chapitre 9

capitulum IX

Comment Melfi fut édifiée par les Normands ; envoi d’un ambassadeur par les Grecs ; premier combat contre les Grecs

Qualiter Melfa a Normannis aedificata sit et de legato a Graecis misso et de primo congressu quem cum Graecis habuerunt

<1> Mais comme ils ne disposaient d’aucune forteresse pour se défendre contre les habitants de ce pays, ils bâtirent la forteresse dite de Melfi1Melfi (prov. Potenza) présentait des défenses naturelles : située à 531 m de hauteur, au pied du mont Vulture, dont l’altitude de 1 326 m en fait un des points culminants de l’Apennin méridional, cette place se trouvait en un lieu stratégique, qui permettait de contrôler un passage vers les principautés de Bénévent et de Salerne, dominait les plaines de Pouille, se trouvait à proximité d’Ascoli Satriano, Lavello et Venosa, offrait un accès rapide vers le littoral adriatique et les villes de Siponte, Trani, Bari et Monopoli. Elle était donc au carrefour des territoires lombard et byzantin. Pour une description de la ville, voir Aimé II, 19. Le verbe construxerunt employé ici par Malaterra indique sans ambiguïté – contrairement à l’habituel firmare – que les Normands construisirent une fortification. Pourtant, les Normands ne bâtirent pas la cité de Melfi, mais entrèrent, en mars 1041 (pour la date, voir Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 16-19 ; Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1041 ; Anon. Bar., ad an. 1041), dans une place déjà existante, fortifiée, comme tant d’autres en Capitanate (Dragonara, Fiorentino, Civitate, Troia), par le catépan Basile Boiôannès en 1018 (voir Guil. Ap. I, 247-248). Arduin, qui était le topotérète de la forteresse, leur permit d’y pénétrer sans coup férir, après qu’il eut convaincu les habitants, d’abord réticents, que les Normands étaient les chevaliers capables de leur apporter le secours qu’ils attendaient (voir Aimé II, 19). Malaterra n’emploie le verbe construere qu’à trois autres reprises, et une seule a pour régime castrum, quand Guiscard ordonne la construction d’une fortification pour passer l’hiver (III, 27 [Pontieri, p. 74, l. 18] : castrum… construxit ; III, 32 [Pontieri, p. 77, l. 12] : ecclesiam… construens ; IV, 16 [Pontieri, p. 96, l. 1] : villam… construere). Comme l’a proposé Taviani-Carozzi 1996a, 171, castrum peut désigner la forteresse que les Normands ont édifiée à l’intérieur de la ville, pour y installer leur garnison et surveiller les citadins, selon la stratégie adoptée par les conquérants, dont témoigne à maintes reprises Malaterra. Ou bien l’emploi de construxerunt répond à un choix narratif, qui vise à donner à Melfi une dimension symbolique. La ville devient l’entrepôt général des Normands de Pouille (Guil. Ap. I, 246-247) et le point de ralliement d’où ils s’emparent de Venosa, Ascoli Satriano, Lavello (Aimé II, 20 ; Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 19-20 ; voir Tramontana 1970, 164, n. 117). À propos de Melfi, voir encore Houben 1996, 319-336 : « Melfi e Venosa : due città sotto il dominio normanno-svevo ».. Comme ils n’étaient que cinq cents chevaliers2On peut discuter ici du sens de milites. Le voisinage d’armatorum pour désigner les Grecs semble marquer l’opposition entre la technique des deux armées : les Normands, malgré leur petit nombre, l’emportent par la force de leur cavalerie sur la multitude de l’infanterie byzantine. Toutes les sources soulignent la disproportion des armées. Selon Aimé II, 21, les Byzantins étaient « cent pour un » ; Guil. Ap. I, 255-258 : « les Normands se préparent au combat, bien que l’armée des Grecs fût nombreuse et la leur très réduite. Leur troupe à pied ne comptait, en effet, que cinq cents piétons et leur escadron de cavalerie sept cents hommes » (trad. Mathieu 1961, 113, retouchée). Les Annales de Bari s’accordent sur un plus grand nombre de Normands (peut-être additionnent-elles les fantassins et les cavaliers), mais le rapport reste très inégal. Voir Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1041 : « Docheianos livra le combat contre presque trois mille Normands » ; Annales Bar., ad an. 1041 : « les Normands étaient plus de deux mille, et les Grecs, dix-huit mille, sans compter les serviteurs ». en tout dans la place, les Grecs qui commandaient cette contrée réunirent des forces considérables recrutées en Calabre et en Pouille – quelque soixante mille soldats – et marchèrent contre eux, pour les chasser hors de leur territoire. Et, leur ayant dépêché un ambassadeur, ils les somment de choisir : que préfèrent-ils, leur livrer bataille le lendemain, ou alors, acceptant la paix qu’on leur offre, se retirer sains et saufs du territoire qu’ils occupent3Guillaume de Pouille ne dit rien de l’ambassade byzantine auprès des Normands. Au contraire, Aimé II, 21, s’accorde avec Malaterra sur les termes du discours que Dokeianos fit tenir à ses représentants : « Lo duc grec […] manda comandement a li Normant qu’il deussent laissier la terre laquelle il tenoient injustement, et il les leroit aler en lor païz ». ? <2> Or, comme l’ambassadeur qui avait été dépêché pour délivrer ce message montait un cheval magnifique, un Normand, Hugues, surnommé Tubeuf4Malaterra seul narre l’anecdote de Hugues Tubeuf, mais ce nom apparaît dans les récits d’Aimé (II, 30 : Hugo Toutebove) et de Léon d’Ostie (II, 66, p. 300, l. 22 : Hugoni Tudabovi, au datif) aux côtés des onze autres comtes qui se partagent les terres de Pouille : Hugues reçoit, en effet, Monopoli., se mit à flatter le cheval de la main ; et, afin qu’on allât raconter aux Grecs sur lui et sur ses compagnons quelque prodige propre à semer l’effroi, il frappa de son poing nu le cheval sur la nuque et l’abattit d’un seul coup, comme mort. Les autres Normands se précipitent vers le Grec qui avait été jeté à terre avec son cheval et qui, n’ayant souffert d’autre mal que la peur, gisait sur le sol comme s’il eût été sans vie, et ils le relèvent ; quant au cheval, le traînant jusqu’à un gouffre, ils l’y précipitent. <3> Alors, le Grec, qui avait recouvré difficilement ses esprits avec les réconforts des Normands5Sur la tonalité de cette scène, voir « Introduction » de la version imprimée, p. 66., après avoir reçu d’eux un meilleur cheval, va rapporter à ses compagnons qu’ils sont résolus à se battre. Mais, quand il eut rapporté aux chefs de son armée, et à eux seuls, ce qui lui était arrivé, ces derniers, frappés d’étonnement et de crainte, n’en parlaient qu’entre eux, de peur que la troupe, épouvantée, ne vînt à se débander, si l’histoire était exposée publiquement. <4> Donc, le matin venu6La bataille de l’Olivento eut lieu le 17 mars 1041 (Annales Bar., ad an. 1041)., au point du jour, les Normands montent au combat ; et, après s’être élancés furieusement à l’assaut, les deux camps se livrent une bataille acharnée7Malaterra ne donne aucune précision sur la stratégie militaire des deux armées. On sait par Aimé II, 21, et Guil. Ap. I, 268-275, que les Byzantins envoyèrent trois escadrons successifs, afin d’affaiblir progressivement l’ennemi. Sur le peu de ressources dont dispose encore la cavalerie normande en 1041, et sur les rôles respectifs de la cavalerie et de l’infanterie, voir Settia 2006, 120 et 124-126.. Participaient à ce combat, parmi les fils de Tancrède, Guillaume Bras de fer et le comte Dreux8En 1041, Dreux ne porte pas plus que son frère le titre de comte. Malaterra anticipe sur les événements de septembre 1042 et le partage des terres à Melfi entre les douze comtes normands de Pouille ; voir infra, I, 11, 2. : aucun encore de leurs frères ne les avait rejoints9Selon Aimé II, 8, Onfroi était arrivé en même temps que ses deux aînés (voir I, sommaire, 5).. Encourageant leurs compagnons, en chevaliers très valeureux, et agissant eux-mêmes vigoureusement, ils mirent enfin en déroute tous les ennemis, quand ils en eurent abattu un grand nombre ; se lançant à leur poursuite et massacrant tous les traînards, ils remportèrent la victoire, alors que quantité d’ennemis avaient été engloutis dans les eaux de l’Olivento10L’Olivento est un affluent de l’Ofanto, qui prend sa source à Maschito et passe au pied de la colline où s’élève Venosa, à l’est de Melfi. Nos sources s’accordent pour placer la bataille au bord de ce fleuve. Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 22-23 : Juxta fluvium scilicet Oliventum ; Guil. Ap. I, 276-277 : maxima pugna / Fit juxta rapidas Lebenti fluminis undas. Le poète rapporte, comme Malaterra – repris par l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 750) –, que les « Grecs » se noyèrent dans le fleuve lors de cette première bataille. En revanche, selon Aimé du Mont-Cassin et Léon d’Ostie, les Byzantins périrent dans l’Ofanto (Aimé II, 22 : « lo flume liquel se clame lo Affide » ; Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 30-32 : Fluvium namque, qui Aufidus dicitur), lors de la bataille suivante, quand les eaux de ce fleuve débordèrent de manière soudaine et miraculeuse. Mais Malaterra ne dit rien de ce deuxième combat, remporté par les Normands le 4 mai 1041 à Montemaggiore sur la rive gauche de l’Ofanto, un peu en aval du confluent de ce fleuve avec la Rendina (nom de l’Olivento après son confluent avec la Rendina). en essayant de le traverser à la nage.

<1> Sed cum sine castro quo [+] [quo om. Z add. Zx. [-]] quoquoquoquo [+] [Zx : quo [-]] [om.] se tuerentur a [+] [a om. Z ed. pr. [-]] aaa[om.] patriae [+] [patriae AC ZB : parte Pontieri praeeunte D. [-]] patriaepatriaepatriaepatriaeparte*parte Pontieri praeeunte D illius incolis [+] [incolis AC B : -lae Z ed. pr. [-]] incolisincolisincolisincolae essent, castrum quod Melfa dicitur construxerunt. Ubi cum quingenti [+] [quingenti A ZB : -tis C. [-]] quingentiquingentiquingentiquingentiquingentis tantummodo [+] [tantummodo AC B : tantum Z ed. pr. [-]] tantummodotantummodotantummodotantum milites essent, Graeci qui terrae illi principabantur [+] [principabantur AC B : -piabantur Z. [-]] principabanturprincipabanturprincipabanturprincipabanturprincipiabantur, maxima multitudine ex Calabria et Apulia sibi coadunata, usque ad sexa [EP/f.12-13] ginta [+] [sexaginta AC Z : septua- B. [-]] sexa [EP/p.12-13] gintasexa [EP/p.12-13] gintasexa [EP/p.12-13] gintasexa [EP/p.12-13] gintaseptuaginta milia armatorum, ut eos a finibus suis propellerent, versus illos ire coeperunt. Legatoque praemisso, mandant ut quod malint [+] [malint AC : maluerint Z ed. pr. mallent B Pontieri. [-]] malintmaluerintmallent eligant : aut certamen in crastino [+] [crastino C ZB : castrino A ut saepe. [-]] crastinocrastinocrastinocrastinocastrino secum habere, aut, pace sibi indulta, incolumes a pervasis [+] [pervasis AC Z : praedictis B Pontieri. [-]] pervasispervasispervasispraedictis finibus recedere. <2> Legatus vero qui ad hoc [+] [hoc AC B : haec Z ed. pr. [-]] hochochochaec missus fuerat cum pulcherrimo equo insideret, quidam Normannus, Hugo [+] [hugo A Z : ugo C Pontieri om. B. [-]] HugoHugoUgo[om.], cognomento [+] [cognomento C Z : -mine B conumento A. [-]] cognomentocognomentocognomentocognomineconumento Tudebufem [+] [tudebufem AC : tudebulsem B tudeptisem Z tudextifem ed. pr. [-]] TudebufemTudebufemTudebulsemTudeptisemTudextifem, equum manu attrectare [+] [attrectare AC : attractare ZB. [-]] attrectareattrectareattrectareattractare coepit ; et [+] [et om. Z ed. pr. autem post ut addentes. [-]] , utet, utet, utet, utut autem mirabile aliquid de se sociisque suis unde terrerentur [+] [terrerentur AC Z : terreretur B. [-]] terrerenturterrerenturterrerenturterrerenturterreretur Graecis [+] [ante graecis add. et ZB del. Z1. [-]] GraecisGraecisGraecis [+] [Z1 : Graecis [-]] et Graecis nuntiaretur [+] [nuntiaretur A B : -rentur C mandaretur Z ed. pr. [-]] nuntiareturnuntiareturnuntiarenturmandaretur, nudo pugno equum in cervice percutiensαCe coup de poing hyperbolique, qui manifeste la force d’Hugues Tubeuf, emblématique de celle des Normands, rappelle deux extraits des Scriptores historiae Augustae, E. H. Holh (éd.), Leipzig, Teubner, 1965, vol. II, Maximini duo, chap. 6, 9, p. 7 : […] equo si pugnum dedisset, dentes solveret, « s’il avait donné un coup de poing à un cheval, il lui faisait sauter les dents » ; et Claudius, chap. 13, 5, p. 144 : Claudius […] digitis usque adeo fortibus ut saepe equis et mulis ictu pugni dentes excusserit, « Claude avait tant de force dans les doigts que, souvent, d’un coup de poing, il faisait sauter les dents des chevaux et des mulets ». Le coup est encore exploité, un siècle après Malaterra, par Godefroi de Viterbe, Panthéon, G. Waitz (éd.), MGH SS, t. XXII, Hanovre, Hahn, 1872, particula XXIII, chap. 39, p. 251, l. 20-21 : Miles […] datur nudo pugno mactasse leonem, « le chevalier tua, dit-on, un lion de son poing nu »., uno ictu quasi mortuum dejecit. Reliqui vero Normanni prosilientes Graecum, qui cum equo [+] [equo A ZB : eo C. [-]] equoequoequoequoeo dejectus fuerat et solo timore laesus quasi exanimis humi jacebat, erigunt ; equum autem usque ad quoddam praecipitium pertrahentes [+] [pertrahentes AC Z : prot- B. [-]] pertrahentespertrahentespertrahentespertrahentesprotrahentes dejiciunt. <3> Por [A/f.7v-8r] ro Graecus, cum vix consolatione [+] [consolatione A1C ZB : om. A. [-]] consolationeconsolationeconsolationeconsolatione [+] [A1 : consolatione [-]] [om.] Normannorum ad mentem rediisset, meliori equo ab eis [+] [ab eis om. B. [-]] ab eisab eisab eisab eis[om.] accepto [+] [accepto AC Z : donato B. [-]] acceptoacceptoacceptoacceptodonato, certamen paratum sociis refert. Sed cum [+] [cum om. B. [-]] cumcumcumcum[om.] quod accideratacciderataccideratacciderataccideratacciderat tantum principibusprincipibusprincipibusprincipibusprincipibusprincipibus tantum populi sui [+] [sui om. A. [-]] suisuisuisui[om.] tantum [+] [tantum post acciderat et principibus iter. B. [-]] retulisset, illi admiratione et metu perculsi [+] [perculsi AC B : -cussi Z edd. [-]] perculsiperculsipercussiβPeut-être faut-il voir dans metu perculsi un souvenir de Salluste (Sall. Cat. 6, 4 ; Sall. Jug. 40, 4 ; 58, 2), mais l’expression se rencontre aussi chez Tite-Live (par exemple 31, 38, 4 et 44, 45, 2) et chez de très nombreux auteurs chrétiens et médiévaux. verbum inter se comprimebant [+] [comprimebant AC Z : retine- B. [-]] comprimebantcomprimebantcomprimebantcomprimebantretinebant, ne forte, si in propatulo diceretur, exercitus [+] [exercitus post territus transt. B. [-]] territusexercitus territusexercitus territusexercitus territusexercitus territusterritus exercitus refugeret [+] [refugeret AC Z : fu- B. [-]] refugeretrefugeretrefugeretrefugeretfugeret. <4> Mane itaque facto, summo diluculo [+] [summo diluculo post normannis transt. B. [-]] a Normannissummo diluculo a Normannissummo diluculo a Normannissummo diluculo a Normannissummo diluculo annormannisa Normannis summo diluculo occurritur, fortiterque congredientes [+] [congredientes AC Z : -diens B. [-]] congredientescongredientescongredientescongredientescongrediens, acerrime utrinque pugnatur. Intererant [+] [intererant C Z : intererat B intereant A. [-]] IntererantIntererantIntererantIntereratIntereant huic certamini de filiis TancrediTancrediTancrediTancrediTanchrediTrankedi GuillelmusGuillelmusWillelmusGuglelmusGuilielmus Ferrea [+] [ferrea AC B : ferra Z. [-]] FerreaFerreaFerreaFerreaFerra brachia et comes Drogo, nam [+] [drogo nam AC B : drogonem Z drogon ed. pr. [-]] Drogo, namDrogo, namDrogo, namDrogonemDrogon necdum quisquam fratrum eos subsecutus fuerat. Isti vero ut fortissimi milites [+] [milites C ZB : -tis A. [-]] militesmilitesmilitesmilitesmilitis socios animantes, sed et ipsimet [+] [et ipsimet edd. : et ipsemet A et ipsi B ipsimet Z pro ipsismet C. [-]] et ipsimetet ipsemetet ipsiipsimetpro ipsismet fortiter agentes, multis ex hostibus prostratis, tandem in fugam reliquos dederunt ; quos [C/f.3v-4r] insequentes et posteriores [+] [posteriores AC Z : -teros B. [-]] posterioresposterioresposterioresposterioresposteros quosque [+] [quosque AC Z2 : quoque ZB [-]] quosquequosquequosque [+] [Z2 : quosque [-]] quoque caedentes [+] [caedentes AC Z2B : cedden- Z. [-]] caedentescaedentescaedentescaedentes [+] [Z2 : caedentes [-]] ceddentes, victoriam obtinuerunt [+] [obtinuerunt AC Z : -nerunt B. [-]] obtinueruntobtinueruntobtinueruntobtinueruntobtinerunt, multis ex [+] [ex om. Z ed. pr. [-]] exexex[om.] hostibus in flumine quod Olivetum [+] [olivetum C ZB : oliventum A. [-]] OlivetumOlivetumOlivetumOlivetumOliventum dicitur, dum transnatare [+] [transnatare AC Z : -nare B. [-]] transnataretransnataretransnataretransnataretransnare cupiunt [+] [cupiunt A ZB : cap- C. [-]] cupiuntcupiuntcupiuntcupiuntcapiunt, submersis.

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1Melfi (prov. Potenza) présentait des défenses naturelles : située à 531 m de hauteur, au pied du mont Vulture, dont l’altitude de 1 326 m en fait un des points culminants de l’Apennin méridional, cette place se trouvait en un lieu stratégique, qui permettait de contrôler un passage vers les principautés de Bénévent et de Salerne, dominait les plaines de Pouille, se trouvait à proximité d’Ascoli Satriano, Lavello et Venosa, offrait un accès rapide vers le littoral adriatique et les villes de Siponte, Trani, Bari et Monopoli. Elle était donc au carrefour des territoires lombard et byzantin. Pour une description de la ville, voir Aimé II, 19. Le verbe construxerunt employé ici par Malaterra indique sans ambiguïté – contrairement à l’habituel firmare – que les Normands construisirent une fortification. Pourtant, les Normands ne bâtirent pas la cité de Melfi, mais entrèrent, en mars 1041 (pour la date, voir Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 16-19 ; Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1041 ; Anon. Bar., ad an. 1041), dans une place déjà existante, fortifiée, comme tant d’autres en Capitanate (Dragonara, Fiorentino, Civitate, Troia), par le catépan Basile Boiôannès en 1018 (voir Guil. Ap. I, 247-248). Arduin, qui était le topotérète de la forteresse, leur permit d’y pénétrer sans coup férir, après qu’il eut convaincu les habitants, d’abord réticents, que les Normands étaient les chevaliers capables de leur apporter le secours qu’ils attendaient (voir Aimé II, 19). Malaterra n’emploie le verbe construere qu’à trois autres reprises, et une seule a pour régime castrum, quand Guiscard ordonne la construction d’une fortification pour passer l’hiver (III, 27 [Pontieri, p. 74, l. 18] : castrum… construxit ; III, 32 [Pontieri, p. 77, l. 12] : ecclesiam… construens ; IV, 16 [Pontieri, p. 96, l. 1] : villam… construere). Comme l’a proposé Taviani-Carozzi 1996a, 171, castrum peut désigner la forteresse que les Normands ont édifiée à l’intérieur de la ville, pour y installer leur garnison et surveiller les citadins, selon la stratégie adoptée par les conquérants, dont témoigne à maintes reprises Malaterra. Ou bien l’emploi de construxerunt répond à un choix narratif, qui vise à donner à Melfi une dimension symbolique. La ville devient l’entrepôt général des Normands de Pouille (Guil. Ap. I, 246-247) et le point de ralliement d’où ils s’emparent de Venosa, Ascoli Satriano, Lavello (Aimé II, 20 ; Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 19-20 ; voir Tramontana 1970, 164, n. 117). À propos de Melfi, voir encore Houben 1996, 319-336 : « Melfi e Venosa : due città sotto il dominio normanno-svevo ».

2On peut discuter ici du sens de milites. Le voisinage d’armatorum pour désigner les Grecs semble marquer l’opposition entre la technique des deux armées : les Normands, malgré leur petit nombre, l’emportent par la force de leur cavalerie sur la multitude de l’infanterie byzantine. Toutes les sources soulignent la disproportion des armées. Selon Aimé II, 21, les Byzantins étaient « cent pour un » ; Guil. Ap. I, 255-258 : « les Normands se préparent au combat, bien que l’armée des Grecs fût nombreuse et la leur très réduite. Leur troupe à pied ne comptait, en effet, que cinq cents piétons et leur escadron de cavalerie sept cents hommes » (trad. Mathieu 1961, 113, retouchée). Les Annales de Bari s’accordent sur un plus grand nombre de Normands (peut-être additionnent-elles les fantassins et les cavaliers), mais le rapport reste très inégal. Voir Lupus Protospatarius, Annales, ad an. 1041 : « Docheianos livra le combat contre presque trois mille Normands » ; Annales Bar., ad an. 1041 : « les Normands étaient plus de deux mille, et les Grecs, dix-huit mille, sans compter les serviteurs ».

3Guillaume de Pouille ne dit rien de l’ambassade byzantine auprès des Normands. Au contraire, Aimé II, 21, s’accorde avec Malaterra sur les termes du discours que Dokeianos fit tenir à ses représentants : « Lo duc grec […] manda comandement a li Normant qu’il deussent laissier la terre laquelle il tenoient injustement, et il les leroit aler en lor païz ».

4Malaterra seul narre l’anecdote de Hugues Tubeuf, mais ce nom apparaît dans les récits d’Aimé (II, 30 : Hugo Toutebove) et de Léon d’Ostie (II, 66, p. 300, l. 22 : Hugoni Tudabovi, au datif) aux côtés des onze autres comtes qui se partagent les terres de Pouille : Hugues reçoit, en effet, Monopoli.

5Sur la tonalité de cette scène, voir « Introduction » de la version imprimée, p. 66.

6La bataille de l’Olivento eut lieu le 17 mars 1041 (Annales Bar., ad an. 1041).

7Malaterra ne donne aucune précision sur la stratégie militaire des deux armées. On sait par Aimé II, 21, et Guil. Ap. I, 268-275, que les Byzantins envoyèrent trois escadrons successifs, afin d’affaiblir progressivement l’ennemi. Sur le peu de ressources dont dispose encore la cavalerie normande en 1041, et sur les rôles respectifs de la cavalerie et de l’infanterie, voir Settia 2006, 120 et 124-126.

8En 1041, Dreux ne porte pas plus que son frère le titre de comte. Malaterra anticipe sur les événements de septembre 1042 et le partage des terres à Melfi entre les douze comtes normands de Pouille ; voir infra, I, 11, 2.

9Selon Aimé II, 8, Onfroi était arrivé en même temps que ses deux aînés (voir I, sommaire, 5).

10L’Olivento est un affluent de l’Ofanto, qui prend sa source à Maschito et passe au pied de la colline où s’élève Venosa, à l’est de Melfi. Nos sources s’accordent pour placer la bataille au bord de ce fleuve. Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 22-23 : Juxta fluvium scilicet Oliventum ; Guil. Ap. I, 276-277 : maxima pugna / Fit juxta rapidas Lebenti fluminis undas. Le poète rapporte, comme Malaterra – repris par l’Anonyme du Vatican (Anon. Vat., p. 750) –, que les « Grecs » se noyèrent dans le fleuve lors de cette première bataille. En revanche, selon Aimé du Mont-Cassin et Léon d’Ostie, les Byzantins périrent dans l’Ofanto (Aimé II, 22 : « lo flume liquel se clame lo Affide » ; Leo Ost. II, 66, p. 299, l. 30-32 : Fluvium namque, qui Aufidus dicitur), lors de la bataille suivante, quand les eaux de ce fleuve débordèrent de manière soudaine et miraculeuse. Mais Malaterra ne dit rien de ce deuxième combat, remporté par les Normands le 4 mai 1041 à Montemaggiore sur la rive gauche de l’Ofanto, un peu en aval du confluent de ce fleuve avec la Rendina (nom de l’Olivento après son confluent avec la Rendina).

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αCe coup de poing hyperbolique, qui manifeste la force d’Hugues Tubeuf, emblématique de celle des Normands, rappelle deux extraits des Scriptores historiae Augustae, E. H. Holh (éd.), Leipzig, Teubner, 1965, vol. II, Maximini duo, chap. 6, 9, p. 7 : […] equo si pugnum dedisset, dentes solveret, « s’il avait donné un coup de poing à un cheval, il lui faisait sauter les dents » ; et Claudius, chap. 13, 5, p. 144 : Claudius […] digitis usque adeo fortibus ut saepe equis et mulis ictu pugni dentes excusserit, « Claude avait tant de force dans les doigts que, souvent, d’un coup de poing, il faisait sauter les dents des chevaux et des mulets ». Le coup est encore exploité, un siècle après Malaterra, par Godefroi de Viterbe, Panthéon, G. Waitz (éd.), MGH SS, t. XXII, Hanovre, Hahn, 1872, particula XXIII, chap. 39, p. 251, l. 20-21 : Miles […] datur nudo pugno mactasse leonem, « le chevalier tua, dit-on, un lion de son poing nu ».

βPeut-être faut-il voir dans metu perculsi un souvenir de Salluste (Sall. Cat. 6, 4 ; Sall. Jug. 40, 4 ; 58, 2), mais l’expression se rencontre aussi chez Tite-Live (par exemple 31, 38, 4 et 44, 45, 2) et chez de très nombreux auteurs chrétiens et médiévaux.