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DE HARO.

’ORIGINE de ce mot est assez connuë, Raoul, cet illustre Conquérant de la Neustrie, ayant rendu son nom immortel par ses victoires, et sa memoire venerable à son peuple par sa justice, est encore aujourd’huy imploré par ceux qui pretendent recevoir quelque tort : La feule prononciation de son Nom même aprés tant de siecles a cette vertu qu’elle engage ceux contre lesquels on s’en sert à cesser leurs entreprises, et à n’entreprendre rien au de-là.

Nôtre vieille Chronique nous en fournit un exemple mémorable en la personne d’un pauvre homme de la ville de Caen : Il arrêta en vertu d’un Haro la pompe funebre de Guillaume le Conquérant, qui luy avoit ôté un champ de terre, jusqu’à ce qu’on luy eût fait raison de cette usurpation. Et en l’année 1418. la ville de Roüen étant assiegée par Henry Roy d’Angleterre, un Prestre fut député pour luy faire cette harangue, et au Duc de Bourgogne rres-excellent Prince et Seigneur, il m’est enjoint de crier contre vous le grand Haro, qui signifie l’oppression qu’ils ont Moustrelet des Anglois, comme rapporte Moustrelet, c. 20.

L’antiquité ne manque point de pareils exemples, Hercule ayant été le fleau des tyrans et des oppresseurs, et le liberateur des foibles et des indéfendus, les Grecs pour reconnoissance Je ses bien-faits invoquoient son nom pour faire cesser la violence qui leur êtoit commise. Isis Eétoit aussi le secours et le refuge des EgyptiensDiod. Sic . l. 1. c. 2. Quand les Romains furent devenus les dominateurs du monde, c’étoit assez de tenir ce langage ; civis sum Romanus, pour se défendre d’une insulte : et sous les Empereurs on imploroit le nom du Prince, ad aram Cesaris mei confugio, pour éviter quelque mauvais traitement en sa personne ou en ses biens : Apulée dans Metamorphose sa Metamorphose, serio tamen subvenit ad auxilium civile decurrere & interposito venerabilis Principis nomine tot arumnis liberare

Les Juifs crioient aprés leur bon Roy Ezechias quand ils étoient tourmentez, mais rien n’est plus approchant de nôtre Haro, que ce que Lucian a écrit des Sauromates : leur Roy Lerim les avoit affranchis de la servitude, et c’est pourquoy quand un d’entr’eux êtoit forcé en sa liberté il crioit à haute voix, gerim : aprés ce cry, si l’on attentoit, c’étoit un crime.

Ceux qui ne sont point de cette Province, et qui ne sçavent point l’origine et l’usage de nôtre Haro, se persuadent que c’est une chimere, nomen quod ab enigmaie nihil discrepat, nec Justinien unquam videtur, nec in rebus apparet, comme parloit autrefois Justinien de jure Quiritium, en la I. unique C. de nudo jure Qujrit. toll. que cela procede d’une habitude naturelle à tous ceux qui ont quelque démélé, usque adeo naturale est paulatim incitari : ut litigantes quoque à sermone incipiant, ud vociferationem transeant : Seneca Ep. 15. l. 2. Voyez Pithou sur la loy Salique, t. 40. de Caballis furatis. Quelques-uns pensent que ce mot vient d’Harouenna, qui signifioit en vieux François le lieu où se tenoit la Justice ; comme si celuy qui crie Haro, appelloit sa partie à l’Harouenne ou lieu de Justice, pour avoir raison du tort qu’on luy fait : Du Chesne Chesne en son histoire histoire d’Anglet. 1. 7. c. 12.

Nôtre action en Haro n’est point extraordinaire, dans les autres Provinces nous y trouvons des actions qui ne different que pour les paroles, mais dont l’effet est semblable comme l’Appligement, Partie Formelle, Amener sans fcandale, ESPERLUETTEcc. sur tout la Complainte en cas de saisine et de nouvelleté.


LIV.

En quel cas le Haro peut être interjetté.

Le Haro peut être interjetté non seulement pour malefice de corps, et pour chose où il y auroit éminent peril : mais pour toute introduction de procez possessoire, encore que ce soit en matière beneficiale ou concernant le bien de l’Eglise.

Le Haro a le même pouvoir parmy nous que l’interdit, retinendae possessionis : Car s’il ne se rencontre pas un Juge competent ou un Sergent sur le lieu et sur l’heure, si celuy qu’on veut déposseder ou troubler en quelque chose appelle l’aide du Prince, sa partie est obligée de cesser et de suivre devant le Juge le demandeur en Haro. Il est vray qu’on a beaucoup étendu le ouvoir du Haro. Par l’ancienne Coûtume il ne devoit être crié que pour cause criminelle.

Si comme pour feu, où pour larcin, ou pour homicide, ou pour autre évident peril, si comme aucun tourt à un autre le coûteau trait, &c. On en use aujourd’huy pour toutes les choses provisoires, encore que ce soit, dit cet Article, en matière beneficiale ou concernant le fait d’Eglise.

Le Juge qui reçoit le Haro sur une action criminelle, ne peut pas retenir la connoissance du principal, il la doit renvoyer devant le Juge du delict. Dans l’ancienne jurisprudence Romaine poutes les actions en Justice étoient une espèce de Haro, parce qu’elles se faisoient sans aucun ministre de Justice, in jus vocatio olim fiebat sine ullo apparitore, et sine ullo judicis pracepto : litiraturus enim debitorem obvium interpellabat, ut in jus veniret & sequeretur praeuntem, et nolentem n jus rapiebat. ex l. 12. tab. Gall. lib. 20. c. 1. Et Terence dans ses Comedies de l’Eunuque et de Phormion, sivim facit in jus ducito, in jus ambula. EtHorace , lib. 1. Satyrâ, p Casu venit obvius illi.

Adversarius, & quo tu turpissime magna exclamat voce : & licet antestari, ego vero Oppono auriculam, rapit in jus. Clamat utrinque Ondique concursus : sie me servavit Apollo Sien que le Haro puisse être fait pour matière beneficiale, ou concernant le fait d’Eglise, le Juge Ecclesiastique est incompetent d’en connoître. Dans l’ancienne Coûtume il n’appartenoit B qu’au Duc. Le Duc d’icelle a la Cour du Haro, il étoit juste que le Prince connût seul d’une action en laquelle on imploroit particulierement son autorité. L’ancien Glossateur a remarqué que o depuis la concession faite aux Seigneurs feodaux du droit de Haute-Justice, leurs Officiers ont été rendus-competens d’en connoître, ce qui s’observe encore aujourd’huy ; et il n’est pas étrange que le Juge Royal soit competent de Haro pour matière beneficiale, ou autre fait d’Eglise lors qu’il s’agit du possessoire, parce que la cofnoissance du possessoire luy appartient au préjudice du Juge Ecclesiastique,


LV.

Clameur de Haro se peut intenter, tant pour meuble que pour heritage.

l étoit necessaire d’ajoûter que le Haro peut être intenté pour meuble, on auroit pû en douter, parce que l’Article, precedent ne donnoit cette action que pour le possessoire : et quand par cet Article il est dit que le Haro se peut intenter pour l’heritage, il faut l’entendre du possessoire seulement, on ne peut agir pour le petitoire par clameur de Haro. Car il est introduit seulement pour conserver et pour maintenir sa possession ; pour recouyrer celle que l’on a perduë il faut se pourvoir par le bref de nouvelle dessaiaeine ; car le Haro est interdictum retineaedae, non recuperanda aut adipiscendae possessionis.


LVI.

Caution de Haro.

Les parties sont tenuës bailler respectivement plege et caution, l’un de poursuivre, lautre de défendre le Haro

Dans l’action du Haro le demandeur et le défendeur pretendant chacun de son côté d’avoir la possession de la chose contentieuse, il étoit juste de les condamner à rédonner respectivement caution ; ce qui est si necessaire que les parties ne peuvent s’en dispenser sous pretexte de leur qualité, et celuy qui ne peut fournir de caution doit entrer en prison ; la pauvreté ne sert point d’excuse pour l’en dispenser, quoy que Godefroy soûtienne le contraire, car on ne laisse pas de luy faire justice ; et aprés que les parties sont ouyes, le Juge en connoissance de cause peut dis penser de la caution, mais avant cela il faut pleger le Haro, ou demeurer en arrest.

Cette caution doit répondre de ce qui est jugé, tant en cause principale, que d’appel ; l’effet de a caution ne finissant point par la Sentence definitive, quand il y en a appel.

On a traité cette question si la caution pourroit appeler de son chef de la condamnation jugée contre celuy qu’il auroit cautionné, comme étant excessive. On allégue pour l’affirmative la l. à sententia S. D. 2. appellat. D. fidejussores pro eo pro quo intervenerunt. appellare possunt ; pour la negative, au contraire on répond qu’il y a de la différence entre la caution contractuelle, et la caution judicatum solvi, que la loy à sententia ne s’entend que de la caution contractuelle, mais qu’il ne seroit pas juste de recevoir ces appellations de la part de la caution judiciaire ; la nature et l’effet de la caution judiciaire est que par la condamnation du principal obligé, sa caution est reputée condamnée avec luy, et c’est pourquoy il n’est pas necessaire de l’appeler aux procedures qui se font, ni au jugement du procez, et l’execution de la chose jugée peut être faite contre la caution, sans nouveau procez, autrement si cet appel étoit admissible, il faudroit remettre en contestation les choses jugées, c’est le sentiment deTerrien Terrien , Tit. de dettes et debteurs. 1. 7. c. 3. et il a été jugé de la sorte par un ancien Arrest, donné en la Chambre de la Tournelle le 7 de Février 1544. entre d’Alençon, et Marests.

On ne doute plus aujourd’huy que le proprietaire de la Sergenterie ne soit garand des cautions reçûës par ceux qu’il a commis pour l’exercer, encore que par le bail, commission ou acte, il soit porté qu’ils ne pourront recevoir aucune caution, mais comme il ne seroit pas raisonnable que l’imprudence d’un Commis causat la perte de tous les biens d’un proprietaire, il peut se libenrer des condamnations jugées contre ses Commis, en abandonnant la Sergenterie. C’est de la à sorte que la Cour la décidé par l’Article16. de son Reglement de l’année 1666. cette clause, de ne pouvoir recevoir de cautions, que les proprietaires employent dans leurs baux, n’a d’autre effet gue de donner lieu aux proprietaires de faire refoudre le bail ; lors que leurs Commis y contreviennent. Par Arrest du 4 de Mars 1606. pour le sieur Bertaut, Abbé-Daunay, et le sieur Do-leançon propriétaire de la Sergenterie de Turi, il fut jugé que-le proprietaire baillant declaration des biens de son Commis, ils doivent être discutez auparavant que de se pourvoir sur la Sersenterie.


LVII.

Sequestre à cause du Haro.

Aprés la caution baillée, la chose contentieuse est sequestrée par la nature du Haro, jusques à ce que par la Justice ait ȇté ordonné de la provision.


LVIII.

Le devoir du Sergent aprés la clameur de Haro.

Le Sergent aprés la clameur interjettée, doit mettre le sequestre en main seure, autre que les deux parties.

Le sequestre est necessaire par la nature du Haro, qui rend la chose contentieuse, autrement une des parties demeuroit en possession ce seroit préjuger le Haro en sa faveur ; et d’ailleurs le sequestre ne blesse point le droit du véritable possesseur, et n’interrompt pas même la prescription, l. Pomponius S. si jussa de acquir. poss. parce que le sequestre ne possede la chose que custodiae causâ, et pour la conserver à celuy qui obtiendra gain de cause.


LIX.

Haro doit amende.

Le Juge ne peut vuider la clameur de Haro sans amende.

Il est juste que celuy qui implore temerairement le secours et l’autorité de la Justice soit puny par amende.