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Pensées 1904 à 1908

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.
Q : 1750-1751.
S : 1754-1755.
V : 1754.

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Pensées, volume III

1904

Bienseances

Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas parlé des bienseances, elles sont les manieres établies pour éca[r]ter l’idée du mepris de son état ou de ses devoirs, ou de la vertu, elles sont rigides et chez les peuples qui ont de mauvaises mœurs et chez ceux qui les ont bonnes. Chez les uns elles sont etablies pour gêner les vices et chez les autres pour empecher qu’on ne les soupçonne. Dans les unes les bienseances sont de l’innocence {f.137v} dans les autres elles ne sont que des justifications.
Elles sont la seule hypocrisie qui soit permise, elles sont un leger hommage que le vice rend a la vertu, on ne veut pas paroitre meilleur qu’on n’est mais moins mauvais qu’on n’est, elles ne trompent personne et attestent plustôt la conscience generale que la conscience de chacun.
Un homme qui n’etoit pas à beaucoup prés si sublime que Mr de la Rochefoucault[1] faisoit cette reflexion. Je ne sais pas pourquoi Mr … me fait tant de compliments quand il veut mettre son chapeau sur le lit {f.138r} de ma femme et m’en fait si peu lorsqu’il veut coucher avec elle, effectivement on est bien surpris, mais quelque déreglée que soit une nation elle met toujours ses bienseances quelques fois plus fortes à proportion des déreglements.

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Main principale Q

1905

Peines
Nature des peines
Composition des loix.

* Je remarque que la distribution qu’on fit de divers preteurs, surtout celle qui fut faite sous Silla qui ajouta quatre questions[1] fit que l’on enveloppa sous le même nom des crimes qui n’avoient que peu de raport au crime[2]{f.138v} principal d’ou il arriva qu’on punit de la même peine des crimes qui auroient dû en recevoir une moindre
Ce qui doit faire punir de la même peine n’est pas de ce qu’un crime par quelque raport peut être rangé dans la place d’un autre, mais de ce qu’il faut avoir le même degré de mechanceté pour comettre ces crimes aussi dans l’etablissement de la peine, on suivit plustôt les distinctions des juridictions et des preteurs ; qu’on ne suivit les raisons qui pouvoient faire augmenter ou diminuer la peine. Voyez la loi cornelienne et les autres loix qui etablissent une {f.139r} une question : on se convaincra de ceci en voyant Sigonius livre second De judiciis[3] et le Digeste.

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Main principale Q

1906

Liberté politique

L’abbé Dubos dans son Histoire de la monarchie françoise tom. 1er. chap. 6. p. 59 1ere edition[1]. dit qu’il ne sache pas qu’avant Constantin non seulement aucun empereur, mais qu’il doute même qu’aucun roi etranger eutssent separé dans leurs officiers les fonctions civilles d’avec les fonctions militaires.
* Il n’a point donc lû ce que Socrate dans Xenophon dit de la monarchie des {f.139v} Perses où deux officiers differens gouvernoient ordinairement les provinces, et les inconveniens que l’on a remarqués lorsque cela n’etoit pas[2].
Il n’a donc pas lû ce que dit Diodore de la monarchie des Egyptiens où les prêtres ont le civil tandis que la milice forme un corps separé[3].
Il dit ensuitte aprés Cassiodore Variarum tit. 6. nº 3[4]. que cette distinction fut dans la monarchie de Theodoric en Italie roi des Ostrogoths, il ajoute qu’on voit par quelques endroits de Procope que cet usage y fut maintenu, mais il dit qu’il fut abrogé dans les Gaules par Clovis et ses successeurs.
Il dit qu’on verra par plusieurs faits {f.140r} dans la suitte de son histoire que sous ces princes, les ducs et d’autres officiers militaires se mêloient des affaires purement civilles et principallement des affaires de finance, qu’il étoit naturel qu’à cet égard nos rois merovingiens suivissent l’usage de leur nation qui ne connoissoit point la methode de separer l’autorité souveraine entre deux representans dans une même contrée.
* Il ne scait donc pas ce que Tacite dit si bien De moribus Germanorum[5], de la difference des fonctions de roi chez les Germains, lequel avoit l’autorité civille, d’avec les fonctions du duc qui avoit les militaires, ce qui est la {f.140v} clé des commencements de la monarchie françoise. Il est bien vrai que c’etoit la noblesse et le clergé qui sous la premiere et la seconde race avoient la judicature et les finances, parce que le tiers etat n’etoit rien, que les ducs, les comtes &c. administroient la justice, mais remarquez que l’Europe étoit une aristocratie.
Mr l’abbé Dubos ne commence la division des deux pouvoirs que sous Louis XII, mais ne faudroit il pas plustôt la commencer du tems où l’ignorance de la noblesse donna la pluspart des fonctions civilles au tiers etat. Il dit que la distinction vint de Louis XII et ses successeurs qui firent plusieurs {f.141r} ordonnances pour ôter à ceux qui avoient le pouvoir militaire dans un certain distrit[6] de se mêler des matieres de justice. De tout ce qu’il dit là dessus, il n’y a rien de fondé si ce n’est qu’il n’y avoit point dans l’empire depuis le changement de Constantin, deux états, l’un de la robbe, l’autre de l’epée exclusifs l’un de l’autre, de sorte que celui qui avoit prits l’un, ne pouvoit plus prendre l’autre. Que l’empereur Avitus qui fut d’abord préfet du pretoire, fut ensuitte maitre de la milice, et passa come dit Sidonius, des tribunaux de justice dans les camps[7]. Il est vrai qu’autrefois la distinction etoit dans les charges, et qu’aujourd’huy elle est dans les etats.

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Main principale Q

1907

{f.141v} Mœurs

J’ai oui dire que la loi d’Espagne (savoir le fait) qui confisque l’argent que l’on passe en fraude à Cadix[1] s’expliquoit ainsi « nous donnons le tiers à l’infame denonciateur[»]. Il n’y a point de plus forte preuve de l’honnêteté publique que les paroles de cette loi ; il semble que la loi souffre elle même et qu’elle s’indigne de devoir la punition d’un coupable à la perte des mœurs[2]
Les loix des proscriptions[3] qui renverserent la loi valerienne les simproniene et la porcie[4] et qui tout à {f.142r} coup oterent cette sureté que le peuple romain avoit continuellement deffendüe contre ses magistrats même ne furent pas moins fatales aux mœurs. Elles mirent en liberté toute l’atrocité des ames, elles annoncoient des recompenses pour tous ceux qui porteroient la tête d’un proscrit, ou qui decouvriroient les lieux où il s’etoit caché[5]

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Main principale Q

1908

Engagement du prince et des sujets

Grotius a dit (Ouvrage des savants par Basnage nº. 1688 art 7.)[1] que la rebellion des sujets n’est point une {f.142v} raison valable pour les exclurre par forme de dedomagement des avantages d’une convention précedente parce que le retour à l’obeissance efface l’injure, j’ajoute que cela ne pourroit avoir lieu que dans les contrats qui ne sont pas reciproques et dans les cas où un prince donneroit tout sans reçevoir rien, sans cela une des deux parties seroit seule juge d’un engagement mutuel, ce qui en detruiroit la nature ; d’ailleurs cet engagement mutuel étant fait pour toujours durer, la punition d’un crime contre cet engagement n’en doit pas être la destruction.

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Main principale Q


1904

n1.

Cf. nº 465, 1392.

1905

n1.

Cf. les matériaux non utilisés de L’Esprit des lois pour le livre XII (BM Bordeaux, ms 2506/11, f. 3, dans CM, nº 7, 2001, L’Atelier de Montesquieu. Manuscrits inédits de La Brède, C. Volpilhac-Auger (éd.), p. 132). À Rome, les questions perpétuelles étaient les diverses parties des matières criminelles auxquelles on affectait un préteur qui jugeait pendant un an les affaires relevant de la question qui lui était confiée (EL, XI, 18 : Derathé, t. I, p. 196) ; Sylla ajouta les questions de sicariis (contre les meurtres et les assassinats), de veneficiis (contre les empoisonnements), de falso (contre les faussaires), de parricidio (contre les parricides) ; voir Gravina, Origines Juris civilis […], Leipzig, J. F. Gleditsch, 1708, p. 64.

1905

n2.

Cf. EL, VI, 15.

1905

n3.

De judiciis libri III [1574], de Carlo Sigonio, dans De antiquo jure civium Romanorum, Italiae provinciarum, ac Romanae jurisprudentiæ judiciis, libri XI […], Hanau, C. Marnium, 1609, II, chap. 30, p. 438 et suiv.

1906

n1.

Cet article paraphrase et commente un passage de l’Histoire critique de l’établissement de la monarchie française dans les Gaules de l’abbé Dubos (Paris, Osmont, Hourdel, Huart l’Aîné, David le Jeune, Clousier, Chaubert et Gissey, 1734, t. I, liv. I, chap. 6, p. 59-61 – Catalogue, nº 2930). Pour Montesquieu, l’idée selon laquelle l’empereur aurait été le premier à dissocier fonctions civiles et militaires est erronée. Il écrira plus tard que, dans la monarchie française, les fonctions militaires et civiles étaient originairement dans les mains de la même personne (EL, XXX, 18).

1906

n2.

Au chapitre IV de l’Économique, le personnage de Socrate explique les rôles respectifs, dans chaque province de Perse, de l’officier civil et du commandant exerçant des fonctions militaires. Montesquieu possédait différentes éditions des œuvres de Xénophon, en version bilingue grec-latin ou en traduction latine (Catalogue, nº 2802-2805).

1906

n3.

Diodore, I, 73.

1906

n4.

Cette référence est celle d’une note en manchette dans le passage commenté de l’ouvrage de Dubos (Histoire critique de l’établissement de la monarchie française dans les Gaules, Paris, Osmont, Hourdel, Huart l’Aîné, David le Jeune, Clousier, Chaubert et Gissey, 1734, t. I, liv. I, p. 59).

1906

n5.

« Des mœurs des Germains » ; voir Tacite, La Germanie, VII. Cf. nº 1302 (f. 141v).

1906

n6.

Comprendre : district.

1906

n7.

L’expression empruntée à Sidoine Apollinaire (« Sidonius ») – « Ad lituos post jura vocat » (« [Notre empereur m’]appelle des tribunaux aux combats », Poésies, VII, « Panégyrique prononcé en l’honneur d’Avitus », v. 464, dans Œuvres de C. Sollius Apollinaris Sidonius, J.-F. Grégoire et F.-Z. Collombet (trad.), Lyon – Paris, M.-P. Rusand – Poussielgue-Rusand, 1836) – est citée par Dubos (Histoire critique de l’établissement de la monarchie française dans les Gaules, Paris, Osmont, Hourdel, Huart l’Aîné, David le Jeune, Clousier, Chaubert et Gissey, 1734, t. I, p. 61, note (a)).

1907

n1.

Sur cette législation, voir Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce, Genève, Cramer et Philibert, 1742, t. II, art. « Indes », p. 874.

1907

n2.

L’attribution du « tiers au dénonciateur » était très fréquente en France dans le cas des confiscations de marchandises (Nicolas Delamare, Traité de police, Paris, M. Brunet, 1722, t. II, p. 3, 11, 16, 59, 62, etc.). Selon Montesquieu, la présence du mot infâme dans la formulation de la loi espagnole témoignerait des réticences morales à l’égard de cette pratique.

1907

n3.

Ces mesures furent prises sous la dictature de Sylla (82 av. J.-C.) et sous le triumvirat (43 av. J.-C.) par un décret qui ôtait tout droit aux citoyens figurant sur la liste des proscrits.

1907

n4.

Cf. EL, VI, 11 et XI, 18 : Derathé, t. I, p. 195 ; la loi valérienne (509 av. J.-C.) permettait à un citoyen condamné à mort d’en appeler au peuple et d’être à nouveau jugé par les comices par centuries (Tite-Live, II, 8, 1-2) ; les lois de Sempronius (123 av. J.-C.) étaient une extension de la loi valérienne à tous les pays sous la domination de Rome (Cicéron, Contre Verrès, XXV, 63) ; les lois porciennes (198-184 av. J.-C.) réprimaient les sévices infligés aux citoyens (Tite-Live, X, 9 ; Cicéron, La République, II, 54, etc.).

1907

n5.

Cf. EL, VI, 8.

1908

n1.

Compte rendu de l’ouvrage anonyme, L’Irrévocabilité de l’Édit de Nantes prouvée par les principes du droit et de la politique, Amsterdam, H. Desbordes, 1688 (Histoire des ouvrages des savants, novembre 1688, art. VII, p. 293-310).