, quod res semel data collegiis Monachorum non utique rursus venderentur.Polydore Virgile , en son Histoire d’Angleterre.

Du Moulin définit la main-morte en ces termes, quod sicut mortuus non amplius moritur, itâ hujusmodi corpus non moritur, licet omnes persona quibus consistit moriantur. De feud. S. 57. gl. 2.

Dans l’autre sens main-morte signifie les hommes de condition servile, qui sont sujets de corps envers leurs Seigneurs, qui leur succedent en tous biens-meubles ou immeubles, ou en leurs meubles seulement, ou aux immeubles seuls, quand ils meurent sans hoirs procréez de leur corps : ce qui dépend des conventions faites entre le Seigneur et ses hommes, et parce qu’ils n’ont pas la faculté de tester, ils sont reputez comme morts, et par cette considération on les appelle main-mortes, ou mainemortables. Ils vivent même libres et meurent comme Serfs. Mr Salvaing ; en son Traité des fiefs, 1. part. c. 32. a remarqué qu’autrefois dans le Dauphiné le droit de main-morte êtoit en usage non seulement sur les personnes de vile condition, dedititiae conditionis, mais aussi sur les Nobles qui s’étoient reconnus hommes-liges de corps et personne ; mais que Henry Il. affranchit entièrement ses sujets de Dauphiné de la servitude de main-morte par un Edit de l’an 552

Il seroit inutile aux gens de main-morte de pourvoir à l’indemnité des Seigneurs de fiefi s’ils n’obtenoient aussi du Roy des lettres d’amortissement ; car nonobstant le payement de l’indemnité, le Roy les pourroit contraindre à mettre hors de leurs mains ce qu’ils auroient acquis : mais quand ils ont obtenu le droit d’amortissement, les Seigneurs feodaux ne peuvent les contraindre de vuider leurs mains, et ils n’ont plus d’action que pour demander le droit d’indemnité.

On appelle amortissement, la grace et la permission que le Roy donne aux gens de mainmorte de pouvoir posseder les terres qu’ils ont acquises, ou qui leur ont été données, sansi pouvoir plus être forcez de les mettre hors de leurs mains

L’indemnité consiste en cette recompense et ce desinteressement qui est dû aux Seigneurs, à cause de la diminution qui arrive en leurs droits et profits, lors que les terres de leur mouvance tombent en la main des gens de main-morte ; car l’amortissement qui leur est donné par le Roy ne les exempte point du droit d’indemnité.

Mais doit-on mettre le Roy dans le nombre des gens de main-morte, lors que des terres tenuës d’autres Seigneurs viennent en ses mains par confiscation, ou par d’autres voyes : ses sujets ont-ils droit de demander qu’il s’en défasse, pour ne les priver pas de leurs droits : Il est certain qu’en ce cas, le Roy n’a point plus de prerogative que les gens de main-morte, et suivant l’Ordonnance Philippes le Bel, le Roy est tenu s’en défaire. Chopin de Doman. l. 3. Tit. 23.

Puisque nous entendons les noms de main-morte, d’amortissement et d’indemnité, il faut expliquer quelles sont les conditions, sous lesquelles l’Eglise et les autres gens de main-morte peuvent retenir la possession des orres qui sont en leurs mains.

La Coûtume en cet Article les teblige à ces deux conditions, de payer une indemnité, et de bailler un homme vivant, mourant et confisquant. On a douté s’ils étoient tenus à l’un et à l’autre droit, et si aprés avoir payé l’indemnité ils étoient encore obligez de bailler homme vivant, mourant et confisquant.

Les paroles de l’Article suivant ont fait naître cette ambiguité. Il contient que si l’Eglise a possedé par quarante ans en exemption de bailler homme vivant, mourant et confisquant, ou de pourvoir à l’indemnité du Seigneur, elle tiendra en pure aumone. Cette disjonctive, ou, pouvoit donner lieu à cette explication, que l’Eglise n’étoit tenue qu’à l’un ou à l’autre de ces deux onditions ; mais cet Article éclaircit toute l’ambiguité, car il oblige expressément par cette copulative, Et, l’Eglise et les gens de main-morte à pourvoir à l’indemnité du Seigneur, et à uy bailler homme vivant, mourant et confisquant,

Il y en a qui font distinction entre les héritages Nobles, et ceux qui sont en Censive ou Roture. a l’égard des premiers ils estiment qu’il ne suffit pas de payer l’indemnité, il faut ncore bailler un homme vivant, mourant et confisquant, afin que le Seigneur ait quelqu’un qui luy puisse faire la foy et hommage ; mais à l’égard des terres en Censive ou Roture, pour esquelles on ne doit point la foy et hommage, il n’est point necessaire de bailler l’homme vivant, mourant et confisquant.

La Dame Gobelin, Prieure du Convent de S. Louis, eut cette prétention contre la Dante Abbesse de S. Amand, pour quelques terres qu’elle avoit acquises en sa Censive. Elle luy offrit l’indemnité, mais elle se défendit de bailler l’homme vivant, mourant et confisquant, L’affaire ayant été portée en la Cour, sur l’appel de la Dame de S. Loüis d’une Sentence qui la condamnoit à payer l’indemnité, et à bailler l’homme vivant, mourant et confisquant : Par AArrest de la Grand. Chambre, au Rapport de Mr Cormier, du c6 de Mars 1661. la Senrence fut confirmée, et la Cour ajoûta que la Dame Abbesse de S. Amand seroit tenuë de remplacer en fonds les deniers provenans de cette indemnité, ou de les employer aux reparations de son Abbaye, dont il seroit dressé Procez verbal ; et afin que l’on n’en doutât plus la Cour en a fait une décision generale par l’Article 21. du Reglement de l’an 1666 Puisque donc l’Eglise et les autres gens de main-morte sont obligez à ces deux conditions, il faut sçavoir en quoy consiste cette indemnité, et quel est le profit qui revient au Seigneur de lhomme vivant, mourant et confisquant. La Coûtume n’a point expliqué comment cette indemnité doit être payée. On la regle au Parlement de Paris au cinquième denier, suivant les Ar-ticles 29. et 30. de la Coûtume de Melun, qui est suivie, parce que la Coûtume de Paris n’en a point parlé. La Coûtume de Sens regle l’indemnité selon le revenu de trois années de la chose acquise, ou sur le sixième denier de sa valeur et du prix de l’acquisition ; et à Paris l’on fait payer l’indemnité, nonobstant le payement des quints et requints, contre l’opinion de Mr le Maistre Maistre et de Me Charlesdu Moulin , et suivant celle de Mr d’Argentré , sur l’Article 346. et deTronçon , sur la Coûtume de Paris, Article 1.

En cette Province on la regle au quart denier pour les rotures, et au tiers denier pour les fiefs. Les Religieuses de S. Jean d’Andely avoient acquis de Gabriël Do, Ecuyer, sieur de Villers, un héritage roturier, relevant de Mre Michel de Roncherolles, Maiquis de Maineville. Elles furent condamnées au payement du treizième et de l’indemnité, qui fut reglée au quatrième denier. Sur l’appel par les Religieuses, elles prétendoient ne le payer qu’au cinquième denier ; par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 2 de Juillet 1654. la Cour mit sur l’appel les parties hors de. Cour ; plaidans Lyout pour les Religieuses, et moy pour le Marquis de Maineville.

Par ce même Arrest on décida cette autre question. Les sieurs Pouchet avoient promis 8400 livres à ces Religieuses pour l’entrée de leurs filles en ce Monastere. Ils en avoient payé l’interest durant quelques anneés, et depuis pour s’acquitter de cette somme ils baillerent en paye-ment à ces Religieuses vingt : quatre acres de terre. Le sieur de Maineville et le sieur de Villers en demanderent le treizlême et le droit d’indemnité, qui leur furent ajugez. Sur l’appe des sieurs Pouchet, leur Avocat remontra que ces terres qu’ils avoient baillées aux Religieuses étoient au lieu de la legitime de leurs filles, que suivant la Maxime du Palais il n’étoit dû aucuns trofits Seigneuriaux de ce que le pere donné à sa fille en dot. Je répondois qu’il y avoil différence entre la donation d’une terre pour le mariage d’une fille, et la cession faite pour l’entrée d’une fille en Religion. Lors qu’un pere donne une terre à sa fille en la mariant, les droits du Seigneur ne sont point diminuez ; mais par la cession faite à des gens de main-morte, les droits du Seigneur son aneantis ; ce qui ne se peut faire sans l’indemniser. Par le même Arrest on confirma la Sentence.

Autre Arrest en la Grand. Chambre du Is de Decembre 1662. entre Nicolas du Four, Ecuyer, sieur de Longueruë, appelant d’une Sentence renduë par le Bailly de Roüen, par laquelle les eligieuses du Val de Grace n’étoient condamnées à payer le droit d’indemnité qu’au cinquième denier, la Cour en reformant la Sentence regla le droit d’indemnité au quatrième denier.

Ces Arrests ont servi de fondement à l’Article 21. du Reglement de l’an 1666.

Gerault, sur cet Article, aprés avoit rapporté un Arrest du Parlement de Paris, par lequel Il avoit été jugé pour l’Hôtel. Dieu de Boulogne, que le Seigneur seroit contraint de recevoir leindemnité à la raison du tiers pour les fiefs, et du quart pour les rotures, ajoûte ces paroles, que sur ce il est intervenu Arrest entre les Religieux de S. Dominique d’Argentan, et Christophe et Jacques Guyard.

Il semble que cet Auteur a voulu dire que par cet Arrest, l’indemnité a été réglée pour les rotures au quatrième denier. Cependant cet Arrest jugeoit tout le coutraire de ce qui s’observe aujourd’huy ; car à l’égard de l’indemnité elle fut reglée au quatrième denier, si mieux lesdits Religieux de S. Dominique n’aimoient bailler homme vivant, mourant et confisquant. juivant cet Arrest l’indemnité n’étoit dué qu’au quatrième denier, et on laissoit au choix desdits Religieux, ou de payer l’indemnité, ou de bailler homme vivant, mourant et confisquant.

Mais sans doute la derniere jurisprudence est plus conforme à cet Article, et le Reglement ayant été fait aprés une meure déliberation, il ne seroit pas juste de s’en départir.

Il seroit neanmoins raisonnable de faire quelque différence pour les héritages situez en Bourgage.

Comme l’on ne doit à cause d’iceux aucuns reliefs ni treizièmes, et que par consequent le Seigneur ne souffre pas une si grâde diminution de ses droits, l’indemnité doit être beaucoup moindre.

Sur ce même principe ne seroit-il pas encor fort juste d’accorder aux gens de main-morte une pleine liberté pour acquerir des terres en Franc-Aleu, en exemption de tous droits, et sans pouvoir être contraints d’en vuider leurs mains ; car à l’égard des Seigneurs feodaux, comme ils n’y ont aucun droit de feodalité, il ne leur est rien dû ; et de quelque qualité que soient es possesseurs de ces sortes de biens, leur condition est toûjours pareille, la possession d’un Laique ne leur pouvant être plus utile que celle d’une Communauté.

Le Roy même y est sans interest, car les gens de main-morte demeurent toûjours sujets à sa ustice, et il n’auroit pas d’autre avantage quand un Laique demeureroit proprietaire de ce Franc : Aleu.-

On convient que les Seigneurs particuliers n’ont point d’action pour troubler les gens de main-morte en la possession des alodiaux, parce qu’ils n’en souffrent aucun dommage : mais le Prince et l’Etat ont un notable interest d’empescher que les biens en Franc-Aleu ne tombent en la main de gens de main, morte ; car il importe au public que ces biens-là, comme les autres, soient possedez par des personnes capables de rendre service à l’Etaet : Hoc respicit publicum et commune interesse reipublice, quod aeque se habet ad omnia bona immobilia Laicorum, sive int seodalia, sive alaudialia et libera et franca ;Molin . de feud. 8. 57. gl. 2. n. 92. et sed. C’est pourquoy cet Auteur soûtient, comme a fait Pontanus au lieu que j’ay cité sur l’Article precedent, que la distinction des Canonistes pour les biens alodiaux n’est point reçûë en France, et qu’encore qu’ils ayent enseigné que les Coûtumes qui défendent aux Laiques de vendre à l’Eglise des biens alodiaux soient nulles, on ne doit point se mettre en peine de leur opinion, non plus que de la Constitution d’Alexandre IV . c. 1. de immunit. Eccl. et de cette autre Decretale, Clericis, au même titre qui punit les Laiques, lors qu’ils aexigent quelques droits sur les gens d’Eglise, quia regnum Franciae nec Papam, nec alium superibrem recognoscit in temporalibus, per cap. venerabilem qui filii sint legitimi. aux Decretales.

Il faut donc que les gens de main-morte obtiennent des lettres d’amortissement pour ces sortes de biens, comme pour les feodaux et pour les roturiers. Ils ont besoin de cette grace du Prince qui les rehabilite, et pour user des termes deChopin , mortuas manus lege solvit, adscribit in ordinem, ac velut exheredatis dat bonorum possessionem

L’autre condition où la Coûtume engage l’Eglise et les gens de main, morte est de bailler homme vivant, mourant et confisquant. Plusieurs Coûtumes sont conformes à la nôtre.

Il y en a qui les déchargent de bailler l’homme confisquant ; sur cette consideration que l’Eglise et les autres gens de main-morte n’étant que de simples usufruitiers, il ne seroit pas juste que pour le crime commis par un homme baillé par l’Eglise le bien fût confisqué. C’est le sentimentdu Moulin ,. 8. 51. gl. 2. n. 62. et c’est l’usage Paris, où les gens de feud main-morte ne donnent que l’homme vivant et mourant.

Quelques Auteurs, comme Mr le Maistre Maistre Papon etFerrerius , ont tenu que les gens de main-morte ne doivent que l’indemnité, ou l’homme vivant, mourant et confisquant.

D’autres ont fait distinction entre les Seigneurs Justiciers, et les Seigneurs feodaux et censiers.

Les Seigneurs Justiciers peuvent demander non seulement l’indemnité, mais aussi l’homme vivant, mourant et confisquant, parce que la confiscation dépend de la Justice, et c’est l’usage. du Parlement de Tholose. Mr d’Olive , l. 2. c. 12.

Quoy qu’il en soit pour les autres Coûtumes ce n’est plus une chose douteuse en cette Province, que les gens de main-morte doivent l’indemnité, outre l’homme vivant, mourant et con-fisquant, afin qu’aprés la mort ou par le crime de cet homme, le Seigneur puisse recueillir les profits qui appartiennent aux fiefs suivant la Coûtume.

Cette nécessité que l’on impose aux gens d’Eglise et de main morte de bailler un homme confisquant, n’est pas inutile et illusoire. Si cet homme commet quelque crime qui emporte la confiscation, la peine en tombe sur l’Eglise, quia Ecclesia patitur penas conventionales.

Mais l’Eglise n’en souffre point de préjudice, parce qu’elle ne choisit que des gens sans reproche, et en effet on auroit de la peine à trouver un exemple d’une confiscation semblable.

On demande si par la mort civil de l’homme confisquant, il y a ouverture à l’action du

Seigneur ; On fait distinction entre les actes commandez par la Loy et par la Coûtume, et ceux ausquels l’on est obligé par contrat, ou par convention faite avec le s hommes, parce que la loy comme maîtresse du droit civil parle civilement : mais pour les contrats il falloit attendre la mort naturelle, parce que l’homme parle naturellement, et faisant mention de mort en ses contrats, cela ne se pouvoit entendre que de la mort qui luy est familiere et commune Suivant cette distinction la mort civil donneroit ouverture à l’action du Seigneur en cette Province ; car c’est la loy qui parle, et qui oblige les gens de main-morte à bailler l’homme confisquant.

On peut, à mon avis, faire cette distinction, que lors que la mort civil emporte la confiscation des biens, comme au bannissement, ou à la condamnation aux Galeres à perpetuité, il y a ouverture à demander les droits Seigneuriaux : mais quand il s’agit de convention où l’on n’entend parler que de la mort naturelle, en ce cas il n’est pas raisonnable de donner le même effet à la mort civil, qu’à la mort naturelle.

Il y a plus de difficulté lors qu’un homme change la vie seculière en monastique, car les Religieux sont reputez morts au monde.Benedicti , sur le Chap. Rainutius, in verbo, duas abens filias, n. 143. si filius, inquit, sit Monachus, in omnibus et per omnia habetur pro mortuo naturaliter, & secundum consuetudinem hujus regni à succedendo excluditur : & in verbo, mortuo itaque testatos, n. 302. in isto regno quamcunque quis profiteatur Religionem, habetur pro mortuo, et ideb heredes scripti possunt adire hereditatem.

Berengarius Fernandus , en son Commentaire, de filiis natis ex matrimonio ad Moroanicum contracto, C. unic. de feud. assure que quand le fils embrasse une Religion qui ne possede rien en commun ni en particulier, comme sont tous les Moynes, il ne peut succeder cn France.

La profession de Religieux opère si véritablement les mêmes effets que la mort naturelle, que par Arrest de ce Parlement il a été jugé que le doüaire est éteint par la profession de Religion que fait la doüairière. Il est vray que le Parlement de Paris a jugé le contraire ; mais comme sur ce point nos Maximes sont opposées, et que nous étendons plus loin que l’on ne fait à Paris. les effets de la mort civil, on peut conclure que dans la question proposée il y a ouverture aux profits feodaux par la profession de l’homme vivant et mourant.

On peut dire au contraire que quand les Religieux sont reputez morts au monde, cela se doit entendre pour n’être plus habiles à succeder, contracter, et faire tous les autres actes de la vie civil, et non point pour paroître tanquam capite minuti comme n’étant plus capables des effets civils ; au contraire in gloria vivere perpetuo sunt existimandi. L’homme vivant et mourant n’est point un véritable vassal, mais par fiction seulement : De sorte que venant à faire profession de Religion personne ne luy doit succeder au fief, parce que la proprieté et la Seigneurie d’iceluy demeure toûjours aux gens de main-morte, et par consequent il faut attendre sa mort naturelle.

C’est une maxime confirmée par plusieurs Arrests du Parlement de Paris, que comme le droit d’amortissement est personnel, et qu’il ne profite qu’à ceux qui l’ont obtenu du Roy, aussi seindemnité qui se paye aux. Seigneurs est une grace et un privilege qui ne sert qu’à ceux qui l’ont payé, et qui ne dure qu’autant qu’ils sont en possession du fonds : mais il ne passe point à ceux qui leur succedent en la proprieté d’iceux, par achapt, échange, ou autre titre. Ainsi quoy que des héritages amortis passent d’une main-morte à une autre main-morte, ces nouveaux possesseurs tombent dans la même obligation, ou d’en vuider leurs mains, ou de payer l’indemnité et de bailler homme vivant, mourant et confisquant. Mr le Prestre Prestre, Cent. l. c. 87. en rapporte un Arrest prononcé en Robes rouges. Les Chanoines d’Arras avoient payé les droits d’amortissement et d’indemnité pour un fief qu’ils avoient acquis ; deux cens ans aprés ayant vendu le même fief à des gens de main-morte, Mr de Chaune demanda d’être indemnisé, et par ledit Arrest les Chanoines furent condamnez à payer l’indemnité. On peut voir là-dessus plusieurs Arrests qui sont rapportez par de laLande , sur les Art. 40. et 41. de la Coûtume d’Orléans.

Depuis on a agité cette autre question, si cela devoit être aussi pratiqué, lors que les heritages amortis sont acquis ou transferez à des gens du même ordre, que ceux qui les ont vendus Cette difficulté a été décidée au Parlement de Paris entre les Prieur et Religieux de S. Martin des Champs, et les Religieuses Carmelites de la rue Chapon. En l’année 1626. ces Religieuses avoient acquis conjointement avec les Religieuses du même Ordre du Fauxbourg S. Jacques une maison qui étoit en la Censive des Prieur et Religieux de S. Martin des Champs, à qui dés ce temps-là ils en avoient payé non seulement les lors et ventes, mais aussi le droit d’indemnité En l’année 1643. les Religieuses Carmelites de la rue Chapon, proche lesquelles cette maison étoit ituée, ayant acquis par échange desdites Religieuses du Fauxbourg S. Jacques la moitié qui leur appartenoit, moyennant quelques rentes qu’elles leur bailloient en contr’échange, les Prieur et Religieux de S. Martin les avoient poursuivies en l’an 1648. pour leur payer le droit d’indemnité, si mieux elles n’aimoient en vuider leurs mains.

Contre cette demande les Religieuses Carmelites disoient pour défenses que les demandeurs étoient hors d’interest, parce que lors de la premiere acquisition par elles faite, ce droit d’indemnité leur avoit êté entièrement payé, que la maison étant toûjours demeurée entre leurs mains, on ne pouvoit pas dire qu’il y eût changement par cette nouvelle acquisition, la maison demeurant de la même qualité et condition qu’elle êtoit auparavant, icelle passant de mainmorte en main-morte : ce qui faisoit qu’il n’y avoit mutation ni de qualité, ni de condition. d’héritages, ni de qualité ni de condition de personnes, dautant que l’échange êtoit faite entre des Religieuses d’un même Ordre, qui avoient un même Superieur, et qui s’assistoient mutuellement dans les occurrences et dans la necessité.

Les demandeurs au contraire soûtenoient que tous amortissemens êtoient personnels, et qu’ils ne pouvoient profiter qu’à ceux qui les avoient impetrez pendant le temps qu’ils posdedoient lhéritage amorti, tellement qu’encore que lhéritage amorti passast de main-morte en main-morte, le premier amortissement n’étoit plus considérable ni pareillement le droit d’indemnité, quand l’héritage tomboit en main-morte, que c’étoit l’opinion deBacquet , du droit d’amortissement, c. 46. n. 4. et 12. Opinion confirmée par plusieurs Arrests par luy rapportez, que la distinction que l’on avoit voulu mettre entre gens de main-morte d’un même Ordre n’étoit point considérable, parce qu’encore que lesdites Religieuses fussent d’un même Ordre, c’étoit neanmoins deux Communautez distinctes qui avoient un revenu pauiculier et separé. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand Chambre du 20 d’Avril 1651-contre les Conclusions de Mr l’Avocat GeneralBignon , la Cour, sur la demande desdits Prieur et Religieux, mit les parties hors de Cour.

Si l’héritage amorti rentre dans le commerce, et qu’il passe d’une main-morte en une personne Laique, sera t’il encore tenu en aumône, et l’acquereur Laique sera-t’il exempt des lots et ventes ; La terre de l’Hermitage tenuë en aumone du Roy, et amortie, avoit été venduë à Charles de Nollent, Ecuyer, sieur de S. Michel ; le treizième en fut demandé par Jac-gues Marguerit, Receveur du Domaine de Falaise, prétendant que cet héritage amorti étant possedé par une personne seculiere, il étoit sujet au droit de lots et ventes. Le Juge de Falaise ayant ajugé le treizième au Roy ; François de Droulin, Ecuyer, sieur d’Avoines, tuteur des enfans de feu Alexandre de Droulin, sieur de Chantelou, s’en porta appelant à la CourIl disoit que par l’amortissement son fonds avoit été affranchi, et déchargé de toutes rede-vances feodales, et l’indemnité qui avoit été payée au Seigneur feodal l’avoit mis hors d’interest : l’Eglise en vendant ou alienant l’héritage qu’elle possede, elle en tire un plus grand profit à cause qu’il est tenu en franche aumons, et qu’il est exempt de tous les droits feodauxLes héritages tenus en aumône, ne sont pas feuls en cette Province qui ne doivent point de droits Seigneuriaux. La Coûtume dans l’Article 102. reconnoit une tenûre en Franc-Aleu re qui n’a point d’autre Seigneur que le Roy pour sa Jurisdiction, et l’héritage tenu en Bourgage est exempt de relief, treizième, s’il n’y a titre ou possession contraire. L’héritage qui cu doit relief, doit necessairement être mouvant de quelque fief ; or l’héritage tenu en aumone comme un fonds amorti, ne réleve d’aucun fief.

On alléguoit au contraire qu’en faveur des Ecclesiastiques on faisoit valoir ces raisons, quand les héritages étoient possedez par leurs mains, mais lors qu’ils les alienoient ils retournoient aisément à leur première nature, unaquaeque res facile revertitur ad pristinam naturam & mutatione personae mutatur rei qualitas. L’amortissement ne subsiste qu’en la personne des Ecclesia-stiques ausquels il a été accordé, et quoy que par ce moyen les droits feodaux ayent été éteints, cette extinction neanmoins êtoit conditionnelle, en cas que l’Eglise possedàt toûjours le fonds amorti, autrement s’il sortoit de leurs mains il retournoit à sa première nature, 1. qui res suas, I. qui rem alic. ff. de solut. Terrien Terrien a été de ce sentiment sur le Chap. de ten. de l’ancienne Coûtume, où il dit, que l’héritage demeure amorti tant qu’il sera tenu en main-morte, et non pas incommutablement, car s’il vient en main d’homme mourant et confisquant, il cessera d’être amorti et re-tournera à sa premiere condition. C’est aussi l’opinion deBacquet , Chap. 46. du droit d’amort. que l’amortissement est personnel, ce qu’il confirme par l’autorité d’un Arrest du Parlement de Paris. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre du 13 de May 1631. la Sen. tence fut confirmée, plaidant Gior, Coquerel, Aleaume, et Caruë.

Lors des premieres alienations qui furent faites sous Charles IX. on douta si les biens Eeclesiastiques étant acquis par personnes Laiques demeureroient en tenûre d’aumone, ou s’ils reprendroient leur première nature. Jay appris qu’il fut jugé conformément à l’Arrest precesent pour Gilles de Lieurray, fieur de Marcilli, qu’ils retournoient à leur premiere qualité, et qu’ils seroient tenus par foy et hommage.

Quand les gens de main-morte ont payé le droit d’indemnité au Seigneur immédiat, le Seigneur superieur ne peut les troubler, bien que puis aprés à faute d’homme il prenne possession du fief, dont les fonds amortis étoient relevants, parce que celuy qui le possedoit a pû a user de ses droits et disposer des choses qui étoient en sa mouvance et en sa Seigneurie directe.

Le Seigneur neanmoins ne peut pas contraindre l’Eglise ou autre corps de main-morte à mettre hors de ses mains les héritages qu’ils possedent, s’il les a reçûs à faire la foy et hommage, ou s’il a été payé treizième : C’est la doctrine dedu Moulin , 5. 61. n. 71. et de tacquet c. 35. n. 5. des Francs-fiefs. Si toutesfois il n’avoit reçû que les arrerages de sa rente Seigneuriale, on ne pourroit pas fonder là-dessus une fin de non recevoir contre sa demande B pour son indemnité, suivant le sentiment même du Moulin au même liéu. Dominus qui recepit censum prestari solitum non sibi, prajudicat in jure expellendi Ecclesiam, quia census est onus ordinarium debitum, & omnino solvendum à quovis possessore.

Sainson La Coûtume de Tours, Art. 41. est contraire à ce que je viens de dire, ce que Sainson ne peut approuver, comme êtant contre la disposition du droit civil, ibidem. Voyez Bacquet des nouveaux Ac4. c. 35. n. 5. La Coûtume de Blois, en l’Art. 45. en a fait une disposition expresse, sur lequel Pontanus assure que le Seigneur a dû dés le commencement expliquer son intention, et faire son option ; autrement en se faisant payer de l’un ou de lautre de ces droits differens, on presume qu’il renoncé à fautre. Il convient neanmoins que cela ne doit point être étendu au payement cens ou terrage, ou de quelqu’autre redevance feodale. Ce qu’il prouve par le raisonnement que j’ay rapporté dedu Moulin , qu’apparemment il avoit emprunté dePontanus .

Le Seigneur pour être payé du droit d’indemnité, ne doit pas commencer par la saisie, car il ne luy est pas acquis de plein droit, et aussi-tost aprés le Contrat. Les gens de mainmete ont loption de le payer ou de mettre le fonds hors de leurs mains dans un temps, le-quel même ne commence à courir que du jour que le Seigneur a formé sa demande. C’est pourquoy il doit commencer par une action, par laquelle il conclura qu’ils seront tenus de vuider leurs mains, ou de payer les droits ausquels ils sont sujets par la Coutume. Les Religieuses Cordelieres avoient acquis un héritage dans la mouvance du Baron de Bulli, aprés trois Sans de joüissance elles furent poursuivies par le Seigneur pour le payement des profits de fief.

Elles y furent condamnées, et il fut permis au Seigneur de joüir de la moitié des héritages jusqu’à l’actuel payement dudit droit. Sur l’appel Maurry, Avocat de ces Religieuses, disoit que l’on avoit dù leur deférer cette alternative, ou de payer, ou de remettre l’héritage dans un temps. et qu’elles n’avoient point perdu ce droit d’option par les trois ans qui s’étoient écoulez dequis le Contrat. Le Févre répondoit que les choses n’étoient plus entieres, qu’elles avoient consommé la faculté qu’elles pouvoient avoir, ayant payé le treiziéme, et possedé pendant trois années, et par cette joüissance elles avoient expliqué nettement leur dessein de vouloir garder l’héritage. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre de l’11. d’Aoust 1656. on cassa la Sentence, et aprés la déclaration des Religieuses on leur donna un temps de trois mois pour revendre l’héritage, et à faute de le faire dans cé delay, il fut permis au Seigneur de le saifir.

Si les Ecclesiastiques ne veulent point payer le droit d’indemnité, et qu’ils revendent lhéritage qu’ils avoient acquis, il en resulte cette difficulté, si pour la validité de cette alienation ils sont tenus de garder toutes les formes et les solemnitez prescrites par les Canons et par les Ordonnances : La negative me paroit sans difficulté, car lhéritage n’ayant point été amorti, et de Seigneur feodal n’ayant point encore agreé le contrat, on ne peut reputer ce fonds-là un bien urement Ecclesiastique, à l’effet d’être inalienable que par les mêmes voyes que lancien domaine de l’Eglise peut être aliené. C’est un bien qui n’est point encore sortl du commerce, et qui retient sa premiere condition jusques aprés l’amortissement : Le Roy et les Seigneurs dans la censive desquels l’héritage est assis peuvent obliger les possesseurs d’iceluy d’en vuider leurs mains toutesfois et quantes, n’étant pas permis aux gens de main-morte de posseder aucuns fonds sans prendre des lettres d’amortissement du Roy, de sorte que tandis qu’ils n’ont point brenu ce privilege, ils ne sont point reputez en avoir eu la parfaite proprieté. Il fut jugé conformément à ces raisons en l’Audience de la Grand. Chambre du Parlement de Paris le 19 d’Avril 1649. oi les gens de main-morte ont été forcez de vuider leurs mains des héritages qu’ils avoient acquis, il est important de sçavoir si le Seigneur peut demander les lots et ventes de ce contrat : cette difficulté peut être décidée par cette distinction, que si les gens de main, morte les ont revendus volontairement à des personnes qui soient capables de les posseder, les profits en sont dus, parce que leur contrat a eu son entière execution par la paisible joüissance qu’ils ont eué, de Seigneur feodal ne les ayant point poursuivis pour en vuider leurs mains : De sorte qu’en ayant par aprés disposé volontairement, cette vente volontaire donne au Seigneur les profits de fief. Cela reçoit encore moins de diffitulté, lors qu’ils ont tiré du profit de cette revente. si au contraire le Seigneur les a forcez de se dessaisir, en refusant de les accepter pour ses rassaux, et qu’il les y ait fait condamner par Justice, en ce cas l’acquisition étant resolué sur sa poursuite même, il n’a pas droit d’en demander les lots et ventes en vertu d’un contrat dont il a luy-même empesché l’execution. Et puisque le Seigneur ne peut exiger les profits de fief, que lors qu’il est prest, et qu’il consent d’investir l’acquereur, et de le recevoir pour son vassal, e il ne luy reste aucune action contre celuy qu’il ne veut point accepter.Molin . de feud. 8. 33. gl. 1. n. 14. et 135. De laLande , sur les Articles 40. et 41. de la Coûtume d’Orléans. Mais je ne doute point que les lots et ventes ne soient dûs de cette revente Par ces mêmes raisons on peut décider une question qui n’est à present que trop ordinaire, si le huitième denier peut être exigé de ces sortes de biens, dont les Ecclesiastiques se sont dessaisis auparavant que d’en avoir obtenu l’amortissement et d’en avoir payé le droit d’indemnité, ou dont ils ont été forcez de vuider leurs mains ; car ces biens non amortis ne pouvant passer pour un véritable domaine de l’Eglise, puisqu’on a contraint les possesseurs de s’en dessaisir avant qu’ils en fussent proprietaires, on ne doit pas tant considerer la personne qui a rendu, que la chose qui a été venduë, parce que ce n’est qu’à cause de la chose que le huitième denier est demandé.

Par l’Edit fait en faveur des Ecclesiastiques, on leur permet de retirer leurs domaines alienez : On demande si les terres par eux acquises, et non amorties, et depuis venduës par eux, pouvoient être retirées en vertu de cet Edit : Il y a grande différence entre l’ancien domaine de l’Eglise, qui est amorti, et qui par consequent est devenu inalienable, et les terres acquises par les Ecclesiastiques, elles n’acquierent aucun privilege ni prerogative pour passer en leurs mains, au contraire ils ne peuvent les retenir ni les conserver que par la permission du Roy, et en payant l’indemnité aux Seigneurs, et baillant homme vivant, mourant et confisquant ; autrement ils sont forcez de les mettre hors de leurs mains, à quoy le Roy et le Public ont interest, parce que les terres possedées par les particuliers portent leurs charges, mais quand elles entrent en la main des Ecclesiastiques elles en sont exemptes. Or étant une fois retombées en la possession des Laiques le retrait que les Ecclesiastiques en feroient leur seroit inutile, puis qu’aussi-tost on les forceroit à s’en défaire, et comme les choses naturelles retournées à leur centre n’en peuvent ressortir sans force ; ainsi la possession reprise par les Laiques des terres sorties de leurs mains, ne leur peut être derechef ôtée par les Ecclesiastiques, qu’en faisant préjudice à l’Etat : Que si en cette Province les Ecclesiastiques ne peuvent user de retrait feodal, quoy qu’il soit réel par cette raison qu’ils pourroient retirer tout ce qui releve de leurs fiefs, par la même raison ils ne peuvent forcer les Laiques à leur remettre les terres qu’ils avoient achetées d’eux auparavant, Ce privilege est restraint à leur ancien domaine amorti, et encore que l’Eglise ait possedé par quarante ans en exemption de bailler homme vivant, mourant et confisquant, et qu’elle ne doive plus qu’une simple déclaration, cette prescription peut bien valoir à l’effet d’empescher le Seigneur de demander ses droits, mais apparoissant de l’acquisition, cela ne change point de qualité ni de condition. Cette question fut agitée entre le Doyen et Chanoines de Roüen, et Claude Bertout, pour le retrait d’un héritage aliené par le Chapitre, qui l’avoit acquis par decret long-temps auparavant ; le possesseur avoit consenti de le remettre en le remboursant, sur quoy on avoit donné un Arrest, mais aprés avoir long-temps procedé sur la liquidation des augmentations, les heritiers du possesseur se pourvûrent par lettres de Requête civil, et par Arrest les parties furent remises en tel état qu’elles étoient auparavant, et le Chapitre fut debouté de son action.

Quoy que régulierement les droits d’amortissement et d’indemnité doivent être acquittez par les gens de main-morte, on a fait neanmoins une grande question pour les donations faites à PEglise, à charge de services. Les uns tenans que l’heritier du donateur en demeuroit chargé, les autres estimans que quand le donateur n’avoit point imposé cette charge à son heritier, il n’étoit pas juste de la luy faire porter.

Le Parlement de Paris a fait différence entre les donations entre vifs, et les donations testamentaires ; pour les donations entre vifs les heritiers du donateur ont été déchargez de payer les droits d’amortissement et d’indemnité, parce que quand il s’agit de contrats il n’y a rien à suppléer ; on n’admet point de conjectures, ni de consequences. Guidquid adstringendae obligationis causa dictum est, id nisi palam verbis exprimatur omissum intelligendum est. l. quidquid. D. de verbor. oblig. Les contractans ont exprimé avec loisir et premeditation leurs volontez, et ainsi l’on ne doit rien ajoûter ni recevoir au de-là de ce qui est écrit.

Il n’en est pas de même des legs testamentaires, on présume qu’un testateur ayant légué à des gens de main, morte, il avoit l’intention de leur donner tout ce qui étoit necessaire pour le posseder et sans aucune diminution d’iceluy, voluit omnia prestari, sine quibus res possideri nequit. v. l. his solis verbis 1oz de leg. 3. 5. idem testata Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand, Chambre le 9 de Decembre 1655. entre la Dame Marquise de Bourry et les Religieuses de S. Jacques d’Andely, et les filles heritieres d’un nommé le Flamand et de l’Esperon, leur mere. Le Flamand avoit donné aux Religieuses de S. Jacques sept acres de terre pour l’entrée d’une seur dans leur Monastere. La Dame de Bourry demanda l’indemnité aux Religieuses qui appellerent en garantie les heritiers du Flamandi. par Arrest elles en furent déchargées, quoy que la donation ne fût pas gratuite, mais pour nourtir une autre Religieuse. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit du 7 de Juin 1660. le Curé de S. Denis donna par testament à son Eglise quelque héritage à charge de dire des Services : il mourut avant le temps necessaire pour rendre la donation valable ; mais l’heritier confirma volontairement la donation ; sur la demande de l’indemnité par le Seigneur, le Curé fit venir lheritier nommé le Vilain pour l’acquitter de ce droit, il y fut condamné par Sentence du Juge de Montivillier ; sur l’appel Greard son Avocat soûtenoit qu’il n’étoit point obligé d’acquirter ce droit, que les Arrests des autres Parlements que l’intimé citoit à son avantage ne pouvoient faire de décision en cette Province dont la Coûtume avoit extrémement restreint la liberté de tester, que du Du Moulin avoit été de ce sentiment en ses Notes sur la quest. 9. de Roan. Joan. Galli ; qu’aprés tout quand on voudroit imiter la jurisprudence du Parlement de Paris, on pourroit reputer cette donation entre vifs, puisque celle du testament êtoit nulle, et qu’elle ne subsistoit qu’en vertu de la ratification, de sorte qu’à proprement parler il étoit le véritable donateur ; et afin que la volonté du défunt fût executée, il offroit de faire dire les Services en luy quittant le fonds, ou de payer annuellement cent livres. Il alléguoit aussi en sa faveur l’Arrest du Flamand. Cahaignes pour l’intimé concluoit par les raisons et les autoritez apportées par MrLoüet , l. a. n. 12. Mi l’Avocat General, le Guerchois, luy donna ajonction, néanmoins on cassa la Sentence et l’heritier fut déchargé, la déclaration de l’heritier et la ratification qu’il avoit faite du testament rendoient sa cause tres-favorable.

Bacquet du droit d’amort. c. 619. a traité cette question, et rapporté les raisons et les Arrests pour et contre, et dit que la question n’a point encore êté décidée ; mais dans le Jour-nal des Audiences il y a un Arrest par lequel on a jugé que pour les donations entre vifs le troit d’indemnité étoit à la charge du donataire, secus pour les legs testamentaires, l. 3. c. 67.

Aprés avoir parlé de la qualité des personnes qui peuvent être poursuivies pour les droits d’amortissement et d’indemnité, il faut aussi connoître les choses pour lesquelles ils peuvent tre demandez. Ce sont les fiefs et les rotures ; l’indemnité néanmoins n’est pas également duë des uns et des autres : Elle se paye pour le fief au tiers denier, et au quart pour la roture.

Pour les rentes constituées, nonobstant qu’elles soient reputées immeubles, elles en sont exemptes, parce qu’elles n’ont point d’assiete et ne sont immeubles que par fiction ; et les possesseurs d’icelles, quand même elles seroient particulièrement assignées sur quelque fonds, n’en doivent et n’en font aucuns droits ni devoirs aux Seigneurs ; ce qui a lieu pareillement pour le droit d’amortissement.

Cependant puisque tous les gens de main-morte sont indispensablement assujettis à ces droits d’amortissement, et d’indemnité, il faut maintenant sçavoir quel avantage il leur en revient, et de quelle nature et qualité sont ces droits, dont ils demeurent affranchis à l’avenir. Nos Coûtumes ne se sont point expliquées sur ce sujet, et elles ne nous ont point appris queiles sortes de charges s’acquitent par le payement de l’indemnité, ni pour quels autres droits i est necessaire de bailler l’homme vivant, mourant et confisquant Pour l’éclaircissement de cette matière, il faut remarquer que les droits Seigneuriaux sont de diférente condition. Il y en a qui ne se payent qu’à cause de certaines mutations qui arrivent, tantost les Seigneurs, et tantost des vassaux ; comme sont les reliefs, les treizièmes, les confiscations, a Commise, le droit de desherance, d’aubeine, de bâtardise, les aides-chevels, de mariage, de rancon, et autres, et ces droits sont appelez casuels, parce qu’ils n’ont aucun temps préfix et certain dans lequel ils doivent être acquitez ; mais ils se payent seulement en certains. cas et en certaines rencontres. Tous les droits de cette nature s’éteignent par l’indemnité que e Seigneur reçoit, à la réserve de la Commise et de la confiscation.

Il y a d’autres droits qui se payent, bien qu’il n’arrive aucune mutation soit de la part du Seigneur, soit de la part des vassaux, et leur terme est préfix, certain et ordinaire, comme E sont toutes les redevances et rentes Seigneuriales et foncieres, les corvées, les services de E Prevôté, la bannalité de four et de moulin, et autres charges réelles. Les droits qui sont réels Ene cessent point et ne sont point éteints par le payement de l’indemnité sans une convention u expresse.

Cela fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand. Chambre le 14 d’Aoust 1659. entre r le Duc d’Elbeuf et les Religieuses de Briosne. Les Religieuses avoient acquis dans la mouvance de Mr le Duc d’Elbeuf quelques héritages sujets au service de Prevôté, les autres vassaux voulans les assujettir à faire ce service, elles appelerent en garantie Mr le Duc d’Elbeuf pour eur faire cesser cette demande, il soûtint que n’ayant point stipulé expressément l’exemption de ce service, elles n’en étoient point liberées par le payement de l’indemnité, le Juge de Quatre. mares ayant debouté les Religieuses de leur garantie, sur leur appel intervint Arrest confirmaif de la Sentence, plaidaus pour elles Heroüer, Maunourry pour les vassaux, et Castel pour Mr le Duc d’Elbeuf.


CXLI.

Tenûre en pure aumône.

Neanmoins si l’Eglise a possedé fief ou heritage par quarante ans en exemption de bailler homme vivant, mourant et confisquant, ou de pourvoir à l’indemnité du Seigneur, elle tiendra de-là en avant le fief ou héritage en pure aumône, et ne sera tenue que bailler simple declaration au Seigneur.

Le Roy n’a point approuvé cet Article, parce que les Ecclesiastiques ne peuvent posseder aucuns biens sans sa permission, comme on l’apprend par le Procez verbal de la reformatiun de la Coûtume, néanmoins cet Article ne parle que de l’indemnité. C’est aussi le sentiment deBacquet , du droit d’amortissement, c. 60. que les gens d’Eglise ne peuvent se prévaloir de la prescri-ption, ni pas même de la centenaire, parce qu’elle seroit contre l’interest public, nullo tempore prescribitur amortisatio adversus Regem,Molin . de feud. 5. 51. n. 92. Voyez Salvaing 2. part. c. 59.

Les Coûtumes de France sont fort différentes sur cette sorte de prescriptions : Par l’Article 14. de la Coûtume de Blois, si les gens d’Eglise ou autre Corps de main-morte ont possedé les héritages par eux acquis pendant quarante ans, sans interpellation de les mettre hors de leurs mains les Seigneurs feodaux ne les y pourront contraindre : toutefois ils seront tenus de bailler aux Seigneurs feodaux, s’ils les en requierent, homme vivant et mourant ; et par la Coûtume de Tours, Article 2. le Seigneur ne peut les contraindre aprés quarante ans de remettre l’heritage ; mais pour l’indemnité elle ne se prescrit que par un temps immemorial, qui est de cent ans.

Celle d’Orléans, Article 40. n’admet la prescription qu’aprés soixante ans. On jugeoit autrefois à Tholofe que le droit d’indemnité ne se prescrivoit point ; par les derniers Arrests on a tenu qu’il pouvoit être prescrit sur ce fondement, que l’indemnité est donnée au Seigneur, au lieu les lots et ventes qui luy pourroient écheoir, si le bien n’étoit pas en main-morte, or les lots et entes pouvans être prescrits, l’indemnité qui est substituée en leur place, est sujette à la même loy.Cambol . l. 4. c. 23. Et c’est aussi l’avis de du Du Moulin et deBacquet .

Quoy qu’il soit dit en cet Article que l’Eglise qui a possedé par quarante ans, en exemption de bailler homme vivant, mourant et confisquant, ou de pourvoir à l’indemnité du Seigneur, il ne faut as entendre cette disjonctive ou, pour en conclure qu’il suffit de bailler homme vivant, mourant et confisquant, ou de pourvoir à l’indemnité du Seigneur, comme je l’ay déja remarqué sur l’Article precedent ; mais le sens est que si l’on a baillé l’homme vivant, mourant et confisquant, a et que l’on n’ait point payé l’indemnité, on ne pourra la demander aprés les quarante ans, quoy que l’on puisse demander l’homme vivant, mourant et confisquant, ou bien si l’on a payé l’indemnité, sans bailler homme vivant, mourant et confisquant, on ne pourra plus y assujettir l’Eglise, c’est à dire que l’un et l’autre droit peut être prescrit separément, Il est vray que suivât cet Article, le droit d’indemnité ne peut être prescrit par l’Eglise qu’aprés quarante ans : mais la consequence que Mr de Cambolas tire de la prescription des lois et ventes pour prouver que le droit d’indemnité est aussi sujet à lu prescription, ne me semble pas valable. On peut prescrire un treizième échû et pour une seule fois ; mais pour l’exemption du droit de treizième elle est imprescriptible dans les regles, parce que c’est un droit casuel qui peut n’écheoir qu’aprés cent et deux cens ans, et les terres ne se vendent pas toûjours. Si le droit de treizième se prescrivoit par quarante ans, il y a plusieurs siecles que ces droits seroient éteints, parce qu’il ne se trouveroit point de terre qui n’esit été possedée par quarante ans, sans être venduë. Aussi pour priver les Seigneurs de ce droit, il a falu en faire une disposition expresse en faveur de l’EglifeAprés une possession quadragenaire l’Eglise n’est plus tenuë qu’à bailler une simple declara-tion, dans laquelle les Ecclesiastiques pourront employer qu’ils ne sont point sujets de comparoir aux gage-pleges, ni de payer les reliefs, treizièmes et autres droits ce qui fut jugé le 15 de Février 1516 contre le sieur de Courbespine pour les Bourgeois de Bernay. Voyez la Coûtume de Bretagne, Article 347.

On allégue un cas favorable, où les gens de main-morte ne peuvent être forcez de vuider leurs mains, à sçavoir lors que le fonds a été donné pour la construction d’une Eglise Paroissiale, quelques-uns ajoûtent que cela doit avoir aussi lieu pour létablissement d’une école publique, voyez les Auteurs citez par de laLande , sur les Articles 41. et 42. de la Coûtume d’Orléans.


CXLII.

Que peut demander celuy qui a fait don de son bien à l’Eglise.

Celuy qui a fait don à l’Eglise de son héritage, n’y peut reclamer autre chose que ce qu’il a expressément reservé : neanmoins s’il luy a fait don de Patronnage sans reservation, les droits honoraires dûs aux Patrons luy demeurent entiers et à ses hoirs, ou ayans cause au fief ou glebe auquel êtoit annexé ledit Patronnage.

Un Philosophe disoit qu’il n’êtoit point necessaire de faire une loy pour obliger les hommes à reconnoître les graces et les biens qu’ils avoient reçûs, parce que la gratitude dans les ames bien nées est toûjours inseparable du bien-fait. Suivant le raisonnement de ce Philosophe, il étoit superslu d’ordonner à l’Eglise d’honorer son bien-faicteur, et de conserver à celuy qui luy fait lon du Patronnage tous les honneurs qui sont dûs aux Patrons, encore bien qu’il n’en ait fait aucune reserve.

Ca Coûtume mieux instruite par l’experience que ce Philosophe n’a pas ignoré que l’on perd ort aisément le souvenir d’un bien-fait, et c’est pourquoy elle enjoint justement à l’Eglise de reconnoître son bien-faicteur, quoy qu’il n’eûr exigé d’elle aucune marque de reconnoissance.

Ainsi cet Article n’est pas inutile, au contraire il contient deux décisions fort importantes et fort singulières ; la premiere, que les droits honorifiques demeurent aux Patrons entiers, sans qu’il soit besoin d’en faire réserve ; et la seconde, que les droits honorifiques passent aux hoirs, et à ceux qui ont cause au fief ou glebe, auquel le Patronnage est annexé-

La première disposition de cet Article est fort necessaire ; car les Docteurs Canonistes ont mis en problême, si celuy qui avoit fondé et bâti une Eglise pouvoit s’en conserver le droit de nonination sans une stipulation expresse ; Et Mr d’Argentré , dans son dernier Conseil, a tenu que les honneurs ne sont point dus au Patron, s’il ne les a expressément retenus en fondant l’Eglise ; et c’est une question célèbre entre etRochus de Curte Paulus de Citadinis , que l’Oyseau a conciliée par cette distinction, sçavoir que le parfait Fondateur, qui a donné le fonds, le bariment et la dot est Patron, ipsojure, sans avoir besoin de reservation : mais pour le Fondateur im-arfait, qui n’a donné que le fonds, le batiment, ou la dot, il n’est point Patron, si le droit ne Loyseau uy en a été expressément reservé avant la consecration ; Loyseau des Seigneuries, c. 11. n. 27. et 28.

Si nôtre Coûtume ne s’en êtoit pas expliquée si nettement, on auroit douté avec beaucoup plus d’apparence, si celuy qui yétoit dépoüillé du droit de nomination qui l’avoit aumoné Cou pour parler comme les Canonistes ) qui l’avoit rendu à l’Eglise, pouvoit encore retenir quelques droits ; Ceux qui regardent ces droits comme une servitude imposée à l’Eglise, ne les peuvent souffrir, sans une stipulation expresse, nulle servitude n’étant duè sans titre. Mais on ne doit pas mettre au rang des servitudes une reconnoissance si legitime ; la convention n’est pas nécessaire pour obtenir ces prerogatives ; elles sont dûës naturellement, ipso jure, et ex virtute agratitudinis. Aussi la Coûtume a fort prudemment ordonné que celuy qui avoit exercé enver lEglise cette seconde liberalité, ne méritoit pas moins de reconnoissance que le premier Fondateur.

Elle a suivi en ce point les belles maximes du droit Romain. Le Patron qui avoit remis à son affranchi le droit de luy succeder, ou les autres services personnels qu’il étoit obligé de luy rendre, ne laissoit pas d’être revéré par son affranchi, remissa non videbatur reverentia, l. 3. c. de bon. libert. et no7. 78. c. 2. Ainsi le Fondateur qui a remis son droit de presentation n’est point reputé remettre ce qui ne consiste qu’en des témoignages d’honneur et de revérence.

La seconde disposition de cet Article a décidé cette grande Controverse, si ces droits étoient versonnels ou réels ; elle les repute réels, et les attribué à celuy qui possede le fiefou la glebe où le Patronnage est annexé.

La Coûtume donnant à celuy qui a aumôné le Patronnage les droits honorifiques, et les faisant encore passer à ses hoirs, ou à ceux qui possedent le fief ou la glebe, il est necessaire d’expliquer en quoy consistent ces droits honorifiques ; s’ils sont personnels ou réels ; s’ils sont dûs de plein droit, et sans distinction dans tous les lieux consacrez au service divin : Je parleray aussi de la Seance que peuvent avoir dans l’Eglise ceux qui ne sont point Patrons, de la Preseance entre personnes de même qualité ou de condition différente, du droit de Banc et d’autres questions de cette natute.

bi les Fondateurs des Eglises avoient consulté l’humilité Chrêtienne, ils n’auroient point recherché d’autre recompense de leur aumone que la gloire d’une pieuse action ; mais l’ambition Saluste y a eu trop de part. Natura mortalium honoris avida & imperii, et praceps ad explendam animi cupidinem, dit Saluste. Ces Fondateurs exigerent avec empressement des honneurs et des témoigna-ges publies de leur liberalité, et comme les Payens avoient rendu leurs noms célèbres par les Temples qu’ils avoient élevez, les Chrêtiens à leur imitation se firent donner des titres, des inscriptions, des prieres publiques, de l’encens, des sepultures, et d’autres marques publiques d’honneur et de revérence. Ils appelerent de leur nom les Eglises qu’ils avoient bâties ; ils y faisoient graver leurs noms dans les lieux les plus éminens, imitans encore en ce point les Payens qui méttoient des inscriptions dans tous les ouvrages qu’ils donnoient au publie. Ce qu’on apprend par la l. 2. D. de aper. publ. qui publicum opus adificaverit munificentiae suae fructum capere potest, de inscriptione sui nominis huic operi.

Toutes ces marques d’honneur se donnoient avec facilité ; car d’un côté l’homme naturellement amoureux de la gloire, les affectoit avec passion. D’autre côté les Ecclesiastiques ne pouvoient pas se dispenser de reconnoître une charité si digne de loüange.

Nos Patrons se sont maintenus en la meilleure partie de ces prerogatives ; ils sont encore recommandez aux prieres publiques de la preseance, de l’encens, des sepultures ; peuvent mettre des Armes, des Litres et des Ceintures funebres à l’entour des Eglises Il faut remarquer que dans les prieres publiques l’on peut bien nommer l’Etat Ecclesiastique et celuy de Judicature, mais jamais personne de la Noblesse en particulier. Cela a été jugé au Parlement de Paris, au Rapport de Mr de Tambonneau, en l’année 1668. entre Goinbert, Seigneur de Beleau, et Gautier Elû-

La Noblesse de France a toûjours affecté passionnément ces honneurs : adeo sdit un Auteut le ce siecle Jinsionia gentilitia deperire Duces et Comites, ut vi aternae pietatis argumenta sacris. edibus à se constructis inscribere gestirent., Dadin de Haute-Serre Duc. et Com. Provinc. l. 3. c. 3.

De Roye ,. cap. 8. a recherché avec beaucoup soin et d’érudition l’origine de jur. honor nos Ceintures funebres, et de ce mot de Litre. C’étoit une coûtume parmy les anciens Romains. de faire graver et écrire sur les ouvrages publics leurs noms, leurs familles, leur dignité, et leurs actions remarquables. Les Chrêtiens n’eurent pas moins d’ambition, ils ne manquerent pas d’apposer leurs noms et leurs titres aux lieux les plus éminens des Eglises qu’ils avoient fait construire, ce qui se pratiqua dés le commencement du cinquième siecle. On rencontre encore aujourd’huy en plusieurs Eglises de ces inscriptions gravées sur des lames d’airain ou de marbre.

Les Litres aujourd’huy font à peu prés le même effet, et comme les familles nobles se distinguent particulièrement par leurs Armes, on appose les Armes du Patron au lieu d’y mettre son nom et celuy de sa Maison.

On convient de la chose, mais l’origine de ce mot de Litre est plus obseure. Le Maréchal le fait venir litura ; sed spongia lituraque digna notitia, dit un Auteur., Dadin de Haute-Serre Duc. et Com. l. 3. c. 3. en tire l’étymologie du mot Grec MOTGREC, qui signifie un Cercle ou une Couronne : nais il n’y a gueres d’apparence que les François ayent emprunté ce mot des Grecs. L’opinion Vossius est plus vray-semblable, que litre vient lista, qui signisie quelquefois une ligne, suivant l’observationSpelmanus , Vossius, etMénage . Ce qu’il confirme par l’autorité de Roye la Coûtume de Loudun, Chap. 5. Art. 2. qui appelle ces ceintures funebres listres. Ma conecture seroit que ce mot vient de litera. Scaliger ayant remarqué qu’en plusieurs lieux, et par-iculierement en Flandre, on prononce litra au lieu de litera, et les litres ayant succedé à ces litres et à ces inscriptions, qui s’apposoient aux lieux les plus éminens des ouvrages publics, on a retenu le mot de litera pour signifier l’apposition des Armes, qui se fait au lieu du nom et de la amille du Patron.

Toutes ces prerogatives dont on a honoré les bien-faicteurs des Eglises étoient attachées au commencement à leurs personnes, elles passerent en suite à leurs enfans, à leurs successeurs, et à ceux de leur famille. c. filiis c. considerandum si plures, 16. 4. 7. Mais on a mis en Controverse, si ces droits honorifiques étoient communicables aux étrangers, et s’ils pouvoient se trans-mettre à ceux qui possedoient le fonds ou glebe, dont la fondation faisoit autrefois partie.

L’on ne peut douter, suivant les preuves que j’en ay données sur. l’Article 1. du titre de Patronnage, que le droit de Patronnage dans son origine ne fût personnel, puisqu’au commencement Il étoit restraint à la personne des Fondateurs ; il est plus mal-aisé de sçavoir comment le chanement est arrivé, et de quelle manière il est devenu si absolument réel, que lors qu’il appartient des personnes Laiques il doit être nécessairement attaché à un certain fonds et à une certaine glebe, comme parle la Coûtume en cet Article.

Les grandes guerres que les Rois de la seconde Race eurent à soûtenir contre les Sarrazins. sles obligerent à demander du secours aux gens d’Eglise qui possedoient dés ce temps-là des biens tres-considérables : Ce fut alors que se firent ces infeodations, non pas seulement des dixmes, mais même des Eglises, que ceux qui en étoient investis tenoient en fief de l’Evéque ou du Prince, ce qui ne se fit pas par une usurpation qui ne puisse être défenduë, que par la lon gueur du temps ; ce fut une convention solennelle qui fut arrêtée, suivant le sentiment Mrde Marca , dans son Histoire du Bearn, l. 1. c. 18. dés le temps de Charlemagne et de Loüis le Debonnaire, et dans une assemblée tenue à Liptines en Cambresis, en l’année 743. dont la convocation fut faite par le Prince Carloman où assista Boniface, Archevéque de Mayence, Legat du Pape Zacharie Cacharie, il fut arrêté qu’en consideration des guerres que ce Prince avoit sur les bras, il retien droit pour un certain temps une partie des biens Ecclesiastiques à titre de Précaire, et sous un certain cens ou redevance annuelle, par chaque tenancier : que si le possesseur investi de ses piens venoit à mourir l’Eglise en êtoit ressaisie, si la nécessité n’obligeoit le Prince à continuer e Précaire : Or envertu de ces infeodations les Gentilshommes ne recevoient pas seulement l’investiture des dixmes, mais celle des Eglises, c’est à dire selon la manière de parler des Capitulaires, de tous les revenus Ecclesiastiques, consistans aux fruits, aux oblations et autres menus devoirs, et encore au droit d’établir le Prestre dans l’Eglise de la Paroisse ; de sorte que les Laïques ausquels les Eglises avoient été infeodées étoient en quelque façon maîtres du Corps de l’Eglise et de ses clépendances, et joüissoient du droit de Patronnage, des oblations, des prémices, et des dixmes en baillant un entretenement honnête au Prestre et en reparant l’Eglise, et ils faisoient si hautement valoir ce droit de proprieté qu’ils s’attribuoient la terre qui étoit aux environs de l’Eglise, et interdisoient, quand il leur plaisoit, l’entrée ou l’issuè l’Eglise par leur terre. Voyez de Marca l’Histoire de Bearn. l. 5. c. 30

Et bien que ces investitures ne fussent faites au commencement par le Prince, que pour la tie du possesseur, neanmoins à l’exemple des fiefs, ces investitures des biens et des fiefs d’Elise devinrent hereditaires et patrimoniales.

Sur ces investitures et ces infeodations des Eglises, et des biens qui leur appartenoient, ine autre partie de ces biens-là passa encore en la main des personnes Laiques, par cette aure voye. Les gens d’Eglise qui possedoient des biens considérables ayant été contraints pour leur conservation de se mettre en la protection de personnes puissantes, ces Avocats ou Avoüez ces Patrons, ces Vidames, qu’ils avoient choisis, se rendirent les maîtres absoluts de ces biens, dont ils avoient l’administration. L’on apprend par d’autres titres que les donations faites aux Eglises étoient conçûës en leur nom : Les resignations des Benefices se faisoient en leurs mains, sans le consentement de l’Evesque ; Can. Gonfaldus 11. 4. 2. Enfin ils se mirent en possession des Patronnages, des Dixmes, et des Terres qui leur avoient été baillées, c. cum Bertoldus de senten. et re jud.

Il arriva aussi que ceux qui possedoient le fief ou le fonds, dont la fondation de l’Eglise faisoit partie, partagerent entr’eux l’Eglise même, comme leur propre bien. Sic olim obtinuit usu pravo, contra jus et regulas Ecclesiasticas, ut cum loco ipsa Ecclesia transiret ad heredes. Janus Acosta Acosta ad capit. 2. et 3. de jure Patronatùs, aux Decretales. Ce que l’on apprend aussi par ces Vers deVenantius Fortunatus , Evéque de Poitiers, dans son Epigramme pour l’Eglise de S. Denis.

Exiguam dederat hic prasul AEmilius arcem.

Christicolam populum nec capiente loco.

Quo vita Claudente diem dehinc prole graduque

Venit ad heredes hoc opus hicque locus.

Enfin comme il étoit beaucoup plus commode pour l’Eglise que les Patronnages fussent annexez à quelque fonds certain, pour éviter la multitude de Patrons dont elle auroit été accablée, si ce droit eût appartenu à tous les heritiers du Fondateur, les gens d’Eglise donnerent volontiers les mains à rendre les Patronnages réels en les attachant à quelque fief ou à quelque glebe, et il fut même ordonné par les Canons 2. et 3. d’élire un Patron, et que les Eglises ne seroient plus divisées entre coheritiers

Pour l’explication de cet Article je rapporteray cette question qui s’offrit en l’Audience de la Grand.-Chambre entre Mr Charles Gruin, Conseiller Secrétaire du Roy, sieur des-Bordes, et tuteur de : ses enfans, seigneurs de Preaux, appelant et demandeur contre Me Charles de Maiol, Abbé Commendataire du Prieuré de Beaulieu, intimé et défendeur. L’appel n’étoit as considérable au principal, le sieur des-Bordes maintenoit que ses enfans representans les Seineurs de Preaux, seuls Fondateurs du Prieuré de Beaulieu, ils devoient jouir, à la reserve de la nomination aux Benefices, de tous les droits utiles et honorifiques, qui sont dus aux Patrons, suivant les Constitutions canoniques et civil. Le Prieur de Beaulieu ne contestoit point que les Seigneurs de Preaux n’eussent fondé son Prieuré, et qu’il ne tint de leur liberalité ce qu’il possedoit. Il se défendoit seulement par ces trois moyens, que les prerogatives dont l’Eglise avoit honoré ses bien-faicteurs étoient attachées à leurs personnes, et qu’encore que depuis on les eût étenduës à leurs enfans et à leurs heritiers, et même à ceux de leur nom et de leur famille, ils n’étoient pas neanmoins communicables aux étrangers, et qu’aprés tout quand on leur donneroit une qualité réelle les Patrons n’en pourroient joüir que dans les Eglises Paroissiales, et non point dans les Eglises Conventuelles et Collegiales.

Je répondois pour le sieur des-Bordes, que les deux premieres objections se pouvoient refoudre par la division qu’on a faite des Patronnages en personnels et réels ; le Patronnage. personnel est transmis aux heritiers et à tous ceux de la famille du Fondateur, cela fut mis Justinien en usage dés le temps de Justinien, comme on l’apprend par ses Novelles, et bien que regulierement ce qui est personnel ne passe point aux heritiers, il n’en est pas de même du Pa-tronnage personnelicar il n’est pas appellé personnel, parce qu’il est attaché à la personne, non ut cuilam personae adstrictum intelligatur, sed ut abeo distinguatur quod reale est, seu fundo adstrictum On appelle Patronnage réel celuy qui est attaché à la glebe, comme aujourd’huy sont tous les Patronnages, parce que le fonds donné par le Patron est reputé faire encore partie de la Seigneurie, et quoy que la consecration efface toutes les charges et servitudes profanes, elle ne détruit point le droit du Patron, parce qu’il luy appartient naturellement, et qu’on ne peut y déroger par aucun privilege, suivant la décision du C. Monasterium. c. 17. 4. 7 Ce Patronnage est un droit si véritablement réel, que par ce principe nos Rois sont devenus Patrons de plusieurs Eglises, en même temps qu’ils sont devenus les maîtres de plusieurs terres, dont les anciens Seigneurs étoient les Patrons, suivant l’observation deChopin , en sa police Ecclesiastique, l. 1. c. 4. n. 12

Loyseau Il est vray que Me Charles Loyseau les à reputez mixtes par cette raison, qu’ils ne pouvoient être purement personnels, comme les Offices qui sont directement attachez aux personnes, et qu’aussi ils ne pouvoient être tout à fait réels, parce qu’une terre n’étoit pas capable de les recevoir en soy, d’où il concluoit qu’ils étoient d’une condition mixte, étant attribuez à la personne à cause de la chose

Mais on n’a plus douté qu’ils ne fussent réels, puisqu’ils tomboient dans ce commerce, et qu’on pouvoit en disposer avec sa glebe, comme de tous autres biens par toutes sortes de contrats de donation, de vente, d’échange, ou autrement ne pouvant être tenu pour spirituel, quia per se non stabat, comme il est décidé par le C. Ex insinuatione. Le C. Nemini. Le C. Cum saculum de jure Patron. aux Decretales.

Ce qui peut être confirmé par cet exemple du droit civil, par lequel les sepuleres, comme étant une chose facrée, ne pouvoient être vendus separément ; mais il étoit permis de les aliener avec le fonds, dont ils n’étoient qu’accessoires : Il y a plusieurs choses qui de soy sont inalienables, qui entrent neanmoins dans le commerce, comme des annexes et des dépendances de celles dont l’alienation est permise, quedam que non possunt sola alienari, per universitatem transeunt.. quedam. ff. de ac4. rer. dominio. Tout le titre de jure Patron, aux Decretales est plein de décisions, qui attribuent les droits de Patronnage à ceux qui possedent, ou qui ont acquis la glebe du Patronnage ; comme nôtre Coûtume l’appelle, C. cum seculum. C. quia Clerici, et dans le même titre on le repute si réel, qu’Alexandre III . dans le Chap. ex literis, confirme la nomination faite par le fermier au préjudice du proprietaire, l’espèce de ce Chapitre est remarquable. L’Abbesse du Monastere de Winton en Angleterre avoit baillé à ferme au Chevalier Gregoire une métairie, à laquelle le Patronnage êtoit annexé, sans se reserver le droit de presentation : pendant ce bail le Benefice ayant vaqué l’Eveque donna la collation à celuy qui luy fut presenté par le Chevalier Grégoire, et refusa celuy qui depuis luy fut presenté par l’Abbesse : L’affaire étant portée à Rome on ne mit pas en doûte que le Patronnage ne fût un droit réel ; au contraire l’Abbesse soûtenoit que la presentation n’appartenoit qu’au possesseur et proprietaire du fonds, d’où elle concluoit qu’elle seule avoir pû presenter, parce que sa partie n’étoit qu’un fermier : neanmoins le Pape maintint le presenté par le fermier, parce qu’il avoit tous les droits utiles, par la même raison, que le mary presente au Benefice dont la nomination appartient à sa femme.

Aussi nos Jurisconsultes François n’ont point douté de cette vérité, Patronus est, ditRebuffe , qui fundavit Ecclesiam, vel qui jus habuit ab eo qui eam de suo patrimonio construxit. Le C. cum dilectus de jure Patron. le définit aussi de cette sorte, et suivant la doctrine de duDu Moulin , de feud. S. 37. gl. 10 ce droit est réellement attaché à son fonds, que etiam sine ullè aliâ expressione transit cum loco vel domo particulari, quocunque titulo vel modo, sive universali, puta successionis vel confiscationis, sive particulari donationis, vel legati, vel venditionis transfertur ; unde si vendatur fundus, ratione cujus competit jus Patronatùs in aliquâ Ecclesiâ, transit ad emptorem, nec requiritur consensus Episcopi, sive non fiat mentio in venditione de jure Patron. sive fiat, transit ad emptorem.

Aussi on a considéré qu’il étoit plus commode à lEglise même de les artacher à la glebe ou au fonds, dont la fondation faisoit autrefois partie : elle se déchargeoit par cette voye d’une multitude de Patrons, dont elle auroit été accablée, et d’ailleurs ceux qui possedoient les fiefs ou les terres, dont les fondations avoient été détachées, eussent souffert difficilement que ceux qui n’avoient point la Seigneurie, ni l’autorité publique en ce lieu-là, eussent joüi de ces prerogatives qui sont si passionnément recherchées dans les Eglises : ce qui me persuade que les droits de Patronnage furent rendus tout à fait réels, quand les fiefs devinrent hereditaires et patrimoniaux.

Que si lon reputoit ces droits de Patronnage purement personnels, on tomberoit en deux absurditez inévitables ; la premiere, parce qu’il ne se trouveroit maintenant que tres-peu ou point de personnes, qui pussent conserver ces marques d’honneur aprés un si grand nombre d’années, qui ont causé tant de changemens, non seulement dans les familles, mais aussi dans toutes les choses du monde ; il seroit mal-aisé de justifier que l’on seroit descendu de ces premiers Fondateurs ; il s’ensuivroit en second lieu que l’on ne pouvoit contracter des droits de Patronnage par aucune voye, et tous les contrats qui en ont été faits jusqu’à present seroient nuls et simoniaques : Si le Patronnage étoit personnel, il ne pourroit être vendu, donné, ni aliené ; car ne tombant point dans le commerce que quand per se non stat, et qu’il est artaché à quelque fonds, s’il étoit personnel on ne pourroit en disposer valablement.

La Coûtume en cet Article est si expresse sur ce sujet, qu’on ne peut plus en faire un problême, et en effet elle est citée par les Auteurs qui ont traité cette matiere, comme une décision solemnelle et précise : Cet Article décide deux questions fort remarquables ; la premiere, que tous les droits honorifiques sont dûs à celuy qui a fait don du Patronnage à l’Eglise, encore qu’il n’en ait stipulé aucune reservation, et cette disposition est tres-raisonnable, si la simple fondation donne tant d’avantage au Fondateur, on ne doit pas traiter moins favorablement celuy qui se dépoüille du plus beau droit du Patronnage, qui est celuy de la nomination.De Roye , de jurib. honor. l. 2. c. 3. semper honesta esse debet persona Patroni, nec minus et debentur honores, quamvis suam prasentationem loco religioso donaverit, quia retinet semper qualitatem & dignitatem fundatoris quam solan inspiciunt sacri Canones, ut ex ea causa pietatis & munificentiae nomen déférant.

Aussi le C. Nobis de jur. Patron. accorde les droits honorifiques aux Patrons mêmes qui ne peuvent avoir le droit de presentation.

Cet Article décide en second lieu, que les droits honorifiques demeurent entiers à celuy qui a fait don du Patronnage, et à ses hoirs ou à ceux ayans cause au fief où glebe, auquel le Patronnage étoit annexé : D’où il resulte que le droit de Patronnage est purement réel, puisque pour osseder les droits honoraires, il suffit, suivant cet Article, d’avoir le fief ou la glebe où le Patronnage étoit annexé, bien que cet Article porte que les honneurs sont dus aux heritiers du donateurS

On ne peut inferer de ces paroles que le droit de Patronnage soit mixte, personnel, et a réel, et même qu’il soit plus personnel que réel, puisque la Coûtume donne les honneurs en premier lieu aux heritiers du Patron, et ne les fait passer aux possesseurs de la glebe qu’au defaut des heritiers : mais cette explication est éloignée du véritable sens de cet Article. La Coûtume a voulu dire que les heritiers du Patron, qui possedent la glebe, doivent joüir aprés sa mort de ces droits honorifiques, que s’ils ne possedent point cette glebe, alors ils appartiennent à celuy qui possede le fief ou la glebe où ce Patronnage étoit annexé. La disjonctive ou, mise en cet Article, ne signifie pas que pour joüir de ces droits honorifiques ; il faut être heritier du Patron ou posseder la glebe du Patronnage, autrement il s’ensuivroit que deux sortes de personnes pourroient joüir des droits honorifiques, les heritiers et le possesseur de la glebe ; et toutefois il est certain que la seule qualité d’heritier ne donne point ce droit, si elle n’est conjointe avec celle de proprietaire de la glebe. Il faut donc expliquer les paroles de cet Article en cette maniere, que non seulement les heritiers du Patron possedant la glebe de Patronnoge doivent avoir les droits honorifiques, mais aussi tous ceux qui ont cause au fief ou à la glebe, encore qu’ils ne soient point heritiers du Patron ni de sa famille : Aprés cela il est vray de dire, que les enfans du sieur des-Bordes ont toutes les conditions requises pour obtenir les droits honorifiques dans l’Eglise du Prieuré de Beaulieu. Ils representent les Patrons, et ils possedent le fief dont a fondation faisoit partie.

Le Prieur de Beaulieu étant forcé d’abandonner cette première question, et de convenir que les droits honorifiques sont réels et communicables à ceux qui possedent la glebe, il prétend qu’ils ne peuvent être dûs que dans les Eglises Paroissiales, et non point dans les Collegiales. ou Conventuelles.

Il est aisé de prouver qu’ils sont dûs aux Patrons dans toutes sortes d’Eglises, quocumque modo accipiatur Ecclesia verbum, dans les Collegiales, suivant la réponse d’Innocent III . l. 3. Epist.

Epist. 192. dans les Conventuelles, et mênes dans les Monasteres. c. 1. de jure Patron.

Il est vray neanmoins que comme le droit de Patronnage consiste en plusieurs prerogatives, il n’a pas une étenduë si generale et si pleine dans les Eglises Conventuelles et Collegiales. comme dans les Eglises Paroissiales et dans les Chapelles. Le droit de nomination n’a point lieu ordinairement dans les premieres, les Fondateurs neanmoins n’en sont point incapables Ce que lon peut prouver par la même autorité que l’ou employe pour exclure les Patrons du droit de nomination, c’est ce fameux Chapître Nobis de jur. Patron. où le Pape aprés avoir reconnu que les droits de Patronnage sont acquis aux Patrons ipfo jure, ajoûte cette limitation, que in Ecclesia Conventuali, non electioni faciendae Prelati, sed jam facta, honestius Patroni postulatur issensus, nisi aliter de sua Jurisdictione obrineat, ut partes suas interponere debeat electioni faciendae Suivant ce Chapitre le Patron semble être exclus de l’élection, et neanmoins on y apporte deux limitations considérables ; la premiere, qu’encore que le Patron ne puisse pas assister à l’élection, on doit toutefois demander son approbation, ce qui marque que l’on conserve toûjours aux Patrons leurs droits, autant que la nature de la chose peut le permettre ; la seconde limitation est plus importante. L’exclusion du Patron pour l’élection n’est pas generale et absolut au contraire le Pape conserve et confirme ce droit à celuy qui le possede, nisi aliter de sua Jurisdictione intersit, c’est à dire que si par la fondation le Patron avoit retenu expressément ce droit d’élection, le Pape trouve juste de l’y maintenir : On en trouve un exemple notable dans les Epitres d’Innocent lII . l. 1. c. 21. où un Marquis de Brandebourg en fondant un College de Chanoines, jus illud reservaverat, ut eorum prapositum prasentare posset, ce qui luy fut confirmé par le Pape

Covarruvias traitant cette question, pourquoy le Fondateur n’a point la nomination aux Eglises Collegiales, n’use pas de ce mauvais raisonnement de quelques Canonistes, que l’élection est quelque chose de spirituel ; il dit seulement que le Patron Laique n’a point sujet de se plaindre yant dû prévoir qu’en fondant une Eglise de cette qualité, il ne pouvoit se conserver la nomination, sibi imputet, nam legem recipere tenetur quae ipsi actus inest de jure, et ex eo ipso quod Ecclesia Collegiata constituit, datur et et competit jus eligendi,Covar . 2. Par. Prel. S. 10. n. 3.

Il importe peu au sieur des-Bordes que le Patron Laique soit exclus du droit de nomination dans les Eglises Collegiales et Conventuelles, puisqu’il ne le prétend point, et qu’il demande seulement les autres droits qui sont dûs aux Patrons. Les Canonistes ont fait difference inter jus Patronatùs, et jus praesentandi. L’un peut avoir le Patronnage, et l’autre la presentation ; et comme par le droit Romain le Patron qui avoit remis à son affranchi le droit de luy succeders conservoit neanmoins tous les autres avantages que luy donnoit la qualité de Patron, aussi quoy que ce droit ne soit pas si plein et si general dans les Eglises Conventuelles, comme dans les Paroissiales, parce que la nomination en est retranchée, il conserve toutefois toutes les autres prerogatives qui sont dûës aux Patrons.

C’est le sentiment des Docteurs, et même de ceux qui ôtent aux Patrons Laiques la nomination aux Eglises Conventuelles : Panorme sur le C. nobis retinet alia jura Patronatùs, et Ecclesia sit Covarruvias au lieu préallégué, que licet in Ecclesia Collegiata non sit locus juri Patronatùs quod ad prasentationem est locus, quoad honores et similia : nihil-repugnat, dit un autre Auteur, quo minus in Ecclesia Conventuali locum habere possit jus Patronatùs, saltem quoad alios effectus.

En effet la raison en est pareille, si la fondation acquiert de plein droit la qualité de Patron, si l’Eglise ne peut se dispenser honnétement de reconnoître cette aumone, il est juste au moins que dans les Eglises Conventuelles on conserve aux bien-faicteurs les autres marques l’honneur, en les privant du droit le plus important qui est celuy de la nomination ; et c’est la disposition du Chap. Nobis, où l’on conserve aux Patrons processionis aditum, et les alimens en cas de necessité

Dans les Eglises Conventuelles, comme dans les Paroissiales, il doit y avoir une relation perpetuelle et inviolable d’affection et de gratitude ; et c’est pourquoy la Coûtume en cet Article a fort prudemment ordonné qu’il n’est point necessaire d’emplover une reservation pour censerver aux Patrons les honneurs qui leur sont dûs : la seule difference que l’on peut établir entre les Eglises Paroissiales et les Conventuelles et Collegiales, est que pour les premieres la nomination et la presentation appartiennent aux Fondateurs, sans reservation : dans les autres on présume que le Fondateur a remis son droit quand il ne l’a point expressément retenu, suivant le sentiment deCovarruvias , et pour les autres honneurs ils sont dûs aux Patrons dans tous les lieux consacrez au servicice divin : Par Arrest du 18 de Juin 1675. la Cour faisant droit au principal, maintint le sieur des-Bordes en la possession des droits honotifiques, à sçavoir de preseance, de sepulture et d’armes.

La même chose avoit été jugée le et de Mars 1603. contre Mre Joachim de Mathian Con seiller en la Cour, et Prieur Commendataire du Bourgachard, et les Prieur et Religieux dudit Convent, demandeurs en Mandement de Gage-plege par eux obtenu contre Mre Jéan du Fay, sieur du Taillis, et Seigneur dudit lieu du Bourgachard, pour empescher la persection d’une Ceinture funebre et apposition d’Armoiries qu’il vouloit faire mettre au dehors et au dedans l’Eglise et Chapelle dudit lieu du Bourgachard, aprés le décez de Dame Anne du Mou-el, Dame dudit lieu du Bourgachard ; et ledit sieur de Mathan appelant de deux Sentences données aux Requêtes du Palais, par lesquelles il auroit été ordonné que pour faire droit aux parties, sur la déclaration dudit sieur de Mathan, audit sieur du Fay, que sans acceptation de droit il fit parachever la Ceinture funebre et apposer les Armes de ladite Dame du Moucel aux lieux où il y en avoit eu auparavant ; ils mettroient leurs pieces par devers la Cour, et ledit sieur de Mathan demandeur en Requête, tendant à ce que vû sa declaration, à laquelle il persistoit qu’il n’empeschoit pas que le sieur du Fay ne fist achever la Ceinture funebre qu’il avoit commencée, suivant le droit qui luy pouvoit competer, les parties fussent envoyées hors de Cour, et ledit Jean du Fay, sieur du Taillis, intimé et défendeur : Aprés que Vinement, Avocat du sieur de Mathan et des Prieur et Religieux du Bourgachard, eut conclud qu’il consentoit pour famitié qu’il portoit au sieur du Taillis, qu’il fist achever la Ceinture funebre et apposer ses Armes en tel endroit de ladite Eglise qu’il aviseroit bien, sans attribution toutefois d’un plus ample droit que ses Predecesseurs y avoient, et qu’en ce faisant ils seroient en-royez hors de Cour sans dépens ; et que Salet Avocat pour le sieur du Fay eut soûtenu que le sieur de Mathan devoit conclure ou acquiescer purement à son appel, et qu’au principal il doit être permis de parfaire la Ceinture commencée et apposer les Armes de ladite du Moucel, tant dehors que dedans ladite Eglise et Chapelle, en tel endroit que bon luy sembleroit, vû qu’il a justifié par titres que les precedents Seigneurs du Bourgachard, dont il representa le droit, ont aumoné l’Eglise et Prebende susdite, et fait encore plusieurs autres donations et fondations. La Cour, sans avoir égard au Mandement de Gage-plege, maintint le sieur du Fay aux droits honorifiques de ladite Eglise du Bourgachard, et luy permit de continuer la Ceinture funebre dont il étoit question. Cet Arrest est dans la même espèce que celuy du sieur des-Bordes. Le sieur du Taillis n’étoit pas heritier, ni de la famille des Fondateurs. VoyezChopin , de la Police Eccl. l. 1. t. 4. et du Domaine l. 3. c. 19. où il fait mention d’une pareille question entre le sieur de Chauvigny et l’Abbé du Bourg-Dieu en Berry.

Depuis le Parlement de Paris a donné Arrest conforme à ceux de ce Parlement, le s’de Juin 1644. entre Mre Loüis de Mornay Chevalier, Seigneur de Villarceaux, demandeur d’une part, et Dame Elisabeth Amelot, Prieure du Prieuré Royal et Conventuel de sainte Marie Magdeleine de Villarceaux, et les Religieuses dudit Convent défenderesses : La Cour faisant droit sur les demandes dudit de Mornay, condamna lesdites Religieuses, Prieuré et Convent, de rétablir à leurs frais et dépens les Armes des Seigneurs de Villarceaux qui étoient au dessus de la porte et principale entrée de leur Eglise, et plusieurs inscriptions et titres qui justi-fioient que les Predecesseurs du sieur de Villarceaux avoient réedifié cette Eglise, et qu’elles feroient aussi rétablir une Ceinture funebre, tant dehors que dedans ladite Eglise, sur lesquel les seroient peintes les Armes dudit de Mornay. Lors de la plaidoirie de la cause du Prieur de Beaulieu, de Freville son Avocat, cita en sa faveur un Arrest rapporté dans la seconde parie du Journal des Audiences du Parlement de Paris, l. 1. c. 43. qui fut donné sur cette que-stion, si l’acquereur peut ôter les Armes d’une Eglise, dont le vendeur est Fondateur, et si le droit d’apposer Armes aux Eglises par le Fondateur est réel ou personnel ; Le fait étoit que le Duc de Rohan en l’année 1633. avoit vendu trois fiefs ; la clause du Contrat portoit que l’on vendoit avec tous les droits de Haute-Justice les droits honorifiques, preseance et prerogatives en toutes les Eglises, tout ainsi que le sieur de Rohan en joüissoit en l’année 1629.

Ce sieur de Rergroades, qui possedoit un de ces trois fiefs, presenta sa requeste au Juge des sieux, contenant que dans l’etenduë de sa terre il y avoit un Convent de l’Ordre de S. François dont il se trouvoit Fondateur, demandant que ses Armes fussent mises en ladite Eglises et en suite il fit ôter celles de Rohan pour y mettré les siennes. Les Religieux s’y opposerent, et Madame de Rohan prit cette action pour une entreprise sur les droits de sa Maison. L’acquereur avant été condamné de rétablir les Armes de la Maison de Rohan, sur l’appel du sieur de Rercroades, il soûtenoit que les droits honorifiques luy ayant été vendus, c’étoit des droits réels qui suivoient la chose venduë. Transeunt cum uni versitate fundi, C. ex litteris de Jur. Patr. aux Decret. quand un droit est artaché à une terre, il n’y a pas de difficulté qu’il passe à l’acquereur, si vendatur fundum cujus ratione competit jus Patronatâs in aliquâ Ecclesiâ, transit jus Patronatùs in emptorem,Molin . in Cons. Pat. Art. 55. gl. 10. n. 10. Et du Fresne Fresne l. 1. c. 39. rapporte un Arrest, par lequel il a été jugé que les droits honorifiques passent au tiers acquereur cum universitate, c’étoit au préjudice des puisnez du vendeur. Madame de Rohan répondoit qu’il n’avoit pas été au pouvoir du Capitaine d’ôter les Armes de la Maison de Rohan, par le droit l. 2. 8. 2. de oper. publ. il n’étoit pas permis d’ôter les marques de celuy qui avoit fait un ouvrage publie pour y mettre les siennes ; les Armes de la Maison de Rohan étant des marques perpetuelles de leur liberalité envers cette Eglise, elles n’avoient pû être ôtées qu’avec mépris et avec injure de leur Maison. Il est vray que les Docteurs ont tenu que les droits de sepulere et autres passoient cum universitate feudi ; mais le droit prétendu par Madame de Rohan ne devoit pas passer pour un droit de Patronnage, mais que par bien-seance on permettoit à ceux qui avoient fondé un Monastere d’y mettre les Armes de leur Maisons par l’Arrest la Sentence fut confirmée. L’espèce de cet Arrest n’a rien de conforme à celle de l’Arrest du Prieur de Beaulieu.

En expliquant les paroles de cet Article, j’ay remarqué que les heritiers du donateur du Patronnage ne peuvent joüir des droits honorifiques, s’ils ne sont en possession de la glebe.

Voicy neanmoins un cas où ils le peuvent avoir, bien qu’elle ne soit pas en leur main, à sçavoir quand le Patron n’a pas simplement aumoné le droit de presentation, mais que de plus il a donné le fief où le Patronnage étoit annexé. Un Gentilhomme demandoit des honneurs d’Eglise ; il paroissoit par le piocez que le Patronnage et le fief, auquel il étoit annexé, avoient été aumonez à l’Abbaye de S. Evrout par ceux dont il justifioit être descendu en ligne directes il s’agissoit de sçavoir si les honneurs luy appartiendroient, et s’il seroit reputé Patron honoraire en consequence des termes de cet Article 4. à ses hoirs. On disoit contre sa prétention qu’il falloir faire distinction du Patronnage réel et personnel, que quand le Patronnage est réel, sil est artaché à un fonds et à une glebe cettaine, et en ce cas les heritiers de celuy qui a donné le Patronnage ne peuvent rien prétendre s’ils n’ont la glebe, et si la glebe appartient à lainé les autres freres ne participent point aux droits honorifiques. Quand le Patronnage est personnel, ce qui arrive lors que celuy qui a fondé et doté l’Eglise n’a point infeodé le Patronnage, c’est à dire qu’il n’a point declaré qu’il l’étoit à cause de quelque fier ou glebe, alors il est vray de dire que tous ceux qui peuvent justifier d’être descendus de luy doivent avoir toutes les prerogatives des Patrons honoraires : mais puisque le Patronnage n’étoit en cette Maison-là qu’à cause d’un fief, il êtoit absolument réel, et le fief en étant sorti on ne pouvoit plus prétendre aucun droit honorifique ; car comme le Patronnage fuit la glebe les honneurs y sont aussi attachez, et en sont une dépendance, et on ne peut donner un autre sens à cet Article ; ce seroit choquer les principes des Batronnages qui se doivent regler par les Canons qui les ont établis, et ne peuvent être changez par les Coûtumes, de sorte qu’il les faut expliquer par les constitutions Canoniques. On alléguoit d’autre côté que la Coûtume s’étoit expliquée si nettement qu’on ne pouvoit y trouver d’ambiguité. Et pour rendre raison de l’alternative contenuë en ces paroles, à ses hoirs, ou ayant cause à la glebe, il faut remarquer que quand on a donné et le Patronnage et la glebe, comme en l’espèce de cette cause, l’intention de la Coûtume est de donner aux hoirs cette prerogative : que si l’on avoit retenu le fief ou la glebe, en ce cas les heritiers n’ont pas les honneurs, ils appartiennent aux possesseurs du fiefou de la glebe : qu’aprés tout on ne pouvoit sans ingratitude refuser ces marques d’honneur aux descendans et à la postérité du bien-faicteur de l’Eglise, suivant cette interpretation les droits honorifiques furent accordez à ce Gentilhomme, par Arrest en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Damiens, au mois de Mars 1662.

Puisque nous connoissons en quoy consistent les droits honorifiques, et en quels lieux on en peut jouir, il faut parler des personnes qui ont qualité pour les prétendre, et pour s’y faire maintenir. En cette Province les droits honorifiques ne sont dûs qu’à ceux qui ont aumoné le Patronnage, et à leurs hoirs, ou ayant cause au fief ou glebe, où le Patronnage étoit annexé.

La Jurisdiction ou la Justice haute, moyenne ou basse, ne donne point cette prerogative, quoy que l’Eglise soit bâtie dans l’etenduë de la Justice ou du fief.

Loyseau On pratique neanmoins le contraire en plusieurs Coûtumes de France : Loyseau des Seig. c. 11. donne au Haut-Justicier la preseance et tous les autres honneurs de l’Eglise, pourvû qu’elle soit située dans l’etenduë de sa Justice, parce qu’il a la Justice et la Seigneurie publique dans icelle ; car, dit-il, encore que l’Eglise soit exempte de la Justice temporelle, et de la Seigneurie publique du Haut-Justicier, cette exemption n’a lieu qu’à l’égard des personnes et des choses facrées, mais elle n’ôte pas tout à fait l’Eglise hors du térritoire où elle est enclavée.

Cet Auteur convient neanmoins qu’à l’égard de ces honneurs, qui font notoirement partie du Patronnage, le Patron est preferable au Haut-Justicier, et pour les moyennes et bassesJustices, il estime que les honneurs ne leur appartiennent point de droit, n’étant pas Seigneurs du térritoire, mais que par bien-seance ils doivent preceder tous ceux qui sont soûmis à leur Justice, et comme ils n’ont point de Justice personnelle sur les nobles, ils ne peuvent prétendre sur eux ce droit de preseance.

De Roye , l. 2. c. 4. de jur. honor. aprés avoir entrepris de prouver qu’autrefois, et même sous la seconde Race, chaque Seigneur dans sa Seigneurie avoit haute, moyenne et basseJustice, il conclud en consequence que les honneurs d’Eglise ne peuvent être refusez au Haut-usticier, cum omnimodam hiabeant jurisdictionem in suo Senioratu, et il appuye son sentiment sur le Can. 58. du Concile de Wormes tenu sous Charlemagne, ut Episcopi provideant quem honorem suis Senioribus tribuant pro Ecclesiis.

Il est vray que dans le langage de ce siecle-là, le mot de Senior signifie Seigneur, et non point un homme ancien. Mais on ne convient pas du sens que cet Auteur leur donne, voulant que les Seigneurs de ce temps-là fussent des proprietaires de Seigneuries, qui avoient omnimodam Jurisdictionem, haute, moyenne et basse-Justice. Mr le Le Févre ne prétend pas que du temps de, Charlemagne il y eût aucune autre Justice que la Royale, ni qu’il y eût des Seigneurs qui eussent des vassaux, et que ces Seigneurs dont il est parlé dans les Capitulaires, n’étoient pas des Seigneurs de fief, mais des Officiers Royaux qui étoient au dessous des Comtes, et c’est en ce sens qu’il faut entendre le Canon 8. Concilii Trogleiani, tenu sous Charles le simple, ut Presbyteri iis in quorum ditione suae consistunt Ecclesiz, congruum honorem & debitum impendant obsequium.

Quoy qu’il en soit ce Chapître peut recevoir une explication contraire à celle de Roye en consequence de ces paroles pro Ecclesus, qui font présumer que cet honneur que le Concile enjoint de rendre Senioribus pro Ecclesiis, avoit pour son fondement et sa cause la fondation de l’Eglise ; ce Concile ayant voulu dire que les Evéques devoient ordonner les honneurs qu’il falloit rendre aux Seigneurs, à cause des Eglises qu’ils avoient bâties, ce qui ne peut être appliqué qu’aux Patrons, et non aux Hauts-Justiciers.

Pour soûtenir cette explication, je me sers des paroles du Ch. 1. in Edicto Pistensi, de Charles le Chauve, bien que cet Auteur le prenne aussi pour son opinion, ut Preabyteri Parochianis suis Senioribus debitam reverentiam & competentem honorem atque obsequium fecundùm mi-ni sterium suum impendant ; ce terme de Parochianus Senior, ne se peut entendre que des Patrons.

Loyseau Ce même Auteur avouë, comme a faitLoyseau , qu’il y a de certains honneurs qui sont incommunicables à d’autres qu’aux Patrons, comme la nomination, la litre au dedans de l’Eglise, et l’encens.

Tronçon sur l’Article 69. de la Coûtume de Paris, à dit aussi que dans la pluspart des Eglises de France les Hauts Justiciers ont les honneurs de l’Eglise au préjudice des Patrons, mais d’Argentré n’approuve point cet usage, il soûtient même que le fondateur n’a point le droit de Patronnage, s’il ne l’a expressément reservé. L’Ordonnance qui fut faite pour la Bretagne réserve entièrement ce droit aux Patrons, voyez les termes. Nous voulons pour faire ces-Ter les contentions entre nos sujets, qu’aucun de quelque qualité et condition qu’il soit ne pourra prétendre droit et possession, autorité, préeminence au dedans des Eglises, soit pour y avoir banc, siege, oratoire, sepulture, armoiries, ou autres enseignes de leurs maisons, sinon qu’ils soient Patrons ou Fondateurs d’icelles, et qu’ils en puissent promptement informer par lettres et titres de fondations ; ou par sentences et jugemens dûëment donnez avec connoissance de cause, et avec partie legitime, et outre les cas susdits ne seront nos sujets reçûs à intenter aucun procez à raison desdits prétendus. droits. Et c’est aussi un usage certain en Normandie ; ainsi refusant cette prerogative au HautJusticier, nous sommes fort éloignez de l’accorder au moyen et bas Justicier, ni à celuy qui possede un fief dans la Paroisse, ni aux Officiers Royaux, suivant l’opinionde Roye , l. 2. c. 5. 6. et 8. de jur. hon

On a douté si les Engagistes du Domaine du Roy pouvoient joüir de ces droits d’Eglise ; qui Domania Regis pignori tenent hoc honore fisci jure uti non possunt ;Chop . de Doman. l. 3. c. 19.

Bacquet des droits de Just. c. 20. c. 19. n. 10. Le Maréchal des Droits honor. De la Lande ur l’Art. 63. de la Coûtume d’Orléans, assurent que c’est une jurisprudence établie par plusieurs Arrests du Parlement de Paris. On a jugé le contraire en ce Parlement le 1o de De cembre 1657. au Rapport de Mi de Brinon, entre Michel Cadot, Guillaume le Bas, Mre Claude de la Guiche, Comte de S. Géran, Engagiste du Domaine de S. Sauveur le Vicomte d’une part, et Mre Jacques de Harcour d’autre ; les honneurs furent ajugez au sieur de S. Geran en sa qualité d’Engagiste, comme autrefois les Patronnages d’Eglise n’étoient point compris e dans les engagemens, les Engagistes ne pouvoient en avoir les honneurs : Aujourd’huy qu’ils sont compris dans les alienations du Domaine, on ne fait plus de difficulté qu’ils n’appartiennent aux Engagistes. Et au mois de Novembre 1662. on enrégistra une Declaration d’un don fait par le Roy au sieur de la Sale, dans laquelle les droits honorifiques étoient compris.

Et bien qu’il soit vray qu’un Patron ne puisse ceder à un autre les droits honorifiques qui luy appartiennent, sans aliener en même temps la glebe du Patronnage : néanmoins plusieurs ont obtenu des Lettres du Roy, par lesquelles ils se sont fait donner les honneurs dans les Eglises dont le Roy êtoit Patron. Le 12 de Février 1656. Mr Royer de la Brisolière Conseiller en la Cour, fit enrégistrer des lettres de confirmation de celles obtenuës par ses Pre-décesseurs, contenants le don fait par le Roy de la joüissance des honneurs et prerogarives en l’Eglise de Domfront, comme ont accoûtumé de faire les Fondateurs et Patrons des Eglises, suivant l’accord fait avec le Comte de Quincey, et l’Arrest du Conseil du 23 de May 1636. et ainsi que ses peres en auroient bien et dûëment joui. Autres Lettres obtenues par MrCotey, Doyen de la Cour, contenant le don à luy fait par le Roy des honneurs et préeminen-ces de l’Eglise de S. Martin de Harfleur et à ses successeurs, comme Fondateurs et Patrons, et permis d’y faire mettre bancs et vitres, sans pouvoir neanmoins nommer ni presenter au Benefice de ladite Eglise : lesquelles lettres furent ratifiées à la Cour le premier jour de Juin 1661.

Plusieurs Auteurs ont estimé que les droits honorifiques n’appartiennent point à celuy qui Tronçon joüit du fief auquel les droits sont annexez. Du Moulin et àronçon, sur l’Article 2. de la Coûtume de Paris.Le Maréchal , c. 4. des droits honorifiques. Nôtre usage est contraire.

Je ne doute point que celuy qui auroit acquis une terre par engagement, avec faculté de remaire, ne dût avoir les droits honorifiques. Il n’en seroit pas de même d’une simple Anticrese, uia, dit, ex fundo hpothecario fructus non percipit, nisi in solutum usurarum cum quijus prasentatio ad beneficia Ecclesiastica non potest habere functionem. Voyezdu Moulin Du Moulin , de feudis 9. gl. 3. n. 5. et 8.Brodeau , Article 31. la Coûtume Paris, n. 15. De Roye in Prolegomenis ad titulum de jure Patron. c. 36.

Tronçon , sur l’Article 2. de la même Coûtume, n’estime pas que ces droits puissent appartenir aux usufruitiers, et c’est aussi le sentiment de duDu Moulin , quia civil actus et jura competunt potius Domino proprietatis quam usufructuario possessori. l. item : apud Labeonem 4. sed si suf. ff. de Minoribus. Puisque le droit de presentation est in fructu, que les doüairieres et les usufruitiers presentent au Benefice, les honneurs ne peuvent leur être refusez étant attachez à la glebe dont l’usufruit leur appartient,

On a formé cette question, si un Gentilhomme avant pris par bail à rente d’un Ecclesiastique un fief avec le Patronnage et droit de presenter à lEglife peut être empesché de faire Litres, Timbres et Ceinture funebre avec ses Ecussons et Armoiries à l’entour de l’Eglise, dehors et dedans. Les Abbesse et Religieuses de Fontaine-Guerard baillerent à bail d’héritage à G. de a Gandelle le fief d’Qudeauville, avec le Patronnage et droit de presenter à l’Eglise de d’Oudeauville ; ce Contrat fut approuvé par le Superieur de l’Ordre, et homologué au Parlement.

Aprés sa mort la Demoiselle de Clere, sa veuve, ayant commencé une Ceinture funebre, de Fers, sieur d’Audevergne, en empescha la continuation, par Sentence des Requêtes du Palais.

I fut permis à la Demoifelle de Clère de la continuer ; l’appelant soûtenoit que le fief et le Patronnage ayant été entre les mains des Ecclesiastiques et ayant été amortis, tous les droits honorifiques étoient éteints, ou qu’au moins ils étoient demeurez à ceux qui leur avoient aumoné de Patronnage en reconnoissance de leur liberalité, que ces droits ne tombent point dans le commerce, et ne sont point cessibles, les Religieux n’ayant pû céder que ce qui est utile, comme la presentation. Il fut reparti par l’intimé que l’action de complainte n’appartenoit qu’au Patron et à celuy qui est en possession des droits honorifiques ; or cette qualité ne pouvoit luy être contredite. Les Patronnages ne changent point de nature pour avoir êté en la possession de Eglise, le Contrat fait à l’intimé êtoit legitime : et il n’est point prohibé aux gens d’Eglise de donner à bail d’heritage leurs fiefs avec tous les droits qui y sont attachez, quand ils le font avec avance pour l’Eglise ; ceux qui possedent des fiefs mouvans de l’Eglise les ont acquis par cette voye, et bien que le bailleur puisse saisir et se remettre en possession à faute d’avoir payé les droits convenus, cela n’empesche pas que le preneur n’ait tous les droits utiles et honorifiques, et pour l’objection que l’on a faite que les droits honorifiques sont éteints, quand les fiefs ont été en la main de l’Eglise, elle se resout par cette distinction, que quand le Patronnage a été separé du fief et donné à l’Eglise, les Ecclesiastiques n’ont point les droits honorifiques, et par consequent ils ne les peuvent céder, nemo dat quod non habet ; car ils sont demeurez à ceux qui avoient aumoné le Patronnage et retenu la glebe d’iceluy

Mais quand le fief avec le Patronnage a été donné à l’Eglise, et que depuis il est aliené et retombé en la main d’une personne Laique, en ce cas il ne reçoit aucun changement ni alte ration par l’amortissement, et il conserve sa qualité de Patronnage Laique. Tout ce que les Ecclesiastiques possedent est venu des Laiques ; l’amortissement n’a d’autre effet que de les rendre capables de les posseder, et de pourvoir à l’indemnité des Seigneurs, quand l’Eglise possede des fiefs, à cause desquels elle a le droit de Patronnage, en ce cas ce n’est point un Patronnage Ecclesiastique, mais Laique, et par cette raison le Pape ne peut prévenir ce Patron-là, comme il auroit fait si le Patronnage étoit Ecclesiastique. Suivant le sentiment de duDu Moulin , sur la regle règle de infer. resig. resig. n. 145. si initio fuit fundatio Laica et Spectat presentatio ad Ecclesiam gatione feudi, castri aut alterius rei temporalis cui annexum est jus, et à quo dependet Ecclesia, non est Patrona, nisi in quantum est Domina talis casiri vel feudi, & sic tale jus Patronatùs est Laicum Ce même Auteur, sur la Coûtume de Paris, tient que feudum decimale, si transiret ad Ecclesiam vel reverteretur ad Ecclesiam non per se, sed cum universitate castri, vel rei taemporalis, cui annexum est, semper retinet naturam feudi et rei profanae, sieut principale cui accedit : non enim fruitur Prelatus tanquam Pralatus, sed tanquam Dominus rei temporalis, et amortisatio cum universitate rei non immutat ualitatem.Terrien Terrien , l. 8. 1. de Patron, cite un Arrest donné entre Champus et d’Arondel, par lequel il a été jugé que les Chanoines de Cleri, pour les Benefices êtans de la fondation Royale,

resentent au nom et l’autorité du Roy, et sont reputez Patrons Laiques ; tellement que leur presentation est necessaire, et les Collateurs ordinaires ne leur peuvent faire préjudice, non plus qu’aucun Roy.

Ce Patronnage donc annexé au fief, quoy qu’il soit en la possession de l’Eglise, demeure Patronnage Laique, sans acune alteration ni changement en ses qualitez et prerogatives, c’est pourquoy, lors qu’il retourne en la main d’un Laique, il y rentre avec tous ses droits ; la chose retourne à sa première nature ; jure quodam postliminii ad pristinam revertitur libertatem.

Les Dixmes qui de leur nature étoient Ecclesiastiques et Spirituelles, quand elles étoient infeodées, elles changeoient de condition et devenoient profanes et temporelles, mais étant venduës ou données par les Laiques aux Ecclesiastiques, elles reprenoient leur première condition, et ne pouvoient être rétirées par les Lignagers, suivant l’Arrest du Parlement de Paris. donné au profit de l’Evéque de Bayeux, remarqué pardu Luc , l. 2. c. de Decim. La même chose arrive au fief que l’Eglise remet à un Laïque, il reprend toutes les qualitez qu’il avoit de son origine, mutatione persona mutatur rei qualitas : quod castrense erat in persona defuncti desinit esse castrense in persona heredis, l. per curator. ff. de acquir. vel omitt. hered.

Le Roy même a interest que les droits feodaux soient conservez, à cause du droit de Garde. noble, et des services qui sont dûs par les fiefs. Il resteroit à examiner si les Ceintures funebres Cesar ne font pas partie des droits honorifiques : les anciens Gaulois affectoient magnifiques funerailles, funera pro cultu Gallorum magnifica & sumptuosa sunt ; Cesar, lib. 6. de bello Gall. Au lieu des Statuës et des Images, qui faisoient l’ornement des pompes funebres parmy les Romains, ils élevoient dans leurs maisons de superbes tombeaux. Les François se sont servis d’Armoiries, ainsi appelées, parce qu’ils les gravoient sur leurs Boucliers. Cette coûtume est fort ancienne, comme on l’apprend de ces Vers deVirgile , 1. 7. AEneid.

Elypeoque insigne parentùm

sentum angues, centumque gerit serpentibus hydram.

La Litre faisant partie des droits honorifiques, on ne la peut refuser à l’intimée, autrement on feroit une étrange division du Patronnage ; l’intimée seroit Patronne pour presenter, et elle ne le seroit pas pour les Litres et Ceintures funebres. Les Coûtumes de Tours, t. 4. des droits de Châtellenie : Loudun, c. 4. Art. 2. disent que le Seigneur Châtellain est fondé en préeminence d’avoir Litres, Armes, Timbres au dedans et dehors des Eglises ; et si le vassal est Sei-gneur et Patron, le vassal les peut avoir, sinon que l’Eglise fût la principale Eglise Paroissiale, en laquelle fût assis le Châtel, auquel cas le vassal ne pourra avoir ses Litres et Armes dehors, mais les pourra avoir au dedans seulement. Par Arrest du 6 de Février 1622. la Sentence qui permettoit de continuer la Ceinture funebre fut confirmée, plaidans le Telier et Giot, entre Catherine du Clos, veuve du sieur de la Gandelle, et Jacques de Fers, se disant Seigneur de d’Oudeauville

Sur cette question, si un Ecclesiastique en vendant à un Laïque le fief, auquel le Patronnage. êtoit annexé, retient le Patronnage, ce Laique aura Es droits honorifiques, et s’ils demeurent attachez au fiefe On argumente de cet Article, par lequel si quelqu’un a fait don du Patronnage. sans reservation, les droits honorifiques dûs aux Patrons luy demeurent entiers et à ses hoirs, ou ayant cause au fief ou glebe, auquel le Patronnage êtoit annexé ; puis donc que les droits honorifiques demeurent artachez au fief, en quelque main qu’ils passent, ils doivent appartenir au possesseur d’iceluy.

Mais cet Article s’entend, que quand un Laique aumône son Patronnage à l’Eglise, les droits honorifiques luy demeurent entiers, vice gratitudinis, et pour reconnoissance de son bien-fait.

Que si l’Ecclesiastique en vendant le fiefretient le Patronnage, il ne transfere point ces droits noncrifiques qui demeurent attachez au Patronnage, et ils ne sont conservez au fief que quand il à été aumoné à l’Eglise, et non pas quand il a été vendu sans le Patronnage. La liberalité du Patron luy conserve cette prerogative, quoy qu’il ne l’ait pas réservée, mais par la vente il n’acquiert que ce qui luy a été vendu expressément, ainsi la vente n’est point le cas de cet Article, c’est l’aumône et le bien-fait.

Comme le Patronnage peut appartenir à plusieurs Patrons, il peut aussi arriver de la contestation entr’eux pour la preseance ; il fut jugé par Arrest du 17 de Juillet 1652. pour Me Jac-ques de Harcour, Baron de l’Angle-de-Nehout, et Mre Claude de la Guiche, Comte de S. Geran, qu’encore que le sieur Comte de S. Geran, comme Engagiste du Domaine de S. Sauveur le Vicomte, possedant la portion ainée de cette Baronnie, toutefois l’Eglise de Nehout étant située dans la portion puisnée, et possedée par le sieur de Harcour, il devoit avoir les droits honorifiques au préjudice du sieur Comte de S. Géran-

Par autre Arrest du 2t de Juillet 1657. Nicolas de S. Germain, sieur du Breüil, qui possedoit le fief Dominant, situé dans la Paroisse d’Anneville, fut maintenu aux droits honorifiques de l’Eglise de cette Paroisse au préjudice de Bon Christophle de la Cour, sieur du Tour, qui possedoit le fief du Tour dans la même Paroisse. Le sieur de S. Germain êtoit appelant, défendeur, et demandeur pour être maintenu en la qualité de seul Patron honoraire, et Fondateur de l’Eglise de S. Leger d’Anneville, et en tous les droits honorifiques d’icelle ; les sieurs Chantres,

Chanoines, et Chapitre de l’Eglise Cathedrale de Coûtance, intimez et de mandeurs, pour faire dire que les Bancs et Armes miles dans ladite Eglise par ledit sieur de S. Germain et ledit sieur du Tour seroient ôtées, et que défenses leur seroie nt faites de prendre la qualité de Patrons, ni de prétendre aucuns droits honorifiques, ni de fe qualifier Seigneurs, à cause de leursdits fiefs, et ledit sieur du Tour, intimé, défendeur, et demandeur pour faire défense à tous Gentilshommes de le troubler aux droits honorifiques qu’il prétendoit luy appartenir ; la Cour sur l’appel mit les parties hors de Cour, et faisant droit au principal, entant que le Mandement obtenu par ledit de la Cour, dit à tort iceluy à bonne cause le Mandement du Chapitre, ledit sieur du Tour condamné de faire ôter son Banc et ses Armes, et à l’égard dudit sieur Germain, tort le Mandement obtenu par le Chapitre, ledit S. Germain maintenu en sa qualité de Patron honoraire, aux droits honorifiques de ladite Eglise, au droit de son fief du Breuil, Anneville, parce qu’il auroit pour son banc et seance le côté de l’Evangile, et les sieurs du Chapitre le côté de l’Epitre en parallele et vis-àvis dudit de S. Germain.

On a aussi jugé par Arrest du 4 de Juin 1é04. rapporté parBérault , que le Patron de la premiere portion peut choisir côté du Chancel qu’il voudra pour sa seance et pour sa sepulture, et le Patron de l’autr : portion l’autre côté, entre M. Jean du Loir, Avocat General en la Chambre des Compres, demandeur en Requête, tendante à ce qu’en qualité de Patron de la remiere portion de la Cure de Marteinville, il soit maintenu aux honneurs, preseances, et bancs au côté droit de l’Eglise, et se dire et nommer seigneur dudit lieu de Marteinville, et Anne Richer veuve de Pierr. Belin, Dame du fief du Ménil, et Patronne de la seconde ortion de ladite Eglise ; la Cour ajugea audit da Loir les honneurs et preseances en ladite Eglise, et à cette fin il seroit tenu de thoilir un des côtez dans le Choeur, auquel il pourroit mettre un banc pour luy, sa femme, et ses enfans, demeurant l’autre côté à ladite Richer, auquel elle pourroit mettre pareillement un banc pour elle et ses enfans, et qu’ils pourroient eux et leurs successeurs être inhumez chacun de son côté, et avant que de faire droit sur la dénomination des Seigneurs de Marteinville, on ordonna qu’ils representeroient leurs anciens Aveux.

Cette question assez singuliere s’offrit entre des Patrons touchant leurs preseances ; la presentation de la Cure de Berigni appartenoit pour deux tours à des nommez le Coû, à cause de la vavassorie de la Mare, et les Abbé et Religie-ix de Cérisi avoient droit d’y presente pour le troisième tour, à cause de la donation qui leur en avoit été faite par de Baudrés, Seigneur du fief de Berigni, dont cette vavassorie étoit tenuë. De Baudrés prétendoit avoir les nonneurs, comme Seigneur superieur, et qu’il seroit mal-seant qu’il fût précedé par ses vassaux, à cause du fief qu’ils tenoient de luy : ce qui les obligeoit à luy porter du respect. Les-dits le Coq disoient que ces droits honorifiques étoient réels, et qu’ils ne pouvoient y être troublez par leur Seigneur : comme il ne pouvoit leur empescher la presentation, il ne pouvoit aussi leur contri dire les honneurs qui leur sont acquis par la Coûtume : Par Arrest du et d’Avril 1607. ils furent maintenus par provision, et définitivement par autre Arrest du t de May 1610.

Autre Airest entre deux Patrons pour la Litre et Ceinture funebre ; le Seigneur Marquis de Beuvron, et le sieur de Varneville, Patrons alterna-ifs de Varneville, eurent contestation pour la Ceinture funebre dedans et dehors l’Eglise : le Seigneur de Beuvron disoit qu’il étoit seigneur supetieur, et que l’autre Seigneur rel-voit de son fief, et que par cette raison le sieur de Varneville ne pouvoit mettre de Ceinture funebre qu’au dessous de la sienne : le sieur de Varneville répondoit qu’il étoit Patron alternatif et Seigneur de Varneville, et qu’en cette qualité il avoit droit de mettre une Litre et Ceinture funebre d’un côté de l’Eglise, et de Seigneur de Beuvron de l’autre côté. On avoit ordonné par Sentence que la Ceinture, Litre et Armes du Seigneur de Beuvron seroient placées au plus haut lieu, et celles du sieur de Varneville au dessous ; sur l’appel du sieur de Varneville on mit hors de Cour, par Arrest lu mois de Février 1629.

autre Arrest du 24 de Mars 1665. entre Mre Felix le Comte de Nonant, Chevalier, Seigneur de Cernieres, ayant repris le procez en létat qu’il favoit laissé ; Felix le Comte de Nonant son pere, prétendant les droits honorifiques en l’Eglise de S. Martin de Cernieres, demandeur en execution de l’Arrest de la Cour du 14 de May 1640. d’une part, et Mre Henry le Pelerin, sieur de Gauville, ayant aussi repris le procez en l’état qu’il l’avoit laissé, Loüis le Pelerin son pere, prétendant aussi les droits honorifiques en ladite Eglise, d’autre part. La s Cour ordonna que lesdits le Comte de Nonant et le Pelerin joüiroient respectivement, à cause de leurs fiefs de Cernieres et de Gauville, des droits honorifiques en ladire Eglise de S. Martin de Cernieres, et neanmoins que ledit le Comte de Nonant, comme possedant le fief dominant, auroit la preseance et les premiers honneurs, au préjudice dudit le Pelerin, et choisiroit son banc et place d’un côté de ladite Eglise, l’autre demeurant audit le Pelerins qu’il marcheroit dans les cérémonies du côté droit, et le premier, où ils ne pourroient marcher tous deux, qu’il seroit recommandé aux prieres publiques, et qu’il auroit le Pain benit et autres prerogatives le premier, et ledit le Pelerin aprés, en suite la Dame, femme dudit Comte de Nonant, celle dudit le Pelerin apréz ; le fils ainé dudit le Comte de Nonant avant celuy dudit le Pelerin, et les autres filles consecutivement de même les unes aprés les autres ; et au cas que ledit le Comte de Nonant fût absent, la Dame sa femme ou le premier de sa famille aura lesdits premiers honneurs, au préjudice dudit le Pelerin, et que les Armes et Ceinture funebre dudit le Comte de Nonant à l’entour du dedans de ladite Eglise et Chapelle seroient renouvellées et mises au dessus de la famille dudit le Pelerin. On peut tirer de cet Arrest la décision de cette question, si tous les enfans du Patron precederont les Gentilsnommes plus âgez : Quelques-uns sont d’avis que cet avantage n’est dû qu’au fils ainé : d’au-tres estiment que tous les enfans doivent preceder, tandis que le pere est vivant, et par l’Arrest cu-dessus on a donné la preseance à tous les enfans du Patron ; aussi Bérault a remarqué plusieurs Arrests qui l’ont jugé de la sorte

Par autre Arrest du 4 de Février 1658. au Rapport de Mr de Sainte-Helene, entre Frere Loüis Eustache, Prieur, Curé d’Englesqueville, appelant comme d’abus, et Guillaume Dursus, Seigneur et Patron d’Englesqueville ; ledit Dursus, tant pour luy que pour sa famille, fut maintenu en la seance du Choeur du côté de l’Evangile, et qu’à cette fin le Curé laisseroit les deux côtez libres pour sa famille, nonobstant la prétention du Curé, qu’il y avoit huit Prestres et nombre de Cleres, et que par consequent le Clergé devoit être des deux côtez ; il fut aussi enjoint au Curé de faire prier Dieu pour le Patron, et de le nommer, encore que le Manuel ne l’y obligeât point.

Le 2 de Mars 1617. on agita cette question en l’Audience de la Grand-Chambre, si un Patron Ecclesiastiqué pouvoit permettre au préjudlice du Patron honoraire à un Gentilhomme de réedifier une Chapelle étant à côté de l’Eglise pour y avoir droit de sepulture. De Tilly, sieur d’Urville, étoit Fondateur et Patron honoraire de l’Eglise de la Pernelle, le Chapître de Coûtance avoit le droit de presenter. Jourdan, sieur d’Escarboville, obtint permission du Chapitre de réedifier une Chapelle étant à côté du Cheur de l’Eglise de la Pernelle, avec concession de banc et de sepulture, nonobstant l’opposition du sieur de Tilly ; le Juge de Valogne permit au sieur d’Escarboville de réedifier la Chapelle pour y avoir seance et sepulture : Sur l’appel du sieur de Tilly, il soûtenoit que le Chapitre n’avoit pû donner à son pré-udice, et sans son consentement, le droit de sepulture et de seance dans une Chapelle qui dépendoit du Choeur, que le Patron Ecclesiastique n’avoit aucun pouvoir de disposer des hont neurs : il fut répondu par le sieur d’Escarboville que la Chapelle n’étant point du Choeur, mais à côté, et s’agissant seulement de réedification, le Chapitre avoit pû donner la seance et la sepulture, ce qui ne blessoit point le droit du sieur de Tilly, ne luy donnant aucun trouble, et ne luy apportant aucune incommodité dans le Choeur, que le Patronnage s’acquiert lonatione, fundatione, et edificatione, que réedifiant cette Chapelle il méritoit au moins d’y voir sa seance et sa sepulture ; la Cour cassa la Sentence, et en reformant permit au sieur l’Escarboville de rebâtir la Chapelle dans laquelle il auroit droit de seance et de sepulture, et luy permit aussi d’apposer ses Armes à une des vitres, à condition toutefois de faire une porte par dehors le Choeur de l’Eglise, pour entrer et sortir, sans passer par le Choeur de l’Eglise.

Les droits honorifiques ne se multiplient point par la division de la glebe, et les puisnez ou leurs representans n’y ont part qu’autant que dure le parage, ce qui fut jugé par Arrest du 22 de Février 1618. entre Jean de Glapion, sieur de Boition, demandeur en clameur de Gage-plege, pour empescher Jean et Philippes Malard de placer et d’élever bancs, tombes 8 sepultures dans le Chancel de l’Eglise de S. Martin de Boition, et de troubler ledit de Glapion dans la possession des droits honorifiques de cette Eglise, ni d’enterrer des morts dans le Chancel, comme se prétendant seul Patron honoraire d’une part, et lesdits Malard et la Dame Abbesse d’Almenesche, et la Dame de la Tramblaye prétendant droit de Patronnage, d’autre. Leon Malard de son chef demandeur pour avoir les droits honorifiques, comme parager du sieur de Boition, la Cour prononça à bonne cause le Mandement obtenu par le sieur de Glapion, et le maintint en tous les droits appartenans aux Patrons honoraires, au préjudice de la Dame Arbesse d’Almenesthe, et autres parties ; et faisant droit sur les conclusions de Leon Malard. or donna qu’il auroit droit de seance, banc et sepulture dans le Choeur de ladite Eglise, aprés et au dessous du sieur de Glapion, tant que le parage dureroit. Pareille question a été jugée au proit de Me Loüis Greard, Ecuyer, Avocat en la Cour. Il avoit acquis du sieur Comte de la Suze la Terre et Seigneurie de Fertieres, avec le Patronnage honoraire : cependant un Gentilhomme nommé le sieur Coursy possedant un fiefdans la même Paroisse, avoit fait mettre un banc dans le Choeur, prétendant que ledit fief ayant autrefois êté démembré de la Seigneurie de Ferrieres, qui étoit la véritable glebe du Patronnage, il devoit entrer en participation des droits honorifiques, et avoir du moins les seconds honneurs aprés ledit sieur Greard. Sur la contestation que ledit sieur Greard y apporta, il fut jugé conformément à l’Arrest de Glapion, qu’encor qu’il y eût apparence que le fief dudit sieur de Coursy eût fait autrefois partie de ladite Seigneurie de Ferrieres, neanmoins n’en relevant que par hommage depuis plus de deux cents ans, il n’auroit aucune part aux honneurs, et seroit tenu d’ôter son hanc de dedans le Choeur, ce qui a été executé.

Pour obtenir les honneurs en qualité de Patron honoraire, il faut prouver que l’on possede le fief ou la glebe. Un seigneur de Paroisse ne justifioit point qu’il eût joüi des droits honorifiques, n’ayant ni Litres, ni Ceintures funebres, ni seance, ni sepulture ; il representoit seule-ment quelques aumones et quelques tenûres à l’entour du Cimetière, et son manoir Seigneurial, étoit proche de l’Eglise, mais il n’avoit aucuns titres pour prouver que le Patronnage eût été aumôné par les proprietaires de son fief ; il fut jugé en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Sainte-Heleine, le 13 de May 1644. entre les Chanoines de Séez, et Demoiselle Catherine le Petit, veuve de Jean le Tanneur, que les droits honorifiques en l’Eglise de Vari n’appartenoient point audit le Tanneur, et qu’il ne pouvoit en joüir au préjudice d’un autre Gentilhomme plus âgé que luy : les fiefs assis dans une Parosse n’attribuent aucuns honneurs aux possesseurs d’iceux. Berault rapporte les Arrests qui l’ont jugé de la sorte.

Laissons les Patrons en la possession de leurs honneurs qu’ils affectent avec tant d’empressement et de vanité, régardant les Eglises comme de petites Seigneuries, tanquam sibi majoribus suis regnata rura : Comme l’Eglise est le lieu le plus honorable, les particuliers n’ont pas moins de passion pour obtenir quelque rang qui les distingue des autres ; et c’est pourquoy aprés avoir reglé les droits des Patrons, il a été aussi necessaire pour éviter les desordres et les querelles de faire des reglemens entre les particuliers pour les seances, les bancs, et les autres prerogatives d’honneur et de preseance.

Les Gentilshommes tenans le premier rang aprés les Ecclesiastiques ; on n’a pû trouver de meilleur expedient pour borner leur ambition que de donner la preseance à l’âge, suivant le Chap. 1. de major. et obed. ut qui potior sit tempore, potior sit et jure : car en cette Province pour posseder un fief dans la Paroisse, on n’acquiert aucune prerogative, quoy que de Roye soit d’un sentiment contraire, de jur. honor. l. 2. c. 9.

L’âge en toutes rencontres doit donner l’avantage neanmoins les plus jeunes disputent souvent la preseance aux plus anciens, sous pretexte de charges, de dignitez, d’emplois, oud’autres prerogatives.

La contestation est arrivée fort souvent entre les Juges Royaux et les Gentilshommes.

Loyseau Ceux-là prétendans preceder les Gentilshommes plus âgez ; sur cette matiere Loyseau des Ordres c. 5. n. 75. a fait distinction entre les Offices, et son sentiment est que les Magistrats. dans letenduë de leur pouvoir precedent les Gentilshommes, à cause de la puissance et de fautorité qu’ils ont sur eux êtans les Juges de leurs fortunes, de leurs biens et de leurs vies.

De Roye , de jur. hon. l. 2. c. 8. a suivi dette opinion, et que ceux qui tiennent des Offices qui anoplissent, doivent marcher par tout devant les simples Gentilshommes, parce qu’êtans nobles cemme eux, ils ont cela de plus d’être Officiers du Roy, et d’avoir par consequent la puissance publique et une fonction excellente que ces simples Gentilshommes n’ont pas.

Pour les Offices qui n’annoblissent point, ils ne sont pas tous de même titre ; il faut distinguer entre les Offices en chef et les autres Offices, et entre les Officiers qui sont Gentilshommes, et ceux qui ne le sont pas. Pour les Officiers qui n’ont point cette qualité, on traita cette question en l’année 1628. s’ils devoient preceder les Gentilshommes ; La cause étoit entre un Gentilhomme et un Conseiller du Presidial d’Evreux, qui n’avoit pas la qualité de noble, les opinions des Juges étant partagées, il fut arrêté que Mr le Garde des Sceaux en seroit averti ce qui ne fut point fait. Aujourd’huy on ne douteroit plus qu’un simple Conseiller du Presidial de pourroit avoir la preseance sur un Gentilhomme, quoy que ce fût dans letenduë de sa Jurisdiction, comme on peut l’induire de l’Arrest du sieur Isnel, dont je parleray dans la suite.

Il y auroit plus de difficulté pour un Juge en chef, comme un Lieutenant General dans un Siege de Bailliage. Plusieurs estiment que dans les Céeremonies publiques qui se feroient dans le lieu de son exercice par l’ordre du Roy, on doit luy donner la preseance, mais hors cette rencontre, qu’elle ne leur appartient point ; et par Arrest du 3 de Mars 1617. on confirma la Sentence du Bailly d’Alencon, au Siege de Trun, donnée au profit de Mre Gohier Liart, par daquelle la preseance et les honneurs luy avoient été ajugez, au préjudice du sieur du Ménilquapel ; et tant s’en faut qu’on donnât tant d’avantage aux Officiers qui ne sont point Gentils. hommes, qu’on ne fattribué pas aux Officiers Gentilshommes, au prejudice de ceux qui sont plus âgez, comme il paroit par l’Arrest qui suit.

Il se mût un procez entre le sieur de la Picoterie et le sieur Isnel, Conseiller au Presidial de Caudebec, tous deux Gentilshommes, pour des honneurs d’Eglise : Le sieur de la Picoterie prétendoit la preseance comme le plus âgé, et que la qualité de Conseiller au Presidial n’ajoûtoit aucune prerogative à celle de Gentilhomme, qu’ssnel possedoit ; ce qui étoit si véritable que s’il n’avoit que le seul titre de Conseiller au Presidial, il seroit mal fondé à luy disputer la preseance Le sieur Isnel répondoit que sa naissance étant égale à celle du sieur de la Picoterie il avoit par dessus luy le caractere de Magistrat, en consequence dequoy il étoit son Justiciable, ayant l’autorité sur sa personne, sor ses biens, et sur sa vie : Mais aprés tout il avoit mauvaise grace de luy renouveler cette contestation, puisqu’en l’année 1606. ayant entrepris ce même procez ils en avoient tranfigé, et qu’il luy avoit consenti la preseance, dont en vertu de cette transaction. il étoit en possession depuis quarante ans : Le Bailly avoit maintenu le fieur Isnel ; sur l’appel on mit les parties hors de Cour, et neanmoins sans tirer consequence ; par Arrest du 18 de cévrier 1646. plaidans le Dain et Mr Poirier, maintenant second President en la Cour ; la transaction faite entre les parties mettoit la cause du sieur Isnel hors de toute difficulté, depuis a Cour a décidé ces matieres.

Cette question de preseance s’offrit au Parlement de Paris, en l’Audience de la Grand-

Chambre, le 3 de Decembre 1649. entre deux Conseillers du Presidial de Lyon, reçûs presque en même temps, l’un audit Presidial, et l’autre peu de temps aprés au Parlement de Paris, il fut jugé non seulement que celuy qui avoit été recû au Parlement devoit preceder ; mais aussi ur ce que celuy qui avoit été reçû au Presidial, n’ayant alors que vingt-deux ans, avoit obtenu une dispense d’âge, laquelle il avoit fait enteriner audit Presidial, quoy que les Presidiaux n’ayent pas ce pouvoir, qui n’appartient qu’aux Cours Souveraines. La Cour reçût M le Procureur General appelant de la reception de ce Conseiller, en faisant droit sur cet appels ensemble sur celuy interjetté par ce Conseiller reçû au Parlement, de la Sentence dudit Presidial, qui prenant connoissance du different d’entre ces deux particuliers, qui ne pouvoit être pareillement reglé que par la Cour, avoient ordonné que le reçû au Presidial precederoit, dit qu’il avoit été mal, nullement et incompetemment jugé, et ordonna que l’intimé rapporteroit ses glettres de provision pour y être pourvù, et jusques à ce luy fit défenses. Le motit de cet Arrest fut apparemment que les Presidiaux n’avoient pû connoître d’une dispense d’âge Et par Arrest en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr Auber, du 4 d’Avril 1859. entre le sieur de Costentin, Ecuyer, et Mre Henry le Coûs Ecuyer, Lieutenant General à Cerence, I fut jugé que ledit sieur le Coû, Lieutenant General à Cerence, precederoit dans l’Eglise de Cérence le sieur de Costentin plus âgé que luy, tant à la Procession qu’à l’Offertoire et marche, pourvû que le Lieutenant Gendral fût en habit decent et de magistrature, bien qu’il ne fût pas certain que l’Eglise de Cerence fût située dans ce Bailliage-là ; le sieur de Costentin prétendoit qu’elle êtoit dins celuy de Coûtance, et on tint pour constant que pour les Juges en chef, quand e ils sont Gentilshommes, ils ont la preseance sur les autres Gentilshommes dans l’Eglise situé dans le lieu où est le Siege principal de leur Jurisdiction. Cette cause avoit été plaidée lors que Mr le Comte de Thorigni, Lieutenant G néral pour le Roy en Normandie, prit sa seance au Parlement l’11. d’Avril 1658. et ayant été appointée au Conseil, intervint l’Arrest cu dessus.

Cela ne s’étend point aux autres Juges, suivant l’Arrest du 19 de Mars 1660. par lequel il fut dit que lesieur de Vauville, Ecuyer, prec deroit Me Avice, Ecuyer, sieur du Ménil Jourdan, Lieutenant particulier au Bailliage à S. Sauveur-le-Vicomte, comme étant le plus âgé, et qu’il n’y a que le Lieutenant General qui ait cette prerogative de preceder les Gentilshommes plus âgez que luy.

D’autres ont prétendu que l’Ordre de Chevalier de S. Michel leur donnoit rang au dessus des Gentilshommes, qui étoient plus âgez. Cette question fut d’cidée par Arrest du 27 de Juillet 1648. au Rapport de Mr du Houlley en la Grand-Chambre, entre René Campions Ecuyer, sieur du Ménil, et J an de la Croix, Ecuyer, d’uné part ; et Colardin, sieur de la Pinsonnière, Chevalier de l’Ordre S. Michel, d’autre part ; par lequel il fut dit que sans avoir égard à l’Ordre de S Michel, les plus âgez auroient la preseances Il est certain que l’Ordre S. Michel ne donne aucune prerogative, et les Chevaliers de cet Ordre ne peuvent avoir de plus grands dépens que les autres Gentilshommes, comme il fut jugé au Rapport de Mr Turgor, le 23 de Janvier 1631. en la Chambre des Enquêtes, entre le sieur du Pin, Chevalier de S. Michel, et le sieur Bachelier. Il fut dit par l’Arrest que le sieur du Pin ne pouvoit prétendre en sa qualité de Chevalier plus grande taxe qu’un autre Gentilhomme.

Voicy encore un autre exception à la regle qui donne la preseance à l’âge. Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre, le 23. de Mars 1610. entre des Gentilshommes nommez le Fortier, sçavoir si le fils du frere ainé devoit avoir les honneurs de l’Eglise avant son oncle plus âgé que luy ; L’oncle disoit que de droit qui gradu proximior est praferri debet. en matière de successions. Qu’il seroit contre la bien-seance et contre l’ordre de la nature que le neveu marchant avant son oncle, frère de son père, Patruus est quasi pater alius. Le neveu répondoit qu’il represente son pere, qu’il est une même personne avec luy, et que le droit de primogeniture passe aux enfans comme un droit de dignité qui ne s’éteint point, tant qu’il reste des enfans de l’ainé. Brrault a cité cet Arrest. Parmy les Payens, le fils ainé seul succedoit aux Héliodore Tiraquel thoses facrées, on en trouve un exemple remarquable dans H-liodore, lib. 10. ce qul se pratique aussi quelquefois entre les Chrêtiens. Tiraqueau, t. de jure primog. qu. 36. De Roye c. 19. in Prolegom. leges Scot. l. 3. c 33.

Tiraquel Cela doit être particulièrement gardé en Normandie, où l’ainé ou ses representans succedent en ce qu’il y a de noble : Mr Tiraqueau de jure primogenitorum, a remarqué que, ex consuetudine xpressâ Normannorum patruus prafertur nepoti. t. d’écheance de succession et de brief de prochain d’an cesseur ; Mais le vieux Coûtumier dit que cette Coûtume est contraire à l’ancienne, et qu’elle ut introduite par les Puissans, aussi cela ne s’observe plas parmy nous. VoyezHottoman .

Questions illustres. Qu. 3. et 4Chopin , l. 2. t. 12. Par Arrest il fut dit que la preseance appartiendroit au fils du second frere, au préjudice de l’oncle qui étoit le troisième frère-Coyseau des Seigneuries, c. 11. n. 36. et 37 fait de deux sortes de preseances, l’une de droit, et l’autre d’honneur. Il appelle preseance de droit, celle du Seigneur Haut-Justicier ; dans son Territoire, du Maître en sa Maison, du Patron en son Eglise. La preseance d’honsieur et de bien-seance est celle du parent superieur sur l’inferieur, d’un vieillard sur un je ne nomme, d’une personne de qualité sur une moindre, suivant cette distinction ; bien que de droit les honneurs appartiennent au fils de l’ainé, il ne peut neanmoins s’en prévaloir contre son oncle, sans choquer en quelque sorte la bien-seance ; cependant quand il faut juger à la rigueur et suivant les Coûtumes, la cause du neveu remporte sur celle de loncle.

Par Arrest en la Chambre des Vacations du 25 de Septembre 1614. entre Morin Laboureur demeurant à S. Pierre de Longueville, et un Archer de la Porte du Roy, sur ce que cet Archer vouloit preceder Morin, la preseance luy étant ajugée, Morin en appela, et disoit qu’il étoit plus gé, que cet Archer êtoit fils d’un Païsan, que la qualité d’Archer de la Porte ne luy donnoit point la preseance, et luy Morin avoit porté les armes pour le service du Roy, ce qu’il justifioit par des certificats ; néanmoins la Sentence fut confirmée, et la preseance ajugée à l’Archer.

Bien que l’âge entre Gentilshommes regle la preseance, on a fait quelque difference entri ancien noble et celuy qui avoit obtenu l’annoblissement ; cette question s’offrit en la GrandChambre le mois de May 1599. Le nouveau noble remontroit que la vertu seule est l’origine et le fondement de la véritable noblesse, de sorte que celuy que le Prince honore de ce titre pour recompense de ses services, est d’un merite beaucoup au dessus de celuy qui n’a fait aucun acte vertueux, et qui doit tout l’avantage de sa noblesse aux bonnes actions de ses ancêtres.

Il n’est pas juste qu’il profite de leurs travaux, puis qu’il n’imite pas leur vertu, et qu’il abanlonne la route qui conduit à la gloire pour vieillir dans la faineantise et l’oysiveté. Il y a eaucoup plus de mérite à donner à sa Postérité des titres d’honneur que de les emprunter Saluste de ses Predécesseurs : Malo, ditCiceron , posteris meis esse nobilitatis initium & virtutis exemplum, quam majorum opinione uti. Il vaut bien mieux, comme répondit Marius dans Saluste à ceux qui luy reprochoient la bassesse de sa naissance, pouvoir montrer à chaque moment les marques de sa noblesse, qui étoient les blessures qu’il avoit reçûës pour le service de sa Patrie.

Malo pater Thersites sit tibi, dummodo tu sis

Cacidae similis, Wlcaniaque arma capessas,

Quâm te Thersiti similem producat Achilles.

Ce n’est pas à vray dire la Charte et la Lettre du Prince qui donne la noblesse, elle ne fait que déclarer et le mérite et la vertu de celuy qui est annobli, et il n’étoit pas moins nobli auparavant s’il avoit les qualitez qui forment la véritable noblesse. Aprés tout puis que toute la noblesse procede du Prince, quand il luy plaist honorer quelqu’un de cette qualité, il luy confere toutes les conditions qui sont requises pour joüir pleinement de toutes les prerogatives des nobles. Sa grace ne demeure point imparfaite, et celuy qui est annobly devient aussi parfaitement noble que celuy qui l’est par naissance. S’il étoit autrement, celuy qui montreroit plus de generations seroit le plus noble, et il ne faudroit plus considerer l’âge, mais compter les degrez pour-re gler la preseance entre Gentilshommes, ce qui causeroit une étrange conusion : La noblesse est comme la substance que neque extenditur, neque remittitur, non recipit magis et minus

Le nobie d’extraction faisoit comparaison de la noblesse avec les fleuves qui croissent et qui trossissent leur cours plus ils s’éloignent de leurs sources ; la noblesse aussi augmente sa splendeur et son lustre plus elle vieillit. Les peuples les plus polis ont eu toûjours du respect et de la veneration pour ceux dont l’origine étoit ancienne et illustre : C’étoit la gloire des Hepreux de rapporter leur origine à leur pere Abraham. Les Grecs affectoient d’ajoûter à leurs noms ceux de leurs peres, et les Romains dans les Cérémonies publiques étaloient avec faste les Images enfumées et tronquées de leurs ancêtres. La vertu ; la gloire, et l’honneur des ayeuls est une belle lumière qui éclaire à leur postérité, et qui leur inspire un noble desir de suivre leur exemple et de se montrer dignes successeurs d’un sang genereux.

Fortes creantur fortibus, & bonis,

Est in juvencis, est in equis patrum

Virtus, nec imbellem feroces

Progenerant aquilae columban

Les Ordonnances de nos Rois favorisent si fort ceux qui sont d’extraction noble qu’elles veusent qu’ils soient preferez pour les Cffices et les Benefices, et par l’Ordonnance de Loüis XII. il est requis cinq ans d’étude aux graduez nen nobles, et il n’en faut que trois pour les nobles. par Arrest entre Oger de Pierre, sieur des Hautes-Terres, et le sieur l’Archer, Conseiller en la Cour des Avdes, les honneurs et la preseance furent donnez au sieur des Hautes-Terres, noble d’ancienne Race, au préjudice du sieur l’Archer, nouveau annobli, encore qu’il eût été vingt ans Conseiller en Cour Souveraine. Autre Arrest du 13 de Juillet 16z1. entre Paian de Monts, Ecuyer, sieur de Thiboville appelant, et Jean Colas annobli ; le Juge de Valogne avoit donné la preseance à l’annobli, comme plus ancien d’âge, par l’Arrest en infirmant la Sentence la preseance fut donnée au noble d’extraction ; mais il faut remarquer que ledit Colas avoit obtenu les lettres d’annoblissement.

Une question presque semblable s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le mois de Mars 618. entre Gilles de Meharenc, Ecuyer, sieur de la Noë, dont la famille est noble et ancienne, et Jean de Melun, dont le pere avoit été annobli en l’année 1593. De Melun se fondoit sur cette raison, qu’il étoit fils de noble, et que par consequent sa noblesse étoit de Race, à quoy de

Meharene répondoit que de Melun êtoit né avant l’annoblissement de son pere, d’où il concluoit qu’il étoit né roturier, et non de pere noble, mais annobli : la Cour sur cette question appointa les parties au Conseil. Ciceron pro Fonteio, pour marque d’une véritable noblesse désire ces quare choses : antiquitas generis, continua Praturae in familia, deinde mémoria Patris, postremâ ipse Je quo loquitur, in omnibus vitae partibus honestus arque integer. Au contraire Decius dans TiteLive , voulant persuader au peuple Romain qu’il falloit choisir des Sacrificateurs d’entre le peuple, luy remontroit Patricios esse factos, non è celo demissos, qui patrem avumque cière possunt, nihil pra. terea ingenuum jam patrem cière posse, filius avum patremque ciere poterit. Sur cette question si le fils avant l’annoblissement de son pere est noble, voyezHottoman , Quest. Illust. 4. 2.

Puisque la noblesse donne tant de prerogatives ; il ne sera pas inutile de remarquer qu’en Normandie, comme ailleurs, il suffit pour établir cette qualité de prouver deux degrez au dessus de l’inquieté, quoy qu’autrefois on prétendit qu’il falloit en justifier trois. Cela fut ordonné par un Arrest du Conseil d’Etat du 13 d’Avril 1641. donné sur ce qui fut remontré au Roy, par le Procureur Syndie des Etats de Normandie, que la prétention de Me Jean Bapriste Paleologo, qui avoit traité avec sa Majesté du droit de Franes-fiefs, que tous ceux qui ne vérisioient pas leur noblesse de quatre Races, les Officiers des Cours Souveraines et tous les nobles par et tres les veuves et les descendans des uns et des autres, étoient sujets au payement dudit droit, êtoit contraire aux anciens droits de la noblesse, et contre la loy commune du Royaume, qui tient pour nobles tous ceux qui sont descendus de pere et ayeul, qui ont vécu noblement, les annoblis par lettres et tous les Officiers des Compagnies Souveraines, le Roy en son Conseil ayant égard aux remontrances dudit Syndic des Etats de Normandie, ordonna que tous les Gentilshommes de ladite Province, dont le pere et ayeul auroient vécu noblement, et été en possession de noblesse, et ceux dont l’ayeul auroit obtenu lettres de noblesse, dûëment verifiées, et qui n’auroient point dérogé à noblesse, seroient exempts des taxes des Françs. fiefs.

La même question ayant été renouvelée devant les Commissaires députez pour la recherche les usurpateurs du titre de noblesse, par un Arrest du Conseil d’Etat au profit de Jacques, François et Claude Frontin freres, qui comme dessus d’ayeal et pere, Auditeurs en la Chambre des Comptes Roüen, furent maintenus en la qualité de Nobles et Ecuyers.

EXTRAIT DES REGISTRES DU CONSEIL D’ÉTAT.

V EU au Conseil du Roy, l’Arrest rendu en iceluy le 10 de May 1672. portant Commission aux sieurs Commissaires y dénommez, pour instruire et faire rapport audit Conseil, des instances pendantes en iceluy, concernant la recherche des Usurpateurs du titre de Noblesse. Les Lettres patentes cu-devant expediées au sieur Foucaut, Procureur General du Roy en ladite Commission, du 2o Septembre 1666. et autres Lettres patentes et Arrests, donnez pour l’execution des Declarations de sa Majesté, des 8 Février 1661. 22 Juin 664. et autres precedens et subsequens. L’Instance d’entre Me Jacques Frontin, sieur du Tot, Conseiller du Roy, Maître ordinaire en sa Chambre des Comptes de Normandie, denandeur aux fins des Requêtes, sur lesquelles est intervenue l’Ordonnance desdits sieurs Commissaires du Conseil du 28 Aoust 1672. d’une part ; et Me Nicolas de Licourt, Commis à ladite recherche en la Province de Normandie, défendeur d’autre ; Et entre François Fronin, sieur de la Hauteville, et Claude Frontin, sieur de Clarmont, intervenans et reçûs par-les en ladite Instance, par Ordonnance desdits sieurs Commiffaires du 29 de Septembre audit an 1672. d’une autre part ; et ledit de Licourt défendeur d’autre : La première desdites Requêtes, tendante à ce que ledit sieur du Tot fût recû opposant à l’execution faite sur ses siens-meubles le 3. Aoust audit an, à la requête dudit de Licourt ; et faisant droit sur ladite opposition, déclarer ladite execution injurieuse, tortionnaire et déraisonnable, ordonner que la vaisselle d’argent saisie et mentionnée en ladite execution luy seroit renduë et restituée, et en outre le recevoir appelant de l’Ordonnance contre luy renduë par le sieur de Creil Commissaire départy en la Genéralité de Roüen ledit jour 3. Aoust dernier, luy permettre de faire intimer sur ledit appel ledit de Licourt et autres qu’il appartiendra, et faisant droit sur iceluy, que ladite Ordonnance sera cassée et annullée. Et la seconde et dernière desdites Requêtes tendante à être recû d’abondant opposant aux executions sur luy faites le 20. dudit mois d’Aoust, et appelant en adherant de l’Ordonnance dudit sieur de Creil dudit jour 20. Aoust ; faisant droit sur lesdites oppositions et appellations declarer lesdites executions nulles, tortionnaires et déraisonnables, les casser et annuller, ensemble lOrdonnance dudit sieur de Creil, et condamner solidairement ledit de Licourt, le nommé Aubry son Commis, et le Sergent qui a fait lesdites executions, aux dommages et interests dudit sieur du Tot, à rendre et restituer les choses saisies et executées et par corps, et les douze livres de frais et mises d’execution, ensemble tous dépositaires d’iceux, et même le nommé Briffaut, és mains duquel ledit sieur du Tot a consigné la somme de mil livres contraint par les mêmes voyes à luy rendre et restituer ladite somme, moyennant quoy ils en demeureront bien et valablement déchargez, et lesdits de Licourt, aubry, et le Sergent aussi condamnez solidairement aux dépens envers ledit sieur-du Tot-

L’Ordonnance desdits sieurs Commissaires du Conseil dudit jour 28 Aoust 1672. intervenuë. sur lesdites Requêtes portant qu’avant faire droit sur icelles, ledit sieur du Tot produiroit dans quinzaine au Greffe de la Commission tout ce que bon luy sembleroit pour être communiqué audit de Licourt, montré au Procureur General, et fait droit ainsi que de raison. L’inventaire de production faite en consequence par ledit sieur du Tot, par lequel il conclud aux fins cu-dessus, et à être maintenu et gardé en la qualité de Noble et d’Ecuyer, comme étant issu de Jacques Frontin son pere, et de Jacques Frontin son ayeul, qui ont toûjours été successivement Auditeurs des Comptes depuis l’année 1582. Les lettres de provision de Jacques Frontin, ayeul dudit sieur du Tot en la Charge de Conseiller Auditeur en la Chambre des Comptes de Normandie du 17 Janvier 1582. sur le reply desquelles est l’acte de reception du 2. Avril audit in, et sous le contre-scel est artaché la Procuration, ad resignandum, en faveur dudit sieur Frontin, et la quittance du Marc d’Or dudit Office des 13. et 16. Janvier audit an 1582. Deux copies collationnées de permissions de chasses : accordées par les Rois Henry III. et Hefiry IV. audit Jacques Frontin, des 21 Octobre 1585. et 17 Janvier 1600. Les lettres d’honneur dudit acques Frontin, en sa Charge de Conseiller Auditeur, aprés trente deux ans de services, en datte du 25 Février 1614. régistrées en ladite Chambre des Comptes de Normandie le 21. Juillet audit an. Copie collationnée Mignot, Secrétaire du Roy, des lettres de provision de Jacques Frontin, pere dudit sieur du Tot, en la même Charge d’Auditeur des Comptes du 24 Février 1614. et son acte de reception du 24. Juillet audit an. Chartres en formes d’anoblissement octroyées audit Jacques Frontin, en consideration de ses services et de ceux rendus par Me Jacques Frontin son pere, en l’exercice de ladite Charge d’Auditeur, en datte du S Decembre 1633. registrées en la Chambre desComptes et Cour des Aydes de Normandie, les premier Février 1634. et 11 Juillet 1637. Lettres d’honneur dudit Jacques Frontin pere dudit sieur du Tot, de sadite Charge d’Auditeur du 18 Juillet 1638. registrées en ladite Chambre des Comptes le 10 Septembre audit an. La Declaration du Roy du mois de Juillet 1652. portant anoblissement en faveur des Officiers de ladite Chambre des Comptes de Normandie, régistrée au Parlement, en ladite Chambre et Cour des Aydes de ladite Province. Certificat que ledit Jacques Frontin Auditeur ere dudit sieur du Tot, auroit contribué avec tout le Corps de ladite Chambre des Comptes. comme honoraire d’icelle, au commerce des Indes Orientales en 1665. Extrait mortuaire du decez dudit sieur Frontin du 11 Février 1667. La grosse en parchemin des lots et partages de la succession dudit feu sieur Frontin entre François Frontin, Ecuyer, sieur de la Hauteville, Jacques Frontin, Ecuyer, sieur du Tot, et Claude Frontin, Ecuyer, sieur de Clarmont ses fils, et heritiers du 4 Juillet 1667. Extrait du Rôlle arrêté au Conseil le 10 May 1667. dans lequel Jacques Frontin, sieur du Tor et de Hauteville, est employé pour 2ooo livres d’amende, à laquelle il auroit été condamné par forclusion le 19. Avril audit an, pour avoir pris et usurpé la qualité d’Ecuyer. Autre Extrait du compte rendu au Conseil par ledit de Licourt des amendes des usurpaeurs de ladite Province de Normandie, auquel l’article de l’amende dudit sieur Frontin est em-ployée et admise à neant du 23 Janvier 1672. Acte du 12 May 1667. signifié audit de Licourt à la requête desdits sieurs Frontin enfans dudit sieur Frontin, contenant offre de produire.

Exploit de commandement fait audit feu sieur Frontin, parlant à sa personne, à la requête dudit de Licourt, de payer ladite amende de 2o0o livres du 17 May 1667. Extrait de produit par lesdits sieurs Frontin, au Greffe de la Commission dudit sieur Barrin du 18 desdits mois et an. Acte de sommation audit de Licourt, de remettre audit Greffe la production desdits sieurs Frontin, du 6. Juin audit an. Requête presentée audit sieur de la Gallissonnière, par lesdits Frontin, à ce que ledit de Licourt fut condamné de remettre au Greffe leur production, au bas de laquelle est lOrdonnance, de soit communiqué. Et cependant toutes choses demeurant en état, du 12 Juin 1667. Acte de communication audit de Licourt du 16. Septembre audit an. L’Ordonnance dudit sieur de la Gallissonnière du 20. desdits mois et an, par laquelle lesdits sieurs Frontin sont remis à produire dans huitaine, en payant les dépens de la forclusion. Plusieurs actes et procedures en consequence, et le Jugement difinitif dudit sieur de la Gallissonnière lu 28 Juillet 1668. portant renvoy au Conseil, en explication de la Declaration de 1652. attendu que ladite Declaration semble n’être qu’en faveur des Officiers, qui étoient actuelle ment titulaires, et ledit Jacques Frontin lors de ladite Declaration de 1652. n’étant plus revétu de la Charge d’Auditeur, mais simplement honoraire. L’autre moyen, qu’il y a eu pere et grand pere successivement pourvûs de la même Charge d’Auditeur, n’étant considérable en Normandie où il en faut trois au dessus de l’inquieté. Acte de reception dudit sieur du Tot, en sa Charge de Maître des Comptes audit Roüen, du 28 Juin 1669. dans lequel est énoncé. Autre acte de la reception dudit sieur du Tot, en la Charge de Lieutenant Genéral, civil et Criminel en la ville de Gournay, du 12 Juin 1651. Extrait de la Declaration du mois de Juillet 1669. Autre Extrait de l’article 25. de l’Edit 1600. faisant défences à toutes personnes de prendre la qualité d’Ecuyer, et de s’inserer au Corps de la Noblesse, qu’ils ne soient issus de pere et ayeul ayant fait profession des Armes, ou servi au public en Charges hono rables, et de celles qui par les Loix et moeurs du Royaume, peuvent donner le commencement de Noblesse, avec les Remontrances faites au Roy sur ledit article, par la Cour des Aydes de

Normandie, et l’intention de sa Majesté sur lesdites Remontrances. L’Extrait de l’Arrest du 1s Avril 1602. portant declaration de Noblesse, des enfans des Officiers de Parlement et Chambre des Comptes, ayant eu leur pere et grand pere, veterans desdites Charges, ou decedez dans le service d’icelles. L’Exploit de saisie et execution faite sur ledit sieur du Tor, à la requête dudit de Licourt, en qualité d’heritier dudit feu sieur Frontin son pere, pour la somme de 2000. livres d’amende et deux sols pour livre, en laquelle ledit de Licourt prérendoit que ledit feu sieur Frontin avoit été condamné et compris au Rôlle du Conseil, du mois de May 1667. Ledit Exploit de saisie du 3 Aoust 1672. L’Ordonnance dudit sieur de Creil, dudit jour, portant que ledit sieur du Tot seroit tenu de faire juger son instance dans le mois au Conseil, et cependant qu’il garniroit dans huitaine ladite somme de 2000. livres et deux sols pour livre entre les mains de Jacques Briffaut Epicier à Roüen, dont il mettroit le billet de garnissement és mains dudit Aubry, pour par luy toucher ladite somme, faute par ledit sieur du Tot de faire vuider ladite Instance dans le mois, cependant les choses executées tenant état ; et permis de les faire vendre, faute de faire ledit garnissement dans ledit temps de huitaine. Autre Exploit de saisie et execution faite par le Comte Sergent, à la requête de dit de Licourt, sur les meubles dudit sieur du Tor, et bestiaux d’un de ses Fermiers, du 2o dudit mois d’Aoust 1672. Autre Ordonnance dudit sieur de Creil dudit jour, portant entr’autres choses que ledit sieur Frontin consigneroit dans le jour la somme de mille livres entre les mains dudit Briffaut, et en fourniroit le billet de consignation audit Aubry, moyennant quoy main-levée desdits bestiaux saisis, tant sur luy que sur son Fermier, la saisie des autres meubles tenant, jusques à ce qu’autrement par luy en eût été ordonné ; et faute par ledit Frontin d’avoir fait la consignation portée par ladite Ordonnance du 3. dudit mois, condamné aux frais et mises d’execution, moderées à douze livres. Copie de Quittance dudit le Comte Sergent, de ladite somme de douze livres. Autre copie de billet de consignation faite par ledit sieur du Tot és mains dudit Biiffaut, de la somme de mille livres, dudit jour 20. Aoust ; Le Blazon des Armes de Frontin porte d’argent à trois branches de houx à triple feüille de Sinople. Treize certificats justificatifs des services rendus dans les Armées par François Fron-tin Ecuyer, sieur d. Hauteville, et François Frontin Ecuyer, fieur de la Jozerie, son fils, frere et neven dudit sieur du Tot, des années 1641. 1644. 1667. 1668. 1669. et 1672. L’acte de sejour dudit sieur du Tot, signifié audit de Licourt, au domicile de Me Jobert son Avos car, le S Septembre 1672. Autre acte signifié audit jobert, comme ledit sieur du Tot avoit mis sa production au G’effe, à ce que ledit Jobert audit nom eût, à en prendre communication, et y fournir de contredits, du f2. dudit mois de Septembre. Trois Actes de somma-tions faites audit jobert, de remettre ladite production au Greffe, et de fournir de contredits à icelle, des 17. 19 et 20. dudit mois. Roquête dudit sieur du Tot, à ce qu’il luy fût pourvû sur le refus dudit de Licourt, de répondre à sadite production, signifiée audit lobert Avocat dudit de Licourt, le 23. dudit mois de Seprembre. Requête d’intervention desdits François et Claude Frontin, sieurs de la Hauteville et de Clarmont, freres dudit sieur du Tot, aux fins d’être reçûs parties en ladite Instance, et leur être accordé acte de ce qu’ils employent, tout ce qui a été dit, écrit et produit par ledit sieur du Tot, pour être maintenus en leur qualité de Noblesse et d’Ecuyer. Ordonnance desdits sieurs Commissaires, du. à0 Septembre 1672. intervenuë sur ladite Requête, par laquelle lesdits François et Claude Frontin sont reçûs parties intervenantes en ladite Instance, et au surplus en jugeant, signifiée audit Jobert Avocat le 14. Octobre audit an. Contredits fournis par ledit de Lieourt le 4. dudit mois d’Octobre. Salvations dudit sieur du Tot aux contredits, du 5. du même mois. Conclsions du Procureur General en ladite Commission : Où y le Rapport du sieur de Thuily, Conseillet du Roy en ses Conseils, Maître des Requêtes ordinaire de son Hôtel, Commissaire à ce dé puté qui en a communiqué ausdits sieurs Commissaires du Conseil, et tout considéré LE ROY EN SON CONSEIL, faisant droit sur ladite Instance de renvoy, et sur l’opposition dudit Jacques Frontin, sieur du Tot, ensemble sur l’intervention desdits François Frontin, sieur de la Hauteville ; et Claude Frontin, sieur de Clarmont, freres issus d’ayeux pere, Auditeurs des Comptes à Roüen ; et sans s’arrêter audit Jugement rendu par for-clusion par ledit sieur de la Gillissonniere, cy-devant Commissaire départy en la Generalité de Roüen dudit jour 1o Avril 1667. et au Rolle arrété audit Conseil le 10. May ensuivant, ni à tout ce qui a été fait en consequence : à maintenu et gardé, maintient et garde lesdits François, Jacques et Claud : Frontin frères, en la qualité de Nobles et d’Ecuyer ; En consequence a ordonné et ordonne qu’ils joüiront, ensemble leurs enfans, successeurs et posterité, naiz et à naître en legitime mariage, des droits, privileges, honneurs ; et exemptions, dont joüissent les Nobles du Royaume : Faisant sa Majesté défences audit de Licourt et à tous autres de les y troubler ; tant et si longuement qu’ils vivront, sans faire aucun acte dérogeant à Noblesse ; et pour cet effet que lesdits Frontin seront inscrits dans le Catalogue des Genrilshommes, qui sera arrété et envoyé dans les Bailliages, Elections, et autres lieux du Royaume, que besoin sera en execution de l’Arrest dudit Conseil du 22 Mars 1666. Ordonne sa Majesté, que la somme de mille livres consignée par ledit Jaeques Frontin, és mains dudit Briffaut, en consequence de ladite Oidonnance dudit sieur de Cteil, Commil aire départy en ladite Genéralité de Roüen, du 20. Aoust dernier, luy sera renduë et restituée, ensemble celle de douze livres aussi par luy payée pour frais d’execution, en consequence de ladite Ordonnances Et en outre luy fait sa Majt sté pleine et entière main-levée des autres biens-meubles sur luy saisis et execurez, et à ce faire lesdits de Licourt, de la Porte sa caution, ses Commis et les dépositaires, contraints par toutes voyes dûës et raisonnables, quoy faisant ils en demeureont bien et valablement déchargez, en vertu du present Arrest. Fait au Conseil d’Etat du Roy, tenu à Versailles le seizième jour de Novembre mil six cens soixante et douze. Collationné, et signé BEeRAMEL, avec paraphes.

Si lambition commande si fort aux hommes, les femmes ne sont pas moins travaillées de cette passion ; elles ont souvent entrepris de marcher avant les hommes ; tant à la Procession qu’à Offrande : mais quelque qualité qu’elles puissent avoir elles ne doivent marcher qu’aprés les commes, ita ut primas anteviros in Processione tenere non debent, sed tantum extremas cujuscumque sint onditionis in ipsa etiam civili & seculari politia semper major est dignitas in sexu virili, l. 1. D. de Senat.

Loyseau C’est a issi le sentiment de Loyseau des Seig. c. 11. n. 53. et suivant cela il a été jugé par Arrest du premier Féveier 1633. qu’une Demoiselle ne pouvoit preceder les hommes à la Procession ni aux autres Ceremonies, quoy que la pluspart de ces hommes-là fussent ses vassaux et de condition roturirre.

Il reste à parler des bancs comme faisant partie des honneurs d’Eglise. Ce seroit rétrancher un grand abus que d’en interdire le commerce. Tous les sieges dans les Eglises dévroient être publics comme les Eglises sont publiques, et personne ne dévroit avoir d’banc qui luy fût propre et particulier ; mais ce mal a jetté de si profondes racines qu’il n’en faut plus esperer le remede.

Les premiers sieges sur tout dans les Eglises ont toûjours été des marques d’honneur, vel Cathedra honorant, sicut honores seculi, disoitS. Augustin . Augustin, Ep. 203. Les Pharisiens aimoient les premieres places aux banquets, et les premières seances aux Synagogues. S. Matthieu c. 3.

Il est certain qu’autrefois dans les Egliles la seance des fidéles n’étoit point distinguée par les dignitez ou les qualitez, mais par l’âge et le sexe ; les vieillards étoient separez d’avec les jeunes, es femmes d’avec les hommes, il est encor certain que les seuls Ecclesiastiques étoient assis, et que les Laiques étoient de bout, peut. être que dins la suite on permit aux malades de s’asseoits Balsamon on en vint jusqu’au luxe suivant le témoignage de Balsamon, nonnulli lectulos in medio Templi submittentes hujusmodi thoros, seu strata, vel ad majores delicias, ivel alioquin ad suam quietem faciebant. De Hac re, voyez, l. l. c. 10.Servius , sur le second Livre de Roye IEneide, dit que dans les Temples il y avoit des sieges qu’ils appeloient lectisternia, sur lesquels les hommes étoient assis.

Mais aujoui d’huy nul ne peut hors le Patron avoir de banc dans l’Eglise, sans la permission des Marguilliers et Tresoriers de la Paroisse.

Cette concession de banc n’est pas même une proprieté, ce n’est qu’un simple usage à vie, Loyseau qui n’est pas transmissible aux heritiers, s’il n’y a clause expresse. Voyez Loyseau des Seig. c. 11.

Loüet Les bancs ne peuvent être baillez à perpetuité, suivant l’Arrest du Parlement de Paris, raporté par Mr Loüer, l. E. n. 9. et ils ne sont point héréditaires : neanmoins, ditBrodeau , ibidem, les veuves et les enfans, et les heritiers de ceux à qui ils ont été concedez ont accoûtumé d’être conservez en la possession d’iceux, moyennant une reconnoissance à la fabrique de l’Eglise, et d’être preferez à ceux qui les demandent lors qu’ils font le mêmes avantages, par argument de la ley, congruit ff. de locat. prad. civilium. Codice veteres colonos nouis praferendos esseOn demande si un banc d’Eglise ayant été concedé par les Marguilliers à un particulier et aux siens, et ses enfans ayant quitté la Paroisse pendant quelque temps, et y retournans, doivent être maint enus en ce droit de banc au préjudice de la concession faite à un autre de ce même banc, pendant leur absence ; On peut dire en faveur de celuy qui avoit obtenu la dernière concession qu’il étoit en la liberté des Marguilliers de disposer des bancs au profit de qui bon leur semble, aprés la mort de ceux ausquels la concession en avoit été faite, ayant été jugé par plusieurs Arrests que ces concessions finissoient avec la personne, que les bancs des Eglises qui sont facrez et qui ne se peuvent alienet, ne peuvent aussi être baillez comme une chose profane à un Paroissi-n et aux siens, que si cela étoit autorisé ce seroit introduire une seigneurie et proprieté des choses Ecclesivstiques, contre la disposition des loix Canoniques et civil, et qu’en tout cas ces concessiens ne pouvoit nt avoir lieu pendant que le preneur et ses enfans demeuroient dans la Paroisse : mais quand ils l’abandonnoient et se retiroient ailleurs, les Marguilliers en pouvoient disposer en faveur de ceux qui faisoient quelque reconnoissance à l’EglifePour faire valoir cette nouvelle concessien au premier preneur ou à ses enfans, il faudroit qu’ils eussent quitté la Paroisse sans ai cun dessein d’y retourner quelque jour ; car pour avoit drmeuré ailleurs, y étant peut-être obligez par la nécessité de leurs affaires, ou pour quelqu’autre sujet, il ne seroit pas raisonnable de les priver de leur droit, sous pretexte de quelque reconncissance qu’on auroit faite à l’Eglise, cela fut jugé de la sorte au Parlement de Paris en l’Audience de la Grand : Chambre le 29 Janvier i64i. la fille de celuy auquel on avoit concedé un banc pour luy et les siens, s’étant retirée avec son tuteur en la ville de Senlis, à cause de la contagion, aprés avoir demeuré neufans à Compiegne, elle retourna à Senlis, et voulant occuper le banc en vertu de la concession qui en avoit été faite à son pere, un particulier qui en avoit pris un troit moyennant six livres lempescha, et s’étant plaint du trouble, il fut dit par Sentence que e banc demeureroit à ladite de la Haye, ce qui fut confirmé par lArrest, en remboursant ce articulier des six livres qu’il avoit payées.

La possession feule ne suffit pas ordinairement ; neanmoins en la cause de Claude de Tourisieur d’Estré, et Jeanne Saley sa femme, d’une part, et Augustin le Petit, Ecuyer, sieur des Is, l’autre part ; par Arrest du 4 d’Aoust 1638. au Rapport de Mr de Galantine, en la Chambre des Enquêtes, ledit Claude de Touri fut maintenu en la possession d’un banc, seance, et sepulture en la Chapelle d’une Eglise, sans pouvoir être dépossedé par les Tresoriers : lArrest sst fondé sur ces raisons, qu’encore qu’on ne fit apparoir du titre primitif de la fondation de la Chapelle dont êtoit question, néanmoins on le devoit présumer, parce que depuis en l’année 1573. a possession avoit été continuée en l’an 1594. en 1611. et 1612. et telle possession bien qu’elle ne fût pas un titre, elle le faisoit présumer, non vi prascriptionis, sed prasumptionis. Outre la possession il y avoit des signes visibles et exterieurs, ceintures funebres, armoiries et sepulture, ue les interdits sont donnez par le droit civil pour les sepulcres de Religieux, EaePERLUETTE sumptibus Institutes funerum. ff. Joannes Faber aux Institutes, 5. retinendae de interdictis.Le Maréchal , des Droits Honorifiques, c. 2. pour les Chapelles, Bancs. Il seroit inhumain de priver un homme de la Loyseau sepulture dans les sepuleres de ses Peres. Et Loyseau qui dans le traité des Seigneuries, semble décider la question au préjudice de la possession, conclud enfin pour la possession, quand elle est accompagnée de marques exterieures et visibles.

Le 18 d’Avril 1667. en l’Audience de la Grand. Chambre, il fut jugé que pour des bancs et seances en l’Eglise, le titre et la possession servoient, et qu’un Gentilhomme de la Paroisse n’en pouvoit déposseder un roturier, nonobstant que sa seance fût plus honorable. Deux Gentilshommes nommez Suhard possedoient depuis long-temps un banc dans l’Eglise de leur Paroisse, ils en avoient même quelques sortes de titres. Un Curé de la Paroisse, qui étoit de leur famille, et qui portoit leur nom, ayant fait employer à la fin d’un Contrat de fondation, qui se faisoit par d’autres personnes que les sieurs Suhard, ses parens avoient seance dans le banc dont étoit question, et en consideration de ce qu’ils avoient fait construire le Clocher et la Tour de l’Eglise, Ils avoient eu durant trente ans la possession de cette place. Aprés leur mort leurs heritiers nommez Herout, qui n’étoient pas nobles, y furent troublez par un Gentilhomme de la Paroisse, qui prétendoit l’avoir, comme étant la place la plus honorable de la Nef, par Sentence du Juge de Lysieux la provision fut ajugée à ce Gentilhomme, nommé Poret : sur l’appel en la Cour on fit intervenir Judith Suhard, qui êtoit de la même famille et de la même Paroisse. Aubout, son Avocat, tant pour cette Demoiselle que pour lesdits Herout, conclud qu’en reformant la Sentence ils seroient maintenus en la possession du banc en question, vs la longue possession de leurs Predécesseurs, qu’ils étoient même bien-faicteurs, ayant fait plusieurs fondatlons en l’Eglise, et qu’il ne seroit pas juste qu’un Gentilhomme, sous pretexte de sa qualité, fût recevable à changer toutes les seances d’une Eglise. La Demoiselle Suhard étant de la même famille, elle avoir un juste interest de s’opposer à ce changement. L’intimé se fondoit sur sa qualité, et qu’il seroit cont re la bien-seance qu’un roturier eût, à son préjudice, la seance la plus honorable de l’Eglise.

La Cour en reformant la Sentence, maintint les appelans en la possession du banc en question.

On a depuis jugé le contraire sur cette même question le 29 de Novembre 1672. entre Charles Gruel, Ecuyer, sieur des Fosses, appelant d’une Sentence, par laquelle il avoit été dit que sans avoir égard à l’intervention de Brançois du Four, sieur du Marchet, Me Leon du Puis, Receveur des Decimes à Seés, êtoit maintenu au droit de seance en l’Eglise de la Paroisse de la Boiquiere, au préjudice desdits du Four et Gruel, d’une part, et ledit du Puis intimé, et François du Four intimé, Grihaut, son Avocat, pour l’appelant dit qu’il s’agissoit de sçavoir si sa partie, qui étoit de condition noble, n’auroit pas un banc dans l’Eglise avant l’intimé, qui étoit de condition roturieC : Que la preseance des nobles dans l’Eglise êtoit certaine, et que l’infeodation attribuée par l’intimé pour se maintenir dans la place par luy occupée n’étoit pas considérable, et à l’égard du sieur du Four elle étoit inutile, n’ayant jamais demeuré dans cette Paroisse. Maurry, pour l’intimé conéluoit qu’il devoit être maintenu en la possession de son banc : De Cahaignes pour du Four demandoit la preference, comme étant le plus âgé. Par l’Arrest la Sentence fut cassée, et le sieur Gruel renvoyé devant les Marguilliers pour luy être donné une place plus avantageusé que celle de du Puis. La Cour déeida la question generale, qu’un Gentilhomme doit avoir la place la plus li honorable dans la Nef, au préjudice d’un Roturier, et pour ôter la contrarieté de cet Arrest avec le precedent, il faut présumer que la Cour se fonda sur l’intervention de la Demoiselle Suhars et sur la longue possession, ce qui n’étoit pas en la cause du sieur Gruel.

La competence des actions formées pour les Patronnages, ou pour les droits honorifiques, appartient au Juge Royal. Mr d’Olive , t. 1. l. l. c. 22. rapporte un Arrest du Parlement de Tolose, par lequel on a jugé qu’un Curé qui avoit negligé de rendre au Seigneur Justicier les nonneurs qui luy étoient dûs, pouvoit être convonu devant le Juge Temporel ; ée n’est pas une question en cette Province quand le Patronage est litigieux, il faut plaider devant le Juge Royal, Art. 61. comme aussi pour toutes les actions qui concernent les droits honorifiques, encore qu’elles soient formées contre les Curez, parce que ce sont droits réels attachez à la glebe du Patronnage.

Les Patrons et Fondateurs peuvent former complainte pour leurs droits, ceux qui posse dent des bancs et places dans les Eglises, s’ils sont troublez en leur possession, ils peuvent intenter complainte en reintegrande.Brodeau , sur sur M. Loüet, l. E. n. 9. néanmoins ces prerogatives ne sont point dûës de plein droit, mais par un droit de bien-seance.

Les dernieres paroles de cet Article, fiefou glebe, ont fait douter si on pouvoit aliener le Patronnage, sine universitate feudi. On tenoit autrefois faffirmative suivant un Arrest du 14 de Juin 1608. pour la Dame de la Fresnaye, contre les sieurs de la Broise et de Vaugris : depuis on a jugé le contraire, comme je l’ay remarqué sur le titre du Patronnage.


CXLIII.

Droit de confiscation à qui appartient et en quel cas écheoit.

Tout homme condamné à mort par Justice, banny du Royaume, ou condamné aux galeres à perpetuité, confisque le fief et son héritage au profit de son Seigneur, aux charges de droit, qui sont payer les rentes seigneuriales, foncieres, et hypotheques : mêmes les dettes mobiliaires, discussion faite prealable-ment des meubles.

La matière des crimes, des malefices, des peines, des accusez et de la qualité des accusateurs a été traitée si pleinement par un grand nombre de célèbres Auteurs, que je ne pourrois rien dire sur ce sujet, qui ne passât pour une repetition inutile. Sans m’engager donc dans le lieu commun, et avant que d’entreprendre l’explication de cet Article, je remarqueray seulement quelques questions singulieres dont la connoissance est necessaire, et qui ont été décidées par Arrest.

Le mary seul peut accuser sa femme d’adultere. Cette regle souffre cette exception par la disposition du droit, quand le mary se rend complice de fa débauche, si maritus lenocinii accusatur, il ne combe pas moins dans ce crime, lors qu’aprés l’avoir accusée il la reprend avant qu’il y ait eu de ondamnation.

Un mary avoit accusé un particulier d’avoir commis adultere avec sa femme : l’accusé aprés avoir été decreté, et prété l’interrogatoire, s’accorda avec le mary, qui passa cette reconnoissance qu’il n’avoit point de preuve, et en suite il reprit sa femme. Mr le Procureur General voulut l’obliger à continuer l’accusation qu’il avoit commencée ; cependant comme le mary peut reprendre sa femme en tout temps, et que l’adultere est un crime de deux, Mr le Procureur General fut déclaré non recevable en sa poursuite. Par Arrest de la Chambre des Vacations du mois d’Octobre 1629. au Rapport de Mr de Brinon, on avoit jugé quelque temps auparavant qu’un mary ayant fait condamner sa femme pour adultere, et la voulant reprendre avant l’execution, il ne luy étoit pas permis, parce que le Prince seul peut remettre les peines et’empescher l’execution. Par Arrest en la Tournelle du 21 Février1676. au Rapport de Mt Favri entre Pierre Savé, sieur de la Martinière, appelant, et Demoisell : Barbe Malet, sa femme, intimée, il a été jugé que le mary qui fait publier des Censures Ecclesiastiques pour crime d’adultere contre sa femme, doit seulement énoncer les faits necessaires à sa preuve, et que l’on ne doit pas y employer les termes d’adultère ; le mary et la femme étoient respectivement plaintifs ; la semme demandoit la separation de corps et de biens ; le mary l’accusoit d’adultère ; le Juge luy avoit permis de faire publier des Censures ; sur l’appel de la femme elle soûtenoit, suivant l’opinion deCharondas , que l’on ne pouvoit se servir de Censures Ecclesiastiques sur une plainte d’adultere, qu’elle ne s’accorde que pour avoir revelation des choses inconnuës ; le mary ne doit être reçû à cette preuve que par des témoins de certain et par des preuves assurées : le mary seul peut accuser sa femme d’adultere, et le Monitoire ne doit designer personne, cependant aussi-tost qu’il seroit obrenu par un particulier, qui ne pouvoit accufer de ce crime que sa femme, elle seroit toûjours diffamée. Le mary répondoit que les Censures ne s’accordent pas seulement pour les choses douteuses et inconnuës, mais encore pour obliger les personnes à déposer les choses dont ils avoient connoissance, et dont ils pouvoient être empeschez par des considerations de famille. et par d’autres motifs. Cette question ayant été jugée de consequence, la Cour voulut voir le Registre, que l’on appelle le Livre Rouge, dans lequel on trouva des Arrests, par lesquels il a été ordonné que dans les Censures que le mary fait publier, on n’y employe point le terme d’adultere, et notamment par celuy d’entre Marie des-Champs, femme de Jacques Baudry, sieur du Buisson, du 2 de May 1653. qui fut aussi jugé de la sorte, et ordonné que le terme d’adultere seroit rayé des Censures, et qu’elles seroient publiées seulement pour les faits particuliers necessaires pour la preuve. On trouve dans le même Livre Rouge un Arrest du 25 de uin 1652. entre Mre Thomas de Gourmont, Curé de Moul, et Jacques des Vaux, par lequel il fut permis de publier des Censures pour le crime d’adultere.

On a demandé laquelle de ces deux actions doit être terminée la premiere, où celle qui négarde la validité du mariage, ou celle de l’adultere : Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre du Parlement de Paris, entre Magdeleine Roger, ayant contracté mariage. avec. Me Estienne Cauté, Docteur en la Faculté de Medecine, appelant, et ledit Cauté intimé.

Cette femme ayant fait citer son mary devant l’Official d’Orléans en dissolution de mariage pour ause d’impuissance, il appela comme d’abus de cettecitation ; et par Arrest rendu en l’Audience de la Grand-Chambre du a8 de Mars 1639. il fut déclaré non recevable en son appel, et neanmoins renvoyé devant l’Official de Paris. Comme l’on procedoit devant cet Official, Cauté fut trrété prisonnier pour des taxes, et l’on prétendoit que c’étoit à la suscitation de sa femme du rant sa prison il apprit que sa femme avoit contracté une habitude scandaleuse avec un particulier, il en rendit sa plainte au Lieutenant Criminel d’Orléans, lequel informa et decreta sontre. ce particulier. Il y eut appel de la procedure extraordinaire par cette femme, prétendant u’y ayant instance en l’Officialité de Paris, sur la nullité de leur mariage, du jugement de laquelle il dépendoit de sçavoir si ledit Cauté se pouvoit dire et qualifier son mary, il ne pouvoit pas durant ce temps exercer les actions qui n’appartiennent qu’à un véritable mary, et par consequent intenter une accusation d’adultère que l’on sçait ne pouvoir être intentée que par le mary ; en un mot que l’action du mary êtoit préjudicante à celle d’adultere. Les questions d’Etat ôtant toûjours de tres-grande importance, elles doivent être traitées les premières ; étaht une fois jugées elles portent consequence et servent de préjugé à une infinité d’autres qui les suivent, Ce que l’on apprend de la l. l. 3. et 4. du titre de Ordine cognitionum C. si ejus à quo nune odulterii rea postularis contra juris formam, contubernio hesistis innumeris autoritatibus eo tueri potes. n. 24. Ad leg. jul. de adult. C.Balde , sur cette loy dit que, exceptio nullitatis matrimonii excludit actum ab accusatione adulterii. Ot étant question de sçavoir laquelle des deux actions est préjudicante, et qui par consequent doit être traitée la premiere, il est certain que lon doit com-mencer par celle de la validité du mariage.

a quoy Cauté répondoit, qu’étant en possession de la qualité de mary, jusqu’à ce qu’il fut jugé au contraire par le Juge d’Eglise, il en pouvoit exercer toutes les actions, et nommément celles qui vont à conserver lhonneur du mariage : que s’il étoit permis à une femme de vivre licentieusement, sous pretexte qu’il y a procez entrelle et son mary, sur la nullité de leur mariage, il n’y a point de femme qui ne se servit de ce pretexte et qui ne fit appeler son mary n dissplution de mariage pour cause d’impuissance, et qui ne tirât le procez en longueur pour pouvoir cependant continuër sa vie licentieuse, en quoy le public même êtoit interessé. Sur quoy Mr l’Avocat General Bignon ayant porté la parole, il intervint Arrest conforme à ses conclusions, par lequel la procedure criminelle fut confirmée et les parties renvoyées devant le Lieutenant Criminel d’Orléans, pour être le procez fait et parfait à ladite Roger, non pas à la requête du mary, mais du Substitut de Mr le Procureur General,

On a demandé si pour la confrontation des émoins qui sont d’un autre Royaume, on est renu de les faire venir en France : Un Françoisétant en Angleterre débaucha la fille d’un autre François, et aprés l’avoir renduë grosse, il se retira en Normandie ; ayant été arrété au Havre on bailla plainte en rapt, et aprés l’information faite on ordonna la confrontation. Sur l’appel d’une Sentence qui contenoit que le prisonnier seroit mis hors des prisons, on presenta Requête à la Cour pour faire dire que l’accusé seroit cenduit en Angleterre pour subir les confrontations. vù l’impossibilité de faire passer les témoins e France ; et pour cet effet on offroit de ibailler caution de faire conduire et reconduire l’accusé, ou en tout cas que les témoins fussent repetez devant les Juges d’Angleterre ; et aprés les noms et surnoms fournis à l’accusé pour donner ses reproches. Les Anglois prétendans par l’auorité du Chap. delicti de foro compet. n’être point obligez de passer la mer pour leurs actions ; au contraire on disoit que l’action pour le rapt interpretatif, introduite par l’Ordonnance de Blos, Article 40. conforme au Concile de Trente n’étoit point recdë en Angleterre, que des ce Royaume le demandeur n’auroit eu qu’une action civil, suivant le droit des Decretales, qui sont pour la pluspart des rescrits adressez aux Evéques d’Angleterre, et puisqu’il avoit pris à procedure criminelle, il devoit suivre la loy de trance et representer ses témoins à l’accusé pour los reconnoître, qui est le premier interrogatoire qu’on fait : L’osfre de communiquerles noms et surnoms n’étant pas pertinente, cela pourroit être pratiqué dans les causes pecunuires, imais dans les criminelles, à cause de la consequence, les témoins doivent être represente à l’accusé, in quaestionibus pecuniariis, at in crimi-nalibus, in quibus est magnum periculum, omnibis modis testes representari debent, et que sint eis cognitâ edocere, auth. de Testibus. Collat. 90. S. et qoniam. Par la loy des Hebreux les témoins êtoient presentez à l’accusé, et ils mettoient les mans sur sa teste, comme les Histoires de Susanne et de S. Estienne nous l’apprennent. Par Arrest duro de Janvier 1624. en la Chambre de l’Edit, on cassa la Sentence, et il fut dit que le plaignait feroit ses diligences de faire confronter les témoins dans deux mois. Les parties étoient Ducy e Godin : et depuis par un autre Arrest, au Rapport de Mr le Brun, du 12 de Juillet en la mêne année, la Cout jugea qu’il y avoit promesse de nariage, l’enfant declaré legitime, Godincondamné à célèbrer le mariage, à laquelle fin il seroit conduit au lieu de l’excicice de ceuxde la Religion Prerenduë Reformée, et en cas de refus qu’il demeureroit prisonnier : et par autre Arrest du 14 d’Aoust 1624. le pere de Godin. fut condamné de payer roo livres de rente pour la nourriture de l’enfant, l’Arrest fondé ce que l’enfant avoit été déclaré legitime, quo casu poterat esse hares, l. 1. ff. de carb. edi. Quoy ue le pere déclarât qu’il entendoit desheriter son fils pour s’être marié sans son consentement, mais on soûtenoit que l’exheredation ne pouvoit avoir lieu que pour les mariages volontaires.

C’est une regle en matiere criminelle, non bis in idem, iisdem criminibus quibus quis liberatus est, non debet prases pati eundem accusari, 1. 7. de Acc. Mr Cujas sur cette loy a écrit qu’il y a trois exceptions à cette regle. Si de prioris accusatori persidiâ, prevaricatione, collusione constiterit, l. 7. de Prevaric. est alius casus quo reus absolutus ab alio revocatur, et de eodem accusari potesi, si à reo constiterit judicem corruptum pecuniâ : est tertius quo reus bonâ fide absolutus incorrupto judice, incorrupto accusatore, ab alio repeti potest, si suorum injuriam suûmque dolorem persequatur comme dans l’instruction de nos procez criminels l’accusé a deux parties, le plaignant, et le Procureur du Roy, et qu’on y garde beaucoup de formalitez, aprés un jugement d’absolution ou de condamnation, on ne souffre point que l’accusation soit reitérée. On le jugea de la sorte n la Chambre de l’Edit. Jacques Aubourg, Denis d’Espagne, et Julien Roger, Marchands. greanciers de Jeremi-Moisson, étoient demandeurs pour faire dire que l’Arrest donné au profit de Susanne Hapedé, Jucques Torquet, David Marc, et Jean du Val, par lequel ledit du Val voir été condamné envers lesdits Hapedé, Torquet, et Marc, au payement des sommes à eux dûës par Jeremie Moisson, fût declaré commun avec eux, et qu’en l’expliquant ledit du Val fut condamné au payement de leurs dettes, comme il l’avoit été envers lesdits Hapedé, Torquet, et Marc, comme ayant toûjours êté les principales parties au procez formé contre luy et Jeremie Moisson, et Martin Diepedale aussi reçû partie, et ledit du Val défendeur : Maurry pour Diepedale soûtenoit que la complicité de du Val pour la banqueroute de Moisson avoit été découverte par son moyen, et que s’il ne s’étoit pas presenté lors de l’Arrest, c’étoit pour n’avoir pas encore ses comptes ppur la justification de ses créances : Cardel pour Toüard, disoit qu’il êtoit partie en l’Arrest du Conseil qui avoit renvoyé le procez en la Cour. Theroulde pour’Aubourg et d’Espagne declara qu’en consequence des pieces, dont il avoit eu communication, il n’insistoit plus à sa requête. Greard pour Hapedé et Torquet consentit les fins et conclusions des créanciers. Je répondois pour du Val que l’Arrest ne l’avoit pas condamné au payement de toutes les dettes de Moisson, mais seulement de celles de Hapedé, Torquer et Marc, qu’aprés e jugement rendu sur un procez criminel, il ne pouvoit être inquiété ni soûmis au hazard d’une seconde condamnation, suivant la regle non bis in idem, que la peine du crime ayant été une çois jugée, elle ne peut plus être augmentée par une seconde accusation, où toutes sortes de ersonnes sont non recevables ; par Arrest du 21 Juillet 1660. les demandeurs furent deboutez de leurs Requêtes.

Dans les Capitulaires de Charlemagne et de Loüis le Debonnaire on trouve un titre de non refricandis criminibus.

Brodeau sur sur Mr Loüet Loüer traite cette question, si le Jugement d’absolution donné dans une autre Souveraineté exclid le pere ou les heritiers de faire des poursuites pour l’interest civil, et il rapporte deux Arrests, lun du Parlement de Paris, et fautre du Parlement de Mers, qui ont décidé que le Jugement rendu en une autrt Souveraineté n’excluoit point laction pour les interests et la reparation civil. L’action poui la vengeance et pour les interests est souvent prétenduë par diverses personnes. La vengeance de l’homicide commis en la personne du Prieur de S. Gabiiel avoit été poursuivie par le sieur de Creuler et par un autre qui étoit son coheritier : aprés la mort de ce coheritier le sieur de Meautis, son frere uterin, luy succeda aux meubles et acquests, et comme si les interefs que l’on esperoit de la poursuite criminelle eussent fait partie de la succession mobiliaire, le seur de Meautis par Sentence fut reçû partie au procez qui avoit été commencé contre le sieur de Cantebrun ; sur l’appel il fut jugé non recevable, à la charge qu’il seroit remboursé des frais avancez par celuy dont il étoit heritier, par Arrest donné en la Chambre de la Tournelle du 24 de May 1631. plaidans Coquerel et le Telier.

Par autre Arrest en la Tournelle du 14 de Janvier 1631. un pere ayant abandonné la poursuite du rapt de sa fille, dont il accusoit le Curé de sa Paroisse, et de l’avoir mariée à son frère, l’oncle fut reçû à prendre la suite du procez, comme d’un crime contre la famille et la parenté, contra gentem & familiam.

Par autre Arrest en la Tournelle du 10 de Jauvier 1651. il fut dit que les interests jugez à uue femme pour l’assassinat commis à son mary ne pouvoient être saisis par ses creanciers, rcomme étant le prix du sang de son mary, sauf jux creanciers à saisir ses autres biens ; plaidans de Cahagnes pour les creanciers, et Castel pour la veuve. Autre Arrest pareil du même mois et an, pour la veuve Cossard contre Bavent

La question si on peut obtenir Requête civil l’in penali judicio, fut traitée en l’Audjence de la Tournelle le 2. de Novembre 1652. De la Motte avoit été condamné aux Galeres à perpétuité par un Arrest pour l’homicide du nommé Genetey, son complice avoit été condam-né à mort par contumace, mais il obtint sa grace à l’entrée du Roy, et déclara qu’il croyoit avoir commis l’homicide. Cela donna lieu à de la Motte de se pourvoir contre l’Arrest par Lettres de Requêre civil : Heroüet son Avocat prétendoit qu’elle devoit être reçûë en crime comme en civil, que s’agissant de la vie et de l’honneur d’un accusé il n’étoit pas juste d’étouffer ses défenses, sur tout quand son innocence commençoit à paroître. Mr Hué Avocat General remontra la consequence de recevoir des Requêtes civil in pnalibus judiciis, qu’il n’y en avoit point d’exemple, que ce seroit un moyen pour aneantir les condamnations de mort et les rendre inutiles. La Cour apointa la cause au Conseil. Depuis la Requête civil fut entérinée par Arrest. Il étoit constant que celuy qui avoit commis le crime l’avoit confessé, et il en avoit obtenu la remission ; de sorte qu’il n’eût pas été juste de faire prévaloir la fin de non recevoir contre l’innocence connuë du condamné. Plusieurs celebres Docteurs ont tenu qu’en matieres criminelles les Requêtes civil ne doivent point être recûés contre les Arrests definitifs, quand toutes les formes et les solemnitez prescrites par les Ordonnances et par les Reglemens ont été gardées, soit qu’il y ait eu condamnation ou absolution ; Mr le Bret en ses De cisions, l. 6. Decis. 1. en rapporte un Arrest célèbre pour une femme, laquelle ayant été condamnée pour avoir empoisonné son mary, sur son appel par Arrest du Parlement de Paris, i la peine de mort avoit été commüée en son bannissement de trois ans : depuis le pere du mary ayant obtenu Requête civil fondée sur de nouvelles preuves, il en fut debouté. L’Arrest donné pour de la Motte ne doit point être tiré à consequence, ayant été donné sur des taisons et : sur des circonstances particulieres

Deux enfans de la ville de Dieppe âgez de huit et de neuf ans joüoient ensemble, et l’un ayant poussé l’autre il luy rompit le bras. Le pere du blessé poursuivit le pere de celuy qui avoit poussé son enfant, lequel nia que son fils eût poussé l’autre : On permit au demandeur d’en faire la preuve, dont le défendeur ayant appelé il soûtenoit que des enfans de huit et de neuf ans ne pouvoient être reçûs en témoignage, l. 3. 5. 5. D. de test. et aprés tout quand l’action seroit constante, cet enfant ne pouvoit en être puni, étant incapable de commettre un crime : a quoy le Sauvage répondoit pour l’intimé, qu’il n’étoit pas extraordinaire que à cimpuberes portassent témoignage des choses qu’ils avoient pû comprendre et qu’ils avoient vûës, et quand un impubere ne pourroit être puni comme criminel, ses parens êtoient responsables des interests envors celuy qui étoit offensé : Par Arrest du 27 de Novembre 1652. en la Chambre de l’Edit, le pere de l’enfant qui avoit blessé fut condamné à payer les Chirurgiens : Laurens le Févre plaidoit pour l’appelant. Si un enfant âgé de dix ans six mois est ca pable de delict, et si son pere est tenu cvilement des dommages et interests. Voyez le Journal des Audiences, 1. part. l. 6. c. 15.

Un homme condamné à la mort en avoit appelé, et par l’Arrest la peine avoit été commüée aux Galeres à perpétuité : Avant été renvoyé dans les prisons de la Haute-Justice de Harcour, il les avoit rompués et brisé ses fers. Depuis ayant été repris on l’avoit derechef condamné à mort ; sur son appel, quelques-uns des Juges disoient qu’étant necessaire d’augmenter sa peine, elle ne pouvoit être moindre que la mort, l. 1. de effractor. et exp. les au-tres estimoient que le bris de prison aidoit à convaincre l’accusé de son crime, mais qu’ayant êté condamné il falloir excuser celuy qui n’avoit point fait d’autre mal que de chercher sa libetté, et que c’étoit assez de le restituer à la peine ; il passa à dire que l’Arrest de condamna-tion aux Galeres à perpétuité seroit executé. Par Arrest du 8 de Juillet 1633. au Rapport de Mr Bouchard.

Puis que cet Article autorise le droit de confiscation, il seroit superslu d’examiner s’il est fondé sur la Justice, et si on le peut soûtenir par la raison de l’utilité publique, ou s’il y a de l’inhumanité d’enveloper dans un même malheur, et de comprendre dans les mêmes peines, les enfans avec leurs peres.

Les anciens Germains, et tous les peuples qui en sont décendus, avoient une extrême inJulgence pour les criminels. Ils ne punissoient aucun crime du dernier supplice, à la reserve d celuy de leze-Majesté : c’étoit une des franchises de la nation Françoise, les coupables pouvoient racheter leurs peines et s’acquerir simpunité des crimes les plus atroces, en payant la somme à laquelle chaque delict êtoit taxé, de laquelle une moitié appartenoit au Fisc, et cela s’appelloit fredum : l’autre moitié êtoit payée à l’offensé, ou à ses heritiers et parens, quand il s’agissoit d’homicide, suivant la remarque de Mr Bignon sur Mareulphe, l. 1. c. 18. et on appelloit cela virgildus. Dans les loix des Bajoares, t. 3. c. 1. nulla sit culpa tam gravis, ut vita non concedatur ; et en un autre endroit, c. 11. nullus Bajuarus alodem, aut vitam sine capitali crimine perdat, si in necem ducis consiliarius fuerit, dut inimicos in provinciam invitaverit. Cetera vero quecumque commiserit peccata quo usque habuerit substantiam componat secundum legem. Ils ne reputoient aucun crime capital que celuy de leze-Majesté ; les loix Saliques Ripuaires et autres et les Capitulaires contiennent la taxe de chaque crime, et celuy qui n’avoit point de biens devoit servir comme un esclave le reste de ses jours, mais cette servitude ne passoit point à sa postérité. Par cette voye les personnes puissantes et riches avoient beaucoup de facilité de se défaire de leurs ennemis, et de commettre impunément de grands crimes ; et ce qui est encore plus barbare, on permettoit aux heritiers et aux parens de celuy qui avoit été tué, de vanger sa mort par le meurtre de oeluy qui en étoit l’auteur sans en pouvoir être inquietez, et même celuy qui manquoit à faire ou poursuivre cette vengeance, étoit privé de la succession et déclaré infame : cette action étoit appelée faida.Hottoman . disput. feu. 1. c. 1. le Eévre l. 3. c. 3. et ceux contre qui elle s’exerçoit, faidosi.

Ces châtimens si legers et si peu proportionnez à la faute, rendoient infailliblement les crimes plus frequens ; l’humeur féroce de ces peuples ne pouvoit être domtée ni retenue par à frayeur de la peine, puis qu’on pouvoit obtenir par de l’argent l’impunité des plus mauvaises actions ; celuy qui tuoit un Sousdiacre en étoit quitte pour trois cens sols, un Diacre pour gatre cens, un Prestre pour six cens, et un Evéque pour neuf cens Cependant si-d’un côté c’est un moyen puissant et necessaire pour reprimer l’audace des hommes, d’étendre la peine des coupables jusqu’à leurs enfans, afin de les retenir dans leur devoir par l’amour de leur sang, d’autre côté il est juste de faire quelque différence entre les crimes. Toutes sortes de crimes ne doivent pas être expiez par la confiscation, sur tout pour reux où l’on ne prononce contre les accusez qu’une mort civil ; il y auroit même de l’équité à ne confisquer pas toûjours les propres.

Justinien En effet Justinien trouva cette distinction raisonnable, il garda ce temperament, que la confiscation n’auroit lieu que pour les crimes de leze-Majesté, Bona damnationem neque secundum leges veteres fisco applicantur. Sed ascendentibus & descendentibus & ex latere asque ad tertium gradum si supersunt. In crimine verb lesa-Majestatis leges veteres servari jubemus. Auth. bona dumnatorum. C. de bonis proscript. et in Authent. ut nulli judicum. 5. fin. Et à l’égard des biens par les Capitulaires de Charlemagne, il n’y avoit que les acquests qui fussent sujets à confiscation.

Nôtre Coûtume est fort rigoureuse, elle confisque tous les biens du condamné à mort, et de celuy qui est banny du Royaume et condamné aux Galeres à perpetuité, ainfi la confiscation a lieu aussi-bien pour la mort civil, que pour la naturelle. Mais l’ancien droit Romain Justinien r’étoit pas plus favorable aux criminels ; avant la Constitution de Justinien. L’ancienne Coûtume êtoit encore plus severe, qui declaroit incapables de succeder à leurs parens les enfans des condamnez : Elle fut abrogée par un Arrest de la Cour, et depuis on en a fait un Artidle qui est le 277. au titre des propres. Cette maxime, qui confisque le corps, confisque aussi les tiens, n’étoit pas generale dans toût le Royaume. Le Roy Jean donna ce privilege à toute l’Aquitaine, que les biens des condamnez ne seroient point confisquez : on prétend même que le crime de leze-Majesté n’étoit pas excepté, comme le remarque Ferronius sur la Coûume de Bordeaux, t. 12. 8. 3. qui confesse néanmoins que la confiscation pour crime de leze-Majesté a été jugée plusieurs fois

Dans cet Article la Coûtume déclare les cas où la confiscation peut écheoir, sçavoir lors qu’un homme est condamné à mort par Justice, banni du Royaume à perpetuité, ou condamné aux Galeres à perpétuité. En suite elle nous marque l’effet de la confiscation, la perte du fief et de son héritage, et enfin elle marque quelles sont les personnes à qui retournent les biens confisquez, à sçavoir aux Seigneurs dont les héritages relevent, avec cette condition néanmoins que les reigneurs sont tenus de payer les rentes seigneuriales, foncieres et constituées, même les dettes mobiliaires, discution faite prealablement des meubles. J’expliqueray separément les trois parties de cet Article, mais auparavant il faut sçavoir quels Juges ont pouvoir d’ordonner ces peines et de prononcer ces condamnations.

On peut douter si par ces mots, condamné par Justice, on doit entendre la Justice Royale seulement, ou aussi celle des Hauts-Justiciers, et la Justice militaire. Il semble qu’elle n’ait toulu parler que de la Justice Royale, les Officiers Royaux étans les véritables Juges, et les Juges MOTGREC. Ce qui est d’autant plus vray-semblable que la raison d’état et la souveraine autorité veulent qu’il n’y ait que les Rois qui puissent dans leurs Etats confisquer les biens des condamnez : Mrle Bret , de la Souverain. l. 3. c. 15. et autrefois à Rome c’étoit un droit tout à fait imperial, dont l’usage étoit interdit à toutes les villes de l’Empire. Il n’y avoit que ceux qui ageoient vice sacrâ, qui eussent le pouvoir de confisquer : Nulli judicum liceat exceptis iis qui n summa administrationis sunt positi, potestate, proscriptionis tempestate totius substantiae aliquem vercellere, nisi ad nostras aures hoc ipsum referatur. l. unicâ C. ne sint justit. princip. Et du Moulin l’Article 43. de la Coûtume de Paris n. 169. soûtient que jus illud est meri imperii, et le droit de confisquer un des plus beaux fleurons de la Couronne : aussi il n’appartient qu’au Prince d’avoir un Fise. Boêtius dans sa Décision 264. assure que les Hauts : Justiciers n’ont point le. droit de confisquer, adverte quod de consuetudine et stylo Curiarum Franciae Domini temporales etiam dti Justiciarii merum imperium habentes non confiscant, sed solum Dominus noster supremus et judices et Officiarii sui. On prétend que les Rois de la premiere et de la seconde Race n’ignoroient pas ce secret d’Etat ; mais que du temps de Hugues Capet ce droit fut permis à ceux qui avoient a Haute-Justice dans leurs terres. Ce Prince ayant voulu gagner la bienveillance des, grandi Seigneurs du Royaume par une fine politique, pour assurer sa nouvelle conquête, il rendit les Fiefs et les Justices hereditaires et patrimoniales, et leur accorda le droit de confisquer les biens des condamnez : mais j’ay remarqué cy devant que sous les Rois de la premiere et de la seconde Race la confiscation n’étoit point en usage.

Le pouvoir de nos Hauts-Justiciers ne peut proceder de ce principe, puisque la Normandie. n’étoit point alors sous la domination des Rois de France, et nos Ducs qui en étoient Souverains en ordonnoient à leur volonté, sans demander l’agréement des Rois de France en au-cune chose. Ainsi nos Hauts-Justiciers joüissent de ce droit, ou par la concession qui leur en a été faite par nos Ducs ou par nos Rois, depuis la reünion de cette Province à la Couronne.

Dans plusieurs Provinces de la France les Officiers Royaux persuadez que les HautsJusticiers n’avoient ce droit que par usurpation, ont ordonné qu’ils ne prendroient aucune part aux confiscations qui étoient jugées par les Juges Royaux et pour des cas Royaux guanmoins les Hauts-Justiciers se sont maintenus en leur possession. En effet le Prince leur ayant communiqué la puissance du Glaive et pouvant condamner à mort, on ne leur peut contredire le droit de confisquer qui en est une suite et une dépendance : Aussi en quelques Coû-tumes les Hauts-Justiciers prennent pour eux les biens, tant meubles qu’immeubles, qui se trouvent dans l’etenduë de leurs Hautes-Justices au temps du jugement de confiscation, nonobstant qu’il ait été donné par un Juge Royal, et pour des cas Royaux. Le seul crime de leze-Majesté fait cesser le droit des Hauts-Justiciers, étant si privilegié qu’il aneantit même tous les droits successifs et les substitutions, suivant l’Ordonnance de l’année 1539. Mr le Bret de la Souverain. du Roy, l. 3. c. 15. Nôtre usage est conforme en ce point, que les Hauts Justiciers ont le pouvoir de confisquer les biens des condamnez, mais ces biens confisquez ne leur retournent pas en cette qualité de Hauts-Justiciers, comme il sera expliqué dans la suite de cet Article.

On peut encore douter si par ces mots, condamné par Justice, on doit entendre les jugemens sendus hors le Royaume.Chopin , l. 3. c. 1. t. 10. n. 17. sur la Coûtume d’Anjou, établit cette maxime, que la confiscation des biens ordonnée par un Monarque s’étend aux biens d’une autre Monarchie. VoyezRicard , des Donations, part. 2. c. 354. n. 262. et ce que j’ay dit sur lArticle 235.

Brodeau a dit au contraire que Mes les Gens du Roy ont toûjours tenu que les jugemens de condamnation de mort rendus contre un François, Sujet du Roy, par les Juges d’un Prince étranger pour un crime commis dans son Etat, n’emportent point confiscation des biens situez en France, qui appartiennent à ses heritiers Regnicoles, soit qu’ils soient situez dans la Justice Roy ou dans celle d’un Haut : Justicier. Voyez du Fresne Fresne, l. 1. c. 75. de Iimpression de l’année 1652. Le Bret, l. 3. c. 15. de la Souverain. touchant les biens du Maréchal d’Ancre.

Enfin on peut former cette difficulté, si la condamnation de mort jugée dans un Conseil de tuerre et par les formes militaires emporte la confiscation ; car on peut dire que la condamnation étant legitime et donnée par des Juges qui en ont le pouvoir, elle ne doit pas avoir moins d’effet que celle qui est prononcée par la Justice civil et ordinaire, cette maxime qui confisque Quest le corps confisque les biens étant generale. Et c’est aussi le sentiment deCoquille , Quest. 16. et sur la Coûtume de Nivernois, t. des Confiscations, Article 1. où il en rend cette raison qu’autrefois en France l’exercice des Armes et de la Justice étoit commis conjointement à de mé-mes Officiers, dont il nous en reste encore l’exemple en nos Baillifs Royaux, ausquels on n’a ôté les fonctions de la Justice civil que depuis Loüis XII

Voila à peu prés les Juges qui peuvent ordonner des condamnations penales, et ces peines sont de trois espèces. La condamnation de mort, et cela n’a point besoin d’explication La seconde espèce est le bannissement à perpetuité, il n’est pas nécessaire parmy nous, non plus que par le droit Romain, pour exclure une personne des effets civils, ou pour donner lieu à la confiscation, qu’il intervienne un jugement de mort : Les Romains avoient établi d’autres peines qui avoient le même effet, comme d’être reclus en des Isles, de travailler aux mines, de combatre contre les bestes : Nous avons d’autres peines, comme le bannissement et la condamnation aux Galeres à temps ou à perpetuité ; la Coûtume n’a point parlé du bannissement à perpétuité hors du Royaume. Ricard à écrit qu’il est necessaire pour faire que le bannissement à perpétuité produise effet, qu’il soit aggravé de ces deux circonstances, à perpétuité et hors le Royaume ; car si le bannissement n’est que d’une Province et à temps, comme ce n’est qu’une separation pour un temps et un éloignement, et non un rétranchement perpétuel et ibsolu de la Republique, la personne qui est ainsi condamnée n’est point privée des effets civils, et qu’on l’a jugé de la sorté, tant au Parlement de Paris qu’en celuy de Tolose ; il faut voir ce que j’ay remarqué sur l’Article 235.

Berault sur cet Article a été d’avis que si le bannissement est à perpetuité, hors la Province, Il emporte la confiscation de biens : cela seroit contraire à la raison et à la Coûtume en cet Article.

Celuy qui n’est banni que d’une Province non amittit jura civitatis, il peut être encore citoyen dans le Royaume, et dans cet Article la confiscation n’échet point, si le bannissement n’est à perpétuité, hors du Royaume. Je conviens néanmoins avec luy que si la Cour ajoûte la peine de la confiscation au bannissement à perpétuité, hors de la Province, elle y échet : Il faut encore remarquer que bien que la Coûtume n’ordonne la confiscation que quand le bannissement est à perpetuité, le bannissement au dessus de neuf ans emporte la confiscation.

Ce que nous pratiquons que par le bannissement à temps, les biens des condamnez ne sont point confilquez, est tiré de la l. 309. de jure fisci. Bona fisci citra ponam exilii perpetuam adjudicare sententiâ non oportet, et en effet ce n’est pas un retranchement absolu du coips de la Republique, mais une simple relegation, et par le droit la relegation est ce que nous appelons un exil Accurse En quoy Accurse a été repris par MrCujas , ayant entendu cette loy 39. de penis, de deportatione quoy qu’il faille l’entendre de relegatione,Cujac . Ad l. 39. de jur. fisc. in comment. Ad lib. 16 Resp.Papiniani . Et par la disposition du droit l. sine prefinito de penis, lors que le temps n’est point limité par le jugement il n’excede point dix ans, sine prafinito tempore in metallum dats emperitia damnantis decennionque tempora prafinita videntur

Les Hauts-Justiciers peuvent bannir hors du Royaume ; on doutoit autrefois s’ils avoient ce pouvoir. Cette question fut mûë en la Chambre de la Tournelle le 22 de Decembre 1é12 : en procedant au jugement du procez de Charles et François Guilbert, appelans de condamnations par contumace, jugées tant par le Bailly de la Haute-Justice d’Estrepagni, que par le Bailly de Gisors, par l’une desquelles le Bailly Haut-Justicier d’Estrepagni avoit banni hors du Royaume.

Sur la difficulté qui fut formée si le Haut : Justicier peut bannir du Royaume, on trouva propos de consulter la Grand. Chambre, et il fut arrété qu’il seroit mis au Registre, qu’à l’avenit Il seroit permis aux Juges des Hautes-Justices de cette Province de bannir hors d’icelle ou du Royaume les accusez des crimes, selon que le cas le requerroit, afin qu’à l’avenir Messieurs n’y apportassent de difficulté

Ce Juge d’une Haute : Justice ne peut appliquer l’amende. Il y en a Arrest dans le Livre Rouge de la Tournelle donné le 16 de Janvier 1630. en procedant au jugement du procez de Laurence Graindorge, appelante de la Haute-Justice de Thorigni, de condamnation de mort pour avoir celé sa grossesse, et parce que le Juge avoit appliqué l’amende et ne l’avoit ajugée au Haut-Justicier, qui êtoit faire un acte de Souverain, il fut arrété que l’on consulteroit la GrandChambre là-dessus ; et Mr le President Poirier, aprés avoir consulté la Grand. Chambre, rapporta-qu’il avoit été resolu que bien que le Roy n’eût point d’interest aux amendes jugées par les Hauts. Justiciers, néanmoins que défenses seroient faites aux Hauts. Justiciers d’appliquer les amendes, et que la défense en seroit employée dans l’Arrest et dans le Livre Rouge. Mais l a été jugé par Arrest du 25 de Mars 1630. qu’un Haut Justicier qui avoit condamné un accusé à un bannissement hors de sa Justice seulement, n’avoit pû declarer la confiscation de ses biens. Elle ne peut être jugée que conformément à la Coûtume, qui ne l’ordonne que quand il y a on bannissement perpétuel et hors du Royaumes

pour la condamnation aux Galeres elle peut être à temps ou à perpetuité, et pour la confiscation nous y gardons les mêmes regles que pour le bannissement La confiscation étant os donnée par la Coûtume dans les cas exprimez par cet Article, elle vient de plein droit, nonobstant qu’elle eût été ômise dans l’Arrest ou dans la Sentence, la roûtume de Nivernois le porte expressément en l’Art. 1. du titre des Confiscations. De la naissent ces deux questions, si par la condamnation de mort jugée dans un païs, où la confiscation n’est point connuë, les biens situez dans une Coûtume qui autorise la confiscation sont confisquez : et si au contraire la confiscation de biens jugée dans une Province, où elle est en usage, peut s’étendre sur les biens situez en une Coûtume où elle n’a point lieu En l’année 1597. un soldat Normand d’origine, mais domicilié en Bretagne, avoit été con damné à mort par un Prevost de Dinan, et executé, avec confiscation seulement de ses meubles ; parce que suivant l’Article 658. de la nouvelle Coûtume de Bretagne, la confiscation d’héritages n’a lieu. Ce Soldat pussedoit des immeubles en Normandie, dont le Seigneur feodal vingr et un an aprés la Sentence entreprit de se mettre en possession, et de chasser les enfans du condamné, se fondant sur la maxime que qui confisque le corps confisque aussi les biens ar Sentence des Requêtes du Palais le Seigneur du fief avoit été envoyé en possession des mmeubles. Sur l’appel elle fut cassée, et en reformant les enfans du condamné furont maintenus en la proprieté et possession des biens immesbles. L’Arrest donné entre un nommé Verin et la Demoiselle Martel veuve du sieur de l’Aigle.

On pouvoit dire pour les enfans du condamné, que la Sentence n’avoit point jugé la coniscation des immeubles, et partant qu’elle ne se pouvoit entendre par interpretation, que la maxime qui confisque le corps confisque aussi les biens, n’avoit lieu que quand les biens étoient situez sous une Coûtume qui contenoit une pareille disposition. Mais quand un Magistrat a sa uissance limitée, et que selon les loix de son térritoire il ne peut confisquer les immeubles, il peut beaucoup moins confisquer ce qui est dans une autre Province, bien que la confiscation y ait lieu.

Les Statuts pour les confiscations sont réels, et il ne seroit pas raisonnable que les biens mmeubles situez en Normandie fussent confisquez en consequence d’un Jugement donné en Bretagne, où les immeubles ne peuvent être confisquez pour quelque cause que ce soit. Les ugemens doivent être conformes aux loix sous lesquelles vivent les Magistrats ; ils sont étadis pour juger selon que l’ordonne la Coûtume, et leur pouvoir ne s’étendant point hors leur térritoire, et ne pouvant juger de confiscation par les loix de leur Province, il n’y a pas d’apparence de vouloir par une interpretation odieuse confisquer ce qui est en Normandie.

Aussi le Seigneur confiscataire n’avoit point executé la Sefitence pour la confiscation que vingr et un an aprés, et toute action criminelle est prescrite par vingt ans Chassaneaus Chassanaus, in consuetudinem Burgundiae, Tit. de confiscatione in verbis, appartient la confiscation, num. 17. La confiscation des biens ne s’étend point sur ceux qui sont situez ailleurs, parce que les Jurisdictions fiscales sont distinctes. Confiscatio bonorum non extenditur ad bona alibi sita, quia Jurisdictiones fiscales sunt distinctae. Cet Auteur fait diverses distinctions sur cette matiere Pour la seconde question, si la confiscation jugée dans un païs où elle est en usage, peut s’étendre sur les biens situez en un autre lieu où elle n’est point admise, bien que la resolution en paroisse aisée, néanmoins les sentimens des Interpretes du Droit ne sont pas confor-nes : quelques-uns ont tenu que quand la confiscation est établie par la éoûtume du lieu, où la condamnation a été prononcée, elle s’étend aux autres lieux qui sont sous la puissance du même Prince, par cette raison que le fisc ne se divise point ; fiscus non se dividit, sed est ubiques et in omni territorio ejus, cujus sit ;Boer . Tit. des Juges et de leurs Jurisdictions, 5. 10. idem. vtiamBarthol . Ad l. 1. C. de summa Trin.

L’opinion contraire est la plus véritable, car il ne se fait point d’extension de Coûtume à Coûtume. Chaque Coûtume est renfermée dans son térritoire, clauditur territorio ; et d’ailleurs, Justinien comme a fort bien dit l’Empereur Justinien, non bona, sed bonorum possessores delinquunt, Novel. 7. S. 12. Le Parlement de Paris l’a jugé de la sorte, suivant l’Arrest remarqué par Charondas en ses Resp. l. 9. Resp. 51. Il fut dit que la confiscation jugée ne passe point au de-là du territoire du Juge qui avoit condamné, et qu’elle ne s’étend point aux Provinces où elle n’a point lieu. Ainsi la confiscation jugée suivant la Coûtume de Paris n’eut point d’effet pour ses immeubles situez en Anjou, où les biens ne sont consisquez qu’en deux cas, pour crime de leze-Majesté, et pour heresie.

La confiscation en cette Province est une suite et un effet necessaire de la condamnation.

Il arrive souvent toutesfois qu’en plusieurs rencontres elle demeure sans effet, quoy que la condamnation penale subsiste, et j’en rapporteray plusieurs exemples.

Les Seigneurs confiscataires ne sont pas recevables à demander la confiscation des biens de l’accusé, décedé, durant l’instruction du procez, et même aprés la condamnation de mort, jugée par Sentence, si l’accusé en est appelant, pendente appellatione moritur integri status l. 2. et 3. Si pend. Appell. C. provocationis remedio extinguitur condemnationis pronunciatio. La condamination, et par consequent la confiscation est éteinte et aneantie par la mort du coupable, encore bien qu’elle arrive aprés l’Arrest qui a confirmé la Sentence de mort, comme il fut jugé solennellement en la Grand-Chambre le 1o de Février 1632. sur ce fait notable. Une femme, appellée Auvray, fut condamnée à mort pour avoir pery son enfant, par Sentence confirmée par Arrest qui ordonna qu’elle seroit renvoyée sur les lieux : aprés avoir été remise entre les mains de ceux qui étoient chargez de sa conduite, elle mourut subitement en l’hôtellerie ; son corps fut visité. et par le rapport des Medecins et des Chirurgiens il fut connu que sa mort êtoit naturelles la chose ayant été rapportée en la Chambre de la Tournelle il se mût question, si le corps devoir être enterré, ou si l’execution devoit être parfaite, ce qui alloit à la confiscation des biens.

Mr. de Soquence, Rapporteur, êtoit d’avis que l’execution fût parfaite, et le corps porté au lieu patibulaire : Mr du Moucel au contraire, que le corps devoit être enterré. Pour avoir le sentiment de Messieurs de la Grand. Chambre, on passa sous silence qu’il ne pouvoit y avoir de gartage, parce qu’il passoit in mitiorem, bien que Mr le Rapporteur et ceux qui étoient de son opinion, soûtinssent qu’il ne s’y agissoit que de l’execution de leur Jugement.

Le Rapporteur disoit que cette question n’étoit pas expressément décidée par le Droit, les Jurisconsultes et les Empereurs ont seulement décidé, que le crime êtoit éteint par la mort qui arrive avant l’accusation, et avant le Jugement, et pendant l’appel, l. un. et toto. t. ff. si pend. Appell. et ne de statu def. Mais aprés un Arrest et un Jugement souverain, que tout êtoit parfait et la confiscation acquise, puis qu’elle étoit portée par l’Arrest. Par la Coûtume, tout hom-me condamnè à mort covfisque, et il n’y est point parlé de l’execution du Jugement, l’execution même êtoit commencée dés lors qu’on avoit mis le criminel entre les mains du Sergent.

Un banny confisqué, venant à mourir avant son depart, ses biens ne laisseroient pas d’appartenir aux Seigneurs dont ils seroient tenus. V. l’Arrest rapporté parPap . l. 24. t. 14. il se commettroit beaucoup d’abus, et il arriveroit bien des inconveniens, si par le decez des condamnez l’on les dispensoit de l’infamie du supplice et de la confiscation : ce seroit donner lieu aux empoisonnemens, et il seroit aisé d’avoir un certificat de Medecins et de Chirurgiens la confiscation étoit particulierement ordonnée par la Coûtume de Normandie, les peines sont ordonnées pour l’exemple et la terreur des méchans

Ce Compartiteur, pour soûtenit son opinion, alléguoit qu’en France dans les crimes on consideroit deux choses, l’interest particulier, et la satisfaction publique, qui consiste en la puni-tion des crimes. Il ne s’agissoit point de l’interest part culier : pour la peine on fuit la disposition des Loix civil, que morte rei crimen extinguitur, l. 6. de publ. Jud. l. 26. ff. de penis.

Pena in hominum emendationem statuta, desinit mortuo eo, in quem est constituta. Le jugement n’est point parfait que par la prononciation qui n’avoit point encore été faite, et quand elle l’eût été, execution ne le peut plus être en la maniere qu’elle a été ordonnée. C’est un cadavre auquel pour donner un nouveau jugement il faudroit donner un curateur, que jusqu’à l’execution le criminel peut esperer et recevoir sa grace. Autrefois la rencontre d’une Vestale sauvoit la vie, et à la venuë et à l’entrée d’un Roy, ou pour quelqu’autre sujet de réjoüissance publique, on accorde la grace et l’impunité des crimes ; puis donc qu’un condamné êtoit capable de la recovoir, il ne pouvoit en être privé que jusqu’au dernier soûpir de sa vie, judicio divino sublata lla penae substrahi censeri videtur. La condamnée et ses heritiers peuvent profiter de cet heureux évenement, gaudeant eventu. La consideration de l’exemple ne doit point s’étendre jusque-là que d’ôter le droit des particiiliers : quant à la confiscation c’est l’execution qui la produit, nôtre Coûtume étant fondée sur cette maxime generale de France, que qui confisque le corps confisque aussi les biens. La Coûtume de Nivernois en l’Article 1. du titre des Confiscations, s’en est expliquée nettement, qui confisque le corps il confisque les biens, c’est à dire que celuy qui est executé à mort par Justice, confisque ses biens. Ce qui montre que pour confisquer le corps et les biens, Chassanée ce n’est pas assez que d’être jugé, il faut être executé à mort par Justice. Chassanée, sur la Coûtume de Bourgogne ; Tit. des Confiscations s. 1. in verbo, qui confisque le corps, l’explique ainsi, ne aliter et cum effectu. Cujacius in Paratitlis, si pend. Appell. pose cet axiome que perempto expresso crimitur etiam quod & naturaliter infuit. Il passa à cet avis.

En rapportant le fait de cet Arrest j’ay remarqué que quelques uns des Juges soûtenoient qu’il n’y avoit point de partage, parce qu’il devoit passer in mitiorem, et que le Rapporteur et ceux qui étoient de son avis prétendoient au contraire, qu’il ne s’agissoit que de l’execution de l’Arrest, et que par consequent il ne falloit point alleguer cette regle, que in criminalibus, ubi pares sunt sontentiae numero, mitior sententia praponderat. Cela me donne lieu d’examiner, quid sit mitior sententia suivant quelques exemples que j’en proposeray. Dans un procez jugé en la Chambre de la Tournelle le 27 de Mars 1634. on demanda s’il passoit in mitiorem, sur un partage. où les uns êtoient d’avis qu’un prisonnier seroit mis hors des prisons, sans absoudre ni condamner ; les autres qu’il seroit publié des Censures Ecclesiastiques. Il passa à dire en la Grand. Chambre qu’il n’y avoit point de partage, et que mitior erat sententia, de tirer un homme hors des prisons, que de publier des Censures.

Un heritier étoit accusé par son coheritier d’avoir soustrait des lettres de fargent et des meubles ; la Cour déliberant linformation on jugca un comparence personnel : Le decreté appela d’une information qui avoit été faite par un Juge des lieux, et disoit pour moyens d’appe que laction d’un heritier contre son coheritier ne pouvoit être traitée criminellement. Ladessus les opinions des Juges en la Chambre de la Tournelle furent partagées, les uns vou-sant casser ce qui avoit été fait, les autres allant à confirmer. Les premiers soûtenoient que leur vis êtoit mitior sententia, et que par consequent il y avoit Arrest sur la contestation ; il se fit un Consulatur en la Grand. Chambre, où il fut resolu unanimément, que mitior sententia ne se pouvoir entendre que quand in penalibus humanitatis ratione, on inclinoit à une moindre punition, et non point lors qu’il ne s’agit que de sçavoir si c’est une action civil ou criminelle, de rejetter une plainte ou de la recevoir : cette regle que mitior sententia sequenda est est fondée sur la l. 5. de reg. jur. et sur la l. 32. de pen. Au principal on agita fort cette question, si l’action pour sarcin ou pour substraction des biens hereditaires peut être formée contre un coheritier, suivant la l. c. de crimine expul. hered. actio criminalis non datur coheredi in heredem l. 3. fam. erc. l. pro marito, pro socio D.Cujac . in parat. de crim. exp. hered. par la loy dernière de ce Tit. crimen expilata hereditatis loco deficientis actionis intendi consuevisse non est ambigui juris. On peut agir actione ad exhibendum vel petitione hereditatis, l’action fameuse ne doit être permise contre le coheritier non plus que contre la femme. Au contraire on representoit qu’il s’agissoit de larcin de sommes incertaines, qu’on ne pouvoit demander de sommes certaines, qu’il y avoit plusieurs complices, que pour décider si l’on doit agir criminellement contre un coheritier, il falloit considerer quo animo il s’est emparé des biens de la succession ; s’il s’en est mis en possession, l’action civil suffit, si verâ dolo malo, aut per fallaciam subripuerit, ce seroit faire un trop grand préjudice à l’heritier que de luy dénier l’action criminelle, il passa presque tout d’une voix à ce dernier avis le 18 d’Aoust 1631

Reprenant la suire de mon discours où j’ay montré que la mort de l’accusé aneantit la conamnation, et en consequence la confiscation, j’ajoûteray qu’il y a des crimes qui ne sont point teints par la mort, comme celuy de leze-Majesté divine et humaine, sur quoy on peut voit Brodeau sur Mi sur Mr Loüet, l. a. n. 18

La Sentence donnée par contumace, bien qu’il n’y en ait point d’appel, n’a point d’effet, et n’acquiert point de droit aux Seigneurs confiscataires, si elle n’a été executée par effigie, lors qu’il arrive que l’accusé prescrit son crime par le temps de vingt ans, comme il a été jugé sur ce fait. En l’année 832. Matthieu Verson fut accusé de vol et decreté en prise de corps, depuis il fit un bail à rente à çoüis le Comte son beau-frere ; en l’année 1633. il fut condamné à mort par contumace, le sieur d’Olbec voulut prendre possession de son bien en qualité de Seigneur confiscataire, ce qui fut contredit par le Comte en vertu de son contrat. Le Seigneur neanmoins fut maintenu à son préjudice par une Sentence dont le Comte appela. Cependant on ne poursuivit point Versons au contraire il demeura en possession de son bien, et le vendit en l’année 1641. au sieur de Fontenay, qui paya une partie du treizième au sieur d’Olbec Trungi, fils de celuy qui avoit prétendu la confiscation. Verson mourut en l’année 1644. le sieur de Trungi en l’an 1656. reprit la suite de l’appel relevé par le Comte, et incidemment il obtint des lettres de récision ontre la quittance qu’il avoit baillée du payement du treizième. De Freville pour le sieur de Fontenay, qui avoit pris la suite de l’appel, difoit que la confiscation ne pouvoit avoir lieu pour trois raisons. La premiere, que Verson êtoit mort integri status, la Sentence de contumace n’avoit point été executée par effigie, et qu’elle ne le pouvoit plus être, le crime étant prescrit par vingt ans. La seconde, qu’il avoit vendu son bien avant la Sentence de condamnation. et que la confiscation n’étoit acquise que du jour de la Sentence. Et la troisiéme, qu’il n’étoit plus admissible à demander la confiscation. aprés avoir reçû le treizième par les mains de celuy à qui Verson avoit vendu son bien, depuis la Sentence dont êtoit appel. Everard, Avocat, pour le sieur de Trungi, disoit que suivant l’Ordonnance de Moulins, l’accusé ne s’étant point presenté dans les cinq ans pour purger la contumace, la Sentence devoit être executée, et en ce faisant tous ses biens étoient acquis au Seigneur dont ils étoient mouvans : que le contrat de bail à rente étoit aul, ayant été fait depuis l’accusation formée, et le decret de prise de corps jugé : que la fraude en étoit apparente par la vilité du prix et par la qualité des parties : que nonobstant ce contrat, l’accusé gavoit vendu à usi autre : pour la fin de non recevoir fondée sur la quittance qu’il avoit paillée d’une partie du treiziéme, qu’il avoit été surpris ne sçachant pas l’état des choses étant mineur au temps de la mort de son pere. Par Arrest du 12 de Fevrier 1660. en l’Audience de a Grand-Chambre la Sentence fut cassée, et sur l’action du Seigneur hors de Cour : l’Arrest sondé sur ce que la Sentence n’avoit point été execissée par effigie, et que le Seigneur avoit reçû le treigième des mains de l’acquereur.

Autre Arrest sur ce fait : un Gentilhomme de Normandie condamné à mort par le Prevost de Chartres, en avoit appelé dans les cinq ans, et donné assignation au Parlement de Paris, où routefois il ne s’étoit point presenté, et n’y avoit fait aucunes suites : Depuis aprés avoir porté les armes six ou sept ans il se retira chez luy, aprés sa mort ses soeurs voulant se mettre en possession de son bien, elles en furent empeschées par les Seigneurs confiscataires, alléguans que leur frere ne s’étant point presenté dans les cinq ans, la confiscation leur êtoit acquise, suivant l’Ordonnance de Moulins, son appel n’ayant point empesché l’execution de l’Ordonnance, puisqu’il ne s’étoit point presenté, et qu’un frivole appel ne suffit pas : Les seurs se défendoient par l’incompetence du Prévost, que suivant l’Ordonnance il suffit de se pourvoir dans les cinq ans ce que leur frere avoit fait, et par le moyen de cet appel la condamnation avoit été éteinte L’accusé pendente appellatione moritur integri status, aussi le Seigneur confiscataire avoit si bien reconnu qu’il n’y pouvoit rien prétendre, qu’il l’avoit poursuvi pour luy donner Aveu. Cette cause fut plaidée en la presence de Mr le Prince de Condé le 6 de May 1635. plaidant Mi Salet, naintenant Conseiller en la Cour, et Pilastre, et il fut jugé que la confiscation auroit lieu ; l’Arrest ondé sur ce qu’il n’y a point de confiscation qu’on ne pût éluder, en supposant un appel dans les cinq ans, sans le poursuivre, et que ce n’étoit pas assez d’appeler, et qu’il falloir se presenter et se mettre en état ; d’ailleurs que cet appel qu’il avoit formé au Parlement de Paris, n’étoit pas une bonne voye, parce que. le Vicebailly ayant jugé prevôtalement, son jugement n’étoit point sujet à l’appel, il falloit se pourvoir au Presidial pour faire juger l’incompétence suivant l’Ordonnance. Ce fut l’avis de Mr le Prince, multis tamen contradicentibus Il n’en est pas de même quand l’accusé décede dans les cinq ans de la contumace, Ricard a agité cette question duns son Traité des Donations, p. 1. c. 3. Sect. 4. n. 255. et il rapporte les Arrests du Parlement de Paris, qui ont jugé que le condamné venant à mourir dans les cind ans de la condamnation, est capable de tous les effets civils, parce que durant les cinq ans la condamnation n’a point d’effet present. Elle n’est que comminatoire, j’en ay dit les raisons sur l’Article 235. en traitant cette question s’il est capable de succeder, et des autres effets civils.

Si le condamné à mort par contumace se constitué prisonnier, la contumace est éteinte ipso facto, quoy qu’il n’y ait point eu de jugement par lequel elle ait été mise au neant. Du Fresne Fresné en a remarqué un Arrest, l. 2. c. 112.

On a jugé qu’un condamné à mort par Sentence, dont il étoit appelant, pouvoit renoncer à la sûccession qui luy étoit échûé pendente appellatione. Barantin fut accusé de vol avec son pere, et le pere en ayant été convaincu et condamné à mort, il appela de ce jugement. Avant la décision le l’appel il s’échappa des prisons, et s’étant rétiré dans un moulin avec son fils, il s’y défendit de telle sorte qu’il y fut brûlé, et son fils arrété prisonnier. Durant sa prison il renonca à la succession de son pere, qui fut acceprée par ses filles. Elle leur fut contestée par Mr le Duc de Lon gueville. Mir le President de S. Aubin. et les autres Seigneurs confiscataires qui soûtenoient qu’elle êtoit faite en fraude, ex conscientiâ sceleris, les filles prétendoient cette renonciation valable. seur ayeul étant mort pendente appellatione, et par consequent integri statùs : leur pere n’étoit point tenu d’accepter une succession au préjudice de ses enfans, pour la faire passer à des confiscataires.

Il est vray que par l’Article 278. le debiteur ne peut renoncer en fraude de ses créanciers, comme je l’ay remarqué sur cet Article-là où j’ay aussi rapporté cet Arrest ; par Arrest en la Chambre de la Tournelle du 2r de Juillet 1é35. la renonciation fut jugée valable, et la succession ajugée aux filles

L’execution du jugement de mort est quelquefois retardée à cause de la grossesse de la femme condamnée, pourvu qu’elle soit certaine. Par un Arrest donné en la Chambre de la Tournelle le 19 de Juin 1635. au Rapport de Mr de civil, Nodine Durand ayant été condamnée à mort, il fut dit que l’execution ne seroit pas differée sur le pretexte d’une grossesse qui n’étoit crûë que de quinze jours, licet fructus sit in semine, toutefois le part n’étant point animé, il y avoit trop de peril à differer une execution, et nul inconvenient à executer la condamnée à mort.

Mais une femme nommée Tristane Prenant, ayant été condamnée à être penduë par Arrest en la Chambre de la Tournelle, au Rapport de Mr Baudry, du i8 de Decembre 1635. à cause de sa grossesse notoire et apparente de sept mois ; il fut dit que son execution seroit différée aprés son accouchement. Aprés l’Arrest conclu Mr le Rapporteur proposa cette difficulté, si vû sa grossesse on prononceroit presentement l’Arrest, ou si on differeroit la prononciation, comme on differoit l’execution. Sa raison étoit qu’il étoit juste de remettre la prononciation en faveur de l’enfant dont la femme étoit enceinte, ne partus pereat, par la crainte de la mort, étant la vie de l’enfant plus favorable que la confiscation qui ne s’acquiert que par la prononciation de l’Arrest.

Mr de Brinon combatoit cet avis par la consequence, qu’il étoit sans exemple qu’on eût différé la prononciation d’un Arrest, que le Roy et le Public y avoient interest, l’affaire étant importante on resolut d’en consulter la Grand-Chambre, il y fut arrété que la prononciation seroit differée comme l’execution, quand on prononce un Arrest aussi-tost qu’il est donné, c’est quand on ne connoit point la grossesse de la femme.

Sien que la condamnation soit executéé, la confiscation ne l’est pas toûjours. Les biens donfiez par un pere à son fils par avancement de succession ne tombent point dans la confiscation la par le crime du fils. Par les raisons que j’ay remarquées sur l’Article 244. et dans la Bibliotheque du Droit François in verbo, confiscation, on trouve un Arrest sur ce qu’un pere qui avoit donné s. à un de ses fils la moitié de son bien, ayant tué depuis ce sien fils, et pour cet effet ses biens ayant été confisquez, sur la question entre les frères de l’homicidé et Mr le Procureur General, à sçavoir si les biens donnez pouvoient être compris dans la confiscation, comme acquis au pere à droit de reversion ; il fut jugé que ses biens ne luy avoient jamais été arquis, non omnia quae indigno auferuntur, fisco acquiruntur. l. unicâ. S. qui autem C. de caducis tollendis. Cela a lieu pareillement en pour les biens sujets à substitution ou restitution fideicommissaire, l. imperator de fideicom. D. l. pero s featre legat.Coquille , sur la Coûtume de Nivernois, titre des Confiscations, Article 1.

On a jugé pareillement par Arrest du 8 de Mars 1608. pour le tuteur de Guillaume Cotelle contre le Receveur du Domaine de Coûtance, qu’un pere ou une autre personne voyant son fils ou son presomptif heritier prévenu de crimes qui emporteroient la confiscation de ses biens, pouvoit en disposer en faveur d’un autre, et que cette disposition ne pouvoit être considerée comme une fraude, mais comme un acte de prudence, ut suos potius quam fiscum heredes haberet.

Cet Arrest merite qu’on y fasse de la reffexion.

L’effet de la confiscation peut aussi étre empesché par les lettres du Prince :Brodeau , Article 183.

On ne doute point que si la grace est obtenuë avant le jugement, les Seigneurs confiscataires ne sont point recevables à lempescher ; parce qu’ils n’ont encore aucun droit acquis, et leur rétention ne peut être fondée que sur la condamnation ; or le Roy pouvant remettre la peine vant le jugement il use de son droit, et en ce faisant il ne fait tort à personne : de même dit Ar, du droit de Souv. l. 3. c. 15. comme si quelqu’un vouloit empescher que le Bret Roy ne legitimât un batard, parce que cela luy ôteroit l’esperance d’une succession. Mais la difficulté consiste à sçavoir si aprés le jugement de condamnation et la confiscation acquise au Seigneur, e Roy peut rétablir l’accusé en tous ses biens. En Angleterre le Roy peut bien remettre le crime et la peine aux condamnez, mais le condamné ne peut reprendre la possession de ses biens que par la grace et par la misericorde de son Seigneur feodal, au droit duquel le Roy n’a point de pouvoir de donner atteinte.Glanville , 1. 7. c. 17.

Cette question se décide par cette distinction, que si les lettres obtenuës aprés le jugement ne sont que de simple grace, elles ne portent aucun préjudice aux Seigneurs et ne leur ôtent point e droit qui leur est acquis. Que si le Roy remettant la peine et le crime use de ces termes, de a pleine puissance et autorité Royale, la confiscation devient sans effet, et le condamné rentre en la pleine possession de tous ses biens. In Gallia certum est Regem posse restituere damnatum & facta abolere, & Dominus fiscalis non est admittendus ad impediendam gratiam Spe confiscationis, quod Judicatum refertJoannes Galli , Quast. 184.Molin . 8. 83. gl. 1. n. 37. et 38. Chopin s’en est expliqué assez obseurement,. l. l. 1. 8. n. 12. Mais c’est le sentiment presque universel de Doman nos Auteurs, que le Roy par sa pleine puissance et autorité Royale peut remettre la peine et la confiscation au préjudice des Seigneurs de fief.

I seroit juste neanmoins de restreindre cette restitution pour les biens qui seroient encore en la possession des confiscataires ; car si le confisqué n’obtient sa grace que long-temps aprés sa condamnation, et que cependant le Seigneur confiscataire dispose des biens qui luy étoient échùs, seroit-il raisonnable qu’un acquereur de bonne foy fût troublé dans son acquisition, et que le Seigneur feodal fût condamné aux interests d’éviction ;. La clemence du Prince ne doit servir au confisqué, que quand les choses sont encore entières, et que le Seigneur confiscataire peut restituer sans dommage ce qui luy êtoit échû ; mais quand il n’est plus en sa main, le confisqué doit se contenter de reprendre son bien en l’état qu’il se trouve lors qu’il obtient sa grace.

Chassanée Bacquet C’est le sentiment deBarthole , de Chassanée et de Bacquer. Mr Cujas me paroit être d’un avis contraire en sa Consultation 38. où parlant d’un Officier d’armée, à qui le Gouverneur de la Province avoit ôté sa Charge, dont celuy qui en avoit été pourvû, avoit traité avec un particulier, et reçû une partie du prix. Il demande si aprés que celuy que l’on avoit destitué, avoit été rétabli dans sa Charge par la grace du Prince, celuy qui favoit achetée pouvoit être contraint de payer ce qu’il devoit de reste de son marché : Il répond que l’acheteur est tenu de payer, ESPERLaeETTE qu’il n’a point de garantie contre son vendeur, quia restitutio Principis, quae fit sponte et non sine injuria Principis, planè nova et inopinata res est. l. Lucius, l. si per imprudentiam, de evict. D. Le dommage et la perte qui arrive à l’acquereur par une cause étranaeere, ne doit, point tomber sur le vendeur ; injuria quae per injuriam emptori fit, non debet venditorem contingere. l. except. de fidejuss. D. Ce que Mr Gujas confirme par la loy 1. C. De peric. et Com. rer. vend. et l. 1. 8. si Magistratus, de Magistrat. Commun. Mais ces raisons ne conviennent. pas aux graces accordées par le Souverain ; car comme il peut remettre, la peine, soit : auparavant ou depuis la condamnation, il peut aussi remettre l’effet et l’execution de cette condamnation, an restitutus à Principe recuperet omnia bona : VideBartholum , in l. 1. C. de sentent. passis. et l. de deportandis. C. Cod. et l. quamois de rescript.

Cette question s’offrit en la Chambre de l’Edit le 2é de Mars 1626. sçavoir si un homme ayant été condamné aux Galeres à perpetuité, aprés y avoir servi vingt ans, et depuis ayant obtenu des Lettres de rappel, pouvoit rentrer en la possession de ses biens confisquez : Loüis Marie. ayant été condamné aux Galeres à perpétuité, par Arrest de l an 1602. il obtint des Lettres de rappel en l an 1625. qui furent entérinées, en consequence de quoy il prétendoit rentrer en la possession de son bien. On luy opposoit que ces Lettres étoient de pure grace et non de Justice, que par icelles le Roy n’avoit point revoqué la confiscation, en consequence de laquelle ses biens avoient été acquis aux Seigneurs. L’Article 200. de l’Ordonnance de Blois défend d’obtenir des Lettres de rappel des Galeres, et le Roy veur que l’on n’ait point d’égard à celles qu’on auroit surprises, quand la condamnation est jugée. Par l’Article 18. de l’Ordonnance de Moulins, le condamné par contumace aprés cinq’ans ne peut plus rentrer en ses biens, à plus forte raison celuy qui a été condamné aprés s’être défendu : Aussi les Lettres contiennent cette clause, que le Roy le remet en sa bonne renommée et biens non confisquez, c’est à dire aux biens situéz dans les Provinces oùt la confiscation n’a point lieus mais ces Lettres ne revoquent point les biens acquis aux Seigneurs, et dont ils peuvent avoir disposé. Voyez d’Argentré touchant l’explication de cette clause, restituè en sa bonne fame et biens non confisquez. Par Arrest l’impetrant fut debouté de sa demande ; les parties étoient Marie Frotey, le sieur du Ménil, et Goutier.

Celuy qui est restitué par le Prince en sa bonne renommée, ne laisse. pas d’être incapable, d’exercer un office de Judicature. Un particulier avoit été condamné pour usure en de grandes amendes qu’il avoit payées. Depuis il obtint des Lettres pour être restitué en sa bonne renommée, et bien que les Gens du Roy en consentissent l’enterinement, il en fut refusé, parce qu’il prétendoit par ce moyen se donner entrée en un Office. Le Prince restituë contrE la

Ee Pieda VrE PPA Re nran et raduraeitegiset : E N’lgs.

aux Charges, l’infamie de droit est suffisante pour cela.

Pona potest tolli, culpa perennis erit.

Indulgentia Principis quos liberat notat. Par Arrest du 9 de Juillet 2636. au Rapport de Mr de Mat han-

Les Lettres de rappel de bannissement pour cinq ans ne sont point reçûës en cette Province. Potier avoit été condamné par Arrest du mois de Février 1635. à reconnoître Filsac et Marthe Berthe, sa femme, pour gens d’honneur, et qu’il leur avoit temerairement et indiscrerement proferé les injures mentionnées au procez, et banni pour cinq ans de la Ville et Prevôté de Paris ; il avoit obtenu des Lettres de rappel, disant que la peine appartenoit au Roy et qu’il pouvoit la remettre, et il s’aidoit de deux Arrests du Parlement de Paris, donnez en cas pareil. Par Arrest da 1o de Janvier 1636. il fut debouté de ses Lettres Par autre Arrest du 1o de Juillet 1636. un nommé de la Riviere ayant obtenu Lettres de d rappel, pour un bannissement de cinq ans, il en fut refusé, suivant l’Ordonnance de Blois, E qui défend le rappel à ban des condamnez pour un certain temps. Cette peine tient lieu en quelque facon de satiefaction aux offensez, afin que leur partie ne soit point viè dans le païs, et que de leur part ils n’ayent pas cette douleur.

La prescription empesche aussi l’effer de la confiscation, la condamnation qui n’est point executée contre les presens et par effigie contre les absens, se prescrit par vingt ans, et la onfiscation demeure sans effet, suivant l’Arrest de Verson. Il faut neanmoins observer, à Négard de la prescription, que si le procez a reçû toute linstruction qu’il pouvoit avoir, et que la Sentence ou l’Arrest ayant été executez par essigie contre les absens, les interests et la confiscation ne se prescrivent que par trente ans. Cavey avoit fait condamner à mort par contumace Julien Bruley, pour l’homicide par luy commis du pere de Cavey, avec quatre mille livres d’interests ; Cavey negligea durant vingt-quatre ans l’execution de ce Jugement. Sur la poursuite qu’il fit aprés la mort de Bruley, contre ses heritiers, ils luy opposerent que action principale, à sçavoir le crime, étant éteint et effacé par les vingt ans ; les interests ui n’en étoient qu’un accessoire étoient aussi prescrits. Nonobstant ces raisons il fut jugé en ela Tournelle le 27 de Janvier 1645. au profit de la mere et heritière aux meubles et acquests e Bruley, que l’execution des Arrests et Sentences ne se prescrivoit que par trente ans. J’avois écrit pour la mère. Cette maxime que l’execution des Arrests ne se prescrit point par vingt ans n’est pas véritable en matiere criminelle, à l’égard des interests, que lors que les jugemens n’ont point été executez par esfigie que la demandé des interests est véritablement une action civil mobiliarre, et que les actions de cette qualité ne se prescrivent que par trente ans : mais il n’en est pas de même quand ces interests tirent leur principe et leur cause d’un crime, en ce cas ils ne sont considerez que comme des accessoires qui ne peuvent avoir plus de durée que leur principal, qui se prescrit par vingt ans, quand le Jugement n’a point recû toute sa pleine et parfaite execution. La raison de douter pouvoit être, que par la disposition. de droit l’interest civil est distinct et separé du crime, l. 6. de publ. jud. defuncto eo, qui reus uit criminis, et pona extincta in quacunque causa criminis extincti, debet is cognoscere cujus de pecuniaria re cognitio est. D’où il s’ensuit que crimine extincto etiam adversus heredem vel herebtatem pecuniariter agi potest. Ce qui se voit encore en la l. 5. de calumn. par laquelle consti-tutum est turpia lucra heredibus quoque extorqueri, licet crimina extinguantur. Neanmoins on a aussi jugé au Parlement de Paris par plusieurs Arrests, et notamment par un Arrest donné en l’Audience de la Tournelle le 21 de Mars 1653. que le crime se trouvant étefnt et prescrit par les vingt ans, la reparation civil étoit pareillement prescrite Non seulement les interests sont prescrits par vingt ans, mais aussi une provision jugée par Arrest fut déclarée prescrite par le même temps, par Arrest en la Chambre de la Tournelle du i8 de Novembre 1639. au Rapport de Mr de Toufreville le Roux : Jean Roussel avoit rendu plainte en l’an 1615. contre Suhard pour excez qu’il luy avoit commis : Roussel ayant appelé de ce qu’on ne luy avoit donné que 3o livres de provision, et que l’on n’avoit jugé qu’un comfarence personnel contre Suhard, par Arrest de l’ir de Février 1616. l’accusé fut decreté en prise de corps et condamné en 50o livres de provision. En l’an 1639. Roussel somma de Melun, premier Quissier au Bureau des Finances à Caen, fils et heritier de Marin Hebert, qui l’étoit aussi devenu de Suhard, de luy payer les 30o livres, on luy opposa la prescription de vingt ans, laquelle fut jugée encouruë : Roussel produisit un Arrest du 18 d’Aoust 1626. entre Estienne Marin et uutres, qui sembloit contraire. La condamnation de mort par contumace avoit été jugée en l’an 1595. avec 8oo livres d’interests aux heritiers de l’homicidé qui n’avoient pû être payez au decret des biens du condamné fait en l’an 16c8. Ce condamné ayant été arrêté en l’an 1626. il soûtint que le crime et les interests étoient prescrits. L’opposition au decret en 1600. étant la derniere procedure, par l’Arrest le crime avoit été déclaré prescrit, mais l’accusé fut condamné au payement des 800 livres ; la difference de ces deux Arrests, est que l’opposition au decret avoit empesché la prescription de la dette, et qu’il n’étoit point besoin d’autres diligences, et d’ailleurs c’étoient des interests jugez par un Arrest définitif ; mais l’autre Arrest n’étoit que provisoire, qui se pouvoit retracter, et pour cet effet il auroit falu voir le procez qui étoit prescrit Autre Arrest en la Chambre de l’Edit du 26 de Juin 1662. Piart étoit appelant du Bailly. de Caen, qui avoit annullé l’execution qu’il avoit requise pour cent livres d’interests, et les dépens resultans de crime jugez dés l’année 1637. mais qui n’avoient êté demandez qu’en l’an 662. on s’aidoit de la prescription des vingt ans. On alléguoit pour exception que la prescription de vingt ans n’avoit lieu que pour le crime ou pour les interests civils, avant la condamnation, mais la condamnation étant jugée elle pouvoit être executée jusqu’à trente ans ; par l’Arrest en insirmant la Senténce, l’intimé fut condamné à payer, plaidans de l’Epiney et Theroulde. 1l faut remarquer qu’en tous ces Arrests la condamnation êtoit définitive, tant pour le principal que pour les interests, et il ne restoit plus rien à executer.

Autre Arrest du 22 d’Avril 1671. Julien Desmont fut condamné au foüet pour vol de chevaux, et à la restitution de leur vraye valeur, par Sentence du Bailly de Mortain du 26 de Janvier 1649. comme on le conduisoit à la Cour pour y être jugé sur son appel, il s’échappa : aprés les vingt ans, François de S. Gilles prétendoit faire juger l’appel et mettre à execution la Sentence pour les condamnations civil ; il fut jugé qu’aprés les vingt ans la peine et la restitution des choses volées étoit prescrite

Guillaume Marchand, dit la Fleur, avoit été condamné à mort par contumace, par Arrest du Parlement de Paris de l’an 1597. l’Arrest fut executé par effigie. Etant arrété prisonnien en l’année 1624. il presenta sa Requête pour être absous, vû qu’il y avoit prés de trente ant que le crime avoit été commis. Ce qui luy fut contesté, le crime ne pouvant être prescrit que par trente ans, parce que l’Arrest avoit été executé par effigie, et que c’étoit la distinction que la Cour y avoit toûjours faite : Par Arrest de la Chambre des Vacations du Parlement de Paris, du 21 de Septembre 1624. il en fut debouté. Il obtint Requête civil, et la femme qu’il avoit épousée intervint en la cause ; mais par Arrest du même Parlement du et d’Avril 1625. sans s’arrêter à la Requête d’intervention de la femme, on mit sur la Requête civil les parties hors de Cour.

Deux Gentilshommes nommez de Droulin, sieurs de Chantelou, et du Boisdavoine, avoient été condamnez à mort par Sentence renduë par contumace au Châtelet en l’année 1633. et en rooo livres d’interests envers les heritiers de l’homicidé. Quelques années aprés le sieur de Chantelou épousa la Demoiselle de Bernieres qui luy donna le tiers de ses biens ; étant mort rente ans aprés la Sentence de condamnation, sur la demande de ce tiers faite aux heritiers de sa femme, on prétendit que la donation êtoit nulle, ayant été faite dans un temps où le sieur de Chantelou êtoit incapable de tous effets civils, par la condamnation. de mort jugée contre luy ; et les heritiers de l’homicidé demandoient aussi les 4o0o livres d’interests, disant que la prescription avoit été interrompué par une perquisition qui avoit été faite en la maison de la mère d’Alexandre de Droulin, et par une opposition à un decret en l’an 1666. Les heritiers d’Alexandre de Droulin, et les acquereurs de ce tiers qui luy avoit été donné, rémontroient qu’il n’étoit pas certain qu’il eûit été condamné à mort, que c’étoit un sien frere qui portoit alors la Seigneurie de Chantelou : mais aprés tout que le crime êtoit prefcrit par les vingt ans, et qu’aprés cela l’incapacité étant effacée la donation êtoit devenuë valable, et pour les interests bien que l’execution d’une Sontence executée par effigie se perpetué jusques à trente ans, on ne pouvoit se prévaloir de cette maxime, puisqu’on ne venoit qu’aprés les trente ans : la perquisition faite en la maison de la mere ne pouvant valoir d’interruptions non plus que l’opposition au decret pour avoir été faite aprés les trente ans. Par Arrest du ré de Juin les heritiers du sieur de Droulin furent déchargez de la demande des interests, et les acquereurs maintenus en leur possession : voyezLoüet , 1. C. n. 47. Journal des Audiences ; l. 2. c. 38. 1. 7. c. 18.

L’execution du prise de corps n’intertompt point la prescription. En 1636. un homme ayant été tué, on decreta prise de corps contre l’accusé : En 1655. il fut mis prisonnier Falaise, mais il obtint provision de sa personne, à la charge de se rendre prisonnier à Caen.

Depuis les vingt ans s’étant écoulez sans aucunes poursuites, par Arrest du 8 de Juin 1660. le crime fut déclaré prescrit, et sur l’action et demande, hors de Cour et de Procez, la veuve du Tuit et Maheut parties plaidantes, Greard et Maunourry Avocats Par Arrest du 30 de Mars 1662. en la cause des heritiers du Curé de Cropus, demandeurs en arrest de prison, contre le sieur du Perré, défendeur, et demandeur pour faire déclarer de crime prescrit ; comme aussi les condamnations jugées par Arrest, sur la demande desdits heritiers d’être reçûs à faire preuve que l’Arrest avoit été executé par effigie, huit de Messieurs les Juges furent d’avis de recevoit cette preuve ; sepr autres au contraire furent d’o-pinion qu’il y avoit prescription. Là-dessus il fut question de sçavoir s’il y avoit partage, la Grand. Chambre ayant été consultée, il fut resolu qu’il n’y avoit partage, et qu’il devoit passer in mitiorem, suivant l’avis de ceux qui tenoient l’action prescrite.

Aprés avoir expliqué les moyens qui empeschent la confiscation, cette matière mérite d’être discutée, si depuis un crime commis le coupable peut disposer de ses biens au préjudice des seigneurs confiscataires, et si les donations ou alienations qu’il en fait sont valables ; je ne parle point des interests et des hypotheques d’iceux, me réservant à la traiter separément, parce que cette question fe décide par des raisons particulières de nôtre Coûtume Cette question si aprés un delict commis le coupable peut vendre ou engager son bien, est fort célèbre entre les Auteurs, tant anciens que modernes, comme elle n’étoit point décidée par aucune loy du droit Romain, chaque Auteur pour soûtenir son opinion explique les loix à on avantage. Ceux qui estiment qu’aussi-tost que le crime est oommis le droit est acquis au Fisc et aux Seigneurs confiscataires, se fondent principalement sur deux loix. La premiere est dans le titre de Penis l. 1. quoties de delicto queritur, placuit eum penam subire non debere, quam conditio ejus admittit, sed eam quam sustineret, si eo tempore sententiam effet passus, quo deliquisset : D’oû ls inferent que si un criminel doit souffrir la peine imposée par la loy suivant sa condition, au temps du delict, et non au temps de la Sentence, la confiscation doit être acquise de ce même temps-là. Ils alléguent aussi la loy Quasitum, qui et à quibus manumitt. Quesitum est an is qui reus Majestatis crimine factus sit, manumittere possit, quia ante damnationem Dominus est : Imperator rescripsit ex eo tempore, quo quis propter scelerum suorum cogitationem jam de penâ certus esse poterat, multb plus cogitatione et conscientiâ fcelerum, quam damnatione jus dandae libertatis amississe.

Et ils ajoûtent que, à tempore delicti orta est obligatio ad ponam, unde sententia quae postea sequitur porius declarat quam aliquid novi inducit, quia eo ipfo quod judex pronuntiat maleficium commissum, tatim ipfo jure succedit pena juris, & ideo sententia retrahitur ad tempus delicti. M d’Argentré , sur a Coûtume de Bretagne, Article 188. gl. 2. décide cette question par les termes de sa Coûtume.

Magna dubitatio Scholasticis authoritatibus, an ex delicto mpotheca nascatur fisco, plures à sententià contrahi putant.

Les autoritez qu’on apporte pour soûtenir lopinion contraire sont plus expresses, in reatu constitutus bona sua administrare potest, eique debitor bonâ fide solvit. l. offertur. S. in reatu de jure fisci Si donc celuy qui est même accusé ne pord point ladministration de son bien, fargument que l’on tire de la l. ex judiciorum. ff. de accus. n’est pas moins décisif, ex publicorum judiciorum admissis non aliâs transeunt pena bonorum ademptionis quâm si lis contestata, & condemnatio secuta, excepto repetundarum & Majestatis judicio ; ex cateris vero delictis pena incipere ita demum potest, si vivo reo accusatio mota est, licet condemnatio fecuta non sit. Il n’est donc pas vray que ex solo delicto obligatio mota sit ad penam, puisque pour acquerir la confiscation il est necessaire que vivo reo accusatio mota sit, et tant s’en faut que par la seule action le crime ou la peine, ou l’infamie soit encouruë, que si le condamné appelle, l’infamie ne commence que du jour que la Sentence est confirmée, si injusta appellatio visa sit, hodie notari puto non retro. l. furti. 6. 1. ff. de his qui not. inf.

Et pour réponse aux loix qui semblent contraires, outre que la loy 5. si ex noxali causa y est expresse, il y a bien de la difference, comme dit Aleiat au commencement de son Commentaire, sur la loy post contractum ff. de Donationibus, entre la personne du delinquant et un étranger qui traite avec luy de bonne foy, quamois delinquentis respectu ad tempus delicti respiciamus, quod tamen ad id quod pecunialiter tertii attinet, tempus sententiae solûm respicimus.

La loy Quasitum ne déclare la donation nulle que pour le crime de leze-Majesté, propter facinoris ttrocitatem, hors ce cas donc la donation doit subsister, et quoy qu’il soit dit en la loy aufertur.

S. fiscus : que fiscus semper jus pignoris habet, tamen cùm pignus obligationis sit accessorium, non prius nascitur quam ipsa obligatio. La peine n’est point dûe qu’aprés la Sentence, et comme dit un de nos Auteurs est tanquam fructus nondum persectus, sed seminatus, et ideo ficut fructus pendentes non pertinent ad fructuarium, ita nec ad fiscum. Et c’est aussi le fentiment le plus commun que les emendes, les confiscations et les interefts n’ont hypotheque que à die sententia, et non à tempore delicti, et quand du Moulin traite la question entre les deux fermiers, à sçavoir à qui les fruits appartiennent, ou à celuy qui est fermier au temps du delict, ou à celuy qui l’est au temps de la Sentence : Il répond en ses Notes, sur les Conseils d’Alexandre, Cons. 7. 3. vol. qu’ils sont dûs au fermier qui étoit au temps de la Sentence, quia penâ prius non debetur.

Ce qui a partagé les esprits sur cette matière a été la loy post contractum de Donationibus ; avant que de parler dés differentes lectures et explications de cette loy, je remarqueray qu’elle ne défend la disposition du bien qu’à celuy qui a commis un crime capital. Il est vray qu’on dispute, Modestin quid sit crimen capitale ; Modestin, en la l. 103. dit que, licet capitale Latinè loquentibus omnis causa existimationis videatur, tamen appellatio capitalis mortis vel amissionis civitatis intelligenda est l. capitalis, a8. de penis. Suivant cette distinction les alienations faites par l’accusé ne seroient pas nulles à l’égard des amendes, et neanmoins l’hypotheque en doit commencer du jour que l’accusation a été notoire. La Glose et tous les anciens Interpretes, à la réserve d’un seul qui est Odufredus, l’ont expliquée de cette sorte, que post contractum capitale crimen valent nisi condemnatio secuta sit, c’est à dire que la donation faite aprés le crime commis est valable, pourvu qu’elle ne soit faite aprés la condamnation.Alciat , en son Commentaire sur cette loy, approuve ette explication, post contractum capitale crimen donatio facta valet, nisi facta sit post condemnationem. car, dit-il, le mot secuta étant un participe tempori praterito non conveniret, si donationes non valerent, sed in suspenso essent. La Sentence de condamnation ne peut avoir un effet ntroactit au préjudice du donataire, à qui le droit est acquis, parce que c’est seulement du temps de la gentence que la peine est duë.

Mr Connan l’entend de la même sorte, l. 5. c. 11. Comment. Ce qu’il confirme arg. l. ci aliquis de don. cau. mort. ubi in fine dicitur quamvis caterae donationes ( scilicet inter vivos ) sine susbicione pena factae valeant : ergo si fiant ab eo qui pona erat obnoxius, revocantur secutâ condemnatione, vix enim potest à suspicione pona abesse, qui crimen admisit, in eo tamen diligenter inquirendum arbitramur si que susbicio pracesserit, sine qua fraus nulla esse potest revocari autem donationem bona fide factum perquam durum est.

Les autres ont soûtenu que cette loy ne devoit pas s’entendre de cette maniere, que son ray sens et sa véritable lecture êtoit que post contractum capitale crimen donationes facta non valent, si condemnatio secuta sit, c’est à dire que la validité de ces donations est suspenduë jusqu’au jugement, que si la condamnation s’en ensuit, elles sont nulles. Certissimum est, dit MrCujas , in Comment. Ad lib. 1. Vesp.Pap . l. 31. 5. ult. male legi in pandectis Florentinis post contractum capitale crimen donationes non valere, nisi condemnatio secuta sit, cum sit legendum si condemnatio fecuta sit. Certissi-ma est illa definitio donationes inter vivos factas non valere post contractum capitale crimen, sed revocari à fisco si condemnatio secuta sit, et si etiam cum nondum reus postulatus sitis qui crimen admisit dona-tionem fecerit, donatio non valet si postea reus postulatus, reus factus et reus condemnatus sit, quia prasumitur donasse suspicione criminis futuri.

Pour soûtenir cette opinion de MrCujas , il faut remarquer que les Docteurs qui tiennent de contraire, ne veulent pas que les dispositions faites par le coupable depuis l’accusation jusques à la condamnation soient annullées, mais seulement celles qui sont faites depuis la condamnation et l’execution de la Sentence. On répond à cela que cette loy êtoit un droit nouveau, et qu’elle a voulu introduire quelque chose qui n’étoit pas permis auparavant. Or par le droit ancien les actes passez entre la condamnation et l’execution étoient nuls ; ce que cette loy a ajoûté est pour ce qui s’est fait avant la Sentence de condamnation, que cette loy déclare nul, en cas que la condamnation s’en ensuive, autrement elle n’auroit rien ordonné de nouveau.

Mais pour lors il y a deux temps à distinguer ; le premier, depuis le crime commis jusques à ce que l’on foit deféré à Justice, c’est à dire jusques à la plainte, information et decret ; et le second, depuis ces actes-là jusques à la Sentence ; et cette distinction de temps est fort necesfaire, comme on le verra sur l’Article 593

Pour accorder cette contrarieté de loix et d’opinions de nos plus judicieux Auteurs, on fait deux distinctions ; la première sur la qualité des crimes, et la seconde sur la nature des contrats faits depuis le crime commis. Pour les crimes on fait différence entre les grands crimes, comme celuy de leze-Majesté, le sacrilege, le parricide, le peculat ; et pour ceux-là l’interdiction commence dés le temps du crime commis, et pour les autres crimes, l’interdiction. dépend de l’évenement de la Sentence

Pour les contrats, la distinction la plus commune et la plus approuvée est celle qui met de la différence entre les contrats à titre lucratif, et les contrats à titre onereux Pour les contrats à titre lucratif, tels que sont les donations, n’étant pas possible qu’elles se fassent sine suspicione ponae par celuy qui a commis un crime, elles ne peuvent valoir, bien qu’il n’intervienne aucun dol de la part du donataire, non est quarendum an sciente eo cui dona. tum est gestum sit, sed hoc tantùm an fraudentur creditores, nec videtur injuriâ affici is, qui ignoravit, cum lucrum extorqueatur, non damnum inferatur. I. qui autem 3. 11. que ln fraud. cred. Il n’est pas necessaire pour les donations faites par un criminel qu’il y ait du dol du côté du donataire, ou qu’il ait sçû le crime ou le dessein que le criminel a eu d’éluder la condamnation qui devoit être renduë contre luy.

Par les loix d’Angleterre aprés le crime commis, l’accusé ne peut donner ni aliener son bien. Stanfort l. 3. c. 31. et Bracton l. 2. Si post feloniam perpetratam donationem fecerit, et rondarnnatio secuta fuerit, non valet donatio, sed revocabitur, et retrotrahitur tempus ad perpetrationem feloniae : secus est si ante feloniam commissam donatio facta fuerit, superveniente delicto cor-rumpi nec mutari quod ante ritè transactum fuerit.

Il n’en est pas de même pour les contrats à titre onereux. Les dispositions faites par un criminel, soit en vendant, permutant ou autrement, sont valables, pourvû que l’acquereur ne soit point d’intelligence avec le vendeur, et qu’il n’ait point eu de part à sa mauvaise foys car n’y ayant que la condamnation qui retranche les effets civils au criminel, il ne devient absolument inhabile de contracter qu’aprés le decret. Ainsi bien qu’il contracte dans la seuls vûë de détourner son bien pour éluder la rigueur de la Justice, il n’est pas juste neanmoins qu’un acquereur de bonne foy perde son argent, pourvû, comme j’ay dit, qu’il ne soit point participant de la fraude. Je n’estime pas neanmoins que pour l’en convaincre ce soit assez que alienation ait été faite sans necessité et sans employ du prix qui en est procedé ; car fondant la validité de ces contrats sur la seule bonne foy de l’acquereur, lors qu’elle s’y rencontre ona ne doit point y rechercher d’autres conditions, post scelus admissum antequam reus sit constitutus, venditiones, permétationes, et catera id genus nonagratuita alienationes valent, si modo fraude caret is qui-cum est contractum.Connan . l. 5. Comm. Cap. 1. Bartole pour prouver que l’acquereur soit d’intelligence avec le criminel, et qu’il participe à la fraude, rapporte ces conjectu-res ; s’il fait une donation universelle de ses biens, si elle est faite à son proche parent ; si aprés l’alienation il demeure en possession, si l’on a pratiqué des moyens pour rendre l’alienation secrete et tachée.

MonsieurCujas , ad l. post contractum, n. 8. a tenu la même doctrine sur cette matière. Il faut voit Bartole et Alciat sur la même loy : D’Argentré , sur l’Article 188. de la Coûtume de Bretagne : Mr le Bret de la Souverain. du Roy, l. 3. c. 15.Mornac . in Praf. ad Tit. de pign.

Ricard . des Donat. part. 1. c. 3. sect. 4. n. 244. Mr le Prestre Prestre, Cent. 1. 4. 85.Henris , t. 2. l. 4. quest. 6. Pap : en ses Not. t. 1. l. 5. des Donat.

Cette liberté que le criminel a de contracter, ne doit pas s’étendre jusqu’au temps de la Sentence ; car si le crime a été connu à l’acquereur, ou qu’il ait été rendu notoire par l’annotation des biens du coupable, en consequence d’un decret du prise de corps, ou par les apeaux Ban, les alienations ne peuvent subsister, le fondement qu’on posoit pour les soûtenir venant à manquer.

Les maximes que je viens d’établir ont été autorisées par Arrests.

Du Fayel, Prestre, débaucha une de ses Paroissiennes ; ayant connu qu’elle étoit grosse de cinq mois, il fit une donation de tout son bien à son frère ; elle ne fut insinüée que six jour avant l’accouchement. Sur l’execution faite aux biens de du Fayel pour les : interests que cette fille avoit obtenus contre luy, le frère en demanda la distraction, en vertu de sa donations sur l’appel de la Sentence qui la declaroit nulle, on disoit que la loy post contractum n’annulloit que les donations faites aprés le crime commis, et que la faute de du Fayel n’étoit pas de cette qualité. On répondoit que dés le moment qu’il avoit débauché cette ffille, il avoit hypothequé tous ses-biens et ses interests, de forte que c’étoit une dette anterieure à cette do-nation. La raison de la loy post contractum avoit lieu pour routes sortes de crimes, cette loy ndamnant tout ce qui est fait en fraude, pour éluder la rigueur de la Justice. Il falloit faire différence entre les donations et les ventes : les donations étant toûjours presumées faites en rraude, cogitatione sceleris, ex penâ. Par Arrest de la Tournelle du 18 de Février 1645. la Sentence fut confirmée, plaidans le Févre et Lesdos.

Pour les contrats de vente par un’ancien Arrest du premier de Janvier 1543. Dannebaut ayant acquis un fief de Queteville depuis le crime commis ; mais avant la condamnation, sur l’opposition du Seigneur, prétendant la confiscation, il fut jugé qu’elle n’avoit lieu que du jous de la Sentence. Autre Arrest du 27 de Février 1598. pour Me François Daniel. La confiscation n’est pleinement acquise que par la condamnation. Il ne s’enfuit pas toutesfois que le coupable ait une pleine liberté de disposer de ses biens jusqu’à ce temps-là, il ne le peut que dans les casque j’ay remarquez.

Helie Laurens fut condamné aux Galeres à perpetuité, par un Arrest de l’an 1580. qui commuoit la mort naturelle en mort civil. Le Cardinal de Lorraine, Abbé de Fécamp, remit le droit de confiscation aux enfans. En l’an 1585. Helie Laurens étant sorti de prison par le commandement du sieur de Carouges, il contracta des dettes et véeut comme une personne libre, demandant et défendant en Justice à toutes actions. Etant mort en l’an 1610. le Broment fit saisir réellement et ajuger ses héritages pour cent livres de rente, que Laurens luy avoit ronstituées depuis sa condamnation. En l’an 1614. du Jardin obtint du Cardinal de Joyeuse le don des héritages de Laurens, consisqué par la Sentence du Senéchal de Fonteines leBourg, et s’en fit envoyer en possession, au préjudice de Brument. Sur l’appel de Brument la fille de Laurens se presenta en la cause, et demanda la proprieté des biens de son pere, en vertu de la romise à elle faite de la confiscation par le Cardinal de Lorraine, et entant que besoin elle obtint des Lettres de loy apparente, et appela incidemment du decret. Le Brument representoit que Laurens avoit vécu plus de vingt ans depuis sa condamnation, comme personne libre, ayant toûjours paru en cette qualité, sic agebar, sic contrahebat. On ne pouvoit blamer les contrats faits avec luy dans cette bonne foy, error communis facit jus. l. Barbarus ff. de offic. Pret. Il étoit vray-semblable qu’il avoit obtenu du Roy un rappel, autrement la Cour n’auroit pas permis qu’il fût sorti des prisons, et aussi il n’en avoit été mis hors que par l’ordre du sieur de Carouges, Gouverneur de la Province, que depuis Laurens êtant au ser-vice du Roy, il avoit fait des prisonniers qu’il fit juger de bonne prise par Messieurs les Maréchaux de France ; que toutes ces : circonstances faisoient penser qu’il étoit libre, qu’il êtoit rentré en la pussession de son bien, et qu’en effet il en avoit joûi jusqu’à sa mort. Du gardin, donataire de la confiscation, alléguoit qu’un condamné aux Galeres à perpetuité étoit servus pona, incapable de contracter, que le decret étant fait en vertu d’un contrat nul, il ne pouvoit valoir, ne paroissant d’aucune grace du Roy ni de rappel de Ban, et à l’égard de la fille que le don n’avoit été insinüé ni executé.

La fille reprochoit à ses deux parties qu’elles détruisoient le droit l’une de l’autre, que le Cardinal de Lorraine ayant eu qualité pour remettre la confiscation, la proprieté en avoit été acquise aux enfans, et leur pere confisqué, n’avoit pû les obliger à ses dettes, n’ayant point été établi contre la condamnation, et bien que le condamné eût vécu comme personne libre, et qu’on eût dissimulé sa condamnation, elle ne laissoit pas d’avoir effet pour l’incapacité de contracter, et pour le priver des biens confisquez. On trouve un exemple presque semblable dans une Ep. dePline , l. 10. Epist. à l’Empereur Trajan. Plusieurs personnes avoient été condamnées in opus, in ludum, et en d’autres peines semblables. Depuis on les avoit employées à Pline quelques offices et services publies. Plinae consulta l’Empereur sur ce qu’il en falloir faire, nam eddere penae plerosque jum senes nimis severum, & in publicis officiis retinere damatos non satis bonestum, et ut decreta quibus damnati érant proferebantur, ita nulla monumenta érant, quibus liberati probarentur ; quidam dicebant jussu proconsulum legatorumvé dimifsos : L’Empereur répondit, qui intra decem annos damnati, nec ullo idoneo authore liberati hos oportebat pona suae reddi, siqui vetustiores inveniantur, distribuantur in éa ministeria que non longé à penâ sint : Ainsi celuy qu est condamné, quoy que sa peine soit dissimulée par un long temps, et que la condamnation ne soit point executée, il n’acquiert pas neanmoins la liberté. Ceux qui demandent les biens sont favorables étant enfans du confisqué, ausquels les loix Romames laissoient une partie des biens des condamrez, l. cum ratio. ff. de bon. damnat. Pour la remise de la confiscation ce n’est point une donation, c’est une restitution qui se rapporte à la disposition du droit de sententiam passin 7 restitutis, non une simple donation, et par consequent l’insinuation n’en est point necessaire : Par Arrest du 1s de Decembre 1616. les Sentences du Senéchal de Fonteines-le-Bourg furent gassées, et les biens de Laurens ajugez à ses enfans avec restitution de fruits.

Il ne sera pas superslu de proposer cette question, si les biens substituez ou dont falienation est prohibée tombent dans la confiscation : car quoy que les substitutions pour succeder ne soient point reçûës en cette Province, toutefois dans les choses que la Coûtume permet de donner on peut apposer une substitution, ou une prohibition d’aliener, ou hypothequer la chose donnée.

Or bien que la défense d’aliener aille au profit d’un tiers, et non du criminel, la confiscation ne peut s’étendre sur cette sorte de biens, hormis aux crimes de leze Majesté : voyezBrodeau , sur’sur M. Loüet, l. C. n. 52.Molin . de feud. 5. 3. gl. 4. n. 21. C’est aussi la theorie deBarthole .

Quand la confiscation a son effet, la Coûtume veut que les biens confisquez appartiennent aux Seigneurs dont ils sont tenus, hormis dans les cas de lArticle suivant.

C’est le droit coûtumier de toute la France que les biens confisquez appartiennent aux HautsJusticiers, au préjudice des moyens et Bas-Justiciers, parce qu’ils prétendent que la confiscation est une dépendance et un fruit de la Jurisdiction : car le jugement de confiscation est necessaire pour faire perdre le fief au vassal ; la confiscation n’étant pas tant acquise par le crime commis que par le jugement de condamnation, et c’est pourquoy la Coûtume de Troyes, Article 170. titre des Just. dit que le Haut-Justicier a les biens qui sont en sa Haute-Justice, au temps et heure de la déclaration de la confiscation ; et c’est une recompenfe qui appartient justrmecturer Haut-Justicier à cause des frais qu’il est tenu de faire. Mais en cette Province les Seigneurs feodaux l’ont gagné sur les Hauts-Justiciers, et on a trouvé qu’il étoit plus naturel de reünit la Seigneurie utile à la directe, comme lusufruit à la proprieté La confiscation enveloppe generalement tous les biens, tant propres qu’acquests, meubles et rentes, et autrefois il n’en demeuroit aucune portion aux enfans : voyezBrodeau , sur l’Article 183. n. 11. pour les rentes constituées, comme il ne nomme point de situation, elles Loyseau appartiennent au Roy au préjudice des Seigneurs feodeaux, comme il a été jugé pour la succestion des bâtards. Loyseau des Seigneuries, c. 12. n. 92. les attribué aux Seigneurs dans la Justice desquels le criminel avoit son domicile, suivant l’usage de Paris, où les rentes constituées se partagent selon la Coûtume du domicile du creancier, et non de l’obligé, comme en cette Province.

Les biens confisquez appartiennent aux Seigneurs, à condition de payer les rentes Seigneuriales, foncieres et constituées, même les dettes mobiliaires, discution prealablement faite des meubles. L’ancienne Coûtume êtoit contraire, C. de tenûre par hommage. Le Roy ni les Seigneurs ne sont obligez de payer les dettes du condamné et les amendes que jusqu’à la concur-rence de la valeur des biens, et à raison de ce qu’ils en amendent, comme les Jurisconsultes l’ont resolu. l. 1. 8. an bona. l. non intelligitur. S. cum ex causâ de jure fisci Chopin Il est encore certain que les Seigneurs ne peuvent être poursuivis solidairement. Chopini du Dom. l. 1. t. 8. n. 19. et t. 12. n. 13. et qu’ils ne contribuent que pro modo emolumenti : ce qui est vray entre les Seigneurs, mais. à l’égard des créanciers ils peuvent s’adresser pour le tout Loyseau sur chaque piece du bien de leur obligé, comme Loyseau l’a fort bien prouvé ; autrement leur condition deviendroit fort incommode s’ils étoient contraints de liquider avec chaque Seigneur ce qu’il en devroit pour sa part. C’étoit autrefois une question célèbre entre les Auteurs, si les dettes passoient sur les biens confisquez. Les anciens Docteurs ont fait différence entre la Commise et la Confiscation, et ils étoient d’avis que quand le fief retourne au Seigneur par Commise c’étoit en exemption de toutes les dettes et charges imposées par le vassal, parce et que le retour se faisoit ex naturâ feudi, que si c’étoit par confiscation, alors le fief revenant au Seigneur par une cause étrangere, les charges n’étoient point éteintes, res transit et cum onere.

Mais aujourd’huy en toutes manieres le Seigneur est tenu d’acquitter les dettes.


CXLIV.

Confiscation pour crime de leze-Majeste.

Au Roy seul appartient les confiscations des condamnez pour crime de leze-Majesté, encore que leurs héritages ne soient immediatement tenus de luy.

Cet Article est encore observé en Angleterre.Stanfort , dans son Livre des Pleds de la Couronne, nous apprend qu’en crime de haute trahison la forfaiture des échetes appartient au Roy, aussi-bien des terres et tenemens tenus des autres, comme de luy-même, l. 1. c. 2.

Cet Auteur en ce même endroit fait une distinction entre les crimes de haute et de petite trahison, et en suite il explique quels sont les crimes de haute trahison, et ceux qui ne sont que de petite trahison, ce qui est à peu prés conforme à nôtre usage : voyez le même Auteur, l. 3. c. 36.

Le crime, dit-il, de haute trahison est si grand, que le Roy n’en peut être assez recompensé.

En effet le crime de leze : Majesté est si atroce qu’il mérite des peines extraordinaires, c’est pourquoy par la disposition de toutes les loix, les biens de ceux qui en sont convaincus appartiennent au Prince, non solùm pertinent omnia bona, sed etiam post solam cogitationem donationes, alienationes sunt nullius momenti. l. quisquis. S. emancipationes C. ad l. Jul. Ma3. Et parmy les Hebreux les biens du condamné à mort pour crime de leze-Majesté étoient confisquez au Roy, on en voit un exemple en Naboth, aprés la condamnation duquel pour crime de leze-Majesté Achab se mit en possession de sa vigne : la condamnation pour les autres crimes comme pour adultere ou pour homicide ne privoit point le criminel de ses biens, ils étoient conservez aux Seldan neritiers. Sedan. de succ. Ad leg. Hebr. c. 25.

On demande si le Roy prend les biens des condamnez pour crime de leze-Majesté aux conditions portées par l’Article precedent, et si suivant l’Article 277. les enfans pourront leur succeder par l’Ordonnance de François I. de l’année 1534 ? Ceux qui auront conspiré cu entrepris contre la personne du Roy, de ses enfans et de sa posterité, doivent être exemplairement punis, tant en leurs personnes qu’en leurs biens, sans que leurs parens, heritiers, mâles ou femelles, en ligne directe, on collaterale, ou autres personnes puissent prétendre aucun droit de succession, obstitution, ou de retour ausdits biens : mais lesdits biens, soit meubles ou immeubles, feodanx, alodiaux, on rotariers avec tous les droits, raisons et actions qui peuvent competer, sont acquis au Domaine.

Mais plusieurs ont écrit que cette Ordonnance a lieu seulement au cas de cet Article, à sçavoir quand le crime de leze Majesté est au premier chef, et qu’il y a entreprise contre la versonne du Roy, de ses enfans, ou contre le Royaume, et non aux autres cas, suivant la Gl. de a l. eorum C. ad leg. Jul. Maj. VoyezTheveneau , sur l’Ordonn. 4. 5. des crim. Art. 7.Brodeau , sur sur Mr Loüet, l. C. n. 53. si le duel est un crime de leze-Majesté, comme aussi la falsification du Sceau : voyezBrodeau , Coûtume de Paris, Article 183. Pour les simples cas Royaux la Loyseau onfiscation n’en appartient point au Roy. Loyseau des Seigneuries, c. 11. n. 19. Ce même Auteur tient que pour le crime de Fausse Monnoye la confiscation en appartient au Roy, parce qu’il y est principalement offensé

Il est certain que le Roy peut remettre les biens confisquez, et qu’ils ne sont reputez domaniaux, quand on n’en a point compté durant dix ans, en la Chambre des Compres : mais si le Roy retient les biens confisquez, et ne les remet point aux enfans ou aux collateraux, et qu’ils elevent de quelque Seigneur particulier, il est tenu d’en vuider ses mains dans l an et jour de la confiscation jugée. Suivant l’Ordonnance de Philippes, le Bel de l’an 1304. plusieurs Coûtumes e disposent expressément de la sorte, le Roy ne peut retenir que pendant l’an et jour les terres onfisquées, lors qu’elles sont mouvantes d’autres Seigneurs ; la même loy s’observe en Angleterre.


CXLV.

Meubles et fruits d’immeubles des condamnez par les Juges Royaux, à qui appartiennent.

Les fruits des immeubles de celuy qui est condamné par Justice Royale, appartiennent au Roy pour la première année exempts de toutes dettes, autres que les rentes Seigneuriales et foncieres dûës pour ladite année : et outre il a les meubles du condamné, les dettes prealablement payées.

Par les loix d’Angleterre le Roy a les meubles des condamnez, et s’il est ordonné que les maisons seront abatuës et les bois coupez, ils appartiennent pareillement au Roy.Stanfort , l. 3. c. 30.

En cet Article la Coûtume donne encore deux prerogatives au Roy, les fruits des immeubles pour la premiere année, et les nieubles du condamné aprés les dettes acquitées, ce qui n’a lieu outefois que quand la condamnation est jugée par la Justice Royale.

Le Haut-Justicier n’a pas ce même avantage, la Coûtume ue le donnant qu’au Roy seul.

Pour les meubles ils appartiennent indistinctement au Roy en quelque lieu que le condamné fût domicilié, quoy que ait tenu qu d’Aviron ils appartrennent au Haut-Justicier, lors que le criminel avoit été condamné par ses Juges ; car ces paroles, condamné par une Justice Royale, se estreignent à la premice disposition de cet Article, à sçavoir pour les fruits de la premiere sannée, et ils ne s’étendent point à la dernière disposition touchant les meubles, où il est dit simplement que les meubles du condamné appartiennent au Roy, ces mots de Justice Royale n’étant point repetez. Ce qui fait cesser toutes ces questions traitées par nos Auteurs, et parti Loyseau tulièrement par Bacquet des Droits de Justice, c. 13. et par Loyseau des Seigneuries, c. 12. et parCoquille , sur la Coûtume de Nivernois Nivetnois, titre des Confiscations, Article 2. à sçavoir si les meubles du confisqué appartiennent au Haut-Justicier du domicile du défunt, ou au Seigneur de la Justice où ils sont trouvez lors du decez. Neanmoins cette difficulté peut naître entre deux Loyseau différens Receveurs du Domaine ; et en ce cas, suivant le sentiment de Bacquet et deLoyseau , j’estimerois qu’il seroit plus à propos de les ajuger au Receveur du lieu où ils se trouvent lors de la mort du condamné, parce que la confiscation n’opere pas un droit successif universel, mais comme s’est une succession abandonnée, et qu’on ne peut plus dire que mobilia sequuntur personam, la Loyseau personne étant morte il les faut donner comme vacans au Receveur du lieu ; Loyseau ibidem.

Si les fruits de cette première année étoient peris par quelque cas fortuit, on demande si le Roy pourroit avoir les fruits de l’année suivante ; On peut répondre pour la negative, en consequence de ces paroles pour la premiere annee, qui sont limitatives, et qui restreignent le privilege du Roy à cette première année : s’il étoit dit qu’il auroit les fruits d’une année, s’il n’y en avoit aucuns durant la première année, ceux de la seconde luy seroient dûs, puisque la Coûtume luy donne les fruits d’une année. VoyezMol . de feud. 5. 57. n. 1.

Les frais que le Roy est obligé de faire pour l’instruction des procez criminels, ont donné lieu à cet Article. En explication duquel on a donné deux Arrests notables sur cette question, si la partie civil qui a fait les frais du procez peut en être remboursée sur les fruits de la premiere année, quand il n’y a point de meubles ; le Goix, sieur du Port, ayant été condamné à mort pour l’homicide par luy commis au sieur de la Rosiere, Maître des Comptes, et ses biens confisquez : Le sieur Marquis de Balagni, Engagiste du Domaine d’Oirbec, demandoit les fruits de la premiere année, comme ce droit étant compris dane son engagement, ce qui pourtant n’y êtoit pas bien expliqué. Mr le Procureur Genéral les prétendoit, suivant cet Article, soûtenant que c’étoit un droit invulsible de la Couronne, qui n’avoit pû être engagé. Le Receveur des amendes en vouloit être payé par privilege, la Dame de la Rosiere qui avoit fait tous les frais du procez, soûtenoit qu’elle devoit être prefèrée, s’aidant aussi de cet Article, dont elle tiroit cette conquence, que ce droit n’appartenoit point au Roy comme Souverain, puisqu’il ne luy êtoit dû que sur les immeubles de ceux qui étoient condamnez par la Justice Royale, et qu’il ne l’avoir point quand le jugement avoit été rendu par un Haut. Justicier, ce qui prouvoit qu’il ne luy avoit été donné que pour le recompenser des frais, quand il n’y avoit point de partie civil :. or comme elle avoit fourni tous les frais necessaires pour l’instruction du procez, il étoit juste qu’elle en fût remboursée sur les fruits de la première année ; l’Engagiste s’aidoit de ce même raisonnement, que puisqu’il avoit fait les frais du procez, les fruits de cette prentiète année luy appartenoient : cette cause ayant été plaidée en l’Audience de la Tournelle, la Cour ordonna qu’il en seroit déliberé, aprés en avoir consulté les Chambres, par Arrest du 8 de Jum 1646. t.. les fruits furent ajugez au Roy au préjudice de lEngagiste, du Receveur des amendes, et des interests, à la charge neanmoins que les frais de l’instruction du procez seroient pris auparavant, à tesquels furent ajugez à la Dame de la Rosiere. Cet Arrest a servi de fondement à l’Article 26. du Reglement de l’année 1666

Il est sans doute que ce droit n’appartient pas au Roy à cause de sa Souveraineté, mais parce qu’il fait les frais des prorez, et c’est pourquoy si ce droit eût été compris dans l’engagement, Il n’eût pas été raisonnable d’en exclure l’Engagiste, qui est tenu de faire ces frais-là.

Le deuxiéme Arrest fut donné sur cette question, si les témoins examinez en un procez fait d’Office pouvoient demander taxe sur le Receveur du Domaine ; Cette difficulté s’offrit en la Chambre des Vacations le s d’Octobre 1626. on avoit informé sur la requisition de Mr le Procureur General, et sur la dénonciation d’un particulier, de plusieurs violences et exactions com-mises par le sieur d’Isigni : plusieurs témoins éloignez de cinquante lieuës avoient été ajournez, dont trois et quatre demandoient leur taxe. Le Commissaire les ayant renvoyez à la Chambre et l’affaire mise en déliberation, plusieurs êtoient d’avis de les faire taxer à prendre sur le Receveur du Domaine, dautant que le Roy prend à son profit les fruits de la première année, en consideration des frais des procez criminels ; qu’il étoit vray que les Juges ne prennent rien, parce qu’ils sont gagez du Roy ; mais pour les témoins qui étoient de pauvres gens éloignez de cinquante lieuës qui avoient fait de grands frais, il ne seroit pas juste de les priver de leur salaire : par l’Ordonnance de l’an 1535. quand la partie accusée êtoit reçûë à ses faits justificatifs, si elle n’avoit pas de quoy y fournir, on regloit une somme à prendre sur le Receveur du Domaine. Mais les plus anciens de Messieurs les Juges ayant attesté qu’on ne faisoit jamais de taxe aux témoins examinez où le Roy seul étoit partie, que c’étoit une chose dué au Roy, tant par les Juges que par ses autres Sujets, que devant les Juges subalternés cela se prariquoit de la sorte, et qu’il en falloit, user de même en la Cour : on renvoya les témoins sans leur faire taxe, et on remit l’affaire à la S. Martin pour en déliberer

Par l’Arrest de la Dame de la Rosiere les Fruits. de la première année furent ajugez au Roy, sans paver les interests ; s’il étoit question de l’hypotheque de l’amende et des interests sur le autres biens du condamné, les interests seroient payez avant l’amende, parce que c’est une dette de la succession, bien qu’ils fussent jugez par un même Arrest : la disposition de la loy 17. de jure isci. In summâ sciendum est omnium fiscalium ponarum creditoribus postponi. Les interests sont dûs à la veuve et aux heritiers du jour du delict, mais l’amende n’est dûé que du jour de la condamnation, ce qui a été jugé de la sorte par Arrest du Parlement de Paris rapporté dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 2. c. 11.

Sur les fruits de cette première année, le Roy n’est tenu de payer que les rentes Seigneuriales et foncieres, échûës en cette année-là, et non la rente constituée : et on a jugé par Arrest en l’Audience de la Toumelle du 30 de Janvier 1635. que cette année êtoit acquise au Roy, bien que la condamnation ne fût que par contumace, au préjudice de la dot, laquelle fut reputée E et mise au nombre des rentes constituées, et qu’elle n’avoit point de privilege particulier : l’Arrest donné entre la Demoiselle de Croismare, femme du sieur Tiquerville, condamné par contumace pour avoir tué sa inere.


CXLVI.

Droit de deshérance.

Aux Seigneurs feodaux appartiennent les héritages de leurs vassaux aprés leurs decez, à droit de deshérance et ligne éteinte aux charges de droit, s’il ne s’y presente hoirs habiles à succeder dans le seprième degré inclusivement.

Ultimi heredes aliquorum sunt eorum Dominis, ergo cûm quis sine certo herede moritur, solent Domini feodorum feoda illa tanquam in manus suas capere, quicumque sunt Domini sive Rex, sive quis alius. Et quotiescumque dubitaverit aliquis Dominus de herede tenentis sui utrum sit rectus bares, vel non terram illam tenere poterit, donec legitimè constiterit.Glanville , 1. 7. c. 17.

Il paroit par cet Article, par le suivant et par le 143. qu’en cette Province les Seigneurs feodaux ont beaucoup plus de droits qu’ailleurs, puisque les confiscations, les deshérances et les biens des bâtards qui sont mouvans de leurs fiefs leur appartiennent, quoy que par toute la France ls appartiennent au Roy ou au Haut : Justicier. Nous avons eu plus de panchant à reünir la seigneurie utile à la directe, le retour et la reünion en étant plus facile et plus naturel que celuy de la Justice privée à la publique.

Nous appelons droit de deshérance ce que les Grecs appellent MOTGREC, les Latins raduca. Il y a ouverture à ce droit lors que la ligne est éteinte, et qu’il ne se presente point er d’heritiers habiles à succeder dans le seprième degré inclusivement Ce droit est plus utile aux Seigneurs en cette Province que non pas ailleurs ; car nôtre Coûtume a restreint le droit de succession au septième degré suivant la loy, non facile de grad. cogn.

Mais en France la succession a lieu in infinitum tant que la ligne se peut montrer. Nous n’avons point reçû cette difference que le droit Romain faisoit inter agnatos et cognatos : les derniers ne succedoient qu’au septième degré, les autres étoient habiles jusqu’au diaeième, étant dignes d’une plus grande grace, cûm nomen et decus familiae retineant et servent. Le Bret de la Souveraineté du Roy, l. 3. c. 14.

Nous ne comprenons aussi sous ce mot de ligne éteinte, que les parens d’un même côté, et non la ligne paternelle et maternelle, comme on fait en France, où tant qu’il y a des parens d’un côté ou d’autre, ils excluent le Fisc et les Seigneurs ; car les paternels ne succedent point aux maternels, les Seigneurs y succedent plûtost.

C’est encore un usage certain que le titre, unde vir & uxor, n’est point observé parmy nous, quoy qu’on ait taché d’introduire la jurisprudence du Parlement de Paris, où l’on observe le ître unde vir, et dont Mouthelon rapporte un Arrest, Arrest 92. et il ajoûte qu’en France on garde la loy vacantia C. de bon. vac. par laquelle quand les parens d’un côté defaillent, les parens de l’autre côté succedent ad exclusionem fisci.

Aprés la mort du Capitaine de Siane qui étoit bâtard, sa succession fut prétenduë par Mr le Duc d’Orléans, joüissant de la Vicomté d’Arques, pour Mademoiselle d’Orléans sa fille, et par le sieur du Roux, se disant parent du défunt, et par la veuve dudit sieur de Siane ; l’affaire yant été évoquée au Parlement de Paris, par Arrest du 14 de Janvier 1635. toute la successiont pien que située en Normandie, fut ajugée à la veuve, suivant le titre unde vir & uxor. Depuis Guilain, Ecuyer, sieur du Bois. Guillaume, qui avoit épousé cette veuve, ayant été troublé pour quelques effets de cette succession, la cause fut portée en la Chambre de l’Edit de ce Parlement, oû Mr le Procureur Genéral ayant obtenu des lettres de Requête civil contre l’Arrest du Parlement de Paris, aprés que la cause eût été solennellement plaidée, on mit sur les lettres de Requête civil les parties hors de Cour.

Cet Arrest n’étoit pas assurément conforme à l’esprit de nôtre Coûtume, par l’Article 383. le droit de viduité appartient au mary, au préjudice des Seigneurs feodaux, à qui les biens de la femme pourroient appartenir, soit à droit de confiscation, de ligne éteinte, et cet. On argumente de cet Article, que le mary au defaut de parens n’est pas heritier de sa femme, que ce sont les Seigneurs feodaux, et le mary n’y peut prétendre qu’un droit de viduité : et cette question pour des biens en Normandie ayant été évoquée au Parlement de Paris, Mr le Rapporteur voulut être pleinement informé de la maxime de Normandie, où aprés avoir examiné l’Article 245. et l’Article 383. il fut jugé que le titre, unde vir & uxor, n’avoit Loüet point lieu en Normandie. Entre le sieur de Croismare Lasson, et autres, Loüer, l. F. n. 22.

Brodeau et du Moulin n’ont pas ignoré que le titre, unde vir & uxor, ne se pratiquoit point en cette Province, non plus qu’en Anjou, Article 268. au Mayne, Article 286. en Bretagne, Article 595. En ces Provinces jus pratorium succedendi unde vir & uxor inusitatum est.Chopin , l. 3. c. 3. t. 2. n. 2. etPontanus , sur la Coûtume de Blois, Tit. 3. Article 20. licet jure communi vir & uxor, non extincto legitimo herede, excluso fisco convocarentur, tamen hodie mos apud Gallos invaluit à viro & uxore fiscum non excludi, sed his praferri.

Nous avons aussi vû juger diversoment cette question, si celuy qui n’avoit point d’enfans ou d’heritiers, ou un bâtard pouvoit donner tous ses biens au préjudice du droit des Seigneurs.

Par Arrest en l’an 1653. on confirma une donation faite par un bâtard. Marinel qui étoit issû d’uin bâtard disposa par une donation entre vifs tous ses biens au nommé le Prevost : le sieur de Fontaine-duerecut, dont ces héritages étoient tenus à cause de son fief de Brecour, contesta cette donation, entant qu’elle excedoit le tiers que la Coûtume permet de donner, et demanda le surplus à titre de deshérance. Mr le Guerchois, maintenant Avocat General, qui plaidoit pour luy, s’aidoit de l’Article 431. qui prohibe les donations au de-là du tiers. Bigot, pour le Prevost, répondoit que cette prohibition de donner plus que le tiers n’étoit introduite qu’en faveur des heritiers, de sorte que quand la raison de la loy venoit à cesser, on devoit laisser à un chacun le pouvoir de dispofer de son bien à sa volonté, uti quisque legassit, ita jus esto, qu’on pouvoit inferer des Articles 435. et 437. que c’étoit l’intention de la Coûtume, car quand elle permet de revoquer les donations excessives, elle né donne cette liberté qu’aux heritiers. En effet la défense d’aliener n’a pour but et pour cause que la conservation des biens dans les familles ; que s’il n’y en a point, la difpositien de la loy n’est point viblée par une donation generale ; un Seigneur feodal n’est pas plus favorable à contester une telle disposition, qu’il le seroit à s’opposer à la grace que l’on feroit à celuy qui auroit mérité la mort, que c’étoit la jurisprudence du Parlement de Paris : MrLoüet , l. F. n. 22. l. 3. n. 37. Par Arrest en l’Audience de la GrandChambre du 9 d’Aoust 1653. la donation fut confirmée. Comme cet Arrest ne passa que de peu de voix, la même difficulté s’étant presentée le 8 de Février 1657. devant les mêmes Juges, qui avoient donné le promier Arrest, eux qui étoient la loy vivante et seuls capables de s’interpreter, reglerent tous d’une voix la question conformément à cet Article : Lors du premier Arrest on ne fit pas assez de reflexion sur là consequence de cette question, on en chercha la décision dans des dispositions étrangeres, sans considerer serieusement la teneur de cet Article, dont la décision est fort opposée au droit civil, et c’est pourquoy la question ayant été mieux approfondie, on reconnut le préjudice que les Seigneurs de fief en pouvoient souffrir ce qui porta la Cour à revoquer son premier jugement, et aprés avoir décidé la chose entre particuliers, elle en fit une loy generale par l’Article 94. du Reglement de l’année 1666. qui porte que celuy qui n’a point d’heritiers ne peut donner par testament ni entre vifs au de-là de ce que pourroit donner celuy qui auroit des heritiers.

Ce dernier Arrest du 8 d’Aoust 1657. a été rendu entre Me Nicolas Martin, Bourgeois de Roüen, demandeur en ajournement contre Mre François Martel, Chevalier, Seigneur de Fontaine, et Mre Philippes de Foüilleuse, Marquis de Flavacour, défendeur. Il s’agissoit de sçavoir si une personnne qui n’a point d’heritiers, peut disposer de tous ses biens au préjudice des Seigneurs, sans que le Seigneur s’en puisse plaindre ni revoquer en aucune manière la disposition qui a été faire pour le priver des droits de reversion, qui luy appartiennent à cause de son fief.

Greard, pour. Martin, soûtenoit que la Cour avoit déja jugé la question pour la donation entre vifs, et comme la même raison se rencontroit en sa cause, qu’il esperoit de sa Justice une pareille décision en sa faveur, que défunt Nicolas Martin, fils legitime de Claude Martin, qui étoit un batard de la maison du demandeur voyant qu’il n’avoit aucun heritier, avoit crû qu’il étoi obligé de remettre les biens qu’il possedoit dans la maison d’où ils étoient venus, ayant été donnez à son pere par l’ayeul du demandeur, que pour cet effet par son testament holographe, aprés avoir fait quelques dispositions particulieres, il laissa tout le reste de ses biens au demandeur, à la charge de payer ses dettes : que naturellement nous naissons libres pour disposer comme il nous plaist de ce qui nous appartient, qaee telle étoit la jurisprudence Romaine.

UInusquisque rei suae aquus est moderator & arbiter. Les loix des douze Tables portoient, uti quisque suae rei legassit, ita jus esto. Que depuis comme on avoit vû que cette liberté apportoit de grands. desordres dans les familles, et que des captateurs d’heredité y entroient au préjudice du sang et des heritiers legitimes, on avoit par des loix nouvelles restreint cette liberté generale, quand eII alloit à frustrer les enfans ou les autres heritiers, à quoy la loy Falcidie avoit pourvû, à l’imi tation de laquelle nos Coûtumes avoient limité les donations universelles, en faveur des heritiers, comme la pluspart le portent en termes exprés. Que par l’Article 435. de la Coûtume, les heritiers peuvent revoquer les donations faites contre la Coûtume, dans les dix ans plu jour du decez du donateur, autrement ils n’y sont plus recevables ; qu’il n’y avoit donc que es heritiers legirimes qui pouvoient revoquer les dispositions faites par le défunt, dans les dix ins, et non pas les Seigneurs ; que ce que la Cour avoit jugé de la donation entre vifs, se devoit aussi dire de la donation à cause de mort, laquelle ne peut être contestée que par de véritables herit iers, puisque ce n’est qu’en leur faveur que la loy a défendu de donner plus que le tiers des acquests par testament, que plusieurs Arrests rapportez par Mr Loüet et Brodeau avoient agé la question contre les Seigneurs, même pour une donation testamentaire, sur ce fondement que les Seigneurs n’ont aucun droit aux biens d’une succession, que lors qu’il n’y a per onne qui se presente. Ils sont heritiers des biens vacans, mais celuy qui y peut prétendre que’que chose, quelque mauvais que soit son droit, doit être préféré aux Seigneurs dont la cause est toûjours la moins favorable, causa fisci semper deterior.

Hufard pour le sieur de Fontaine-Martel disoit au contraire, qu’encore que les Seigneurs de fief ne portent point la qualité d’heritiers, ils en ont pourtant par le moyen du droit de deshérance les mêmes droits et prerogatives, en sorte que le statut general du païs coûtumier, que la possession du mourant est transmise et continuée à l’heritier sans ministere de fait, s’entend et a lieu en sa personne du Seigneur du fief, lequel par le décez de son vassal mort sanshoirs est saisi et Tiraquel devient possesseur des choses qui sont dans letenduë de son fief. Voyez Tiraqueau, tract. Chassanée Masuer mort saisit le vif ; et Chassanée, sur la Coûtume de Bourgogne ; et Masuer, Tit. des Successions, d’où il s’enfuit que les Seigneurs ont un droit et une qualité suffisante pour contester le testament, oit en sa matière, soit en sa forme, et que l’une ou l’autre nullité suffit pour le faire casser, qu’encor que la même raison eût lieu au regard des dispositions entre vifs, cette cause étoit neanmoins differente de celle qui avoit été jugée et que les Juges se pouvoient sourenir des considerations, sur lesquelles on s’étoit fondé, que la donation entre vifs dont il agissoit alors êtoit une disposition reductible, laquelle neanmoins subsistoit d’ailleurs ; mais qu’il étoit question d’une donation entièrement nulle qui ne peut subsister en aucune partie, et qui est entierement inutile et illegitime, les dispositions de propre par testament sont absolument défenduës par nôtre Coûtume, qui est conçûë en des termes negatifs et prohibitifs. Il y tout lieu de présumer de la fraude à l’égard de ces donations, parce qu’il ne se trouveroit personne ui ne rendit inutile le droit de bâtardise et de deshérance par une disposition entre vifs, ou par testament : or comme le testament dont il s’agissoit n’avoit pû avoir effet qu’aprés le décez du testateur, il est vray de dire que le Seigneur a déja son droit acquis, duquel il ne pouvoit plus être frustré par une fraude affectée à son préjudices Qu’en droit laffranchi ne pouvoit disposer de son bien par testament au préjudice de son Seigneur, lequel pouvoit revoquer la donation querelâ inofficiosi. Et en cas d’alienation la loy donne au Seigneur l’action qui est appelée actii Calvisiana, Vide l. si in fraudem Patroni à libertis alienatio facta sit. Le vassal doit les mêmes honneurs au Seigneur que l’affranchi à son Patron

Maurry pour le sieur de Flavacour concluoit à ce que le testament fût cassé, comme fait contre la Coûtume, qui annulle la donation d’immeubles, et suivant laquelle un bâtard ne peut par testament donner plus qu’un legitime. Mr le Guerchois Avocat General qui avoit plaidé en l’an 1653. comme Avocat, pour demander que la donation fût cassée, laquelle neanmoins avoit été confirmée, aprés avoir representé les raisons de part et d’autre ne voulut pas conclure, afin qu’on ne luy imputât pas de vouloir se vanger d’une victoire perduë, et dit qu’il attendroit seulement avec l’Audience le jugement qu’il plairoit à la Cour de donner, afin qu’on sçût à l’a-venir, si c’étoit son intention dé juger qu’un bâtard, ou une personne qui n’avoit point d’heritiers, peut donner universellement tous ses biens entre vifs, ou par testament, en fraude et au préjudice de son seigneur, et afin qu’aprés ce second Arrest il ne restât plus aucun sujet. de douter sur cette matière ; la Cour déclara la donation nulle, et en consequence ajugea les héritages en question aux parties de Hurard, et de Maurry, parce que les legs pieux seroient payez sur les meubles, et en cas qu’ils ne fussent suffisants, sur la première année du revenu des immeubles. Et il fut dit alors par tous Messieurs qu’on eût jugé la même chose pour une donation entre vifs. En effet on peut dire qu’à l’égard du Seigneur les mêmes raisons de fraude se rencontrent en l’une et en l’autre espèce de donation, et quoy qu’il semble qu’on donne plus aisément par un testament, qui n’a son effet qu’aprés le decez du donateur, que par une donation entre vifs, par laquelle on se dépoüille de son vivant, il est certain que lors qu’on donne entre vifs, le Seigneur ne laisse pas d’être également frustré de ses droits, et le donateur peut avoir des contrelettres en son pouvoir, dont il sera difficile ou presque impossible au Seigneur d’avoir les preuves ; que s’il étoit permis de faire une donation qui fût nulle en la matière, sans que le Seigneur s’en pût plaindre, il y auroit plus de raison de dire qu’il ne pourroit non plus s’en plaindre ni la faire revoquer, quand elle seroit nulle en la forme, si la Coûtume n’a parlé que des heritiers lors qu’elle a donné la faculté de revoquer les donations excessives, elle a exprimé le cas ordinaire, et n’a pas exclus les autres, ayant usé de les mots, les heritiers peuvent àdemonstrative et par forme d’exemple, per verba enuntiativa, que dispositionem non inducunt ) et la donation testamentaire, quoy que la Coûtume ne porte pas u’elle doive être revoquée, ne laisse pas de subsister, si elle n’est point revoquée, aussi bien que les donations entre vifs ; au surplus il faut faire différence entre les matieres fiscales et les seodales. Pour les causes ausquelles il n’y a que le Fisc interessé, on demeure d’accord de la maxime, deterior causa fisci ; fiscus post omnes, nec succedit nisi novissimo loco : Mais à l’égard des causes feodales il n’en est pas de même, elles interessent toutes également les Seigneurs de fief, dont les droits ont toûjours été aussi favorables dans nôtre Coûtume, que les droits successifs ; en effet on voit que pour la moindre fraude, elle donné une action durant trente ans pour la découvrir. Or en ces sortes de donations il n’est pas moins juste de donner une action au Seigneur, pour se plaindre d’une action tout à fait incivile et contraire. à nôtre Coûtume, lors que son vassal fait passer son bien en d’autres mains, pour luy faire perdre un droit de deshérance qui luy appartient avec autant de justice que les autres droits de fief Lors que le donateur qui n’a point d’heritiers dispose de tous ses biens entre vifs, il est ertain que dés ce temps il y avoit ouverture au droit de deshérance, quoy qu’il ne soit encore échâ, celuy qui dispose étant sans hoirs, puisque la ligne est éteinte, nullis de numero propinquorum existentibus. Les Arrests rapportez par Loüet et parBrodeau , 1. D. n. 37. ont été rendus pour des Coûtumes bien différentes de la nôtre, qui donne au Seigneur, à droit de deshérance, les héritages de son vassal qui décede sans hoirs, lors qu’il ne s’en presente aucuns dans le septième degré habiles à succeder, comme porte cet Article, et afin qu’on ne pût inferer de ces paroles que l’intention de la Coûtume avoit été d’ôter au vassal qui n’a point d’heritiers la liberté de disposer de son bien en quelque façon que ce fût, à ause qu’elle semble l’ajuger tout entier au Seigneur, il est dit en suite dans le titre des Successions en propre, pourra neanmoins le bâtard disposer de son héritage comme personne libre ; et dans le titre des Testaments, qu’il pourra disposer de ses meubles comme le legitime, ce que nôtre Coûtume semble avoir marqué expressément pour lever la difficulté que les Articles precedens eussent pû former comme si elle disoit qu’encore qu’il semble que tous les héritages du vassal qui n’a point d’heritiers soient ajugez au Seigneur, neanmoins il en pourra disposer comme personne libre ; d’où il s’enfuit qu’il n’en peut disposer autrement que les personnes libres qui ont des heritiers. AussiBrodeau , au lieu susdit, demeure d’accord qu’il y a quelques Coûtumes qui disposent au contraire dont quelques-unes dénient entierement la faculté de tester, au nombre desquelles il met la Coûtume de Normandie, Article 2yc. et I6. D’ailleurs les fiefs étans Patrimoniaux, les droits d’iceux font partie du bien de ceux qui es possedent. Or on doit presumer que lors que les Seigneurs ont baillé les terres et les fiefs à leurs vassaux, ce n’a été qu’à condition qu’ils n’en pourroient disposer qu’aux termes et aux cas qui sont permis par la Coûtume. Il n’y a pas aussi plus de raison de favoriser un donataire qu’un Seigneur. Le donataire cherche à gagner et à profiter du bien d’autruy : le Seigneur au contraire ne de-mande que le sien, en vertu d’un droit de reversion qui n’a rien de forcé, et qui remet la chose en sa oremière nature, Res de facili ad suam naturam revertitur. Que si le Seigneur n’est pas heritier, il n’en est pas pour cela moins favorable, non plus que le Patron, qui pouvoit revoquer les alienations faites à son préjudice par son affranchi, quia runc dicebatur debitum accipère. Ainsi on peut dire que chéritage du vassal en cette occasion appartient au Seigneur comme à un creancier legitime.

Autre Arrest du 8 de Février 1658. par lequel il fut jugé que les décendins d’un bâtarct n’avoient pû disposer de ses héritages en faveur des décendans de son pere naturel, au préjudice du Seigneur.

Dolieu étant mort, ses héritages furent demandez par le sieur de S. Denis à droit de deshesance : Martin qui avoi épousé la mère du défunt les vouloit retenir, à faute par le Signeur de de rembourser des dettes qu’il avoit acquitées ; comme elles excedoient la valeur du fonds, le Se : geneur n’insista plus à sa demande. Martin vendit ces héritages à Duval, qui paya le treigième au Seigneur. Le sieur Pequeut, Tresorier de France à Alencon, ayant eu par échange le fief de S. Denis, troubla Duval en sa possession, demandant ce qu’il avoit acquis, comme uy apparténant à droit de deshérance. Duval soûtint que son contrat d’échange ne luy donnoit aucun droit pour cette deshérance, n’avant eu par échange que le fief simplement, que a reversion ou consolidation ne se faisoit ipfo jure, et le seigneur êtoit tenu de faire juger que les choses étoient tombées en deshérance, ou en tout cas qu’il falloit en former la demande. Il est vray que d’abord son auteur en avoit intenté l’action, mais que depuis il l’avoit abandonnée, par-la disposition du droit in bonis vacantibus fiscus silentio quadriennii excluditur. Que le Seigneur avoir connu son droit, et l’avoit abandonné pendant six années, mais aprés tout il y avoit expressément renoncé, lors qu’il avoit reçû le treizième par les mains de Duval acquereur. Theroude plaidant pour le sieur Pequeut, et moy pour Duval, la cause fut appointée, mais le sieur Pequeut ayant sçû le sentiment des Juges il s’accommoda Pour pouvoir succeder, il faut, suivant cet Article, être parent au septième degré, ainsi celuy qui veut succeder est tenu de prouver le dégré dans lequel il est parent ; neanmoins on donpa un Arrest sir un tel fait. Il s’agissoit de la succession de Marie Cardoüet, fille de Pierre Cardoüet, et de Jeanne le Bas. Cette succession consistoit en prevre paternel, à cause de a succession de Pièrre Cardoüet son ipere, et en propre maternel, entant que ledit Pierré, et ladite le Bas sa femie, avoient fait des acquisitions dont la moitié avoit appartenu à cette femme, et qui étoient échûës à leur fille commune, ce qui faisoit en sa personne un propre paternel et maternel, pour retourner, en cas qu’elle n’eûr point d’enfans, aux parens paterels et maternels, chacun à proportion. Cette succession fut disputée par Pierre Maufils, se disant le plus proche collateral, par le Procureur du Roy pour le regard du propre maternel à droit de d liérance, et pour le regard des conquests que l’on prétendoit être propre maternel par Maufils, qui soûtenoit que les héritages que l’on disoit être conquests avoient été acquis endant le mariage, et partant qu’ils étoient biens paternels, par Marie Clerout se disant être décenduë de la suur de ladite Jeanne le Bis, à qui apparrenoit la moitié des conquests comme biens ma-ernels de Marie Cardoüer, de la succession de laquelle il s’agissoit ; et par Cresan, se disant décendu du frère de Jeanne le Bas. En ces deux successions il y avoit trois points à juger, le premier pour la succession paternelle contre Maufils et le Procureur du Roy. Maufils justifioit sa parenté par un contrat de mariage entre son ayeul et une femme du nom et de la amille de Cardoüet, et au contrat de mariage de ladite Cardoüet il est appelé et nommé comme parent, et par ce contrat elle donnoit de son bien pour don mobil à son futur mary.

En cette qualité il avoit été appelé pour consentir la vente des héritages de cette femme ; que cela uffisoit pour la preuve de sa parenté. Le Procureur du Roy disoit que ces preuves n’étoient pas assez suffisantes ; qu’il montroit bien être décendu d’une femme du nom de Cardoüet, mais non en quel degré, et il est vray que dans ces coutrats il est appelé comme parent du mary ou de la femme, qu’il pouvoit même encore en être décendu par bâtardise. Le second êtoi entre ledit Maufils et les heritiers maternels, qui prétendoient la moitié des conquests de ladite le Bas échûs à ladite Cardoüer. Il demeuroit d’accord que s’il se trouvoit quelques biens maternels, ils appartenoient aux heritiers maternels, mais il ne convenoit pas que les biens eussent Eté acquis constant le mariage.

Le troisième point êtoit entre les heritiers maternels. Clerout qui demandoit la moitié desdits conquests, et Cresan qui prétendoit tout, comme décendu du frère de ladite le Bas, ces conquests étant devenus propres pour avoir été possedez à droit successif par Marie.

Cardoüet : par Sentence les biens paternels furent ajugez au Procureur du Roy ; les maternels ajugez aux heritiers maternels, chacun par moitié. Pour le premier point ce droit de desdérance par le droit civil appartenoit au Prince : en France aux Hauts-Justiciers : en Normandie. à tous Seigneurs, et pour ceux de Franc-Aleu et de Bourgeoisie, ils sont au Roy. Dans les lieux où les degrez d’agnation s’étendent à l’infini, la preuve de Maufils eût été bonne ; mais en Normandie, où par cet Article le droit de succession est limité au septième degré, il faudroit le prou ver précisément. L’opiniondu Moulin , sur l’Article 32. la Coûtume de Tours, rapportée Loüet par M Loüer, 1. F. n. 21. qu’il suffit d’être en possession de la parenté, fuisse in possessione Masuer parentelae, pouvoit bien avoir lieu par le droit commun, mais non en Normandie, où il faut articuler sa genealogie dans le septième degré. V. Masuer, Tit. des Preuves, n. 45. et par-tant ce n’étoit pas assez à Maufils de prouver la parenté, il falloit articuler le degré. Pour le second point que les paternels et maternels ne se peuvent confondre qu’en cas de conquest : que la femme y ayant part, elle les fait tellement maternels, qu’ils ne se peuvent confondre vec les paternels, et qu’au cas present il falloit les tenir biens maternels.

Pour le troisième point que par l’Article 247. les biens sont faits propres à celuy qui pouvoit les posseder à droit successif, et partant que les conquests de ladite Jeanne le Bas avoient té faits propres, maternels, en la personne de sa fille. Il n’y avoit point de difficulté pour les deux derniers points. Pour le premier il passa à dire que Maufils étant en possession de la parenté, et ayant été appelé heritier presomptif dans les affaires onereuses de la parenté, comme de nourriture et de tutelle, cela suffisoit. Par Arrest du 12 de Janvier 1617. au Rapport de Mr de crondebosc, la Sentence fut cassée, la succession paternelle ajugée audit Maufils, et la materelle audit Cresan, comme décendant du srere.

Les biens ne, retournent aux Seigneurs à droit de deshérance qu’aux charges de droit, et de payer toutes les dettes de quelque nature qu’elles soient. Ce n’est pas une question douteuse pour les biens alodiaux et ceux qui sont en bourgage ; ils n’appartiennent point aux Seigneurs feodaux, car cet Article ne leur donne que les biens de leurs vassaux, ils appartiennent au Roy : ce qui est gardé dans le Royaume de Naples : les Barons et Seigneurs feodaux succedent à leurs vassaux qui meurent sans enfans ; sed in bonis burgensatibus succedit fiscus,Matth. de Afflict . l. 3. n. 10.


CXLVII.

Droit de bâtardise.

Pareillement les heritages ayans appartenu aux bâtards, reviennent aux Seigneurs en pure proprieté aprés leur decez, aux charges de droit, comme dit est, si lesdits bâtards n’ont êté legitimez par octroy du Prince enteriné appelez ceux qui y doivent être appelez, ou qu’ils n’ayent enfans procréez en loyal mariage.

Cet Article est aussi contraire à l’usage universel de la France, qui donne au Roy et au Haut-Justicier la succession des bâtards ; mais il est conforme aux loix d’Ecosse, où lors que le batard l’a point d’enfans ses biens appartiennent aux Seigneurs. Nullus nisi Dominus et succedere deber, Renaus, ad leg. Reg. l. 2. c. 52.

Il faut remarquer que cet Article ne donne aux Seigneurs que les héritages, et par cett et raison ils ne doivent pas avoir les rentes constituées, comme il a été jugé par Arrest du 27 d’Avril 1624. par lequel il fut dit qu’une rente de quatre cens livres, qui se trouvoit dans les biens d’une bâtarde morte sans enfans, appartenoit au Roy et fut ajugée au Receveur du Domaine au préjudice des Seigneurs, dans la mouvance desquels cette fille étoit domiciliée.

Cet Article ne parlant que des héritages, il ne peut pas être étendu aux rentes. Cette bâtarde n’étoit point vassalle du Seigneur, car c’est le fonds qui rend la personne vassalle, les meubles appartiennent aussi au Roy ; sur quoy cette question notable s’offrit en la Grand : Chambre l11. de Février 1609. entre le Seigneur de Luxembourg, Engagiste du Domaine d’Argentan appelant d’une Sentence, par laquelle les meubles du Prieur de S. Estienne, qui étoit bâtard, avoient été ajugez à la seur dudit Prieur, comme en ayant obtenu le don du Roy, et ladite seur intimée. La question fut de sçavoir si les meubles du batard appartiennent au Roy à cause le la Couronne, ou bien si, comme les immeubles appartiennent aux Seigneurs à cause de leurs fiefs, les meubles des bâtards appartenoient au Roy à cause de son Domaine. On disoit pour Engagiste que les meubles suivent les immeubles, tanquam ignobile nobilius, et le domicile de la personne qui êtoit dans la Vicomté d’Argentan, et par consequent ils appartenoient à l’Engagiste du Domaine. La seur disoit que les meubles suivent la personne : les personnes des Sujets de Roy luy appartiennent à cause de la Couronne, et par consequent leurs meubles luy appartiennent à ce même titre à cause de sa Couronne, et non point comme Seigneur particulier l’un lieu, et tant s’en faut que les meubles suivent les immeubles, que les meubles de ceux qui se sont faits mourir appartiennent au Roy, quoy que leurs immeubles retournent aux Seigneurs dont ils sont tenus : Mr l’Avocat General du Viquet conclud pour lintimée, et rapporta plusieurs Arrests donnez en cas pareil ; par l’Arrest la Sentence fut confirmée pur cet Article Bérault traite cette question, si un seigneur Ecclesiastique pourroit remettre s l’héritage qui luy seroit échû à droit de deshérance ou à droit de bâtardise. Elle fut décidée par Arrest du 1s de Decembre 16t6. que j’ay remarqué sur l’Article 143. par lequel il fut dit que l’Abbé de Fécamp avoit pû remettre à l’enfant d’un confisqué, l’héritage qui luy êtoit échû ; il seroit inhumain d’interdire aux Ecclesiastiques les actions de charité et de pitié, il n’y a que les actes de dissipation et de mauvais ménage qui leur soient défendus.


CXLVIII.

Droits d’Aubeine.

Les héritages et biens, tant meubles qu’immeubles des aubeins et étrangers, appartiennent au Roy aprés leur mort aux charges de droit, comme dit est, ncores qu’ils soient tenus d’autres Seigneurs, s’ils n’ont été naturalisez, et qu’ils ayent des heritiers legitimes regnicoles.

Caseneuve Touchant l’origine de ce mot Aubeine, Cujas in l. 4. C. de jure fisci : Casencuet, en son Traité, l. l. c. 16. de Franc Aleu le fait venir d’Albanus ou Albinus. Quelques Auteurs ayant remarqué que les Ecossois, ou pour mieux dire les Hybernois, étoient anciennement appelez Albani, et comme cette nation avoit accoûtumé de voyager aux païs étrangers, et même de s’y habituer, suivant le témoignage de : ValafridusStrabo , l. 2. c. 48. Nuper quoque de natione Scotorum quibus ronsuetudo peregrinandi jam penè in naturam conversa est, quidam advenientes et cet. il avint aves e temps que toutes sortes d’Etrangers nez hors du Royaume furent appelez Albani, voyez >Ménage l’Origine de la langue Françoise Françoise, in verbo Aubein. Et le Pere Sirmond expliquant ces paroles du Tit. 6. Article 40. des Capitulaires de Charles le Chauve, in vernaco hospitaliâ Scororum, cite le C. 10. du Tit. 23. où il y a ces mots hospitalia peregrinorum sicut sunt Scotorum, Faybernorum, Scoti, ditSirmond , peregrinationibus dediti, suivant le témoignage de Valafridus.

Strabo cy-devant rapporté, proinde hospitales et peregrinis benevoli. L’opinion la plus commune fait venir ce mot d’Aubein de celuy d’Alibi natus.

On prétend que ce droit d’Aubeine, dont on a fait un droit de Souveraineté, est une de ces Coûtumes contraires à la liberté naturelle, que les nations du Septentrion ont introduites avec es fiefs, et que c’est un de ces droits que Bouteiller en sa Somme Rurale appelle haineux.

En effet il repugne à cette hospitalité à laquelle la nature, la raison, et la religiou obligent les hommes : le droit Romain ne l’a point connu, et c’est pourquoy dans la Province de Languedoc l’usage n’en est point reçû. Pietate plenum est peregrinam gentem beneficiis obligare et non tantùm consanguineos ad substantialin lucra admittere, sed et ipfos quoque advenâs. Cassiod. l. 2.

Varro Ep. 9. Ce jus applicationis, dont parleCicéron , l. 1. de Gratore, et qui est rapporté par Bacquet du droit d’Aubeine, c. 34. n’a point de rapport à hôtre droit d’Aubeiné.

Mais puisque nôtre Coûtume l’approuve et qu’elle ne reconnoit pour legitimes successeurs que les regnicoles, il n’est pas raisonnable que ceux qui n’ont point cette qualité puissent joüit de ces arantages, il fai examiner en quel cas il peut avoir lieu. Cet Article dunne au Roy tous les biens des Etrangers et des Aubeins aprés leur mort, s’ils n’ont été naturalisez et qu’ils avent des heritiers legitimes et regnicoles. Ces dornieres paroles ; s’ils n’ont été naturalisez et B gû’ils ayent des heritiers regnicoles, pouvoient faire quelque difficulté sur cette question generale, si les enfans d’un étranger non naturalisé nez en France pouvoient succeder à leur pereS Il 6 semble que cet Article ne prive le Roy de son droit d’Aubeine qu’en cas que l’étranger soit naturalisé, et qu’il ait des enfans regnicoles ; de sorte que si l’une de ces deux conditions manque le droit du Roy demeure entier : mais il est certain que cet Article ne s’entend point des enfans qui sont nez dans le Royaume qui sont de véritables François, et tout le vice de la naissance de leur pere est purgé en leur personne ; aussi c’est une maxime generale dans tout le Royaume ue les enfans nez en France d’un étranger, bien qu’il n’ait point été naturalisé, succedentà Loyseau leur pere : Loyseau des Seigneuries, c. 12. Loüet etBrodeau , l. a. n. 16. car leur naissance en France leur sert de lettres de naturalité. Il semble que Brodeau désire encore cette condition, que le mariage ait été célèbré en France ; mais cela n’est pas necessaire. On a expliqué cet Article de la maniere que je viens de dire. Perere Portugais s’étoit mané en France, et de ce mariage il avoit eu des enfans régnicoles : aprés sa mort le Substitut de Mr le Procureur General du Roy, au Bailliage de Roüen, donna ordre à un Sergent d’apposer des seellez pour li conservation des iterests du Roy, prétendant que les biens luy appartenoient à droit d’Aubeine.

La veuve en qualité de tutrice de ses enfans faisant continuer lapposition des seellez par un autre Sergent, il fut dit par le Bailly que le Sorgent commis par le Substitut continuëroit à travailler. Sur lappel le Receveur du Domaine s’étant presenté, il fut jugé que les seellez seroient apposez par le Sergent nommé par la veuve. Depuis la cause ayant été plaidée, je soûtenois que le defaut de la naissance du pere ne pouvoit nuire aux enfans, puisqu’ils avoient ces deux ualitez, d’être nez en France d’un mariage lequel y avoit été contracté, et d’être régnicoles : Le Receveur du Domaine ne voulant plus défendre, il fut dit avec Mr le Procureur General qu’il avoit été mal-jugé par le Bailly, et la succession ajugée aux enfans, par Arrest du 21 d’Aoust 1670. en la Grand Chambre. Autre Arrest du 29 de Janvier 1677. entre eanne Capres, veuve de Pierre Vandesptan, tutrice de ses enfans, renvoyée en la Cour, sur rempeschement par elle formé aux seellez apposez aux portes de la maison où ledit Vandespran étoit decedé, à l’instance du Substitut de Mr le Procureur General, en la Vicomté de Roüen, prétendant qu’il y avoit ouverture au droit d’Aubeine, ledit Vandespran étant natif de Harlem, et ladite Capres incidemment appelante d’une Sentence du Vicomte, par laquelle il avoit été orlonné qu’il seroit nommé un tuteur qui ne pourroit faire aucune chose qu’en la presence du Substitut, et ledit Substitut intimé. Je remontray que la prétention du Substitut étoit injuste, que dés l’année 1635. Vandespran avoit épousé une Françoise, dont il avoit eu cinq enfans nez en ce Royaume, et qu’ils y avoient toûjours fait leur demeure, ce qui les rendoit capables de succeder, quoy que leur pere n’eût point obrenu de lettres de naturalité. C’est pourquoy je concluois qu’il fût procedé à nommer un tuteur du nombre des parens des mineurs et non d’un voisin, sans qu’il fût besoin d’appeler le Substitut pour assister aux inventaires.

La Cour, du consentement de Mr l’Avocat General le Guerchois, en cassant la Sentence ordonna qu’il seroit procedé à la nomination d’un tuteur consulaire, les parens maternels des mineurs ppelez, et qu’il seroit fait inventaire sans qu’il fût besoin d’y appeler le Procureur du Roy, à laquelle fin main-levée accordée dés seellez apposez à son instance Tous nos Auteurs conviennent qu’encore qu’un étranger ne puisse disposer de ses biens par testament, il le peut neanmoins par donation entre vifs ; car l’Ordonnance rapportée par Bacquet qui établit le droit d’Aubeine ne prohibe que les testaments. Les contrats qui sont faits entre vifs faisant partie du droit des gens, on ne peut les défendre sans troubler en même temps la correspondance qui doit êtré entre tous les Etats voisins :Ricard , des Donations, part. 1. c. 3. Sect. 4. ce qui fut jugé de la sorte pour Perere Portugais. Une nommée Dortia Portugaise luy avoit donné tous ses meubles par une donation entre vifs, dont elle se dessaisit par le même contrat, et les bailla au donataire. Farie ayant contesté cette donation, par Arrest donné en la Grand : Chambre du 20 de Decembre 1667. elle fut confirmée, plaidant de Cahaignes pou farie, et moy pour Perere. Depuis Farie sous le nom de quelques donataires du droit d’Aubeine forma procez à Perere en la Chambre du Tresor, pour faire casser l’Arrest du Parlement, mais la Chambre du Tresor jugea conformément à l’Arrest

On confirma néanmoins le testament d’un Anglois, qu’il avoit fait en faveur de son frere, sur les considerations que je remarqueray. L’Anglois étant mort à Roüen, son frere venu d’Angleterre voulut recueillir sa succession, on y forma opposition. L’affaire portée en la Cour en la Chambre de l’Edit, le frère s’aidoit principalement des concordats faits entre les Rois de France et d’Angleterre, en lannée 1606. verifiez en la Cour en l an 1607. et ratifiez par Loüis XIII. en l an 1623. et verifiez en la même année, et par l’Article 20. le Roy permettoit aux Marchands Anglois et à leurs Facteurs de disposer entre vifs, ou à cause de mort, de toutes leurs marchandises, argent, monnoye, et generalement de tous leurs meubles qu’ils auroient en France, et qu’aprés leur mort, soit qu’ils eussent testé ou non, leurs heritiers leur pourroient ucceder, suivant les loix d’Angleterre, et que leurs biens à l’avenir ne seroient point confisquez en vertu du droit d’Aubeine : le donataire objectoit que nonobstant ces concordats les Anglois étoient toûjours reputez Aubeins en France, Messieurs des Comptes les obligéant à prendre des lettres de naturalité, et toutes les Jurisdictions de France les condamnent à bailler cautionPar Arrest, au Rapport de Mr Romé, du 19 de Janvier 1638. les meubles, cedules, argent, et effets furent ajugez au frere, et les immeubles au Roy, et que pour cet effet il seroit fait inventaire, mais ne s’étant trouvé aucuns immeubles, on donna main, levée à l’heritier de tous les meubles.

Les enfans d’un pere ou d’une mere François, nez hors du Royaume, ne sont pas reputez étrangers, s’ils viennent aprés demeurer en France : outre les Arrests que j’en ay remarquez ailleurs, il en fut donné un sur ce fait. Une fille nommée Fourbin épousa en France un Anglois nommé le Maçon ; ils se retirerent en Angleterre où il luy naquit deux filles, un oncle de cette femme étant mort sans enfans, Vauchelles comme son parent se faisit de sa succession : quelques mois aprés la femme de Maçon et ses enfans retournerent cn France, et demanderent cette succession, ce qui leur fut contesté par Vauchelles, lequel y fut maintenu par Sentence. Sur l’appel par les filles Langlois, leur Avocat disoit que leur naissance en Angleterre ne les rendoit oint incapables de succeder à leurs parens, étant nez d’une mere Françoise, et d’un mariage. celebré en France, que leur mere avoit toûjours eu l’esprit de retour. De Cahaignes répondoit que pour pouvoir succeder cn France trois conditions étoient necessaires ; que l’on fût né en France, que le pere et la mere fussent François, et qu’on fût regnicole : que les lettres de natu ralité que ses filles avoient obtenuës ne pouvoient avoir un effet retroactif, ni effacer la tache de leur naissance ; par Arrest en la Chambre de l’Edit du 19 de Juin 1652. la succession fut ajugée ausdites le Maçon, à condition qu’elles demeureroient en France, et qu’elles ne pourroient aliener cette succession pendant deux ans, et quand elles retourneroient en Angleterre la succession appartiendroit audit Vauchelles. Voyez MrLoüet , l. a. n. 16. et ibid.Brodeau , et L. S. n. 15. Bacquet du droit d’Aubeine, c. 39.Boërius , Decisione 13.Cambolas , l. 3. c. 27. et l. 5. c. 49.

Loyseau Bacquet du droit d’Aubeine, c. 3. Loyseau des Seigneuries, c. 12. n. 109. et nos autres Auteurs ont traité cette question, si l’étranger venant à moutir sans enfans ou heritiers regni-coles, ou bien si l’étranger naturalisé mourant sans heritiers regnicoles, le Roy y succede, ou le Haut-Justicier, ou suivant nôtre usage, le Seigneur du fief : Bacquet agite la question de part et d’autre, et rapporte un Arrest par lequel on a jugé que le Roy seul succede à l’é tranger naturalisé, parce que la grace portée par les lettres de naturalité est personnelle et que ce bien-fait du Roy ne peut operer ni valoir contre luy, et que beneficium non reflectitur Loyseau m prajudicium concedentis ; et Loyseau ajoûte que c’est à raison de la condition apposée aux lettres de naturalité, pouraû qu’il ait des heritiers regnitoles, et cette condition manquant, les lettres ne profitent point à ses parens étrangers. Cette question a été décidée par un Arrest sosennel, suivant le sentiment de ces Auteurs. Jean de Vesindros, natif de Cuëdros, se maria sen Normandie dans le Bailliage de Caux en lannée 1597. il obtint lettres de naturalité en 1619. verifiées en la Chambre des Comptes ; il donna Aveu au Seigneur de Maniquerville, des heritages qui luy avoient êté donnez par sa femme. Cette femme êtant morte en l’an 1632. le sieur de Boismilon, héritier de la femme de Vesindros, obtint des lettres de récision pour faire cesser la donation, comme ayant été faite quinze jours seulement avant le mariage ; mais il abandonna cette poursuite pour obtenir un Brevet du Roy, dans l’enoncé duquel, non plus que dans la Sentence du Tresor, il ne donnoit à Vesindros d’autre qualité que celle d’étrangers mais les lettres expediées au Sceau contenoient ces mots, Etranger décedé avant que d’avoir obtenn des lertres de naturalité. Le sieur de Boismilon ayant presenté ses lettres à la Chambre des Comptes, Abraham Tiboutot sieur de Maniquerville, s’y opposa, soûtenant que Vesindros ayant été naturalisé, sa succession ne tomboit point dans le cas d’Aubeine, mais dans celuy de desherance, et qu’à ce droit tous ses biens luy appartenoient, comme relevans de son fief de Mani-querville. Nonobstant l’opposition du sieur de Maniquerville les lettres furent entérinées en a Chambre des Comptes en l’an 1633. le sieur de Maniquervillé presenta Requête à la Chambre pour avoir copie des lettres de don collationnées par le Greffier, ce qui luy fut accordéi et alors il remarqua qu’on avoit effacé dans soriginal le mot, avant que d’avoir, et qu’on avoit mis en la place, ayant obtenu des lettres de naturalité. Le sieur de Boismilon étant mort, le sieur de Maniquerville fit ajourner les, Tabellions qui avoient collationné la copie qui portoit sans rature ayont obtenis lettres &c. Ces Tabellions ayant declaré que cette copie leur avoit été apportée toute écrite par le sieur de Boismilon, le sieur de Maniquerville obtint une Commission du Conseil pour y appeler les heritiers du sieur de Boismilon, les parties ayant été ren-voyées en ce Parlement pour y proceder, tant sur l’incident de faux que sur la Requête au rincipal, presentée par le, sieur de Maniquerville, comme elles : auroient pû faire avant l’Arrest de la Chambre des Comptes, il se donna Arrest par lequel les moyens de faux fuent convertis en contredits. Au principal il disoit que l’Article 146. porte, sans exception lu’aux Seigneurs appartiennent les héritages de leurs vassaux à droit de deshérance. Ainsi Vesindros étant son vassal, suivant l’Aveu qu’il suy en avoit rendu en qualité de François naturalisé, et n’ayant point laissé d’heritiers, l’héritage luy retournoit à droit de desherance, que l’Article 148. n’y êtoit point contraire ; car aprés avoir dit que les biens-meubles et immeubles sont au Roy, l’exception suit immediatement s’ils n’ont été naturalisez, ce qui est ajoûté en suite par une conjonctive, et qu’ils n’ayent des heritiers regnicoles, ne pouvant sé rapporter à ce qui est du droit des Seigneurs ; car on sçait bien que quand il y a des heritiers regnicoles, il eût été super flu aprés ces paroles ( Que les héritages des. Aubeins appartiennent au Roy ) d’ajoûter ces mots, s’ils n’ont ôté naturalisez, si ce qui suit aprés, et qu’ils ayent des, heritiers regnicules, avoit ps été mis pour priver les Seigneurs du droit de deshérance aux héritages d’un étranger bien que naturalisé, en cas qu’il n’eut des heritiers regnicoles, vû que jamais les Seigneurs n’y auroient pû rien prétendre, tous les biens d’un étranger s’il n’est naturalisé appartenans au Roy. Sil y a des heritiers regnicoles, il n’y a point de droit de deshérance.

La Coûtume n’a pas fait sans cause cette distinction des biens de l’étranger naturalisé, et de celuy qui ne l’a point été : Or ayant dit qu’au Roy appartiennent les biens de l’étranger, encore qu’ils soient tenus d’autres Seigneurs, et ayant ajoûté s’ils n’ont été naturalisez, il est manifeste que son intention a été de conserver le droit de deshérance aux Seigneurs, lors que l’étranger a été naturalisé. Cette autre condition qui suit avec une conjonctive, et qu’ils ayent des heritiers regnicoles, ne pouvant avoir sa relation aux droits des Seigneurs, mais seulement au droit du Roy sur les meubles de l’étranger naturalisé, en cas qu’il n’ait pas d’heritiers regnicoles, ce qui a été employé par une conjonctive, parce qu’au commencement de cet Article on avoit fait mention conjointement des meubles et des immeubles de l’étranger ; ainsi le sens de cet Article 148. est que les immeubles de l’étranger appartiennent au Roy s’il n’a été naturalise, et les meubles aussi, encore qu’il l’ait été, s’il n’a des heritiers regnicoles. Que si par la grace du Prince l’étranger devient capable de posseder des biens en France, s’il en peut disposer comme les autres sujets du Roy, s’il peut tomber en Commise et Confiscation au profit des Seigneurs ; par quelle raison pourroit-on priver les Seigneurs du droit de deshérance, plûtost que des autres droits de même nature ; Aussi le Roy n’avoit fait don que d’une pure Aubeine, des héritages d’un étranger non naturalisé, et sans la falsification des lettres on n’auroit eu pesoin que de produire les lettres de naturalité obtenuës par Vesindros.

La Tutrice des enfans du sieur de Boismilon répondoit que par un droit general, le Roy. succede aux étrangers ; la Coûtume n’y apporte que cette exception, s’ils n’ont êté naturalisez Il faut donc pour exclure le Roy que l’exception ait été vérifiée copulativement en l’un et l’autre cas, in copulativis requiritur concursus omnium copulatorum ad verificationem dispositionis l. t. 5. de conditionibus. Par les lettres de naturalité le Roy permet d’acquerir des biens en son Royaume, et donne à ses heritiers le pouvoir de succeder, pourvû qu’ils soient regnicoles, et par la verification des lettres il est porté pour en joüir par l’impetrant, et ses heritiers regnicoles. La Coûtume n’a pas entendu parler des Seigneurs, son intention est que le Roy succede à l’éranger ; s’il n’a été naturalisé, ou qu’apres l’avoir été il n’ait laissé des heritiers regnicoles. Le Roy par cette grace qu’il a faite ne traite point pour d’autre que pour luy, et non pour une tierce personne.Charon , en ses Resp. l. 1. Resp. 45.Chopin , du Dom. l. 1. c. 12. n. 6. LeLoyseau Bret , des droits de Souverain. l. 2. c. 11.Papon , en son 3. not.Loyseau , des Seign. c. 12. n. 10 et suivans. Par Arrest en la Grand. Chambre du 13. de Février 1644. au Rapport de Mr de Mathan, nemine contradicente ; la Cour, sans avoir égard à l’inscription, maintint ladite le Grand Tutriée en ladite qualité, au droit du Roy en la proprieté et possession des héritages dont étoit question, sans dépens

Suivant cet Arrest le Roy exclud les Seigneurs feodaux de la succession de l’étranger na turalisé. On a fait en suite de la difficulté pour les enfans de l’étranger naturalisé, si venans à Loyseau mourir sans enfans, ils appartiendroient au Roy au préjudice des Hauts-Justiciers, ou des Seigneurs feodauxBacquet , c. 4. du titre de Deshérance, etLoyseau , des Seign. c. 12. n. 15. Bacquet et suivans, ont proposé cette question. Bacquer fait succeder les parens d’une ligne à l’autre, parce que la distinction des patrimoines paternels et maternels ne doit être observée que dans Loyseau la concurrence des parens paternels et maternels heritiers du sang. Loyseau donne la preference au Haut-Justicier, et sans doute les Seigneurs feodaux en cette Province auroient les biens au préjudice des parens de l’autre ligne. Il y a plus de peine à refoudre cette difficulté, equel seroit preferable du Roy ou des Seigneurs : Le Roy prétend que le droit d’Aubeine dure jusqu’à l’infini, et que la grace qu’il avoit faite au pere de ces enfans-là ne doit profiter au Haut-Justicier ni aux Seigneurs feodaux. Ces derniers se défendent par ces considerations. que la qualité d’Aubein est un defaut personnel, et qui ne passe point aux enfans, et sur cette Loyseau raison Loyseau conclud en faveur du Haut-Justicier ; j’appuiray son sentiment par cette raison qui me semble infaillible. Les enfans de l’étranger naturalisé ont succedé à leur pere non point en vertu de la grace du Roy, sed proprio jure, comme personnes capables des droits civils : Or possedans ces biens comme de véritables François, ils sont sujets aux mêmes loix que ceux du païs, et les Seigneurs succedans par deshérance, ils doivent aussi succeder aux biens des enfans de l’étranger naturalisé, le Roy ne pouvant étendre jusques-là l’effer du droit d’Aubeine, parce qu’il n’y en a jamais eu aucun.

Par Arrest donné par forme de Reglement le 18 de Decembre 1630. on ordonna que les étrangers ne pouvoient joüir du droit de bourgeoisie, qu’ils n’eussent demeuré à Roüen douzt Sans, qu’ils n’eussent fait enrégistrer et immatriculer leurs noms en l’Hôtel de Ville, et qu’ils n’eussent trois cens livres de revenu dans la Ville ou Bailliage de Roüen


CXLIX.

Meubles de ceux qui se sont occis à qui appartiennent Les meubles de ceux qui se sont occis ou faits mourir d’eux-mêmes, appartiennent au Roy privativement aux Seigneurs, s’ils n’ont titre ou possession va-lable au contraire : neanmoins si par force de maladie, frenesie, ou autre accident ils étoient cause de leur mort, leurs meubles demeurent aux heritiers aussi-bien que les immeubles.

Cet Article devoit être placé aprés le 145. Le 143. parle de ceux dont les biens sont confisquez au profit des Seigneurs : Le 144. de ceux dont la confiscation appartient au Roy, et le 145. sonne au Roy pour la première année les fruits des immeubles, qui sont confisquez au profit des Seigneurs. Aprés ces Articles, le present Article devoit suivre : Il donne au Roy les meubles de ceux qui se sont faits mourir eux-mêmes.

La Coûtume qui punit indistinctement ceux qui se sont défaits eux-mêmes, quand ils ne se sont point portez à cet attentat par la force d’une maladie ou d’une frenesie, ou par quelqu’autre accident, n’auroit pas été approuvée par les Philosophes Stoiques, Si necessitates ulti-mae inciderint, jamdudum exiliet e vita et molestuis sibi esse destinet.Seneca , Ep. 11. Le sentiment Aristote d’Aristote étoit plus conforme au Christianisme : Il estimoit qu’il étoit plus genereux de soûtenir les coups de la mauvaise fortune, que d’abandonner la vie par desespoir et par la crainte du mal : Fortium virorum est magis mortem contemnere quam odisse vitam. Quint. Curtius 1. etTacit . l. 3. Hist. majore animo tolerari adversa quâm relinqui, fortes et strenuos etiam contra fortunam insistere spei, timidos. & ignavos ad desperationem formidine properare La Loy civil n’ordonnoit aucune punition que contre ceux qui se défaisoient eux, mêmes, étant prévenus de crime, siquis non metu criminis imminentis, sed tadio vitae vel impatientiâ doloris violentas manus sibi intulit, ejus testamentum aperiri & recitari mortis casus non impedit, l. 1. 8. iquis non metu. D. de Senat. Syllan. La pauvreté est la cause la plus ordinaire qui porte les hommes à racourcir leurs jours : Martial dans une Epigramme raille agreablement un Stoique, n luy reprochant que sa misere, plûtost que sa generosité, luy faisoit mépriser la mort.

Quod nimium Laudas Charbnon stoice mortem,

Vis animum mirer susbiciâmque tuum.

Hanc tibi virtutem fractâ facit urselis ansâ,

Et tristis nullo qui tepet igne focus

Et teges et cimez et nudi Sponda grabati

Et brevis atque eadem nocte dieque toga.

Cet Article en donnant au Roy les meubles de ceux qui se sont tuez eux-mêmes ne parle point de leurs immeubles, ce qui peut faire douter si ce crime emporte la confiscation des immeubles. On peut dire qu’en donnant au Roy les meubles, la confiscation des immeubles n’est pas excluse ; que si l’on objecte que suivant l’Article 143. la confiscation ne procede que de la condamnation prononcée par la Justice. On répond que cela est vray pour les autres crimes, ou lors que le criminel meurt avant la condamnation, en ce cas il décede integri Statûs, la presomption allant toûjours pour l’innocence : mais il n’en doit pas être de même à l’égard de l’homicide de soy-même, par cette raison que l’accusation n’a pû être commencée avant sa mort, car sa mort est son crime ; et c’est pourquoy bien que les autres crimes soient éteints par le decez, celuy-cy ne l’est point ; on fait le procez au cadavre, on prononce une eine contre luy : puis donc qu’il y a une condamnation infamante et autant rigoureuse qu’elle Je peut être contre un cadavre, on peut conclure que la confiscation y échet : On peut alléguer au contraire, que cet Article n’ayant parlé que des meubles on ne peut l’etendre plus loin, les Loix penales ne recevant point d’extension. C’est assez user de rigueur contre un malheureux qui n’a peché que contre soy-même, que de punir son cadavre, et que d’ôter ses meubles à ses heritiers : et la Coûtume semble s’être assez expliquée, quand elle a dit que si la frenesie ou la violence de leur maladie les a portez à se faire mourir les meubles demeurent aux heritiers aussi-bien que les immeubles ; voulant dire qu’en ce cas les meubles leur appartiennent, comme leurs immeubles leur êtoient laissez, encore qu’ils se fussent tuez volontairement : que si l’on seplique que la Coûtume a voulu dire seulement qu’en ce cas les meubles, comme les immeubles, sont conservez aux heritiers. On répond que puisque la Coûtume n’avoit point ôté les immeubles aux homicides volontaires, il étoit superslu de dire qu’au dernier cas on laissoit aux heritiers les immeubles comme les meubles, c’étoit assez de dire que tous les biens demeuroient aux heritiers ; mais la question est décidée par l’Arrest rapporté par Berault sur cet Article, par lequel les héritages d’une femme qui s’étoit étranglée furent confisquez Il est juste de faire le procez aux meurtriers d’eux-mêmes, bien qu’ordinairement les crimes soient éteints par le decez ; mais si cela se pratiquoit pour les homicides volontaires, leur crime demeureroit impuni, parce que leur mort suit immediatement leur crime. Les loix Stanfort d’Angleterre appellent l’homicide de foy même Felon de se. Stansort, des Pleds de la Cour, l. 1. c. 10. siquis sine causâ manus sibi tulerit irâ et mala voluntate, puniendus est et successorem habebit,Bracthon .


CL.

Garde des troublez d’entendement.

Les parens doivent être soigneux de faire mettre en seure garde ceux qui sont troublez d’entendement, pour éviter qu’ils ne fassent dommage à aucun.

Cet Article ne parle que de ceux qui sont troublez d’entendement ; mais la Loy fait une autre espèce de fureur et de maladie d’esprit, quand l’homme est de si mauvaise conduite qu’il dissipe toute fa substance : Que si on ne renferme pas le corps de ceux : cy, au moins il est necessaire de donner, s’il faut ainsi dire, des gardes à leur esprit, et de borner la liberté de leurs actions : car, comme dit la loy, his qui ff. de tut. Non est novum quosdam et si sua mentis videbuntur in sermonibus compotes esse, tamen sic tractare bona ad se pertinentia, ut nisi subveniatur his deducatur in egestatem.


CLI.

Et où il n’y auroit parens, les voisins seront tenus de dénoncer en Justice, et cependant les garder : et à faute de ce faire, les uns et les autres seront tenus civilement aux dommages et interests qui en pourroient avenit.

CLII.

Taxation des reliefs des Fiefs, Dignitez et Offices.

Le Duché doit pour relief trois cens trente-trois écus un tiers.

Cujac Des Ducs, Comtes ; et Marquis : voyez Cujat. de feud. l. 1. c. 1.Spelmanus , in verbo Dux.

Je parleray du droit de relief sur l’Article 163. qui définit les causes pour lesquelles il est dû-


CLIII.

Les Marquisats doivent pour relief cent soixante-six écus deux tiers.

C’est une question si les Marquis sont plus que les Comtes, elle a été traitée par Alciat au l. n de Duello. Labente avo Marchiones primum à ducibus honoris locum tenuêre, et Comites, praivêre Loyseau in constitutione Frederici I. apud Abbatem Arspergensem Marchiones, Palatini Comites, Lanttravii, et Comites alii et passim in lib. feud.Dadin de Haute-Serre , l. 3. c. 17. Loyseau des Seigneuries, c. 5. n. 32. dit que pour la bien refoudre, il faut faire distinction des Comtes de Provinces et de ceux des Villes, et tenir pour certain que ceux des Provinces sont plus que les Marquis ou Gouverneurs des Villes frontières ; mais aussi les Marquis sont plus que les vetits Comtes ou Gouverneurs de Villes, parce que leur Charge est plus d’importance. Mais aujourd’huy qu’en France il n’y a plus de Comtes de Provinces, et que ces Comtez sont reünies à la Couronne, on ne doute plus que les Marquis ne soient plus que les Comtes, ce qui est aussi décidé par nôtre Coûtume. Ce même Auteur qui met les Marquisats avant les Comtez, et qui en taxe le relief à beaucoup plus haut, comme étant une Dignité plus relevée, estime que ce mot de Marquis est pur François, qu’il ne vient pas du mot Allemand Març, qui signifie Cheval., comme a ditAlciat , mais de l’ancien mot François marche, qui signifie limite ou frontière. VoyezCujat . de feudis, l. l. c. 1. Const. Imp. Art. 33.


CLIV.

Les Comtez quatre-vingts trois écus un tiers.

Il y avoit autrefois en France deux sortes de Comtes. Les premiers étoient Gouverneurs des plus grandes Provinces, comme les Comtes de Champagne, de Flandre, et autres : les autres étoient Gouverneurs des Villes, et on apprend par les Capitulaires de Charlemagne, de chaque Ville avoit son Comte, unicuique ferè civitati Comes presidebat,Beatus Rhen . rerum Germ. Les Comtes étoient pareillement Juges des Villes, mais ils étoient inferieurs aux Gouverneurs des Villes. VoyezSpelmanus , in verbo Comes.


CLV.


CLV.

Les Baronnies doivent de relief trente-trois écus un tiers.

Baron vient du Latin Baro, qui parmy les Latins signifioit un homme fort et vaillant ; il signifie aussi un homme stupide et brutal ; et comme ce mot de Baron se disoit des hommes vaillans, qui dans les jours de combat étoient mis prés de la personne des Rois, on appela en suite Barons, ceux qui dans les batailles se tenoient prés des Rois, et parce qu’on les recompensoit de quelques fiefs ; ce mot a été pris en suite pour tout homme noble, de qui la terre releve du Roy ; et enfm cette qualité a été donnée aux Seigneurs superieurs des Châtelains, et inferieurs des Vicomtes.Ménage , sur le mot Barons le Pere Sirmond sur les Capitulaires de Charles le Chauve, Tit. 15. Diutissimè apud nos esus perseveravit, ut Barones universè dicerentur opti-mates, dont il rapporte des exemples, et sur le Tit. 21. expliquant ces paroles, cum omni Baronatu t. cum summa fide et observantia quae Barones et Regis vassallos in primis decet, huic enim Bernatus 1. Baronatus pro fidelis animi obsequio, quod Bernagium quasi Baronagium inferior atas dixit.

Dans nôtre ancienne Coûtume Normande d’Angleterre, ce mot est pris pour une personne superieure, et les mots de mary et de femme sont exprimez par celuy de Baron et de Baronne


CLVI.

Le plein fief-de-Haubert cinq écus, et les membres d’iceluy jusques au huitième à l’équipolent, s’il n’y a titre, possession, ou convenant, par lequel il soit dû plus grand ou moindre relief.

Nos Auteurs conviennent de l’origine de ce mot de Haubert : feudum Hauberticum propriè est quod ad Haut-Ber. 1. ad Baronem seu Dominum majorem spectat, qui de prisca consuetudine Regi miitanti adesse tenebatur armis integris circumdatos, & inter hac cum pracipua esset lorica ferreis an-Julis consata dici coepit lorica, Haubergeon, quasi armatura militis quem Hautbert vocant.Spelmannus , n verbo feudum. C’est le plus noble fief aprés ceux de Dignité Coyseau ajoûte à cela que les Seigneurs des anciennes Baronnies, pour se distinguer d’avec les Hauts-Justiciers ou des autres moindres, qui se qualifioient Barons, ils s’appelerent Hauts, Bers et Hauts. Barons, car Ber et Baron signifient la même chose, et de-là le fief de Haubert a pris son origine. Et parce que le Seigneur de fief de Haubert êtoit tenu de servir le Roy. avec les Armes pleines, dit la vieille Coûtume, Ch. 85. on a appelé ces Armes Hautbergeon et fiefs de Haubert toutes espèces de fiefs, dont les Seigneurs étoient obligez de servir le Roy avec ces sortes d’Armes. Mr Cujas dit la même chose, ab Armorum genere quo possessor Regi ervire tenetur.Chopin , l. 1. du Dom. c. 13. n. 14.

Nous avons encore quelques espèces de Dignitez dont la Coûtume ne parle point, comme les Vidames : j’en ay déja remarqué l’origine lur le titre de Patronnage. C’étoient les Advoüez et Protecteurs des personnes ESPERLUETTae des biens Ecclesiastiques, est Advocatio, feudi Ecclesiastici genus, et que Ecclesiae protectio et prapositura vocatur. On prétend que cela commença aprés le Loyseau Consulat de Stilicon, voyez le Chap. Clerici in et de jure Patron. Loyseau des Seigneuries, Spelmanum c. 7. n. 26.Cujac . de feud. l. 1. c. 1. Vide Spelmannum, verbo Mduocatus.Ménage , sur le mot Advoié Dignitas Ecclesiastica hec est, cui Canones deferunt primum ab Episcopo locum & rerum Ecclesiasticarum dispensationem. In. Const. Aquisgrani, on les appelle autrement Oeconomes Nous avions aussi en Normandie une espèce de fief qu’on appeloit Honneur, dont il nous reste encore quelques exemples, comme l’Honneur d’Ecajeul, prés de Caen. L’Honneur du Hommet, en Côtentin. L’Honneur de Monpinçon, dans le Bailliage d’Alençon.Hottoman , Tit. 1. de orig. feud. dit que honor in feudum datur. L’Auteur du Franc-Aleu a remarqué que les fiefs ont été appelez Honneuri. Je croy que ce nom êtoit donné particulierement aux fiefs, ausquels le Patronnage. êtoit annexé et dans le Rolle des fiefs de Normandie, que du Chesne Chesne a mis aprés les l’Historiens, nous y trouvons ces termes feoda honore Historiens de Normandie Gravenchero in Caleto le Comitatu Ebroicensi, et en d’autres endroits milites de Honore Montis-fortis, milites de Honore Bellimontis, &c.


CLVII.

Dignitez où Offices tenus en fief sans fonds, ou glebe, doivont hommage et non relief.

Je ne serois pas du sentiment deBerault , qui sous ce mot de Dignité comprend la franchises l’exemption ou droiture privilegiée, comme droit de garenne, droit de chasse, ou de moudre frane en un moulin, et autres telles choses incorporelles ; il n’y a pas d’apparence que nos Reformateurs eussent parlé si improprement, qué d’attribuer le nom de Dignité à des droits de cette qualité : mais d’ailleurs je ne sçay pas quelles sont ces Dignitez qui peuvent être possedées sans fonds ou glebe, et pour lesquelles on doit hommage et non relief

Car en France on n’en use pas comme en Angleterre, où les Dignitez de Ducs et de Comtes ne sont pas attachées aux fiefs. Ce sont des Dignitez personnelles que le Roy donne à qui luy plaist, et tel s’appelle Duc et Comte de Varvic, de Nortumbelland et Dessex, qui non seulement ne possede pas ces Duchez et Comtezelà, mais qui même n’y a rien du tout, Il est vray qu’autrefois en France il y avoit certaines Dignitez qui ne consistoient qu’en des services personnels, et que pour cette raison on appeloit feuda conditionata, parce qu’ils n’éoient donnez qu’à condition de rendre certains services, et qui n’étoient point perpétuels et dereditaires, comme Chopin le remarque du Senéchal d’Anjou, des Fiefs d’Anjou, l. 2. t. 3. n. 5. et j’estime que les Dignitez de Connestable et de grand Chambellan en Normandie étoient de même qualité, et que dans la suite ayant été renduës perpétuelles et hereditaires elles furent ttrachées à certains fiefs, comme celle de Connestable à la Baronnie du Hommet, et celle de Chambellan à la Comté de Tancarville. Et c’est pourquoy il ne fut plus permis de prendre ces titres qu’à ceux de la famille qui possedoient les fiefs, ausquels ces Dignitez étoient annexées ; et l’on apprend par un Arrest de l’Echiquier qu’il fut défendu aux enfans de Guillaume Crépin, de la famille des Comtes de Tancarville, de se qualifier Chambellans de Normandie, parce qu’ils ne possedoient pas cette Comté.

Muis il ne nous reste plus d’exemples de ces Dignitez ou Offices que l’on peut posseder sans sonds ou glebe, que certaines Sergenteries dont il est souvent parlé dans les loix d’Angleterre.

Sien que les pruprieraires ne prennent caution de leur Commis que jusqu’à une certaine somme, ils sont tenus neanmoins jusqu’à la valeur de leurs Sergenteries. Par Arrest du 4 de Mars 1606. il fut jugé entre le sieur Bertaut, Abbé Daunay, et Doleancon, Sergent, que le proprietaire êtoit tenu de bailler déclaration des biens de son Commis, pour être discutez à ses perils, avant que de pouvoir s’adresser à luy, ni sur la Sergenterie : et par cet Arrest du1s de Fevrier 1631. en l’Audience de la Grand. Chambre, les Chanoines de Blainville ont été déclarez responsables des dépens d’un apnel interjeté par un des Commis de leur Sergenterie, bien que ce ne fût qu’un appel en excez d’un executoire de dépens.

Et par l’Article 16. du Reglement de l’an 1666. le proprietaire de la Sergenterie est garand les cautions reçûës par celuy qu’il a commis pour exercer, encore que par le bail, commission, ou acte de reception il soit porté, qu’ils ne pourront recevoir aucune caution, dont il fera neanmoins quitte en abandonnant la Sergenterie.


CLVIII.

Taxation de relief pour rotures.

Les terres rotutieres, et autres tenemens au dessous du huitiéme de fief de Haubert, doivent de relief douze deniers pour acre, s’il n’y a tître, possession suffisante ou convenant par lequel soit dû plus grand ou moindre relief.

On appelle Acre une mésure de terre qui contient huit-vingt perches. Ce mot vient d’Acna, que lon a dit pour Achena : Acna Columella pro certo mensurae agri modo, recentior Latinitus dixit Saumaise Acra, dit Saumaise sur Solin, page 693. C’est la mesure dont les Normans et les Anglois se ervent, dit MrBoyer , Décision 50. n. 5. in capite ad Audientiam, in verbo Acras de Ecclesiis adificandis.

On demande vû que les mesures sont si differentes, laquelle il faut suivre : Du Moulin répond qu’on doit se regler sur la mesure du proprietaire de la Jurisdiction où est le fief assis. et que s’il s’y trouve diverses mésures, il faut avoir recours à la Royale, comme predominante et plus noble : inspici debet mensura Domini Jurisdictioni, cui subest feudum quod si in eo-dem loco concurrant diversae mensurae, attendenda est Regia mensura quasi prapotentior et nobilior.


CLIX.

Le manoir, maison, masure, avec la court et jardin doit de relief trois sols, pourvû qu’il ne contienne plus d’une acre : et s’il contient moins il doit pareillement trois sols, et en ce cas il acquitte la premiere acre, s’il n’y a tître possession suffisante, ou convenant par lequel soit dû plus grand ou moindre relief.

Ce que nous appelons Masure, les anciens Ecrivains l’appeloient Casamentum, inde Casati.

Ragueau Ce mot de Masure peut venir de Mansus, à Manendo, inde Mansura. Cela contenoit ordinaiement une acre de terre, ex quis familiam suam exhibere poterat : Ragneau, in verbo Mansion-nier, dit que Mansus est quod par boum arare poterat, ce qui s’appeloit aussi jugerum curtiferum.

Voyez le Le Févre en ses Preuves, verbo Mansus ; etBrodeau , sur la Coûtume de Paris, Article 13.


CLX.

CLX. dvec les corps des fiefs se relevent les dépendances.

Avec les corps des fiefs-nobles sont relevez par même moyen toutes les dépendances d’iceux : comme sont garennes, moulins, colombiers, et autres ap-partenances de fief.

Bien que la Coûtume en cet Article mette entre les dépendances et les appartenances des fiefs, les garennes, les moulins, et les colombiers, il ne faut pas se persuader qu’ils en soient des L roits inleparables, et que celuy qui a fief ait toûjours necessairement un droit de garenne, iide moulin, et de colombier ; ce sont véritablement des droits feodaux, parce qu’ils n’appartiennenti-qu’à ceux qui ont des fiefs, et neanmoins tous ceux qui ont des fiefs n’ont pas ces droits-l Cela est manifeste pour les colombiers et pour les moulins ; car pour les colombiers, il pa-da roit par l’Article 137. qu’en cas de division de fief, le droit doit demeurer à lun des heritiers, ans que les autres le puissent avoir ; d’où il resulte qu’il n’y a que le pléin fief de Haubert à qui le droit de colombier appartienne naturellement, excepté dans le cas porté par le même bi Article, et par cette raison il est vray de dire que pour les fiefs de Haubert le droit de colombier en est une appartenance naturelle, mais pour les autres fiefs, que ce droit n’y est point attaché, parce qu’il ne se multiplie point par la division.

Pour les moulins, tous les fiefs n’ont pas droit d’en avoir ; il faut, suivant l’Article 210. pour en faire constraire un de nouveau, que les deux rives de la riviere soient assises dans le fief ainsi celuy qui n’est Seigneur que de l’une des rives n’en peut pas faire construire. Il est évi-de dent qu’il ne suffit pas d’avoir un fief pour avoir droit de moulin, mais il est vray de dire qu’aucun ne peut prétendre de garenne, colombier, et de moulin s’il n’a un fief.

Aprés cette explication le sens de cet Article est tres-facile à comprendre ; la Coûtume veut dire que les droits de garenne, de colombier et de moulin sont des appartenances et des dépendances des fiefs, parce qu’ils ne peuvent être possedez sans fiefs.

Aussi par la verification des Aveux qui sont presentez en la Chambre des Comptes, ces droits ne sont point approuvez s’il n’apparoit de titre valable

Et ce qui me fait présumer que le droit de garenne n’est pas une appartenance inseparable du fief, c’est qu’autresfois il n’étoit permis à aucun de tenir garenne, s’il n’en avoit obtenu la permission du Roy, et qu’il ne l’eûr fait enregistrer en la Chambre des Comptes, comme or l’apprend d’un Arrest rapporté parChopin , l. 3. du Dom. t. 22. n. 4. Le Roy Jean par un Edit de l’année 1355. Article. 4. défendit de faire de nouvelles garennes et d’accroître les antiennes : ce qui fut renouvelé par Henry Il. qui conserva néanmoins celles qui avoient été faites avant quarante ans,

Puis donc que les droits de garenne, de colombier, et de moulin ne sont pas des dépendances prdinaires et naturelles des fiefs, il eût été fort necessaire de déclarer en quel cas et quelles per sonnes peuvent joüir du droit de garenne. Il y a des Coûtumes qui ne permettent d’avoir des garennes qu’à ceux qui ont des fiefs. Par l’Article 370. de Iancienne Coûtume de Bretagne, noble homme peut faire en sa terre ou fief-noble, faux à conils, du cas où il n’y auroit garenne à auti Seigneur és lieux prochains. Il sembleroit par les termes de cet Article que deux conditions. seroient requises pour avoir garenne, qu’il faudroit être Noble, et posseder un fief. Mais 5 Mr d’Argentré dit en expliquant cet Article que la qualité de Noble n’est point necessaire, et qu’il suffit d’avoir un fief, imo et plebeius, si modo feudum & solum est nobile : Non enim qualitas persona, sed conditio rei spectanda est, cui jus tribuitur, non persona.

Au contraire d’autres Coûtumes en font un droit personnel, et ne l’accordent qu’aux nobles, comme celle d’Anjou, Article 32. et 35

Enfin il y a des Coûtumes qui ne permettent qu’aux Hauts-Justiciers d’avoir des garennes Jurées, et encore à cette condition que ce soit par permission du Roy, titre particulier, et exprés tou de telle et si longue joliissance qu’il ne soit mémoire du contraire ; Meaux, Article 1i1. C’est aussi nôtre usage, et l’on ne peut avoir de garenne sans titre.

Garenne est un ancien mot, qui signifie un héritage défensable en tout temps, de quelque natuire qu’il soit : ce qui est fort bien exprimé par la Coûtume de Nivernois, titre des Faux et Rivieres, Article 1. qui porte ces termes : On ne peut tenirriviere en garenne ou défense, s’il n’y a titre ou prescription suffisante ; et par l’Article 112. de la Coûtume de Meaux, par une garenne jurée, l’on entend une garenne défenduë, et là où l’on ne peut aller chasser sans danger de Justice : Vossius et c’est pourquoy Vossius, de vitiis sermonis, l. il. c. 26. fait venir ce mot de l’Allemand Waren on Bevaren, qui signifie garder. Il faut remarquer que ce mot de garenne s’entend aussi bien d’un étang ou d’une rivière comme d’une terre, ou d’un buisson destiné pour la noutriture et pour la conservation de lievres, de lapins, ou d’autres bestes, comme autrefois le mot de forest dans le langage de nos ancêtres convenoit aussi-bien aux rivieres qu’aux bois,Salvaing , c. 62.


CLXI.

Moulin tenu sans fief doit relief.

Neanmoins s’il y a moulin tenu à part et sans fief, il est relevé par un écu.

Je ne sçay sur quel fondement on peut établir cette exception que la Coûtume apporte en cet Article, à ce qu’elle avoit dit en l’Article precedent, ni par quelle raison elle a voulu que le relief fût du d’un moulin, lors qu’il étoit tenu à part et sans fief : car étant vray que les moulins sont des appartenances des fiefs, il semble que leur qualité feodale n’est pas détruite lors qu’ils viennent à en être separez par la cession que le Seigneur en a faite à un tiers, parce qu’autrement ils perdroient la cause de leur existence, laquelle ils ne peuvent retenir qu’en conservant quelque qualité feodale ; et en le présupposant de la sorte, on n’a pas dû les assujetir au droit de relief ni en former une exception à l’Article precedent, suivant lequel avec les corps des fiefs-nobles sont relevez par même moyen toutes les dépendances d’iceux : comme les Moulins, Colombiers, et Garennes.

Si le moulin tenu à part et sans fief, est sujet à un écu de relief, comme il est décidé par cet Article, il semble que les colombiers et les garennes, lors qu’ils sont tenus separément du fiefs loivent aussi payer un relief, n’y ayant point de raison particuliere pour le moulin.

En effet cet Article a servi de pretexte à de grandes vexations ; car en nos jours les Traitans des droits de Relief et de Francs-fiefs ont prétendu qu’à l’exemple des moulins ; les colombiers devoient aussi le droit de relief, et dautant que par l’Article precedent les moulins et les colombiers sont mis entre les appartenances des fiefs, ils ont encore soûtenu qu’ils conservoient une qualité seodale, quoy qu’ils soient separez des fiefs, et que par consequent lors qu’ils étoient possedez par des roturiers, le droit de Francs fiefs en pouvoit être demandé.

Pour déaider par nos usages et par l’esprit de nôtre Coûtume, si les garennes et les colombiers sont sujets aux droits de Relief et de Francs-fiefs, il faut examiner ces trois points : Le premier, si lors qu’ils sont tenus à part et separément du fief, ils doivent neanmoins être reputez en faire encore partie, à l’effet d’être relevez, comme parle nôtre Coûtume, avec le corps du fief, comme en étant encore une dépendance et une appartenance : Le second, si par la sepatarion ils demeurent un Corps-Noble, qui subsiste de soy-même avec une qualité feodale : Et le troisième si par la separation d’avec le corps du fief, ils perdent leur qualité feodale, n’étant plus que de simples rotures.

Quoy que ces droits soient cessibles et qu’ils puissent être desunis d’avec le corps du fief, il est vray neanmoins qu’ils ne peuvent subsister qu’en consequence de la cession que le Seigneur a faite de son droit ; le colombier est véritablement un droit feodal, mais par sa separation d’avec le fief, il ne devient pas un fief : or ne subsistant qu’à cause du fief, il en fait toûjours partie quant au droit, et à proprement parler il n’y a que les droits utiles qui en sont separez.

Il s’ensuit de-là que le relief n’en est point dû separément, mais qu’il s’acquite avec le corps du fief ; et pour le droit de Francs-fiefs, si le proprietaire du corps du fief étoit roturier, le droit de Francs-fiefs seroit dû pour tout le fief : en quoy faisant le colombier seroit compris dans l’estimation d’iceluy, bien que le possesseur d’iceluy fût de condition noble ; car le colombier étant reputé faire une dépendance du fief, la seule qualité du possesseur du fief seroit considérable. bi le colombier separé du fief conserve sa première nature, et demeure un Corps-Noble, qui subsiste de soy, distinct et separé, on ne peut douter qu’il n’en soit dû un relief, et qu’il ne soit sujet au droit de Francs-fiefs si le proprietaire n’est pas de condition noble.

Au contraire si par la separation et la desunion d’avec le fief, le colombier perd toute sa qualité feodale, et qu’il ne soit plus qu’une simple roture, il n’y aura pas lieu au droit de Francs-fiefs, et pour le relief il ne sera point dû, puisque la Coûtume n’assujetit à ce droit que le moulin quand il est tenu à part et separément du fief. D’où il s’enfuit qu’elle n’a pas eu intention d’y comprendre les garennes et les colombiers, puisqu’elle n’en a point parlé, et que son exception ne doit point être étenduë au de-là de ses termes. Et en tout cas si le colombier n’est plus qu’une roture, il n’en seroit dû d’autre relief que celuy des terres roturieres : Et c’est l’avis de M Jacques Godefroy sur cet Article.

Il est plus difficile de refoudre laquelle de ces trois opinions est la plus raisonnable, que de faire connoître celle qui a prévalu dans les maximes du siecle.

La piemière paroit la plus conforme à l’esprit de la Coûtume ; son intention a été sans doute de ne point multiplier les droits de relief, et il y a beaucoup d’apparenc : que lors que dans l’Article precedent elle a dit qu’avec le corps des fiefs-nobles se relevent par même moyen toutes les sependances d’iceux : comme sont garennes, moulins, et colombiers, elle n’a entendu parler que les garennes, moulins, et colombiers qui étoient separez du fief : car autrement cet Article eûr été entièrement superslu, car tous droits feodaux tant qu’ils sont unis avec le fief, étant le fies même, on auroit mal pairlé en disant qu’avec le corps de fief sont relevez par le même moyen toutes les autres dépendancés. Ce terme avec marque nettement que ces dépendances devoient être quelques droits separez du fief, parce qu’autrement cette disposition n’eût point été nécessaire, I n’eût pas été befoin de declarer que les colombiers qui composoient le corps du fief même seroient relevez avec le corps du fief.

Aussi la Coûtume s’en est expliquée clairement par cet Article ; car aprés avoir dit dans le precedent que les moulins, les garennes, et les colombiers sont relevez avec le corps du fief, elle apporte une exception à cette disposition generale à légard du moulin seulement, neanmoins III y a moulin tenu separément il est relevé separément par un écu. Si dans l’Article precedent on n’avoit compris que les moulins et les colombiers reünis au fief, et qu’en explication d’iceluy on eût voulu faire comprendre que cette disposition ne pouvoit s’entendre des moulins et des colombiers separez du fief, comme elle avoit compris les uns et les autres dans la disposition generale, elle n’auroit pas manqué de les comprendre dans son explication et dans son exceptions r n’ayant excepté que les moulins, il est vray de dire que la Coûtume a parlé de garennes et de colombiers tenus separément du fief, puis qu’autrement il n’eût pas été nécessaire de les relever avec le corps du fief

On ne doit pas expliquer ces paroles, quand il est tenu à part et separément du fief, comme à la Coûtume avoit voulu dire que quand les colombiers sont desunis du fief, ils ne sont plus des dépendances du fief, et qu’ils ne sont de cette qualité que lors qu’ils y sont reünis, car a Coûtume s’en fût exprimée, comme elle a fait pour les moulins, et on ne peut alléguer que cela ait été omis par inadvertance ; on ne le peut présumer, puisqu’il s’agissoit de l’un et de l’autre droit. Ainsi le sens de cet Article sera, que quoy que régulierement les moulins, les garennes et les colombiers soient des dépendances des fiefs, néanmoins le moulin ne conserve plus cette prerogative, lors qu’il est tenu à part et separément. On ne peut jamais appli-quer plus justement qu’à nôtre sujet cette regle, que exceptio firmat regulam in casibus non excepris. Le Syndic des Etats de la Province expliqua cet Article de la sorte, dans la remontrance qu’il fit, contre les lettres obrenuës par le sieur de Monglats, dont je parleray dans la suite : car il soûtint qu’il n’y avoit que le moulin seul qui par cet Article, quand il étoit tenu à part et separément, étoit relevé par un écu ; mais que cela n’étoit pas dit des colombiers et autres appartenances de fief. En ce cas si le colombier tenu separément du fief n’est point du corps. du fief, et qu’il ne soit point relevé par même moyen, il ne peut retenir aucune qualité feodale, et il ne doit plus être considéré que comme une roture.

Le fief est composé de trois sortes de droits ; il y en a qui luy sont essentiels, et sans lesque ls il ne peut conserver son être feodal. D’autres luy sont comme naturels, parce qu’ils en sont comme des appartenances naturelles et ordinaires ; et il y en a d’autres qui luy sont comme accidentels, parce qu’ils n’y sont joints qu’en certains cas, et sous certaines conditions.

Le droit de colombier n’est pas sans doute de l’essence des fiefs, autrement il ne pourroit en être desuni ni possedé separément ; cependant il est certain que ce droit est divisible et ces sible, mais aprés sa separation il ne conserve aucune qualité feodale en soy. Il ne peut avoir plus de prerogative qu’une rente Seigneuriale, laquelle cesse d’être de cette nature lors qu’elle s est alienée par le Seigneur, et possedée separément du fief, et l’execution pour le payement des arrerages ne pourroit plus être faite par le Prevost du fief. Aussi Messieurs de la Chambre. des Comptes ne reçoivent point en particulier les déclarations du droit de colombier, parce qu’ils ne sont competens que de recevoir les Aveux des fiefs, et ces déclarations appartiennent au Vicomte

Godefroy sur cet Article est de ce sentiment, que les colombiers, volieres, garennes, fours bannaux, et autres droits de cette condition, ne doivent d’autre relief que celuy des terres oturieres, sur lesquelles ils sont assis, et que tout est compris sous le nom de Dignitez, dont il est parlé en l’Article 157. Mais il y a de la contradiction en ce discours ; car si les colombiers et les garennes sont compris sous le nom de Dignitez, ils ne doivent aucuns reliefs, se-lon cet Article 157. Et d’ailleurs il n’y a pas d’apparence de reputer les colombiers comme des Dignitez et des Offices tenus en fief, puisque la Coûtume n’en fait que des dépendances et des appartenances feodales.

Aussi par l’Article 31. du Reglement de l’année 1666. les mineurs possedans colombiers, moulins, ou autres droitures feodales, separées de fief-noble, ne tombent point à raison d’iselles en Garde-Noble, Royale, ou Seigneuriale. Il faut induire necessairement de ce Regle-nent que les colombiers cessent d’être nobles, quand ils sont desunis du fief, puis qu’à cause d’iceux on ne tombe point en Garde ; car s’ils retenoient encore quelque qualité feodale, on ne les auroit pas exemptez du droit de Garde-Noble.

La Cour s’en êtoit déja nettement expliquée par l’Arrest d’enregistrement des Lettres du sieur de Monglats, que je rapporteray plus amplement sur l’Article 164. car elle ordonns gue les Lettres seroient enrégistrées pour joüir par les impetrans des droits de relief échûs et dûs à sa Majesté, par mutations avenuës des Duchez, Marquisats, Comtez, Baronnies et Fiefs, sans comprendre en iceux aucuns droits de demy-relief, de garennes, moulin et colombier unis aux corps des fiefs ; et on enioint aux propriétaires des fiefs et moulins tenus à part et separez, de bailler déclaration des mutations et successions de proprietaire arrivée, aux fins de faciliter la levée dudit droit. On apprend par cet Arrest que le demy-relief, ou l’aide-de-relief, cemme nôtre Coûtume l’appelle, n’est point dû pour les colombiers, garennes et moulins reunis au fief ; et par le second chef de l’Arrest il est dit que le relief n’est dû que par les proprietaires des fiefs et moulins tenus à part et separez.

Ce qui confirme entièrement ce que j’ay dit, que les garennes et les colombiers, soit qu’ils soient unis avec le fief, ou tenus separément, ne doivent aucun relief, et que le moulin seul y est sujet.

Ce qui sert de décision pour les Franes-fiefs ; car la Coûtume ne les ayant point assujetis au droit de relief comme elle a fait les moulins, lors qu’ils sont separez du fief, on ne peut les considerer qu’en ces deux qualitez, ou comme nobles, ou comme rotutiers ; s’ils continuent d’être nobles ils sont relevez avec le corps du fief, et en ce cas la qualité du propriétaire du colombier n’est point considérable : que s’ils deviennent roturiers par la separation, ils sont s exempts des droits des Francs-fiefs.

Nonobstant ces raisonnemens, depuis quelques années les Commissaires députez pour le droit des Franes fiefs ont condamné les proprietaires des colombiers, et même des volieres, à payer le droit des Francs. fiefs, quoy que ces colombiers ne fussent bâtis que sur des rotures : et on l’a exigé avec tant de rigueur que l’on en a fait monter la taxe jusqu’à cent livres, qui n’étoit au commencement que de quinze livres.


CLXII.

Taxation de relief pour terres gaignables.

Les terres non cultivées anciennement nommées gaignables, fauvages ou fauvées de la mer, doivent de relief six deniers pour acre au Seigneur duquel elles sont tenuës.

CLXIII.

Relief et hommage quand sont dûs.

Par mort ou mutation du vassal, relief est dû et hommage nouveau.

Ce que les autres Coûtumes appellent rachapt nous l’appelons relief ; ils ont le même effet, l’un et l’autre sont dûs, et se payent en consequence de la mutation de vassal. On l’appelle rachapt à cause que le vassal peut racheter son fief, moyennant un certain droit, et relief du erbe rele vare :Couvellus , l. 2. 5. 19. en ses Institutions Institutions du droit Anglois, relevii nomen hinc fluxit, quod hereditas que jacens fuit per antecessoris decessum, relevatur per manus heredis. Au commencement en France, et même en cette Province, ce droit n’étoit pas certain et limité, d’où vient qu’en quelques Provinces les Seigneurs s’en faisoient payer à discretion et c’est pourquoy on l’appeloit rachapt à meroy. L’Auteur du Franc-Aleu, c. 6. nous a donné des Vers nciens, tirez du Roman de Vacce, qui est l’Histoire des Ducs de Normandie, où il est parlé d’ui relief, qui fut payé à Robert Duc de Normandie, pour lequel on luy presenta une Juste d’or, E Juste étoit un pot ou mesurs

Et vint illeuc un Damoisel

Une Juste sous son mantel

Mort est son pere nouvelment

Relever veut son tenement

Sa Juste êtoit moul bonne et chiere

Tout êtoit d’or noblement faite,

Cil qui la tint, la avant traite,

a present au Duc la tendi,

Li Duc li dict, vôtre merci.

Et au Clere dist, dont Clerc tenez

La Juste est vôtre, recevez

Ores quelle merveille arriva

Du Clerc qui la Juste retint,

Et il a soy traire la dut,

estendi soy, et si mourut.

Da l’origine des Reliefs, voyezBrodeau , Article 47. de la Coûtume de Paris. Il croit que leur établissement est beaucoup posterieur à celuy des fiefs. Du Moulin a traité plusieurs belles questions sur les rachapts. En cette Province le relief se monte à si peu de chose, qu’il n’arrive guere de contestation sur ce sujet.

Cet Article reçoit une exception par l’Article 173. qui porte que de la vente de terre roturiere il en est dû treizième et non relief, il n’y a que de la vente du fief, dont il soit dû reizième et relief

Par la Coûtume de Paris, Article 3. le relief n’est point dû par succession en ligne directe, mais lhommage est dû tant par la mutation du Seigneur que par celle du vassal, il n’y a que les fiefs du Vexin-François où il soit dû relief comme en Normandie.

Cors que le fief a été partagé entre filles, l’ainée est tenuë payer au Seigneur le relief entier, autrement il n’est point obligé donner main-levée du fief :Mol . de feud. 5. 33. gl. 1. n. 6.

Pour donner ouverture au droit de relief, il faut que la mutation soit effective, et qu’il se sasse une véritable transsation de la proprieté, idemMolin . non sufficit donatum aut permutatum, d requiritur, quod veré in alium transiatum sit Dominum, sive pro retractu, aut laudimiis, quibus locus est statim à venditione perfectâ.


CLXIV.

Aide-de-relief quand est dû.

Tous fiefs qui doivent relief, doivent aide-de-relief, avenant la mort du Seigneur immediat : et cet aide est dû aux hoirs des Seigneurs par les vassaux pour eur aider à relever leurs fiefs vers les Chefs-Seigneurs.

La Coûtume, outre le droit de relief, établit une Aide-de-relief en cet Article, et dans les suivans nous verrons encore d’autres aides-de-relief, qu’elle appelle Aides-chevels : Ce droit d’aide-de-relief est en usage en Angleterre : Je rapporteray le témoignage de Glanville sur l’Article 1S6. Cet Article contient deux parties ; dans la premiere il exprime quelles choses et quelles ersonnes doivent aide-de-relief, à sçavoir tous les fiefs qui doivent relief, et les vassaux sont les personnes qui le doivent payer : dans la seconde il est dit que ces aides se payent aux hoirs les Seigneurs, pour leur aider à relever leurs fiefs vers les Chefs-Seigneurs. Pour rendre la disposition de cet Article parfaite, il falloit exprimer et limiter ce que l’on doit payer pour cet aide-de-relief.

Pour l’explication de la premiere partie, touchant les choses et les personnes qui doivent l’aide-de-relief, il est certain qu’il n’est dû que par les fiefs, que les rotures, les moulins, et es colombiers, quand ils sont separez des fiefs, ne sont point obligez à cette redevance, cet Article n’assujetissant que les fiefs à l’aide-de-relief.

Les vassaux seuls doivent l’aide-de-relief. L’aide-de-relief est dû aux hoirs du Seigneur, pour leur aider à relever leurs fiefs vers le Chef-Seigneur. Chef. Seigneur, est capitalis Dominus.

Nos anciens François l’appeloient Seigneur. Chevetain, comme on l’apprend du Sire Joinville et Villehardoüin,Chopin . l. 2. t. 2. n. 7. Ces mots de doman Seigneur ne peuvent tre entendus que des Chefs-Seigneurs, qui ont d’autres Seigneurs sous eux, et dont les autres sont les Chefs, autrement il n’auroit point fallu parler de Chef-Seigneur.

D’où il s’ensuit évidemment que l’aide-de relief n’est point dû au Roy, dautant qu’il ne eleve d’aucun, et que la cause de l’établissement de ce droit ne se rencontre point en sa personne, ne pouvant être aidé à relever ses fiefs d’aucun, puis qu’il est par dessus tous, et qu’il ne peut être vassal de ses vassaux.

Quoy que cela soit incontestable, comme les gens de Cour veulent profiter des avis bons ou mauvais, qui leur sont donnez ; en l’année 1645. Mre François Paul de Clermont, Marquis de Monglats, et Mre Victor de Clermont, Marquis de S. Georges, son frère, heritiers des Dames de Monglats et de S. Georges, leurs mere et ayeule, qui avoient obtenu du Roy un don des droits de relief, et demy-relief dûs à sa Majesté, à cause de l’avenement à la Couronne des seus Rois Henry le Grand, et Loüis XIII. et de la mutation des vassaux et possesseurs des fiefs relevans de sa Majesté, en la Province de Normandie firent publier en plusieurs Patroisses de cette Province, sous le nom d’un nommé Grosse-Teste, un Mandement par lequel il étoit enjoint à toutes personnes tenants Fiefs, Baronnies, Comtez, Marquisats, et Duchez, l’envoyer une declaration contenant la qualité de leurs fiefs, et les mutations de possesseurs rrrivez depuis l’année 1580. jusqu’en l’an 1643. et de payer aux mains de Grosse-Teste les droits de relief et demy-relief, prétendus dûs au Roy à cause de l’avenement à la Couronne desdits feus Rois Henry le Grand et Loüis XIII. comme aussi de payer pour les moulins et colombiers relevans du Roy, chacun la somme de neuf livres, et les terres en roture trente sols par acre, le tout pour deux demy-reliefs et deux reliefs, à cause de la mutation et nouvelle ossession, tant du present possesseur que du precedent. Le Procureur Syndie des Etats de Normandie étant averty de cette publication, en porta ses plaintes à la Cour, et luy remontra que par la Coûtume de cette Province, il n’étoit dû d’autre demy-relief que celuy qui se payoit pour acquiter laide-de-relief, et que cette aide-de-relief n’étoit dû par les vassaux qu’aux noirs de leur Seigneur, pour leur aider à relever leurs fiefs vors leur Chef-Seigneur, d’où il s’ensuit que ce droit ne pouvoit jamais appartenir au Roy. Que par l’Article 163. le relief n’est dû que par le decez ou mutation de vassal ; et par l’Article 160. avec le corps des fiefs sont relevez par même moyen toutes les dépendances d’iceux, comme sont garennes, moulins colombiers, et autres appartenances du fief, et il n’y a que le moulin seul qui par l’Article. 161. doive un écu de relief, quand il est tenu à part et separé du fief. Sur ces rémontrances la Cour, les Chambres assemblées, doma Arrest le ré de Janvier 1645. par lequel défenses gurent faites à Grosse-Teste, et tous autres, de mettre le Mandement en execution, ni de cver aucuns deniers en vertu d’iceluy.

Cet Arrest obligea lesdits sieurs de Monglats de presenter leurs lettres de don à la Cour pour être verifiées, et par l’Arrest de verification du 22 de Février 1é48. il fut ordonné qu’ils joüiroient des droits de relief, sans comprendre en iceux aucuns droits de demy-relief, de garennes, de noulins, ni de colombiers unis au corps des fiefs, et sans qu’il puisse être demandé pour les rotures cultivées et possedées à droits successifs que la somme de douze deniers pour acre.

La Coûtume n’a point declaré ce qu’on doit payer pour cette aide-de-relief, si c’est le tiers ou la moitié du relief. L’Auteur du Franc. Aleu, c. 6. la Coûtume Locale d’Eu non imprimée, c. 2.

Article 1. donne pour relief de Baronnie cent livres, et pour le droit d’aide-de-relief cinquante livres, et au Procez verbal de l’évaluation faite en l’année 1508. du revenu du Comté d’Eu de l’Ordonnance de la Chambre des Comptes à Paris pour la minorité de Messieurs Charles, a Loüis et François de Cleves, enfans de Mre Engisbert de Cleves, Comte d’Eu, il est porté : bli doit au Roy nôtre dit Seigneur le Comté, service d’ost, suivant la coûtume du païs : au moyen de quoy doit chacune Baronnie, tenué de ladite Comté, pour relief et mutation d’homme, cent livres, et inquante livres tournois d’aide. La différence entre la Coûtume de Normandie et l’usage du Comte d’Eu, est qu’en Normandie l’aide-de-relief n’est dûë qu’en cas de decez, et au Comté d’Eu elle est dûë à toutes mutations. C’est l’usage en cette Province de payer pour l’aide-de-relief le re moitié du reliefs


CLXV.

Relief est dis et hommage par l’heritier de celuy qui a fait profession de Religion.

Les heritiers de celuy qui a fait profession de Religion, doivent relief et hommage au Seigneur duquel le fief est tenu, et leur est dû aide-de : relief par leurs vassaux, laquelle aide est acquitée par demy relief.

Cet Article est fort inutile. La profession de Religion donnant ouverture aux droits successifs, et en consequence à la mutation de vassal, on ne pouvoit douter que les heritiers ne dûssent relief et hommage, et que leurs vassaux nobles ne leur dûssent pareillement l’aide-de-relief.


CLXVI.

Aides-chevels à qui sont dus, et qui est le Chef-Seigneur.

Les Aides-chevels ne sont dus qu’au Chef-Seigneur, et s’appelle Chef-Seigneur celuy seulement qui possede par foy et par hommage, et qui à cause dudit fiel combe en garde.

Les Aides-chevels sont ainsi appelez, quia capitali Domino debentur, parce qu’ils doivent être payez au Chef-Seigneur.

La Coûtume s’est encore expliquée plus imparfaitement dans cet Article que dans l’Article 164. elle nous enseigne bien que les Aides-chevels ne sont dûs qu’au Chef-Seigneur, et dans les Articles suivans que ces espèces de reliefs ne se payent qu’en trois cas, mais elle ne nous apprend roint en quoy ils consistent, et s’ils sont dûs pour toutes sortes de terres, pour les fiefs et pour les rotures. L’ancienne Coûtume, l. 9. c. 8. n’en a pas dit davantage, et Glanville parlant de ce droit de reliefs, que nous avons portez en Angleterre ; témoigne que nil certum statum est de hujusmodi auxiliis dandis vel exigendis. Postquam vero convenerit inter haredem et Dominum tenentis sui, de rationabili relevio dando et recipienda, poterit idem heres rationabilia auxilia de hominibus suis inde exigere.

Boureiller qui vivoit sous Charles VI. dit en sa Somme Rurale, l. 1. c. 86. qu’en son temps ces dides dlépendoient de l’honnêteté et de la courtoisie des vassaux, et que le Seigneur n’en pouvoit aire demande, ni par contrainte, ni par lot, et c’est pourquoy il s’appeloit quelquefois droit-decomplaisance, et dans les anciennes Chartes charitativum subsidium. Ce même Auteur, au titre de Chevalerie, a écrit que dans les Coûtumes de Tournay et de Vermandois ce droit êtoit si peu connu, que quand on s’en informa aux plus experimentez, ils ne pûrent en rien dire de certain, in tanto dubio dixerunt vassallum debere Dominosuo honestatis gratiâ vinum, aut argenteum vasculum offerre. Sed que pridem officia humanitatis et beneficentiae fuêre, ea cum tempore usurpatione & potentiorum opibus in necessitatem transierunt.Argentré , Article 87 Quoy que la Coûtume n’ait pas expressément déclaré quelles sortes de biens sont sujets au droit d’aide chevels, il est certain que les terres roturières, les moulins et les colombiers n’y sont point sujets aprés l’Arrest solennellement rendu le y de Février 1é48. entre Mre Jéan de Souvray et le Procureur Syndic des Etats de Normandie. Le sieur Marquis de Souvray, n vertu du don qui luy avoit été fait par sa Majesté, de la finance qu’il pouvoit prendre à cause de la Chevalerie de Monseigneur le Dauphin, vouloit étendre ce droit non seulement sur les Fiefs-nobles, mais aussi sur les moulins et sur les rotures, dépendans immediatement du Roy, l et demandoit un écu pour chaque moulin et pour chaque colombier, et douze deniers pour chaque facre de roture ; par Arrest la Cour declara les moulins, les colombiers et les rotures tion sujets au droit d’aide-chevels ; et annulla toutes les taxes si aucunes avoient été faites, et que le Receveur dudit droit seroit contraint de rendre ce qu’il en auroit reçû On a jugé la même chose contre les Seigneurs feodaux, par Arrest du zé d’Aoust 1653. entre Me Gilles Neel, sieur de la Champagne, et Jean des-Bordes, Ecuyer, sieur de Foligny, plaidans Heroüet et Pilastre.

On apprend par les remontrances du Procureur Syndic que le Seigneur de Souvray demandoit our cette aide-chevel de Chevalerie, la même somme qui est dûé pour le droit de reliefs j’estime néanmoins qu’il ne peut être plus grand que celuy d’aide de reliefs


CLXVII.

Aide-de-relief n’est di par la vente, échange ou donation du fief.

Les vassaux ne sont tenus payer aide-de-relief quand le fief est vendu, échangé ou donné encore que ce soit par avancement de succession fait au presomptif heritier du donateur

Cet Article est fort mal placé, il devoit suivre ceux qui parlent des reliefs et aides-de-reliefs, et il veut dire par une forme d’exception que l’aide-de-relief n’est dû que par le decez du Seigneur, et non point quand le fief a été vendu, échangé ou donné, encore même que ce fût par avancement de succession.


CLXVIII.

Trois sortes d’aides.

Il y a trois sortes d’aides-chevels, l’un quand l’ainé fils du Seigneur est fait Chevalier, et s’appelle aide-de-Chevalerie.

On peut dire que ces trois sortes d’aides, chevels dont il est parlé dans cet Article, et dans sles deux suivans, ont été exigez des Seigneurs sur leurs vassaux à l’exemple des Patrons de l’ancienne Rome, qui recevoient des presens de leurs Cliens pour le mariage de leurs filles, quand ils n’étoient pas assez riches pour les doter, ou quand ils étoient prisonniers de guerre C ou leurs enfans, comme on l apprend de Denis d’Halicarnasse Halicarnasse, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC’MOTGREC, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC. Du Moulin en sa Preface, sur le titre des Fiefs, en refutant avec raison l’opinion de ceux qui tirent l’origine des fiefs, du droit de Patronnage et de Clientelle, ne laisse pas d’avoüer que ces droits non sunt simulachrum, sed vera vivaque imago vereris juris Patronatùs et Clientelae, nec ullam esse realem differentiam : etDadin de Haute-Serre , de Duc. et Com. Galliâ, c. 2. l. 2. pracipua obsequiâ Clientum in Patronos, egentem Patronum vecuniâ juvare, ob nuptias filiae, vel si bello captus ob MOTGREC MOTGREC solvendum.

On peut aussi en rapporter l’origine à cet ancien usage des Romains, où les affranchis pour témoignage de leur gratitude envers leurs Patrons leur envoyoient des presens en certaines rencontres, in festis nuptialibus, vel Dominis, vel liberis ejus, vel in natalitiis, et c’est comme Phormion il faut entendre ce passage de Terence in Phormione : Herilem filium audio ducere uxorem, et credo munus hoc corraditur ; puis il ajoûte, porro autem Geta ferietur alio munere, ubi hera pepererit.

Mornac . Ad legem, si non sortem. S. Libertus. ff. de condictione indebiti. Ces mêmes droits sont en usage en Angleterre et en Ecosse ( comme ditGlanville , l. 9. c. 8. Vsunt praterea alii casus, n quibus licet Dominis auxilia similia ab hominibus suis exigere, veluti si filius et heres suus, miles at, vel si promogenitam filiam suam maritaverit : etSkenaeus , l.. 2. c. 73. sunt & apud Scotos casus in quibus Dominus à vassallis auxilium petere potest, si filius ejus fiat miles, vel si promogenitam filiam suam maritaverit. La Coûtume de Bourgogne ajoûte une quatrième espèce d’aide-chevels, si le Seigneur veut aller en Jerusalem ; voyezCujas , l. 2. c. 7.Salvaing , premiere partie, c. 49.

Tiraquel Tiraqueau, de jure primogenitorum, Quast. 69.Bodin , l. 1. de sa Repub. c. 7.Cambolas , l. 3. c. 21.

Chassanée GuyPapé , Déc. 57. Chassanée, Rubr. 9. 5. 18. verbo Main-mortable.

Monsieur d’Argentré , sur la Coûtume de Bretagne, Article S8. qui est conforme à la nôtre, en donne cette raison, que cet honneur de Chevalerie étant passionnément désiré par les nobles, il étoit raisonnable de les assister pour soûtenir cette nouvelle Dignité avec plus d’éclat. par l’usage de Buurgogne, suivant le témoignage du PresidentBegat , sur la Coûtume de Bourgogne, titre des Justices, 5. 2. l’usufruitier peut user de ce droit, pourvû que le proprietaire qui a constitué l’usufruit ne l’ait point exigé. Mi d’Argentré , Article 87. n. 2. n’est pas de aee sentiment, nam tametsi id in fructu potest dici, habent tamen aliquid personalis reverentiae & obsequii, Masuer quod separari à personâ nequit et incessibile est, ut reverentiales opera libertorum in jure. Masuer tenu la même opinion, titre des Tailles ; et elle semble la meilleure à MrSalvaing , premiere partie, c. 49.

Il y avoit autrefois en France trois sortes de Chevaliers, les Chevaliers, les Bannerets, et les Bacheliers. Dans la basse : Latinité les Chevaliers sont appelez Milites, comme d’être appelez Messires, de porter la Toile d’or, le Baudrier, l’Epée, et les Esperons dorez, d’où est venu le Proverbe, Loysel vilain ne sçait ce que valent Efperons. Loysel qui rapporte ce Proverbe en ses Institutes coûtumieres, l. 1. Tit. 1. Article 28. dit que les Esperons sont les marques d’investiture, et de-là vient qu’au Sacre du Roy l’un des Pairs de France porte les Esperons d’or, qui servirent autrefois au Sacre de Charle nagne : touchant les autres prerogatives des Chevaliers ;Salvaing , des Fiefs, premiere partie, c. 49.

Comme aujourd’huy l’ancienne forme de faire les Chevaliers est changée, le vassal ne seroit tenu de payer ce droit que quand son seigneur seroit fait Chevalier de l’Ordre du S. Esprit, et non pour avoir l’Ordre de S. Michel ou de S. Lazare, ni de celuy de Malthe, comme Berault l’a remarqué sur cet Article.


CLXIX.

L’autre quand son ainée fille est mariée, et s’appelle aide-de-mariage.

Les personnes puissantes n’ont jamais manqué de pretexte pour exiger des droits de leurs vassaux, celuy qui est porté par cet Article est fort ancien, et même favorable, outre le passage. que j ay remarqué de Halicarnasse sur l Article precedent ; l Denis d’Halicarnasse Histoire nous foutnit des exemples de personnes illustres, dont à cause de leur pauvreté les filles ont été mariées aux dépens du public. L’Empereur Caligula n’eut point de honte d’exiger des presens pour la nourriture et la dot de la fille qui luy êtoit née.Suet . in Calig.

Ausoi presque par tout cette aide-de-mariage a lieu. Nos Docteurs ont traité plusieurs questions, s’il est dû pour toutes les filles du Seigneur : Si pour celles qu’on fait Religieusess Si on le peut demander pour la seur du Seigneur, et même pour sa bâtarde : Mais nôtre Coûtume a prévenu poutes ces difficultez, quand elle a limité expressément cette aide pour le mariage de la fille ainée seulement. VoyezArgentré , Article 87.Salvaing , des Fiefs, premiere partie, c. 49.


CLXX.

Le troisième pour racheter le corps de son seigneur de prison, quand il est pris en guerre faisant le service qu’il doit au Roy à cause de son fief, et est appelé aide-de-rançon.

Cette aide-de-rançon est pareillement en usage par tout, et ce secours est tres-favorable. La Coûtume de Bretagne, Art. 89. est conforme à la nôtre. Elle veut neanmoins que ce droit ne soit payé par les vassaux que quand les meubles du Seigneur ne sont pas suffisans pour payer sa rançon.

Pour donner lieu à cette demande ce n’est pas assez que le Seigneur soit prisonnier de guerre, il faut qu’il ait été pris en faisant le service qu’il doit au Roy à cause de son fief.

La Coûtume ne l’accorde qu’en ce seul cas ; et suivant un ancien Arrest de l’Echiquier un Seigneur qui seroit à la solde du Roy, et qui seroit pris par les ennemis, ne pourroit pas exiger de ses vassaux cette aide-de-rançon : la restitution des deniers payez pour le rachapt d’un captif est si favorable, que l’on a condamné un pete à rendre une somme de huit cens écus, que l’on avoit payée pour racheter son fils captif entre les mains des Turcs, quoy qu’il n’eûr point parlé à l’obligation, et que son fils fût décedé, parce qu’il n’étoit pas moins tenu de la rançon de son fils que ses alimens. Journal des Audiences, premiere partie, l. t. c. 125.


CLXXI.

Le fief vendu doit relief et treixième.

Si le fief est vendu à prix d’argent, le treizième du prix est dû au Seigneur t de qui il est tenu, et est dû relief outre le treizième.

La différence de cet Article avec le 173. consiste en ce que pour la vente d’un fief, il est dû relief et treixième, et pour la vente de la roture on ne doit que le treixième, Article 173.

L’origine de ce droit est certaine ; les Seigneurs recherchez par leurs vassaux pour leur permettre la libre disposition de leurs terres, leur accorderent cette faculté en leur payant quelque droit.

Ainsi on peut dire que le treizième est ce qui se donne au Seigneur pour avoir permis la vente du fief, ou de l’héritage qui est mouvant de luy. Nous en avons un exemple en la I. derniere, E. de jure Emphyteut, où l’Emphyteutaire pour avoir la liberté d’aliener son Emphyteose, et pour obrenir le consentement et la signature du proprietaire, est obligé de bailler la cinquantième partie de la vente, l’Empereur ayant défendu au proprietaire d’en exiger davantage. Mr d’Argentré , Art. 59. et Sequent. et in Tract. ex quibus contract. laud. deb. définit le treizième en c’e ces termes, laudimia sunt pecuniariae quedam prestationes ad pretii conventi portionem certam ex usu-ti locorum attemperata Dominis feudorum à vassallo debita, ratione feudorum omnium, et ratione rei immobilis feudalis titulo emptionis, aut alio in emptionem resolubili in alium transiatae, ex quo manùs mutatio & possessionis transtatio contingat. Ce droit que nous appelons treixième est appelé dans les autres Coutumes lors et ventes, droits de. quint et requint. Le quint est le cinquième denier du prix de la vente, et le requint pour vingt : cinq deniers, Article 27. de la Coûtume de c’Troyes, Tit. des Droits Feodaux,

Ce que dit Mr d’Argentré que le treizième est dû ratione omnium feudorum, a reçû de la difficulté Les habitans de la vallée d’Andelle prétendent qu’ils ne doivent point de treizième des héritages qu’ils vendent, et qui sont situez en cette vallée. Mre Alexandre Faucon, Seigneur de Charlevals premier President en ce Parlement de Roüen, ayant demandé un treizième à un particulier de la gallée d’Andelle, il s’en défendit, et demanda à faire preuve de son exemption, soûtenant que ce lroit n’êtoit point de naturalibus nec de essentialibus feudi, qu’il dépendoit des conditions de l’infeodation et de la disposition des Coûtumes. Mr le Premier President répondoit que par une dispo-sition generale de la Coûtume le treizième est dû aux Seigneurs, et que par le Procez verbal de la reformation de la Coûtume, il est défendu d’alléguer d’autres Coûtumes ni d’autres Usages, que ceux qui sont reduits par écrit, ce qui fut jugé de la sorte en la Chambre de l’Edit le 27 de Juin 1657.

Ce droit est imprescriptible : le vassal ne pouvant être forcé de vendre, et par consequent se pou vant écouler plusieurs siecles durant lesquels l’héritage n’aura point été vendu, on ne peut alléguer e prescription. Mais si d’autre part tous les habitans de quelque contrée vouloient justifier leur exemption, sçavoir si la preuve de cette exemption seroit recevable, en disant seulement que de c toutes les ventes faites depuis un temps immemorial les Seigneurs n’en auroient demandé aucuns droits, et qu’ils n’en auroient point été payez, je ne jugerois pas que ce fait-là fût recevable. car les quittances demeurant aux mains des vassaux, il leur seroit aisé de les supprimer. Il seroit sonc raisonnable de fonder cette exemption sur des titres. La définition de Mr d’Argentré en c ces paroles, ratione rei immobilis feudalis, a prévenu la difficulté qui fût restée, s’il avoit seulement dit ratione rei immobilis : car on en eût inféré qu’il seroit dû treizième des rentes constituées, vû qu’on les repute immeubles, mais le mot feudalis marque que ce droit n’est dû que pour les choses feodales, et non pour les rentes constituées, suivant l’Article 78. de la Coûtume de Paris, ni des terres alodiales, ni des navires, ni des autres biens que les Coûtumes reputent immeubles.

Le nom qu’on a donné à ce droit Seigneurial est different, selon les coûtumes et les lieux Nous l’appelons treixième à cause que l’on paye le treizième denier de la vente. Ailleurs on luy donne divers noms, selon les coûtumes et les lieux. On l’appeloit autrefois favor et authoramentum, ce qui signifioit le consentement et l’autorité du Seigneur. Le nom le plus commun est celuy de lors, et en Latin laudimia, du mot Latin laudare, qui signifie approuver. D’autres estiment que te mot est François, et qu’il vient du mot lot, c’est à dire partage, comme étant le lot du seigneur. Les Jurisconsultes François disent que lots est le genre qui comprend tout ce qui se paye au Seigneur, et les ventes l’espece, qui a lieu au cas de vente seulement.

Le treizième n’est dû que pour les ventes et pour les contrats qui équipolent à une vente, nedum in verâ et propriâ venditione, sed in quavis alienatione, que fit mediante pretio vel mediante Molinaeus aliâ re astimatâ. Molinaus,. S. 33. n. 1. M’d’Argentré , de feudis laudimiis, c. 3. 8. 1.

Il ne suffit pas que la vente soit véritable, il faut qu’elle soit parfaite et qu’elle ait son effet, et c’est pourquoy si avant la tradition de la chose le contrat est resolu sur le champ, par le consentement des parties, les droits ne sont point dûs aux Seigneurs : la mutation du vassal est la ause principale qui donne ouverture à ce droit, et ce changement ne peut se faire que par prise de possession, ce qui s’entend d’une possession naturelle : nam respectu laudimiorum possessioses civil non faciunt, ut res integra non videatur, quoad impediendam resolutionem contractùs ex consensu partium. Mr d’Argentré , ibid. 82. j’en parleray plus amplement dans la suite quand cette resolution du contrat de vente n’est point volontaire, et qu’elle est forcée, comme il arrive lors que l’acquereur est dépossedé par les créanciers hypothecaires, on demande si le Seigneur peut demander le treiziéme, ou s’il peut le repeter aprés l’avoir payé : car Iacquereur peut dire que son contrat ne subsistant point, il n’y a jamais eu de véritable vente, il ne seroit pas juste d’augmenter sa perte, et que le Seigneur profitât d’un droit qui ne luy appartient que pour une vente effective, et qui ne soit point annullée par une cause precedente ; Le seigneur peut répondre que le contrat de vente a eu tout son effet, l’acquereur êtant entré en possessions et par ce moyen il s’est fait une véritable mutation de vassal, qu’il étoit devenu si véritable propriétaire du fonds, qu’il n’a pû être dépossedé que par une saisie réelle.

Sur cette question duDu Moulin ,. 833. n. 63. et 876. n. 14. et seq. fait plusieurs distinctions, mais la question se refoud par la seule raison de feud la possession. Si facquereur est entré en joüissance, et qu’il ait perçù les fruits, le treizième est acquis au Seigneur, et Iacquereur ne de peut repeter s’il la payé : et outre cela le seigneur sera payé du treizième pour Iadjudication. par decret. Cette question s’offrit en la Chambre de lEdit le 10 de Decembre 1642. Un particulier ayant acquis quelques héritages, il en joüit deux ans et paya le treizième : Il en fut dépossedé depuis par une saisie réelle. Le Hayer, sieur de Semaley, se presenta pour avoir le treizième, comme Seigneur de Fhéritage : Ruel adjudicataire, soûtenoit qu’il ne luy en êtoit oint dû, puis qu’il avoit été payé du treizième de la vente, et que le contrat étant resolu et acquereur dépossedé, tamquam ex contractu nullo, nulla debebantur laudimia. Le Seigneur répondoit que le premier contrat n’étoit point détruit, au contraire il étoit si valable que fac-quereur avoit sa garantie, et les interests de l’éviction sur son vendeur : et comme s’il avoit acquis un fief l’acquereur en auroit eu tous les profits durant sa joüissance, sans être tenu de les rapporter, il ne pouvoit pas repeter les droits qu’il avoit payez au Seigneur : Le Bailly. d’Alençon avoit ordonné que le Seigneur seroit payé du treiziéme, ce qui fut confirmé par l’Arrest, plaidans Pilastre et Morlet.

La jurisprudence de Paris est contraire.Du Moulin , sur l’Article 78. n. 14. et suivans, avoit tenu que quand l’acquereur êtoit dépossedé par les créanciers du vendeur, si diu non pacifice possedit, et que le vendeur soit insolvable, le Seigneur ne devoit pas avoir le treizième de cette vente qui n’a point eu d’effet, et qu’il luy appartenoit seulement le treizième de la vente par decret ; que toutesfois aliquot annos suo nomine possedit cum lucro fructuum quos restituere non cogitur, nihil orest à Domino repetere. Par la Coûtume de Paris, si l’acheteur d’un héritage est contraint de déguerpir, et de laisser l’héritage pour les dettes de son vendeur, et ce faisant il se vend et ajuge par decret à la poursuite des créanciers, ledit acquereur succede au droit du Seigneur, pour avoir et prendre à son profit les ventes du decret, telles qu’eûr pris ledit Seigneur : ou bien il est au choix dudit Seigneur de les prendre, en rendant celles qu’il a reçûës de l’acquisition première.

Fortin sur cet Article avoit rapporté deux Arrests : Par le premier on avoit jugé que les lots et ventes touchez par un seigneur d’un acheteur, qui avoit déguei py aprés avoir joùi deux ans de l’héritage, ne seroit pas tenu de les rendre : Et par le second que celuy qui avoit déguerpy l’heritage dont il n’a point joui, ne payeroit point les lots et ventes, mais que le Sei-eneur seroit tenu de s’adresser à l’adjudicataire.

Me Ricard prétend que Fortin n’a pas penetré la raison du premier Arrest, vû qu’il ne pouvoit pas y avoir de difficulté, que les lors et ventes ne pouvoient pas être repetez du Sei-gneur en cas qu’il s’en voulût contenter, et s’il n’aimoit mieux prendre ceux de l’adjudication, quand il y auroit eu bien moins de joüissance, l’Article 79. de la Coûtume de Paris le portant en termes exprés : et aussi de prétendre que cet Auteur ait voulu dire avoir été jugé par cet Arrest, qu’en retenant par le Seigneur les droits de la premiere vendition, il avoit encore pû recevoir ceux de l’adjudication, en consequence de cette joüissance de deux années il n’y avoit point d’apparence, dautant que le déguerpissement étant une action comme forcée et non volontaire, le cours du temps n’est pas considérable, particulierement de deux années.

Nôtre jurisprudence est differente. Aussi-tost qu’il s’est fait une véritable mutation de vassal par la possession de l’héritage que l’acheteur a prise, le droit est acquis au Seigneur, et pien que cet acheteur soit dépossedé puis aprés, le delaissement qu’il en fait ne luy donne point l’action pour repeter les droits qu’il a payez au Seigneur, et tant s’en faut le Seigneur n’est pas exclus de les demander, s’il n’en a point été payé et si ce même héritage est vendu et saisi par decret, le Seigneur peut encore demander les lots et ventes de cette seconde venter Car il est vray que par le delaissement ou par la saisie réelle, le contrat demeure resolu pour l’avenir, mais il ne laisse pas d’avoir eu son effet pour le passé. L’acquereur a été fait naître et proprietaire de l’héritage, les fruits qu’il a perçûs tournent à son profit, il en a tous es émoluments : par consequent s’étant fait une véritable mutation de vassal, les droits ont été acquis irrevocablement au Seigneur. Il ne peut les perdre par aprés sans son fait, et l’acnereur doit imputer ou à son peu de prudence, ou à sa trop grande facilité, d’avoir acqui d’une personne insolvable, contre laquelle il n’a point de recours, ni pour le prix principal, ni pour les droits qu’il a payez, ni pour ses interests d’éviction.

Mais, à mon avis, nôtre usage est un peu trop fiscal, et la Coûtume de Paris me semble un peu plus juste par cet expedient équitable qu’elle a introduit. Car si l’acquereur est déposedé, ou s’il delaisse ou déguerpit son acquest, le Seigneur n’est pas précisément tenu de ren-dre et de restituer les ventes par luy reçûës, il n’est pas exclus de les demander s’il n’en a point été payé ; mais cette Coûtume donne un recours à l’acheteur pour les recouvrer, comme subrogé au droit du Seigneur sur le décret de l’héritage qui se fait en suite du déguerpissement, le choix demeurant neanmoins au Seigneur de prendre les ventes de la première cquisition, ou celles du decret, en rendant celles qu’il a euës de la première acquisition. Par Je temperament le Seigneur a toûjours un treiziéme, et il n’a pas sujet de se plaindre si on ne luy en accorde pas un second, lors que le premier contrat demeure sans effet, sur tout ors que l’acquereur n’a pas joûi long-temps ; et de l’autre côté cet acquereur repare en quelque sorte fa perte, lors que comme subrogé au droit du Seigneur il recouvre les lots et ven-tes qu’il avoit payées : même du Du Moulin a crû que l’acquereur perdant êtoit si favorable, que de Seigneur êtoit tenu de luy restituer ce qu’il avoit reçû lors que le vendeur êtoit insolvaple, si l’acquereur n’avoit le moyen de se recompenser par une longue joüissance ; mais il seroit sur Mr Loüet mal-aisé d’introduire cette maxime en cette Province, voyezBrodeau , sur Mi Loüer, l. R. Loyseau n. 2. et sur la Coûtume de Paris, Article 79. etLoyseau , du Déguerpissement, l. 6. c. 3 Tout le monde convient que quand la vente est parfaite, l’acquereur est tenu de payer les lots et ventes au Seigneur : Mais là-dessus on a fait naître des difficultez considérables, si la vente est reputée parfaite avant la tradition, et que la possession s’en soit ensuivie, et si lors que les choses sont encore en cet état, elles sont reputées entières, en telle sorte que les parties uissent impunément changer de volonté, et se départir au préjudice du Seigneur des pactions. dont elles étoient convenuës auparavant : An ex solo contractu venditionis, à quo partes rebus integris, idest nullâ adhuc secutâ traditione recesserunt, Laudimia debeantur a Ceux qui estiment que le contrat de vente a reçû toute sa perfection, lors que les parties ont consenti d’acheter et de vendre, et qu’elles sont convenuës de la chose et du prix, n’estiment pas qu’elles puissent refoudre leur contrat, pour faire perdre à un tiers les droits qui ce luy étoient acquis ; le repentir ou le changement de dessein sont hors de saison lors que lesi choses sont parfaites, et que le changement n’arrive qu’aprés un intervale de temps : On n’a la liberté de se départir d’un contrat parfait, que quand on la fait sur le champ, et c’est seulement en ce cas que l’on peut dire que les choses sont encore entieres. C’est le sentiment de Castre Paul de Castre, d’Alexandre, et des autres Interpretes du droit sur la Loy Jurisgentium, 5. adeâ D. de pact. partes non possunt recedere à contractu in prajudicium illius, cui jus est quesitum, quando ex intervallo recesserunt ; sed si antequam diverterent ad alios actus secis, quia tunc non videretur contractus fuisse celebratus, postquam non habuerunt ipsum pro persecto : et bien qu’il soit vray que le contrat ne tire sa force et son être que du consentement des parties, et que par consequent Il puisse être aisément aneanti par une volonté contraire, cela neanmoins ne peut valoir qu’entre les contractans, et non point lors qu’il s’agit des interests d’un tiers ; parce que, comme disent nos Auteurs, sera est ponitentia, postquam jib alteri jam quesitum est.

On ne peut aussi dire que le contrat ne soit point pleinement parfait et consommé avant la tradition actuelle de la chose et la prise de possession. Car en France les contrats étant translatifs de proprieté, et ces scrupuleuses formalitez du droit Romain pour acquerir la proprieté d’un fonds par la tradition, n’étant plus en usage, il ne reste plus rien pour la perfection d’un contrat, lors qu’il s’y rencontre un consentement, un prix et une chose. Les Docteurs ultramontains ont presque tous êté de ce sentiment

Au contraire on raisonne de cette manière, que les profits feodaux ne sont point dûs s’il n’y a tradition de la chose, et que la possession ne s’en soit ensuivie. On ne peut se prévaloir d’un consentement momentanée, et qui n’a point duré, factum non videtur, quod factum non durat : on peut dire que le consentement seul ne rend pas un contrat parfait, autrement toutes les ventes forcées seroient nulles, le décreté ne les approuvant pas : la Glose et les Interpreres ur. la Loy première de peric. et com. rei vend. disent que pour la pleine perfection d’une vente trois choses sont requises ; la première est la convention ; la seconde, que cette convention soit obligative, et qu’elle force les parties à tenir ce qu’ils ont promis ; la troisième consiste en l’execution, qui est la plus importante et la plus necessaire ; et laquelle ne se fait que par la tradition. La même Gluse, aux Institutes, sur le Tit. unde empt. nous enseigne qu’il y a trois noyens de rendre une vente parfaite ; le premier, lors que les contractans ne peuvent plus refoudre le contrat, auquels ils ont donné leur consentement ; le second, lors que la vente est pure et simple, et sans aucune condition ; et le troisiéme, lors que la chose a été livrée, et alors la vente est pleinement parfaite et consommée. L. quoties de rei vendic. c. et l. si is autem, S. si duobus, ff. de public. La tradition est si absolument requise pour la perfection de la vente, que si une même chose êtoit venduë par deux contrats differens à deux diverses peronnes, celuy qui auroit pris possession le premier seroit preferable, bien qu’il fût le dernier ncqu’ereur.

Ausoi de la Lande sur le premier Article de la Coûtume d’Orléans, et sur le titre de Cens, Article 112. a prouvé par plusieurs raisons, que les profits Seigneuriaux ne sont point dûs s’il n’y a delivrance d’héritages, et que la prise de possession ne s’en soit ensuivie. L’Auteur de la Somme Rurale en fournit une preuve formelle., Tit. des Lors et Ventes, lors qu’il dit que Ventes ne sont duës aux Seignenrs des héritages vendus, et non guerpis ; c’est à dire qui n’ont point été mis en la possession de l’acheteur : en effet quoy qu’il soit vray qu’à l’égard du vendeur et de l’acheteur le contrat soit parfait, lors qu’ils sont convenus du prix et de la chose, et qu’aprés cela le changement de volonté ne soit plus considérable ; néanmoins à l’égard du Seigneur, pour donner ouverture à ses droits, il semble qu’il soit necessaire qu’il se fasse quelque mutation réelle et effective.

La Coûtume de Bourbonnois, Chap. 97. le décide expressément en l’Article 114. qui porte que si l’acheteur se depart de son contrat sur aucune cause raisonnable, comme par l’éviction apparente avant la prise de possession, en ce cas de la vente qui n’a sorti son effet, ne sont dùs lots et ventes.

Du Moulin , en traitant cette question, fait différence entre les Reliefs ou Rachapts, et les lots et ventes : Il estime que le Relief n’est point dû avant une véritable et réeue tradition de la proprieté, et cela est sans difficulté, vû que la Coûtume dispose en l’Article 163. que le selief n’est dû que par le decez ou mutation de vassal : mais pour le quint ou les lots et ventes, qu’ils sont acquis au Seigneur feodal par la simple vente, sans aucune tradition de la choseMolin . de feudis. S. 35. Glos. 1. num. 2. et. sed.

C’est aussi le sentiment de Coquille ; Tit. des Fiefs, Article 21. de la Coûtume de Nivernois.

Mr d’Argentré a fortement combatu cette opinion de laudim. c. 1. 4. 2. etChopin , sur la, lib. 1. Tit. 2. num. 9. et Coûtume de Paris laLande , au lieu que j’ay cité, soûtient que si l’acheteur avant la tradition revend l’héritage à un autre, et que par aprés en ayant été mis en possession, il en fasse la delivrance au second acquereur, il n’en est dû qu’un seul profit, parce qu’il n’y a qu’une feule vendition offective

Pour décider exactement cette question, il faut considèrer la disposition de chaque Coûtume lors que les lots et ventes sont dûs à cause de la mutation de vassal. Il est sans doute que les treizièmes ne peuvent être demandez d’une simple vente qui n’a point eu d’effet, et de laquelle les contractans se sont départis, les choses êtans entières, c’est à dire avant la tradition et la prise de possession. La raison est que la seule mutation de vassal donnant ouver-ture aux profits feodaux, quand la vente n’a point été consommée par la tradition de la choses et qu’elle n’a point sorti son effet, et l’ancien possesseur étant toûjours demeuré en possession, on ne peut dire qu’il se soit fait aucune mutation.

bi la Coûtume dispose au contraire que les lots et ventes soient acquis au Seigneur par la seule vente, cela suffit pour autoriser l’action du Seigneur ; c’est la doctrine de Petrus Fabers Institutes sur la l. 5. 8. sed quia nomina comm. de leg. et deJoannes Faber , sur les Institutes, Tit. de empt. et vendit. laquelle est approuvée parPontanus , sur la Coûtume de Blois, Article 84. et suivans, de obventionibus feudalibus.

Suivant cette doctrine, il ne faut plus qu’examiner la cause pour laquelle nôtre Coûtume ajuge le treizième au Seigneur, si c’est à cause de la vente seule, ou pour le seul sujet de le mutation du vassal.

Si l’on s’attache aux paroles de cet Article, il y a lieu de présumer que le treizième est dû à cause de la vente feule, car il porte que le treixième est dû, si le fief est vendu à prix d’argent.

Il suffit donc qu’il soit vendu à prix d’argent, pour donner ouverture à ce droit.

Si la Coûtume n’avoit pas eu cette intention, et qu’elle n’eûr ajugé les lots et ventes aux Seigneurs qu’en cas que la vente eût été pleinement executée par la prise de possession et par le changement de vassal, elle s’en seroit expliquée de la même manière qu’elle a fait en l’Article 163. pour les reliefs, où elle dispofe que les reliefs ne sont dûs que par la mort ou mu-ation de vassal, elle auroit dit que par la vente du fief et mutation de vassal le treizième seroi dû au Seigneur ; mais n’ayant parlé que de la vente, cela suffit pour donner ouverture aux profits de fief

On sçait d’ailleurs que ces droits n’ont été accordez aux Seigneurs que pour obtenir d’eux a liberté de vendre, c’est donc la vente qui donne lieu au treizième Mais on répond qu’il est vray que sans vente il n’est point dû de lots et ventes, mais que cela se doit entendre d’une vente parfaite et pleinement consommée, et comme parle ce sçavant Praticien François, Joannes Faber sur le titre de empt. et vendit. aux Instit. requiritur actus persectas et consummatus omni consummatione ce qui ne peut être que par la tradition, aquelle emporte la mutation de vassal. Aussi ce changement de vassal est la véritable cause qui donne droit au Seigneur de demander les lors et ventes, et c’est par ce seul motif qu’il luy a été accordé ; car le Seigneur pouvant souffrir du préjudice en changeant de vassal, il a fallu le desinteresser, et luy faire un present pour agréer ce nouveau vassal qui luy étoit presenté.

Il est donc vray de dire que par un usage general de la France l’on ne doit pas simplement un treiziéme, parce que l’on a vendu, mais parce que l’on donne un autre vassal au Seigneur : sans tradition et sans prise de possession, ne se faisant point de mutation la cause essentielle de ce droit cesse entièrement, car à proprement parler une chose n’est point reputée venduë ou alienée sans tradition, l. alienatione, D. de verbor. signific. Ainsi lors que les choses sont entières, c’est à dire lors qu’il n’y a point de mutation, les contractans ont la liberté de se départir de leurs pactions.

Pour concilier ces opinions il me semble que si le contrat a subsisté quelque temps, et qu’aucune cause raisonnable ou empeschement legitime n’en ait empesché l’execution, et que la resolut ion en soit entièrement volontaire, les contractans ne le peuvent refoudre au préjudice du Seigneur, fionobstant le defaut de tradition, parce que nos contrats sont translatifs de proprieté : mais lors qu’incontinent aprés la vente, et avant qu’il se soit rien fait en execution du contrat, les contractans changent de sentiment, et comme ces droits sont ordinairement peu favorables, il n’est pas raisonnable d’ôter aux contractans la liberté de renoncer à ce qu’ils ont fait.

Mais, dira-t-on, jusques à quel temps étendrez : vous cette liberté de resoudre un contrat parfait ; il semble que cela se doit faire sur le champ, et avant que les parties se soient leparées, in continenti & antequam ad alios actus diverterint ; quando autem dicaiur in continenti recessum notar Alexander ad l. juris gentium. 5. adeb de pactis, et adhuc plenius ad l. bonae fidei eodCe terme seroit trop court, à mon avis, et on le doit étendre et limiter selon les circonstances particulières ; car pour peu que la cause qui porte les parties à la resolution de leur contrat avant la prise de possession soit raisonnable, j’estime qu’une telle vente ne doit produire aucun profit de fief.

Puisque tous les Docteurs conviennent qu’aprés la prise de possession les choses ne sont plus entieres, et que par la resolution volontaire du contrat les droits acquis au Seigneur ne cessent point d’être dûs, peuventeils être aussi demandez nonobstant cette tradition, si le vendeur par e defaut de numeration du prix rentre en la possession de son héritage : et même le Seigneur ne era-t-il point bien fondé à prétendre un nouveau droit de cette reprise de possession, comme étant une nouvelle vente

Ces difficultez se décident par ces distinctions, ou le proprietaire a vendu sous cette condition. d’être payé comptant, ou dans un temps préfix, mais sans aucune clause, et qu’à faute de payement le contrat demeureroit resolu et de nul effet ; ou le contrat contient la clause commissoire, ou bien le vendeur a constitué le prix en rente, ou a pris d’autres choses en payement.

Quand le propriétaire a vendu sous cette condition d’être payé comptant, ou dans un temps. préfix sans aucune clause commissoire, il est tenu de payer le treizième de cette premiere vente, mais il n’en doit pas un nouveau pour reprendre la possession de son fonds ; la Coûtume d’Orléans, Tit. de Cens, Article 112. le décide expressément, si l’ucheteur d’un héritage censuel, qui n’a payé le prix de la vente, se depart de son achapt, et le vendeur reprend l’héritage, au Seigneur censier en sont duës les ventes pour la premiere vendition. C’est aussi le sentiment de duDu Moulin , sur le S. 22.

Glos. 1. n. 20. Tit. des Fiefs : Quando contractus non erat hinc inde impletus, puta pretium non erat olutum, licet res effet realiter tradita, tunc quamvis non possent ponitere, nec distrahere etiam per actus retro similes in prajudicium juris jam firmati et adquisiti Patrono, tamen respectu juris futuri & querendi ex novo contractu possunt ponitere, non de novo contrahendo et recedendo à prima reenditione per actum retro similem. Cette reprise de possession ne doit pas être considérée comme ane revente, mais comme la dissolution de l’autre vente, est verè distractus, potius quam contractus. si le contrat contient la clause commissoire, et qu’il soit expressément stipulé qu’à faute de payement, le contrat demeurera nul et sans effet, il n’y a point d’ouverture aux profits de fief, soit pour la gente, soit pour la reprise de possession ; la raison est que la clause commissoire ayant un effet resolutif, facit venditionem haberi pro infecta, et contractum cui adjicitur, re-solvir, et causam ad non causam reducit, l. 2. D. ad leg. Commis. Si la partie principale ne peut voir la chose, ni faire subsister le contrat, il n’est rien dû au Seigneur en consequence d’un Castre contrat qui devient nul de plein droit. C’est le raisonnement de Paul de Castre et d’Alexandre, sur la Loy, qui Roma. 8. Flabius Hermes, ff. de verbor. oblig. Si jus aliquod debetur tertio, non potest illi acquiri, antequam fuerit acquisitum partibus principaliter contrahentibus Mais quand le vendeur a fait credit à l’acheteur, ou qu’il a constitué en rente le prix de la vente, ou qu’il a pris quelque chose en payement, s’il reprend la possession de son fonds, ce ne peut être par une resolution annullative du premier contrat, et par consequent la reprise de possession doit être considérée comme une nouvelle vente, ce qui est conforme à la I. qui ea lege, C. de pact. inter vendit. et empt. où l’Empereur dit que celuy qui a vendu à cette condition que s’il n’étoit point payé dans le temps préfix, il retourneroit en la possession de son héritage, rei vendicationem non habet, sed actionem, c’est à dire qu’il ne peut agir par la voye propriétaire, mais par une action personnelle qui resulte du contrat.

Il est vray qu’en cette Province par une jurisprudence nouvelle, le vendeur d’un héritage. n’est plus tenu d’agir par la voye hypothecaire et par la saisie réelle, et pour le payement des rentes qui luy sont dûës pour la vente du fonds, et qu’il peut demander à rentrer en possession lors qu’il n’est point payé des arrerages, mais on n’a pas jugé qu’en ce cas il ne soit point dû de nouveaux droits. Car en effet c’est une véritable revente, et le renvoy en possession ne end pas le premier vendeur si absolument maître de l’héritage, que les creanciers ne le pussent deposseder en le remboursant de sa dette, ou en luy donnant bonne et suffisante caution de le faire payer avant les frais du decret : et lors que l’on a dispensé le vendeur d’agir par la saisie réelle, ce n’a été que pour épargner les frais qui sont souvent si grands qu’ils consument le prix de la chose ; et l’on peut ajoûter que luy restant encore un droit réel et privi-legié sur la chose, il étoit équitable de luy accorder une action réelle et foncière, cela ne se peut faire au préjudice du Seigneur, puisqu’il trouve un nouveau vassal en la place de l’ancien, et comme ce nouveau vassal ne pourroit pas s’excuser de faire la foy et hommage, et de bailler un nouvel Aveu sans pouvoir se prévaloir de la foy et hommage, et de l’Aveu qu’il auroit autrefois baillé, par la même raison il y a ouverture à de nouveaux droits de fief.

C’est une maxime en droit que le contrat de vente n’est pas resolu, bien que l’acheteur n’en accomplisse pas les conditions, non ex eo quod emptor non satis conditioni fecit, contractus irritus statuitur, l. ea conditione 14. C. de resc. vendit. Le vendeur n’a qu’une action qui peut l’y obliger versecutionem tantum pecuniae, non rei vindicationem habet, l. quidam fundum, l. D. de rei vendit.

I. qui ea lege, C. eodem.

Aussi conformément à la disposition du droit, on l’avoit toûjours pratiqué de la sorte ; le vendeur ne pouvoit reprendre la possession de son héritage, et pour être payé il étoit tenu d’agir par la voye hypothecaire, non seulement contre un tiers détenteur, mais même contre l’acquereur ; et sans doute dans la rigueur de droit cela êtoit raisonnable, dautant que le vendeur s’étoit entièrement dessaisi de la proprieté du fonds ; que si on luy a facilité la voye de se faire payer en rentrant en ces droits, cela doit être sans faire préjudice aux droits feodaux.

Je prens de-là occasion de proposer une question importante, qui nait aussi d’une jurisprudence nouvellement établie par les Arrests de la Cour. Ila été jugé par quelques Arrests, et notamment par celuy du 4 de Mars 1672. donné en l’Audience de la Grand. Chambre, entre Georges de Carvoisin, sieur de Sassey, appelant, et François de Dardey, sieur de Loubert, Jacques Carrel, sieur de Preaux, et autres intimez, que quand le fief, qui compose tout le patrimoine u pere, est saisi réellement et decreté, les enfans ne peuvent avoir leur tiers en essence, mais seulement en deniers, et qu’il est à leur choix de le prendre, ou sur le pied de l’adjudication, ou sur la vraye valeur, suivant l’estimation qui en sera faite par Experts.

De-là naissent ces deux difficultez, si le treizième est dû pour la vente de ce tiers, et par quelles personnes il doit être payé : Comme ce n’est à proprement parler une vente, mais un iccommodement favorable que l’on permet pour l’interest des créanciers, il n’est pas raisonnable que le seigneur en profite, puisque cessant cet ajustement le tiers du fief n’eût pas été vendu, et les enfans auroient pris leur tiers en essence, et comme par cet ajustement le fief n’étant oint divisé, il est porté à sa juste valeur, le Seigneur y trouve son avantage en ce point, que bien que son droit ne luy soit point payé, néanmoins par les encheres qui ont monté plus haut les lots et ventes sont plus grands, que si le tiers avoit êté donné en essence aux enfans On en doit user comme dans les licitations ; celuy qui paye à son coheritier sa part en argent est en affet un véritable acquereur et cependant cela ne se faisant que par la necessité d’un partage et pour éviter les incommoditez d’une division, on donne à ces actes le titre et la tondition de partage, plûtost que de vente : par la même raison il n’est point dû de lots et rentes pour cette vente qui se fait du tiers du fief, puisqu’elle n’est faite que pour éviter les nconveniens d’une division, et que c’est une vente subrogée à un autre, et dont par consequent elle doit tenir la nature

Plusieurs celebres Docteurs, suivant l’observation dePontanus , sur l’Article 112. de la Coûtume de Blois, ont soûtenu cette opinion, qu’il n’est point dû de lots et ventes des ventes necessaires et forcées, parce que ce ne sont point de véritables ventes, la condition la plus essentielle, à sçavoir le consentement du vendeur ne s’y rencontrant pas, on peut dire à plus sorte raison que l’ajudication du tiers qu’il falloit delivrer en essence aux enfans ne peut être reputée une vente, puisqu’elle est faite contre le gré des enfans, et que le prix de l’adjudication n’est point celuy qu’il leur faut payer, s’il ne leur plaist, mais le prix de la vraye valeur ; ainsi le consentement et le prix manquent en cette vente.

Et lon ne peut s’aider en cette matière de la réponse que l’on fait pour excuser le defaut de consentement pour les ventes forcées, et les adjudications qui se font en Justice, qui est que les ventes judiciaires ne laissent point d’être volontaires, par cette raison que le debiteur avant contracté volontairement, la vente que l’on fait de son bien pour l’obliger à payer sa dette ne peut être reputée forcée, parce qu’il est tenu d’executer les promesses qu’il a faites volontairement. Argumento, l. in commodato, 5. sieut, D. de commodato. Or la vente du tiers est entièrement involontaire et forcée ; les enfans n’ont rien promis aux creanciers de leur pere, il ne s’agit point de leur fait, et ils ne doivent rien à ceux qui decretent leur tiers ; cu n’est donc à proprement parler qu’une licitation fondée sur le préjudice notable qu’un partage apporteroit aux creanciers.

On peut répondre pour le Seigneur que ces raisons sont valables en faveur des enfans ; il ne seroit pas juste que sur les deniers qui leur reviennent pour la vente de leur tiers on leur it payer le treiziéme, les frais du decret et le droit de consignation. Mais à l’égard du Seigneur puisque le fief est vendu en son integrité, et qu’il se fait une mutation parfaite de vas-fal et de proprietaire, il n’y a point de pretexte de luy contredire le treizième entier ; il suffit aux creanciers d’avoir l’avantage que le fief n’ait point été divisé, et que par ce moyen il ait été vendu à plus haut prix

En execution de l’Arrest du sieur de Sassey, dont je viens de parler, on proceda à l’adjudlication du fief entier de Sassey, qui ne se monta qu’à quarante-sept mille cinq cens livres Le sieur de Sassey, fils, fit estimer la terre entière à soixante et quinze mille trois cens livres ; il luy falloit pour son tiers coûtumier vingt-cinq mille cent livres ; mais le Siege d’Evreux l’avoit reduit à vingt mille deux cens livres, parce qu’il avoit ordonné que les frais du decret, défalcations, treiziéme, et rentes foncieres seroient pris par privilege, et avant toutes choses, et que les dettes anterieures du mariage seroient colloquées en suite : Sur l’appel du sieur de Carvoisin, par Arrest du 9 d’Aoust 1675. la Cour mit l’appellation, et ce dont êtoit appelé, lu neant, et en reformant ordonna que sur la somme de quarante-sept mille cinq cens livres, prix de l’ajudication au profit commun, de la terre de Sassey, ledit Georges de Carvoisin seroit payé de la somme de vingt-cinq mille cent livres pour son tiers, suivant l’estimations ur laquelle somme on prendroit le tiers des défalcations jugées pour les rentes seigneuriales et foncieres, et le tiers des dettes ainées du mariage dudit de Carvoisin pere, et les deux autres tiers ur le restant du prix de l’ajudication, et les frais du decret et treiziéme, parce qu’en cas que e surplus du prix de ladite ajudication ne fût pas suffisant pour payer les deux autres tiers des dettes ainées, elles seroient payées sur le tiers de ladite somme de vingt-cinq mille cent livres jugée audit de Carvoisin fils, en sorte que ladite somme ne puisse être diminuée, ni qu’elle contribué en aucune façon aux frais du decret, droits de consignation, et treizième qui seront payez par les créanciers qui ont soûtenu que le tiers devoit être decreté au sols la livre de leurs credites

Cet Artest décide plusieurs questions considérables, premierement on ajuge le treizième de toute fajudication ; mais il faut remarquer que l’on n’agita point la question, si le treizième étoit dû pour la vente du tiers qui appartenoit aux enfans. On ne forma point de contestation sur ce point, ni en la Cour, ni devant les Juges des lieux, les créanciers n’ayant point pensé à le contredire, de sorte qu’il est vray de dire que cette question est encore entière.

En second lieu il fut ordonné que le treiziéme, les frais du decret, et le droit de consignation seroient pris sur les deuxautres tiers, et non point sur le tiers qui revenoit aux enfans : en effet il n’eût pas été juste que les enfans que l’on forçoit de prendre leur tiers coûtumier en deniers pavassent les frais du decret, le droit de consignation, et le trelzième.

Et en troisième lieu l’on jugea que les creanciers qui auroient pû être payez sur les deux tiers ne dûssent point contribuer à ces frais-là, mais qu’ils devoient être portez par les créanciers qui avoient soûtenu que le tiers devoit être vendu au sols la livre de leurs creances Il faut maintenant parler des ventes qui ont eu leur parfaite execution, mais qui depuis ont été resoluës et renduës inutiles, les choses étant retournées en la main du vendeur : si la récision est fondée sur une cause ancienne et inherente au contrat, et qu’elle ait pouvoir de refoudre et d’aneantir l’alienation dés son principe non seulement E treizième n’est point dû, mais le Seigneur même est tenu de repeter ce qu’il a touché, ex condictione causa data, causa non secuta, parce qu’il n’y a jamais eu de véritable mutation de proprieté, et res ad non causam reducitur.

Cela arrive lors que la vente est cassée par lettres de restitution en entier, pour cause de minorité et de lesion d’outre-moitié de juste prix, ou en vertu d’une clause commissoire, ou autres espèces semblables : nedum in venditione ipfo jure nullâ, sed etiam in venditione validâ, sed oostea rescissa.Molin . de feud. 5. 22. n. 9.

Les plus celebres Interpretes du Droit ne s’accordent pas sur la récision qui est fondée sur la déception d’outre-moitié du juste prix. Les uns soûtiennent que les lods et ventes en sont dûs, les autres sont d’une opinion contraire.

Ils conviennent tous du principe, que lors que la resolution du contrat est volontaire elle n’ôte point au Seigneur le droit qui luy étoit acquis, et qu’il ne le perd que quand la resolution procede d’une cause necessaire. Mais la difficulté tombe sur ce point, si en ce cas la resolution est volontaire ou forcées Barthole en plusieurs endroits de ses Geuvres la repute volontaire, in l. si res quibus mod. pign. vel hpoth. Sol. et l. si ex duobus. 5. idem Marcellus D. de in diem addict. et l. in dimi. de aquae plu. aut D. Il en rapporte cette raison que l’acheteur a cette faculté de pouvoir faire subsister son contrat en suppléant le prix. Or on ne peut point dire que la récision d’un contrat soit involontaire et forcée, lors que l’acheteur peut, s’il le veut, se maintenir en la possession de la chose venduë. Ce qui est si véritable que les creanciers ausquels il auroit engagé se fonds ne perdroient pas leur hypotheque.

L’opinion contraire a prévalu, bien que l’acquereur puisse retenir le fonds, en suppléant le juste prix ; toutesfois par la nature du contrat il luy est permis, ou d’abandonner le fonds, ou de suppléer la juste valeur. C’est pourquoy l’on considere plûtost la nature de l’action qui end pour revoquer le contrat, et pour recouvrer la chose, que cette faculté que l’on donne à l’acquereur de pouvoir suppléer le juste prix, et pour user des termes des Docteurs, restitutio est tantùm in obligatione, suppletio vero pretii in solutione, seu solvendi potestate. Si l’acquereur consent de suppléer le prix, il doit le treizième de supplément aussi-bien que du prix principal ; mais s’il remet l’héritage au vendeur, bien que la vente semble être parfaite et efficace, puisqu’elle n’est resolué que par la seule volonté de facheteur, qui pouvoit conserver la possession de l’héritage, en suppléant le juste prix de l’héritage, les lods et ventes ne sont point dûs. Que si la récision n’a pas un effet retroactif, et qu’elle annulle seulement le contrat pour le temps avenir, comme il arrive aux contrats à faculté de remere, en ce cas il est dû profit de la vente, mais le rachapt en est franc et libre. En un mot si le contrat êtoit declaré nul, les droits de vente n’en seroient pas dûs, et par cette raison si le Seigneur les avoit reçûs, il seroit tenu de les restituer, si contractus declaretur invalidus vel retro nullus, Patron as tenetur restituere quia apparet ex ventu non debitum recepisse.Mol . de feud. 5. 22. n. 33. 8. 55. gl. 1. n. 15. et sed. Arg. de Laudimiis S. 17. in fine.

La nullité d’un contrat peut proceder de plusieurs causes, ou de la qualité de la personne, ou de la nature, et de la condition de la chose, ou pour avoir été fait par force et par violence. La nullité du chef de la personne procede de son incapacité de pouvoir contracters comme les insensez, les furieux, et les enfans ; le Tuteur du bien de son Pupille ; et le Prelat du bien de son Eglise. Il y a nullité à l’égard de la chose, lors qu’elle ne tombe point dans le commerce, ou dont l’alienation est prohibée, et là-dessus Mr d’Argentré , de laud. S. 17. établit cette regle que quoties contractus nulli sunt ob inhabilitatem personae, vel rei, lex in totum cum suo effectu annullat. Mais quand la nullité n’est fondée que sur le dol ou la violence, le defaut peut en être effacé par le temps, lors qu’on n’en poursuit point la restitution dans les termes fataux.

Nous avons expliqué la question, si aprés le delaissement que fait l’acheteur, l’héritage étant decreté, le Seigneur peut demander doubles lods et ventes : On peut former cette autre question si la vente étant faite à condition de decret pour purger les hypotheques, il sera dû deux treiziémes, l’un de la vente, et l’autre du decret : Nous suivons la regle établie par l’Article 84. de la Coûtume de Paris, si aucun achete héritage à la charge qu’il sera ajugé par decret, ou bien si l’acheteur pour purger les hpotheques le fait decreter, et acheteur est ajudicataire, n’est dû qu’un seul droit de quint ou de vente, tant pour le contrat d’acquisition que le decret. Il est toutefois au choix du Seigneur de prendre lesdits quints ou ventes, selon le prix du contrat ou de la vente.

Quoy qu’il semble par cet Article qu’il ne soit dû qu’un treizième que quand l’acheteur même est ajudicataire, il ne faut pas neanmoins en conclure qu’il soit dû doubles lods et ventes lors qu’un tiers est ajudicataire, car non seulement cela n’auroit pas lieu parmy nous, mais aussi il ne se pratique pas à Paris ; Ricard l’a remarqué sur l’Article 84. Sur ce sujet ce même Auteur distingue fort bien ces trois espèces. La premiere, au cas que la vente volontaire soit faite purement, et sans aucune condition ni clause de pouvoir decreter ; car pour lors si l’acquereur pour purger les hypotheques faisit sur soy les héritages, et il ne se rend pas ajudicataire, le pouvant faire il sera dû doubles droits, parce qu’ayant été en son pouvoir de se conserver l’héritage et ne l’ayant pas fait, il est vray de dire qu’il s’en est dessaisi volontairement, et cela doit passer pour une seconde vente. La seconde espèce, lors que la vente volontaire est faite à condition de faire passer lhéritage par decret, avec promesse de faire demeurer Iacquereur ajudicataire pour une certaine somme, et pour lors y ayant translation actuelle de proprieté les droits en sont dûs et peuvent être exigez par le Seigneur ; sed revocabiliter, en cas que facquereur ne puisse demeuter ajudicataire pour la somme convenuë ; de sorte qu’en ce cas le Seigneur ne peut prétendre qu’un droit de ces deux ventes, dautant que la premiere étant conditionnelle, et la condition n’étant point avenuë, cette vente demeure resolué par une clause seinherente au contrat qui le reduit à neant : en cette espèce néanmoins la demande du Seigneur seroit prematurée, s’il vouloit être payé de son treizième avant l’ajudication ; car l’acquereur n’étant pas assuré que son contrat ait son effet, et qu’il demeure ajudicataire, il ne seroit pas juste qu’il avancât des lods et ventes pour les repeter aprés un decret qui dureroit long-temps, et la vente n’étant faite qu’avec la condition de decret il n’y a point lieu à l’action du Seigneur vant l’ajudication par decret. Il fut jugé de la sorte en la Chambre de l’Edit, au Rapport de M Jubert, le mois de Juillet 1644. contre Estienne du Vivier, Ecuyer, sieur de la Roche, et du Hamel, sieur de Cotun, l’acqueteur n’ayant qu’un-titre revocable, et pouvant ne demeurer pas propriétaire. Le Seigneur doit attendre que son titre luy soit confirmé, suivant cela M’d’Argentré a resolu que si solutio pretii dilata sit ante diem solvendi protii, laudimia exigi nion posse : quia dies et dilatio pars est diminutiva pretii, & consequenter contractùs : Itaque non ante diem debentur laudimia, quam terminus in contractu prefixus venorit, et si plures sint pro ratâ debentur, Art. 64. La troisième est quand le contrat volontaire ne porte pas une vente absolie, mais seulement une convention que l’acquereur donnera une certaine somme de l’héritage, à la charge de se rendre ajudicataire par le decret qui sera fait de l’héritage pour le prix stipule, et pour lors ce contrat n’étant proprement qu’une promesse nuë sans tradition, et même sans vente actuelle, le Seigneur n’en peut demander aucun droit, non pas même comme au cas de la seconde espèce lors que cette ajudication est en suspens, et avant qu’elle soit faite, de sorte qu’en ce cas les droits ne seront dûs au Seigneur qu’aprés Pajudication. C’est de ce jour qu’ils sont dus au Seigneur, et non simplement du jour de l’ordre et de la distribution des deniers, et c’est pourquoy il fut jugé par un ancien Arrest du 22 de Decembre 1552. que celuy qui étoit Receveur au temps de l’ajudication auroit le treizième au préjudice de celuy qui l’étoit lors de l’ordre et de la distribution des deniers. Il fut aussi jugé, au Rapport de Mr de Brinon, le mois de Decembre 1653. qu’un héritage avant été vendu à la charge de decret, et le decret commencé, quoy que depuis il eût été continué par un autre creancier, il n’étoit dû qu’un treizième.

Si aprés l’ajudication faite l’ajudicataire ne consigne pas les deniers, et que l’héritage soit proclamé à sa folle enchere, on demande si le Seigneur pourra demander doubles lods et ventes, comme de deux ajudications :Brodeau , sur sur M. Loüet, l. R. n. 2. rapporte des Arrests qui ont jugé contre l’opinion deCharondas , sur l’Article 84. de la Coûtume de Paris, que doubles lods et ventes sont dûs au Seigneur, tant pour la premiere que pour la seconde ajudication, parce que c’est une éviction procedante de la faute de fajudicataire, et suivie d’une seconde a judication qui n’a pû apporter aucun préjudice au Seigneur, ni le frustrer d’un droit qui luy toit acquis par la premiere ajudication. Il apporte neanmoins cette restriction que cela n’auroit tieu, sinon au cas que le premier ajudicataire fût solvable, autrement il se commettroit : tous les jours des fraudes et des supercheries par linterposition de gens de neant, que les Seigneurs ou leurs Receveurs feroient rendre ajudicataires pour multiplier leurs droits, et y obliger à chose saisie.Ricard , sur l’Article S4. de la Coûtume de Paris, estime que doubles lods et ventes seroient dûs, si faute par l’ajudicataire d’avoir consigné ses deniers, lhéritage étoit revendu à sa folle enchere.Godefroy , sur cet Article, est de ce fentiment, ce qui me semble fort injuste, non seulement par la consideration des abus et des supercheries qui se commettroient tous les jours par linterposition des gens de neant, mais principalement par cette raison que fajudication n’est point parfaite que par la consignation du prix, et qu’au defaut d’icelle cet ajudicataire n’a jamais été proprietaire, et il ne le devient que par l’envoy en possession, que de Juge ne prononce qu’aprés qu’il luy est apparû de la consignation, et bien qu’il soit obligé personnellement aux creanciers, il ne l’est point au Seigneur n’ayant jamais été son vassal, et ne le pouvant devenir qu’aprés ces deux actes, qu’il soit ajudicataire, et qu’il ait obtenu son envoy en possession, avant lequel les fruits ne luy sont point acquis, Nous sommes si éloignez de cette jurisprudence qu’il a même été jugé par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 27 de Juillet 1638. contre le Receveur du Domaine d’Alençon et le Procureur du Roy, que le treizième n’étoit point dû de la folle enchere, et qu’elle seroit distribuée toute entiere au profit des creanciers, parce que ce n’étoit qu’une peine, et qu’elle ne faisoit pas partie du prix ; plaidans Lesdos pour les creanciers, et Carué pour le Receveur du Domaine. Il y a des Arrests sur l’Article 584. touchant les treizièmes des encheres au profit particulier.

IlI arrive souvent qu’on emprunte le nom d’autruy pour se rendre ajudicataire, en ce cas il n’est dû qu’un seul droit, si celuy qui s’est rendu ajudicataire cede son droit à un autre, et qu’il en fasse sa declaration : la difficulté consiste à sçavoir en quel temps cette déclaration doit être faite pour éviter les doubles lods et vontes. Ricard ; Article 84. de la Coûtume de Paris, dit que si elle n’est pas faite incontinent, mais aprés un intervalle considérable, et que l’ajudicataire se soit mis en possession, en ce cas il est dû double droit, et il rapporte les Arrests du Parlement de Paris qui l’ont jugé de cette maniere, conformément à cet Arrest, on le jugea sur ce fait. Au decret du fief de Tessi, du Châtel s’étoit rendu ajudicataire de quelques rotures, tant à son profit particulier qu’au profit commun ; il consigna ses deniers, et prit possession qu’il continua pendant une année

Depuis il fubrogea son droit au sieur de Cleronde, qui s’obligea de faire tenir lordre en son lieu et place, se réservant neanmoins à se presenter pour son enchere particulière ; ce qui êtoit considérable : Me Pierre Bunel, sieur des Isles, Lieutenant criminel à Bayeux, soûtint que cette subrogation étoit une véritable vente, dont le treiaième luy êtoit dû. La cause portéé en l’Audience de la Cour, je difois pour luy que du Châtel, ajudicataire, ne pouvoit avoir prété son nom au sieur de Cleronde, ayant luy-même consigné ses deniers, et en cont sequence obtenu son envoy en possession, qu’il avoit prise, et dont il avoit joui durant une sannée, qu’on ne pouvoit douter qu’il ne fût ajudicataire en son nom, aprés avoir enchert à son profit particulier, ce qui n’étoit permis qu’au creancier du decreté, ce que le sieur de Cleronde n’étoit pas, que la fraude de cetté déclaration êtoit apparente, en ce qu’il s’étoit reservé à se faire paver de son enchere au profit particulier ; autrement il y auroit eu deux aju-dicataires d’une même chose ; l’enchere au profit particulier ne pouvoit être demandée que par un seul ajudicataire, qu’on pouvoit bien prêter son nom et encherir pour un autre, mais en ce cas il faut passer une declaration au profit de ce tiers avant l’ordre et la distribution des deniers ; mais l’ajudicataire a consommé l’acte en son entier, tant par la consignation des deniers que par la prise de possession, la subrogation qu’il fait en suite est une véritable et nouvelle vente. La cause fut appointée au Conseil, et depuis par Arrest du 9 de Fevrier 1é65 au Rapport de Mr Brice, le treizième fut ajugé au sienr Bunel. C’est un usage en cette Province, que pour éviter un double droit, il faut passer la déclaration avant l’ordre On a disputé cette question, si l’acquereur qui par son contrat étoit chargé de payer le treigième pouvoit être poursuivi personnellement sur tout, étant dépossedé de son acquisition.

Un particulier avoit acquis à charge de payer le treiziéme, quoy que cet hérltage eût été saisi éellement, le Receveur de Preaux fit condamner cet acquereur au payement du treizième, e dont ayant appelé, Maurry, son Avocat, soûtenoit que n’ayant point contracté avec ce Receveur, il ne pouvoit être condamné personnellement, que la sûmission portée par son contrat e n’étoit qu’entre son vendeur et luy ; ainsi le Seigneur n’avoit qu’une action réelle, pouvant seulement faire fsaisir les fruits : mais il ne pouvoit agir personnellement contre l’acquereur qui d’ailleurs d’étoit pas obligé de payer le treizième d’un héritage dont il étoit dépossedé.

Lyout pour le Receveur, répondoit que l’obligation où il s’étoit engagé de payer le treizième produisoit contre luy une action personnelle, de la même manière qu’on peut poursuivre ut acquereur de payer une dette quand il en a été chargé, que la saisie réelle n’étoit point considérable, autrement ce seroit une voye fort aisée de se liberer ; par Arrest du 8 d’Aoust 1656. on mie sur l’appel hors de Cour et Procez

e n’est plus une question douteuse en cette Province que les lods et ventes sont dus de la vente faite à condition de remere, mais il n’en est point dû quand le rachapt se fait en vertu de cette faculté, quand elle est executée dans le temps qu’elle dure, quia potius distractus est quam contractus. Ces deux pomts sont nettement décidez par l’Article 12. de la Coûtume d’Orléans. La Coûtume de Blois, Article 83. porte que les lods et ventes ne sont point dus d’une vente à faculté de rachapr, quand elle est faite à moindre temps que de neuf ans.

MaisPontanus , sur cet Article, a dit que sanior pars Doctorum putat deberi ; quem vide. Or nous ne suivons point le sentiment de Brodeau sur l’Article 23. de la Coûtume de Paris, n. 16. que pour la faculté de remere, au dessous de neuf ans, executée dans le temps de la grace non prorogée, ne ont dûs quints ni autres droits Seigneuriaux ; car soit que la faculté de rachapt soit limitée à un certain temps, ou indéfinie, les droits sont dûs aux Seigneurs.

Le sieur de Grosfi avoit vendu un héritage avec faculté de rachapt pour sept ans : sur la demande qui luy fut faite du treizième il y fut condamné, dont ayant appelé, Morlet, son Avocat, faisoit distinction entre les facultez de remere qui étoient au dessus de neuf ans, et disoit que de ces engagemens il en êtoit dû treizième, mais quand la faculté de remere êtoit au dessous de neuf ans il n’en êétoit point dû, s’aidant de l’Article de la Coûtume, qui porte que les baux au dessous de neuf ant peuvent être retirex. VoyezGodefroy , pag. 388. Laloüel, pour l’intimé, soûtenoit qu’on ne devoit point chercher la décision ailleurs que dans nôtre Coûtume, en l’Article 193. qui porte que les acheteurs sont tenus de faire la foy et hommage, bailler Aveu, et faire payer tous droits Seigneuriaux, encore que par le contrat il y ait condition de rachapr. La Coûtume ne distinguant point si cette faculté est au dessus ou au dessous de neuf ans, et que cette question avoit été jugée par plusieurs Arrests, par Arrest en la Grand : Chambre du 7 de Mars 1651. la Sentence fut confirmée

Nous ne suivons point aussi lopinion dedu Moulin , Article 33. n. 30. qui estime que si le vendeur vend à un autre la condition qu’il avoit retenuë, il n’en est rien dû au Seigneuru ontraire, suivant l’opinion de Mr d’Argentré , nous pratiquons que le treizième est dû de la vente de la condition, quand elle est exercée, nam ipsa per se cessio locum non faceret laudimiis sine redemptione : Mais il n’est point dû de droits du rachapt qui se fait en vertu de cette condition.

La Coûtume de Nivernois, Article 23. Tit. des Fiefs, est dure et rigoureuse par le sentiment de Coquille même, en ce qu’elle veut que d’un contrat de vente à faculté de rachapr il en soit dû quint, et que si l’on rachete en vertu de cette faculté, il soit dû encore un autre quint : Coquille a remarqué que presque toutes les autres Coûtumes sont contraires, donnant un quint pour la vente seulement, et non pour le rachapt ; et même suivant quelques unes quand la faculté n’est que pour trois ans, et que le rachapt se fait dans ce temps-là, il n’est dû aucun profit de fief, la condition retenuë et stipulée par le contrat fait une partie du prix. l. si fundus. ff. de contrah. empr. et le rachapt remet et rétablit la chose au même état qu’elle étoit auparavant. l. si unus. 8. quod in specie. ff. de pactis. De sorte que ce premier engagement étant resolu en vertu de la faculté que le vendeur avoit retenuë, il ne se fait pas une seconde vente mais l’acheteur de la condition entre en la place du premier acheteur : Lors que l’héritage est retiré en vertu de la faculté de rachapt, s’il y avoit un fermier du Seigneur, et que ce fût au temps. lu contrat, et qu’il y en eût un autre au temps du rachapt, on demande auquel de ces deux fermiers le treizième doit être ajugé : Il y a difference inter contractus conditionales, et contractus puros, qui sub conditione resolvi possunt : pour les contrats conditionnels ils ne sont reputez parfaits gue du jour de l’accomplissement de la condition, contractus ante impletam conditionem, sub quâ initus est, perfectus dici non potest. l. bovem. 8. si sub condit. de Edil. Ed. D. Mais pour les contrats purs et simples, et qui ne contiennent aucune condition, quoy que dans la suite ils puissent être resolus sous condition, on considere seulement le jour que le contrat à été passé, parce que dés ce moment-là la chose appartient à l’acquereur, et subsiste à son profit et dommage, et par cette raison les lods et ventes du contrat à faculté de rachapt sont dûs au fer-nier qui tenoit la ferme lors du contrat, et non à celuy qui la tenoit lors que la grace a fini. r le Prestre Prestre, Cent. 1. c. 41. Il n’en est pas de même de l’amende, laquelle appartiendroit au fermier qui joüiroit de la Seigneurie au temps de la condamnation, et non au fermier qui troit au temps d’i crime commis, quia ante sententiam, neque mulcta, neque aliud quidquam in obligatione erat, cum illud omne ex judicis arbitrio & potestate penderet, GuyPapé , Quest. 535.

Le sieur d’Auberville avoit épousé une veuve qui joüissoit par usufruit du Gage : plege et des rentes Seigneuriales du fief de S. Pierre-Asis, et le sieur de S. Pierre-Asis, son fils, joüissoit le tout le reste du fief. Le sieur d’Auberville prétendit le treizième d’une terre acquise par ledit sieur de S. Pierre, tenu dudit fief, dont il fut debouté : Sur l’appel, Boquet, son Avocat, visoit que le treizième luy étoit dû à raison du Gage-plege : que le treizième êtoit comme une redevance seigneuriale et casuelle, qui faisoit partie des rentes Seigneuriales. Salet, pour l’intimé, répondoit que la veuve n’avoit à son partage que le Gage-plege, ce qui ne pouvoit comprendre le treizième ; car le Gage-plege est solûmmodo Jurisdictio, que le droit de treizième appartient ai fief, et qu’il y a bien de la difference inter feudum & Jurisdictionem, que la doüairière avoit la Jurisdiction, mais qu’il avoit le fief d’où dépendoit le treixième. Par Arrest du 19 de Février 1610. en Grand-Chambre, la Sentence fut confirmée.

sepuis le 13 de May 1610. en l’interpretation de cet Arrest, cette question fut agitée entre les mêmes parties. Le sieur de S. Pierre prétendoit avoir le treizième pour l’avenir, et ceux que sa mere avoit reçûs. La mere s’en défendoit, disant que l’Arrest cy-dessus êtoit un Arrost de grace donné en consideration de la qualité des parties, et que la Cour n’avoit pas trouvé bon que la mère demandât un treizième à son fils, autrement son lod diminuëroit beaucoup, si l’Arrest êtoit tiré en consequence. Par Arrest dudit jour le sieur de S. Pierre fut debouté de sa Requête, afin d’emporter le treizième, tant pour le passé que pour l’avenir. Ainsi la Cour ugea que le treizième êtoit dû à cause du Gage-plege, i et que l’Arrest precedent n’avoit été donné qu’en consideration de la qualité des parties. Bérault a remarqué ces deux Arrests sur l’Article 185. etGodefroy , sur cet Article, a crû que le premier avoit décidé la question generale, gue le proprietaire ne doit point à l’usufruitier du fief le treizième de l’héritage qu’il avoit acquis : la qualité des parties fut le véritable motif de l’Arrest : la mere et son second mary n’étoient as favorables en cette demande qu’ils faisoient à leur fils ; car dans la rigueur du droit, comme tous les profits appartiennent à l’usufruitier, le proprietaire devoit le treizième : cependant comme par l’Arrest du sieur de la Lutuaniere on jugea que le proprietaire, nonobstant le bail par luy fait de tous les droits Seigneuriaux, ne devoit point de treizième de ce qu’il avoit cquis, parce qu’on ne présume point que le Seigneur se soit voulu priver d’acquerir, on pouvoit dire aussi que le proprietaire, nonobstant l’usufruit, a cette exemption ; mais il y a cette différence que le Seigneur en faisant le bail est présumé retenir ce droit : mais l’usufruit n’étant point constitué par le proprietaire, et étant donné souvent malgré luy, comme il ne pouvoit retenir cette exemption, il n’est pas juste de luy donner un droit qu’il ne se pouvoit conserver, pour l’ôter à l’usufruitier, auquel il appartient sans contredit.

Aprés avoir traité de plusieurs contrats qui produisent une action au Seigneur, j’en remarqueray quelques autres pour lesquels ces droits ne sont point dûs, il n’en peut demander pour l’héritage baillé en payement à la fille pour sa dot qui luy avoit été promise, étant la même those que si le pere luy avoit promis un héritage pour sa legitime.Brodeau , Article 26. sur la Coûtume de Paris, estime que cela doit aussi avoir lieu quand le pere donne un héritage pour la dot ou entrée de sa fille en Religion, ou qu’il le baille en payement de la somme promise à cet effet. La question s’en presenta en la Grand-Chambre le 2 de Juillet 16s4u entre Messire de Roncherolles, Marquis de Meinville, et les Abbesse et Religieuses de S. Jean d’Andely.

Les sieurs Pouchet pour demeurer quittes de 8ooo livres promises à leurs seurs pour leur entrée en Religion, delaisserent à cette Abbesse la proprieté de vingt-quatre acres de terres, à condition qu’elles demeureroient particulierement affectées à la nourriture de ces Religieuses, pour retourner à l’Abbaye aprés leur mort, et pour se garantir des droits Seigneuriaux : cette Abbesse avoit fait employer dans le contrat que c’étoit au lieu de la dot qui auroit appartenu à ces Religieuses ; nonobstant ce déguisement, elles furent condamnées au payement du treiziéme, et du droit d’indemnité, et à bailler homme vivant, mourant et confisquant : Elles disoient pour cause d’appel que par la jurisprudence du Palais, les droits Seigneuriaux n’étoient point dûs de l’héritage donné par les peres, meres, ou freres, pour la dot de leurs filles et seurs, soit que ce delaissement ait été fait lors du mariage ou long-temps aprés, ou qu’il ait été fait u lieu de l’argent qu’il avoit promis. Ce n’est qu’un accommodement de famille qui n’est à roprement parler, ni mutation, ni vente, quoy qu’on baille un fonds pour acquiter une promessé concûë pour argent baillé, c’est comme si la chose baillée en payement de la dot eût été promise primitivement et originairement.Chopin , de mor. Par. Tit. 3. n. 8. La même regle doit être gardée lors que les peres ou freres baillent pour l’entrée en Religion de leurs filles ou soeurs quelque héritage en payement de la somme par eux promise, c’est une véritable donation en faveur d’un mariage spirituel, qui n’est pas moins favorable que le mariage civils Je representois au contraire pour le sieur Marquis de Manneville, que cette question si les droits Seigneuriaux sont dus pour héritages donnez en mariage, ou baillez en payement pour une somme d’argent qu’on avoit promise, est traitée par plusieurs Auteurs. Mr d’Argentré , de laud. 5. 48. et 50. fait cette distinction, si la donation a été faite par un étranger, ou par celuy qui étoit obligé naturellement à fournir la dot, au premier cas ; comme c’étoit une pure liberalité et une cause lucrative en la personne de la femme, quelques-uns ont pensé que dans es Coûtumes où les lods et ventes sont dûs pour les donations, comme pour les ventes, on pouvoit les demander de la dot donnée par un étranger, mais pour la dot promise par les peres ou les freres, on n’a pas trouvé que la prétention des Seigneurs fut raisonnable, quia dos à parre constituta nihil aliud est, quam prarogatio futurae portionis hereditariae, & ut de hereditatis capione negarur laudimia deberi, ita de dotibus à patre constitutis.

Mais il y a bien de la difference entre la donation faite pour être la dot de la fille et le delaissement fait à une Abbaye, pour demeurer quitte d’une somme promise pour lentrée ce d’une fille en Religion, en ce cas c’est une véritable vente, puisque la proprieté n’en demeure point à la fille, qu’elle est transferée irrevocablement au Monastere, qui en devient propriétaire sans espèrance de retour en la famille d’où lhéritage est sorti. Pour reputer ce delaissement fait au Monastere pour le payement d’une legitime, il faudroit présupposer que les Monasteres. ussent capables de la demander et de la recevoir ; or lun et lautre luy est défendu par les Canons et par les Arrests, et le public a interest de rempescher, puisque tous les biens du Royaume passeroient enfin en la main des Abbayes et des Monasteres, et quand on leur fouffriroit de prendre de l’argent ce ne seroit au plus qu’une obligation qui n’auroit pas la faveur et les conditions d’une legitime, et c’est pourquoy ce delaissement qu’on a fait d’un héritage pour en demeurer quitte, est une pure vente : nam quoties datur in solutum fpecies pro pecuniâ contrahitur emptio. Et on ne doute point que in omnibus datio in solutum pro venditione habetur Ausoi dans cette Province bien loin qu’on repute que ce qui est donné à une fille pour son entrée en Religion tienne lieu de legitime et de dot comme étant un mariage spirituel, que par la jurisprudence des Arrests les filles mises en Religion par leurs peres ne font point part du profit des freres, quoy que ce qu’on a payé pour leur entrée en Religion ne se monte pas moins que ce qui leur appartient pour leur mariage. Les appelantes reconnoissant la foiblesse de leur cause elles ont fait intervenir les sieurs Pouchet qui demandent à rentrer en la possession de leurs héritages, en cas que l’on veüille les retirer par retrait lignager ; or s’il y a lieu au retrait c’est une vente, dont par consequent le treizième appartient au Seigneur. Par Arrest la Sentence fut confirmée, Mr l’Avocat General se rendit appelant de son chel pour faire annuller la donation. comme simoniaque, mais la Cour ne prononça point sur son appel. cors de cette plaidoirie je m’aidois aussi de l’Arrest rapporté par Berault sur cet Article, par dequel on avoit jugé que le treizième étoit dû du fonds donné au mary pour son don mobil, et ce raisonnement êtoit peremptoire ; car on n’avoit condamné le mary qu’à cause que le fonds luy appartenoit, et non point à sa femme, et c’étoit la même chose pour les Religieuses, la proprieté du fonds qu’on leur avoit baillé en payement leur appartenant.

Depuis on a fait cette distinction, si l’héritage avoit été donné au mary par le contrat de mariage, ou si on luy avoit baillé en payement, ex intervallo. Un frère en mariant sa seuru sieur Coulon, Conseiller en la Table de Marbre, luy bailla une terre par le contrat de mariage. pour le payement tant de la dot que du don mobil, en quoy faisant le mary se constituoit en dots les Religieux de S. Julien demandoient le treizième. L’affaire portée en la Cour sur un incident, n de Cahaignes disoit au principal que l’héritage appartenoit au mary n’ayant point été donné pour tenir le nom, côté et ligne de la femme, et au contraire le mary avoit constitué une rente E sur ses biens ; c’étoit donc une véritable acquisition et une pure vente dont le treizième étoit dûi sentierement, ou en tout cas qu’on ne pourroit le luy disputer pour la portion à quoy le don mobil se pouvoit monter. Nonobstant ces raisons les Religieux furent debourez de leur demande par Arrest en la Grand. Chambre du 3o Juin 1671. le motif de l’Arrest fut que cet héritage avoit été baillé par le contrat de mariage, de sorte que c’étoit un fonds que la femme voit apporté à son mary, mais qu’il n’en étoit pas de même quand cela se faisoit ex intervalls aprés le mariage ; et ce fut la distinction qu’on apporta pour éviter la contrarieté de cet Arrest vec celuy remarqué parBerault . Mais l’opinion la plus commune est, qu’en quelque temps que vhéritage soit baillé pour le don mobil le treizième n’en est point dûSi le pere ou les freres n’ont point baillé de fonds, et que le bien de la succession soit saisi et ajugé pour les dettes du frere, quoy que les seurs prennont leur legitime en deniers, le seigneur l’aura pas le treizième du prix de l’ajudication, mais seulement sur ce qui reste, la legitime des soeurs levée ; le seigneur prétendoit le treizième du tout, parce que toute la terre étoit venduë sans distraction, et que tout demeureroit à l’ajudicataire, et partant les lods et ventes étoient dûs de tout le prix. Les soeurs ne sont que creancieres de leur frere, elles sont payées en diminution du prix comme les autres creanciers. Elles pouvoient véritablement obtenir distraction de leur part en essence, mais ne l’ayant point fait, et le tout ayant été vendu par un seul prix, les lods et ventes en sont dûs. Les seurs en consentant la vente y ont trouvé leur avantage, le fief en ayant été mieux vendu ; il est vray que la legitime des soeurs est exempte du treiziéme, mais c’est à l’égard de leur frere, et la vente étant faite pour ses dettes, il donne lieu aux profits du fief sans diminuer néanmoins la legitime de la fille, non plus que les droits du Seigneur qui doivent être pris sur les autres deniers, s’il y a des dettes du pere, elles seront acquitées avant la legitime des oeurs. Or il seroit absurde de dire que le Seigneur n’auroit point son treizième avant les dettes du pere, et comme il doit être payé avant les dettes du pere qui sont preferées à celles des soeurs, il doit l’emporter à leur préjudice. Si vinco vincentem, &c. L’ajudicataire répondoit qu’à proprement parler on n’a vendu que ce qui appartenoit au frere, que cette legitime est comme une charge réelle, qui doit être déduite sur le prix avant le treizième. Cette question n’étant pas sans difficulté elle fut plaidée et appointée, et depurs par Arrest la Demoiselle de Biancour condée au droit de Mr de Nenours fut refusée de sa demande pour le treizième entier sur le tout ; et il luy fut seulement ajugé sur le restant du prix, la legitime des seurs levée ; entre Charlotte de Biancour et Charles de Biancour son frère.

Bien que par le contrat d’avancement fait par le pere à son fils, il soit porté que c’est à tharge de l’acquiter de toutes dettes hypothecaires et mobiliaires, il n’en est dû aucun profit de fief. Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 18 de Decembre 1626. entre le Receveur de S. Germain pour l’Abbé de Fécamp etGodefroy . Autre Arrest du 8 Janvier 16721 n la Chambre de l’Edit. Il faut dire la même chose de tous avancemens faits à l’heritier presomptif. Ce sont des accommodemens de familles qui ne peuvent être reputez ventes, non plus que quand un coheritier paye quelque somme pour soute de partage. Du Fresne Fresne, l. 2. c. 78. rapporte un Arrest qui a jugé la même chose

Le partage. est un contrat mélé, susceptible de toutes sortes de conventions, qui bien sourent porte l’apparence d’une échange, ou d’une vente, et neanmoins ne change point sa nature de partage, qui ne se fait pas toûjours en divisant les terres en autant de portions qu’il y a d’heritiers, mais en laissant des terres à l’un des coheritiers, et à l’autre les meubles ou l’argent : et souvent il se rencontre des difficultez entre coheritiers, soit pour l’impuissance les uns, ou par la nature de la chose, ou par la diversité des sentimens, en forte que ne pousant en convenir, la loy permet d’y apporter du remede, en exposant l’héritage indivis à la dicitation, en ce cas la licitation n’est pas un acte separé du partage, mais un moyen pour le ri faciliter, et qui n’en change point la nature, soit qu’en partageant, l’on divise l’héritage de la succession, soit qu’on la donne toute entière à l’un des coheritiers, ou qu’il soit licite. En t toutes ces manieres il n’est possedé qu’à titre de partage, l. 22. fam. ercis. parce que la licitation qui se fait entre les coheritiers, n’est pas d’autre nature que l’accommodement pour foute et par recompense entr’eux ; Il n’y a personne qui revoque en doute qu’encore qu’il v ait des foutes données en partage, l’héritage ne soit possedé à titre successif. La Coûtume de Paris en a fait une décision expresse en l’Article 80. si l’héritage ne fe peut partir entre coheritiers et se licité par Justice sans fraude, ne sont dûés aucunes ventes pour l’ajudication faite à l’un d’eux ; mais si l’héritage est ajugé à un étranger l’acquereur doit vente. Et duMoulin , S. 33. gl. 1. 4. 22. licet in divisione res tota uni adjudicetur, tamen principalis intentio fuit lividere, et illa licitatio incepit et dependet à causâ necessariâ divisionis. Unde quamvis per accidens. res non dividatur in se, sed tota uni remaneat, tamen actùs à principali fine, divisio nuncupatur ; plura ibid. Et Mi d’Argentré , Art. 5. 53. licitatio que non egreditur socios, vel coheredes, tion fit nisi ad finem concordandi de modo recompensationis, et ut nulli gratificetur magis quam alii, nec alius praferatur in assecutione rei non commode divisibilis, et ut remaneant omnino aequales et concordes. Ces maximes sont fondées sur cette raison, que regulierement les lods et ventes ne sont point dûs de partages ou autres actes équipolens à partage faits entre coheritiers, encore qu’il y ait une notable somme d’argent payée par le coheritier de suo, et non des deniers de la uccession, et même de la recompense en rentes ou autres biens n’étans point de la succession, parce que la soute fuit la nature de la chose pour laquelle elle est baillée, qui est un bien hereditaire, étant loisible de mettre en un lod tous les meubles et les effets mobiliers de la succession, et les immeubles en l’autre, parce que c’est un accommodement entre personnes qui se trouvans necessairement associez dans la chose ne sont point obligez de demeurer en communauté.

Brodeau , Article 80. et Article S. de la de Paris.Chopin , Coûtume d’Anjou Anjous l. 1. t. 1. Article 4. Coûtume de Troyes, Article 57. Mr d’Argentré , Article 73. not. 14. n. 3 Loüet Loüer, let. l. n. 9. De laLande , sur la Coûtume d’Orléans, Article 16.Pontanus , Article 89. de la Coûtume de Blois : Socius socium inoitum compellere potest ad divisionem, quia nemo invitus in societate detinetur. l. ult. C. Com. dividandos Il suffit que les profits de fief soient payez de l’achapt, lequel étant fait en commun il n’en peut être demandé de la division, la chose n’ayant été achetée par les associez que dans l’intention de la separer quelque jour. Il a été néanmoins jugé au Parlement de Paris que le droit de lods et ventes êtoit dû d’une licitation faite entre : un coheritier et un étranger, par Arrest du 13. de Decembre 1640. confirmatif d’une Sentence du Prevost de Paris, entre Chanlate appelant, et le Receveur du Domaine du Roy en la Prevôté de Paris. : la licitation avoit été faite d’une maison entre un particulier auquel il en se ppartenoit une portion à droit successif, et un tiers acquereur de celuy auquel l’autre portion d’icelle avoir appartenu, par la Sentence on avoit ajugé les lods et ventes au Receveur du Domaine : la raison de l’Arrest fut que la licitation s’Etant faite entre le coheritier et une personne purement étrangere, le coaeeritier ne pouvoit plus être considéré en cette qualité, non erat amplius judicium familiae erciscundae, sed communi dividundo.

Ricard , sur l’Article 80. de la Coûtume de Paris, établit ces maximes autorisées par les Arrests du Parlement de Paris, que d’une lieitation faite entre associez, non plus que de partages. entre coheritiers, ne sont duë : ventes, quoy que l’un n’ait que de l’argent pour sa part, ou que celuy à qui échet l’héritage baille foute aux autres. La même chose a été jugée en ce garlement. C’est aussi l’avis dePontanus , Coûtume de Blois, Article 89. in casu quo maritus qui promiserat, stipulante patre filiae, pecuniam dotalem in fundos collocare ; maritus qui huic conventioni non steterat, uxori certos suos fundos concessit. Dominis laudimia deberi negabatPontanus , quia maritus non pecunia, sed speciei debitor erat ; non enim Spoponderat, mille redaiturum, que in lotem acceperat, sed ex eâ summâ fundum emptum uxori tradere, faciebat quod plerique affirmant Statuta causam dotis minimè includere, nisi de eâ Specialiter cautum sit quod Senatusconsulto Parisiensi confirmatum est

Nous pratiquons aussi qu’il n’est point dû de treizième de l’héritage que le mary ou ses heritiers baillent à la femme pour le payement de ses deniers dotaux, que la femme ne doit aucuns lods et ventes pour héritages qui luy sont baillez par les heritiers de son mary en ayement de ses conventions matrimoniales ; c’est l’Article 126. du Reglement. Aussi par la urisprudence du Parlement de Paris on ne doit aucun profit ni droit feodal pour l’ajudication faite au mary ou à la femme survivant dans la licitation des conquests avec les heritiers du predecedé.

Brodeau , sur Mi sur Mr Loüet, 1. L. n. 9. De laLande , sur la Coûtume d’Orléans, Article 10Il est encore certain que si lors de la licitation qui se fait entre coheritiers, des étrangers foient admis à encherir, si l’ajudication est faite à l’un des coheritiers, il ne sera tenu d’aucuns droits envers le Seigneur. Je remarque toutes ces regles. comme êtans conformes à nôtre jurisprudence suivant l’Article 26. du Reglement. Par Arrest du 19 de Mars 1637. en la Chambre de EEdit, plaidans Radulphe et Lyout, il fut dit que le treizième n’étoit point dû pour un partage quoy qu’il y eut eu de fargent baillé pour retour quia incoeperat à divisione. Le fait étoit que deux freres avoient faits des partages durant la minorité de l’un d’entr’eux, et sur ce que le mineur en demandoit la récision l’autre frere luy avoit cedé son lod moyennant 500 livres pour le dédommager de quelque batiment qu’il avoit fait ; mais avant l’execution de ce contrat les freres s’en étoient départis volontairement : le Seigneur feodal ieur demandoit le treizième, alléguant que par l’échange il y avoit eu de l’argent baillé, et que les droits luy étant acquis ils n’avoient pû refoudre le contrat à son préjudice, et que même il luy étoit dû un nouveau treizième de la resolution de ce contrat. Les enfans répondoient que ce n’êtoit ni un contrat d’échange, ni une vente, mais un accommodement fait ad evitandaes fites, qu’il ne falloir considerer le nom du contrat, mais ce qui s’êtoit fait effectivement.

Pour ne se tromper pas sur ces questions, il faut prendre garde an actus coepert à divisione vel venditione ; car si l’on commence par la vente, et qu’en effet les aeontractans ayent eu intention de vendre, ce n’est plus un partage, nec respectu materiae, nec respectu forma, nec respectu intentionis.

Sed est alius contractus, et alia Species mûtationis vel transtationis rei, secundùm cujus naturam jura directis Dominis debentur.

Quoy que par la renonciation d’un coheritier sa part accroisse à l’autre il n’est point dû de relief Vdit la Coûtume de Paris ) ni pareillement de treizième ; la raison est que le droit d’accroissement ne procede pas de la volonté et disposition de celuy qui renonce, mais de la loy, qui ex parte heres est, partem alterius deficientis ex lege vindicat. l. si in testamento. ff. de vulg. et pup. subst. et comme ditdu Moulin , 5. 22. d. 31. et 33. jus repudiatum nunquam fuit in bonis repuliantis, sive immediaté à defuncto in alios heredes capientes transeat. Que si un oncle soccedan avec ses neveux achetoit leur part, il en seroit dû treizième. C’est aussi le raisonnement de ePontanus , sur la Coûtume de Blois, sed diversum jus efset, si aditâ hereditate illi juri ob certam pecuniam renuntiasset pro Domino se gessisse intelligeretur

Par l’Article 27. du Reglement, il n’est dû aucun treizième du rachapt d’une rente fonciere, quand il est fait aprés l’an et jour de la fieffe ou bail d’héritage, sinon en cas de fraude ou convention dans l’an et jour d’en faire le rachapt : c’est une extinction et une liberation, et noi pas une vente. C : Reglement est plus juste que l’Arrest remarqué parBerault , par lequel l’obligé à une rente fonciere fut condamné à payer le treizième du rachapt qui s’en faisoit. Suivant cet Article 27. du Reglement, il n’est point dû de treizième du rachapt de la rente fonciere cela est vray quand il est fait par le d’biteur ; mais il n’en est pas de même quand elle est venduë à un tiers : par contrat du 1é de Février t6o8. Jean Neel fit un bail à héritage à Jean d’Auge de quatre acres de terres par soixante livres de rente fonciere, un an aprés Jean Neel vendit cette rente à Marie Neel, par le prix de 12oo livres : Jean Maillard, Receveur de la Dame le Pierrecourt, dont l’héritage êtoit tenu, demanda le treiziéme, et en cette qualité il y fît condamner ladite Neel, dont ayant appelé elle disoit que le treizième n’est dû que par le vassal au Seigneur, celuy qui acquiert une rente fonciere ne devient point vassal, et ne doit ni foy, ni hommage ; le Seigneur auroit deux causes lucratives, il auroit le treizième du fonds, et le treizième de la rente ; que si on dit que le fonds étant chargé de la rente foncière la valeur en est diminuée, on répond qu’une servitude diminué la valeur du fonds, et neanmoins il n’en est point dû de treiziéme, et bien que cette rente soit sujette à retrait, il ne s’enfuit pas que le treizième en puisse être demandé, car l’usufruit se peut vendre sans payer le treizième.

On répondoit que cette rente faisant partie du fonds le treizième en appartient au Seigneur. et encore que le possesseur de la rente ne fût point tenu d’en faire la foy et hommage, cela ne faisoit point de consequence pour l’exemption du treizième. Il fut jugé en l’Audience de la Grand. Chambre du Parlement de Paris le 18 de Juin 1640. qu’il n’étoit point dû de lods et ventes pour la vente d’un pont bâty sur la rivière de Seine, quoy que le pont soit repué mmeuble aussi-bien qu’une maison, et que par consequent il senble que les lods et ventes en soient dûs ; la raison est que le fonds du pont appartient au Roy, et que l’acquereur n’ayant que la superficie il n’a aucun droit de pont, mais seulement un peage. Il est dû treizième pour la vente d’un bois de haute-fûtaye, et toutefois l’acheteur n’en doit point de foy et hommage, par Arrest du 22 d’Avril 1611. la Sentence fut confirmée

Le treizième n’est point dû de la vente d’une rente foncière rachétable. Un particulier avoir pris un héritage par bail à rente de vingt-cinq livres, rachétable par cinq cens livres, duquel contrat le treizième entier avoit été payé ; quelque temps aprés le creancier de cette rente la vendit au nommé de Saint, dont le Seigneur de Menilles luy demanda le treiziëme, à quoy ayant été condamné, de l’Epiney, son Avocat, soûtenoit que le treizième ne pouvoit être dû de la vente des rentes rachétables, parce qu’il avoit été payé de la vente entiere, et s’il avoit encore un treizième pour la cession de la rente il en auroit deux, qu’il n’en êtoit point dû quand la rente n’est point rachétable, mais il en est dû lors qu’elle est venduë. Caruë le eune pour le sieur de Menille disoit qu’il est dû treizième de toutes rentes foncieres, parcé qu’elles font partie du fonds ; par Arrest du 14 de Février 1658. la Sentence fut cassée, et l’acquereur absous de la demande du Seigneur.

Il est sans doute que les lods et ventes sont dûs aux Seigneurs dont les héritages sont mouvans. Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre ; les héritages d’un particu-ier ayant été ajugez par fecret, les enfans eurent distraction de leur tiers en essence, les heitages étoient tenus de divers Seigneurs, celuy dont relevoient les héritages compris dans le tiers Coûtumier n’y pouvant avoir de treiziéme, il demandoit qu’il luy fut ajugé au marc la ivre sur les biens decretez, et il avoit obtenu Sentence à son benefice contre la Dame de vieuxpont ; sur l’appel de cette Dame, Bouvier son Avocat, soûtenoit qu’il n’y avoit point lieu à cette recompense, et puisque les héritages qui étoient de sa tenûre avoient êté decretez et n’étoient point compris dans le tiers des enfans, elle s’éjoüissoit de sa bonne fortunes que cela n’avoit dépendu que d’hazard, les creanciers ayant pû choisir le lot des enfans, ss ce party leur eût été plus avantageux, et que le tout s’étoit fait sans fra-de : Patr Arrest du 16 l’Aoust 1650. la Sentence fut cassée, et le Seigneur debouté de la contribution qu’il demandoit aux autres Seigneurs

Nous tenons pour maxime que quand un Seigneur acquiert dés héritages relevants de son fief, il ne peut demander de treizième au vendeur. Le sieur Morel, Tresorier de France et Caen, avoit vendu une terre au sieur Lambert, tant pour luy que son frère mineur, relevante du fief d’Asnière, appartenant à ce mineur ; par ce contrat il n’étoit point fait mention du reiziéme, la tutrice du mineur le demanda à cet acquereur, qui conelut à la garantie contre son vendeur, lequel y fut condamné par Sentence des Requêtes. Sur son appel Greard, son Avocat, emontroit que le Seigneur ayant acquis des héritages de son flef, il étoit mal fondé à prérendre un treiziéme, qu’ayant vendu au mineur aussi-bien qu’à fintimé, il n’étoit dû aucun n rofit de fief ni à l’un ni à l’autre : Par Arrest en la Grand. Chambre du 16 de May 1662. se on cassa la Sentence, et le sieur de Morel fut déchargé de l’action en garantie pour le treiziéme. L’Arrest étoit fondé sur ce qu’un seigneur qui achete, ou pour lequel on achete, n’est point présumé prétendre un treizième.

On demande si nonobstant la remise et la grace faite à l’acquereur par le proprietaire du fief, il peut être poursuivi par l’usufruitier ou par le fermier, sauf le recours contre le proprietaire ;Du Moulin , Art. 1. gl. 3. n. 17. a tenu que le Seigneur pouvoit remettre commoda que nondum sunt adquisita, licet possint acquiri : comme la saisie feodale, la commise ob nondum solutum Canonem, parce que ces profits ne sont acquis nisi Domino volente. Il n’en est pas de même du treiziéme, lequel est un profit, et un fruit acquis à l’usufruitier ou au fermier, aussi-tost que le contrat a été passé, et dont le proprietaire ne peut disposer non plus que des autres fruits de l’héritage.

Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand : Chambre le 2t de Février 1653. si le Seigneur ayant fait bail de sa terre, et de tous les droits Seigneuriaux, il est tenu de payer à son Receveur le treizième des héritages qu’il acquiert ou qu’il retire à droit feodal. Le sieur Baron de la Lutumiere avoit fait bail à Coûture de sa terre du Ménilvernier, et de tous les droits Seigneuriaux. Durant la joüissance de ce fermier, dont le bail avoit été continué. se sie ur Baron de la Lutumière avoit acquis des héritages tenus de sa Seigneurie, et il en avoit retiré d’autres à droit feodal ; les heritiers de Coûture aprés sa mort demandoient les treizièmes, tant des acquisitions faites par le Baron de la Lutumière que des retraits feodaux. Mr le Comte de Thorigny, son heritier, à cause de la Dame sa femme, s’en défendit par cette raison, qu’un Seigneur n’est point présumé avoir compris dans le bail qu’il a fait de ses droits Seigneuriaux les treizièmes des terres qu’il pourroit acquerir tenuës de son fief, hoc indigebat speciali notâ.

Le cessionnaire répondoit que le Seigneur avant baillé ses droits Seigneuriaux sans aucune reserve c’étoit un profit qui luy appartenoit, et qui ne pouvoit luy être ôté par le Seigneur.

Par l’Arrest le sieur Comte de Thorigny fut déchargé du treizième des acquisitions, et condamné au payement des treizièmes des héritages qu’il avoit retirez à droit feodal. La distinction faite par cet Arrest est fondée sur cette raison, que quand l’héritage avoit été vendu à un autre le droit en êtoit acquis au fermier, dont il ne devoit être frustré par le retrait feodal du Seigneurs aidans Carué pour Mr le Comte de Thorigny, et Theroulde pour Piedelievre cessionnaireBrodeau , Article 78. n. 8. est d’avis que quand le Seigneur dans le bail general de son fief a compris le droit de ventes indéfiniment sans exception ni limitation, si pendant le bail il vient acquerir des héritages dans sa censive, il en doit les ventes à son fermier, à l’égard duquel il est censé pour une personne étrangere, nonobstant ce qui est dit en la l. locator 9. S. fi. ff. de publ. et vect. et commis. l. 5. C. eodem. Et c’est aussi le sentiment dedu Moulin , sur le même Article, d. 9. n. 113. et de Mr d’Argentré , Tract. de Laud. quibus laud. debeantur, c. 3.

Mr deCambolas , l. 3. c. 5. cite un Arrest du Parlement de Tolose, par lequel il a été gé que le Seigneur n’étoit point tenu de précompter les lods et ventes à son fermier des piens qu’il fait decreter durant son bail ; mais entre les raisons que le Seigneur alléguoit, il est uit mention que l’on avoit jugé que le Seigneur qui prenoit un bien par droit de prelation devoit les lods et ventes à son rentier, parce qu’il prenoit un droit qui étoit déja acquis au rentier, au moyen de la vente ou du decret, tellement que ceux dont il prenoit le bien les eussent payez au fermier : ce qui est entièrement conforme à l’Arrest donné pour Mr le Comte de Thorigny.

Si les lods et ventes sont dûs principalement à cause de la mutation de vassal et de l’investiture que l’acquereur est tenu de prendre, le Seigneur qui n’en a point besoin, parce qu’il est investi de troit, ne doit point les lods et ventess d’ailleurs quand il s’agit de cessions de droits et d’actions on ne présume jamais que le cedant l’ait faite contre soy-même, suivant cette maxime semper excipitur persona loquentis, et par cette raison il n’y a pas d’apparence que le Seigneur ayant subrogé le fermier à ses droits Seigneuriaux, ait entendu s’obliger à luy payer les treizièmes des acquisitions qu’il feroit durant son bail : ainsi la chose étant reduite à un point où elle ne pouvoit commencer, quia res sua nemini servit, il seroit contre l’ordre que le Seigneur se payât à luy-même un treizième On peut dire pour le fermier, que lors qu’il a traité avec le Seigneur il a considéré letenduë. du fief et le profit qui luy pouvoit revenir par les lods et ventes, qu’il pourroit en être frustré par les grandes acquisitions que le Seigneur feroit, qu’en tout cas ayant compris indéfiniment et generalement dans le bail tous les profits et droits Seigneuriaux, il ne peut s’en exempter que lors que le contrat peut recevoir deux interpretations, dont l’une est favorable au Seigneur, et l’autre au fermier ; il faut prononcer en faveur du fermier, parce que le Seigneur a dû s’expliquer nertement, l. veteribus c. 39. de pact. D. Qu’il est vray que le Seigneur n’a point besoin d’être nvesti, et que nul n’est creancier de soy-même, mais aussi qu’à proprement parler le fermier ne demande pas les lods comme lods, mais plûtost comme une recompense du dommage qu’il souffre par l’acquisition du Seigneur. Ces raisons ont parû si équitables à MeSalvaing , qu’il ne peut approuver l’Arrest du Parlement de Tolose, et il se persuade qu’il peut avoir eu pour motifs des circonstances particulieres tirées du bail à ferme, qui sont échappées à la plume de Mr deCambolas , et sans doute les termes du bail peuvent servir pour la décision de cette question. voyezSalvaing , des Fiefs, c. 83.

C’est une regle lors qu’à un decret ou à une discussion le Seigneur se presente pour être ayé de deux treizièmes, il ne peut être payé par privilege que du dernier seulement, et pour autre il n’est mis en ordre que du jour de la premiere vente.

Mais quand le Seigneur agit par saisie feodale, et pour se servir des termes de la Coûtume de Paris en l’Article 24. quand il se prend à la chose pour les profits de son fief, alors il peut contraindre le vassal de luy payer non seulement le droit dû, pour et à cause de son acquisition, nais aussi de toutes les mutations precedentes, sans être obligé à aucune difcussion, fauf au assal son recours contre son vendeur ; jusques-là que le Seigneur peut refuser de le recevoit à foy et hommage, le droit du Seigneur étant réel et foncier, et c’est pourquoy la Coûtume permet au Seigneur de saisir et de reünir pour le payement de ses droits. L’alienation faite par le vassal ne peut luy ôter ce privilege, au contraire il devient plus favorable, quia quantâ frequentius mutatur, tantâ magis et pluries contemnitur Dominus qui non recognoscitur. Du Moulin à traité cette question en plusieurs endroits, au S. 1. d. 9. n. 4. il demande si le Seigneur ayant saisi un héritage à faute de droits et de devoirs non faits, et le vassal offrant de payer les derniers droits, mais refusant de payer ceux qui étoient dûs auparavant, peut retenir l’héritage et faire les fruits siens ; et là-dessus il fait cette distinction, que si le Seigneur avoit recû l’Aveu des precodens vassaux il ne pourroit plus retenir l’héritage ; que s’il ne les a point recûs à faire la foy et hommage sa saisie subsiste toûjours. La raison est qu’avant la deuxième et derniere nutation il pouvoit saisir le fief et faire les fruits siens, jusqu’à ce que le vassal eut fait les droits et devoirs Seigneuriaux, ainsi tant que le vassal neglige de faire la foy et hommage il y a pouverture à la prise de fief, et dans le S. 33. d. 4. n. 122. il ajoûte que si celuy à qui on avoit donné quelque héritage sous condition, aprés la condition avenuë veut en prendre possession, si le droit de relief n’a point été payé par l’heritier, et qu’il soit demandé par le Seigneur, le égataire est tenu de payer l’un et l’autre droit avant que le Seigneur soit tenu de le recevoir pour vassal. Tenebitur legatarius relevium ex capite suo debitum offerre, nec obstat quod gravatus ejusque heredes tenentur solvere illa relevia, pendente conditione legati accidentia, quia hoc verum est et competit contra eos actio, sed nihilominus res ipsa manet interim affecta, et quivis possesson compelli potest. l. fi. C. ne sine censu vel reliquis, nec tenetur Patronus alium persequi, nec ad aliud nccedere quam ad rem ipsam, & presentem possessorem, etiam si prateriti possessores sint solvendo & offeratur cautio. C’est aussi le sentiment deBrodeau , Article 24. Nôtre usage est contraire, par la seule presentation de l’Aveu le vassal obtient la main-levée de la saisie et reünion feodale ; mais le Seigneur peut saisir les fruits pour le payement de ce qui luy est dûQuand il y a plusieurs Seigneurs de l’héritage vendu, on demande aux dépens de qui la li-quidation du treizième doit être faite ; Par Arrest du 10 de Novembre 1625. entre Echalou et Hodiernes, et autres, il fut jugé que la liquidation se feroit aux dépens des Seigneurs qui prétendoient remporter à la distribution des deniers d’un decret. Du Moulin a tenu qu’elle devoit se faire aux dépens du Seigneur, et Mr d’Argentré , à communs frais, c. 2. de laudimiis.

La nouvelle Coûtume de Bretagne veut que ce soit aux dépens du vendeur ou de l’acquereur, s’il en est chargé : et j’estime que cela est juste hors le cas du decret, l’acquereur et le ven leur ayant dû estimer distinctement les terres des divers Seigneurs. C’est aussi le sentiment Tronçon deGodefroy . Troncon, sur l’Article 20. dit que c’a été une question de sçavoir comment si doit executer le retrait feodal sur l’acquereur qui a acquis par un seul prix divers héritages enus de divers Seigneurs. Nous n’avons que trois Coûtumes qui en parlent positivement Poitou, Art. 34. Bretagne, Art. 80. Orléans, Art. 9. par lesquelles la ventilation se doit faire par l’acheteur et à ses dépens, fauf au Seigneur à la debatre s’il n’a été present à la ventilation. En la Coûtume de Paris qui n’en dispose point, l’acquereur doit offrir à son Seigneurs que si aprés l’offre faite et non acceptée, on procede à une ventilation, et que l’offre se trouvedefectueuse, l’acquereur sera condamné aux dépens ; si au contraire elle est bonne, l’acquereur pourra recouvrer les dépens par luy avancez. Le Seigneur peut bien demander devant son Sonéchal que Iacquereur soit condamné au payement du treiziéme, mais le Senéchal seroit in-competent de connoître de cette action si elle étoit formée contre le vendeur, parce que le fonds n’étant plus en sa main, et n’étant plus vassal, quoy qu’il se fût chargé du treizième, de Seigneur n’auroit qu’une action personnelle qu’il seroit obligé d’intenter devant le Juge du domicile du vendeur. Ainsi jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le 21 de Janvier 1657. plaidans Heroüet et de Cahagnes.

Par les Coûtumes de Boulonnois, Montreüil, etS. Paul , il est défendu d’aliener les fiefs sinon par necessité jurée par le vendeur et prouvée, et du consentement de ses parens, et Tronçon du plus proche heritier, ce qui se garde étroitement en Espagne ; Troncon l. 21.

Le vin du marché n’est point compté pour augmenter les droits du Seigneur ; neanmoins, si par fraude et par intelligence les parties contractantes mettoient pour le vin du contrat une artie considérable de la chose, en ce cas ce déguisement ne leur pourroit profiters Si le fonds a été vendu avec les fruits, pour décider si le treizième est dû du tout, on fait ailleurs cette distinction, si les fruits sont encore pendaus par les racines, en ce cas ils doivent entrer dans la taxe des droits Seigneuriaux, parce qu’ils font partie du fonds ; mais s’ils sont separez du sol, le treizième ne doit être pris que sur le prix de l’estimation de l’héritage, par la même raison en Normandie si le contrat est fait avant la S. Jean, ou le premier de Seprembre, les fruits entreront en la taxe des droits Seigneuriaux, que si la vente est posterieu-re, le treitième ne sera dû qu’à proportion de la valeur de l’héritage Le 20 de Juiller 1638. il fut jugé que le treizième n’est point dû d’une folle enchere Messieurs de la Chambre des Comptes de Roüen sont exempts par leurs Privileges de tous troits de reliefs et treizièmes qui sont dûs au Roy pour les terres nobles et roturieres dont ils peuvent faire acquisition dans la mouvance de sa Majesté, tant par l’Edit de leur creation du mois de Juillet 1580. que par Lettres Patentes du feu Roy Loüis XIII. du 29 Juillet 16ro. comme étant créées ad instar de Messieurs de la Chambre des Comptes de Paris, qui joüissent de cette exemption, suivant la Declaration du Roy François I. du mois d’Avril 1519. contenant aussi plusieurs autres Privileges et exemptions confirmées par autres Lettres de Charles I7. du mois de Septembre 1570. lesquelles Lettres du 29 Juillet 16ro. ont été verifiées au Parlement de Roüen le a Juillet 1611-


CLXXII.

D’échange d’héritage quand est dû treixième.

D’échange faite d’héritage contre héritage n’est dû treizième, s’il n’y a eu argent baillé de part ou d’autre, auquel cas est dû treizième de Fargent, et de l’estimation du fief baillé avec fargent, encore que lhéritage soit de plus grand valeur que fargent, et sera dû le treizième au Seigneur dont est tenu le fief paillé sans solde.

Il est bien certain que suivant cet Article le treizième n’est point dû des contrats d’échanges mais il arrive souvent de la contestation sur la nature du contrat, si c’est une véritable échange et an contrahentes veré permutaverint, an potius sub adumbrato titulo permutationis venditio facta site Si le contrat n’a que la figure et les apparences d’une échange, et s’il n’a pas en effet toutes les ronditions et les qualitez essentielles d’une vente. Les Seigneurs se plaignent souvent d’avoit été frustrez de leurs droits, et prouvent certainement que les contractans ont eu ce dessein et cette volonté. Cela neanmoins ne suffit pas, Nam, ditdu Moulin , 5. 33. gl. 1. n. 104. tenend. est in his hec regula quod ad recuperanda jura feudalia fraudata, non sufficit allegare & probare fraudem, nisi conjuncta sit simulationi, tum quia licitum est obliqué, sed non simulatè contrabere in pra-judicium Patroni ; tum quia vassallus nullam fraudem facit Patrono, etiamsi de industriâ omittit viam ex quà jura feudalia oriuntur, & eligit aliam ex quâ nihil vel minus debetur, dummodo verè eligat, quoniam per hujusmodi jura nulla lex, nulla restrictio imposita est voluntati contrahentium, sed’hac jura velut sub eventu certa conditionis, puta si contingat feudum vendi, imponuntur, que si noi eveniat nihil debetur, si autem verè et cum effectu eveniat, sed aliud quoquo modo simulent contrahentes, tunc hoc derecto jura debentur. C’est par cette raison qu’on a jugé par Arrest du 3i de Mars 1631. en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Cormier, entre le sieur de Bon neville et le Seigneur de Canonville-du-Breüil, que le treizième n’étoit point dû lors que neuf jours aprés l’échange du fief on achetoit le domaine non fieffé. Car bien qu’il soit manifeste que l’on n’avoit contracté de la sorte que pour frustrer les droits feodaux, et même le retrait lignager, toutesfois la plainte du Seigneur n’étoit point recevable, pourvû que l’échange. fut véritable, ils avoient pû se servir d’une manière de contracter, qui est autorisée par la Coûtume, à l’effer de s’exempter des droits feodaux. Cet Arrest étoit confirmé par plusieurs autres precedens. Arrest du 8 d’Aoust 1636. en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr le Brun, au profit de Georges Garin, Ecuyer, sieur de Sermonville. Autre du 14 de Mars 1626. entre d’Estrepagny et un particulier, ce qui est conforme aux Arrests du Parlement de Paris. Journal des Audiences, 1. p. l. 4. c. 32. de l’impression de 1652

Ces paroles, encore que l’héritage soit de plus grande valeur que l’argent, ont été ajoûtées pour viter cette difficulté traitée par nos Auteurs si diversement, si lors qu’il y a de l’argent baillé avec l’échange les lods et ventes en sont dûs : La Coûtume de Berry, Art. 15. et 16. du retrait : Poitou, Art. 355. disposent que quand il y a retour de deniers plus grand que le total, l’he-ritage est sujet à retenué ; on estime que c’est une vente ou une échange selon la plus valuë.

La Coûtume de Nivernois, Titre des fiefs, Article 50. est pareille ; en choses feodales echangées il n’y a retenuë, sinon qu’il y ait retour de deniers plus grand que la chose baillée en recompense.

Voyez Coquille sur cet Article.Boërius , sur la Coûtume de Berry des fiefs, Tit. 4. 6. 18. dit que pour juger si c’est une échange, ou une vente, il faut penetrer dans l’intention des contractans, et si leur intention n’est point apparente, qu’il faut avoir recours aux conjectutes, si le prix excede la valeur des choses baillées, l’on presume que c’est une vente, si au ontraire les choses baillées excedent en valeur le prix que l’on a payé, c’est un contrat d’éhange. MaisPontanus , Article 81. de la Coûtume de Blois, a tenu suivant cet Article, que le reizième est dû entièrement ; car bien que ces contrats participent à la nature des contrats de vente et d’échange, à cause du mélange de fargent et des espèces, c’est neanmoins en sa substance un seul contrat, et ces diverses qualitez qui se rencontrent en un même contrat, ne forment et ne constituent point deux differentes espèces de contrats. On a fait aussi difficulté pour es contrats de fieffe ou bail à rente, lors que la fieffe êtoit faite en partie pour une rente irrachétable, et en partie pour une rente que l’on pouvoit racheter. Un particulier avoit fieffé un héritage, moyennant dix livres de rente fonciere et perpetuelle, et à condition de l’acquiter de trois livres de rente rachétable au prix du Roy ; le Seigneur demanda le treizième de la rente racherable, et l’estimation de la rente fonciere et perpetuelle, alléguant cet Article en sa faveur, quivant lequel lors que par le contrat d’échange il y a eu de l’argent baillé de part ou d’autre le treizième est dû de l’argent, et de l’estimation du fiefbaillé avec l’argent, encore que l’héritage soit de plus grande valeur que l’argent : neanmoins par Arrest du premier de Juillet 1662. au Rapport de Mr Côté, il fut jugé que le treizième n’étoit dû que de la rente rachétable.

Autre Arrest, au Rapport de Mr Deshommets, du a8 de Juillet 1673. entre Auger appelant, et le sieur du Ménilbus, intimé ; dans l’espèce de cet Arrest la demande du Seigneur êtoit favorable, car pour le frustrer de ses droits on n’avoit pas employé dans le contrat de fieffe l’argent qui avoit été payé, néanmoins on n’ajugea le treizième que pour les deniers payez.

C’est une question fort disputée, si la deception d’outre-moitié de juste prix a lieu aux congtats d’échange :Du Moulin , gl. 41. Article 33. a tenu que quantum ad remedium l. 6. C. de rescin. vend. permutatio venditioni aequiparatur, sed non esfe locum suppletioni in pecuniâ ; et c’est aussi la jurisprudence du Parlement de Tolose, suivant l’Arrest remarqué par Mi deCambolas , l. 2. c. 12.

L’opinion contraire a prévalu, et la raison de la difference entre les contrats de vente et d’échange, est que par la l. 2. on laisse cette faculté à l’acheteur de pouvoir suppléer le juste prix, ou de rendre la chose qu’il avoit achetée, afin de n’être pas privé contre sa volonté de la chose dont il étoit devenu le maître ; ce qui ne se rencontre pas dans l’echange, où les contractans n’ont point cette intention de vendre, mais de subroger une chose en la place d’une autre ; et uterque vult habere pensationem rei sue, in re similis qualitatis, videlicet fundo ; idque non in quolibet solo, sed in certo individuo solo deducto in permutationem.Mol . 8. 33. glos. 1. n. 41 es avantages et les commoditez que les permutans trouvent reciproquement dans leurs échanges, suppléent et entrent au lieu du prix véritable de la chose. L’échange est un moyen d’ac-querir les choses dont nous avons besoin en la place de celles qui nous sont moins utiles ou necessaires, ce n’est point une negociation pour avoir de l’argent MOTGREC MOTGREC MOTGREC, c’est une voye d’acquerir une chose par le moyen d’une autre : d’où il resulte que n y ayant point d’antre prix que celuy de l’affection, la lesion n’y doit jamais être confidérée. Cette jurispruden-ce est établie depuis long-temps en cette Province. Arrest aux Enquêtes du 17 de Decembre 575. Autre en la Chambre de l’Edit du mois de Juin ou Juillet 162t. Autre aux. Enquêtes, ou Rapport de Mr Bonissent, du 18 de Novembre 162s. Autre du 4 de May 1631. par lequel le contrat d’échange d’une succession contre un héritage a été déclaré ne tomber point dans le tas de la l. 2. Autre Arrest du 12 de Février 1658. entre le sieur Feron et la veuve et heritiers du sieur Beuselin, Auditeur, par lequel on a jugé que la clameur n’avoit point lieu aux contrats d’échange ; plaidans Greard et le Fèvre.


CLXXIII.

Treixième et relief de terre roturière comme sont dus.

Le treizième du prix de la terre roturiere venduë est dû au Seigneur, et n’est est dû relief, sinon en cas de successions

Hec prestationum genera à Leone in Novellis MOTGREC appellantur, quod quasi prastentur novi possessoris admittendi & suscipiendi causâ,Cujac . initio lib. 1. feudorum Par la Coûtume de Paris, Article 78. les lods et ventes des héritages êtans en censive son dus par l’acheteur, mais pour la vente des biens feodaux le vendeur est tenu de les payer ; si se aacquereur en est chargé il en doit quint et requint ; si nous suivions cet usage il faudroit payer le treizième du treizième, mais cela ne s’observe point.

Outre les contrats que j’ay remarquez sur lArticle 171. pour lesquels les lods et ventes sont dûs au Seigneur, il y en a quelques-uns qui n’ont point de dénomination propre et particutière, que pour cet effet les Jurisconsultes appellent contractus innominatos, et dont on a de la peine à décrire la nature et les qualitez pour exemple, je vous cede mon fonds pour m’acquiter de mes dettes.Pontanus , S. 81. de la Coûtume de Blois, approuve fort le sentiment de Salde, qui a tenu qu’un contrat ne peut être reputé une vente, licet pecunia interveniat, uae magis ut species, quam ut quantitas intervenit. Mais cette opinion est fort éloignée de nôtre usage, suivant lequel léchange d’une rente constituée contre un fonds passeroit pour une vente véritable. Aussi le sentiment de Balde est plus raisonnable en cet autre espece, do, ut des, je vous donne de largent pour un fonds que vous me donnez, quod magnam habet similitudinem aecum contractu emptionis, si pecunia interveniat, nam cum eadem & major sit ratio et aequipollentia, id est jus quod de venditione statui debet. Comme au contraire il ne seroit point dû de treizième en cet autre fs, Do ut faecias, ut puta do tibi fundum ut pro me Romam eas : conventio enim illa nullam habet pecuniae constitutionem.

Pour les donations pures et simples, il est sans doute qu’il n’en est point dû de treizième, cet Article étant formel que le treizième n’est dû qu’en cas de vente. VoyezCambolas , l. 2 c. 8.Ant. Faber , C. l. 4. Tit. 43. defin. 29

Nous n’avons point d’Article qui ait décidé que le treizième soit dû pour la vente des bois de haute-fûtaye ; mais comme par l’Article 463. la vente du bois de haute-fûtaye est sujette à ret rait, et qu’il y a ouverture au droit de treizième lorsque le retrait a lieu, on a conclu faci lement que le treizième êtoit dû de la vente d’un bois de haute-fûtaye, puisqu’il pouvoit être rétiré. Par Arrest, au Rapport de Mr de Touffreville, du s de Mars 1622. l’acquereur d’un néritage fut condamné au payement du treizième d’un bois de haute-fûtaye qu’il avoit vendu, bien qu’il eut payé le treizième au Seigneur lorsqu’il avoit acquis le même fonds un an auparavant. Le bois de haute-fûtaye est pars fundi, et par la vente d’iceluy la valeur du fonds est diminuée, il n’en est pas de même quand il a été acheté separément pour l’abatre, en cas de revente le Seigneur n’en peut demander de treizième, comme il fut jugé le s de Février 1661. en la Grand Chambre, entre Jacques Cleret, sieur de Fontaines, et Philippes Bataille, Réceveur du Domaine. La Dame de Morville avoit vendu un bois de haute-fûtaye qui fut retiré par le sieur Aleaume, qui le vendit au sieur Cleret pour un prix plus grand que celuy du premier contrat, Bataille qui avoit recù le treizième de la premiere vente demanda encore celuy de la deuxième, et il Iuy fut ajugé ; sur l’appel du sieur Cleret la Sentence fut cassée, et le sieur Cleret déchargé : on argumentoit de l’Arrest rapporté par Berault sur l’Article 463. par lequel on a jugé que cette deuxième vente étoit sujette à retrait ; mais il y a cette difference que ce bois étant vendu pour être coupé, il est reputé meuble au temps de cette deuxième vente, comme si le bois étoit déja abatu, puisque le premier acheteur est obligé de l’abatre ; plaidans Maurry et Theroulde. On à pareillement jugé que le proprietaire qui a fait manoeuvrer le bois qu’il avoit abatu, ne doit point le treizième de la vente qu’il en a faite. Je rapporteray l’Arrest sur l’Article 463 Par Arrest du 1s3 de May 1667. entre Richard Levéque, Receveur de la Baronnie de Mery appelant et demandeur en lettres de Requête civil, contre Me Matthieu Labbey, Cuté de Mery. en enterinant les lettres de Requête civil obtenuës contre un Arrest donné par defaut on cassa la Sentence dont êtoit appel, et en reformant on ajugea au Receveur le treizième de la vente des ormes et des autres arbres êtans en haye au dessus de quarante ans. La Sentence avoit appointé le Curé à faire preuve qu’il étoit en possession de la dixme de ces arbres-là, et par l’Arrest on jugea ces deux points, que le treizième est dû des arbres êtans en haye au dessus de quarante ans, comme des autres bois de haute fûtaye, et que la possession contraire pour la ixme est nulle et vitieuse. Aprés l’Arrest, Mr l’Avocat General, le Guerchois, ayant dit que pour les poitiers et pommiers il n’en étoit point dû de treizième ni de dixme, Mr Jacques Castel Avocat ayant déclaré qu’il ne demandoit le treizième que des autres arbres, la Cour luy en accorda acte.Du Moulin ,Coquille , et Mr d’Argentré ont tenu que de la vente des bois de hautee fûtaye nec laudemia deberi, nec retractui locum esse

Pontanus , Article 81. de la Coûtume de Blois, a traité cette question, si les lods et ventes sont dûs pour l’alienation faite du fonds pour une chose mobiliaire : Il fait cette distinction, que si les parties contractantes en faisant le contrat sont convenuës d’un prix, et si pour le payement du prix l’acheteur baille quelque meuble, qu’en ce cas le treizième étoit dû, si quidem ea nobilis species, que postea ad executionem persecti contractùs datur, ipsius naturam minimè mutat. l pretii. C. de rescind. vend. mais si en contractant on n’a point exprimé de prix, et que l’on ait seulement promis une chose mobiliaire au lieu du prix, sans neanmoins en faire aucune estimation, en ce cas il estime qu’un contrat ne peut passer pour une vente, cum nec pretium, nec rei actimatio interventat ; pretium enim non nisi in numerata pecunia consictit. 5. item pretium inst. de empr. Il avoué neanmoins que nos plus celebres Praticiens sont d’avis contraire, commeBoërius , Chassaneaus ur la Coûtume de Berry, Tit. de retr. S. 1. gl. 1. Chassanaus de Retractu. 5. 1. in verbo dle prix qui se fondent sur cette raison, que parum interest fundus pro pecuniâ aut pro re mobili aquipolsente detur. Et c’est nôtre usage.

Si par un même contrat on vend des meubles et des immeubles inseparatâ rerum naturâ, alors, lit Mr d’Argentré , sua cuique rei conditio servanda, & mobilium pretium deducendum, de reliquo laudimia debentur. de laudim. 8. 33.

Foliot avoit pris à fieffe ou bail à rente de Poinier, Ecuyer, sieur de Taillepied, certaini héritages, moyennant cent livres de rente fonciere, et trois cens livres de rente rachétables ce contrat avoit été rétiré sur le sieur de Taillepied, lequel en consequence de la remife qu’i avoit faite avoit demandé ses frais et loyaux cousts, dans lesquels il avoit employé le treizième qu’il disoit avoir pavé de la fieffe dont le retrayant se défendoit, disant que des fieffes il n’est point dû de treixième.

Le sieur de Taillepied au contraire soûtenoit que comme régulierement il n’étoit point dû de treizième des contrats de fieffe, régulierement aussi les contrats de fieffe n’étoient point sujets. à retrait, et neanmoins quand le contrat portoit soulte de deniers ou faculté de rachapt I pouvoit être retiré, et comme il étoit sujet à retrait il y avoit même raisol de dire aussi qu’il en êtoit dû treiziéme, toutefois et quantes qu’il y avoit soulte de deniers, que c’étoit la disposition de la Coûtume en l’Article 452. où il est porté en termes exprés que l’heritage baille à rente à prix d’argent est clamable, que regulierement la clameur emporte le treiziéme, parce qu’il y a changement de vassal, et partant puisque les contrats de fieffe où il y a soulte de deniers sont clamables il en est aussi dû treiziéme. Et qu’en effet par l’Article 464. de la Coûtume, tout contrat d’échange où il y a solde de deniers, quelque petite qu’elle soit, est clamable ; et par l’Article 172. il est dû treixième de contrat d’échange où il y a eu déboursement de deniers, qu’ilay a identité de raison du contrat d’échange et du contrat de fieffe, et si la Coûtume n’en a rien dit, c’est qu’elle s’est contentée d’exprimer un cas pour faire loy pour tous les autres où la raison seroit pareille.

Le retrayant d’autre part soûtenoit qu’il ne faut pas toûjours regler le retrait par le droit de treiziéme ; que les baux à longues années, un droit d’usufruit, et autres droits semblables étoient sujets à retrait, desquels neanmoins il n’étoit point dû de treizième.

Qu’il y a une grande différence entre les contrats d’échange et les contrats de fieffe ; que par le contrat d’échange on transfere la proprieté de la chose échangée, et par le contrat de fieffe le domaine direct demeure toûjours à celuy qui fieffe ; en sorte que si la chose fieffée par quelque t cas venoit à perir, elle periroit pour celuy qui a fieffé tanquam Domino, que faute de payement il peut retourner dans sa fieffe, et autres differences

Aussi la Coûtume a bien voulu que d’un contrat d’échange où il y avoit solde de deniers il fut payé le treiziéme, ce qu’elle n’a pas dit des fieffes pour les raisons cy-dessus déduites, et ne l’ayant pas exprimé c’est une marque que ce n’a pas été son intention, elle déclare par les Articles 452. et 462. qu’héritage fieffe à prix d’argent pouvoit être retiré, et par l’Article 464. que tout contrat d’échange où il y avoit soute de deniers êtoit pareillement retrayable, dont elle a voulu faire deux Articles separez pour montrer que le contrat d’échange et le contrat de fieffe étoient deux contrats bien differens, autrement il eut été inutile d’en faire deux dispositions distinctes, s’ils eussent dû avoir les mêmes regles.

La même Coûtume qui a déclaré l’un et l’autre de ces contrats sujets à retrait, quand il y a foute de deniers, n’a pas voulu que le contrat de fieffe où il y avoit soute de deniers payât treiziéme, n’en ayant tien dit ; ce qu’elle n’auroit pas manqué de faire, aussi-bien qu’elle a fait du contrat d’échange par l’Article 172. puisque dans le titre des Decrets elle s’est exprimée de l’un et de l’autre par des Articles separez

Si l’on payoit le treizième de la chose prise en fieffe, et que par aprés la rente dûë à cause de cette fieffe fut venduë, on en payeroit encore un treiziéme, ainsi le Seigneur auroit deux treizièmes d’une même chose ; suivant ces raisons il fut jugé, au Rapport de Mr Côté, le premier de Juiller 1662. qu’il n’étoit point dû de treizième de cette fieffe. Par l’Article 78. de la Coûtume de Paris, si aucun prend à rente rachétable héritage, étant en la censive d’un Seigneur, sel preneur est tenu de payer les ventes du sort principal de la rente ; et par l’Article 109. de la Coûtume d’Orléans, si l’on prend héritage à rente sous faculté de remere, le preneur est tenu de payer les ventes au prix du sort principal dudit remere, et n’est tenu de rien payer lors du rachapt de ladite rente ; mais si la rente est venduë à autres qu’au preneur, ses heritiers ou ayant cause possessears dudit héritage, le porofit en est di au Seigneur censier pour la vente.

De la Lande expliquant cet Article dit que si un héritage est baillé à rente rachétable, les ventes ont dûës à cause du bail et dés l’instant d’iceluy, parce que ce contrat est un negoce approchant de la vendition, et que la somme à laquelle le remboursement est fixé tient lieu du prix : Du Moulin a dit la même chose sur l’Article 23. du Tit. des Fiefs, gl. 2. n. 86. hec estimatio constituta pro redemptione fundiarii reditus, tanquam fundi pretium censetur & emptionem facit ; et le Parlement de Paris a jugé que dans les lieux où la Coûtume n’en dispose rien, les baux d’héritage à rente rachétable produisent lods et ventes dés le jour du contrat, et sans attendre le remboursement de la rente. MeBouguier , I. V. n. 1. M Loüet etBrodeau , l. L. n. 18. De la Lande ajoûte que si le seigneur n’avoit droit de demander les lods et ventes que lors que l’on racheteroit la rente, on feroit ce rachapt sous signature privée, afin de frauder le Seigneur, et c’est pourquoy pour prévenir les fraudes il est plus juste que les profits soient ouverts au moment de la celebration du bail d’héritage.

Cette opinion me paroit plus dans les regles que l’Arrest dont je viens de parler. En effet le bail à rente rachérable est une véritable vente, et le raisonnement sur lequel l’Arrest semble fondé me semble plus subtil que véritable. Il est vray que la Coûtume ne parle que du contrat l’échange, et elle veut que quand il y a soute de deniers le treizième en soit dû, mais quoy qu’elle n’ait point fait une pareille disposition pour les contrats de fieffe ou bail à rente, il ne s’ensuit pas qu’elle en ait voulu faire une exception : mais il est plus raisonnable d’examiner si ce qu’elle ordonne pour les échanges, par une identité de raison doit pas être étendu aux contrats. de bail à rente rachétable ; Or la fieffe ou bail à rente rachétable n’a pas moins de rapport, et ne participe pas moins aux conditions essentielles du contrat de vente que celuy d’échange, puisque le prix du rachapr de la vente est le véritable prix du bail à rente en tout cas si l’on fuit cet Arrest lors qu’elle sera venduë à un étranger, ou qu’elle sera chetée par le proprietaire du fonds, il y aura ouverture aux profits de fief ; si au contraire ses lods et ventes sont dûs du bail à cente rachétable, le Seigneir ne pourra pas les exiger encore une fois lors que la rente sera rachetée, ou lors qu’elle sera venduë à un étranger.

Par cet Article de la Coûtume d’Orléans, que je viens de citer, si la rente du bail d’héritage. fachetable est venduë à d’autres qu’au preneur, ses heritiers ou ayant cause possesseurs de l’héritage, il en est dû profit au Seigneur censier pour la vente : mais de la Lande a fort bien remarqué que cela est particulier dans sa Coûtume, que la vente d’une rente rachétable faite par bail d’un fonds soit sujette aux profits feodaux, car dautant que ces rentes à faculté de rachapt ne sont pas des immeubles essentiels et permanens, mais reductibles en deniers, il a été juge au Parlement de Paris que si une rente foncière rachetable est venduë, le seigneur n’en peut prétendre de profits.

Par l’Article 27. du Reglement de 1666. il n’est dû aucun treizième du tachapt d’une rente fonciere, quand il est fait aprés l an et jour de la fieffe, sinon en cas de fraude ou convention dans l an et jour d’en faire le rachapr. En consequence de cet Article lon peut conclure que puisque le treizième n’est point dû du rachapt de la rente foncière fait aprés l an et jour, lors qu’il n’a point été convenu d’en faire le rachapt dans l an et jour, il y a ouverture aux profits de fief, lors que la faculté de rachapt est stipulée par le contrat. Ainsi il ne reste plus de difficulté ue sur ce point, si le treizième sera dû du bail d’héritage ou de la fieffe, comme nous parlons dés le jour de la celebration du contrat ou du jour du rachapt de la rente seulement ; il est plus raisonnable, pour éviter les tromperies qui seroient trop aifées, que les lods et ventes puissent être exigez du jour du contrat, parce que cette promesse de racheter vaut et équipole à de l’argent comptant, et celuy qui promet le peut faire toutefois et quantes qu’il luy plaist, même malgré le creancier.

Mais de-là nait cette question, si l’héritage pris à rente rachétable est vendu moyennant une certaine somme, et à condition par l’acheteur de payer cette rente, il sera dû treizième, tant de la valeur de la rente que de l’argent qui doit être payé au vendeur, ou s’il est seulement exigible à raison de l’argent qui doit être pavé outre la renteS Il est certain que les rentes perpétuelles, et qui ne sont point sujettes à rachapt, n’entrent point dans l’estimation, lors qu’il s’agit de liquider les droits Seigneuriaux. La raison est que ce sont des charges inherentes et perpétuellement attachées à la chose qui n’ont point à proprement parler de sort principal, n’étant pas au pouvoir de l’acquereur de s’en liberer ; mais si la rente est rachetable elle tient sieu de prix à l’acquereur, elle est conversible en deniers, il a la faculté de s’en liberer quand il luy plaira, et par consequent elle doit entrer dans l’estimation du prix de la chose venduë.

Il y a neanmoins des Coûtumes où il y a ouverture aux lods et ventes pour bail d’héritage. a rente perpétuelle. Troye, Article 58. Berry, Tit. 6. Article 21. et suivans. Orléans, Article 1o8.

Et on allégue pour fondement de cette décision que l’héritage devient moins precieux à cause de cette charge, et que par consequent il est raisonnable que le Seigneur soit indemnisé de cette diminution, et d’ailleurs la rente tient lieu comme d’un prix d’alienation duquel on fait interest La Coûtume de Berry, Tit. 4. des Fiefs S. 4. dit que si quelqu’un vend ou aliene quelque rente sur choses feodales, à cause de cette nlienation lacheteur est tenu faire lu foy et hommage et payer le droit de rachapt. Sed quomodo, dit Boctius, in juribus personalibus in annuis prasentationibus posfit describi proprietas, cum nullum sit dominium directum vel utile ; et il répond qued loco directi lominii est actio directa, et loco utilis dominii est actio utilis, que datur contra debitorem feudalitium, et sic possunt infeudari reditus annui qui annumerantur immobilibus, quia singalis annis renascuneur. Coûtume de Berry, titre 4. Article 14

Si le creancier de la rente fonciere et perpétuelle consent que le proprietaire du fonds en fasse le rachapr, les lode et ventes n’en seront point dûs, parce que ce n’est pas une acquisition que le pussesseur de l’héritage fait, c’est l’extinction d’une rente et le rétablissement de la chose en sa première liberté, parce que la rente perit et s’éteint aussi-tost qu’elle est cedé u propriétaire du fonds qui en est redevable ; et c’est pourquoy par l’Article 18. du Reglement de 1666. quand la rente fonciere est venduë à celuy qui en est redevable, elle ne peut être retirée à droit lignager ni feodal : Le Seigneur feodal reçoit de l’avantage par ce rachapt, sa condition en devient meilleure lorsque le fonds qui releve de luy est déchargé de la rente ; car à l’avenir il en est mieux vendu, et par ce moyen les droits Seigneuriaux en deviene-nent plus grands ; mais si la rente foncière et perpetuelle est venduë à un autre que le proprie-it taire du fonds, le treizième en est dû, suivant l’Arrest rapporté par Berault sur l’Article 171.

Si le contrat est conditionnel, et si le fief dont les héritages sont tenus appartient à un seigneur lors du contrat, et à un autre lors de l’évenement de la condition, on demande an quel des deux Seigneurs le treizième doit appartenir ; On fait aussi la question pour deux t fermiers, dont l’un joüissoit au temps du contrar, et l’autre lors de la condition échûë. La raison de douter procede de la difference que les Docteurs font entre les contrats conditionnels, et les contrats sous condition. Quoy que ces derniers puissent être resolus, néanmoins ils sont reputez parfaits dés le moment de leur passation, statim persectus est contractus, licet sub conditione resolvi possit ; at in contractibus puris solus dies initi contractis spectatur ; et par consequent les droits sont acquis du jour du contrat, et non du jour que la faculté expire.

Il n’en est pas de même des contrats conditionnels, qui ne peuvent être reputez parfaits qu’aprés l’évenement ou l’accomplissement de la condition qui y est employée, si sub conditione homo emptus sit redhibitus actione ante conditionem existentem inutiliter agitur, l. bovem S. si sub conditione D. de Edil. Ed. Mr d’Argentré est de cette opinion, que les lods et ventes sont dûs du jour du contrat, et non du jour de l’évenement de la condition, parce qu’elle a un effet retroactif, purificata enim conditio retro pro non adjecta habetur, l. necessarib S. quod si pendente de peric. et com. rei vend. D. Mais il ajoûte que la vente étant encore incertaine, il n’y à point d’ouverture à la demande des droits Seigneuriaux, ni du rettait lignager, avant l’évenement de la condition, tract. de laud. 5. 3.

Par un contrat du 26 de Juin 1626. Faricy s’obligea de rendre au Riche, dans le premier de Mars, la somme de mille livres, et en cas qu’il ne la rendit pas dans le temps préfix, il luy vendoit dés lors certains héritages pour s’acquiter de cette somme de mille livres. Lors du contrat e Jeune êtoit fermier des droits Seigneuriaux du fief, dont l’héritage êtoit tenu, et lors que e terme de payement fut échû, Corbon êtoit fermier des mêmes droits. Sur la demande du rreizième le premier fermier alléguoit que le contrat avoit été fait durant sa joüissance, que l’acquereur avoit possedé en vertu d’iceluy, la condition n’ayant point eu d’effet, d’où il concluoit que lors que la condition perit et expire sans avoir été executée, l’acte demeure en sa erfection ; ln stipulationibus tempus contractùs inspiciendum, non tempus quo conditio extiterit, le si filius-fam. de verb. oblig. D. Qu’en tous contrats conditionnels, pura est venditio, sed sub conditione resolvitur, l. 2. D. de in diem addict. Il est vray que le contrat dans sa première disposition ne contenoit qu’une obligation de mille livres : mais en même temps la vente est faite à faute de payement dés à present, comme dés lors, et dés lors comme dés à present, tunc ut ext nunc, que verba prasentem habent effectum, et retrotrahuntur ad diem contractùs. Le vendeur se servoit de la difference d’entre la vente conditionnelle et celle qui se resout sous condition ; la onditionnelle n’a point d’effet ni de perfection que la condition ne soit accomplie ; l’autre est arfaite dés le jour du contrat ; la première ne donne l’être au contrat qu’aprés l’évenement.

Si les deniers eussent été restituez il n’y avoit point de vente, elle n’a passé en nature et effet de vente que du jour du terme échâ, auquel temps il êtoit fermier, ce qui luy acqueroit le reizième ; par Arrest du 24 de Juillet 1629. on confirma la Sentence qui ajugeoit le treizième au premier fermier.

Par un Arrest du 29 de Juillet 1627. entre Paris et Morin, il avoit été jugé que le deport êtoit dû à celuy qui étoit fermier lors du deport échâ, et non à celuy qui l’êtoit en l’année oû les fruits avoient été perçûs.


CLXXIV.

a quel prix se paye le treixième.

Treixième se paye au prix de vingt deniers pour livre, s’il n’y a titre, possession suffisante, ou convenant au contraire.

On demande si les frais et loyaux cousts du contrat, et ce qu’on auroit donné au courtier ou entremeteur du marché, doivent faire partie du prix pour augmenter le treizième ; M’d’Argentré . sur l’Art. 59. de la Coûtume de Bretagne, Note 2. répond, que ces sortes de frais et de gratifications n’augmentent point le prix de la vente à l’effet d’augmenter les lods et ventes, quod earum re-vum nomine commodo erogatum est, laudimia non augere, nec in pretium computari, prater quâm quoc corum in manus venditoris venerit. Ricard dit aussi la même chose sur la Coûtume de Paris.

Par Arrest, au Rapport de Mr Cornier, entre les habitans du Bois Guillaume, il fut dit que pour les terres tenuës du fief appartenant au College des Clementins, et au Chapître de Nôtes-Dame de Roüen, le treiziéme ne seroit payé qu’à raison d’un denier pour livre.


CLXXV.

CLXXV. Aux ainesses les puisnez doivent bailler declaration à l’ainé.

En toutes ainesses les puisnez sont tenus bailler à lainé écroë ou declaration signée d’eux, de ce qu’ils tiennent sous luy, afin que lainé puisse bailler écroé entière de lainesse au Seigneur, laquelle tous les puisnez doivent avoüer et signer chacun pour son regard.

On appelle en cette Province une ainesse ou tenement tout ce qui fut baillé à héritage par un seigneur feodal à l’un de ses hommes par un seul et même contrat, ce qui depuis a été divisé en plusieurs portions ; mais la division n’ayant pû s’en faire au préjudice du Seigneur, il doit toûjours avoir un vassal principal, qui represente tous les autres à qui l’on fe puisse adresser et qui réponde, et pour cet effet s’il n’y a point d’ainé le Seigneur peut les obliger d’en établir un pour en faire la charge, et porter en avant pour les autres, l’action solidaire étant neanmoins toûjours conservée au Seigneur, quoy que Mr Jacques Godefroy soit d’opinion contraire, se fondant sur l’Article 130. suivant lequel les puisnez payent par les mains des ainez leurs rentes au Seigneur ; mais cet Article ne luy ôte pas l’action solidaire, qu’il n’a pû perdre par le partage que les proprietaires ont fait pour leur commodité : La Coûtume a voulu dire seulement que les puisnez doivent payer leurs parts entre les mains des ainez, qui peuvent les poursuivre et les interpeller de le faire ; mais afin que le Seigneur puisse conserver ses droits, si l’Aveu qui luy est presenté de l’ainesse n’est signé que de l’ainé, il peut p obliger tous les puisnez de signer leurs déclarations.


CLXXVI.

La part du puisné renonçant revient à l’ainé.

Si l’un des puisnez renonce à sa part, elle revient à l’aîné, et non au Seigneur.

Les vassaux n’étant obligez qu’à cause de la possession qu’ils ont du fonds affecté aux rentes et droits Seigneuriaux, ils peuvent s’en liberer en renonçant au fonds.


CLXXVII.

Le Seigneur peut retirer à droit feodal le fief vendu tenu de luy.

Le Seigneur feodal peut retirer le fief tenu et mouvant de luy, s’il est vendu par le vassal, en payant le prix et loyaux cousts, et par ce moyen le fief retiré est uni au fief duquel il étoit tenur


CLXXVIII.

Roture retirée et reünie au fief, et les charges éteintes.

Pareillement il peut retirer la roture venduë en son fief, en payant le prix et loyaux cousts : et par ce moyen ladite terre est reünie au fief, et les rentes et charges dûës à cause d’icelle éteintes

Il faut conjoindre ces deux Articles avec l’Article 452. La Coûtume permet au Seigneur de retirer le fief, et la roture tenue de son fief. Dans la Coûtume de Paris le retrait n’est point admis pour les héritages censuels et roturiers :Brodeau , Article 20. n. 28. quoy ue le retrait soit également favorable pour les rotures comme pour les fiefs, quia connaturalis est ipsi feudo, originaliter illi existens, et tacité inest infeudationi. La Coûtume en ces leux Articles ne parle point du temps dans lequel le rettait feodal doit être fait, parce qu’elle le déclare sur l’Article 452. Ce droit de retenuë feodale est une imitation du droit de prelation, lont il est fait mention en la I. cum dubitabatur. C. de jure Emphyteut. non licebat Emphyteutico sine consensu Domini meliorationes suas aliis vendere, vel jus Emphyteuticum transferre ; et si Dominus idem pretium & tantam prastare quantitatem maluerit quantam ipfe Emphyteuta, reverâ ab alio accipere potest, ipsum Dominum hac comparare, & duorum mensium spatium habeat Dominus ; hoc autem elapso poterat Emphvtenta jus suum ad alium transferre, & Dominus pro subscriptione suâ et depositione quinquagesimam partem pretii accipièbat ; les lods et ventes sont encore une imitation. de ce dernier droit.

Comme pour le retrait lignager la qualité du retrayant est souvent contestée, il y a aussi souvent de la difficalté pour la qualité de celuy qui veut exercer le retrait feodal. Il faut donc connoître les personnes qui en sont capables.

l’usufruitier doit être reçû à cette action, parce qu’il est comme le procureur general du propriétaire, et c’est pourquoy aprés la mort de l’usufruitier le propriétaire peut retenir ce qu’il avoit retiré par puissance de fief.Molin . 5. 2. gl. 1. differt enim distractus à cateris juribus feudalibus utilibus, hac enim sunt in fructu, sed retractus non est in fructu, quia non potest peti nisi jure Domini & ad finem consolidationis, et il ne reste à l’usufruitier que le droit d’avoir le treizième de ce qu’il avoit retiré à droit frodal.

Le mary peut aussi retiter au nom de sa femme, son consentement et sa procuration même Tronçon ne sont point necessaires :Molin . ibid. n. 48. Troncon, Article 2t. verbo ( retenir.

Les Jurisconsultes François sont tous de ce sentiment, que les Engagistes du Domaine du Roy ne doivent point joüir de la retenuë fendale ; duDu Moulin , 5. 13. gl. 1. n. 45.Tronçon , Article 20. de la Coûtume de Paris ; s’il n’est compris expressément dans l’engagement, ou que l’Engagiste n’en ait obtenu des lettres dûëment vérisiées. Par l’Art. C. Tit. de Rappel ou querelle de fief vendi, il est dit que quand le fief est vendu le Seigneur de fief qui a l’hommace du vendeur pourra rappeler la vente. Or les Engagistes ne recevant point les hommages, ils ne peuvent avoir le droit de retrait ; et la Cour en a fait un Reglement, Article 76. mais elle ne s’est point expliquée sur cette question, si le Roy peut user de ce droit : Nos Jurisconsultes François ne s’accordent pas là-dessus : procurator generalis retrahere potest, dit duDu Moulin . C’est aussi le sentiment de Mrle Maître , en son Livre des Fiefs et Hommages, c. 5.Bacquet , des droits de Justice, c. 12. et de laLande , sur l’Article 49. de la Coûtume d’Orléans, assurent que l’on suit presentement cette opinion, et que tous conviennent de ce point, suivant plusieurs Arrests qui sont rapportez parLommeau , sur l Article 348. de la Coûtume d’Anjou, que supposé même qu’il ne pût user du droit de retrait Seigneurial, il le peut céder à une autre personne pour l’exercer à son profit, et pour joüir de l’héritage rétiré de la même manière que faisoit le precedent propriétaire ; et tant s’en faut que le Roy soit exclus de la prelation feodale par aucune oy, que par les Lettres Patentes de Charles VII. de l’an 1445. il est permis aux Tresoriers de France de retirer pour le Roy toutes et telles rentes, revenus et terres qui se pourroient vendre.

Masuer Au contraire Masuer,Chopin , sur la Coûtume de Paris, l. 1. t. 2. n. 22. et du Domaine, Loysel 3. t. 23. n. 5. Loysel, en ses Institutes coûtumieres, l. 3. t. 5. etBodin , en sa Republique, l. 5. c. 3. estiment que le Roy n’y est point reçû que pour les grands fiefs, ou lors qu’il est utile pour son Royanme, parce qu’autrement le Roy deviendroit bien-tost le Seigneur de toutes les erres de son Royaume, et son Domaine étant inalienable, ses Sujets demeureroient sans terres et sans fiefs.

Cette derniere opinion est fondée sur les maximes les plus sûres et les plus utiles du gouvernement Politique, car pour faire subsister un Etat il faut que les biens soient distribuez avec quelque proportion, afin que le Souverain en retenant pour luy tout ce qui appartient aux articuliers ne les reduise pas dans l’impuissance de porter les Charges de l’Etat, ce que les Loysel Politiques ont fort bien exprimé par l’exemple de la Rate : Loysel, au lieu, préalégué, Article 11. remarque cet usage, que le Roy n’a point le droit du retrait Seigneurial ausssi ne peut-on en user contre luy ; mais il a la retenue par droit de bien-seance : ampliari imperium cominum adjectione, potius quam pecuniarium copia oportet, comme disoit l’Empereur Adrien dans la l. cum ratio. S. si plures. D. de bonis damnat.

En cette Province nous n’avons point d’exemple que le Roy ait prétendu le droit de retrait Seigneurial. La Coûtume en cet Article ne l’accorde qu’au Seigneur feodal, et sous ces termes lle ne comprend point le Roy ; quand elle entend le comprendre dans sa disposition et parler de luy, elle s’en explique expressément, comme en l’Article 215. de la Garde-Royale, et en l’Article 216. elle a dit le Seigneur feodal, opposant les termes de Roy et de Seigneur feodal, et aux Articles 144. 146. 147. et 211. elle oppose le Domaine du Roy au Domaine de Fief.

Il est vray que dans les Coûtumes où le droit Seigneurial est cessible il n’y a pas de pretexte d’ôter au Roy un droit dont les particuliers joüissent, parce qu’en ce cas toutes les raisons que’on faisoit valoir pour l’interest public cessent entièrement par le moyen de la cession, la chose retirée demeure dans le commerce comme auparavant ; mais comme en Normandie ce droit n’est point cessible, nous gardons cette regle que le Roy ne peut user de retrait feodal, Nous mettons en cette Province les Ecclesiastiques au nombre des Seigneurs feodaux qui ne peuvent exercer la retenuë feodale : cette proposition n’est point problematique parmy nous, et on ne doute point de la negative ; mais comme cette question fit éclat il y a quelques années en une cause évoquée de cette Province, et qu’elle fut jugée au Parlement de Paris, et au Conseil Privé du Roy, contre nôtre usage, il est necessaire de traiter cette matière à fonds pour informer les Juges qui auront à prononcer sur cette question, dans les causes évoquées.

En lannée 1631. M. Othier Châtelain, possedant à cause de la fondation de sa Prevôté de Normandie, fondée en l’Eglise de Chartres, le Fief et Seigneurie de Vreville, situé en Normandie, s’étoit constitué demandeur en retrait feodal pour avoir douze mines de blé meteil de rente seigneuriale, ou foncière du fief de Martot, relevant de son fief de Vreville ; Monsieur Me Pierre Vigor, Conseiller au Parlement de Roüen, qui avoit acquis cette rente, avoit soûtenu que le sieur Châtelain êtoit non recevable à son retrait feodale : et par Sentence des Requêtes du Palais à Paris du 3 de Juiller 16é40. ledit sieur Vigor fut condamné de laisser audit sieur Châtelain par droit de retrait feodal cêtte rente foncière dûe à l’ainesse ou vavassorie roturière de Martot, elevant du fief de Vreville. Mr Vigor ayant relevé appel de cette Sentence au Parlement de Paris, elle fut confirmée par Arrest du S de Septembre 1642. Il se pourvût au Conseil Privé du Roy en cassation de l’Arrest du Parlement de Paris. Mais ledit sieur Châtelain ayant mis en cause les Agents generaux du Clergé de France, par Arrest du Conseil Privé du 23 d’Otobre 1643. on mit sur la Requête hors de Cour et de Procez. On ajoûta neanmoins que ledit Chârelain seroit tenu de vuider ses mains dudit fief dans l’an et jour, s’il n’obtenoit permission expresse de sa Majesté dans ledit temps de posseder ledit fief.

Nonobstant ces Arrests le Parlement de Roüen a maintenu son usage, et pour le rendre plus notoire et incontestable par l’Article 96. du Reglement de l’année 1666. il est porté que les gent de main : morte ne peuvent retirer à droit feodal les héritages relevans de leurs fiefs : On jugera plus assurément de la Justice de ce Reglement par la discution des raisons et des autoritez qui peuvent être proposées de part et d’autre.

Les gens de main-morte alléguent en leur faveur que c’est un profit de leurs fiefs, qu’ils ont un interest d’avoir un vassal qui leur soit agreable, ce qu’ils peuvent faire en revendant ce qu’ils auront retiré ; qu’aprés tout les Seigneurs feodaux n’en recoivent aucun préjudice, puisqu’ils peuvent les contraindre d’en vuider leurs mains ; et c’est aussi le sentiment de tous les Auteurs qui sont citez par de laLande , sur l’Article 49. de la Coûtume d’Orléans ; ce qui est conforme à l’Article 41. de la Coûtume de Normandie. Tous les Ecclesiastiques possedans fiefs-nobles par aumones ont l’exercice de la Justice, et tous autres droits appartenans à leurs fiefs par les nains de leurs Juges ; or le retrait feodal étant un droit de fief les Ecclesiastiques le peuvent exercer, puisque la Coûtume en cet Article leur conserve tous les droits appartenans à leurs fiefs : et on ne peut objecter raisonnablement que la Coûtume ne leur donne les droits de fief qu’entant qu’ils les peuvent avoir par les mains de leurs Juges, ce qui les excluroit du retrait feodal, parceE que leurs Juges n’en sont point competens : car on répond que ces paroles par les mainsde leurs Juges ont leur relation, non à toute la periode qui precede, mais à ces premiers termes, ont l’exercice de la Justice : ce qui est si véritable, que les confiscations jugées par d’autres Juges que ceux du Seigneur Ecclesiastique appartiennent au Seigneur du fief Ecclesiastique comme un droit feodal-

Aussi les Commentateurs de la Coûtume n’ont point douté que ce droit n’appartient aux gens de main-motte :Berault , sur lArticle 451. s’en explique en ces termes, puisque l’usufruitier a ce droit de retrait feodal, suivant l’Article 2o2. il semble que le Seigneur Ecclesiostique le doive avoir aussi : et il cite en suite fautorité de Masuer, deMle Maître , et duDu Moulin .Godefroy , sur l’Article 177. dit que c’est une question grandement controverséé, si les Seigneurs Ecclesiastiques sont compris sous la disposition de cet Article, et que les plus delebres Praticiens de France tiennent l’affirmative, parce que c’est une des dépendances des droits Seigneuriaux, dont la Coûtume ne les exclud point.

Les Ecclesiastiques prétendent aussi que l’usage est pour eux. Le sieur Châtelain dans son procez s’aidoit d’une Sentence du Bailly de Roüen de l’année 1583. qui étoit d’autant plus considérable, qu’elle avoit êté donnée peu de temps aprés la reformation le la Coûtume, par un Juge qui avoit assisté à la reformation de la nouvelle Coûtume, et d’un Arrest du Parlement de Paris de l’année 1630. de douze retraits faits en divers temps par des Ecclesiastiques, et de quatre prises de Garde-Nobles exercées par Mr l’Evéque de Lisieux, enfin les gens de main, morte concluent qu’étant en possession des droits de confiscation, de ligne éteinte et de bâtardise, ausquels le même empeschement se rencontre, il s’ensuit qu’étant capables de l’un ils sont aussi capables de l’autre.

Au contraire pour exclure les gens de main-morte du retrait feodal on se fonde sur l’usage. ui est la véritable loy du païs, sur la nature du retrait feodal fort different de la retenuë feodale établie par la Coûtume de Paris, par les Articles de la Coûtume, et par les Arrests du Parlement, qui seul peut et sçait l’interpreter.

On ne peut reprocher aux Normans que leur usage soit singulier et contraire au droit commun, il est conforme à onze autres Coûtumes de France, qui ôtent expressément ce droit aux gens de main-morte, à sçavoir Bordeaux, Berry, de retenuë, Art. 24. Bourgogne, Bourbonnois, Art. 479. Nivernois, Loris, xaintonge, Art. 31. Vatan, Rué d’Indre, et Vitri, et dans ces Coûtumes l’acquereur peut opposer aux gens de main-morte leur incapacité par ne exception exclusive de Haction ipfo jure. Etampes, Art. 27. c. 1. qui contient ces termes, la charge que le Seigneur de main-morte est tenu de choisir un vassal et de vuider ses mains dans Salvaing l’an et jour de la retenue par luy faite, et à faute de ce il retourne au premier acquereur. Salvaint assure que c’est lusage du Languedoc, suivant un Arrest qu’il remarque : voyezCambolas , c. 2. c. 39. et il estime aussi que lEglise ne doit pas être reçûë au droit de Prelation. En Dauphini ce droit est incessible, et une cause du Dauphiné ayant été évoquée au Parlement de Tolose, il fut dit que l’Evéque de Valence justifieroit la Coûtume par luy alléguée, que l’Eglise pouroit retenir par droit de Prelation les terres dépendantes de son Diocese ; mais que l’Evéqui ne s’étant pas voulu charger de cette preuve, convertit sa demande en celle de lods.Salvaing , part. 1. c. 24. et son avis est que l’Eglise ne peut exercer le droit de Prelation en Dauphiné pour s’approprier le fief, non plus que pour en vuider ses mains dans l’an et jour.Ranchin , ur la decis. 49. Guy Papé est aussi de ce sentiment, que cessat jus Praelationis in Ecclesia habente dominium directum. Dans un Régistre d’Audience du 21 d’Aoust 1565. entre le Chapitre de Roüen et Richard du Buse, Curateur de Richard de l’Estre ; Mi Bigot, Avocat General, conclud que le Chapitre êtoit non recevable à clamer par puissance de leur fief de la Neuville. et dans ce plaidoyé on cita deux Arrests qui avoient debouté l’Abbé de Fécamp du retrait feodal, sur quoy on ordonna que les parties écriroient pour être fait droit sur les Conclusions lu Procureur General.

Pour la preuve de cet usage, on fait remarquer que depuis la conquête de cette Province par les Normans, jusqu’en l’année 1610. nul Ecclesiastique n’avoit prétendu ce droit en vertu de fiefs possedez par l’Eglise. On n’en trouve aucun exemple dans les Livres, et les Commentateurs de la Coûtume de Paris ont remarqué plusieurs Arrests de leur Parlement, mais ils n’en citent aucun de celuy de Normandie. On trouve toutefois dans les Eglises de Roüen cette Sentence de l’an 1583. dont j’ay déja parlé, mais on prétend que le retrait feodal étoit formé pour des terres situées à Roumare, qui est une Paroisse dépendante du Comté d’Eu, dont les appellations ressortissent au Parlement de Paris, et que par cette raison le Bailly de Roüen fut obligé de se conformer à l’usage de Paris. L’Auteur de la Conference des Coûtumes a cité des Arrests des années 1335. et 1337. mais ces Arrests ayant été donnez au Parle-ment de Paris ne sont point considérables.

En l’année 1610. l’Abbé du Valasse fut le premier qui fit naître cette question, mais il fut debouté du retrait feodal par le Juge des lieux. Il est vray que sur son appel la Cour ne décide point la question, elle appointa la cause au Conseil, ce qui fait présumer que l’usage que l’on prétend si contraire aux gens de main, morte n’étoit pas si notoire et si public, autrement la Cour n’eûr pas balancé à prononcer, et toutes les preuves que l’on alléguoit alors de cet usage. étoient negatives.

La conclusion toutefois de Mr du Viquet, celebre Avocat General, fut contraire à l’Abbé du Valasse : Il soûtint qu’en Normandie l’Eglise n’a point le droit de retrait feodal, ni de GardeNoble, qu’elle ne peut posseder des héritages en France que par privilege, et en vertu d’un amortissement ; à plus forte raison elle ne peut pas retirer feodalement, et qu’on n’avoit jamais entendu dire qu’aucun Ecclesiastique ait prétendu ce droit. Le Roy n’en use point en Normandie aux fiefs de son Domaine, et il seroit perilleux en cette Province, où l’Eglise a plus de biens que dans les autres Provinces, et les principales Seigneuries dont la pluspart des fiefs Etant mouvans dans la suite des temps elle pourroit tout reünir. Un Avocat General n’auroit pas conclud si positivement, si l’usage n’eût pas été public et certain.

Il est fondé sur une ancienne loy du Royaume, qui rend l’Eglise et les autres corps de main-morte incapables d’acquerir des héritages, que par la permission du Roy, à qui seul appartient le pouvoir de les amortir, parce qu’autrement il arriveroit que par succession de temps l’Eglise acquerroit la plus grande partie des biens du Royaume, promiscuis commerciis tuturum erat, ut quam attenta ad rem gens illa esse solet, hereditatibus, emptionibus, releviis, brevi gotius orbis Domini fierent, si eb fluerent omnia, reflueret nihil, interdictâ alienatione semel adquiétorum,Argent . Ad art. 3a6. En effet les gens d’Eglise n’ont pas manqué de profiter de toutes occasions pour s’entichir, ce qui se fit particulièrement en France, du temps des Croisades ; volens transfretare, disent les Titres,Salvaing , ibid.

si l’on fait reflexion sur la nature, les conditions et la fin principale du retrait feodal en Normandie, on sera pleinement convaincu que les gens de main morte ne peuvent point s’exercer.

La Coûtume permet le retrait feodal au Seigneur Laique à leffet seulement de reünir, et c’est pourquoy le même Article qui autorise le retrait feodal, dispose aussi que Fhéritage fe retiré à droit feodal est reüni de plein droit au fief, et il est si véritable que la reünion au fief est lunique objet et la fin principale du retrait seodal, que ce droit est incessible, et que e Seigneur n’en peut tirer aucun profit qu’en retirant pour reünir.

Les gens de main, morte ne peuvent reünir, parce qu’ils ne peuvent acquerir ni posseder aucun héritage en France, que par privilege, ce qui leur ôte absolument le droit du retrait seodal, car on leur accorderoit inutilement lusage et l’exercice d’un droit qui demeureroit sans effet ; pour être capable de retirer et de reünit, il faut être capable de retenir et de conserver ; les gens de main-morte ne peuvent acquerir ni posseder des terres que par privilege.

Il s’ensuit donc qu’on ne les peut mettre au nombre de ceux qui peuvent retenir et conserver, et par consequent reünir, puisqu’ils n’ont point cette capacité, et que la Coûtume n’ac corde le retrait feodal qu’à ceux qui ont pouvoir de retenir.

C’est une regle si véritable par tout le Royaume que les gens de main, morte ne peuvent reünir, que par la jurisprudence des Arrests du Parlement de Paris, ils sont tenus de vuider eurs mains des héritages qu’ils ont retirez à droit feodal.

Mais il est important de faire connoître la différence de nôtre Coûtume et de celle de Paris, parce qu’elle nous apprendra la cause pour laquelle le Parlement de Paris permet le rétrait feodal aux gens de main-morte, et nous sçaurons aussi le motif pour lequel ils en sont exclus en cette Province.

Par l’usage de Paris la retenuë feodale est de sa nature cessible et profitable, en ce que le Seigneur peut profiter d’un bon marché sans être obligé de reünir et de consolider, et c’est pourquoy comme les Docteurs François conviennent que l’Eglise ne peut reünir, et que d’ailleurs la retenuë feodale est cessible, il ne seroit pas raisonnable de les priver d’un droit dont ls peuvent profiter, puisque la cession qu’ils en peuvent faire n’est point contraire à la Coûtume qui n’autorise pas le retrait feodal dans cette seule vûë de reünir, mais de permettre au Seigneur feodal d’en titer un profit.

Nos maximes sont tout à fait opposées, le retrait n’est permis que pour reünir ; la reünion s’en fait de plein droit, et le rettait feodal est tellement réel et attaché au fief, qu’il est incessible ; le Seigneur donc n’en pouvant tirer de profit, et ne pouvant être exercé que pour reünir, il est d’une consequence infaillible que les gens de main : morte ne pouvans reünir, Ils ne peuvent avoir l’usage du retrait feodal.

ela se peut encore confirmer par l’autorité de la Coûtume, quoy qu’il n’y en ait pas de disposition expresse ; son intention paroit assez en plusieurs Articles, et particulièrement en l’Article 100. où elle donne la définition du fief ; l’heritage noble est celuy à cause duquel le vassal rombe en garde, et fait la foy et hommage. L’Eglise à cause des fiefs qu’elle possede ne tombe point en garde, et ne doit point la foy et hommage. Il est donc vray de dire qu’elle ne possede point de fiefs qui soient véritablement nobles et toutefois le retrait feodal ne peut être exercé que par ceux qui possedent de véritables fiefs-nobles.

En effet les fiefs possedez par l’Eglise sont fiefs irreguliers, ou pour mieux dire ce ne sont que de véritables aleuds qu’on leur permet de posseder, non pour s’accroître, mais pour se conserver, puisqu’ils sont dépouillez des qualitez essentielles aux fiefs, et sans lesquels ls ne peuvent conserver leur plus noble et plus considérable qualité feodale. C AaeOS est la pensée de MrCujas , ad Tit. 1. l. 3. de feud. Beneficia quae Clericis dantur, non sunt propriè feuda, sed comparantur feudis habitationum feudis annonariis, aut cerariis functionum privatarum Ils peuvent objecter qu’on ne doit pas faire valoir à leur préjudice, ce qui leur tient lieu de privilege et de prerogative ; c’est une exemption avantageuse pour eux de ne tomber point en garde, et de n’être point assujetis à faire la foy et hommage, et tant s’en faut que cela diminue les la noblesse de leurs fiefs, leur dignité en est augmentée, et leur condition en est renduë beaucoup meilleure, et il n’y a point de Laique qui ne voulut posseder ses fiefs avec ce même avantage Mais on répond que la Coûtume en leur donnant cette prerogative les a distinguez en même temps des véritables fiefs-nobles, lors qu’elle a fait quatre sottes de tenûres, par hommage, par parage, par aumone ; et par bourgage, Article 103. et puisqu’elle ne repute fief-noble que ce qui tombe en garde ou qui doit la foy et hommage, et que les fiefs tenus par aumone ne sont point de cette qualité ; il est manifeste que c’est non seulement une tenûre, mais encore une espèce de biens toute particuliere, qui ne doit point jouir des prerogatives qui n’appartiennent u’aux véritables fiefs-nobles. On tire encore un fort argument de l’Article 217. j’en parleray. sur cet Article

Les gens d’Eglise opposent à ces raisons l’Article 41. tous Ecclesiastiques possedans fiefs-nobles par aumone, ont l’exercice de la Justice, et tous autres droits à leurs fiefs appartenans par les mains de leurs Senéchaux : Cet Article semble les maintenir en tous les droits qui appartiennent aux fiefs.

Eh examinant separément les paroles de cet Article, on n’y trouvera rien d’avantageux pour les Ecclesiastiques

Il n’est parlé que de fiefs d’Aumône, ce qui montre que la Coûtume a voulu faire de la difference entre les fiefs d’aumone et les fiefs des Laiques

Il n’est point aussi dit qu’ils ont tous auties droits appartenans aux fiefs, mais à leurs fiefs : ainsi cet Article ne leur donne pois t d’autres droits que ceux qui appartiennent aux fiefs d’aumone, or on a prouvé que cette sorte de fiefs ne peut exercer la retenuë feodale, mais en considérant exactement cet Article on remarquera qu’il ne concerne que l’exercice de la Justice qui est conservée à leurs Senéchaux pour les droits appartenans à leurs fiefs, et parce qu’on leur pouvoir ontester ce droit de Justice, on trouva à propos de le leur conserver par cet Article 4i. qui est fous le titre de Jurisdiction.

Et pour cette autre objection que les gens de main-morte jouissent des droits de confiscation, de deshérance et de batardise, on répond que ce sont des profits de fief qui appartiennent à leurs personnes pour en disposer, et non point pour reünir à leurs fiefs.

Le sentiment des Commentateurs, Bérault etGodefroy , n’est d’aucune consequence ; ils ont parlé de cette question fort douteusement, et Godefroy conclud enfin pour la negative : car, dit-il ; puisque l’Ecclesiastique est contraint de vuider ses mains des choses retirées, ce seroit un abus de luy permettre le retrait de ce qu’il ne pouvoit conserver.

Mais le droit est nertement établi par les Arrests du Parlement ; le premier fut donné suivant les conclusions de Mr le Procureur General contre la Dame Abbesse d’Evreux, le 29 de Decembre 1642. qui fut drelarée non récevable au retrait feodal dont étoit question ; et les Sentences du Vicomte et du Bailly d’Evreux furent cassées.

Mr Vigor ayant produit cet Arrest au Conseil Privé du Roy, Châtelain le combatit et le t passer pour un Arrest de collusion ; ayant été donné depuis l’Arrest du Parlement de Paris. qui avoit recû Châtelain au retrait feodal. De sorte que cet Arrest ne fit pas grande impression dans l’esprit de Messieurs du Privé Conseil ; mais depuis les Arrests du Parlement et du Privé Conseil, le Parlement a donné un second Arrest conforme à celuy rendu contre la Dame Abbesse d’Evreux le ; de Mars 1651. au profit de Nicolas Lucas, et les Doyen et Chanoines du Chapître de Roüen : et afin que cette jurisprudence ne fût plus incertaine, on a fait le Reglement dont j’ay parlé, qui pourroit être soûtenu par la seule raison de Iinterest publics quand on ne pourroit pas d’ailleurs fonder ce droit sur l’autorité de la Coûtume.

Car si le Roy trouve bon de n’user pas de la retenuë feodale, pour éviter que tous les biens ne retournent pas en sa main, d’où ils ne pourroient plus sortir, cette consideration ne doit pas avoir moins de poids contre les gens de main-morte, leurs biens étant inalienables ils devientroient enfin propriétaires de tous les biens du Royaume par le moyen du retrait feodal Les contrats d’achapr et de vente étant si frequens dans la société civil, et les plus beaux et les plus grands fiefs du Royaume étant possedez par les gens de main-morte, on verroit en peude temps toutes les terres reünies à leurs fiefs

C’est sans doute pour cette consideration et pour la consequence, que l’on n’a point permis aux gens d’Eglise d’user du retrait feodal, nonobstant qu’ils jouissent de ces droits feodaux de confiscation, de deshérance et de bâtardise ; mais ils ne peuvent pas causer un si grand préjudice, et d’ailleurs pouvant disposer de ce qui leur échet par cette voye, le préjudice que e public en peut recevoir est beaucoup moindre, parce qu’il n’y a point d’obligation ni de nécessité de les conserver, et qu’ils ne sont pas inalienables : mais la fin du retrait feodal étant de reünit. les héritages retirez, ils demeurent consolidez aux fiefs

Le Parlement de Roüen n’est pas le seul qui ait declaré les gens de main, morte incapables l’exercer le retrait feodal : Tel est aussi l’usage de Languedoc, comme il fut jugé par un Arrest du Parlement de Tolose, contre l’Abbaye de Doc, qui fut déclarée non recevable en la demande qu’elle avoit faite du droit de Prelation sur le Domaine de Montagnac, mouvant de sa directe.

Et cette question s’étant presentée en Dauphiné entre l’Evéque de Valence et le Marquis de Monbrun, pour la Baronnie de Meüillois, il y eut Arrest au Parlement de Tolose, où la cause avoit été évoquée de celuy de Grenoble du rs de Mars 1640. par lequel il fut ordonné que l’Evéque justifieroit la Coûtume par luy alléguée, que l’Eglise pouvoit retenir par droit de Prelation les-terres dépendantes de sa directe ; et MrSalvaing , c. 24. de l’usage des Fiefs et Droits Seigneuriaux, qui rapporte cet Arrest, ajoûte que l’Evéque ne s’étant pas voulu charger de la preuve, convertit sa demande en celle des lods.

Si plusieurs fiefs relevans d’un même Seigneur avoient été vendus par un même contrat le Seigneur ne seroit pas obligé de les retirer tous, suivant le sentiment de duDu Moulin , de feud. S. 20. gl. 1. n. 54. quia ex quo sunt diversa feuda, necessario sunt diversae fidelitates ; et diverse et separatae actiones ; unde deterior non debet fieri conditiosua, ex eo quod ista feuda pervenerunt ad eundem Patronum. L’opinion contraire me paroit meilleure par le raisonnement même de cet Auteur, quia omnia feuda vendita moventur ab eodem Patrono, & sunt vendita unico pretiâ re mon distributo, sed simul et collectim, ainsi c’est une feule vente qui ne peut être divisée contre la volonté de l’acheteur qui n’auroit pas acheté l’un sans l’autre, et qui par consequent ne doit point être contraint de recevoir le retrait de l’un sans l’autre, 1. quod si uno d. de in diem adiect. Il n’en seroit pas de même si les fiefs vendus êtoient mouvans de divers fiefs, encore bien qu’ils appartinssent à un même Seigneur, en ce cas il seroit en sa liberté de retirer ce qu’il voudroit.

si de plusieurs Seigneurs d’un même fief l’un vouloit rêtirer à droit feodal, à proportion de la part qu’il auroit au fief, et que les autres ne voulussent point exercer leur droit, ce rétrayant n’y seroit point recevable, parce que l’acquereur ne seroit point obligé de diviser son acquisition, cum non effet pro parte empturus, & ex quo est unicum feudum & titulus unicus feudi, sequitur quod ejusdem feudi non est, nisi unicum jus Patronatùs.Molin . 16. n. 49. par Arrest du 13 de Juillet 1628. il fut jugé qu’un Seigneur qui avoit rétiré par puissance de fief un héritage, et en ce faisant iceluy reüni au fief, étoit recevable à racheter les rentes foncieres dûës par cet héritage en payant le denier vingt ; le proprietaire de la rente disoit que la rente êtoit fonciere, perpetuelle, et que le preneur n’avoit pû luy préjudicier en vendant le fonds : le Seigneur répondoit que le retrait feodal étoit une espèce de retour qui reünit l’héritage au fief, et que le Seigneur peut le décharger de la rente fonciere, autrement il de viendroit debiteur de son vassal : les parties étoient le Vaillant, Ecuyer, sieur de Barneville, et Lochart.

En consequence des paroles de l’Article 178. que la roture retirée à droit feodal. demeure rennie au fief, on a demandé si ce qui est retiré à droit feodal est propre ou acquest : Ce terme reüni semble induire que la chose reünie prend la nature du fief ; ainsi si le fief étoit propre, la chose reünie deviendroit de la même qualité et par une raison contraire si le fief étoit un acquest la chose reünie passeroit pour acquest.Chopin , de feud.. und. t. 4. fait difference entre les biens Tiraquel qui accroissent ou retournent au fief par confiscation, ou deshérance, lesquels il repute patrimoniaux, le seigneur n’ayant rien déboursé pour iceux ; c’est aussi le sentiment de Tiraqueau, du Retrait Lignager, 8. 32. 4. 1. n. 72. et 73. et la Cour a décidé par l’Article 108. du Reglement, que l’héritage reüni par retrait feodal au fief, et qui tenoit nature de propre, est censé propreSi une dixme infeodée avoit été venduë à l’Eglise, le lignager ne seroit pas admis à la retirer, parce qu’étant retournée à l’Eglise d’où elle étoit partie, elle ne peut plus en être separée Si le Seigneur avoit acquis simplement la terre tenuë de son fief ce seroit un acquest, suivant l’Article 200. Or l’ayant retirée à droit feodal, cet accessoire et cet augment prend toutes les Tiraquel qualitez et les conditions de son principal. Voyez Tiraqueau, du Retrait Lignager, 8. 32. d. 1 4. 72. et 73.Chopin , de feudiAndegav . Tit. 4. Conference des Ordonnances, l. 1. 1. 4.

Suivant l’Article 178. quand le Seigneur retire à droit feodal la roture tenuë de son fief elle est reünie à son fief, et les rentes et charges dûës à cause d’icelle sont éteintes ; de-là nait cette question, si quand le Seigneur acquiert des rotures tenuës de son fief, et sujettes à des rentes, en consequence de ce retour en une même main de la rente avec le fief, l’extinction se fait si absolument que les enfans ausquels les rotures écherront en partage, ne seront plus tenus à ces mêmes rentes : Pour prouver l’extinction, on allégue l’autorité des Jurisconsultes en la l 1. quibus mod. sorvitus amitt. servitutes confunduntur, si utriusque predii Dominus esse coeperit. La l. tiquis Edes de servit. urban. prad. siquis Edes, que suis adibus servirent, cum emifset ; traditas sibi accepit, con fusa sublatâque seruitus est, et si rursus vendere vult, nominatim imponenda sercitus est, nlioquin libere veneunt. Ce qui est conforme à ces regles de droit. La premigre, que res sua remini servit. Et la deuxiéme, unaquaeque res facile redit ad suam naturam. Or comme toutes choses sont libres naturellement, il n’y a rien de plus naturel et de plus aisé que cette extinction. par la confusion qui fe fait du fonds servant avec le fonds Dominant, quia actio & passio non Molinaeus possunt concurrere Molinauis de feudis. 5. 1. gl. 1. n. 56. n. 59. si vendidi & tradidi meum praedium cui tuum serviebat extinctâ est servitus, & dato quod mihi revendas non reviviscit, nec tenéris de novo imponere, nisi in revenditione expressè cautum fuerit, quod procedit quando rem meam simpliciter vendidi, secus si sub pacto de retrovendendo. Mi d’Argentré , Article 3 40. gl. 2. n. 2. et 3.

soûtient que quand le seigneur acquiert, la reünion se fait naturellement, et la confusion de tous troits jure et naturâ, quia nemo sibi fidelitatem prestare, nemo à se exigere non debita obsequia Tiraquel nec cuiquam predium servire, nec suares cuiquam hypothecari potest. Tiraqueau, du Retrait Lignager. traitant la question si l’usufruitier achetant la proprieté il y a lieu au retrait, et si le retrait admis Il perd son usufruit, dit n. 71. cum quis acquirit dominium feudi servientis, irrevocabiliter confunditur servitus, nec amplius reviviscit. Mr deCambolas , l. 1. c. 38. rapporte un Arrest du Parlement de Tolose, par lequel il a été jugé que quand le Seigneur achete une directe, la servitude s’éteint, et s’il la revend aprés sans imposer de nouvelle charge, il la vend noble et alodiale.

I. quidquid. C. communia praedior. la consolidation est présumée par l’argument de l’usufruit. ). item finitur : de usufructu, aux Institutes. VoyezLoüet , l. F. n. 5.Fabri , Codice Fabriano, l. 4. t. 43. definitione 61.Matth. de Affl . Decision. 360. n. 2. Cap. Tolos. 4. 461.

Cette question reçoit plus de doute en cette Province que dans les Coûtumes où les acqui sitions, que le Seigneur fait en son fief, sont reünies de plein droit, aussi-bien que ce qui es rétiré à droit feodal : il n’en est pas de même en nôtre Coûtume, suivant l’Art. 200. et par cet Art. 178. ce qui est retiré à droit feodal est reiini au fief, et les rentes éteintes ; d’où lon in duit que la Coûtume ne parlant de lextinction des rentes que dans le cas de la reünion en vertu du retrait feodal, il ne se fait point d’extinction quand il n’y a point de reünion, et par l’Art. 180. si le Seigneur achette terre tenuë de son fief, il est tenu faire le service de Prevôté ; et u contraire quand il les retire par puissance de fief, il n’est plus obligé à ce service, mais seulement aux autres charges communes, entre les tenants, qui en sont déchargez à proportion de ce qui en étoit dû pour les terres reünies

Mais on répond qu’encore que dans cet Article il ne soit fait mention de l’extinction des rentes que dans le cas de la reünion par retrait feodal, il ne s’en enfuit pas qu’elle ne se puisse faire par toutes les autres voyes qui se peuvent faire naturellement. Cette confusion est fort naturelle quand le fonds servant et le fonds Dominant sont possedez par une même personne, autrement que deviendroient ces rentes durant cette confusion de domaine : car de feindre qu’elles demeurent en suspens pour reprendre leur être en cas de separation, c’est une fiction qu’il n’est point necessaire d’admettre contre les regles, et pour un sujet qui n’est point favotable. Il est vray que par les deux Articles suivans on a fait différence entre ce qui est retiré à droit feodal, et ce qui est acquis par le Seigneur : au premier cas le service de Prevôté est éteint ; au dernier le seigneur y demeure sujet : mais on conclad de-là que la Coûtume n’ayant reservé que le service de Prevôté, toutés les autres rentes demeurent éteintes. Mais il faut dire que ces Articles ne regardent que les vassaux, et reglent seulement ce que le Seigneur doit diminuer à proportion de ce que le fonds qu’il retire ou qu’il acquiert en êtoit chargé. Cette question fut décidée en la Grand. Chambre le 18 de Juin 1631. sur un partage des Enquêtes, Mr de Bonneval Rapporteur, Mr Auber Compartiteur. Un pere avoit baillé à fieffe un moulin à condition de franche-moute pour sa maison, et Sieurie dont ce moulin relevoit. Depuis il avoit acheté ce même moulin ; aprés sa mort l’ainé ayant pris le fief par préciput il laissa à ses puisnez ce moulin et les autres rotures ; l’ainé voulant jouir du droit de franche, moute mposé par le contrat de la fieffe, il luy fut contredit par ses puisnez, comme ce droit ayant été éteint et confus par l’achapt que leur pere avoit fait du moulin, et par l’Arrest il fut dit que le moulin ne devoit plus de franche-moute. Les parties étoient Charles de Villereau, Ecuyer, sieur de S. Hilaire, demandeur pour être maintenu dans la franche-moute au moulin du Boschet, dépendant de son fief de S. Hilaire, appelant du Bailly d’Alencon, et Thomas et Saspar de Villereau, proprietaires du moulin, et demandeurs pour être maintenus en l’exemption de la franche-moute ; par la Sentence Charles, l’ainé, avoit été debouté de son action. Le procez avoit été partagé aux Enquêtes, et le partage vuidé en la Grand : Chambre ; il passi comme il vient d’être dit. La même chose a été jugée au Parlement de Paris le 1o de De cembre 1648. au profit des Carmes d’Angers, et qu’un seigneur de fief ayant acquis un heritage mouvant de son fief, et chargé d’une rente fonciere envers ledit fief, la rente êtoi éteinte par le moyen de la reünion qui s’étoit faite dudit héritage audit fief, en telle sorte que le même Seigneur ou ceux qui étoient à son droit ayant revendu cet héritage sans le charger de nouveau, l’acquereur de la même rente ne pouvoit pas être poursuivi pour raison d’icelle par le Seigneur du fief, suivant la l. siquis ades de servit. urban. prad. D.

Guerard possedoit quelques fiefs relevans de Preaux et sujets à quelques rentes : étant mort sans heritiers, ces biens furent donnez par Mr le Duc de Monmorancy à Blondeau, qui ceda son droit au nommé le Bailly, Procureur Fiscal à Preaux, et le Bailly en fit puis aprés cession à un autre. Depuis la mort de Guerard, et durant plus de quarante ans, le seigneur de Preaux ne demanda aucunes rentes sur ces biens ; mais lors que le Seigneur en fit la demande, on fi naître ces deux questions : La première, si le Seigneur cedant l’héritage qui luy étoit retourné par deshérance, étoit présumé avoir donné ses rentes s Et la deuxiéme, si la prescription avoit eu cours durant que le possesseur avoit exercé la charge de Procureur Fiscal ; Mr le Duc d’Angoulême, Seigneur de Preaux, étoit demandeur en lettres de Pequête civil, contre un Arrest qui favoit debouté de sa demande : Le Canu, Avocat pour le vassal, soûtenoit que le fief étant retourné en la main du Seigneur par deshérance, la reünion et la consolidation en avoient été faites ipfo jure, et que l’on n’étoit pas dans les termes de l’Art. 200. suivant lequel es acquisitions faites par le Seigneur en son fief sont toûjours reputées acquests de son vivant, s’il ne les a rétirées à droit de sa Seigneurie, et en vertu de cette reünion toutes les rentes avoient été éteintes, le Seigneur ne pouvant plus être debiteur et creancier, et ayant donné depuis ces mêmes fiefs sans aucune retention ni reservation de ces rentes, on ne pouvoit les faire renaître, qu’en tout cas elles seroient maintenant prescrites, n’ayant point été demandées depuis quatre-vingt ans. La qualité de Procureur Fiscal n’avoit pû rendre la possession vicieuse, ni interrompre le cours de la prescription, cette qualité donc n’avoit point empesché de Seigneur ou ses Receveurs de demander ces rentes si elles eussent été dûës Au contraire la Broise, pour Mr d’Angoulême, prétendoit que par le retour du fief servant au sief Dominant, les rentes étoient comme endormies, cessabat actio, sed non erat extincta, et qu’elles avoient commencé à revivre aussi-tost que le fief étoit passé en une autre main ; que par les termes du don, le Seigneur avoit assez témoigné que son intention n’étoit pas de remettre ces rentes, parce qu’il avoit dit qu’il cedoit tout ce qui luy êtoit acquis par la succession de Guerard, ce qui emportoit une reservation des rentes, parce qu’elles n’avoient pas appartenu à Guerard, et à légard de la prescription elle avoir êté interrompué en la personne du Procureur Fiscal qui avoit dû exiger ces rentes de luy : même : la cause fut appointée au Conseil en la Chambre de IEdit le 23 de Février 1650. Les termes de la donation faisoient toute la difficulté de la cause. Il paroissoit que le Seigneur n’avoit eu la volonté que de donner hhéritage en létat qu’il étoit avant la deshérance : Aussi par Arrest du 8 d’Aoust 1651. en la Chambre de IEdit. au Rapport de Mr de Sainte-Heleine, il fut dit que le vassal seroit tenu d’employer les rentes en son Aveu, entre Mre Loüis de Valois, Comte de Dalets, demandeur en lettres de Requête civil, et intimé, et Demoiselle Marie Minfant, veuve d’Horace Bouchart, défenderesse et appelante. Dans la question generale il n’y avoit pas lieu de douter que les rentes ne fussent éteintes, parce que l’héritage étant retourné au fief à droit de deshérance, la reünion s’étoit faite de plein droit ; mais la difficulté est grande pour les acquisitions, car la reünion ne s’en pouvant faire durant la vie de l’acquereur, et l’héritage demeurant toûjours tellement separé du fief, qu’il n’entre point dans le préciput de l’ainé, il semble juste que puisqu’il ne s’en fait aucune reünion, il ne se fait aussi aucune extinction des rentes, autrement l’ainé souffriroit un double préjudice, et deux causes lucratives concurreroient en faveur des puisnez, car l’ainé n’auroit point l’héritage, parce qu’il n’auroit pû être reüni, et cependant les rentes dûés à son fief demeureroient éteintes ; les sentiments sont partagez sur. ce sujet.


CLXXIX.

Décharge des autres charges communes.

Et quant aux autres charges communes entre les tenans, les autres en demeurent déchargez à la raison de ce qui en êtoit dû pour la rente reünie, ex-cepté le service de Prevôté.

Godefroy , sur cet Article, avoué ingenûment qu’il ne l’entend point ; car la Coûtume, dit-il, ayant declaré en l’Article precedent que les rentes et les charges dûës à cause de l’héritage rétiré sont éteintes confusione debiti & crediti il ne sçait ce qu’elle entend par ces autres charges. communes entre les tenans, si ce n’est l’obligation de curer les fossez, les bieux de moulin, le chariage de meules, et les autres corvées de cette nature : mais il n’estime pas que nos Reformateurs ayent eu cette intention

Berault a reconnu cette difficulté, et il ne l’a pas resoluë ; mais, à mon avis, on peut expliquer ces Articles en cette maniere : lors qu’il est dit par l’Article precedent que la terre étant reüinie au fief, les rentes et charges dûes à cause d’icelle sont éteintes, cela s’entend quand les sentes et les charges sont dûës entièrement sur cette terre reünie, et qu’il n’y en a point d’autres qui soient sujettes et affectées au payement d’icelles.

Mais quand il y a d’autres terres obligées à ées charges et rentes, avec la terre qui a été reünie, en ce cas les possesseurs de ces autres terres demeurent déchargez, à proportion de ce qui en êtoit dû pour la terre reünie, excepté le service de Prevôté, et c’est le sens véritable et naturel de cet Article qui n’est pas une batalogie ni une repetition du precedent, comme Godefroy l’a crû ; au rontraire il contient une explication necessaire de l’Article precedent, en vertu duquel le seigneur feodal eût pû prétendre une exemption des rentes, quoy que l’héritage qu’il auroit retité à droit feodal y fût obligé par indivis et solidairement. Et la distinction que Berault et Godefroy ont rapportée pour l’explication de cet Article, des charges et des obligations qui consistent in dando vel faciendo, ne vient pas à propos sur ce sujet.

En consequence des termes de cet Article, et quant aux autres charges communes entre les tenans, les autres en demeurent déchargez à la raison de ce qui en étoit di pour la terre reinie ; on à revoqué en doute, si le Seigneur feodal, qui a reüni le chef d’une ainesse par confiscation ou retrait feodal, perd l’indivis de sa rente sur les autres puisnez, et s’il peut les executer un seul pour le tout : on dit que la reünion feodale change la qualité du fonds, ce qui étoit roture devient noble, et les redevances et les servitudes sont confuses et éteintes. Or le Seigneur entrant en la place de l’ainé, qui ne pouvoit exiger que la contribution de chacun des puisnez, ne peut demander davantage ; il perd la solidité, et il doit recueillir les portions de chaque puisné comme leur ainé auroit fait. Le creancier qui avoit une obligation solidaire, quand il y a dérogé ne peut plus la demander, si creditores vestros ex parte debiti admisisse quanquam vestrûm pro personâ suâ solventem probaveritis, aditus Preses provincialis, ne alter pro altero exigatur providebit, l. si Creditores. C. de Pactis, l. Liberorum. C. de Fidejuss. Il est vray que l’on peut mterpreter cette l. si Creditores, des obligations personnelles, et non des réelles et foncieres qui suivent le fonds et dont la solidité n’est éteinte que pour la part de l’héritage reüni, et demeure pour le surplus ; ce qui semble avoir été jugé par un ancien Arrest du 29 de Mars 1576. entre le Roux, Gougion et Savari appelans, et Jacques le Roux intimé, lequel ayant reiini par retrail eodal un héritage, il fut permis de se faire payer de la rente Seigneuriale sur les autres tenanciers, sa portion déduite, la raison en peut être que, servitus pro parte confunditur, pro parte retinetur, pro parte adquiri non potest, pro parte retineri non potest, l. 6. de Servit. Par Arrest en l’Audience du 19 de Decembre 1625. entre les nommez du Fréne et Gohier, sieur du Fréné, il fut ugé à tort l’execution par indivis requise par le Seigneur qui avoit reüni par confiscation le chef de l’ainesse, et ordonné que les autres tenans payeroient seulement leur part ; contre cet Arrest le seigneur ayant obtenu Requête civil, elle fut appointée au Conseil sans avoir été plaidée, mais toutesfois et quantes que l’ainé voudra remettre le chef de lainefse, il aura la solidité comme auparavant.


CLXXX.

Service de Prevôté quand est dû par le Seigneur.

Mais si le Seigneur achete terres de roture tenuës de luy, il est tenu faire faire le service de Prevôté dû par ladite terre, jusques à ce qu’elle soit reünie au fief.

Cet Article établit une différence à l’égard du Seigneur et de ses vassaux, entre les terres que de Seigneur remet en sa main par droit feodal, et celles qu’il reprend par acquisition. Il est assez difficile de rendre la raison de cette difference. Si la Coûtume a eu pour fondement de sa disposition que les vassaux ne fussent pas aggravez quand le Seigneur remettoit en sa main le domaine qu’il avoit aliené, la faveur des vassaux êtoit égale dans le cas de l’acquisition, comme dans celuy de la reünion

On peut alléguer pour raison de la difference que la Coûtume fait entre les terres reünies à droit feodal, et celles qui sont acquises par le Seigneur en son nom, que la Coûtume ne permettant pas que les acquisitions que le seigneur fait de terres tenuës de son fief y soient reünies de plein lroit, et les faisant subsister separément, elle n’a pas trouvé à propos de leur donner la même prerogative qu’à celles qui retournent en leur première dignité, et qu’elles fussent déchargées du service de Prevôté.

Mais bien que le Seigneur soit tenu de faire le service de Prevôté, qui étoit dû par la terre qu’il a acquise, et qu’il ne soit point éteint à son égard, si néanmoins il revend cette même terre sans cette charge expresse du service de Prevôté, l’acquereur n’y sera pas sujet, nonobstant qu’il se fût obligé aux droits et devoirs Seigneuriaux ; car le service de Prevôté n’est pas de la nature du fief, le vassal n’y est obligé que par une convention expresse. Ainsi ces mots, lroits et devoirs Seigneuriaux, ne comprennent point cette servitude, hoc indiget speciali notâ, ce qui a été jugé de la sorte par un Arrest remarqué par Berault sur cet Article.


CLXXXI.

Le Seigneur peut à droit feodal retirer la rente foncière.

Il peut aussi retirer la rente foncière dûë à cause du fonds tenu de son fief renduë par le vassal, laquelle en ce faisant sera unie à son fief, et neanmoins sera toûjours foncière.

Pour l’explication de cet Article, il faut remarquer que le Seigneur ne peut user du droit feodal qu’aprés le lignager, et qu’il ne peut aussi retirer la rente fonciere quand elle est venduë à celuy qui en est redevable ; en ce cas comme ce n’est pas une vente, mais une extinction et une liberation, il n’y a point lieu au retrait lignager et feodal. C’est l’Article 28. du Reglement. Il peut donc retirer à droit feodal quand la rente est venduë à un autre ; il faut joindre à cet Article l’Article 501.


CLXXXII.

En quel cas le Seigneur se prive de la clameur feodale.

Le Seigneur ayant reçû le treizième d’héritage vendu par son vassal peut neanmoins le retirer en rendant le treizième ; mais s’il a reçû le relief, ou la foy et hommage, il ne le peut plus retirer, dautant qu’il la reconnu à homme, et eu pour agreable. Toutefois si Eacheteur s’est chargé du treiziéme, et le Seign eur la reçû de luy par sa main ou signé lendos du contrat de vendition, il n’est plus reçû à la clameur.

Cet Article contient une exception à l’Article 179. Le Seigneur est exclus du retrait feodal en deux manieres, quand il a reçù le relief ou la foy et hommage, et quand il a reçû le treizième ar les mains de l’acheteur qui en êtoit chargé, et qu’il a signé l’endossement du contrat de rendition. La raison de cette disposition est qu’ayant accepté ce nouveau vassal, au moyen de gargent qu’il a reçû de luy, il n’est plus recevable à l’expulser, ayant fait un acte contraire à on droit, l. si Filius 3o. d. de Minor. Quand le Seigneur a consommé son droit d’option il ne uy est plus permis de changer, unius electione ad aliud sibi pracludit aditum, l. 4. 8. et eleganter Loysel de lege Com. D. C’est une des regles du droit François, Loysel, l. 3. t. 5. Article 44. Le Seigneur feodal ( dit-il ) ou censuel qui a reçù les droits Seigneuriaux, chevi, composé ou baillé souffrance d’iceux, ne peut user de retenué.

Le Seigneur n’est pas exclus du retrait feodal par toutes sortes d’approbations du contrat de vente, il faut que cette approbation soit de telle qualité qu’elle ne puisse convenir ni subsister avec le retrait feodal. Or il n’en est point de plus opposée que la reception de la foy et hommage et la quittance du treiziéme, l’Article 21. de la Coûtume de Paris est conforme à la nôtre en ce point, si le Seigneur a reçù les quints, il n’est plus reçû à user du retrait. Du Moulin ajoûte cette autre fin de non recevoir, la reception de la foy et hommage admissione ad clientelam, cujus et dit-il Jut pote indubitabilis, non fit in textu mentio, tamen idem multo fortius est intelligendum.

Pour faire cesser cette difficulté nos Législateurs ont prudemment employé cette autre exception en cet Article. Ce même Auteur traite ces questions, si le Seigneur avoit sommé ou poursuivi acheteur pour luy faire la foy et hommage, ou pour luy payer le treiziéme, si l’acheteur n’ayant point satisfait à l’un ni à l’autre, le Seigneur peut se départir de sa demande pour user du droit eodal ; là-dessus il fait plusieurs distinctions ; mais j’estime que le Seigneur n’est point exclus de son droit par cette demande, encore même que l’acheteur eût consenti de payer, nisi processum effet ead actum scienter recipiendi quintum pretii, vel receptionis in fidem, quia aliter non habet vim precissam electionis. La Coûtume, en cet Article, pour exclure le Seigneur du retrait désire qu’il ait reçû ; ainsi la simple demande de la part du Seigneur, ou l’offre faite de la part de l’acheteur, non consommée, ne sont point considérables :

quand l’héritage a été saisi et ajugé en Justice, nonobstant que le Seigneur ait recù le treiziéme, il peut former l’action en rétrait contre l’ajudicataire, parce qu’aux decrets le treizième est payé aux dépens du vendeur, et sur le prix de l’ajudication. Par ce même principe il faudroit dire que lors que le vendeur est chargé du treiziéme, le Seigneur feodal a droit de le demander, quoy qu’il retire l’héritage vendu ; neanmoins la Coûtume, en cet Article, décide le contraire le Seigneur qui retire l’héritage vendu par son vassal est tenu de le rendre, et par consequent I ne le peut demander lors qu’il ne l’a point reçû. On en peut rendre cette raison, que le Seigneur qui retire à droit feodal entre en la place de Iacquereur ; or s’il pouvoit exiger le treizième il seroit n double profit, il auroit le bon marché, et de plus un treizième ; ce qui ne se peut, puisque deux causes lucratives ne peuvent concurrer pour un même sujet ; outre cela le Seigneur, en consequence de la retenuë feodale, est reputé avoir traité avec son vassal : or en ce faisant l’on résume que le vassal a vendu à meilleur marché, dans lesperance d’être exempt du treizième, et il n’est pas raisonnable que le Seigneur qui achete de son vassal, ou qui le retire à droit feodal, puisse encore luy demander un treizième.

C’est par cette même raison qu’il a été jugé par un Arrest rapporté parBerault , sur l’Article uivant, que si la vente a été faite par le vassal au Seigneur à faculté de remere, les lods et ventes n’en seront point dus, si le vassal use de la condition et s’il retire l’héritage dans le temps fatal.

Je qui n’est point contraire à l’Article 193. qui ne s’entend que de la vente faite à faculté de rachapr à un autre qu’au Seigneur, quoy queGodefroy , sur l’Article suivant ; semble tenir le contraire La Coûtume requiert que le Seigneur ait recû le treizième de la main de l’acquereur ; de sorte que si la reception a été faite par un procureur en vertu d’une procuration generale, ou par un receveur, ou fermier, ou par un usufruitier, ou par une doüairière, cela ne donne point d’atteinte au droit du Seigneur, et il est recevable à user du retrait feodal, en rendant ce qui a été reçû, bien que l’usufruitier ait les droits utiles ; c’est la jurisprudence du Parle-ment de Paris, suivant l’Arrest remarqué par de laLande , sur l’Art. 49. de la Coûtume d’Orléans.

On demande si le fermier ayant reçû le treizième en vertu de la clause generale de son bailpeut priver le Seigneur du retrait feodal ; Cette clause ne peut avoir effet que pour acquerir les treizièmes au fermier ; et comme le Seigneur est admissible au droit feodal, quoy qu’i t reçû le treizième de la main du vendeur, aussi il n’en peut être exclus par la reception faite par le fermier des mains de l’acheteur, parce qu’il n’a pas eu le pouvoir de consommer l’option qui appartient au Seigneur ; requiritur clausula specialis, dit duDu Moulin , sur l’Article 43. des Basjusticiers, en la Coûtume du Mayne ;Tronçon , Article 21.

Si le maty a reçû le treizième d’un héritage relevant d’un fief appartenant à sa femme, sans son consentement, elle ne peut plus le retiter à droit feodal, parce qu’il est l’administrateur les biens dotaux, et par cette raison il peut prendre à son profit les droits feodaux. Maritus dit duDu Moulin , eligendo, vel recipiendo quintum denarium excludit mulierem à jure retractùs. Ita maritus est solus quasi Dominus & administrator omnium bonorum uxoris, non est simplex fructuarius.

Il en faut dire autant du Prelat, et même le mineur ne pourroit obtenir de restitution contre loption faite et consommée par le tuteur, parce que ce n’est pas un acte qui emporte alie-nation ou deterioration du fonds.Brodeau , Article 21. et Tronçon, ibid. Mais si le tuteur avoit des deniers en ses mains, et qu’il fût avantageux au mineur de retiter l’héritage vendu, le mir eur auroit action pour le rendre responsable de ses interests.


CLXXXIII.

Le Seigneur en cas de clameur à luy signifiée, est payé du relief et treizième.

Si le Seigneur achete l’héritage de son vassal qui soit retiré par un lignager. il doit être payé de son relief et treizième, outre le prix et loyaux cousts.

Le Seigneur êtant privé du profit de son marché par le retrait lignager, et le retrayant entrant en sa place, les choses se reduisent au même état, comme si le Seigneur n’avoit point contracté, et par cette raison les lods et ventes luy sont dûs de la même manière que si le nager avoit luy-même acheté.


CLXXXIV.

Pareillement si l’ayant retiré par puissance de fief, il en est évincé par le lignager, le retrayant est tenu luy payer les droits de relief et treizieme.

Cet Article et le precedent sont conformes à l’Article 22. de la Coûtume de Paris, et la décision de l’un et de l’autre procede d’un même principe.


CLXXXV.

Gage-plege, et pourquoy accordé aux Seigneurs.

Le Seigneur feodal outre ses Pleds ordinaires, peut tenir en son fief un Gage. plege par chacun an, auquel tous les hommes et tenans du fief sont tenus de comparoir en personne, ou par procureur specialement fondé, pour faire élection du Prevost, et pour reconnoître les rentes et redevances par eux dûës, et delarer en particulier les héritages pour raison desquels elles sont dûes, ensemble si depuis les derniers Aveux baillez, ils ont acheté et vendu aucuns héritages tenus de ladite Seigneurie, par quel prix, de qui ils les ont achetez, et à qui ils les ont vendus, et par devant quels Tabellions le contrat aura été passé.

Cet Article comprend presque tout l’employ et la fonction de nos Bas-Justiciers ; cette espece de Jurisdiction n’a point plus d’étenduë : l’élection d’un Prevost, les Aveux, les reconnoissances des rentes, et la comparution des vassaux pour passer leurs declarations sur les sujets ex primez en cet Article, sont la matiere ordinaire des Pleds.

Pour suivre l’ordre de cet Article, je parleray de ce mot Gage-plege. Dans nôtre usage le erme de Gager, signifie s’obliger à payer les rentes et les redevances qui sont dûës pour l’année suivante, et en cas que le vassal ne soit resseant sur le fief, bailler plege demeurant sur iceluy, qui le caltionne de payer les rentes, et de cet acte on a composé le mot de Gageplege, comme d’Aviron l’a fort bien remarqué. Outre le Gage-plege le Bas-Justicier peut tenit ses Pleds ordinaires. Dans ce Gage-plege, la premiere obligation des vassaux est d’élire un Prevost qui est comme le Sergent du Seigneur, préposé pour le faire payer de ses rentes. Il faut sçavoir par qui ce service est dû, et comment on s’en peut acquiter.

Cet office a grand rapport avec cette espèce de fief, qui est appelé dans le livre des Fiefs feudum Guastaldiae ; quod anno tantùm durabat, prapositus erat Guastaldus perceptioni, et collectioni fructuum Domini, ut hac cura prapositis convenit.

Pour assujettir un vassal à ce service de Prevôté, nous tenons qu’il faut qu’il y soit obligé par ses Aveux, comme il fut jugé en la Grand. Chambre le 12 de Mars 1636. en l’Audience, entre d’Aigneaux, sieur Douville, et Dieu-l’a-fait ; le vassal avoit pris du Seigneur un herigage par bail à rente seulement, et sans être chargé du service de Prevôté : il fut dit par arrest que le vassal n’y étoit point tenu, mais que le Seigneur le feroit pour luy.

C’est encore un usage que le service de Prevôté n’est dû que par ceux qui ont des terre baties, et que nous appelons Mosures, comme il a été jugé par plusieurs Arrests ; outre celuy que Bérault a remarqué dans son Commentaire, il s’en trouve un du 26 de Février 1545. entre Denise-Philippine Vipart, et Maturin Cauche, par lequel il fut jugé qu’un vassal qui avoit masure êtoit sujet au service de Prevôté, bien que ce fût une nouvelle masure, et quoy qu’il desavoüât avoir fait le service depuis quarante ans.

Mais cette question a été nouvellement jugée en l’Audience de la Grand Chambre le 19 de anvier 1672. Anne Falaise, veuve de Thomas Auvray, bourgeois de Caen, tutrice de ses nfans, avoit deux acres et demie de terre tenuës de la Seigneurie de Lasson, appartenante à Nicolas de Croismare, Ecuyer ; elle fut nommée pour faire le service de Prevôté, et le sieur de Lasson luy bailla une déclaration pour reünir des héritages : aprés l’an de service expiré elle presenta Requête au Juge, et remontra que pour se redimer de la vexation qu’on luy faisoit, elle offroit de payer le dixième denier, ce qui fut jugé de la sorte. Le sieur de Lasson en ayant appelé, prétendoit qu’il avoit été mal-jugé, et que le Reglement de la Cour n’avoit lieu que quand Il y avoit ajudication, et que la Prevôté étoit receveuse. Je répondois pour ladite Falaise, intimée, que le motif du Reglement avoit été pour prévenir l’oppression des Seigneurs, que la peine de celuy qui refusoit de faire le service et la conclusion du Seigneur, ne pouvoit être que pour ses interests, lesquels la Cour avoit limité au dixième denier ; mais comme l’intimée ne possedoit que des terres labourables, et qu’elle n’avoit point de masures, bien loin qu’elle fût obligée à payer le dixième denier, elle ne devoit pas même le service de Prevôté, qui n’est dû que pour les masures, comme étant un service personnel ; et comme elle avoit consenti par erreur de faire ce service de Prevôté, nonobstant son consentement elle appella de son chef de la Sentence, et par Arrest dudit jour on mit l’appellation du sieur de Lasson au neant, et faisant droit sur l’appel de ladite Falaise on cassa la Sentence, et on la déclara exempte du service de Prevôté. On jugea les deux questions ; la premiere qu’encore qu’il n’y ait point d’ajudication de service de Prevôté, le vassal peut offrir le dixième denier : et la seconde, qu’il n’y a que les masuriers qui soient sujets au service de Prevôté, encore qu’elle soit receveuse.

Comme plusieurs Seigneurs feodaux de cette Province exigeoient de grandes sommes de leurs assaux pour les exempter du service de Prevôté, la Cour par un Arrest en forme de Reglement du 27 de Janvier 1622. entre le sieur de Heugueville en Côtentin, et ses vassaux, ordonna que lajudication du service de Prevôté ne pourroit exceder le dixième denier des rentes de la Seigneurie, ce qui a été confirmé par plusieurs Arrests, et notamment par un Arrest du 7 de May 1663. au Rapport de M’Btinon, et par celuy d’Anne Falaise que je viens de remarquer.

Plusieurs Seigneurs feodaux ayant soûtenu que ce Reglement ne devoit avoir lieu que quand le service de Prevôté avoit été banny et ajugé, et non pas quand le vassal vouloit se dispenser du service en offrant seulement le dixième denier, et que la Prevôté êtoit recoyeuse, ont été debouez de leur prétention. Henry-Robert le Cour, sieur de Sainte-Marie, n’avoit point fait ajuger le service de Prevôté, mais il vouloit obliger un vassal à faire ce service personnellement, soûtenant qu’on n’étoit reçû à payer le dixième denier que quand il y avoit une ajudication ; le vassal au contraire disoit que son effre êtoit raisonnable, et qu’il n’étoit tenu qu’à payer le dixième denier, soit qu’il y eut ajudication ou non, ce qui fut jugé de la sorte par Arrest du 22 de Février 1668. au Rapport de Mr du Houlé, et c’est aussi un des chefs jugez par l’Arrest d’Anne de Falaise et du sieur de Lasson, bien que la Prevôté fut receveuse. Godefroy soûtenoit que l’usage étoit contraire, et que l’Arrest remarqué par Berault ne pouvoit servir de loy. En effet nonobftant les Arrests, dans la basse Normandie on ne peut se persuader que ceux qui sont obligez par leurs îtres au service de Prevôté, s’en puissent exempter, bien qu’ils n’ayent point de masure ; ce pendant comme ce service est personnel, il seroit rigoureux d’y assujettir ceux qui ne sont roint domiciliez sur le lieu, ou qui n’y possedent en proprieté aucune maison. Cependant lors que le vassal y est obligé par ses Aveux, et qu’il veut démolir sa maison, il est raisonnable de permettre au Seigneur de s’y opposer, ou d’obliger le vassal à pourvoir à son indemnité. Par Ar-rest du 8 de Mars 1668. en la cause des vassaux de la Seigneurie de Muneville, appartenante aux Re ligieux de S. Denis en France, il a été défendu à un Senéchal de donner des aides à un Prevost.

Il est certain que les tenans noblement ne sont point sujets au service de Prevôté, et par cette raison ils ne sont point tenus de comparoir aux Gages-pleges, qui se tiennent principale. ment pour lélection d’un Prevost, s’il n’y avoit titre ou possession au contraire.

On a pareillement jugé en la Grand-Chambre le 8 de-Février 1624. entre le sieur de Bernière-Cauvigny, et Philippes, Baron de la Paroisse de Matthieu, que pour faire le service de Pre-vôté, un vassal pouvoit mettre un autre en sa place, quoy qu’il ne fût tenant ni resseant, pourvû neanioins qu’il eut un domicile sur le fief, où lon Seigneur ou son Senéchal pûssent s’adresser-

Le second devoir où cet Article oblige les vassaux, est de reconnoître les rentes et redevances par eux dûës. Du Moulin s’est fort étendu sur l’effet des reconnoissances passées par les vassaux. Magna est differentia inter recognitionem formalem alicujus juris successivi, et simplicem nius termini solutionem pro unâ vice. La reconnoissance induit et opere une obligation expresse, ou au moins implicite de la rente, mais un simple payement de la rente n’engage point à la sontinuation d’icelle. Récognitio respicit totum jus directâ, et principaliter tendit ad obligandum. n futurum. Solutio autem non respicit ipsum jus, sed anum terminum elapsum, nec ullo modo tendit ad obligationem in futurum. Nonobstant cette reconnoissance, s’il paroissoit qu’elle eût été faite par erreur, ou par quelque surprise, le vassal pourroit s’en pourvoir par les voyes de droit, quia fit ad probationem conservandam, non autem ad quid de novo constituendum.Molin . de Usur. n. 21o. et sed. et sur le titre des Fiefs, Article 7. n. 24. admissio in fidem investitura, et renovatio et similes actus et tractatus feudalitatis, non sunt titulus feudi, sed actus executionis, exercitii, et possessionis feudi, non autem sunt actus difpositionis ; inducunt probationem donec contrarium probeturi ex prestatione non inducitur confeisio, sed prasumptio.

Au defaut de ces reconnoissances, et d’Aveux soûtenus d’une possession certaine et incontestable, on demande si les Gages-pleges et les Papiers Terriers non signez des vassaux peuvent valoir de preuve contr’eux ? Minus aliquanto valent ad fidem libri rationum, cum sint privati, se tamen hi quoque multum habent momenti, in his familiis quarum ample sunt opes, ut Magnatum, Episcoporum, prasertimque mortuorum, quarum jam suspecta manus non est, de quo genere probationi multa extant apud Juriscons. l. admonendi de jure-jur. Mi d’Argentré , Article 8i. n. 3. sur tout, dit-il, quand cette écriture est ancienne, magnas conjecturas faciunt.

Plusieurs ont voulu mettre de la difference entre les rentes demandées par les Receveurs du Domaine, les Ecclesiastiques et les Seigneurs particuliers ; quelques-uns estiment, à légard des rentes Domaniales, que les anciens Journaux et Papiers Terriers faisoient foy comme êtant des titres publics. Pour les Papiers des Ecclesiastiques, on dit qu’ayant perdu leurs titres, ils peuvent demander leurs rentes Seigneuriales en montrant par leurs Papiers Journaux qu’elles ont été payées.

Cette question fe presenta au procez d’entre d’Orival, Ecuyer, appelant du Bailly d’Evreux, contre Mr Me Dreux-Hennequin, Abbé de Bernay, Conseiller au Parlement de Paris ; par le Sentence, tant du Senéchal de Roufey que du Bailly, il avoit été dit à bonne cause les blames baillez par ledit sieur. Abbé contre l’Aveu’dudit d’Orival, et ordonné qu’il employeroit la redevance de trente livres de rente. Il disoit pour moyens d’appel que ledit sieur Abbé n’avoit ni titre, ni possessiont que les prétendus extraits des Journaux n’étant signez ni approuvez ne pouvoient faire foys que son Predecesseur avoit baillé Aveu dés l’an 1584. sans se charger de cette rente, et que cet Aveu n’ayant point été blamé dans les trente ans il servoit de titre. Le fieur Abbé produisoit des Journaux et des Papiers de recepte, sur lesquels les Receveurs avoient employé qu’ils avoient êté payez de cette rente : il representoit aussi un acte, mais qui n’étoit pas signé, par lequel des fermiers avoient reconnu que par le bail qui leur avoit été fait, ils étoient chargez de la payer.

Ledit sieur Abbé avoir été appointé à faire preuve de sa possession en jugeant le procezs la première difficulté fut de sçavoir quelle fuy et quelle preuve faisoient ces Papiers Journaux, et autres écritures privées. Premierement, il semble qu’ils ne doivent servir s’ils ne sont signez, que Masuer comme une écriture privée, ils ne peuvent faire foy que contre celuy qui les produit. Masuer, t. 25. n. 26. t. 18. n. 4. Il est vray que quand ils sont sans reproche et en forme à cause de leur antiquité, ils font quelque preuve s’ils sont fortifiez de quelques adminicules En second lieu, on demande si les Ecclesiastiques qui ne peuvent, suivant le droit commun, prouver leurs rentes par leurs Papiers Journaux, peuvent le faire en vertu de l’Ordonnance de Melun on disoit qu’ils seroient obligez d’établir leur demande par l’exhibition de leurs comptes, anciens baux et informations sommaires conjointement, car le 26. Article de cette Ordonnance n’oblige les proprietaires à reconnoître les rentes demandées par les Ecclesiastiques qu’en faisant apparoir par l’exhibition des anciens baux, reddition des comptes, et autres documens et informations faites sommairement. En troisième lieu, on apprend par la demande des Ecclesiastiques, rapportée dans li Conférence des Ordonnances, qu’ils demandoient ce benefice leur être accordé quand ils pourroient ustifier leur prétention par l’exhibition des anciens baux, reddition de leurs comptes, Gages pleges, Livres Journaux, où les parties auroient signé, que l’Ordonnance ne se doit point étendre au de-là de ce qui est demandé. En quatrième lieu, cette Ordonnance est un benefice dont les Ecclesiastiques se doivent servir dans le temps de droit, et c’est pourquoy elle est renouvelée par l’Ordonnance de Blois, Article 54. On remarque aussi que cette Ordonnance, quoy qu’accordée particulierement aux Ecclesiastiques, est neanmoins de droit, et aussi par la vérification aux Parlemens de Paris et de Normandie, il fut arrêté que ce benefice seroit commun à tous Seigneurs en cas de perte de titres. Tout ce que le sieur Abbé produisoit n’étoit point signé, et au contraire il y avoit un Aveu hors de blâme. Pour l’enquête qu’il avoit faite elle ne prouvoit rien.

Il fut dit à tort le blame d’Aveu, ledit sieur d’Orival déchargé de ladite rente par Arrest, au Rapport de Mr d’Auberbose, le 8 de Février 1618.

Pour les Seigneurs particuliers, il est sans doute que leurs Papiers, les Gages-pleges et les

Registres des Receveurs n’obligent point leurs vassaux, quand ils ne sont point signez d’eux, ce qui a été jugé en la Chambre des Enquêtes par Arrest, au Rapport de Mr d’Anfernel, le 17 d’Aoust 1618.

La Coûtume nouvelle de Bretagne dans les Articles 74. et 75. établit des moyens plus assurez pour la conservation des rentes Seigneuriales, que ceux portez par cet Article.

La troisième obligation, qui est prescrite au vassal, est de declarer en particulier les héritages pour raison desquels les rentes sont dûës, en consequence de ces paroles déclarer en par-ticulier. Cette question a été souvent disputée, lors que le vassal desavouë de posseder le fonds que e Seigneur prétend être affecté à sa rente, à qui c’est d’en faire l’indication, ou du vassal ou du Seigneur : Mais elle a été décidée par plusieurs Arrests, qui ont jugé que c’est au demansieur à faire cette indication. Arrest du a8 d’Aoust 1628. entre le sieur Marquis de Courtomer et le Pouper ; le procez ayant été partagé aux Enquêtes, et départagé en la Grand. Chambres et par un autre Arrest, au Rapport de Mr du Moucel, du 8 de May 1632. entre de Gourmont, Curé de Boutteville, et autres, l’heritier d’un homme qui avoit payé une rente fonciere sepuis temps de droit, déniant de posseder le fonds obligé à la rente, fut déchargé d’indiquer. Autre Arrest aux Enquêtes, au Rapport de Mi de Fermanel, du 4 de Septembre 1642 du profit de Jeanne le Mélier, veuve de Denis le Breton, contre l’Hopital de Caen. Un acquereur qui avoit aussi payé quelque temps fut déchargé ; et enfin le premier d’Aoust 1670. en l’Audience de la Grand : Chambre, la même chose fut jugée entre Bellone et Boursier, Receveur du Domaine d’Avranches, plaidans Greard et Theroulde. Ainsi on n’a point suivi l’Arrest remarqué par Berault sur cet Article

Pour éviter ces contestations les vendeurs sont obligez d’employer dans leurs contrats les tenûres, rentes, et charges particulières ; ce qui fut ainsi ordonné par Arrest du premier de Juin 1607. entre de Pierrepont et Toûtain, suivant l’Ordonnance : et par Arrest en la GrandChambre du 18 d’Aoust 1661. on confirma la Sentence, qui avoit condamné un vendeur à desintéresser l’acheteur pour le chef et assemblément d’une ainesse. Le contrat contenoit que l’acquereur avoit cônoissance de l’héritage qui luy êtoit vendu à condition de paver les rentes, et sujet. tions qu’il devoit. Le vendeur soûtenoit que cette charge de l’assemblément d’une ainesse êtoit comprise sous ce mot de sujettion. Mais l’acquereur répondoit qu’il ne pouvoit s’entendre que des sujet-tions ordinaires, et non pas des extraordinaires, comme un assemblément d’ainesse, le vendeur ayant dù s’expliquer plus nettement, in cujus potestate fuit legem apertius dicere. l. veteribus 39. de Pactis.

Comme les Seigneurs ne se font pas toûjours payer en espèce, et qu’au lieu d’icelles ils les estiment à un certain prix pour êviter les appretiations, il ne s’enfuit pas que le vassal en consequence des payemens continuez par plusieurs années puisse changer la nature de sa première obligation en vertu de la prescription, cela ne se faisant que pour une plus grande commodité du vassal, le titre de la redevance demeure toûjours en sa force et vertu. On en rapporte un Arrest notable donné pour le Roy de Navarrc, comme Comte de Marle, du 12 de Mars 1581. ci par lequel il fut dit que la possession de soixante ans, durant laquelle on avoit payé vingt-cinc deniers pour un chapon de rente qui étoit dû, n’empeschoit point qu’il ne se fit payer en essence quand il voudroit ;Chopin , l. 2. c. 2. t. 1. Article 2. de feudisAndegav .Mornac . Ad l. in venditionibus. De contrah. empt.

Enfin les vassaux sont tenus de déclarer si depuis les derniers Aveux baillez ils ont acheté ou vendu aucuns héritages tenus de la Seigneurie, par quel prix, de qui ils les ont acherez, et à qui ils les ont vendus, et par devant quels Tabellions le contrat a été passé ; par l’Article 73. de la Coûtume de Paris, il est loisible au Seigneur censier ou foncier de poursuivre le nouvel détenteur de l’héritage étant en sa censive.

Cette dispute de l’école, an quis cogi possit ad ostensionem tituli est inutile en matière feodale. cette maxime que nemo tenetur edere contra se, peut avoir lieu, cum neutra partium ab alterâ jus haber, et suo quaque jure nititur ; sed longé alia ratio in feudali contractu, qui mutuâ lege & necessitudine officii vasallum adstringit ad officium. Mi d’Argentré , Article 85. not. 1. n. 2 Et c’est aussi ce que cet Article a prudemment ordonné. Quand la tenûre est prétenduë par differens Seigneurs le vassal doit obtenir un Mandement de debat de tenûre, ce qui s’observe aussi en Angleterre, et quoy qu’il ne soit dû aucunes rentes au Seigneur, le vassal ne se peut d dispenser de luy montrer ses titres,Molin . 5. 73. gl. 3. n. 6.


CLXXXVI.

Par quelles personnes et en quel temps doit être tenu le Gage-plege, et la forme des Actes qui s’expedient.

Le Gage-plege doit être tenu par le Senéchal du fiefen la presence du Greffier, Tabellion, Notaire, ou autre personne publique avant le 15. de Juillet pour le plus tard : et doivent tous les Aveux et Actes, tant de Pleds que Gage : plege, être signez du Senéchal et du Greffier, ou autre personne publique ayant été commis à faire le Greffe.

La raison pour laquelle les Gages-pleges doivent être tenus avant le 15. de Juillet est apparente, afin que les gens de village ne soient pas distraits en une saison où ils commencent d’être si tilement occupez à la recolte des fruits, miserum atque iniquum homines traduci ex agro in rum, ab aratro ad subsellium, ab usu rerum solitarum ad insolitam litem atque judicium ;Cicer . act. 5. in verrem. Et dans la l. 1. de Agric. C. nunquam sationibus, vel colligendis fructibus insistentes agricolae ad extraordinaria munera trahantur, cum providentiae sit opportuno tempore his necessitatibus satisfacere.


CLXXXVII.

Amende contre les defaillans au Gage-plege.

Où les hommes et tenans seront defaillans de comparoir au Gage-plege, ils seront mis en amende qui ne pourra exceder la somme de cinq sols pour le defaut de chacune teste, laquelle amende sera taxée par le Senechal selon la qualité et quantité desdits héritages tenus par le vassal. Et outre ladite amende pourra le Senéchal saisir les fruits de hhéritage, et iceux bannir pour le payement des rentes et redevances dûes, sans préjudice de famende des Pleds qui est de dix huit sols un denier

Cette question se presente souvent, lors que le fait qui donne lieu à l’amende commence sous le temps d’un premier fermier, et qu’elle est ajugée sous le service d’un autre, auquel des deux elle appartiendra : On fait ces distinctions des amendes qui proviennent des actions civil, et de celles qui sont jugées en matiere criminelle. Quant aux amendes encouruës en matière civil, il faut encore distinguer celles qui competent au Seigneur à cause de sa Jurisdiction, et celles ui competent à cause du Fief. Pour les amendes à cause de la Jurisdiction en ne considere point quand le procez a commencé, mais le temps auquel elles sont jugées, et sans doute elles appartiennent au fermier du temps de la Sentence. Pour les amendes dûës à cause du Fief, comme pour recellement de contrat, defaut de payement de rentes et de ventes, et autres qui sont taxées par la Coûtume, et acquises ipfo jure, telles amendes sont accessoires au principal, et appartiennent au fermier, soit que les procez ayent été intentez de son temps, soit qu’il les intente ou poursuive aprés sa ferme expirée. Mulcta legitimae semel commisse conductorem Jurisdictionis sequuntur, etiam si non fint esadjudicata, sed ejus successori. Arbitrariae non item, in emendis enim quarum pena est certa daeterminata et ordinaria, jus est adquisitum primo conductorie sed in arbitrariis, Spectatur tempus sententiae fecundùm doctrinamBartoli , l. 1. de Penis. ff. Sainson Sainson, Coûtume de Tours, t. 1. 8. 1. gl. 2.

En matiere criminelle, la question est fort douteuse. Suivant l’avis d’Alexandre, l. 3. c. 7. Chassanée elle appartient au fermier lors que le delict a été commis ; au contraire Chassanée, Rubr. Guid. Pap 1. 7. verb. Camende. 3Guid. Pap .Guid. Pap . Decis. 53.. la donnent au fermier du temps de la Sentence. DuMoulin Papon Moulin , en ses Notes, sur les Conseils d’Alexandre, combat son opinion.Papon , l. 13 Du Moulin Coûtume de Paris t. 9. n. 9. cite un Arrest du Parlement Coûtume de Paris Tolose.Du Moulin Du Moulin , Coûtume de Paris Coûtume de Paris Coûtume de Paris, Article 1. gl. 1. Chopin Coûtume d’Anjou n. 68.Chopin , Coûtume d’Anjou Coûtume d’Anjou Coûtume d’Anjou Coûtume d’Anjou, l. 2. Tit. de Moulins, n. 4. Les amendes et les confiscations sont les fruits de la Justice, et elles appartiennent à celuy qui étoit usufruitier tem-pore sententiae vel condemnationis, ce qui s’entend pour les confiscations des héritages quant à Benedict l’usufruit, Quest. 5. n. 64. et 63. et du Domaine, t. 2. n. 5. VideBenedict . cap. Raynutius, verb. Tiraquel Coquille ( catera bona. )Tiraquel . de Retract. connub. S. 5. gl. 4. n. 21.Coquille , des Justices, Article Pontanus Mornac 19.Pontanus , Article 5. Verbo fructus, vers. sed & superior.Mornac . Ad l. 1. si ex noxali causâ ag.

Maynard , en ses Arrests, l. 6. c. 25.

Toserois, ditPineau , proposer une autre distinction. Au procez criminel, où il y a partie rivile, qui fait les poursuites, en forte que l’amende tourne au profit du Receveur des Amendes, où il n’y a point de partie civil, et le procez est fait aux dépens du fermier, qui en est tenu par son bail. Au premier cas l’amende doit appartenir au fermier qui joüit des profits ordinaires et extraordinaires lors de la condamnation. Au second cas si le procez est fait d’effice, et que le premier fermier l’ait commencé, et qu’il s’en desiste, et que le second fermier le continuë, en ce cas l’amende n’étant plus un pur profit, elle appartient au fermier du temps de la Sentence : voyezPineau , en ses Questions, sur la, Article 2. voyez ce que j Coûtume d’Anjou ay remarqué sur les Articles 33. et 593.


CLXXXVIII.

Les resseans hors le fief doivent bailler caution resseante dans le fief.

Où les hommes et tenans ne seront resseans du fief, ils seront tenus de pailler plege resseant dudit fief, de payer lesdites rentes et redevances pour ladite année.

La raison de cet Article est que in re feudali vel fundiariâ non poiest extra feudum Dominus exequi, nec persequi, finon au cas, dit la Glose de la vieille Coûtume, que l’on emportât les levées du Seigneur, ou la moute qu’il pourroit suivre de prompte suite et arrêter, tître de Justiément.


CLXXXIX.

Proclamation du Gage-plege.

La proclamation du Gage-plege doit être faite publiquement à un jour de dimanche issué de la Messe Paroissiale, par le Prevost de la Seigneurie, quinze jours avant le terme d’iceluy, et doit contenir ladite proclamation le jours lieu et heure de la seance.

CXC.

Quelles personnes peuvent exercer la Jurisdiction des fiefs.

Le Senéchal et Greffier doivent être personnes approuvées en Justice, et domiciliez sur le fief, ou bien à trois lieues prés d’iceluy.

Par un ancien Reglement de Pir de Mars 1522. il fut jugé qu’un Office de Senéchal peut être tenu aussi-bien par un simple Procureur que par un Avocat, et qu’il suffit qu’il soit Praticien. De la destitution des Officiers du Seigneur j’en ay parlé sur l’Article 15.


CXCI.

Sous le nom du Seigneur proprietaire et de l’usufruitier, le Gage-plege doit être tenu.

Les Pleds et Gages-pleges doivent être proclamez et tenus, et les écroës baillez sous le nom du Seigneur proprietaire et de Jusufruitier conjointement.

Pourra aussi le proprietaire avoir homme en son nom ausdits Pleds et Gageplege, pour la conservation de ses droits.

Le Seigneur peut tenir ses Pleds dans toute l’etenduë de son fief, et dans les maisons de ses rassaux, qui ne l’en peuvent empescher ; mais on demande s’il peut tenir son Gage-plege dans le Prébytere, quand il a été amorti ou qu’il est tenu par aumône ; Car étant affranchi de tous les droits feodaux, le Seigneur ne pouvant demander qu’une simple déclaration, il ne peut être assujetti à cette servirude. Cette question fut agitée au procez d’entre Pierre le Cour, sieur de Pierreville ; appelant et défendeur de l’opposition formée par Me Jacques le Sauvage, Curé de Pi erreville, contre la tenuë des Pleds de la Sieurie de Pierreville, dans la court du Prébytere mais elle ne fut point décidée ; et par l’Arrest qui fut rendu le 17 de May 1659. au Rapport de Mr le Coigneux, on ordonna qu’auparavant que de faire droit au principal, les parties écriroient et produiroient plus amplement.


CXCII.

Le proprietaire seul baille Aveu.

Les Aveux et dénombremens, écroës et déclarations doivent êtré presentez aux Seigneurs par les proprietaires, et en leur nom, encore que l’usufruit appartienne à autres personnes.

La Coûtume, à l’égard de l’usufruitier, fait différence par ces deux Articles entre les Gagespleges et les Aveux-Pour les Pleds et Gages pleges ils doivent être tenus sous le nom du propriétaire et de l’usufruitier conjointement ; mais pour les Aveux et dénombremens ils doivent être presentez au Seigneur par les proprietaires, et en leur nom, encore que l’usufruit appartienne à d’autres.

Par l’Article 2. de la Coûtume de Paris, l’usufruitier peut saisir, pourvû que le nom du propriétaire soit employé dans l’Exploit, et que sommation ait été faite auparavantu propriétaire pour saisir. Du Moulin Moiilin, sur-le 3. 1. gl. 3. n. 13. est d’ayls que le Seigneur du fier peut faire grace au vassal invito fructuariae inl illis commodis que nondum sunt quasita ; son opinion n’a pas été suivie, comme il resulte de l’Article 2. de la Coûtume de Paris. L’usufruit d’un fief appartenant à quelqu’un, comme il doit avoir tous les fruits, il peut aussi user de saisie feodale, E pour faire les fruits siens de tout ce qui tombe en profit de fief, lequel étant acquis à l’usufruitier le proprietaire ne le peut remettre non plus que le treiziéme, et bien que pour saisir. il soit obligé d’emprunter le nom du proprietaire, cela n’empesche point qu’il n’ait droit d’agir pour avoir ce qui luy peut apporter quelque fruit. Pour toutes ces questions voyez duDu Moulin , 5. 1. gl. 1.

Il a été jugé par Arrest du 23 de Decembre 1616. que pour les fiefs il n’est point necessaire t que le dénombrement contienne toutes les singulieres parties du fief, ce qui avoit aussi été jugé de la sorte par un ancien Arrest du a2 de Janvier 1545.

De la manière de former les Aveux et dénombremens on peut voir la Coûtume de Bretagne, Article 81. et suivans, et ibid. Mr d’Argentré , et sur toutPontanus , Tit. 7. de la Coûtume de Blois.

La Coûtume ne prescrit point de temps dans lequel le vassal soit tenu de bailler son Aveu et dénombrement ; celle de Paris, Article S. donne autant de temps au vassal pour presenter son Aveu et déhombrement, que pour faire la foy et hommage, à sçavoir quarante jours


CXCIII.

La condition de rachapt n’exempte l’acquereur des droits Seigneuriaux.

Les acheteurs sont tenus faire foy et hommage, bailler Aveux, et faire payer tous droits Seigneurlaux, encore que par le contrat il y ait condition de rachapt.

Cet Article est exprés pour la décision de cette question, que d’une vente à faculté de rachapt il en est dû treizlême, comme je l’ay montré sur l’Article 171. Aussi la Coûtume obli-ge l’acheteur de faire tous les actes d’un véritable proprietaire, comme de faire la foy et homnage, de bailler des Aveux, et de payer tous droits Seigneuriaux. c. 68400.


CXCIV.

Droit de Varech est droit feodal.

Tout Seigneur feodal a droit de Varech à cause de son fief tant qu’il s’étend sur la rive de la mer : comme semblablement des choses gayves.

Nous parlerons ailleurs de ce droit de Varech.


CXCV.

Droit d’alluvion à qui appartient.

Les terres d’alluvion accroissent aux proprietaires des héritages contigus, à la charge de les bailler par Aveu au Seigneur du fief et en payer les droits Seigneuriaux, comme des autres héritages adjacents, s’il n’y a titre, possession, ou convenant au contraire.

Les dernieres paroles de cet Article, Sil n’y a titre, possession, ou convenant au contraire, furent ajoûtées sur la remontrance de la Dame de Longueville, de l’Abbé de Fécamp, de la Noblesse du Bailliage de Côtentin et de S. Sauveur-le-Vicomte, et de l’Abbesse de CaenVoyez le Procez verbal de la Coûtume.

Suivant cet Article les terres d’alluvion accroissent la mouvance et les droits des Seigneurs, et il paroit extraordinaire que le Seigneur étende sa tenûre sur une terre qui n’a jamais fait partie de son fief ; et il est encore plus surprenant que celuy qui profite de l’alluvion soit obligé de payer les droits Seigneuriaux, comme des autres héritages adjacents ; mais les Seigneurs ont étendu jusques-là le droit de Varech.


CXCVI.

La garde des biens finit par la majorité du frere aîné.

Quand le frere ainé est âgé, la garde de tous les fiefs de la succession finit, combien que les puisnez soient encore en bas âge : et fait ledit ainé la foy et hommage de tous les fiefs, et en paye les reliefs pour tous : et neanmoins aprés les partages faits, les puisnez sont tenus faire la foy et hommage chacun pour son regard, sans qu’ils soient tenus payer autre relief.

Cet Article devoit être placé sous le titre des Gardes.

Puisque suivant l’Article 350. l’ainé est saisi de toute la succession, il étoit juste que la garde de tous les fiefs finit par sa majorité. Godefroy neanmoins y apporte cette limitation, que si l’ainé aprés sa majorité prenoit par préciput un de ces fiefs, en ce cas la garde ne finiroit pas à l’égard des puisnez. Son raisonnement est que la Coûtume semble ne donner ce droit à l’ainé qu’en faveur des puisnez, parce qu’il étoit incertain lequel des fiefs seroit choisi par l’ainés mais lors qu’aprés son option, on connoit les fiefs qui restent aux puisnez, il n’y a plus de pretexte de les tirer de garde. La Coûtume paroit contraire à cette opinion, elle déclare en termes generaux que quand le frere ainé est âgé, la garde de tous les fiefs finit, combien que les puisnez soient encore en bas âge ; pourquoy restreindre une disposition si favorable aux mineurs Il est vray qu’il n’est pas incompatible qu’une personne mineure retombe dans la garde dont elle étoit sortie, lors que la chose qui l’en avoit tirée vient à cesser, comme on l’apprend par les Articles 129. et 130. mais il y a différence entre les mâles et les femelles.

On a donné pour cause au droit de Garde-Noble, que les mineurs n’étant point en âge de rendre à leur Seigneur le service à la guerre, où ils étoient tenus à cause de leurs fiefs, il étoit juste que le Seigneur fût desinteressé, et qu’il pût se servir aux dépens des mineurs ; mais lors que cette raison cesse, et que le fils ainé est en état de s’acquiter des services qu’il doit, il est juste de faire finir cette garde que le Seigneur n’avoit euë qu’à faute d’un vassal capable de le servir.

Que si la fille aprés être sortie de garde épouse un mineur, en ce cas comme il n’est pas en état de rendre le service qu’il doit, la Coûtume a trouvé juste que ce mary retombât en garde, puisqu’il joüissoit du fief à cause duquel le service étoit dûMais pour montrer que loption d’un fief faite par l’ainé, où les partages faits ne font point retomber en garde les puisnez, mineurs, cet Article déclare qu’aprés les partages faits les puisnez sont tenus de faire la foy et hommage. Or la Coûtume n’a point distingué si ces partages avoient été faits durant leur minorité ou aprés leur majorité, il s’en faut tenir à sa disposition generale, qu’aprés la majorité de l’ainé la garde de tous les fiefs finit.


CXCVII.

Le Seigneur durant la minorité de son vassal se doit contenter de la déclaration de sur tuteur, avec âge requis pour faire la foy et hommage.

Si tous les enfans ausquels appartient le fief sont mineurs et en tutelle, le Seigneur feodal est tenu donner souffrance à leurs tuteurs, jusques à ce qu’ils, ou lun d’eux soit en âge pour faire la foy et hiommage, en baillant declaration par le tuteur des fiefs et charges d’iceux, ensemble les noms et âges desdits mineurs, et payant par chacun an les rentes qui sont dûës au Seigneur à cau se desdites terres, sinon au cas que le Seigneur tienne les héritages en sa main, et fasse les fruits siens : pour faire laquelle foy et hommage le fils est reputé âgé à vingt et un an accomplis, s’il est en la garde du Roy, et vingt ans accomplis, s’il est à la garde des autres Seigneurs

La Coûtume de Paris, Article 32. repute l’homme âgé à vingt ans, et la fille à quinze ans accomplis pour faire la foy et hommage.

MrBudée , sur la l. Herennius de eviction. appelle cette souffrance, dont il est fait mention en cet Article, precarium clientelare, patientiam, tolerantiam, et duDu Moulin , inducias fidei.

Cet Article paroit d’abord fort inutile, et même sans raison ; car puisque par l’Article 100tous fiefs tombent en garde, en cas qu’ils appartiennent à des mineurs, et que par consequent les Seigneurs en joüissent, ils ne peuvent pas demander que ces mineurs lour fassent la foy et hommage, ni poursuivre leurs tuteurs pour bailler déclaration.

Mais il faut entendre cet Article, ou des Seigneurs qui ont renoncé à leur droit de GardeNoble, ou des mineurs qui possedent des fiefs qui sont tenus du Roy.

Pontanus , sur la Coûtume de Blois, Tit. 5. Article 58. demande si cette souffrance empesche que le Seigneur se fasse payer de ce qui luy est dû ; et il répond que non, quia dilatio quam dat Dominus limitata est ad solam fidelitatis praestationem. C’est aussi le sentiment deBrodeau , Article 41. que cette surseance ne peut être demandée pour les droits utiles, mais seulement pour la foy et hommage, Aveux et dénombremens. Nôtre Coûtume, en cet Article, a prévù cette diffieulté par ces paroles ; en payant par chacun an les rentes qui sont dûës au Seigneur. En effet le payement : ne doit pas être retardé pour la minorité, car cela ne demande pas un ministere personnel, argum. l. apud Julianum. 5. 1. ex quibus causis possess.Coquille , des Fiefs, Article 3. et duMoulin , S. 1. gl. 1. n. 8. he induciae solam fidelitatem concernunt, et non remorantur actionem jurium utilium.

C’est une question difficile et diversement resolue par nos Auteurs, si le pupille ou son tuteur neglige de demander cette souffrance la saisie du Seigneur sera bonne, et s’il fera les fruits siens : Nôtre Coûtume n’a point distingué entre les puberes et les impuberes, Pontanus la blâme ; sa Coûtume reçoit les tuteurs et gardiens à faire la foy et hommage pour leurs pupilles et les mineurs, garce, dit-il, qu’un pubere est capable de faire la foy et hommage : mais nôtre Coûtume s’est expliquée nettement, reputant pour un véritable mineur celuy qui est au dessous de vingt ans aprés cela cet Auteur soûtient qu’en deux cas le mineur peut être restitué pour repeter les fruits que le Seigneur a perçûs, quand le tuteur qui a négligé est insolvable, et que le mineur ne peut avoir aucune recompense contre luy ; en second lieu, quand le mineur n’a point eu de tuteur, en ce cas il est exempt de tout dol, cum omnis dolus et culpa ab eo abfuerit. Et par la l.

Imperatores. 8. 1. de public. Pupillus ipso jure evadit penam commissi, propter professionem omissam, vel solutionem vectigalis non factam.Bartole , ad l. 2. de Fundo patrim. C. et pupillus ipso jure illasus manet. Du Moulin fait distinction entre le mineur qui est au dessus de vingt ans, et par consequent capable, suivant la Coûtume de Paris, de faire la foy et hommage, et le mineur qui est au dessous de cet âge. Pour le premier il luy refuse la restitution ; nam licet consuetudo eum expressè non excludat, & quod quantumcunque lex generaliter loquatur non censetur excludere beneficium restitutionis in integrum, quod competit jure speciali ; tamen restitui non debet, quia vasallus dici potest non laedi, sed uti jure communi, & quod istud est onus, natura et conditiorei, et Dominis interim caruit vasallo, et abest servitium, honos, & reverentia, que non possunt pro tempore praterito restitui : restitutio autem non debet concedi, nisi utique ex omni parte cesser captio Mais quand le mineur est au dessous de vingt ans, encore qu’il pût avoir son recours contre son tuteur qui est solvable, néanmoins le Seigneur ne doit point gagner les fruits, ce qu’il traite amplement sur les Articles 1. gl. 7. n. 3. et Articles 3. gl. 1. n. 13. gl. 2. n. 11. Articles 13. gl. 2. n. 2. et sed. Articles 21. 5. 8. Articles 28. n. 5. et 10. Articles 43. n. 3. 4. et Articles 52. n. 76 etBrodeau , sur l’Article 41. rapporte les Arrests qui l’ont jugé de la sorte : voyez Mr le Bret en ses Décisions, l. 5. c. 12.Coquille , sur la Coûtume de Nivernois, des Fiefs, Article 3 a été d’un sentiment contraire. Si le tuteur neglige le Seigneur fait les fruits siens, sauf la secompense contre son tuteur, et si le tuteur est insolvable le mineur ne recouvre pas les fruits.

Cetre opinion seroit plûtost suivie en cette Province, car la saisie et la reünion feodale étant uine charge et une condition naturelle du fief, elle oblige les mineurs comme les majeurs, la Coûtume donnant ce pouvoir au Seigneur sans distinction de personnes, et au contraire par cet Article elle s’exprime à l’égard des mineurs, et toute la grace qu’elle leur fait est que les Seigneurs sont obligez de donner souffrance au tuteur quand il la demande. Mais si le Seigneur est méprisé jusques à ce point, qu’on ne luy demande point la grace que la Coûtume l’oblige de faire ; il ne seroit pas juste de luy ôter une des plus belles marques de sa Seigneurie, et cela est d’autant plus juste en cette Province, que le mineur est toûjours hors d’interest, soit qu’il ait un tuteur, ou qu’il n’en ait point ; car si la faute procede de la negligence il en est responsable, et il n’a point de biens, les parens qui l’ont nommé en sont garands. Si le mineur n’a point eu de tuteur il a son recours contre ceux qui suivant nos maximes étoient tenus de luy faire nommer un tuteur

Un jeune homme âgé de vingr et un an, partit pour aller en Allemagne ; le Seigneur durant son absence fit reünir ses héritages. Ses presomptifs heritiers demanderent à être reçûs à bailler Aveu, dont ils furent refusez ; sur l’appel il fut dit par Arrest du 30 de Juin 1661. qu’il avoit été mal e jugé, et les parens furent reçûs à bailler Aveu, en donnant caution de rapporter les fruits, si faire se doit, et en cas que l’absent fût vivant on trouva juste de subvenir en cas d’une absence non affectée, et que quand la Coûtume demande la presence, cela s’entend pour ceux qui peuvent comparoître, et qui ne le font point par mépris. L’Arrest donné contre Mr de Vendosme, Seigneur du Vivier et de Dernétal.


CXCVIII.

Le Seigneur feodal doit aussi donner souffrance au tuteur pour les terres roturieres appartenantes aux mineurs, jusques à ce qu’ils, ou lun d’eux, soit en âge pour presenter Aveu, en baillant par le tuteur déclaration desdits héritages et charges d’iceux avec les noms et âge des mineurs, et payant les rentes, pour lequel Aveu baillé le fils ainé est repute âgé à vingt ans accomplis.

La raison est égale pour les rotures comme pour les fiefs, et le Seigneur souffre encore moins de préjudice, parce que suivant la Coûtume le vassal ne doit point la foy et hommage pour les rotures ; et Bérault est repris par Godefroy avec faison, pour avoir dit que la déclaration baillée par le tuteur oblige les mineurs, car ils sont recevables à reparer l’erreur et l’ignorance de leur tuteur : Aussi Berault se retracta depuis ; mais je ne croy pas que les mineurs soient obligez de prendre des lettres de restitution, ni qu’ils n’y soient plus recevables aprés l’an 35. de leur âge, ce que Berault soûtient.


CXCIX.

L’hommage est dû par le mary pour le fief de la femme.

Homme épousant femme à qui appartient fief-noble, est tenu faire foy et nommage au Seigneur, et ne doit payer aucun relief, pourvû que la femme fait une fois paye.

Le mary est le maître des biens dotaux, et par cette raison il doit acquiter tous les droits où ils sont obligez, et d’ailleurs toutes les actions de la femme resident en sa personne


CC.

Acquisitions dans le fief quand sont censées reünies.

Les acquisitions que fait le Seigneur en son fief-noble de terres tenuës de sondit fief, sont toûjours reputées acquests de son vivant, s’il ne les a retirées à droit de sa Seigneurie ; mais si son suécesseur les a possedées comme Domaine non fieffé par quarante ans, elles sent censees reünies au corps du fief, encore qu’il n’y ait point de reünion expresse.

Les distinctions portées par cet Article ne sont point raisonnables, et nous voyons par experience qu’elles font naître beaucoup de troubles et de procez dans les familles : en effet cet Article est contraire aux regles ordinaires, parce que chaque chose retourne aisément en son premier état : ainsi quand l’arriere, fief qui composoit autrefois un même coips avec le fier rincipal, retombe dans sa première nature, il se confond naturellement avec le fief primitif, et c’est pourquoy suivant plusieurs Coûtumes quand le Seigneur acquiert des héritages relevans de songef, la reünion se fait de plein droit, et ipfo jure per resumptionem prioris natura, & originalis. conditionis, & per continuationem veteris posse ssionis civilis, cui subservit possessio naturalis, tanquam psius pedissequa ; et Tenianus, sut la Coûtume de Blois, Tit. 5. Aiticle 67. soûtient qu’il n’est pas possible que ce que le Seigneur acquiert relevant de son fief ne soit reüni naturellement, ver rerum naturam fieri rin potest ut duo correlativa sin ul concurrant in eodem subjecto, scilicet ui quidam sit Patronus feudi et vassallus ; ut nec creditor esse possit ac idem debitor, & quod actio & passio cum maximè sint contrariae in eodem subjecto concurrere non possunt. Ainsi quand le creanoier achère la chose qui luy a été hypothequée, son hypoiheque cesse entièrement et est confonduë avec la Seigneurie, l. neque pignus. De Reg. jur. Voyez Mr d’Argentré , Article 340. n. 2.

Par ll’Article 53. de la Coûtume de Paris, les héritages acquis par un Seigneur en sa censive sont eun is à son fief, et sont faits feodaux, si par exprés le Seigneur ne declare qu’il veut que lesdits héritages demeurent en roturé.Ricard , sur cet Article, temarque que si le Seigneur prétend empescher la reünion par une déclaration contraire, il est necessaire qu elle soit faite incontinent, et lors de l’acquisitien, autrement elle n’a point d’effet, suivant les Arrests du Parlement de Paris.

Par la Coûtume d’Oileans, Article 18. la reünion ne se fait point de plein droit, et sans le ministere de l’homme, ni même par la seule déclaration que l’acquereur fait de sa volonté ; i faut en avoir porté la fuy et hommage au Seigneur, autrement il n’est point censé reûni ; cet acquereur neanmoins peut le tenir separément sans le reünir ; mais son heritier est tenu d’en faire les devoirs ou de s’en dessaisir entre les mains d’un tiers ; de la Lande sur ledit Article 18.

Les Coûtumes dont je viens de parler font différence entre les fiefs et les rotures ; la reünion de celle-cy se fait ipfo jure, et ne peut être empeschée que par une volonté contraire, et pour les fiefs ils ne sont censez reünis que par la déclaration de l’acquereur Nous favorisons si peu les reünions, que par un Ariest en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr Deshommets, en l’anrée 1669. entre les nommez de Bardou, il fut jugé qu’un Seigneur ayant acheté des héritages relevans de son fief, et donné faculté. de remere, cette condition ayant été venduë et rétirée par le Seigneur il ne s’étoit point fait de reünion, et que cet éritage ne seroit comptis dons le preciput de fief pris par l’ainé.

Mais Jusage de Paris me semble étrange en ce point, que cette reünion feodale ne donne aux héritages tenus en censive acquis par le Seigneur du fief, auquel il étoit propre, que la ualité feodale et non celle de propre, de sorte qu’aprés le décez du Seigneur ils appartiennent aux heritiers des acquests et non des propres.Ricard , Art. 53. de la Goûtume de Paris.

Car puisque la reünion se fait naturellement et de plein droit, suivant l’Art. 53. si le Seigneur ne passe une déclaration contraire, il semble, juste que quand le fief est un bien propre, ce qui est reüni ipfo jure soit de la même nature, puisqu’il ne fait que reprendre sa première condition, et que ce n’est qu’une continuation de l’ancienne possession civil, cui subservit possessio naturalis, tanquam pedissequa, autrement il y a reünion en partie, et en partie il n’y en a point ; aussi par nôtre usage lors que le fief est propre au Seigneur, ce qu’il retire à droit feodal pour l’y reünir devient de la même qualité. Comme au contraire si le fief est un acquest, ce qui est reüni appartient aussi à l’heritier aux acquests, et par cette même raison nous tenons que la femme n’a point droit de conquest sur les héritages retirez par puissance de fief, elle y a doüaire seulement, comme sur le propre du mary, dont il étoit saisi lors de son mariage ; nôtre Coûtume ordonnant que ce qui est retiré à droit feodal est consolidé au sief, si la femme y prenoit part en proprieté, il arriveroit que ce qui auroit été une fois reüni pourroit en être separé en faveur de la femme, quod natura feudi non patitur : et neanmoins a tenu qu’aprés la dissolution mariage, il faut rendre la moitié du Moulin prix aux heritiers de la femme, et c’est aussi l’opinion de Chopin ; mais la femme a droit d’usufruit sur les acquisitions que le Seigneur fait de terres tenuës de son fief.

On a formé cette question, si le Seigneur donnant en échange une portion de son Domaine, et recevant en contr’échange un héritage relevant de son fief, cet héritage baillé en con-tr’échange tiendra la même nature : Par la Coûtume de Paris, Art. 143. quand aucun échange. son propre héritage à l’encontre d’un autre héritage, l’héritâge est propre de celuy qu’il à eu pour échange. MLoüet , let. 5. n. 10. dit que cette regle, subrogatum sapit naturam subrogatii obrinet in subrogatione pradiorum ; de sorte que les propres paternels baillez en partage à un des enfans pour la part qu’il pouvoit pretendre aux paternels, sont reputez paternels : il ajoûte que l’action subrogée en la place d’un autre a le même pouvoir que celle à laquelle elle est subrogée, ejus naturam eosdemque causas assumit. l. 1. 8. si quis sub conditione ff. ut legat. seu fideicom ser. causa car. qu’il falloit neanmoins observer, que l’action subrogée à la place d’une autres assumit naturam tantum & qualitatem intrinsecam, primariam et primordialem, sed non extrinsecam sive accidentalem, sive eam quam habitura est ex post facto. Pout exemple, si un majeur échange son fief contre une roture, l’héritage échangé retient bien la qualité d’immeuble, d’acquest ou de propre paternel ou maternel, vice dominii permutati, hec enim qualitas est intrinses ca et primordialis ; mais sans examiner si cette distinction est véritable, nous dirons pour la resolution de aette question, qu’en cet Article la Coûtume exprime tous les moyens par lesquels la reünion fe peut faire ; or la permutation n’est point un moyen de reünion, assi par Arrest du 14 d’Aoust 1668. au Rapport de Mr du Houllé, il fut jugé qu’une piece de terre acquise par échange, contre une autre terre relevante du même fief, n’étoit censée reünie, et qu’elle appartiendroit aux puisnez en cas de préciput choisi par l’ainé, et c’est une maxime certaine au Palais.

Les premieres paroles de cet Artiele ont fait douter, si un Seigneur acquerant un fief mous vant de son fief, la reünion s’en peut faire de la même sorte que de la roture ; Les raisons qu’on allégue pour la negative, sont que la Coûtume en cet Article ne parle que des rotures, les termes en sont exprés, les acquisitions que fait le Seigneur en son fief-noble de terres tenues de son fief sont toûjours reputées acquests, &c. Il n’est fait mention que de terres tenuës du fief, c’est à dire de rotures, et par consequent on ne doit pas étendre aux fiefs cette disposition Le Roy auroit interest de l’empescher, parce que ces sortes de reünions luy seroient préjudiciables, il auroit moins de fiefs, et par consequent moins de vassaux pour le servir, et moins de Garde-Nobles, de reliefs, et d’autres droits Seigneuriaux : ce qui n’arrive point par la reunion des rotures, et c’est apparemment par cette raison que cet Article ne parle que de terres, et non point de fiefs.

ette question fut disputée en jugeant le procez d’entre François de Villiers, sieur de Bertouville, appelant de Sentence renduë par le Bailly d’Alençon à Argentan, et Gilles de Vil-liers, sieur de Beclos, intimé. En ce procez jugé au Rapport de Mr du Plessis-Puchot, le 29 le Jan vier 1674. il étoit question de sçavoir si deux fiefs étoient reünis par une possession de quarante ans, depuis la mort de l’acquereur : On soûtenoit qu’il ne s’étoit pû faire de reution, par plusieurs raisons particulieres ; et notamment parce que c’étoient deux fiefs qui re-sevoient du Roy, et qui empeschoit absolument la reünion, et c’est pourquoy par l’Arrest on tassa la Sentence qui avoit jugé que les deux fiefs étoient reünis, et en reformant on déclara sesdits fiefs de Helou et de la Joustière non reünis : cependant on traita la question generale, et un de Messieurs les Conseillers m’assura qu’on avoit tenu pour maxime, que cet Article ne pouvoit être entendu des fiefs

Mais cette jurisprudence seroit directement contraire à l’Article 30. du Reglement ; car il décide que l’héritage noble ou roturier acquis par le Seigneur n’est pas reüni au fief, duquel il releve, s’il n’est retiré ou échû à droit feodal, ou aprés le temps porté par l’Article 200. Les raisons tirées de l’interest du Roy ne sont point considérables, autrement il faudroit défendre toutes sortes de areunions, puisque le Roy en souffre le même préjudice, et toutesfois elles ont approuvées par cet Article. Arssi on ne peut rapporter aucune raison folide de difference, la reünion ne se faisant pas moins naturellement pour les fiefs que pour les rotures, et l’Arrest que j’ay remarqué ne faisant point de consequence, parce que c’étoient deux fiefs rele-vans du Roy.

Il faut remarquer qu’il ne se peut faire aucune reünion des héritages procedants de diverses souches, et que la possession que les enfans ont euë de biens maternels relevans d’un fief, qui leur appartenoit du côté paternel, ne produit aucune reünion par quelque laps de temps que ce soit, suivant l’exemple et l’Arrest rapporté parBerault , sur cet Article.

Comme cet Article ne parle que des acquisitions faites par le Seigneur, il semble qu’il ne doit point être étendu au-de-là de ces termes, parce qu’il est contraire à la disposition du troit conmiun. Cela fait naître cette difficulté, si quand une rotute échet à droit successif à celuy qui possede le fief, dont elle est mouvante, il faut quarante ans de possession depuis le decez de celuy à qui elle étoit échûë, à l’effet que cette roture soit reünie au fief ; Si l’on s’attache aux paroles, le terme d’acquisition ne comprend point ce qui échet à droit sucressif ; et d’ailleurs ce que l’on possede par succession n’étant point un acquest, la consolida-tion s’en fait plus naturellement ; neanmoins la Coûtume n’ayant point compris les successions entre les moyens de reünir, la plus commune opinion est que pour en operer la rei-nion, il est necessaire que le successeur ait possedé par quarante ans


CCI.

Le fief retourne au Seigneur à la charge tant des rentes foncieres et hypotheques, que dettes mobiles dûës par le vassal, discution préalablement faite de ses meubles, lesquelles rentes foncieres il pourra racquiter au prix du denier vingt, excepté celles dûës à EEglise, dont elle aura joüi paisiblement par quaante ans, si elles ne sont raquitables, suivant lEdit du Roy, ou qu’autre prix fût mis audit contrat

Cet Article a terminé cette fameuse question, si le fief retournant au Seigneur, il est tenu d’acquitter toutes les dettes et les charges imposées sur le fief par le vassal : ay remarqué sur l’Article 125. l’Arrest donné au profit de Mr d’Elbeuf, contre la veuve du sieur de S. Baumer, qui fut deboutée de ses droits, tant pour elle que pour ses enfans, sur les héritages ajugez par commise à Mr le Duc d’Elbeuf, pour la felonnie du sieur de S. Bau mer son mary, le mariage ayant été célèbré depuis le crime commis, et l’action intentée.

Long-temps depuis cette autre question s’offrit à l’Audience, si les héritages du sieur de Baumer relevans de la Carneille, et qui avoient été ajugez par commise à Mr le Duc d’Elpeuf, luy devoient demeurer en exemption de toutes les dettes du sieur de S. Baumer, et si les enfans créanciers de leur pere étoient tenus de s’adresser sur les autres biens confisquez, car le sieur de S. Baumer avoit été condamné à un bannissement perpetuel : Mais comme les autres biens ne pouvoient acquiter les dettes, ce procez ayant duré fort long-temps ; enfin la rause portée en l’Audience de la Grand. Chambre le 28 de Février 1673. Lyout, pour le Baron de la Ferriere, qui avoit acquis de Mr le Duc d’Elbeuf la Justice de la Carneille, dont les éritages étoient mouvans, soûtenoit qu’il y avoit de la difference entre la commise et la coniscation ; pour la confiscation, comme le crime donne lieu à la faire juger, et que cela ne pro-cede point d’une cause primitive et inherente au fief, elle ne détruit point le droit des créanciers qui ont contracté avec un homme qui étoit le véritable proprietaire de la chose, et qui pouvoit l’engager, la vendre et l’hypothequer ; mais la commise procede ex primitivâ causâ in feodationis. Le fief est donné à cette condition indispensable, que le vassal porte honneur à son seigneur, et que manquant à ce devoir et à cette obligation, tout le droit qu’il avoit au sief demeure resolu, l. lex vectigali ff. de pign. Ce qui étoit conforme à l’Article 125. de la Coûtume, qui porte que si le vassal est concaincu d’avoir mis la main sur son seigneur, il perd le fief, et toute la droiture qu’il y à retourne au Seigneur. Par cet Article le Seigneur n’est point chargé des dettes du vassal, ce que la Coûtume n’auroit pas manqué d’exprimer, si elle avoir eu cette intention, comme elle a fait dans les cas de confiscation, de bâtardise, et autres especes de retour et de reünion, où elle impose expressément cette charge au Seigneur d’acquit-ter toutes les rentes foncieres et constituées, et même les dettes mobiliaires, ce qu’on confirmoit aussi par l’autorité des anciens Feudistes et de plusieurs Auteurs François, commeTira -queau,Grimauder , et autres ; et en tout cas il concluoit en garantie contre Mr le Duc d’Eleuf, et contre Mr le Comte d’Armagnac, pour lesquels plaidoient Castel et Greard qui ad-heroient à ses conclusions. Le Quesne, pour le sieur de S. Baumer, répondoit qu’on n’avoit plus suivi ces maximes depuis que les fiefs étoient devenus patrimoniaux, conformément Loyseau aux sentimens de duDu Moulin , deLoyseau , de MrLoüet , et des Commentateurs de nôtre Coûtume. Ce qui étoit conforme même à la l. his solis. C. de revocandis donation. laquelle aprés avoir parlé de toutes les espèces de reversions, enfin elle décide en cet Ar-icle que le fief retourne au Seigneur, à la charge tant des rentes foncieres et constituées que des dettes mobiliaires du vassal, aprés discution faite de ses meubles, ce qui com prend toutes les espèces de reversion, comme on le peut induire de ce terme retourne, qui ignifie proprement le retour et la reünion qui se fait par une cause inherente et nécessaire de l’infeodation, et s’il étoit autrement, il en arriveroit d’étranges inconveniens ; le possesseur de fief ou d’héritage pourroit par sa faute, et même par intelligence avec son Seigneur, frustrer ses legitimes creanciers, ce que du Du Moulin a fort bien remarqué, pour détruire l’erreur les anciens Feudistes, qui écrivoient au temps que les fiefs n’étoient, à proprement parler. que de simples usufruits, et qui étoient inalienables. Par l’Arrest on déclara les héritages tombez en Commise, sujets et affectez aux dettes anterieures de la plainte pour le crime de felon-nie, discution faite auparavant des autres héritages et biens confisquez du condamné, et en cas qu’ils ne suffisent pas, sur les biens confisquez ; et pour juger de la validité des dettes, on appointa les parties à écrire et à produire. Messieurs d’Elbeuf et d’Armagnac dés à present condamnez à la garantie du sieur de la Ferriere ; voyezLoüet , let. 1. R. n. 32.Du Moulin , S. 20. gl. 5. 8. 43. gl. 1. n. 98.Pontanus , sur l’Article 101. de la Coûtume de Blois, in fine.

Puis donc que les héritages ne retournent au Seigneur qu’à la charge de payer les dettes, il faut examiner par quelle voye les creanciers peuvent agir contre luy. De la Mare ayant acheté l’Olivier Morel un héritage, pour lequel il se constitua en quarante livres de rente, Alexandre Michel, sieur de Monchaton, le fit appeler à ses Pleds, pour déclarer s’il n’avoit rien acquis qui fit tenu de sa Seigneurie ; de la Mare ayant desavoüé le contrat le sieur de Monchaton en fit juger la Commise par son Senéchal, et en prit possession. Morel pour être payé de sa rente le mit en action et le fit condamner personnellement au payement des arrerages ; sur lappel le sieur de Monchaton disoit qu’il ne pouvoit être poursuivi que par laction hypothecaire, et non point par une action personnelle, et que partant il avoit été mal-jugé, sauf à l’intimé d’user de saisie réelle. Je répondois pour Marguerite Quinel, veuve du sieur Morel, que par les Articles 143 et 201. les héritages ne retournoient au Seigneur qu’à la charge de payer les rentes foncieres et hypothecaires, et pour montrer que ce n’étoit pas l’inténtion de la Coûtume d’obliger les creanciers à un decret, elle ajoûte ces mots, aprés discution préalablement faite des meubles ; elle obligeoit les Seigneurs à payer comme heritiers, car nous avons trois sortes d’heritiers, successores juris, successores bonorum, & successores rei singularis. Les vrais heritiers étoient successores juris.

Les Légataires universels, les Maîtres qui succedoient à leurs esclaves, les Abbez à leurs Moynes, les Seigneurs confiscataires sont successores bonorum, qui ne sont obligez neanmoins que jusqu’à la concurrence des biens qui leur retournent, mais ils en étoient tenus personali actione in rem scriptâ.

Et incidemment ladite Quinel demanda à être reçûë appelante de la Sentence qui jugeoit la Commise, prétendant que pour avoir dénié un contrat de vente on ne tomboit point en Commise. Sur quoy par Arrest du 17 de Juin 1653. sur cet appel on mit les parties hors de Cour, parce qu’un creancier n’étoit pas recevable à appeler de la Sentence qui jugeoit la Commise, et sur l’autre appel on cassa la Sentence, sauf à l’intimé à se pourvoir par la voye hypothecaire. Et c’est aussi le le sentiment de Godefroy sur cet Article ; et par l’Article 24. du Reglement de l’année 1666. il est porté que le Seigneur n’est point tenu personnellement de payer les dettes mobiliaires qui étoient dues par le vassal lors qu’il est entré en joüissance, sans préjudice de l’hpotheque des creanciers Puisque le vassal peut vendre, hypothequer, asservir, et charger de rentes le fonds qu’il tient d’un fief, on demande si le creancier à qui l’on a particulierement affecté un fonds poure payement de sa rente est tenu en consequence de cette speciale hypotheque d’en faire la foy et hommage, et d’en payer un treiziéme, ou au contraire si ce créancier pourroit contraindre le Seigneur à le recevoir à la foy et hommage : Mais cela ne fait point aujourd’huy de difficulté, et comme le Seigneur ne peut forcer le créancier d’une rente constituée à luy payer aucun profit de fief, aussi le creancier n’a pas lieu de prétendre que le Seigneur le reçoive à foy et hommage, encore bien que la rente eût été créée par assignat, que plusieurs anciens Praticiens tenoient être comme une manière d’appropriation.

Dans les autres Coûtumes il n’en est pas de même pour les rentes infeodées, et on repute une rente infeodée lors que le Seigneur a souffert qu’on luy en ait fait hommage et payé les profits, ou qu’elle luy ait été baillée par Aveu, en ce cas le Seigneur usant de saisie feodale est tenu de payer sur les fruits et revenus les rentes infeodées.

Le Seigneur, auquel l’héritage chargé de rentes foncieres retourne, a cette faculté de les pouvoir raquiter au denier vingt ; on a étendu ce privilege plus loin : Il fut jugé en l’Audience de la Grand. Chambre le 13 de Juillet 1628. qu’un Seigneur feodal, qui avoit retiréà droit feodal un heritage chargé de rentes foncieres, avoit la liberté de les pouvoir racheter. Le proprietaire de la rente fonciere soûtenoit que ce fonds luy avoit été baillé à la charge d’une rente perpetuelle, que le debiteur de la rente n’avoit pû luy faire préjudice en vendant son fonds ; le Seigneur fondoit son action sur cet Article, et disoit que le retrait feodal êtoit une espèce de retour qui reünit l’heritage au fief, qu’il devoit être permis au Seigneur de le décharger de la rente fonciere, autrement deviendroit debiteur de son vassal ; les parties étoient le Vaillant, sieur de Barbeville, et Lochart.

Par l’Article 18. de la Coûtume de Paris, quand le Seigneur a reüni à faute d’homme, il fait les fruits siens sans être obligé d’acquiter que les rentes infeodées, mais cela n’a lieu que dans le cas de la saisie feodale ; dans tous les autres cas le seigneur en est tenu suivant cet Article, si la reünion qui se fait ex antiquâ causâ sine facto vasalli, fait préjudice au creancier ; voyez MrLoüet , l. C. n. 53.


CCII.

Les héritages, tant nobles que roturiers retirez par l’usufruitier, sont reünis au corps du fief, et peut le proprietaire aprés l’usufruit fini, en demander la joüissance, en remboursant les heritiers de l’usufruitier de ce qu’il en aurâ déboursé.

Chopin , de. Domanio, l. 1. c. 4. a blamé du Du Moulin pour avoir tenu une opinion conforme à cet Artide. VideHerald . quest. quot. l. 1. c. 16.

Le propriétaire peut bien obliger lheritier de Iusufruitier à luy remettre ce qui avoit été retiré par lusufruitier par droit feodal, mais cet heritier ne peut être forcé de remettre ce que lusufruitier auroit acquis ; voyez sur l’Article 468.

On peut demander si la disposition de ces deux Articles 202. et 203. a lieu aux apannages et engagement du Domaine du Roy : L’affirmative peut être soûtenue par ces raisons, que l’un et l’autre sont une espèce d’usufruit, l’un retournant au Roy au defaut de mâles, l’autre y pouvant retourner quand il luy plaist, en remboursant : l’Engagiste ne pouvant se dire proprietaire, incommutable ; et on peut induire de l’Article 203. que les choses venuës par confiscation et ligne éteinte, doivent appartenir au Roy en cas de remboursement et du retour de l’apannage.

Chopin ,du Domaine , l. 1. c. 4. dit que l’opinion contraire est si certaine au Palais qu’il s’étonne que du Du Moulin s’y soit trompé. Il en faut dire autant de l’acquereur d’un fief à faculté de rachapr verpétuel, qui ne doit point tomber dans le cas de cet Article et du suivant, non plus que les Engagistes et les Apannagers ; tout ce qui vient, ditChopin , à l’Apannager, sive intrinseco et naturali quodam additamento, putâ alluvione aut jure commissi, doit demeurer à ses heritiers ; pour les Engagistes ils joüissent de tous les fruits qui viennent du Domaine engagé, comme des offices, confiscations, desherances, dont ils peuvent disposer comme de chose à eux appartenante, sans être sujets à les restituer aprés leur remboursement. Il y a grande difference entre l’Engagiste et l’usufruitier : l’Engagiste est proprietaire tant que la vente dure, et il possede à titre onereux, il doit donc avoir tous les fruits ; lusufruitier au contraire possede souvent à titre lucratif, comme de doüaire et de viduité, que si l’Engagiste peut disposer de ce qui vient par confiscation, à plus forte raison de ce qu’il a acquis ; il faut dire de même de l’acquereur à faculté de rachapr.

Pour l’explication de ces paroles, en remboursant l’usufruitier de ce qu’il en aura débourse, on demande si le propriétaire retenant l’héritage rétiré par l’usufruitier à droit feodal sera tenu de luy payer le treizième : car cet Article n’obligeant le proprietaire qu’à rembourser ce qui a été déboursé par l’usufruitier, il semble qu’il ne luy doit point payer le treizième : le contraire neanmoins est véritable, car le treizième appartenant à l’usufruitier, il en doit être remboursé si le proprietaire luy ôte le profit du retrait qu’il en avoit fait : et c’est aussi le sentiment de duMoulin , 8. 20. gl. 1. n. 46. Godefroy a tenu l’opinion contraire à cause de l’Arrest de S. Pierre Adsifs, mais j’ay observé que cet Arrest ne peut être tiré en consequence


CCIII.

Et quant aux choses venuës par confiscation, et droit de ligne éteinte, ou autres droits de reversion, l’usufruitier en joüira sa vie durant, et seront les hoirs tenus en laisser la joüissance au proprietaire, en remboursant ce qui aura êté payé pour l’acquit et décharge du fonds.

L’usufruitier d’un fief a droit de prendre tous les fruits, tant civils que naturels, et toutes les utilitez, et profits qui peuvent être perçûs à cause du fief ; il joüit des reliefs et treizièmes ; s’il y a quelque Patronnage annexé. il presente au benefice ; et Sil y a pareillement quelque droit de Justice il pourvoit aux offices, et les amendes luy appartiennent comme êtans les fruits de la Jurisdiction.

Du Moulin , sur l’Article 43. de la Coûtume de Paris, n. 171. et suivans, a traité ces uestions, an feudum quod confiscatur, vel aliter amittitur, dicatur consolidari, et cui, et in quâ qualitate consolideturs Là-dessus il fait plusieurs distinctions que je passe sous silence ; car nôtre Coûtume s’en est nettement expliquée par cet Article, et sans user de distinction, elle veut que des choses venuës par confiscation, ligne éteinte, ou droit de reversion, l’usufruitier en joüisse sa vie durant.

On ne peut douter que ces sortes de biens ne soient de plein droit consolidez au fief, autrement l’usufruitier n’en auroit pas la joüissance ; comme il ne la pourroit avoir des terres nouvantes du fief que le proprietaire acheteroit durant l’usufruit.

La Coûtume ne limitant point le temps dans lequel le Seigneur est obligé de faire ce remboursement, suivant l’opinion de Godefroy il peut le faire dans le temps de quarante ans, comme étant un droit réel qui ne peut être prescrit que par quarante ans, on peut dire que c’es une faculté de pouvoir faire quelque chose qui ne doit durer que trente ans ; mais l’heritier de l’usufruitier doit prévenir ce long-temps en baillant un Aveu et faisant la foy et hommage, ou luy faire limiter un temps aprés lequel il en sera exclus.

Quoy que les fiefs fussent devenus patrimoniaux et hereditaires, il ne fut pas permis au commencement de les aliener sans le congé du Seigneur. Dans la suite on souffrit l’alienation du fiefen son integrité, moyennant certains droits que l’on payoit au Seigneur ; mais le vassal ne pouvoit pas les vendre par pieces ni les démembrer, ou comme parlent quelques Coûtumes les dépécer, parce que cette division causoit du dommage au Seigneur : c est une peine plus grande au Seigneur de recueillir ses droits quand ils sont divisez, et bien que l’obligation olidaire luy reste toûjours, la conservation en est plus mal-aisée ; non est tanta utilitas et estimatio in parte respectu ipsius partis, quanta in toto ratione totius, ut notatur in l. Mevius s2. 8. ult.

D. famil. ercisc. Les Seigneurs ont permis apparemment ces démembremens avec plus d’indulgence et de facilité, depuis que leurs vassaux n’ont plus été obligez de les assister à la guerres ce qui fait cesser cette incommodité qu’ils auroient reçûë s’ils avoient été obligez d’exiger lde er plusieurs petits vassaux les aides et services qui leur étoient dûs. Il y a neanmoins des Coûtumes qui ont maintenu l’ancien droit en défendant le démembrement des fiefs.


CCIV.

Comme le Seigneur peut s’éjouir de son fief sans treixiéme ni démembrement.

Le vassal se peut éjoüir des terres, rentes, et autres appartenances de son fief. sans payer treizième à son seigneur feodal, jusques à dimission de foy et hommage exclusivement, pourvû qu’il demeure assez pour satisfaire aux rentes et redevances dûes au Seigneur.

Plusieurs Coûtumes de France sont conformes à la nôtre ; celle de Paris, Article 51. apporte un temperamment raisonnable, elle permet bien, comme la nôtre, au vassal de s’éjoüir de son fief, et de disposer des rentes et héritages qui en dépendent, sans payer profit au Seigneur Dominant, pourvû que l’alienation n’excede pas les deux tiers, qu’il en retienne la foy entière, t quelque droit Seigneurial et Domanial sur ce qu’il aliene : les fiefs doivent avoir quelque ubstance ferme et solide, et un corps réel, autrement c’est separer l’ombre du corps, ou la forme de la matière. Ces fiefs en l’air que quelques Coûtumes appellent volans, sont plûtost un fantôme et une chimere qu’un véritable fief.

On a trouvé néanmoins cet expedient pour empescher les profits et les drolts feodaux, lonobstant l’alienation, en permettant de démembrer le fief, pourvû que le vendeur ou bailleur à rente rerinst la foy et hommage, car en ce cas il est reputé tenir encore le fief, quoy que le us souvent il ne luy en reste plus que l’ombre et une forme sans matière ; il étoit raisonnable de donner cette liberté aux vassaux de vendre ou d’infeoder une partie de leurs Domaines, sur tout lors qu’ils étoient de trop grande étenduë, et que le terroir êtoit ingrat et sterile, afin de leur donner le moyen d’en tirer du revenu dans leur necessité, qusoi nôtre Coûtume ne permet pas absolument et indistinctement de s’éjoüir de son fiefi mais sous ces deux conditions ; la premiere, jusqu’à dimission de foy et hommage, quia nulla cetentâ feudalitate corruit tota feudi substantia, que maximè in fidelitate consistit, et comme a ditBalde , plenitudo feudi non constat absque juramento fidelitatis.Pontanus , Coûtume de Blois, Article 48. Et pour cette raison on a jugé que le Seigneur qui vendoit son Domaine non fieffé avec retention de foy et d’hommage, quoy que depuis il alienât son fief à la même personne ne devoit point les lods et ventes pour le premier contrat, mais seulement pour le second ; jugé entre Pierre Chenis, sieur du Fontenil, Nicolas Lécolier, et le sieur Marquis de Villars. prétendant le treizième du fief de Conneville, dépendant du Marquisat de Graville, le Domaine duquel avoit été vendu le 25 de Novembre 1621. et le lendemain le fief fut vendu au même acquereur, par Arrest par Rapport du18 de Mars 1624. Du Moulin dit que le mos éjoüir signifie acultatem liberam difponendi ad libitum de feudo, citra dismembrationem probibitam, et dummodo non interveniat dimissio feudi. 6. 51. gl. 2. n. 1.

L’autre condition que le vassal doit garder en s’éjoüissant de son fief, est qu’il en demeure assez pour satisfaire aux rentes et redevances dûës au Seigneur. Ces paroles ont été prudemment ajoûtées pour prévenir plusieurs difficultez traitées par duDu Moulin , sur l’Art. 51. gl. 2. Il faut apporter cette exception à la disposition generale de cet Article, que les fiefs de dignité mouvans de la Couronne, comme les Duchez, les Marquisats, et les Comtez, ne peuvent être alienez que tous entiers, parce qu’ils sont indivisibles, ce qui a été jugé par plusieurs Arrests du Parlement de Paris.

Brodeau , sur l’Article 51. de la Coûtume de Paris, n. 31. estime que le Seigneur ne peut aliener son vassal, sans aliener le fief Dominant et le lieu Seigneurial duquel il releve : voyez Loüet Loüer, let. 21. n. 10. J’ay traité cette question cy-devant

Les dernieres paroles de cet Article m’engagent à dire un mot de cette question si célèbre, si le Seigneur de fief peut transferer son vassal et changer sa tenûre par d’autre voye que par l’alienation entière du fief ; Tous les Docteurs Feudistes sont de ce sentiment, que cela ne se seur faire que cum universitate feudi, et ils en font la comparaison avec les affranchls : leurs Patrons ausquels ils étoient tenus de faire quelques ouvrages, pouvoient céder le profit de ce travail à d’autres, mais ils ne pouvoient les forcer de les reconnoître et de les accepter pour Patrons, l. si non sortem. S. Libertus, versic. sed si delegatus Di de cond. indib. Ainsi le Seigneur seodal qui n’a pas tant d’autorité sur son vassal, que le Patron en avoit sur son affranchi, peut bien ceder les profits et les redevances qui luy sont dûës par son vassal, mais il n’a pas cette puissance de le céder et de l’assujettir à un autre Seigneur, bien que la condition du vassal n’en devienne point plus mauvaise, et même que le nouveau Seigneur, auquel on l’attribué, soit d’une qualité plus relevée : la raison est que le Seigneur et le vassal sont deux correlatifs. qui ne peuvent subsisteral’un sans l’autre, ni être separez ; ce qui rend cette obligation reciproque si indissoluble, que quand cette separation auroit pour fondement la paix de l’Etati elle ne pourroit avoir son effet. Du Moulin a tenu cette opinion sur l’Article premier du titre Zazius les Fiefs, gl. 3. n. 26. et suivans, et sur l’Article 201. de la Coûtume de la Marche. Lazius Tiraquel en son Epitome des fiefs, Part. 7. à la fin. Tiraqueau, sur la l. si jure quam vers. liber. n. 8.

Loüet Mr Loüer, I. V. n. 10. a suivi l’opinion de duDu Moulin , par ce raisonnement que c’est un droit réel qui est dû non à cause de la personne, mais à cause du fief, et ubi feudum, ibi vasalluss et comme le vassal ne pouvoit pas en substituer un autre en sa place en retenant, le fief, le Seigneur ne le peut aussi, à cause de cette relation que le Seigneur et le vassal ont ensemble. 6 Mr d’Argentré a soûtenu au contraire, que par le droit Coûtumier la mouvance, ou pour user g de ces termes, l’obeissance dûë à cause du fief n’est point inseparable du fief ; le Domaine, direct étant un droit incorporel, il peut être separé de sa matiere, cum sit jus incorporale à p materia abstractum quod nallos situ locali contineatur & cohibeatur, sed separabile est à causa sua, postquam in esse prodictum est. Mi d’Argent . Art. 329. de la Coûtume de Bretagne, n. 8.

L’opinion de du Du Moulin est véritable à l’égard des Princes et de leurs sujets, parce qu’il y va de l’interest de l’Etat, que les sujets n’en soient pas alienez. L’Histoire nous en fournit des exemples ; Philippes le Bel ayant renoncé par un traité de paix à la mouvance du Duché de Bretagne, en faveur d’Edoüard Roy d’Angleterre, à qui il donnoit lsabelle sa fille en mariage ; Artus Duc de Bretagne, et tous les grands Seigneurs de la Province s’opposerent à ce changement, declarans qu’ils vouloient demeurer vassaux du Roy de France. Par la même raison les Etats de Bourgogne empescherent l’execution du Traité de Madrid, fait avec François 1.

Les fiefs de Dignité, comme les Duchez et Paitries, Marquisats et Comtez, ne peuvent aussi être démembrez

Le sentiment de Mr d’Argentré n’a pas été entièrement suivi parmy nous, car il n’est pas permis à un Seigneur de changer les vassaux qui tiennent de luy noblement, mais il peut ceder la tenûre rotutière. Cela a été jugé par un Arrest donné en la Grand. Chambre le 2r d’Aoust 1675. qui est d’autant plus considérable que l’alienation avoit été faite par le Roy : voicy la teneur de l’Arrest.

EXTRAIT DEs REOISTREs DE la. COUR DE PARLEMENT.

E Ntre Mre Guillaume le Sens ; Chevalier, Seigneur de Folleville, Lieutenant General dans les Armées de sa Majesté, demandeur en Requête du 21. jour de Janvier derniers afin d’enregistrement des Lettres Patentes à luy accordées par le Roy, données à Versailles au mois de Septembre 1674. et défendeur en opposition, d’une part ; Me Nicolas Asselin, sieur de Frenelles, Conseiller en la Cour ; Me Claude Berthoult, sieur de Bois.-Fremont, Conseiller en la Cour des Aydes ; Mre François, le Comte de Nonant, Seigneur de Fontaines ; Adrien de Livet, sieur de Fresnes ; Jacques de Malhortie, sieur de Villars ; Loüis de Malhortie, sieur de Faverolles ; Jacques de Maxüel, sieur Deschamps ; Estienne de Maxiel, sieur de la Fortière ; Pierre du Moucel, sieur du Fresné ; Claude de Bigards, sieur de S. Aubin ; Jean François du Fay, sieur de Lieuré ; et Marc-Aurelle de Giverville, Chevalier de lOrdre de S. Jean de Jerusalem, sieur de Bonntbose, opposants à lenregistrement desdites Lettres, d’autre part. Vû par la Cour l’Arrest d’appointement à mettre leurs pieces par devers la Cour, lesdites Lettres Patentes sus-dattées, par lesquelles sa Majesté, en consideration des services à Elle rendus par ledit le Sens, a loüé, agreé, et ratifié le Contrat d’ajudication faite audit le Sens, le 2r jour d’Aoust 1674. par les Commissaires Généraux députez par le Roy en execution de ses Edits et Declarations du mois d’Avril 1667. Aoust 1669. et 8 Avril 1672. concernant la vente, alienation et delaissement à perpétuité par infeodation et deniers d’entrée de ses Domaines et droits Domaniaux de 117 livres dix sols trois deniers de rente en argent, et trois quarterons d’orge dûs au Domaine d’Orbec, dans la Vicomté de Folleville, démembrée du Comté dudit Orbec, à les avoir et prendre sur les particuliers possedant fiefs et terres dans les Paroisses dépendantes de ladite Vicomté de Folleville, avec tous les droits Seigneuriaux utiles et casuels appartenant au Roy dans toute rétenduë de ladite Vicomté de Folleville, avec la Justice et droits de presenter aux Offices de ladite Vicomté, démembrée dudit Comté d’Orbec, pour en joüir par ledit le Sens, ses hoirs, successeurs et ayant cause à titre d’infeodation et de proprieté incommutable à perpetuité, à la charge de les tenir de sa Majesté en fief, luy en faire les foy et hommage, et de payer par chacun an au jour de S. Remy un écu l’or de rente feodale et perpetuelle à la recepte de son Domaine d’Orbec ; comme aussi sadite Mdajesté joint, unit, annexe et incorpore tous les cens, rentes et rédevances, et droits cydessus specifiez et déclarez, tout ainsi et de la même maniere qu’ils sont contenus et expli-quez par ledit Contrat d’ajudication et Quittance de Finance y inserée, au Fief, Terre et seigneurie de Folleville, que ledit le Sens tient de ses ayeuls, relevant du Roy pour un quart de fief de Haubert, à cause de sa Comté d’Orbec, pour avec ledit fief, terre et Seigneurie de Folleville d’ancien patrimoine dudit le Sens, presentement uny à ladite Vicomté, ni faire à favenir qu’un seul et même fief, et le tout être mû du Roy conjointement à une seule foy et hommage que ledit le Sens rendra en la Chambre des Comptes de Normandie, à cause di sadite Comté d’Orbec et la Justice exercée et renduë aux sujets de ladite Vicomté de Folles ville, par les Officiers établis au principal lieu et Siege ordinaire d’icelle ; et seront les tenanciers et vassaux, tant en fief que roture dans l’etenduë de ladite Vicomté ; tenus de rendre à l’avenir audit le Sens leurs hommages, Aveux, dénombremens et déclarations, sans tousesfois être obligez à autres et plus grands droits que ceux qu’ils doivent à present, pourvû que les appellations desdits Juges ressortissent où elles ont accoûtumé, que la presente union ne préjudicie aux droits du Roy, et à ceux d’autruy, et enfin qu’elle ne soit contraire aux Us et Coûtumes des lieux, lesdits Contrat d’ajudication et Quittance du Garde du Tresor Royal susmentionnez. Coppie de ladite Declaration pour l’alienation des petits Domaines du Roy, du mois d’Avril 1672. D’Arrest du Conseil d’Etat donné en consequence. Autre copie d’Arrest dudit Conseil, donné sur la requête dudit le Sens, du a8 Juillet 1674. Arrest de la Cour du 15. Decembre demier, par lequel avant que faire droit sur les fins de la Requête presentée par sedit le Sens pour l’enregistrement desdites Patentes, avoit été ordonné qu’elles seroient lûës et publiées au jour de Dimanche, issuc des Messes Paroissiales où est situé et s’étend ledit fief, et informé par le Bailly d’Evreux ou son Lieutenant au Siege d’Orbec, de la commodité ou incommodité que peut apporter au Roy et au public ladite union sur la liste des témoins qui seroient produits par le Substitut du Procureur Genéral pour les Procez verbaux desdites lectures et informations rapportées à la Cour, avec les Officiers dudit Siege et dudit Si-bstitut, être ordonné ce qu’il appartiendroit. Attestations des publications faites issuës des Messes Patroissiales de Folleville, S. Aubin, d’Espreville, S. Victor, d’Espiné, d’Espagne, la Chapelle-Bayüel, Nôtre-Dame de Fresné, Jouveaux, Noüards, S. Georges-du. Ménil, Basocque, Heudreville, le Favril, S. Martin-de-Lieurey, Canverville, Bailleul, Barville, Morainville, S. Syl. restre de Cormeilles, et S. Jean d’Asnieres, les Dimanches 30. Decembre et 6. Janvier derniers.

Cahiers d’informations faites au Siege d’Orbec du 14. dudit mois de Janvier. Avis du Substitut au Procureur General audit Siege, du 15. dudit mois. Acte exercé audit Siege, conte-nant l’avis des Lieutenants Généraux dudit Bailliage et des assistans, du 16. dudit mois. Requêtes presentées à la Cour par lesdits opposants, contre lenregistrement desdites Lettres, des 15. 17. 24. Janvier, 4. 6. Février, 11. May, 12. 19. et 27. Juin dernier. Acte de dedaration faite le 7. jour de Février dernier au Procureur desdits de Maxüel, tant pour eux que pour les autres possedants fiefs relevants du Roy à cause dudit Domaine d’Orbec, à simple foy et hommage, sans aucune rente, ayant opposé à ladite verification que ledit le Sens protestoit de nullité de leursdites oppositions, atrendu que lesdits possesseurs desdits fiefs à imple foy et hommage et sans redevances d’aucunes rentes Seigneuriales, n’y ont aucun interest, et n’y en peuvent prendre, comme n’étant compris dans son Contrat d’ajudication, ni dans lesdites Lettres Patentes. Requête presentée par ledit Asselin le 22. jour de Juin dernier, à ce qu’il soit accordé acte de ladite declaration à luy signifiée. Requête dudit le Sens, et en consequence du 8 Février 1675. pour éviter aux procez à l’avenir, il soit jugé que son fief de Bailleul relevera du Roy à cause de la Comté d’Orbec, comme il faisoit auparavant ledit Contrat d’ajudication et Lettres Patentes, sans que ledit le Sens puisse rien prétendre à a Garde-Noble, treiziéme, et autres droits utiles et casuels en consequence, le cas offrant.

Aveu audit fief rendu au Roy par ledit Asselin, du 14 de Mars 1671. Moyens d’opposition desdits Berthoult, de Malhortie, et de Giverville, des 22. et 28. May, et 9. Juin dernier.

Ecrit de réponce dudit le Sens, du 18. Juin. Aveux produits par lesdits Berthoult et de Giverville, de leurs fiefs relevants du Roy. Requêtes desdits Maxüel et du Moucel, à ce que la déclaration dudit le Sens soit insèrée dans l’Arrest qui inrerviendra des 11. May et 12. Juin dernier. Aveu rendu au Roy de la Sergenterie de Folleville et d’Espagne, produit par lesdits Malhortie. Requête de fins et conclusions dudit Berthoult, du 19. Juins Autre Requête presentée par ledit le Sens, du 25. jour dudit mois, pour servir de contestation à ladite Requête, et aux moyens d’opposition dudit de Giverville. Conclufions du Procureur General du Roy, et tout ce que lesdites parties ont mis et produit par devers la Cour, et ouy le Conseiller Commissaire en son Rapport, tout considéré : L’a COURa dit à bonne cause les oppositions des possedants fiefs et rotures y reünies, tant sujets que non sujets à rente envers le Roy, à cause du Comté d’Orbec en la Vicomté de Folleville, dont les mouvances et tous droits seigneuriaux utiles et casuels demeureront au Roy, et ordonné que lesdites Lettres seront registrées au Registre de ladite Cour pour être ledit fief érigé, et les rentes et mouvances des rotures reünies aux biens possedez par ledit le Sens dépendantes du Roy, et non d’autres en ladite Vicomté ; et faisant droit sur les conclufions dudit de Giverville, Ordonné que ledit fief érigé sera à l’avenir dénommé le fief de Folleville le Sens. Au surplus tres-humbles renontrances seront faites à sa Majesté sur la consequence de telles ajudications, dépens com-pensez. Payera néanmoins ledit le Sens le Rapport et coust du present Arrest. Fait à Roüen en Parlement le 2it jour d’Aoust l’an 1675. Signé, VALLÉE, avec paraphe.

Ce Seigneur feodal ne peut pas empescher que celuy qui possede quelque héritage dans san mouvance ne foüille dans son héritage aussi avant que bon luy semble, soit pour en tirer de la marne, de l’ardoise, de la pierre, ou autre chose semblable, quoy que le Seigneur alléguât que l’héritage en étant déterioré, s’il étoit vendu, les droits Seigneuriaux en seroient diminuez cela a été jugé au Parlement de Paris en l’Audience de la Grand. Chambre le 14 de Février 1é48. contre un S. igneur qui prétendoit empescher son vassal de tirer de la marne sur le fonds qui étoit le de sa censive, pour la transporter sur un fonds qui n’en êtoit pas.


CCV.

Comme le vassal est tenu pleger son seigneur.

Le vassal doit pleger son seigneur pour delivrer ses namps, jusques à la concurrence d’une année de la rente qu’il luy doit.

La Coûtume obligeant le vassal à cautionner son seigneur, elle a sagement limité jusqu’à quel point ce cautionnement pouvoit s’étendre, à sçavoir jusqu’à une année de la rente qu’il luy doits par l’Article 90. de l’ancienne Coûtume de Bretagne, quand le Seigneur est arrété ou detenu, et on le peut delivrer par pleges, ses hommes sont tenus de le delivrer, dautant comme le Seigneur les assignera sur luy ou sur les autres, et non de plus ; nihil interest, dit Mr d’Argentré , sur cet Article, quà de causâ detineatur, sive civili, sive criminali : hoc enim folum agitur, ut persona ejus custodiâ eximatur. Mais ce cautionnement où cet Article engage le vassal, est si peu considérable que le Seigneur ne peut en tirer un grand secours, ainsi cet Article est peu necessaire OuDu Moulin , sur l’Article 43. de la Coûtume de Paris, gl. 1. n. 146. traite cette question, si le vassal est tenu de nourrir son seigneur tombé en pauvreté : Sa resolution est que si Patronus sit primus author feudi, qui liberalitate et gratiâ propriâ bonum in feudum concesserit, absque dubio dem observandum effe quod in donâtore, quem donatarius tenetur alere, secus si accepto pretio, ad onera feudalia rem concesserit. Et parce que la Coûtume oblige le vassal de cautionner son seigneur, on demande si le seigneur feodal ou le Haut-Justicier peut contraindre son vassal à luy vendre son héritage pour Iaccommoder : On peut contraindre un particulier à vendre quand il s’agit de finterest public, mais cela ne doit pas être étendu aux Seigneurs feodaux ou Hauts-Justiciers, c bien queTronçon , Article 71. témoigne avoir vû juger qu’un vassal étoit obligé de Bailler son sonds à son seigneur, quand la recompense en est offerte en pareille condition et bonté ; il seroit nean moins tres-perilleux d’introduire cette jurisprudence, in venditionibus non contristabis. proximum tuum. Levit. 25. 8. 14


CCVI.

En quel cas le Seigneur peut détourner l’eau courante en son fief.

Le Seigneur peut détourner l’eau courante en sa terre, pourvû que les deux rives soient assises en son fief, et qu’au sortir d’iceluy il les temette en leurs cours ordinaires, et que le tout se fasse sans dommage d’autruy.

Nous apprenons deTacite , l. 1. Annal. que pour empescher les inondations trop frequentes du Tibre, on députa des Commiffaires pour essayer si l’on pouvoit détourner les rivieres qui grossissoient le cours de ce fleve, en le faisant sortir de fon lit ; mais les riverains s’opposerent à l’execution de cette commission, alléguans qu’il ne falloit point changer l’ordre de la nature, que d oprimè rebus mortalium natura consuluerat, que sua ora fluminibus, suos cursus, ut originem ita finem dederat.

Les Seigneurs Feodaux ont souvent taché d’usurper beaucoup de choses contre le droit commun, la liberté et la commodité publique ; et quoy qu’il ne dût être permis à personne de changer le cours des rivieres, néanmoins ils se sont conservez le pouvoir de détourner l’eau courante en leurs terres, pourvû que les deux rives fussent assises en leurs fiefs, et qu’au sortir d’iceux ils les remissent en leur cours ordinaire : mais comme par ce changement les héritages qui n’étoient plus atrosez par ces eaux pouvoient être rendus steriles et infructueux, la Coûtume ne leur sermer de détourner les eaux qu’à cette condition que le tout se fasse sans dommage d’autruy, en ce cas ce droit Seigneurial n’est point odieux, et si ce changement apporte quelque utilité au Seigneur, ses vassaux n’ont point sujet de s’y opposer lors qu’ils n’en souffrent point de perte ce droit Romain donnoit même cette liberté aux particuliers, comme on l’apprend de la l. 1. 5. 7. D. Ne quid in flumine publico ripâ-ve fiat, quo aliter aqua fluat, sed si ( dit Ulpian ) alia urilitas vertatur ejus qui quid in flumine publico fecit, si fortè aggeres, vel quam aliam munitionem adhibuit, ut agrum suum tueretur, eaque cursum fluminis ad aliquid immutavit, cur éi non consulatur : Oportet enim in hujusmodi rebus utilitatem & tutelam facientis Spectari, sine injuriâ utique accolarum.

Cet Article a été tiré apparemment de cette loy.

Ces eaux dont la Coûtume permet au Seigneur dé détourner le cours, ne se doivent entendre ue des rivieres qui ne sont point navigables ; car les rivieres navigables appartenans au Roy, les oeigneurs feodaux ne peuvent rien entreprendre sur le cours d’icelles. C’est une maxime en France que les rivieres navigables sunt de Regalibus ; que sint Regalia de usib. feud.Bacquet , des droits de Justice, c. 30. Ainsi le Seigneur feodal ne peut détourner que les ruisseaux et es petites rivieres, lors qu’elles sont dans l’etenduë de son fief, parce que la Seigneurie directe luy en appartient en quelque façon. Une rivière, selon la doctrine de Cepola, peut appartenir I un particulier en trois manières, parce qu’elle prend sa source et son cours dans ses terres, u’elle luy appartient par la concession du Prince, ou par une longue possession qui excede toute memoire d’homme. Cepol. de Servit. predior. rustic. c. 4. n. 18.

La Coûtume ne donnant qu’aux Seigneurs cette liberté de détourner les rivieres, il est évident que les particuliers n’ont pas ce pouvoir. Mais au moins n’ont-ils pas cette liberté de boucher ou d’arrêter le cours des fontaines ; quand elles prennent leur source et leur origine dans leurs héritages ; Cette matière forme souvent de la contestation entre les voisins, sur tout lors qu’une fontaine a eu long-temps son cours, et que celuy qui le veut changer ou arrêter, ne le fait que ar quelque motif de vengeance ou de haine, et dans la seule vûë de nuire à son voisin, comme n’il arrive lors que l’on ôte à celuy qui est au dessous l’eau qui arrouseroit ses terres, ou que le moulin qu’il avoit fait bâtir demeure inutile faute d’eau.

I semble que lon ne peut empescher le proprietaire de disposer à sa volonté de la fontaine dont il est le maître, et pour user des termes de la loy, dont il possede le chef : Nam caput aquae, illud est unde aqua nascitur. l. 1. 5. caput. D. de aqua quotid. et estiva. Le Seigneur du fonds qui est au dessous n’a point sujet de s’en plaindre, parce qu’il est du droit naturel que chacun puisse user ce de son bien à sa volonté, neque existimari oportet operis mei vitio damnum tibi dari in ea re, in qua ure meo usus sum. l. sluminum. 5. item ; videamus. D. de damno infecto. Ce qui est si véritable que si nonobstant cette stipulation que le droit appelle damni infecti, je hausse mon bâtiment, ou que creusant dans mon fonds je dérive et attire l’eau qui étoit dans le champ de mon voisin, il ne peut m’en empescher en vertu de cette stipulation. Quand la source seroit dans mon héritage si mon voisin en coupoit les veines et les conduits qui passent dans le sien, je n’aurois point d’action contre luy : si in meo aqua erumpat que ex tuo fundo venas habeat, si eas vens incideris, et ob id desierit ad me aqua pervenire, tu non vim fecisse, si nulla servitus mihi eo nomine debita fuerit. à in meo. D. de a4. et aquâ pluv. arc.

On allégue au contraire, que quand une eau a eu son cours durant un si long-temps, qu’il excede toute mémoire d’homme, cela fait présumer un droit de servituaee. C’est la décision de la loy hoc jure de aquâ quotid. et estiv. ductus aquae cujus origo memoriam excessit jure constituti loco habetur ; et dans le 5. dernier de la même loy, le Jurisconsulte pose pour maxime qu’encore que le titre de la servitude ne paroisse point, si toutefois la possession en est ancienne, et qu’elle sit été publique, par cette longue coûtume la servitude semble avoir été justement imposée Ubi servitus non invenitur imposita, qui diu usus est servitute, neque vi, neque clam, neque precario habuisse longa consuetudine, velut ex jure impositam servitutem videatur. En second lieu, il y va de l’interest public que le cours des eaux ne soit pas détourné, et c’est violer l’ordre de la nature que de changer ce qu’elle a dispensé si sagement, l. Preses de servitut. et aquâ. C. l. 2. de Lege Aquil. C Mais en tout cas quand le proprietaire ne fait ce changement que dans le dessein de nuire à son prochain, l’équité naturelle ne peut souffrir une malice dont l’auteur ne reçoit aucune utilité, ce que le Jurisconsulte a fort bien décidé en la l. 1. 5. denique Marcellus de aquâ et a4. pluv. arc D. cum eo qui in suo fodiens vicini fontem avertit, nihil posse agi, nec de dolo actionem et sanè non debet habere, si non animo vicino nocendi, sed suum agrum meliorem faciendi id fecit Pour la décision de cette difficulté nos Docteurs font cette distinction, ou le proprietaire de onds est obligé de laisser couler l’eau qui sort de la source, qui est sur son fonds, sur les héritages qui sont au dessous, ou il ne l’a souffert que par grace et sans aucune obligation ; au premier cas celuy qui souffre du dommage par le changement du cours ordinaire de l’eau peut s’y opposer. mais quand l’eau n’a coulé sur son fonds que par une grace, et comme parlent les Docteurs, jure facultatis, il est vray de dire que le proprietaire de la fontaine en la détournant ne fait rien qui ne luy soit permis jure suo utitur, et par consequent le voisin n’a point d’action contre luys quoy qu’il en fouffre un grand préjudice ; et c’est l’espèce de la loy Proculus de damno insecto, et des autres loix que j’ay citées.

Mais cette distinction ne décide pas pleinement la question, car la difficulté consiste le plus souvent à sçavoir si le voisin a droit de servitude, ou s’il ne s’est servi de ces eaux que par souffrance et par grace

si la servitude est prouvée par quelque titre ou quelque contrat, ou qu’elle soit imposée par la coûtume du lieu, il est sans doute que les choses doivent demeuter en leur ancien état, et que l’on ne peut y apporter d’innovation ; mais lors que l’on ne prouve point la servitude, ni par l’autorité de la loy, ni par aucune convention, quoy que par nos Coûtumes une servitude ne se puisse acquerir sans titre, on demande si pour les choses de cette qualité une si longue souffrance et une possession immemoriale, et qui paroit aussi ancienne que le monde suffit pas pour faire présumer un titre : Il faut neanmoins distinguer entre les actes de possession : Ils doivent être de telle qualité qu’ils ne puissent avoir été faits qu’en consequence d’un droit de servitude, quod quis per se ipsum facere non posset in fundo vicini citra jus & nomen servitutis, comme couper la haye, faire vuider et curer le canal, ou fossé, qui traverseroit par le fonds du voisin, ou d’avoir fait couler l’eau par dessus iceluy, ce qui ne se peut faire regulièrement sans avoir un droit de servitude.

Je ferois difference entre les cax que l’on prétend être d’un usage public, et celles qui ne sont contestation qu’entre les particaliers. Il arrive souvent dans le païs de Caux, et dans les autres lieux éloignez des rivieres, de la dispute pour les mares entre les habitans des villages, lors que des particuliers veulent les clorre pour en empescher l’usage au priblic, prétendans en être proprietaires : c’est en ce cas qu’une longue souffrance, un usage public, et une possession immemoriale me paroissent suffisans pour faire présumer un titre, sur tout lors que la situarion du lieu favorise cette presomption ; car il n’est pas vray-semblable que des proprietaires eussent souffert une possession si publique et si continuelle s’ils avoient eu droit de l’em-pescher ; mais quand la contestation pour le changement d’eaux n’arrive qu’entre des particuliers, et pour leur interest particulier, puisque nous sommes si fort attachez à cette maxime qu’il n’y a point de servitude sans titre, la possession feule ne la peut établir, et l’on doit présumer qu’elle n’a eu pour cause que la grace et la patience du voisin, jure familiaritatis & facultatis usum fuisse, et que par consequent le proprietaire du fonds où la fontaine prend son origine en peut disposer à sa volonté, si le proprietaire du fonds inferieur n’a fait quelque chose qui fafse présumer un titre ; comme si pour faire couler sur ses terres l’eau avec plus l’abondance, il avoit élargi les canaux et les fossez, par lesquels elle passe dans l’héritage de dessus appartenans à un autre, ou s’il les avoit curez, enfin s’il y avoit fait quelque acte de pro-priéraire, tout cela étant soûtenu par une longue possession publique et contradictoire, seroit présuimer un titre, et que cela ne s’est point fait par une simple souffrance.

Sa au contraire l’eau a eu son cours naturel sur le fonds inferieur, dont le propriétaire n’a fait aucun acte possessoire, qui puisse marquer quelque droit de servitude, et comme parlent nos Docteurs, si non intervenit aliquis hominis usus vel factum, en ce cas il faut dire qu’il ne s’est servi de cette eau que par grace, jure facultatis & familiaritatis.

Mais en donnant cette liberté à celuy qui possede le fonds superieur, de détourner la fonaine, celuy qui est au dessous n’a-il pas droit de son côté d’empescher que l’eau ne coule sur son fonds, n’étant pas obligé de souffrir cette servitude sans titre ; Mais il faut dire que regusierement le fonds inferieur est tenu de recevoir l’eau qui coule d’enhaut, lors que par la situa-tion du lieu elle y a une pente naturelle ; en ce cas c’est une espète de servitude naturele, que la nature mêmé a imposée, comme lors que l’eau prend sa source dans un lieu élevé, Il faut absolument qu’elle décende, et qu’elle soit reçûë dans le fonds qui est au dessous, dont de proprietaire n’a point d’action pour contraindre celuy qui possede le fonds superieur de faire des digues et des chaussées pour la retenir ; agri natura serbanda est, et semper inferior superiori servire atque naturaliter pati inferior ager à superiore compensareque debet cum alio commodo. l. 1. 8. denique, c. 65. 8. si vicinus. D. de aqua pluv. arc. suivant la l. 2. de aqua et a4. pluv. arc. an. D. On est tenu en trois cas de recevoir les eaux de son voisin ; tria sunt per que locus inferior supeviori servit, lex, natura loci, vetustas que semper pro lege habetur dirimendarum scilicet litium causâ.


CCVII.

Le cours des eaux des rivieres né doit être retenu.

Ceux qui ont nouveaux étangs, fossez, ou écluses, ne peuvent detenir les eaux des fleuves et rivieres, qu’ils ne courent continuellement pour la commodité de ceux qui sont au dessous, à peine de répondre de tous dommages et interests.

Les Coûtumes de France sont fort differentes sur cette matière ; quelques-unes permettent au Haut-Justicier, lors qu’il n’a point assez de terres pour faire son étang, de prendre celles de ses voisins en les dédommageant : Tours, Art. 180. Nivernois, Tit. des Etangs et Rivie. res, Art. 4. Par la Coûtume d’Anjou, Art. 29. il est porté que le Seigneur de fief peut faire étang en son fief, pouroû que la chaussée en soit noüée par les deuë bouts en son Domaine, et si ledit Seigneur noye les prez ou terres de ses sujets, par ledit étang, il peut les contenter par écharge avenant.

GuyPapé , en sa Décision 91. assure que par un usage general du Dauphiné, il est permis à un chacun d’enclorre les terres voisines dans son étang, pourvû que l’utilité qui en reviecturer public surpasse l’incommodité que les particuliers en souffrent La Coûtume d’Orléans est plus équitable et plus conforme au droit commun : Par l’Arti cle 170. il est loisibleà un chacun de son autorité privée de faire étang en son héritage, pourlû qu’il n’entreprenne sur le chemin et droit d’autruy.

Nôtre Coûtume a suivi cette équité naturelle, qui ne permet pas de s’enrichir au dommage. autruy. Elle défend même à ceux qui ont fait de nouteaux étangs, fossez, ou écluses, de reteni les eaux des fleuves et rivteres, qu’elles ne courent continuellement pour la commodité de ceux qui sont au deffous à peine de répondre de tous donmages et interests. Cette prohibition de retenir les eaux n’a lieu que pour les fleuves et rivieres, quia non licet facere edificium per quod flumen exarescat, l. 1. 8. 1. nequid in fluv. public. D. car si l’étang ne s’emplissoit que de l’eau des sontaines, dont la source seroit dans le fonds du propriétaire de cet étang, il pourroit les retenit autant qu’il luy plairoit, s’il n’y avoit titre au contraire.

La Coûtume a entendu par les nouveaux étangs, ceux qui étoient faits depuis quarante ans, lors qu’elle fut reformée.


CCVIII.

Droit de ceux qui ont fosses ou écluses.

Et ceux qui ont d’ancienneté fosses ou écluses ne peuvent retenir l’eau, sinon depuis Soleil-levant jusques au Soleil-couchant.

La Coûtume donne cet avantage à ceux qui ont d’ancienneté fosses ou écluses, qu’ils peuvent retenir l’eau depuis Soleil-levant jusques au Soleil-cbuchant ; ce qu’elle défend à ceux qui on de nouveaux étangs. La Coûtume n’a point declaré quel temps est necessaire pour faire juger que l’on a ces fosses et étangs d’ancienneté. Il semble que pour ces choses qui sont en quelque sorte contre le droit public, comme d’arrêter le cours des fleuves et des rivieres, il faudroit un temps. qui excedût toute mémoire d’homme, comme de cent ans : néanmoins la prescription de quarante ans, êtant la prescription la plus longue que la Coûtume ait introduite, elle doit suffire pour cet effet.


CCIX.

Roteurs où peuvent être faits Roteurs ne peuvent être faits en eau courante, et si aucun veut détourner eau pour en faire, il doit vuider l’eau dudit roteur, en sorte que l’eau d’iceluy roteur ne puisse retourner au cours de la rivière.

Roüillé , sur l’ancienne Coûtume ; rconnoit qu’il ignore ce que c’est que roteurs, il croyoit que ce mot signifioit un retrait : c’est un lieu où l’on met les chanvres et les lins à pourrir, et comme ils corrompent l’eau et la rendent puante, la Coûtume a défendu de les mettre à pourrir dans les eaux qui servent au public.


CCX.

Nouvelle construction de pescherie et moulin.

Nul ne peut faire construire de nouveau pescherie ou moulin, si les deux rives de la riviere ne sont assises en son fief.

L’invention des Moulins à eau est tres utile, et neanmoins les premiers Auteurs en sont inconnus, et on n’est pas certain du temps où l’usage en a commencé. Polydore Virgile qui a recher ché si curieusement les inventeurs des sciences et des arts, n’a pû découvrit qui furent ceux qui trouverent un moyen si commode et si prompt pour moudre les blés. ficutius est meminisse & multo utilius quâ ratione frumentum ad decurrentis aquae impetum molere possimus : quamvis non utique recens sit, tamen apud idoneos auctores suo nomine curet. de invent. rer. l. 3. c. 18.

Plusieurs ont crû que l’usage en êtoit inconnu dans l’ancienne Rome, et que l’on chercheroit inutilement dans le droit Romain des décisions sur cette matière. De moletrinarum jure, dit M’d’Argentré , nihil est veteri jurisprudentiâ cautum, in Praf. Ad Tit. ( des Moulins et Colomb. 3a de la Coûtume de Bretagne. En effet dans le Digeste il est seulement parlé de ces meules u’ils appeloient trusatiles et manuarias, que manibus versabantur, et à l’usage desquelles on a mployoit des esclaves ou de pauvres gens : etAulus-Gelle , l. 3. c. 3. Noctium Attic. remarque quePlaute , cet esprit si delicat, ayant perdu ce qu’il avoit gagné à faire des Comedies, fut reduit à ce facheux exercice pour gagner sa vie. On employoit neanmoins principalement à ce travail les asnes et les chevaux inutiles, et alors on les appeloit molas asinarias, et jumentarias : EtServius , surVirgile , assure que les anciens ne s’en servoient point, mais qu’ils rôtissoient leurs trains, et puis les piloient, suivant ces Vers deVirgile , dans le premier Livre de l’Eneide.

Tunc Cererem corruptam undis, Cerealiaque armâ

Expediunt fessi rerum, frugesque receptas

Et torrere parant flammis, et frangere saxo.

On prouve néanmoins par le témoignage de plusieurs Auteurs que l’usage des moulins à eau n’étoit pas inconnu aux anciens Romains, quoy qu’il ne fût pas si commun, et qu’on se servit Saumaise plus ordinairement des autres moyens, dont je viens de parler ; le sçavant Saumaise, dans ses Commentaires, sur l’Histoire Auguste, page 193. a donné au public une Epigramme Grecque d’Antipater , qui nous apprend cette vérité

Pline , lib. 168. c. 10. fait mention de certaines rouës avec lesquelles on faisoit tourner l’eau, mais plusieurs estiment que ces rouës ne servoient pas à faire moudre les blés, mais pour puiser le l’eau ; rota per quam aqua trahitur. I. qui fundum. 5. fin. de contrah. empr. Et dans la l. Improborum, au Code Theodosien, l. 14. t. 15. qui fut publiée l’an 398. par les EmpereursArcadius . & Honorius, il est défendu de demander pensiones aquae molarum, ce qui fut aussi défendu par, en lal’Empereur Zenon . Decernimus, que Justinien a inserée dans son Code, Tit. de Aquae-ductu, et par l’autorité de cette loy Godefroy prouve que l’usage des moulins à eau n’êtoit point inconnu aux anciens. Nous lisons dans Procope que Belifaire étant assiegé dans Rome par les Goths, inventa l’usage des moulins à eau ; ut molae aquâ agituta frumentum frangerent, Pancirolus, in ta tractatu Reram Memorabilium.

Il y a beaucoup d’apparence que comme les commencemens des choses, et sur tout des arts et des sciences, sont toûjours imparfaits, l’usage des moulins à eau ne fut pas trouvé fi commode que celuy des moulins à bras, de sorte que l’on ne s’en servit point ; mais comme il est fort aisé d’ajoûter aux premieres inventions et de leur donner une plus grande persection dans la suite des temps, ayant été rendus plus propres et plus faciles à moudre les blés, ils devinrent communs, et chaque particulier pouvoit avoir un moulin, pourvût qu’il ne détournât point l’eau qui servoit aux moulins publics. Ce que nous apprenons de la l. Improborum, au Code Theodosien, de Canone frumentario, où l’Empereur défend d’obtenir des permissions de prendre de l APOae eau qui servoit pour les moulins publies, Improborum petitiones qui impudentiùs ausi sunt postulare pensiones aquae molarum, que urbi venerabili annonas abundantiùs prastitissent, quinque librarum auri mulctâ insligit : car il ne faut pas entendre ce terme, pensiones, comme a fait du Pineau pineau, sur la Coûtume d’Anjou, Article 156. comme des pensions et des rentes qui fussent demandées sur les moulins publies, ce qui pourroit avoir donné lieu au droit de bannalité.

Me JacquesGodefroy , sur cette loy, l’explique en cette manière, que des particuliers obtenoient la permission de prendre de l’eau qui servoit aux moulins publies, ou pour faire des sontaines, ou pour arroser leurs jardins ; ce qui causoit que le public en recevoit du dommage. les moulins publics ne pouvans moudre tout le blé dont la ville de Rome avoit besoin, c est pourquoy l’Empereur défend si expressément que l’on ne fasse plus de pareilles requêtes : pensiones sunt moduli aquarum, quibus aqua expenditur sive erogatur ; & sic expensiones, et hanc petitio. nem maximè insectatur ImperatorHonorius , quod in usus suos privatos hujusmodi modulos aquarum con vertendo impedirent, quominus urbs Roma annona abundantiùs prastarentur Depuis l’introduction des fiefs cette liberté que chacun avoit de bâtir un moulin a été rétranchée, les plus puissans non seulement se sont attribuez ce droit ; mais ils ont encore obligé leurs vassaux à venir moudre à leurs moulins, et à leur payer une certaine somme ou redevance pour le droit de moute ; et parce que nôtre Coûtume a parlé seulement de ceux qui peuvent faire construire un moulin, et que le droit de bannalité est le sujet ordinaire de tres-grands procez ; il ne sera pas inutile de traiter de ces matieres. Si la faculté de construire un moulin est un droit feodal, et s’il n’appartient qu’aux Seigneurs feodaux, et ce que c’est que le droit de Bannalité : Comment on le doit établir et justifier, et si toutes sortes de personnes y peuvent être assujetties Il est certain qu’avant l’établissement des fiefs chacun avoit la liberté de construire un moulin pour ses usages particuliers ; feudorum usu nondum reperto, sibi quisque privatim & familiae moluit.

Argentraeus , in Praf. ad Tit. de Moletrin. Car parmy les Romains depuis que les moulins à eau furent en Usage, les Empereurs n’en firent point un droit Fiscal, et chacun eut la liberté de faire des moulins. Mais depuis que les fiefs furent devenus hereditaires et patrimoniaux, les Seigneurs feodaux s’attribuerent à eux seuls ce pouvoir de batir des moulins

En Normandie l’on ne peut douter que ce ne soit un droit feodal, puisque par cet Article nul ne peut construire de nouveau une pescherie ou moulin, si les deux bords de la rivière ne sont assien son fief. Et par l’Article 161. la Coûtume en fait un droit feodal, mais qui peut être tenu sepa-rément du fief, et c’est pourquoy plusieurs particuliers, bien qu’ils n’ayent point de fiefs, ne laissent pas d’avoir droit de moulin, en vertu de la concession qui leur en a été faite par les Scigneurs des lieux. Ainsi celuy qui ne possede que des rotures, quoy que les terres qui abourissent aux deux côtez de la riviere luy appartiennent, n’auroit pas droit de construire un moulin à eau, parce que la Coûtume ne donne cette faculté qu’à celuy dont les deux rives de l’eau sont assises n son fief, c’est à dire dans sa mouvance, et cette qualité ne peut convenir à celuy qui n’a que des rotures. Aussi par l’Article 190. les moulins sont mis entre les appartenances des fiefs, et Loysel Loysel, en ses Institutes coûtumières, l. 2. t. 2. Article 13. dit que nul ne peut asseoir monlin, ni bonde d’étang, sans le congé de son seigneur, si ce n’est pour son usage.

On peut douter si le seigneur de fief peut construire un moulin, lors que le Seigneur dont il releve a droit de bannalité, et que son fief est dans letenduë de cette bannalité. L’affirmative est sans difficulté. La faculté de bâtir un moulin est un droit feodal, que la Coûtume attribue aux Seigneurs, pourvû que les deux bords de la riviere soient dans sa mouvance ; et cette disposition étant generale elle ne peut recevoir de restriction dans un cas odieux. Il est vray que si le fief étoit sujet à la bannalité le Seigneur ne pourroit construire un moulin dans l’etenduë d’icelle, et d’ailleurs ce moulin luy seroit inutile, puisque ses propres vassaux n’y pourroient iller, et le Seigneur superieur auroit droit d’empescher les meûniers voisins d’y venir chasserMais naturellement les fiefs sont exempts de cette servitude, et il faudroit un titre exprés et valable pour les y assujettir.

La Coûtume ne s’étant expliquée que pour les moulins à eau, elle semble avoir laissé la liberté à un chacun de batir des moulins à vent, soit qu’ils possedent des fiefs ou des rotutes.

En effet puisque pour se servir de cette sorte de moulins on n’a besoin que de fair et du vent, sur quel pretexte les Seigneurs feodaux pourroient-ils en empescher l’usage contre lordre de a nature qui les a rendus communs à un chacun

Nec solem proprium natura, nec aèra fecit.

L’air et le vent ne sont ni nobles ni roturiers, ils ne sont point de la dépendance des Fiefs ni soûmis à la Jurisdiction des Seigneurs de fief. C’est assez qu’on leur ait souffert d’imposer une servitude aux eaux qui passent dans leur térritoire, à cause que les fonds qui leur servent de lit, sont dans leur mouvance ; quoy qu’à vray dire les eaux ne leur appartiennefit point, la natute ne les ayant produites que pour l’usage commun des hommes.

Quid prohibetis aquas : Usus communis aquarum.

Mais ce qui est si fort élevé au dessus de la portée des hommes, ne doit point être assujetti à leur domination, et n’en étant point les maîtres, l’usage en doit être permis à un chacun.

Il semble donc qu’il n’y a pas d’inconvenient, que même le proprietaire d’un fonds roturier, puisse construire un moulin à vent, pourvû que le Seigneur feodal n’ait point un droit de bans nalité dans le même lieu ; et c’est la disposition expresse de la Coûtume de Berry, Tit. des moulins, Art. 1. Chacun peut en son héritage édifier un moulin à vent, pouroû que ce ne soit dans Le Territoire et Justice d’aucun seigneur ayant droit de moulin bannier à blé. On convient avec Me JosiasBerault , que la Coûtume met les moulins avec les appartenances des fiefs, mais cela ne se doit entendre que des moulins à eau, parce que suivant cet Article, nul ne peut contruire un moulin de cette qualité s’il n’a un fief, et si les deux bords de la riviere ne sont dans sa mouvance. La raison est que cette Seigneurie sur les deux rives de l’eau, le rendent en quelque sorte Seigneur de la rivière ; mais pour être Seigneur du fonds sur lequel on bâtira le moulin à vent, il n’est pas le maître du vent qui sert à faire moudre. C’est aussi le sentiment deGodefroy .

Nous n’avons pas neanmoins d’exemples que des proprietaires d’une roture ayent bâti des moulins à vent sans le congé de leur Seigneur ; et en tout cas conformément à la Coûtume de Berry on ne le pourroit pas dans les lieux où le Seigneur dont releveroit cette roture auroit droit de bannalité. Et d’ailleurs la Coûtume en l’Article 160. ayant compris indistin. ctement les moulins entre les dépendances des fiefs, elle a eu apparemment cette intention Bacquet de ne donner qu’aux Seigneurs de fief le droit d’avoir toutes sortes de moulins : Et Bacquer, des Droits de Just. c. 29. n. 20. a écrit que plusieurs estiment qu’il n’est permis de batir un moulin à vent sans la permission du Haut : Justicier, et que cela est communément observé au Royaume.Brodeau , sursur Mr Loüet , L. M. n. 17. dit toutefois que si le Seigneur n’a droit de moulin bannier, chacun de ses sujets en son héritage peut édifier un moulin à vent. Quelques Coûtumes en exceptent ceux qui ont droit de Haute-Justice et de voirie ; mais regulie-rement, continuë cet Auteur, le droit de bannalité qui est une servitude contre la liberté naurelle, ne dépend point des droits de fief, ou de Haute-Justice. Quant à ceux qui possedent des fiefs, on ne peut douter que cette faculté ne leur peut être contestée, bien qu’ils soient assis dans l’etenduë de la bannalité du Seigneur, dont ils relevent ; car posant pour fondement que le droit de moulin est un droit feodal, le Seigneur d’un fief n’en peut être privé qu’en vertu d’un titre particulier, et comme il est certain que le vassal peut chasser librement sur son fief, on peut argumenter du droit de chasse à celui-cy.

L’Arrest rapporté parBerault , qui fut donné entre le Duc de Longueville et la Demoiselle.

Daré, a décidé cette question, et parce que l’espèce n’en est pas pleinement expliquée parBérault , il ne sera pas inutile de remarquer quelle êtoit la contestation d’entre les parties ; ; telle qu’elle est employée sur le Registre d’où je l’ay tirée. Le droit de Bannalité sur les habitans de la Paroisse de Sierville avoit été cédé par l’Abbé de S. Vandrille au Seigneur, moyennant une certaine redevance. En vertu de ce titre le Duc de Longueville, Seigneur de Monville, qui étoit alors un membre de la Comté de Tancarville, se pourvût par une clameur de Gageplege, pour empescher la construction d’un moulin à vent que la Dame Daré avoit entreprise : Il disoit pour-moyens d’opposition qu’étant fondé au droit de l’Abbé de S. Vandrille qui avoit la Bannalité sur tous ses vassaux, la Demoiselle Daré ne pouvoit bâtir ce moulin, parce nu’il causeroit de la diminution à son droit de Bannalité, et qu’il avoit été jugé par les Arrests dont il produisoit les Extraits, que l’on ne pouvoit édifier de moulin à vent dans les lieux oû il y avoit Bannalité ; il ajoûtoit que la Demoiselle Daré n’avoit point de fief, et que sa terre du Mont-au-Prestre n’étoit qu’une vavassorie noble, qui ne luy donnoit point la faculté de batir un moulin à vent.

La Demoiselle Daré répondoit que son fief du Mont-au-Prestre êtoit un plein fief de Haubert, relevant de l’Abbé de S. Vandrille, et non point du Duc de Longueville, que par ses titres il l’étoit chargé d’aucune sujettion à la Seigneurie de Monville, et que par consequent il n’étoit point sujet à la Bannalité, et que même elle luy étoit contestée par les habitans de Sierville, que sa poursuite êtoit odieuse et contraire à la liberté publique, et la construction du moulin à vent qu’elle avoit entreprise êtoit pour le bien et pour la commodité du public ; que les. Arrests dong il s’aidoit luy étoient desavantageux, que celuy de Herenvilliers avoit été rendu aprés des informations respectives ; et pour celuy donné entre les Religieux du Bec, et le Baron du Neubourg, il avoit été donné sur ce fondement qu’il vouloit bâtir un second moulin à vent ur un même fief, au préjudice de la Bannalité qu’il leur avoit donnée ; mais que dans le même Arrest on faisoit mention d’un preoedent rendu entre les mêmes parties, par lequel il avoit été permis au Baron du Neubourg de bâtir un moulin à vent sur son fief, quoy que les Religieux soûtinssent qu’il ne le pouvoit, parce que cela faisoit préjudice à la Bannalité qu’il leur avoit aumônée. Par la Sentence du Bailly de Roüen il fut permis à la Demoiselle Daré de continuer la construction de son moulin ; sur l’appel du Duc de Longueville par Arrest en l’Audience de la Grand : Chambre du 2é de Juin 1534. la Sentence fut confirmée.

On agita dans ce procez la question que j’ay proposée si le possesseur d’un fief peut batir un moulin à vent, lors que son seigneur superieur a droit de Bannalité. : Il est vray que le fief du Mont : au Prestre n’étoit pas mouvant de la Seigneurie de Monville,, ainsi il semble que le Seigneur n’avoit aucune qualité, pour contester ce moulin ; mais il faut remarquer que l’Abbé de S. Vandrille luy avoit cedé la Bannalité qu’il avoit sur les habitans de Sierville, ce qui luy don noit droit d’empescher qu’il n’y eût d’autre moulin. dans cette Paroisse, parce que l’on auroit aisément détourné les hommes sujets. à sa Bannalité. Nicolas Castel étoit Seigneur et Patron de S. Pierre-Eglise, Jean le Marchand, sieur de Rafauville, possedoit, une roture dans la même Paroisse, tenuë du sieur de S. Pierré, et en outre un moulin qu’il prétendoit avoir été baillé à fieffe par des Seigneurs de S. Pierre, avec retention de la moitié des amendes, d’où il concluoit que c’étoit le moulin bannal de la Seigneurie. Le Marchand voulut faire construire un autre moulin sous un même toit, le sieur de S. Pièrre l’empescha par une clameur de Gage-pleges Le sieur de S. Pierre ayant fait bâtir un moulin à vent dans la même Paroisse, le Marchand s’y opposa aussi par une clameur de Gage-plege, disant que les Seigneurs de S. Pierre luy ayant fieffé le moulin Seigneurial et Bannal ; ils s’étoient privez du droit d’en batir. Le procez porté en la Chambre des Enquêtes, par Arrest du 27 de Juin 1612. il fut dit à bonne cause les défenses faites par le sieur Gastel au Marchand, de bâtir un moulin ; et sur la question, si le Marchand pouvoit empescher le sieur Castel, son seigneur, de bâtir un moulin à vent, les Juges furent partagez : Mr le Roux, Rapporteur, étant d’avis que le Marchand ayant le moulin Bannal, il devoit être dit à bonne cause ses défenses : Mr Labbé, Compartiteur, soûtenoit le contraires le partage vuidé en la Grand : Chambre le même jour ; la Cour tenant pour constant que le Marchand avoit le moulin Bannal et Seigneurial, jugea à bonne cause les défenses faites audit sieur Castel de batir un moulin à vent. Par Arrest en la Grand-Chambre du ro de May 1632. 8 au Rapport de Mr de Brevedent, entre les Prieurs et Religieux du Ménil-Garnier, et le sieur de S. Denis-le-Gast, il fut jugé que les Religieux ayant le moulin Bannal de la Seigneurie, ne pouvoient batir un autre moulin sous le même toit : Cet Arrest paroit contraire à celuy donné au profit du Baron du Neubourg, dont il est fait mention cy-dessus ; car on luy permit de bâtir un moulin, nonobstant la donation par luy faite aux Religieux du Bec, de son droit de Bannalités mais il y avoit cette difference que ces Religieux avoient eu ce droit par la seule liberalité du la Baron du Neubourg, et dans l’espèce du dernier Arrest le Marchand possedoit ce droit de à titre onereux.

Il arrive encore souvent des contestations entre ceux qui ont droit de batir des moulins à eau, soit lors que celuy qui est au dessus en veut construire un nouveau, ou lors qu’il retient ou détourne leau pour incommoder son voisin qui est au dessous, ou bien lors que celuy qui est au dessous en batissant un moulin fait remonter et regorger l’eau, de telle maniere que celuy qui est au dessus en reçoit du dommage.

Quelque droit qu’un Seigneur feodal puisse avoir de construire un moulin, il le doit placer en sorte qu’il n’apporte aucun dommage à ses voisins. Nous avons des exemples dans le droit Romain, si celuy qui avoit une fosse ou un étang au dessous de son voisin, le laissoit tellement remplir de fange ou d’ordures, que le regorgement de l’eau incommodât celuy qui étoit au dessus, on lobligeoit à vuider son étang et à remettre la chose en son premier état : si fossam inferior vicinus non repurgabat, et siae fiebat ut ex restagnatione ejus aqua fundo nostro noceret, cum inferiore agi potest ; aqua pluviae arcende, ut aut ipse purgaret, aut te pateretur in pristinum ctatum eam redigere, l. 2. 8. 1. D. de aqua, et aquae pluv. arc. Et dans le S. 6. de la même loy si aqua fluens iter suum obstruxerit et ex restagnatione superiori agro noceat, posse cum inferiore agi, ut sinat purgari

On donnoit une pareille action au voisin lors que celuy qui étoit au dessous retenoit l’eau ou la détournoit, cogendus est vicinus eam fossam ex quâ ad inferiorem fundum aqua descendit, purgare Cette poliee est si équitable que Platon en avoit fait une de ses Loix Georgiques ; il donnoit action au proprietaire du fonds superieur contre le proprietaire du fonds qui étoit au dessous, lors qu’il empeschoit le cours ordinaire de leau, MOTGREC MOTGREC MOTGREC ; si au contraire celuy qui étoit au dessous empeschoit que l’eau ne décendit sur le fonds d’embas, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, en changeant son cours naturel, on le condamnoit à remettre les choses en leur ancien état :Cujac . l. 24. observ. c. 24

C’est l’opinion commune des Docteurs ; etBartole , sur la I. quominus. D. de fluminib. a traité plusieurs questions sur cette matière, mais qui ne sont. pas d’usage parmy nous, parce que nos fiefs ont introduit plusieurs droits qui sont contraires aux principes de la jurisprudence Romaine, et suivant la jurisprudence du Parlement de Paris il n’est pas au pouvoir du particulier, sur le fonds duquel la riviere passe, de faire construire un moulin au dessus, par le moyen duquel il incommode son voisin qui a un moulin au dessous, et luy ôte ou détourne le cours de l’eau ; il faut aussi qu’il soit dans une distance legitime.1

Bien que la Coûtume permette au Seigneur de batir un moulin, lors que les deux rives de l’eau sont assises en son fief, il en peut neanmoins être empesché, lors que la riviere entière ppartient à un autre Seigneur, et qu’il le prouve par des titres valables et autentiques.

Cette premiere entreprise des Seigneurs feodaux qui prive les particuliers, qui n’ont point de fiefs, de la liberté d’avoir des moulins, fut bien-tost suivie d’une autre usurpation plus dure et plus rigoureuse : Les plus puissans et les plus violens contraignirent leurs vassaux à faire moudre à leurs moulins les blés destinez pour leur nourtiture, quoy que leurs moulins fussent ouvent fort éloignez des lieux où ces pauvres gens faisoient leur demeure.Fulbert , Evéque de Chartres, qui vivoit en l’onzième siecle, s’en plaignit aigrement à Richard, Duc de Normadies Nuper ad vos infperata venit legatio, quod ipsam terram quam nobis dedistis. Baldricus Magister revocaverit nostro ministro, quem ibi prafecimus aliquid disponendi potestatem interdixerit, banni endo ccilicer, ut irent ad molendinum Sancti Audoeni quinque leucis, nt fertur, ab eorum hospitiis remotum.

Julbert. Ep. 14

Aprés la Bannalité du moulin les Seigneurs voulurent avoir celle du four, du pressoir, de taureau, de vest, et autres semblables. Tous ces droits ont parû fort odieux. Inaudita barbarie prohibemus aliquid sibi molere vel coquere infelici rustico,Bald . sur le titre de Servit. Urban. pradaux Institutes, ce qui fait dire à ce même Auteur, superiorum temporum barbaries novam quam dam servitutis molendi speciem, quà villa, pagi, municipia coguntur unâ molâ quam Bannalem vocamus, uti arbitrio ejus loci, eique hoc nomine certum nummum pendere tam arctâ servitute, ut si domi modicum farris molat miser rusticus, gravissimâ etiam mulctâ tantùm scelus expiat. Ad leg. rust. just.. de Novis Gper. S. 6

Mais puisque le temps a approuvé ces droits, il faut prouver en quoy consiste ce droit de Bannalité ; c’est une espèce de servitude en vertu de laquelle les vassaux qui y sont sujets, et qui sont demeurans dans l’etenduë de la Bannalité, sont tenus d’aller moudre leurs grains au moulin de leur Seigneur. L’Article 3. Tit. des Fours et Moulins, de la Coûtume de Nivernois, le définit à peu prés de la sorte, sujets à bannie de four sont sujets de venir cuire tout leur pain, et sujets à bannie de moulin sont tenus d’y venir moudre tout leur blé destiné à manger.

La Bannalité produit au Seigneur un profit que l’on appelle droit de moute, qui est plus ou moins grand, selon les differens usages. En quelques lieux on baille le blé au poids, et on reçoit la farine au poids, et le meûnier est payé en argent. Nous apprenons deCoquille , sur l’Article 6. tît. des Moulins, de la Coûtume de Nivernois, qu’aux Etats d’Orléans, qui furent tenus en l’année 1560. le tiers Etat insista soit à ce qu’il fût ordonné que les meüniers prissent et rendissent le blé et la farine au poids, et qu’ils fussent payez en argent ; mais que pour éluder cette demande celuy qui dressa les cahiers du tiers Etat n’employoit cette requisition qu’en trois paroles, à la fin d’un Article, au lieu d’en faire un Article separé et raisonnable : mais ce Reglement seroit sujet à beaucoup de fraudes que les meüniers commettroient pour rendre la farine plus pesante.

Plusieurs Coûtumes reglent differemment ce droit de moute, par l’Article S. de la Coûtume de Nivernois, Tit. des Moulins, droit de moulage est tel que quand on baille au meünier un boisseau rés de blé, il en doit rendre un comble de farine, bien valablement mouluë outre le droit de mouture.

La Coûtume du Mayne, Article 16. dit que le meünier doit rendre quatorze boisseaux comblez de farine, pour douze boisseaux rés de blé ; par celles de Tours, Article 14. et de Blois, Article 240. le meûnier doit rendre treize combles pour douze rés La Coûtume de Bretagne, Article 366. donne la seixième partie au meûnier, et c’est aussi nôtre usage ; et pour prévenir les abus et les larcins ordinaires des meûniers, la Cour par Arrest du 2r de Mars en l’année 1650. enjoignit à tous meüniers de cette Province, de se fournir de banquarts, bien ajustez, et de poids jaugez et marquez de la marque du Jaugeur ordinaire, et suffisans pour peser le blé et les farines des personnes qui iront moudre à leurs moulins ; ensemble d’un seizième de cuivre pour émouter un boisseau, quarte et demie quarte, le tout bien et dûëment jaugé. La Cour en l’année 1662. a renouvelé ce Reglement.

Ce n’est pas assez de sçavoir ce que les Seigneurs peuvent prendre pour leur droit de moutes Il n’y a pas moins de contestation touchant les blés et le pain que le vassal doit faire moudre et manger dans l’etenduë de la bannalité, pour sçavoir s’il est tenu d’y apporter seulement les blés qui ont crû sur le fief, ou s’il est encore obligé d’y apporter ceux qu’il achete ailleurs pour les consumer en sa maison. L’Article 5. de la Coûtume de Nivernois, Tit. des moulins, dit que le droit de bannalité s’entend quant au pain et au blé, que le sujet à la bannie mange on veur manger, és fins de ladite bannie. Ainsi suivant cette Coûtume et le sentiment deCoquille , sur cet Article, le pain qui est cuit pour être vendu ailleurs, et le pain qui est destiné pour être mangé ailleurs, n’est point compris sous la loy de la bannalité.

Le même Auteur estime qu’il n’y a que les grains destinez pour la nourriture de l’homme qui soient sujets au droit de bannalité, et que l’orge et les autres grains que l’on fait moudre pour engraisser des pourceaux peuvent être moulus ailleurs.

Par l’Article 19. de la Coûtume d’Anjou, le sujet qui achete blé en autruy pouvoir hors le fief de son seigneur, en l’amenant à son étage, le peut faire moudre au moulin d’autruy sans méprendre.

EtChopin , sur cet Article, dit que les blés qui ont été semez et recueillis au dedans de la Seigneurie, sont seuls sujets à être portez au moulin Seigneurial La Coûtume de Tours, Article 8. Tit. des droits de Basse-Justice, dit que le suchet qui acheté ble hors le. baneage de son seigneur, en l’amenant à son étaige le peut faire moudre à autre moulin Sainson sans offense. : Mais Samson expliquant cet Article, dit que si le sujet apporte en sa maison le blé qu’il avoit acheté. sans le faire moudre, il ne peut plus le porter ailleurs.Bacquet , ch. 29. n. 34. des droits de Justice, apporte une limitation notable pour le Reglement du droit de Sannalité, et il dit que le vassal bannier n’est obligé d’aller moudre au moulin bannal de son seigneur, sinon le grain qui est necessaire pour la nourriture de luy, sa femme, et sa famille, ou duquel il veut vendre le pain dans l’etenduë du fief de son seigneur, ou lequel il achete dedans laMeigneurie, mais qu’il ne peut être obligé d’aller moudre au moulin bannal le grain qu’il a achété hors la terre et bannalité de son seigneur, pour faire du pain qu’il veut vendre hors la Seigneurie, suivant les Arrests du Parlement de Paris pour les Boulangers de Gonnesse, ce qui est aussi confirmé parBrodeau , sur l’Article 71. de la Coûtume de Paris, qui cite un autre Arrest donné en execution du premier, qui declare les Boulangers de Gonnesse xempts de faire moudre les blés et les grains qu’ils achetoient hors le térritoire et la bannalité de Gonnesse, pour faire du pain afin de le vendre ou faire vendre en la ville de Paris, et autres sieux hors les enclaves de Gonnesse ; ensemble du droit de bannalité pour lesdits blés et grains, ainsi achetez par tout et en tels moulins que bon leur semblera, sans être tenus de payer aucune chose pour le droit de bannalité.

Que si les blés sont achetez dans le marché du Seigneur bannier, pour en faire du pain et pour l’user et consumer dans sa famille, ou pour le vendre et debiter dans l’etenduë de la pannalité, bien que ces blés soient crûs hors le térritoire, ils sont sujets au droit, parce que tout ce qui est apporté et vendu dans le territoire de la bannalité, est rendu de pareille nature que s’il etoit crû et avoit été recueilli sur le lieu-

Nous favorisons beaucoup plus le droit de bannalité, et il y a long-temps que le contraire s’observe en Normandie, par Arrest du 17 de Janvier 1541. entre Loüis d’Orbec, Seigneur d’Orbec et de Bien-Faite, et Thomas le Sec, sieur de la Cressonnière ; le sieur d’Orbec fut maintenu en la possession de pouvoir contraindre ses vassaux resseans, d’aller moudre à ses moulins, non seulement les grains qu’ils achetoient dans l’etenduë de sa Seigneurie, mais aussi ceux qu’ils achetoient au marché, et que les autres qui n’étoient resseans payeroient verte-moute, bien que les hommes eussent soûtenu qu’ils étoient étrangers et qu’ils n’avoient aucuns grains croissans sur la Seigneurie, et que pour les grains par eux achetez, ils ne tomboient point en forfaiture, quoy qu’ils n’eussent point suivi le ban du moulin-

Autre Arrest conforme à celuy du sieur d’Otbec. Jean Merlet, Ecuyer, sieur de Milc dé, fit assigner devant le Juge Royal de Torigny Jean de Manvieux, pour voir juger la confiscation d’un boisseau de sarrazin, qu’il avoit fait moudre ailleurs qu’au moulin bannal, où il étoit sujet ; de Manvieux opposa que le sarrazin n’ayant point crû sur le fonds du sieur de Maloüé, il n’étoit point obligé de le porter au moulin bannal, et que d’ailleurs ayant payé le droit de verte-moute au Seigneur du fief, sur lequel le sarrazin avoit crû, il seroit extrémement dur de lobliger à la bannalité du moulin du Seigneur du fief, sur lequel il étoit domicilié. Le sieur de Maloüé répondoit que la verte-moute et la bannalité étoient deux droits differens, qu’il ne falloit point considerer le lieu où le bé avoit crû, ni où il avoit été acheté, mais seulement où il avoit été consumé, que de Manvieux ayant son domicile sur un fonds sujet au ban du moulin, il étoit sujet d’y faire moudre tout ce qui se consumeroit en sa maison. Manvieux ut condamné de porter au moulin bannal les blés seulement qui avoient crû sur la Seigneurie ; par Arrest du 26 d’Avril 1663. la Sentence fut cassée, et il fut jugé que le vassal bannier êtoit tenu de porter au moulin tous les blés qu’il dépensoit en sa maison ; plaidans Lyout et Durand,

Autre Arrest du 17 de Juillet 1665. entre Robert Quesney, fermier des moulins de Condé sur-Rille, appartenans à M le President de Bonneval, et Martin Vassal, resseant sur le fief dudit Condé, qui recueilloit des blés à Corneville, Paroisse voisiné où Il y a aussi un moulin bannal, lesquels il prétendoit ne devoir point de bannalité à Condé, encor qu’il y fit sa demeure, à cause qu’il devoit même droit à Corneville, comme il avoit été jugé par Sentencé du Ponteaudemer, qui ordonnoit que ledit Martin suivroit la bannalité des deux Seigneurs, à proportion de ce qu’il auroit perçû de grain sur chacune d’icelles. Par Arrest par expedient Martin fut condamné à payer le droit de bannalité de tous les grains qu’il consumoit au lieu de sa demeure.

Autre Arrest sur ce fait, le sieur de Four à cause de son moulin bannal avoit droit de mouteeche, à peine de forfaiture sur les hommes tenans, non resseans, qui emportoient les blés nors de la Seigneurie ; ayant artété les chevaux et chariots de du Pont qui emportoit les blés de sa ferme, du Pont soûtenoit qu’il étoit exempt de payer cette moute-seche, ayant un fermier resseant sur la Seigneurie, qui alloit au moulin, ce qui étoit autant comme si du Pont eût été resseant sur la ferme ; mais ayant été condamné, sur son appel il en fut déchargé par Arrest du 13 de Juillet 1509. parce qu’il avoit son fermier sur le lieuEn plusieurs lieux le Seigneur ne peut exercer le droit de bannalité que sur ceux qui demeurent dans letenduë de sa Bannalité ; la Coûtume d’Anjou le décide expressément dans l’Article 14. en ces termes, le Bas-Justicier peut contraindre des sujets étagers, coûtumiers, demeurans dans la banlieuë dudit moulin, d’aller moudre à iceluy moulin : De sorte que s’ils ne sont pas resseans sur le fief ou qu’ils ne soient point dans la banlieuë, le Seigneur ne les peut contraindre à suivré le ban du moulin

En Normandie les Seigneurs demandent à leurs vassaux banniers un certain droit qu’ils appellent de verte-moute, et ils prétendent qu’il leur est dû, lors que le vassal bannier laboure des terres dans le territoire de laBannalité, et qu’il enleve les grains ailleurs, sans les engranger sur le fief, et ce droit consiste ordinairement en la seizième gerbe, ou au seiziénn boisseau, s’il n’y a titre ou possession au contraire.

Ce droit de verte-moute étant fort rigoureux, il est défavorable, car s’il est dû par celuy qui n’est point resseant dans l’etenduë de la bannalité, il sera souvent engagé à payer deux droits de verte-moute et de bannalité ; car en payant la verte-moute pour l’enlevement de ses grains, et les portant au lieu de sa demeure pour les consumer, s’il y a bannalité, il payera encore le droit de moute.

D’ailleurs s’il faut payer la verte-moute à la seizième gerbe ou au seizième boisseau, le misérable vassal peut en recevoit un dommage notable ; car il pourroit arriver que ce vassal resseant sur le lieu ne consumeroit que fort peu de blé, et par consequent il ne payeroit que fort peu de moute, mais en payant le seizième boisseau sa condition seroit beaucoup plus dure.

Il faut donc discuter si ce droit peut être exigé, et en cas qu’il soit dû, quel titre est necessaire pour en établir la demande

On ne peut douter que ces droits de bannalité, de moulin, de four, et de corvées, ne soient plus personnels que réels ; s’ils n’étoient dûs aux Seigneurs de fief qu’à cause des héritages que l’on possederoit en leurs Seigneuries, il ne pourroit être exigé que des proprietaires, et même il ne pourroit être demandé que pour les grains qui seroient crûs dans leurs Seigneuries, et non de ceux que l’on auroit achetez ailleurs : cependant tous les resseans et domiciliez dans le territoire du Seigneur qui a le droit de moulin bannal sont tenus d’y moudre les grains qu’ils consument en leur maison, et qu’ils achetent pour leur nourriture, quand même ils ne possederoient aucuns héritages dans l’etenduë du même fief, ce qui prouve que la servitude est purement personnelle, et que par consequent n’obligeant que la personne, et n’affectant point les héritages, ceux qui ne sont point resseans dans le fief ne doivent aucun droit de moute, bien qu’ils possedent des héritages dans les bornes de sa Bannalité.

Mais les Seigneurs ne se sont pas beaucoup mis en peine de ces raisonnemens, et pour autoriser eurs prétentions on a considéré la sujettion à la bannaliré, comme une servitude mixte dûë par la personne et par l’héritage, et d’ailleurs il peut bien être que par les infeodations les Seigneurs le s’étoient reservez ces droits-là ; ainsi quand la demande du Seigneur est fondée sur un titre, le vassal ne s’en peut défendre

Mais cela ne refoud pas la difficulté la plus importante, sçavoir si le droit de bannalité renferme eluy de verte-moute, et si la preuve de l’un fait la justification de l’autre ; mais il me semble que les droits de bannalité et de verte-moute sont deux droits differens, et pour l’un comme our l’autre le titre et la possession sont necesçaires

I y a long-temps que ces contestations ont été agitées en Normandie, entre les Seigneurs et leurs vassaux, comme on l’apprend par deux anciens Arrests où les raisons des parties et le sujet de leur different ont été déduits fort amplement. Jeanne de Croisi, veuve de Nicolas de Cong-champ, avoit fait saisir six muids de blé, chargez sur les Quais d’Andely, faute d’avoir payé les vertes-moutes dudit blé qu’elle prétendoit luy être dûës à cause des héritages situedans les Paroisses de Gutry et Forests ; et elle prétendoit prouver, tant par titres que par témoins, que si les grains ayant crû dans les enclaves de la hanfalité, et qu’ils fussent portez aux marchez de la Seigneurie pour le payement des fermages, elle devoit avoir la moute desdits grains d’où elle concluoit que le blé faisi ayant été batu sur le fief, et chargé dans un bâteau pour porter à Roüen, et pour être livré au proprietaire en déduction de ses fermages, il y avoit lieu la forfaiture, pout avoir dessaiss le ban du moulin sans avoir payé la verte, moute Hugues et Colin de Fontenay, et Estienne Mabire se défendoient par plusieurs moyens Premierement, que la verte. moute n’est due et ne peut être exigée que quand les grains troissent sur le territoire du ban du moulin, et sont portez et engrangez hors d’iceluy : Or les blés que lon avoit saisis avoient été engrangez sur le fief, c’est pourquoy ils étoient exempts de droit de verte-moute, quand même elle seroit dûë, comme non. En second lieu, que quand les resseans font moudre au moulin tout ce qui est requis pour leur usage, il est permis au sujet de porter le reste de son blé hors la Seigneurie, soit pour payer son fermage, ou pour en faire son profit ; autrement il seroit injuste de vouloir astraindre le vassal à moudre tout son blé, ou d’en payer la verte moute, et le Seigneur doit être content lors qu’il fait moudre à son moulin tout le blé necessaire pour son usage. La Demoiselle de Long-champ repliquoit qu’elle êtoit en possession et saisine d’avoir et percevoir le droit de verte-moute des blés qui avoient été ennrangez sur le ban du moulin, et depuis portez hors dudit ban pour le payemen les fermages. Le Juge de Gisors ayant condamné lesdits de Fontenay et Mabire au payemen de la verte-moute, sur leur appel la Sentence fut confirmée par Arrest du 9 de Novembre 1510.

En l’espèce de cet Arrest, on étendoit le droit de verte-moute beaucoup au-de-là des termes ordinalres car on le demandoit sur le surplus des blés que le fermier n’avoit point con-sumez, et qu’il envoyoit à son maître en déduction de ses fermages ; mais cet Arrest eut pour sondement un titre et une possession, autrement ce seroit un étrange abus si les fermiers qui avoient engrangé sur le lieu, ne pouvoient pas faire porter ailleurs leurs blés pour le payement de leurs fermages.

Par l’autre Arrest rendu le is d’Aoust 1629. on prétendoit la verte-moute non seulement des blés, mais aussi des avoines ; sur quoy aprés des preuves respectives il fut dit qu’il n’y avoit cause d’empescher la droiture et possession de la verte-moute, tant pour les avoines que pour le blé, à la raison de la seizième gerbe.

Il paroit par ces Arrests que ce droit de verte-moute n’est pas une dépendance et une suite du droit de bannalité, et qu’il ne peut être demandé qu’en vertu d’un titre et d’une possession legitime. On disputa cette question en la cause de Mr le Comte d’Armagnac, Seigneur de Brione, et plusieurs de ses vassaux qui étoient resseants dans la Comté de Harcour, ce qui obligea Mr le Comte de Harcour d’intervenit en la cause ; elle fut apointée au Consell de 30 de Juin 1671. et la question est encore indécise.

Par un Arrest donné lors que le Parlement êtoit feant à Caen, au Rapport de Mi Bouthard, entre la Dame de Pierrecourt et un autre partiéulier, il fut dit que le droit de banna-lité de fout n’emportoit avec foy le droit de verte-moute, et qu’il falloir un droit special outre celuy de la bannalité

Il arrive souvent que l’on stipule un droit de franche-monte, on de cuire franc pour toute sa famille : On demande si cette famille augmentant et se multipliant, le meünier et le boudanger sont obligez de moudre et de cuire pour tous : Pour la negative on dit que ex quo obli-atio fuit simplex conceptâ nomine collectivo, non variatur ipsa obligatio, licet crescat vel minuatur Samson numerus comprehensorum sub nomine collectivo : in contrarium facit quod érescente semper tali familiâ, sic videretur furnarius, vel molendinarius obligari usque in infinitum. Samson, Coûtume de Tours, Tit. des Justices, Art. 13. distingue, où ce droit a été donné par une pure liberalité, et tunc si familia tantùm excreverit subveniendum judicis officio, ut non teneatur ad totam familiam, presertim ubi non potuit cogitare de tantâ excrescentiâ. Par exemple, si cela avoit été donné ûà quelque petit Gentilhomme à qui depuis il seroit venu de grandes successions, et qui autoit extrémement augmenté son train et sa dépense, Aut propter hoc capit lucrum quando pater famil. git pretio appretiato pro se et familiâ suâ, et familia est citra solitum aucta, tunc dicendum est furnarium vel molendinarium teneri ad totam familiam, nam ex quo recipiens se potest habere ad lucrum parvificatâ familiâ, ita se debet habere ad damnum auctâ familiâ, cum contrariorum eadem sit disciplina. Cet Auteur traite en suite la question pour un droit de chaufage dans la forest, quem vide. Et Berault a traité quelque part la question pour le pressoirComme ce droit de bannalité deviendroit trop onereux, si les vassaux d’une grande Seigneurie étoient indispensablement obligez de suivre le ban du moulin, quelque éloigné que fût leur domicile, on a jugé qu’il étoit raisonnable de borner létenduë de la bannalité ; plusieurs Coûtumes lont terminée et reglée à la banlieue, et pour éviter toute ambiguité, elles ont même déclaré le nombre des pas que devoit contenir la banlieuë.

Par l’Article 359. de la Coûtume de Bretagne, les hommes sont tenus d’aller au moulin de leur Seigneur, qui est dans la banlieue ; et ne sont lesdits hommes sujets d’aller audit moulin s’il n’est dedans la banlieuë, si ce n’est de leur bonne volonté : Et par l’Article 360. cette même Coûtume définit la continence de la banlieuë en ces termes, la banlieuë contient six-vingts cordes, hacune corde de six : vingts pieds, assise par six : vingts fois ; et doit être mésurée des lieux où la somme de blé est levée jusqu’au lieu où elle doit cheoir par les voyes que le Seigneur pourra garantir à ses hommes sans empeschement.

Par l’Article 14. de la Coûtume d’Anjou, les sujets ne sont pas tenus d’aller au moulin bannal, s’ils ne sont demeurans dans la banlieuë. Nôtre Coûtume n’a rien défini sur ce sujet, mais quoy que le fief du Seigneur de fief s’étende bien loin, il faut neanmoins interpreter cette servipude civilement, afin de soulager les habitans, et de ne les reduire pas à une condition trop facheuse : et lors que l’on accorde simplement et en termes generaux un passage sur héritage d’autruy, pour passer par tel endroit que l’on voudra, cela s’entend toutefois avec bien-seance, et de la maniere qu’un homme équitable l’ordonnera, pour rendre la servitude moins incommode ; si cui simpliciter via per fundum cujuspiam concedatur in infinito videlicet per quamlibet ejus partem ire, agere licebit civili modo, nam quedam in sermone tacite excipiuntur. l. si cui. D. de Servitut. Sur ce principe d’équité la servitude de la bannalité doit être favorablement expliquée, en luy fixant un terme au-de-là duquel on ne puisse l’etendre. Au procez de Mr de Motteville, Premier President en la Chambre des Comptes de Normandie, et les habitans. de Motteville, joints avec luy contre le sieur Vidame d’Enneval ; sur ce que ses habitans soûrenoient qu’ils étoient fort éloignez du moulin Bannal du Seigneur d’Enneval, et qu’il leur seroit tres-incommode, et particulierement en Hyver d’y porter moudre leurs grains, le Seigneur d’Enneval déclara qu’il n’entendoit point étendre son droit de bannalité au-de-là de deux lieuës. Il seroit fort utile que la Cour fit un Reglement sur ce sujet. Il seroit encore fort nécessaire, comme quelques Coûtumes ont fait de regler un temps dans lequel le meûnier feroit tenu de moudre le blé qui luy seroit apporté, ou qu’autrement le sujet pourroit reprendre son blé et le porter ailleurs, sans peril d’amende. C’est la disposition de la Coûtume de Nivernois, Tit. des Moulins, Article 8.

Pour achever en quoy consiste la bannalité et comment elle doit être executée, il faut encore examiner cette question, si la bannalité peut être annexée au moulin à vent ; Cette difficulté peut être plus grande dans les Coûtumes où le droit de bannalité est une dépendance ordinaire de la feodalité et de la Seigneurie directe ; mais dans les Coûtumes où l’on ne peut prétendre de bannalité sans titre, la chose ne peut être douteuse que sur ce point, si la sujettion au ban du moulin à eau peut être étenduë au moulin à vent : Or c’est une maxime que le moulin à vent ne peut être bannal, même à l’égard du Seigneur fondé en titre et en reconnoissance par écrit du droit de bannalité de moulin à cau, si le titre ne fait mention expresse de la qualité du mou lin, et ne déclare et détermine précisément que c’est un moulin à vent : L’expression generale. et indéfinie du moulin bannal ne s’entend que du moulin à eau, et le Seigneur n’en ayant point de cette qualité dans sa Seigneurie, mais seulement un moulin à vent, il ne peut prétendre de bannalité, ni contraindre ses vassaux d’y venir moudre, ce queBrodeau , sur l’Article 72 confirme par ces deux raisons ; la premiere resulte de ce que le moulin à eau étant permanent, et pour être bati sur une riviere dont le cours est continuel et perdurable, son usage est certain, reglé et ordinaire. Ce qui ne se peut pas dire d’un moulin à vent dont la fonction dépend de la cause la plus incertaine, la plus inconstante et la plus casuelle du monde, et comme il arriveroit souvent que le moulin ne tourneroit point faute de vent, il ne pourroit servir, et les banniers en souffriroient une incommodité tres-facheuse.

L’autre consideration est fondée sur ce que le vent et l’air qui font tourner, le moulin ne tombent pas si facilement que l’eau dans le Domaine des Seigneurs feodaux ; en effet les Coûumes parlent bien d’eaux et de rivieres bannales, mais non point d’air, et de vent bannal : Aussi la Coûtume de Paris décide expressément en l’Article 72. que le moulin à vent ne peut être bannal, ni sous pretexte de ce les meûniers voisins sont empeschez de chasser, s’il n’y a titre ou reconnoissance par écrit ; à quoy la Coûtume d’Orléans est conforme.

La Coûtume en l’Article 160. met les moulins entre les dépendances des fiefs, et par plusieurs

Coûtumes le droit de bannalité est ordinaire et inherent au fief et à la Jurisdiction ; de sorte ue le Seigneur peut contraindre ceux qui demeurent dans son térritoire de suivre le ban du moulin de sa Seigneurie. Touraine, Article 7. et 8. Anjou, Article 14. Poitou, Article 34. et 89. et la pluspart de nos anciens Docteurs et Praticiens François ont été de cette opinion eputans la bannalité du moulin, du four et du pressoir pour un droit Seigneurial ordinaire et qui est dû en consequence et par la seule raison de la feodalité, sans qu’il soit besoin de titre li ou de reconnoissance, comme il est porté dans une addition que Charondas a faite à la Somme Rurale deBouteiller , Tit. du Droit aux Banniers

Au contraire plusieurs autres Coûtumes ne permettent point aux Seigneurs d’exercer ce droit, s’il n’est fondé sur un titre valable soûtenu par la possession. Il n’est point seigneurial, et feodal, c’est à dire qu’il n’est point de la nature des fiefs, ni attaché naturellement à la seodalité, comme un droit commun et ordinaire : et c’est pourquoy par la Coûtume de Paris, Article 71. Orléans, 101. nul Seigneur ne peut contraindre ses sujets d’aller au moulin qu’il prétend bannal s’il n’en a titre valable, aveu bu dénombrement ancien.

La possession sans titre doit être considérée comme un effet de la puissance du Seigneur, ou l’on présume que les vassaux y ont été volontairement pour leur propre commodité, ou même par une simple complaisance, per modum facultatis, potius quam necessitatis. Ces maximes sont tres-équitables : Il seroit fort aisé à un seigneur redoutable et violent, sur tout dans les temps calamiteux, de contraindre de misérables vassaux à s’obliger à cette servitude. Ce fut pour cette raison que lors de la Reformation de la Coûtume de Paris, on ajoûta qu’un titre n’étoit point reputé valable, s’il n’étoit fait avant vingt-cind ans Le titre est donc nécessaire pour établir cette servitude ; il est vray qu’elle se peut acquerir par une longue possession, mais pour cet effet, suivant l’opinion la plus commune, il faut que de Seigneur ait fait défenses à ses vassaux de moudre ailleurs, et qu’en suite les vassaux ayent obei, et qu’ils ayent suivi le ban du moulin : en ce cas la prohibition du Seigneur et l’obeissance des vassaux passe pour un titre. La Coûtume de Nevers l’ordonne de la sorte, Tit. des Moulins, Art. 1. Pour acquerir bannie de four ou moulin est besoin d’avoir titre, où aprés prohibition ou contradiction, paisible possession. Que s’il n’y a point eu d’empeschement ou de prohibi-tion, la possession même centenaire est inutile : Etiam si mille annos non subjectus alienam moletrinam frrquentaverit molendo, non per hoc queritur subjectio, aut cogendi jus, nec quis constitui-tur in possessione, sine quâ nulla prascriptio currit, et quia id fit commoditatis causâ & mero facultatis arbitrio,Boer . Decis. 125. Cette possession pour être valable doit commencer par la con-rainte des sujets à la bannalité, possessio in talibus incipienda est à coactione, si scilicet Dominus moletrine quosdam invitos coëgit molere, et illi cogenti paruerint totos quadraginta annos ; M’d’Arrengé, Article 335.

Le droit de bannalité est un droit negatif et prohibitif ; il faut donc qu’il y ait eu défense, et que le Seigneur ait empesché par son Prevost les vassaux d’aller moudre ailleurs qu’à son moulin, et qu’en suite de ses daefenses il ait obtenu des Sentences, qui ayent été executées par les vassaux ; In his quae in prohibendo consistunt, ut qui quis possideat et prascribere possit, necesse est ut prohibitio interveniat illius qui jus sibi competere contendit, & sequatur patientia ejus cui vohi bitio facta est, gl. et Doctores in l. qui luminibus, ff. de servitut. Urban. pred. Et ainsi suivant le droit commun la possession n’est acquise, et la prescription ne commence à courir que Bacquet du jour de la prohibition ; Bacquer, des Droits de Justice, c. 29. n. 29.

Cette possession ne doit servir au Seigneur que sur ceux qui se sont soûmis à cette servitude.

Mais il semble fort rude d’avoir jugé qu’en matière de bannalité, le plus grand nombre blige le moindre, puis qu’aucun ne doit être assujetti à quelque servitude sans son fait, et sans son consentement, et que les servitudes doivent plûtost être restreintes qu’étenduës ; la possession du Seigneur ne luy doit servir que contre ceux qui l’ont soufferte, tantùm praseriprum, quantùm possessum.Bacquet , des Droits de Justice, c. 29. n. 23. tient que le tiers ou la moitié des habitans ne peut obliger tout le corps, et qu’il en faut les deux tiers, ou plus grand nombre, suivant la l. nominationem : in verbo, duae partes ordinis, de Decurionib. MaisBrodeau , ur la Coûtume de Paris eArticlet2 1. tient qu’un titre n’est point valable, s’il n’a été passé avec tous les habitans, sans que les deux tiers qui auroient prété leur consentement puissent obliger l’autre qui n’y aproit pas consenti, sur tout quand le Seigneur n’a d’autres titres que des Aveux et des dénombremens ; car, comme ditBacquet , c. 29. n. 31. des Droits de Justice, les Aveux et les dénombremens ne sont pas des titres, ce ne sont que des déclarations des droits qu’il prétend être dûs à son fief, et ils ne peuvent faire de preuves, ni induire aucune obligation qu’entre le Seigneur et le vassal ; mais ils n’attribuent aucun droit de proprieté ni de possession au préjudice d’un tiers qui n’y a point êté appelé ni qui n’y a point donné son consentement ; l. que quisque de acquir. rer. dom. Neanmoins par Arrest du 22. Février 1600. donné au profit du sieur Baron du Pont S. Pierre, les héritages tenus de ladite Baronnie sont declarez fujets au ban des moulins d’icelle, et au payement de la verte, moute le cas écheant, en cas que les grains fussent transportez hors le fief.

Il n’en est pas de même pour la possession sur les tenans noblement, où le plus grand nombre n’oblige point le moindre, suivant la distinction deBacquet , c. 29. n. 24. des Droits E de Justice : Car il faut faire différence entre un droit qui concerne un corps ou université d’habitans et des associez, des copropriétaires, des coheritiers ou collegataires, quando aliquid ammune est pluribus ut singulis putâ heredibus, vel sociis, vel quando aliqua res pertinet ad plures t singulos, tunc consensus omnium necessarius est, et contradicente uno nilnl agitur, chacun a son interest particulier, dont il peut disposer sans le consentement des autres : quando verâ aliquid commune est pluribus ut universis, putâ civibus, collegiis, canonicis, religiosis, vel quando res aliqua pertinet ad plures ut universos, tunc standum est voluntati majoris partis : Il en faut dire de même pour la bannalité entre les tenans noblement, le plus grand nombre n’engage point les autres en ce cas, quod à pluribus fit non obligat singulos. La Coûtume de Poitou, où il suffit d’avoir un fief pour avoir un moulin, use de ces mots, Ban-de-Moulin sur les roturiers et tenans, et couchans roturierement, et non pas sur les Nobles. Le droit de Bannalité n’est pas neanmoins une servitude roturière, les Cleres aussi-bien que les Nobles possedans fief y. peuvent être rassujettis en vertu d’un titre ;Ricard , Article 7i. etBrodeau , hic Cette question s’offrit aux Enquêtes le 19 de Mars 1635. au Rapport de Mr de Grouchet, entre de Sabrevois, Seigneur de Fourmainville en partie, et Mr le Duc de Vendôme, Baron d’Ivrys le sieur de Sabrovois fut déchargé de la bannalité du moulin du sieur Baron d’Ivry, situé au village de Fourmainville, parce que la possession que Mr de Vendôme avoit sur les autres tenans noblement n’obligeoit point le sieur de Sabrevois, dont les anciens Aveux ne prouvoient point qu’il fut sujet à la bannalité du moulin, quoy qu’on y eut employé d’autres droits qui n’étoient pas moins considérables, le droit de bannalité n’étant point de essentialibus feudi, sed de nccidentalibus, indiget speciali nota, et il n’est point compris dans ces termes de devoirs Seigneuriaux, comme la foy et hommage, que non possunt abesse fine subjecti interitu C’est aussi une jurisprudence établie au Parlement de Paris que le Seigneur qui n’a point de moulin bannal, ne peut empescher les meûniers de chasser dans l’etenduë de son fief ;Loüet , M. n. 17.Brodeau , ibid. Il y eut Arrest en l’année 1628. au Parlement de Dijon sur une cause évoquée de ce Parlement entre Mr d’Amiens Conseiller en la Cour, et Mr du Til Maître des Comptes à Paris, par lequel il fut dit que les meüniers de Mr d’Amiens pourroient chasser dans les terres mouvantes du fief du Til, et aux maisons des vassaux dudit sieur du Til, parce que le sieur du Til ne justifioit point qu’il eut droit de bannalité. quivant nôtre usage le droit de bannalité ne peut être demandé que sur les hommes tenans héritages du fief, à cause duquel on prétend ce droit ; et par un ancien Arrest du 30 de uillet 1549. un seigneur en fut debouté sur des personnes qui n’étoient point ses vassaux, pien qu’il fournit un titre et qu’il prouvàt une possession immemoriale, Nous tenons neanmoins que le droit de Bannalité peut être cedé par un Seigneur à un autre Seigneur au préjudice de ses vassaux banniers, comme il fut jugé par Arrest du 2i de Juillet 1547 ntre le Duc de Longuevillé, Baron de Monville, et le sieur de Cherville. Autre Arrest du 18 d’Avril 1545. aux Enquêtes, entre les sieurs de Franc et le Comte, touchant une transaction. pour la construction d’un moulin à vent, par laquelle le sieur le Comte pouvoit faire un moulin à vent en sa Sieurie de Sancourt, et où il ne feroit pas construire de moulin, ses vassaux seroient tenus de venir moudre au moulin du sieur de Franc, bien qu’ils n’y fussent pas sujets, et par l’Arrest la transaction fut declarée valable.Bartole , in l. stipulatio ista, et I. quoties de verborum obligationibus, et Fab. Inst. 8. siquis aliam de inutil. stipul. Mais M d’Argentré , en sa Preface. sur l’Article 17. demande si le moulin étant vendu sans expression du droit de Bannalité, l’acheteur pourra contraindre les hommes sujets à la bannalité d’aller moudre à son moulin : et il répond que ce droit passe à l’acheteur avec le moulin ; simplez rei appellatio, nullo alio expresso pertinentes, vei accessorias, et dependentes continet, l. fistulas in princ. De contrah. empt.

La bannalité peut aussi être cédée, comme il paroit par l’Arrest donné entre le Duc de Longueville, Seigneur de Monville, et la Demoiselle Daré, où l’on ne disputa pas que le droit de bannalité n’eût été cédé valablement par l’Abbé de S. Vandrille, pour la terre du Montau-Prestre. Un moulin même peut être bannal, quoy qu’il fût d’un autre fief, et qu’il ne relevant ni mediatement, ni immediatement du fief, à cause duquel R prétendroit la bannalité, mais d’un autre fief, suivant les Coûtumes d’Anjou, Article 17. Du Mayne, Article 14. et 17.

De Poitou, Article 34. Bretag. 382. Ainsi jugé, au Rapport de Mr Fermanel, par Arrest du 5 de May 1657. entre Lécrivain et le sieur de Chantoré-

Il reste à parler de l’action que le Seigneur peut avoir quand il est troublé en son droit de Bacquet Bannalité, Bacquer, des Droits de Justice, c. 29. n. 10. croit que le Seigneur peut agir par la voye possessoire ou petitoire. Et par Arrest du ro de Juin 1665. en la Chambre de l’Edit, il fut jugé que l’instance de bannalité de moulin étoit réelle, et ne pouvoit être évoquée aux Requêtes du Palais par un privilege, entre le sieur du Hamel et Farin ; plaidans Heroüet et de l’Epiney


CCXI.

Tresor trouvé à qui appartient.

Tresor trouvé aux terres du Domaine du Roy appartient au Roy, et s’il est trouvé ailleurs, il appartient au Seigneur du fief, soit Lay ou Ecclesiastique.

Par la disposition du droit civil, 3. Thesauros Inst. de rer. divis. le trefor que le proprietaire trouvoit dans son héritage luy appartenoit ; s’il le trouvoit ailleurs non datâ operâ, sed fortuito, Cesar ou dans un lieu facré, ou même dans un lieu appartenant au Fiscou à Cesar, il en avoit la moitié.

Mrle Bret , Décision 8. l. 5. dit qu’en France on a tenu la même maxime, et que si on avoit trouvé un tresor dans les terres du Domaine datâ operâ, il appartiendroit entierement au Roy, mais si par cas fortuit, la moitié seulement. Mais cet Article en dispose autrement. Puisque c’est un pur don de la fortune, il sembloit juste de le laisser à celuy qui l’auroit trouvé. La Coûtume de Bretagne en fait un droit Royal, et il appartient au Prince, Artiple 53. et par la nôtre c’est un droit teodal. Par les Loix d’Angleterre il appartient au Seigneur. Bracton dit que cum thesaurus in nullius bonis sit, & antiquitus de jure naturali effet inventoris, nunc de jure gentium efficitur Domini Regis, sicut Wrecum maris. On châtie mêmé par emprisonnement celuy qui ne Stanford declare pas le tresor qu’il a trouvé, et nemy de vie et de menber, dit Stamford, l. l. c. 4. he possunt esse prasumptiones inventi thesauri, si solito se ditiùs habuerit in vestibus & aliis ornamentis. cibis, potibus, et hujusmodi.Bracton .

Tout argent trouvé ne doit pas être reputé tresor, comme il a été jugé par un Arrest du Parlement de Paris rapporté parTronçon , Article 57. Durant la Ligue un Bourgeois de Paris avoit caché quelque argent dans sa maison, depuis l’ayant venduë, et l’acquereur ayant trouvé cet argent en la démolissant, il fut demandé par les heritiers du vendeur, et par cet Arrest il leur fut ajugé ; par cette belle raison de la l. peragré. ff. de acquir. vel amitt. poss. peraegri profecturus pecuniam in terrâ custodiae causâ deposuerat, cum reversus locum thesauri in memoriâ non repeteret, an desjissaet possidere à vel si postea cognouisset locum, an confestim possidere inciperet quesitum est : Dixi quoniam custodiae causâ pecunia conditâ proponeretur, jus possessionis, et qui condidisset non videri peremptum, nec infirmitatem memoriae damnum afferre possessioni. Vide duDu Moulin , de Feudis. 3. 1. gl. 1. n. 60. Mi d’Argentré , Coûtume de Bretagne, Article 33.Coquille , n ses Réponses, l. 7. Il n’en est pas de même des minieres, comme elles font portion de la terre, et qu’elle les produit naturellement, elles appartiennent au Seigneur du fonds, Castro l. in lege fundi. ff. de contrah. empt. et le Seigneur de fief ne les peut demander. Paul de Castro, Cons. 330. vol. 2. êtoit d’avis que celuy qui avoit ouvert la miniere sous son héritage, pourroit faire suivre la veine sous terre jusques sous l’héritage d’autruy ; mais l’opinion contraire qui est tenuë parCoquille , sur laCoûtume de Nivernois , Article 2. me semble plus raisonnables car le proprietalre de la superficie ne peut s’étende qu’au dedans et jusqu’au centre.


CCXII.

Neanmoins s’il est trouvé dans la Nef ou Cimetiere de l’Eglise, il appartient à la Fabrique, et s’il est trouvé dans le Choeur de lEglise, il appartient à celuy. qui doit entretenir le Choeur ou Chancel

Par Arrest les Religieux de Fécamp, Patrons de S. Georges sur Fontaine-le-Bourg, furent condamnez de réedifier le Choeur et de contribuer à la Net, à cause des dixmes et des autres piens qu’ils possedoient en cette Paroisse.

Autre Arrest du 7 de Juin 1652. entre les Curez et Tresoriers de S. Eloy de Roüen, et les Paroissiens en general, il a été jugé que les proprietaires de maisons et héritages en cette Paroisse payeroient les trois quarts, et les locatalres l’autre quart des sommes necessaires pour la reparation du Prébytere. Pareil Arrest entre les proprietaites d’héritage de la Paroisse de Maromme, et les fermiers et locataires pour lesquels je plaidois.



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ARTICLE CCX. Page 348. ligne 31.

D AME Matie Paule d’Abbret, Abbesse de Pacy, ayant acquis un Moulin à Foulon situé sur la Riviere qui passe à Pacy, obtint des Lettres du Roy pour le changer en Moulin à Blé, à condition qu’il n’y eût point de Moulins bannaux audit lieu de Pacy, et que ce fût pour l’utllité publique : Dame Anne Marie le Letier, Prieure du Royal Monastere de lHôtelDieu de Vernon, s’opposa à l’enterinement de ces Lettres, mais par Sentence du Juge de Pacy elle fut deboutée de son opposition ; elle concluoit sur son appel que sans avoir égard aux Lettres d’une pretenduë peremption, la Dame Abbesse de Pacy devoit être deboutée de l’enterinement des Lettres par elle obtenues pour changer l’état de son Moulin à Foulon, et le convertir en usage de Moulin à Blé, et qu’elle seroit maintenué au droit d’user du canal de la Riviere comme elle avoit fait par le passé, pour cet effer elle representoit que ladite Dame intimée avoit bien reconnu qu’elle ne pouvoit changer l’usage de son Moulin à Foulon, puisqu’elle a eu recours à l’autorité du Roy, la construction nouvelle d’un Moulin on d’un Colombier ne se peut faire sans la permission du Roy ou des Seigneurs dont releve le fonds, et l’on ne peut s’en servir qu’à l’usage auquel il est destiné ; car la Conoession du droit de Moulin est un droit feodal, suivant l’Article 160. et par l’Article 210. on ne peut construire de Moulin si l’on n’a les deux rives de la Riviere assises en fon fief : ainsi la Dame de Pacy n’ayant aucun fief au dlieu où elle veut faire établir un Moulin à Blé, elle ne le peut faire au prejudice de ladite Dame Abbesse de Vernon, qui possede deux Moulins au droit du Roy sur la même Riviere ce qui la rend bien fondée à empescher cette innovation, suivant la l. r. et 2. de fuminibus, et la loy unique ne quid in fluminib. publ. ladite Dame de Pacy n’ayant aucun droit, puisqu’elle ne possede aucun fief, et que les deux rives de la Riviere ne luy appartiennent point, cela ne le pouvant faire sans un grand dommage pour l’Hôtel-Dieu de Vernon : les Arrests rapportez par les Commentateurs l’ont ainsi décidé ; ladire Dame de Pacy n’a eu garde d’énon-er qu’il y avoit deux autres Moulins proche de son Moulin à Foulon, que l’Hôteli Dieu possede en vertu de la donation qui luy en a été faite par S. Louis, parce que le Roy ne luy auroit pas accordé ses Lettres, aussi le Roy en a excepté le droit d’autruy : or celuy dudit Hôpital étant blessé par cette innovation, elle ne peut demander l’enterinement des Lettres quielle obtenuës : On objecte que lesdits Moulins ne sont point bannaux, et qu’ainsi pour la commodité publique on en peut augmenter le nombre : à quoy l’appelante répond que si le droit de bannalité empesche la construction ou l’augmentation des Moulins sur la même Riviere, et dans le voisinage, le defaut de bannalité le doit encore plus étroitement empescher, vû qu’il est indifferent à ceux qui ont des Moulins bannaux, que l’on en construise de nouveaux qui ne dispensent point leurs vassaux de leur sujetion de suivre le ban de leurs Moulins, ausquels s’ils vouloient faire fraude ils ont la voye de les arrêter et de leur en faire payer l’amende et le droit de moute, et même de faire confisquer leurs grains et leurs chevaux, ce qui fait que la construction de nouveaux Moulins n’interesse point les Seigneurs bannaux ; mais ceux qui ne le sont point ont un iterest bien plus notable d’empescher laugmentation des Moulins proche des leurs, ne pouvans user d’arrest ni de saisie, et neanmoins ils auroient le déplaisir de voir emporter le revenu de leurs Moulins par ceux qui s’établiroient de nouveau. On ne doit pas dire qu’il en soit comme d’un Artisan qui vient se placer auprés d’un autre, parce ue leur profession est libre à tous pour se placer en tel quartier qu’ils veulent ; mais le droit de Moulin n’appartient qu’aux Seigneurs de fief ou à ceux ausquels ils en ont cédé le droit : Si les Moulins appartenoient encore au Roy, ladite Dame Abbesse de Pacy auroit eu raison de s’y adresser, mais appartenans à l’Hopital de Vernon en vertu de la donation que S. Louis leur en a faite, le Roy n’a pas eu dessein de diminuer le revenu dudit Hopital. a quoy il fut épondu par la Dame Abbesse de Pacy, que la Dame Abbesse de Vernon s’efforçoit inutilement de rendre ses Moulins bannaux contre son titre et la liberté publique, que ladire Dame ntimée tachoit de conserver pour le bien des pauvres gens qui manquoient souvent de farine aute de Moulins. Les Lettres qu’elle avoit obtenuës étoient par abondance de droit, la necessité de l’augmentation desdits Moulins êtant attestée et demandée par tout le peuple ; la comparaison que l’on a voulu faire des Moulins et des Colombiers n’est pas bonne : On convient que les Colombiers dépendent des Fiefs, mais la multiplication des Colombiers est à charge au public, et celle des Moulins favorable et utile : L’appelante n’a aucun droit de fief non plus que l’intimée, elle a un simple droit du Roy pour posseder lesdits Moulins, et l’intimée ayant un ancien droit de Moulin à Fraps, et le Roy luy ayant permis de le changer tant pour le bien de sa Communauté que du public, il est certain que comme sa puissance de faire telles loix qu’il luy plaist n’a pû luy être ôtée, l’appelante n’a pas lieu de s’y opposer.

Berault sur l’Article 210. rapporte un Arrest donné entre les sieurs de la Londe et de la vilete, par lequel il fut permis au sieur de la Vilete de changer un Moulin à Tan en Moulin à Blé, encore qu’il fût tout proche du Moulin bannal du sieur de la Londe, et que le sieur de la Vilete n’eût obtenu aucunes Lettres du. Roy ; ce qui montre que ce qui est de droit public et commun ne peut être empesché par linterest des particuliers ; et suivant le sentiment de Godefroy l’on ne peut empescher la construction d’un Moulin, sous pretexte que ceux qui en ont d’ancienneté en souffront de la diminution, pourvû que les Moulins qui sont au desfous et au dessus n’en souffrent aucun inconvenient, et ne soient empeschez de moudre, cé qui ne se rencontre pas au Moulin dont il s’agit ; l’appelante allégue inutilement qu’elle a plus de sujet de s’opposer à ce nouveau Moulin à cause que les siens ne sont point bannaux, parce gue les Seigneurs des Moulins bannaux peuvent contraindre leurs vassaux à suivre le ban de leur Moulin ; car on luy répond que les Moulins sont des droits de Fief, ou si l’on n’a point de fiet que l’on peut posseder par la Concession du Roy ou des Seigneurs, qui en ce cas peuvent empescher ceux qui ne l’ont point d’avoir des Moulins ; demeurant d’accord de n’avoir point de fief, elle convient qu’elle ne peut empescher l’intimée de batir un Moulin proche les siens : Quant à la Concession du Roy, si l’appelante en a une fintimée l’a aussi ; l’appelante demeure d’accord que le Roy peut donner le droit de Moulin à qui bon luy semble, et neanmoins il a permis seulement de changer l’usage d’un Moulin à Foulon en Moulin à Blé : Par Arrest donné u Rapport de Mr de Touvens, le 7 de Mars 1674. la Sentence fut confirmée.