Afficher Masquer
Passages biffés :
Sauts de pages :
Changements de mains :
Mots clés en marge
(main T) :
DistinguerIntégrer
Corrections du transcripteur :

Fermer

Accueil|Présentation du projet|Abréviations|Introductions|Texte|Index

Français|English Contacts

Volume I|Volume II|Volume III|Citer le texte et les notes| Écritures|Affichage

Pensées 820 à 823

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

Fermer

M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

Fermer

Pensées, volume I

820

{p.524} [Passage à la main E]

Pluye

L’experience devant de Vanhellemon est que lorsque l’on fait reposer de l’eau de pluie on trouve au fond du vase une espece de sediment[1]. Cela êtant je raisonne ainsi[.] et dis
que Les pluies tombent continuellement sur la terre elles et come elles viennent de la mer, elles laissent dans un sediment qui se deposant dans la terre est une compensation de ce que la mer recoit de la terre que que sans cela la terre deviendroit seîche decharnée et pierreuse : que tous les petits ruisseaux et les grands les rivierres et les fleuves portent sans cesse a la mer, que cette reparation se fait bien avantageusement. L’eau deposant son sediment qui sont des part[i]es legeres et anguileuses[2] qui s’arrêtent et s’attachent dans la terre et les eaux emportants des sables qui sont des parties rondes aisées a entraîner : voila pourquoy quoique la terre perde toujours sa graisse les fonds des rivierres n’ont que du sable, la graisse allant avec l’eau a la mer et le sable restant dans les rivierres et la mer : que si la mer ne rendoit point il faudroit que les bords de la mer reculassent toujours et que les isles diminuassent ce qui n’est pas : qu’il est bien vray que les grands fleuves augmentent toujours le terrain {p.525} qui est devant mais que c’est un cas particulier qui vient de ce qu’ils portent dans un seul endroit c’est à dire a leur embouchure ce qu’ils ont pris par tout : qu’il faudroit faire avec un tuyau l’experience de ce sediment que comme le soleil eleve les pluies la chaleur interieure eleve l’eau de la mer et que ce sediment monte dans l’eau naturelle comme dans les pluies experimenter prendre un vase de six lignes carré au bas et de plusieurs pieds quarrés au haut voir par cette experience combien il tombe de lignes de sediment sur la terre. Que le recul de la mer sur les côtes d’Italie et de notre Mediterranée ne dit rien. Cela vient d’une furieuse catastrophe qui se fit autrefois qui fit entrer la mer dans la terre : or l’équilibre remet peu a peu les choses comme elles êtoient il est aisé a voir la cause les eaux qui descendent des montagnes et comment[3] peut voir [Passage à la main M] que les sources des fleuves ne vienent pas de la pluie. [Passage à la main E] Une petite montagne [Passage à la main M] dans le Tirol forme deux rivieres come j’ay dit : [Passage à la main E] ce sediment se repose dans la terre ou l’eau coule comme dans sa matrice ou son menstrue[4] l’eau qui s’en decharge prend dans {p526} la terre des parties de sable qui comme rondes sont plus propres au mouvement de façon que l’eau se charge des parties de sediment comme analogues et des grains de sable comme d’un corps qu’elle entraine : or les parties de sediment s’arrêtent et se joignent dans les parties de la terre comme analogues et non dans les parties de sable ou elles ne peuvent s’arrester voila pourquoy la pluie ne fait rien guere rien pour la vegetation dans les terres sabloneuses les pluies portent le sediment dans les terres et elles les dechargent des parties de sable qu’elles entrainent dans la mer ces parties de sable qui se deposent dans le lit des rivierres font que le sediment qui reste dans l’eau ne s’y depose pas et va a la mer. Les parties sabloneuses[5]des rivierres qui q restent dans les lieux qu’elles inondent s’y deposent par leur pesanteur et les parties de sediment ne peuvent s’y deposer. Le sable n’etant pas analogue. Voila pourquoy touts les debordements sont nuisibles les [un mot biffé non déchiffré] terres voisines des rivierres sont fecondes parce que l’eau des rivierres s’y communique par dessous les terres et s’y filtrent comme dans les tuyaux capillaires et y dispose son sediment donc le sediment vient de la mer {p.527} et le sable y retourne. Il faut experimenter si ce sediment se mesle avec le sable en mesler dans le vase : ou on aura mis du sable et de la terre
Ceux qui disent que les sources viennent des pluyes[6] n’ont pas voyagé dans les pais des montagnes : il ne faut pas prouver que l’eau qui tombe sur la terre suffit pour faire les rivierres. Il faut prouver que celle qui tombe sur la cime des montagnes suffit : il ne faut point citter les neiges, car les neiges ne sont sur les montagnes que parce qu’elles ne s’y fondent pas surtout l’été, car des qu’elles se fondent il n’y en a plus il faudroit baisser cle lit des rivieres par des machines. [Passage à la main M] J’en ay vu une a Venise tres bonne pour cella faite par Boneval[7] :
Je me trompe je croy sur les debordemens des rivieres experimenté que les debord[em]ens detruisent les terres nouvelement labourées elles emportent toutte la graisse de la terre et le sable s’y depose a la place ils ne font point de mal je croy aux terres non labourées je ne croy pourtant pas qu’ils y fassent du bien voir cela :
[Passage à la main E] Toute l’eau que la terre reçoit elle ne la rend pas aux rivierres il en reste beaucoup dans son sein dont elle s’impregne il faut voir dans # (verso[8]

Passage de la main M à la main E

821

{p.528} [Passage à la main M] Je disois de l’abe d. S. un home sans esprit et sans discernement qui par bonheur pour les gens de lettres n’a point de lettres et qui deshonoreroit les scavans s’il estoit scavant fletry sans cesse par cette justice qui n’a d’authorité que sur les criminels les plus vils un home dont la conoissance est partout desavoüee

Passage de la main E à la main M

820bis

[Passage à la main E] #[1] une livre de terre ce qu’il reste d’eau qui ne coule plus et comme cette quantité de pousse ne tombe plus sur la terre a la fois tout ce qui tombe est moindre quantité que le compte susdit est nul car il faut que tout l’eau soit en une certaine quantité pour qu’elle coule autrement elle se forme en goutes et s’evapore par la chaleur :
On voit bien combien l’effet de l’eau des pluies est prompt et peu continuel. J’ay vu dans la Romagne des ruisseaux qui tombent de l’Apennin[2] qui quand il pleut s’enflent d’une maniere a se rendre terribles si l’on les laisse couler une heure ils redeviennent ruisseaux a moins que la cause ne continue
En un village du Tirol nommé Miles[3] et pres les confins de la {p.529} Bavierre on m’a fait voir des neiges qui etoient la depuis plus de cent ans : c’est qu’elles ne se fondent pas : or des neiges qui ne se fondent pas sont nulles aussi voit on que les effets des fontes de neges ne sont pas moderés comme ils devroient être pour être continuels mais extremes.
Je ne dirois rien pour deffendre cet ecrit : je ne suis point passionné pour les opinions exceptés celles qui sont dans les livres d’Euclide[4] je ne suis pas plus porté a me battre pour mon ouvrage que pour celui de tout autre : si ce que je dis est vray il apartient a tout le monde, car la verité est le bien de tous : s’il est faux je ne veux pas le deffendre ; d’ailleurs ou l’objection sera bonne et dans ce cas je ne veux pas repondre ou elle sera necessaire mauvaise et celui qui l’aura faite êtant homme d’esprit saura trouvera lui meme la reponse.

Passage de la main M à la main E

822

{p.530} [Passage à la main M]

Vie de Marie Alacoque

La vie de Marie A la coque a cela de particulierement impertinent c’est que c’est un home de sang froit lequel est supposé avoir du sens puis qu’il estoit evêque qui raporte les plus grandes niaiseries du monde, apparitions conversations, mariages trocs de coeurs, et autres f fadaises[1] ; au lieu que ste Therese Madeleine de Pazi et autres[2] parlent de ce qu’elles ont vu de ce qu’elles ont senti ce sont leurs extases propres leurs ravissemens or on pardone a quelqu’un d’estr de decrire les choses qui l’ont affecté mais on ne pardone pas cela a un froid conteur.

- - - - -

Passage de la main E à la main M

823

{p.531}

Vil satyrique

Un home sans esprit et sans dissernement qui ne trouve le moyen de soutenir sa miserable vie que par les injures qu’il vend aux a ses libraires dont on ne lit les miserables ouvrages que pour scavoir par quel trait de malice il decrira attaquera quelque reputation[1] ; fletry sans cesse par cette justice qui ne punit que les criminels les plus vils ; un home enfin que l’on ne peut mettre a la raison fait pas taire parce qu’on a peur d’avilir la main qui se porteroit sur le dos d’un home pareil : qui feroit cet effet un home enfin tel que l’on rougit dont la conoissance est partout desavouée et qu’on rougit et qui fait rougir quand on a parlé de lui

- - - - -

Main principale M


820

n1.

Montesquieu décrit cette célèbre expérience du médecin et chimiste Jean-Baptiste Van Helmont (1577-1644) dans le Spicilège (nº 40) et y fait allusion dans ses Voyages (p. 119) ; voir Jacques Roger, Les Sciences de la vie dans la pensée française du XVIIIe siècle [1963], Paris, A. Michel, 1993, p. 98-103.

820

n2.

Comprendre : argileuses. Si l’adjectif argileux n’est pas attesté avant l’édition de 1762 du Dictionnaire de l’Académie française, le substantif argile est défini au XVIIe siècle comme « terre grasse propre à faire des pots » (Richelet, 1680, art. « Argile »).

820

n3.

Lire : comme on.

820

n4.

Bien qu’il en parle comme d’une « haute montagne », Montesquieu évoque, à la suite de son passage au Tyrol, le Brenner d’où « sortent deux rivières », l’Eisach et la Sill, et qu’il décrit « comme un toit à deux égouts » (Voyages, p. 392). Les termes matrice et menstrue sont employés métaphoriquement en minéralogie et en chimie : « Matrices, se dit aussi des lieux propres à faire la generation des vegetaux, & des mineraux, & des metaux. La terre est la matrice où les semences germent » ; « Menstruë […] est un dissolvant humide, qui penetrant dans les plus inthimes parties d’un corps sec, sert à en tirer les extraits & teintures, & ce qu’il y a de plus subtil & essentiel » (Furetière, 1690).

820

n5.

Le passage ci-après (p. 527 : « Je me trompe je croy […] voir cela») est à lire ici.

820

n6.

À partir des travaux de Pierre Perrault (De l’origine des fontaines, Paris, P. Le Petit, 1674), la question de l’origine des sources fait l’objet de nombreux débats. Montesquieu connaît l’ouvrage de Bernardino Ramazzini (nº 44, note 3). Les mesures de l’eau qui tombe à la surface de la terre sont d’actualité au tournant du siècle (voir LP, 94 [97], p. 394) et permettent d’interroger quantitativement les circulations d’eaux (voir Gabriel Gohau, Les Sciences de la terre aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, A. Michel, p. 148-150). Les plus célèbres de ces mesures sont celles de Mariotte : voir le Traité du mouvement des eaux et des autres corps fluides (Paris, E. Michallet, 1686 – Catalogue, nº 1499 : éd. de Leyde, P. Van der Aa, 1717).

820

n7.

Claude-Alexandre, comte de Bonneval (1675-1747), que Montesquieu a connu à Venise en 1728. À la suite de la description de la machine « très ingénieuse avec laquelle M. de Bonneval prétend curer le lit des rivières, faire des canaux et nettoyer des ports », Montesquieu note les propos de ce dernier concernant la sédimentation des rivières, qui concernent le dépôt des sables et le jeu des fluides évoqués ici (Voyages, p. 115). Il décrit aussi la machine « tres imparfaite » dont se servent les Vénitiens pour nettoyer leurs canaux (ibid., p. 128).

820

n8.

Le passage se poursuit p. 528, après le nº 821 (nº 820 bis).

820bis

n1.

Le nº 820 se poursuit ici.

820bis

n2.

Montesquieu remarque que, sur le trajet de Reggio à Parme, des montagnes formées par l’Apennin « sortent bien des torrens » (Voyages, p. 373).

820bis

n3.

Lecture conjecturale. Dans sa route vers la Bavière, Montesquieu fait une étape à Mittenwald, village tyrolien où « on [lui] dit qu’elle [la neige] étoit là depuis plus de cent ans, et qu’elle est dure comme de la glace » (Voyages, p. 394).

820bis

n4.

Cf. nº 475.

822

n1.

La biographie de Marie Alacoque, dédiée à la reine Marie Leczinska, publiée sous le nom de Jean-Joseph Languet de Gergy, évêque de Soissons, de l’Académie française, était attribuée au père de La Colombière et fut un objet de risée. Languet, qui avait fait paraître des ouvrages de controverse en faveur de la Constitution et briguait le cardinalat, prétendait, comme Grand vicaire du diocèse d’Autun, avoir rédigé cette vie à partir de témoignages recueillis au monastère de Paray-le-Monial et de l’enquête juridique menée sur place (Vie de la vénérable mère Marguerite-Marie, religieuse de la visitation Sainte-Marie du monastère de Paray-le-Monial en Charolais. Morte en odeur de sainteté en 1690, Paris, veuve Mazières et J.-B. Garnier, 1729 ; voir Saint-Simon, VII, p. 542 et note 5).

822

n2.

Il s’agit de l’autobiographie spirituelle de Thérèse d’Avila (La Vie de la sainte Mère Thérèse de Jésus, écrite par elle-même, dans Les Œuvres […], R. P. Cyprien (trad.), Paris, S. Huré, 1650, p. 1-293 – Catalogue, nº 644) et de la Vie de sainte Marie-Madeleine de Pazzi […], écrite par Vincenzo Puccini (L. Brochand (trad. fr.), Paris, S. Cramoisy, 1670), dernier confesseur de la sainte, d’après les notes prises pendant ses extases, ses propres écrits et des témoignages (ibid., « Au lecteur », p. [viii-ix]).

823

n1.

Cf. nº 821.