Clerselier III, 612 AT IV, 180

A MONSIEUR L’ABBÉ PICOT.

Lettre CXV.

MONSIEUR,
I’ay esté extremement aise de recevoir votre troisiéme Partie, et ie vous en remercie tres-humblement ; AT IV, 181 ie ne l’ay pas encore toute leuë, mais ie vous puis assurer que ce que i’en ay veu, est aussi bien que ie le sçaurois souhaitter ; comme aussi les difficultez que vous me proposez monstrent que vous entendez parfaitement la matiere ; car elles n’auroient pû tomber en l’esprit d’une personne qui ne l’entendroit que superficiellement. Ce que i’ay écrit en l’art. 36. que alij phanetæ habent aphelia sua aliis in locis, est conforme à l’experience : Mais ce que vous dites est plus conforme à la raison, tirée de l’inégale situation des Estoiles fixes, s’il n’y avoit qu’elle seule qui fust cause de l’excentricité des Planettes ; Mais i’en ay adjoûté encore quatre autres dans les articles 142, 143, 144 et 145 pour toutes leurs erreurs en general, et celles des articles 144 et 145 me semblent suffire pour excuser cette irregularité.

La raison pourquoy i’ay dit en l’article 74 que e, g Solis ecliptica paulo magis inclinatur à parte e versus polum d quam versus f, sed non tantum quam linea recta SM, est que par cette ligne SM ie designe seulement l’endroit vers lequel la matiere du premier element qui sort du Soleil tend avec le plus de force, à sçavoir, pour passer vers C ; et ie ne parle point là de la matiere du Ciel, c’est à dire, du second element, comme il semble que vous avez supposé. Or ce qui determine cette matiere du premier element à aller plustost vers M que vers la ligne qui couppe l’aissieu du Soleil df à angles droits, c’est la situation du Ciel MCM, par les poles du Clerselier III, 613 quel (qui sont M et M) elle passe facilement ; et c’est la mesme cause aussi qui AT IV, 182 empesche que l’ecliptique du Soleil eg ne coupe pas son aissieu df à angles droits, c’est à dire, que cette mesme matiere du premier element, pendant qu’elle est dans le Soleil, n’y décrive ses plus grands cercles (lesquels marquent son ecliptique) en telle sorte qu’ils couppent le mesme aissieu df à angles droits, et les fait incliner vers M ; Mais il est evident que cette mesme cause qui reside dans le Ciel MCM a plus de force pour detourner de son cours naturel la matiere du premier element qui sort du Soleil, et qui va vers M, que pour en détourner celle qui compose son corps, où elle est plus éloignée du centre C, et plus proche de l’autre cause, qui la fait incliner à couper l’aissieu df à angles droits ; laquelle cause est qu’il doit tournoyer environ autant de matiere entre d et e dans le corps du Soleil, qu’entre d et g ; De façon que ces deux espaces devroient estre égaux, ou ne l’estant pas, il faut que cette matiere coule plus viste entre e et d qu’entre f et d.

Pour l’article 155, il est vray que ie n’y ay marqué qu’en un mot la difference entre les parties canelées qui peut estre cause de celle qui est entre l’équateur et l’ecliptique, à sçavoir, i’imagine que ces parties canelées viennent plus grosses de certains endroits du Firmament que des autres, à cause que les tourbillons par où elles passent sont plus petits ; Car la raison dicte que plus un de ces tourbillons est petit plus les petites boules du second element qui le composent doivent estre grosses pour resister à celles des tourbillons voisins, d’où il suit que les parties AT IV, 183 canelées qui se forment dans les angles qu’elles laissent autour d’elles sont aussi plus grosses ; Mais ie n’avois pas pris la peine de deduire cette particularité tout au long, à cause que i’avois crû que personne n’y regarderoit de si prés que vous avez fait, et ie l’avois seulement designée par un mot, en disant particulas striatas ab illà parte cæli venientes multos meatus ad magnitudinem suam sic aptasse, etc.

D’Egmond le 17. Février 1645.