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Pensées 1257 à 1261

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1257

La maniere de se vêtir et de se loger sont deux choses auxquelles il ne faut ni trop d’affectation ni trop de negligence

Mode

.
La table ne contribue pas peu à nous donner cette gaieté

Table

qui jointe à une certaine familiarité modeste est apellée politesse.
{f.109r} Nous evitons les deux extremités ou donnent les nations du Midy  nous mangeons souvent ensemble et nous ne beuvons pas avec excés.

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Main principale E

1258

Nous n’avons pas laissé d’avoir en France de ces hommes rares qui auroient êté avoüés des Romains[1]

Na
Certains François dignes d’etre Rom.

 : la foy, la justice et la grandeur d’ame monterent sur le thrône avec Saint Louïs. Thanegui du Chatel[2] abandonna ses employs dés que la voix publique s’eleva contre lui ; il quitta sa patrie sans se plaindre pour lui epargner ses murmures, le chancelier Olivier[3] introduisit la justice jusques dans le conseil des rois. Et la politique y plia devant elle. La France n’a jamais eu de meilleur citoyen que Loüis 12[4]. Le cardinal d’Amboise[5] trouva les interets du peuple dans ceux du roi et les interets du roi dans ceux du peuple. Charles VIII {f.109v} connut dans sa jeunesse même toutes les vanités de sa jeunesse[6]. Le chancelier de L’Hopital[7]

L’Hopital

tel que les loix fut sage comme elle, dans une cour qui n’êtoit calmée que par les plus profondes dissimulations ou agitée que par les passions les plus violentes : on vit dans La Noue[8]

La Noue

un grand citoyen au milieu des discordes civiles. L’amiral[9] fut assassiné n’ayant dans le cœur que la gloire de l’êtat ; et son sort fut tel qu’aprés tant de rebellions il ne put être puni que par un grand crime. Les Guises furent extrêmes dans le bien et le mal qu’ils firent à l’etat

Guise

, heureuse la France s’ils n’avoient pas senti couler dans leurs veines le sang de Charles magne[10]. Il sembla que l’ame de Miron[11]

Miron

prevôt des marchands fut celle de tout le peuple. Henri IV je n’en dirai rien. Je parle à des François. Molé[12]

Molé

montra du heroisme dans une profession qui ne s’appuye ordinairement {f.110r} que sur d’autres vertus. Cesar auroit êté comparé a Mr le prince[13] s’il êtoit venu après lui

Condé

. Mr de Turenne[14] n’avoit point de vices

Turenne

et peut être que s’il en avoit eu il auroit porté de certaines vertus plus loin. La vie de Mr de Sa [mot biffé non déchiffré] vie est une himne a la louange de l’humanité. Le caractere de Mr de Montausier[15]

Montausier

a quelque chose de celui des philosophes anciens et de cet excés de leur raison. Le marechal de Catinat [16] a soutenu la victoire avec modestie et la disgrace avec majesté, grand encore aprés la perte de sa reputation même. Mr de Vandosme[17] n’a jamais rien eu a lui que sa gloire.

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Main principale E

1259

Des recompenses[1].

Je n’entends point parler de la postérité de ces six bourgeois de Calais

Recompenses

qui s’offrirent à la mort pour sauver leur patrie, et que Mr de Saci a tiré de l’oubli[2]. Je ne sçai depu qu’est devenue celle de cette femme qui du tems de Charles VIII sauva Amiens[3]. Ces bourgeois sont encore bourgeois, mais s’il y a eû dans notre France quelque {f.110v} insigne fripon comptés surement que sa posterité est dans les honneurs.
Mais la vertu n’en doit pas moins être l’objet eternel de nos poursuittes on l’a laissée presque toujours sans recompense on l’a fuie on l’a crainte on l’a persecutée, il n’est guêre encore arrivé qu’on l’ait meprisé.

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Main principale E

1260

De l’histoire[1]

Il est a propos que chacun lise l’histoire surtout celle de son païs, on doit cela a la memoire de ceux qui ont servi leur patrie et on contribue à donner par là aux gens vertueux cette recompense qui leur est düe et qui souvent les a encouragés.
Le sentiment d’admiration que leurs belles actions excitent en nous est une espece de justice que nous leur rendons et l’horreur que nous avons pour les mechans en est une autre. Il n’est pas juste d’accorder aux mechans l’oubli de leur nom et de leurs crimes, il n’est pas juste de laisser les grands hommes dans ce {f.111r} même oubli que les mechans ont paru souhaiter.
Les historiens

Historiens

sont des examinateurs severes des actions de ceux qui ont paru sur la terre, et ils sont une image de ces magistrats d’Egypte qui apelloient en jugement l’ame des morts tous les morts[2].

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Main principale E

1261

Ce ne sont pas seulement les lectures serieuses qui sont utiles

Livres agréables

mais aussi les agreables y ayant un tems ou on a besoin d’un delassement honnête. Les sçavans même doivent être payés par le plaisir de leurs fatigues ; les sciences mêmes gagnent a être traitées d’une maniere delicate et avec gout, il est donc bon que l’on ecrive sur tous les sujets et de tous les stile. La philosophie ne doit point être isolée elle a des raports avec tout.

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Main principale E


1258

n1.

Sur les grands hommes, voir nº 764. Montesquieu s’inscrit ici (nº 1258-1260) dans la tradition plutarquienne des portraits historiques, vies des hommes illustres et parallèles, qui relèvent à la fois de l’ornement rhétorique et de la visée apologétique et didactique. Cultivée à la Renaissance, la célébration du grand homme construit au XVIIIe siècle un patriotisme national ; voir Patricia Eichel-Lojkine, Le Siècle des grands hommes. Les recueils de vies d’hommes illustres avec portraits du XVIe siècle, Louvain, Peeters, 2001 ; Jean-Claude Bonnet, Naissance du Panthéon, essai sur le culte des grands hommes, Paris, Fayard, 1998, p. 32-40 ; David A. Bell, The Cult of the Nation in France. Inventing Nationalism, 1680-1820, Cambridge (Mass.) – Londres, Harvard University Press, 2001, chap. 4. Montesquieu possédait les Vies des hommes illustres et grands capitaines français, contenues dans les Mémoires de Messire Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantome […] (Leyde, J. Sambix le Jeune, 1699 – Catalogue, nº 2913). L’Histoire de France depuis Faramond de Mézeray comporte, entre autres, les éloges de Tannegui du Châtel, du chancelier Olivier, de Charles VIII, du cardinal d’Amboise, de La Noue, de Miron, qui ne figurent pas tous dans l’Abrégé chronologique, ou Extrait de l’histoire de France du même auteur (Catalogue, nº 3010-3011, éd. de 1668 et 1690). Concernant les acteurs de la Fronde (Molé, Condé, Turenne), Montesquieu semble s’inspirer de la galerie de portraits contenue dans les Mémoires du cardinal de Retz (Amsterdam, 1718, t. I, p. 219-230 – Catalogue, nº 3040).

1258

n2.

Tanguy III ou Tannegui du Chastel (1370-1449), chambellan du roi Charles VII, prévôt de Paris, et grand maître de la maison du roi, faisait partie de ceux qui avaient conseillé le meurtre du duc de Bourgogne et l’emprisonnement du duc de Bretagne. Ce dernier refusait qu’on lève des troupes sur ses terres si Charles VII ne congédiait pas ses conseillers. Au roi cherchant à le retenir, Tannegui du Chastel adressa un discours demandant instamment son congé (Mézeray, Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. II, p. 610-611).

1258

n3.

Mézeray rend hommage aux édits du chancelier Olivier, sous Henri II (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. II, p. 1059-1060).

1258

n4.

Voir nº 1302, « Louis XII », f. 159v-161r.

1258

n5.

Mézeray a fait l’éloge de la probité de Georges d’Amboise (1460-1510), ministre de Louis XII, dans son Histoire de France depuis Faramond […] (Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. II, p. 850-851) ; voir aussi, du même auteur, l’Abrégé chronologique, ou Extrait de l’histoire de France, Amsterdam, A. Schelte, 1696, t. IV, p. 452 (Catalogue, nº 3010-3011, éd. de 1668 et 1690).

1258

n6.

Charles VIII mourut à vingt-huit ans. Mézeray raconte comment, après une jeunesse tumultueuse, il se réforma, sans que le royaume pût profiter longtemps de sa bonne administration (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. II, p. 804 ; voir aussi l’Abrégé chronologique, ou Extrait de l’histoire de France, Amsterdam, A. Schelte, 1696, t. IV, p. 396 – Catalogue, nº 3010-3011, éd. de 1668 et 1690).

1258

n7.

Sur Michel de L’Hospital, voir nº 619. Mézeray parle de « son affection incorruptible au bien de l’Estat, à la conservation des Loix, & au soulagement des peuples » (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. III, p. 296).

1258

n8.

François de La Noue, dit « Bras de fer » (1531-1591) ; Mézeray, dans son éloge du personnage, dit de lui qu’il avait « conservé la douceur & l’equité dans la fureur des guerres civiles » (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. III, p. 986).

1258

n9.

Le courage de Coligny lors de son assassinat est évoqué par Mézeray (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. III, p. 253-254).

1258

n10.

On accusait les Guise de faire passer la dynastie des Capétiens pour usurpatrice et responsable des maux de la France et de préparer ainsi l’avènement au trône de leur propre famille, qu’ils donnaient pour la descendante directe de Charles de Lorraine, dernier héritier de Charlemagne. Cette accusation contre la Ligue s’appuyait sur les Mémoires de l’avocat David diffusés en 1576 ; voir Pierre de L’Estoile, Mémoires pour servir à l’histoire de France depuis 1515 jusqu’en 1611 […], Cologne, chez les héritiers de H. Demen, 1719, t. I, p. 74 – Catalogue, nº 3005 ; Mézeray, Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. III, p. 423.

1258

n11.

François Miron (1560-1609), prévôt des marchands sous Henri IV, s’opposa à la suppression des rentes. Mézeray a fait son éloge comme défenseur des intérêts du peuple (Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. III, p. 1268 ; Abrégé chronologique, ou Extrait de l’histoire de France, Amsterdam, A. Schelte, 1696, t. VI, p. 324-325 – Catalogue, nº 3010-3011, éd. de 1668 et 1690).

1258

n12.

Mathieu Molé (1584-1656), premier président du parlement de Paris. Son « intrépidité » pendant la journée des Barricades du 26 août 1648 a été célébrée par le cardinal de Retz dans ses Mémoires (Amsterdam, 1718, t. I, p. 140-141, 229 – Catalogue, nº 3040).

1258

n13.

Il s’agit ici du Grand Condé. Le cardinal de Retz a affirmé dans ses Mémoires qu’il avait égalé César (Amsterdam, 1718, t. I, p. 221 – Catalogue, nº 3040).

1258

n14.

Selon le cardinal de Retz, Turenne « avoit presque toutes les vertus comme naturelles » (Mémoires du cardinal de Retz, Amsterdam, 1718, t. I, p. 223-224 – Catalogue, nº 3040).

1258

n15.

La sévérité, la vertu austère et la franchise du gouverneur du Grand Dauphin, fils de Louis XIV, lui valurent l’estime mais aussi les railleries : il passait pour avoir servi de modèle au Misanthrope de Molière. Esprit Fléchier a laissé un célèbre éloge funèbre de Montausier, prononcé en 1690 (Oraisons funèbres de Fléchier, Paris, Lequien fils, 1829, p. 372-411).

1258

n16.

Ce bref portrait converge avec celui brossé par Saint-Simon (Saint-Simon, t. IV, p. 396-397) ; sur Catinat, voir aussi Spicilège, nº 452.

1258

n17.

Le duc Louis-Joseph de Vendôme, dit le Grand Vendôme (1654-1712). Saint-Simon a fait un portrait très chargé de ce « demi-dieu », à l’orgueil démesuré (Saint-Simon, t. II, p. 692-695).

1259

n1.

La numérotation de Barckhausen découpe en trois articles différents (nº 1258-1260) une réflexion sur le rôle de l’histoire dans la reconnaissance du mérite et de la vertu.

1259

n2.

Sur Louis-Silvestre de Sacy, voir nº 299. L’hommage aux bourgeois de Calais se trouve dans son Traité de l’amitié [1703] (Paris, Compagnie des libraires, 1727, p. 174-175).

1259

n3.

Lors d’une attaque nocturne de Maximilien d’Autriche contre Amiens en 1492, une habitante du faubourg, Catherine de Lice, donna l’alarme et permit à la défense de s’organiser (Mézeray, Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. II, p. 770).

1260

n1.

Montesquieu associe, selon une tradition bien établie, l’écriture de l’histoire à la célébration des grands hommes et à l’idée du tribunal de la postérité ; voir Bodin (Methodus ad facilem historiarum cognitionem [1566], dans Artis historicae penus octodecim Scriptorum tam veterum quàm recentiorum monumentis, Bâle, P. Perna, 1579, p. 2-3 – Catalogue, nº 2657), La Mothe Le Vayer (Discours de l’histoire, dans Œuvres [1653], Dresde, M. Groell, 1756, t. IV, partie I, p. 281-282 – Catalogue, nº 2338, éd. de 1656), Le Moyne (De l’Histoire, Paris, L. Billaine, 1670, p. 41-47), Charles Sorel (De la connaissance des bons livres [1671], Amsterdam, H. et T. Boom, 1672, traité II, chap. 1, « De l’Histoire et des romans », p. 78) ; voir nº 1258, note 1.

1260

n2.

Diodore de Sicile rapportait qu’en Égypte, entre la momification et l’enterrement, l’âme du défunt, confrontée à des accusateurs, était jugée par quarante-deux magistrats (I, 92).