v. 1787-2210

L’introduction des moines par le duc Richard Ier

 
Entretant ad molt vivement
 
Li quens fait son porchacement [1]  :
 
De l’archevesque Huun out
 1790
Primes un brief, tel cum il vout [2]  ;
 
Del rei Lohier un tel en ra
 
Come il meïsme demanda [3].
 
Quant ses bries a, homes a quis,
 
Des plus sages de son païs [4]  :
 1795
Son mesage lor encharga
 
Et a Rome les enveia [5].
 
Espletié unt tant et esré
 
Que l’apostoile ourent trové [6].
A-f. 31r 
31rLi apostoile de cel tens
 1800
Out non Johan, si cum je pens [7].
 
Lor bries li livrent seielez :
 
Bruisiez les a et esguardez [8].
 
Par sei esteit enz en un brief
 
La vie as clers, de chief en chief [9].
 1805
Enz en un altre aprof esteit
 
Ce que li dux li requiereit [10].
 
A icels dous erent semblables
 
Li altre tuit et acordables [11].
Pendant ce temps le comte s’était activé à la réalisation de son projet : il obtint d’abord de l’archevêque Hugues [1] une lettre conforme à ce qu’il voulait, puis, de la part du roi Lothaire [2], une autre, telle qu’il l’avait lui-même demandée. Une fois en possession de ses lettres, il se mit en quête d’hommes, parmi les plus sages de son pays ; il leur confia son message et les envoya à Rome. Ils firent tant et si bien qu’ils parvinrent à trouver le pape. Le pape de l’époque portait, je pense, le nom de Jean [3]. Ils lui remirent leurs lettres scellées : il en brisa les sceaux et les examina. Dans une lettre à part figurait la relation complète de la vie des clercs ; dans une autre se trouvait ensuite la requête du duc au pape. 
Toutes les autres lettres étaient semblables à ces deux-là et concordaient avec elles.
 
Quancque li quens li requiereit
 1810
Par ses chartres que il diseit [12]
 
Li apostoiles otria
 
Et de sa part le conferma [13]  ;
 
Joious en ert et liez forment.
 
Li cardinal tuit ensement [14]
 1815
Al duc runt bries tels enveiez
 
Cum par les suens li out preiez [15].
Le pape, par des chartes qu’il dictait, donna son accord à toutes les demandes du comte et les confirma personnellement : il s’en réjouissait vivement. Les cardinaux unanimes envoyèrent aussi au duc des lettres conformes aux prières qu’il avait adressées au pape dans les siennes.
 
Quant li message ont pris congié,
 
Isnelement sunt repairié [16].
 
Chevaus ourent ad volenté :
 1820
Par jornees ont tant esré [17]
 
Qu’en Normendie sunt venu.
 
Li dux les vit, toz liez en fu [18]  ;
 
De chief en chief li unt conté
 
Cum faitement ourent esré [19].
 1825
Il apela un chapelain,
 
Le brief li mist enz en la main [20]
 
Que cil aveient aporté ;
 
Li clers l’a tost desvolepé [21].
A-f. 31v 
31vDespleié l’a et esguardé,
 1830
Puis l’a au conte recité [22]  :
 
Les saluz dist premierement,
 
Trestoz eissi cum les entent [23],
 
Puis a tot leit le brief avant,
 
Qu’il n’i falli ne tant ne quant [24].
Après avoir pris congé, les messagers rentrèrent rapidement : ils avaient des chevaux à volonté et, étape par étape, ils parvinrent enfin en Normandie. Le duc [4] se réjouit fort de les voir ; ils lui firent le récit complet de leur voyage. Il appela un chapelain et remit entre ses mains la lettre qu’ils avaient apportée. Le clerc la déroula aussitôt. Il la déploya et l’examina, puis en fit lecture au comte, en commençant par les salutations, exactement comme il les comprenait, et il lui lut la lettre entièrement, sans omettre quoi que ce fût.
 1835
Li apostoiles li mandout
 
Par cez lestres que enveout [25]
 
Que del mont ost toz les chanoines
 
Et en leu d’els il mete moines [26],
 
Et les rentes aient al mont
 1840
Que li chanoine tenu unt [27],
 
Et enz et fors li otreout
 
Et de sa part le confermout [28].
 
Et si aucuns le contredit
 
Il l’escumenge et maldit [29].
 1845
De l’autre part, s’en l’abeïe
 
Velt nul des clers muer sa vie [30]
 
Bien li otreie de par Deu ;
 
Iluec n’out plus quer n’en fut leu [31],
 
Fors le valei , a la parfin,
 1850
Qui eirt escrit el parchemin [32].
 
A l’archevesque uns en ralout
 
Qui ce meïsmes commandout [33].
 
Li evesques d’Avrenches rout
 
Vn brief qui cen reconfermout [34].
Le pape lui ordonnait, par cette lettre [5] qu’il lui envoyait, de chasser du mont tous les chanoines, de mettre à leur place des moines et de leur accorder les rentes attribuées à ce mont que les chanoines avaient occupé. Il lui donnait son accord sans restriction [6] et le lui confirmait pour sa part. Et si quelqu’un contestait cette décision, il l’excommuniait et le maudissait. D’un autre côté, si l’un des clercs voulait changer sa façon de vivre en restant dans l’abbaye, il l’y autorisait, au nom de Dieu. Il n’y avait rien de plus dans la lettre, car c’était inutile, sauf le vale [7] tout à la fin, qui était écrit sur le parchemin. Un autre exemplaire, avec les mêmes instructions, était adressé à l’archevêque 
et l’évêque d’Avranches en reçut également un, qui confirmait aussi tout cela.
 1855
Li dux aveit par Normendie
 
Moines assez de bone vie :
 
Par abeïes en a pris,
 
Tels qui bons sunt, cen li est vis [35].
A-f. 32r 
32rA lui vienent priveement,
 1860
Si lor a dit celeement [36]
 
Qu’il le seuvent la ou ira,
 
Isnelement ; pois lor dira [37]
 
Por quei les a a sei mandeiz
 
De tantes parz et aünez [38].
 1865
Il n’i a plus, il est meüz
 
Mes sis erres fut tot seüz [39].
Le duc avait, à travers la Normandie, suffisamment de moines menant une vie vertueuse [8] : il choisit, parmi les abbayes, ceux qui, à son avis, étaient vertueux. Ils vinrent auprès de lui discrètement et il leur dit secrètement de le suivre [9] rapidement là où il se rendrait ; il leur dirait ensuite pourquoi il les avait fait venir de tant de lieux différents et réunis ainsi. C’est tout, il s’en alla, mais on eut connaissance de son voyage.
 
A Avrenches vint belement
 
Si cum de cen ne fust neient [40].
 
Semblant faiseit que il queisist
 1870
Tote altre rien que il ne fist [41].
 
Quant il vint la, primes parla
 
D’altres choses, puis apela [42]
 
Vns vel baron qu’iluec esteit :
 
Sis privez eirt, molt chier l’aveit [43]  ;
 1875
Commanda li que il alast
 
Molt tost al mont et si rovast [44]
 
As chanoines muer lor vie ;
 
Si ne leist pas qu’il ne lor die [45]
 
Moines deviengent, cen voleit,
 1880
En lor mostier, qui bel esteit [46],
 
Ou cen que non, si augent fors,
 
Lor dras enportent et lor cors [47],
 
Tant solement, et nient plus :
 
Marriz esteit od els li dus [48].
Il se rendit officiellement à Avranches, comme si de rien n’était, faisant mine de se préoccuper de tout autre chose ; en arrivant, il évoqua d’abord d’autres questions, puis fit venir un vieux baron qui se trouvait là : il était son intime et il l’aimait beaucoup. Il lui ordonna de se rendre immédiatement au mont et de prier les chanoines de changer leur manière de vivre ; de ne pas manquer de leur dire ce qu’il voulait : que se fassent moines, dans leur sanctuaire, ceux à qui cela convenait [10] ; sinon [11], qu’ils s’en aillent, en ne prenant sur eux que leurs vêtements, rien de plus : le duc était en colère contre eux.
 1885
Emprés li dist qu’il demandast
 
Totes les cleis et sis guardast [49],
 
Le tresor, tot l’or et l’argent,
 
Les altres choses ensement [50].
A-f. 32v 
32vCil s’entorna et vint al mont,
 1890
Mande les clers ou que il sunt [51]  ;
 
Quant il les out toz aünez,
 
« Seignors, fait il, or m’escoutez [52].
 
Nostre sire li dux vos mande
 
A toz par mei et si commande [53]
 1895
Que esliesiez quel que voldrez :
 
Moines seiez ou vos augiez [54]
 
Fors de cest leu isnelement.
 
Respondez mei, et cel briément [55]  ! »
 
Les cleis aveit ja totes prises
 1900
Et ses guardes partot assises [56].
 
Tot out seisi ainz ques mandast
 
Ne qu’a nul d’els de ce parlast [57].
Il lui dit ensuite de demander toutes les clés du mont et de les conserver, ainsi que le trésor, tout l’or et l’argent et les autres objets. L’autre s’en alla et se rendit au mont, convoqua les clercs, où qu’ils fussent. Quand il les eut tous réunis, il leur dit : « Messieurs, prêtez-moi attention. Notre seigneur le duc vous donne à tous, par mon intermédiaire, l’ordre de choisir ce que vous voudrez : être moines ou quitter ce lieu immédiatement. Répondez-moi, et ce rapidement ». Il avait déjà pris toutes les clés et placé ses gardes partout : il s’était saisi de tout avant de les convoquer et de parler de l’affaire à quiconque d’entre eux.
 
Respondent cil communement :
 
« Nos ne feron de ce nient [58]  !
 1905
Ja el talent ou or seions
 
Moines ici ne devendrons [59]  ».
 
De ce aveient ja parlé
 
Et lor conseil tot afermé [60],
 
Que devinei pieça aveient
 1910
Trestot icen que or veieient [61].
Les chanoines répondirent unanimement : « Nous n’en ferons rien ! Jamais, quelle que soit notre bonne volonté, nous ne deviendrons moines en ce lieu [12] ! ». Ils en avaient déjà parlé et avaient bien arrêté leur décision car ils avaient deviné depuis longtemps tout ce qu’ils voyaient ce jour-là.
 
« Donc n’i a plus, cil lor respont,
 
Ne meis eissiez tuit fors del mont [62]  !
 
Alez quel part que vos voldrez
 
Quer jameis ci ne remeindrez ! [63]  »
« Il ne vous reste plus [13], leur répondit-il, qu’à quitter tous le mont. Allez-vous-en où vous voulez, car vous ne resterez plus ici ! »
 1915
Tuit li chanoine atant s’en vunt
 
Ne meis sol dui qui remeis sunt [64]  :
 
Li uns le fist por Deu servir
 
Et li altres por se garir [65]  :
A-f. 33r 
33rEnfermetei molt grant aveit,
 1920
Ensorquetot vielz hons esteit [66].
Tous les chanoines s’en allèrent alors ; seuls deux d’entre eux restèrent, l’un pour servir Dieu et l’autre pour s’assurer un abri : il était bien malade, et surtout c’était un vieil homme.
 
Puis que del mont furent torné,
 
La ou lor plout s’en sont alé [67].
 
Chascun par sei tornez s’en est
 
La ou li semble et bon li est [68].
 1925
Dex lor aït, le fiz Marie,
 
Quer je ne sai plus de lor vie [69].
Après avoir quitté le mont, les chanoines s’en allèrent où bon leur sembla, chacun de son côté, à sa guise. Que Dieu, le fils de Marie, leur vienne en aide, car je n’en sais pas plus sur le reste de leur vie.
 
Des dous chanoines qui el mont
 
Par tel acheison remeis sunt [70],
 
Li uns des dous out non Durant :
 1930
Prodon esteit et molt vaillant [71]  ;
 
Molt out chier l’angle, cen diseit,
 
Quer por s’amor remés esteit [72].
 
A ses ovres fist puis pareir
 
Se il menteit ou diseit veir [73].
 1935
Li malades out non Bernier :
 
Gesir soleit prof del mostier [74],
 
Por s’enferté que aveit grande.
 
Al messagier le duc demande [75]
 
Et li requiert, por amor Deu,
 1940
Quel laist gesir en icel leu [76]  :
 
Malades iert, si ne saveit
 
De quel ore mort le prendreit [77]  ;
 
Morir se crient, laist li gesir ;
 
Por son servise tot oïr [78],
 1945
Estre voldreit illuec toz dis
 
Et nuit et jor tant cum iert vis [79]  ;
 
Fiebles hons est, ne puet aler :
 
Pechiez sereit de lui oster [80]  ;
A-f. 33v 
33vAlanguorez est et falliz :
 1950
S’il l’en oste, mal iert bailliz [81]
 
Quer ne vuelt faire se bien non,
 
N’enn’ eient il pas soupeçon [82].
Des deux chanoines qui, dans ces circonstances, étaient restés au mont, l’un s’appelait Durant. C’était un homme vertueux et de grande valeur. Il était, disait-il, très attaché à l’ange, puisqu’il était resté par amour pour lui. Il montra par la suite, par ses actes, s’il mentait ou s’il disait vrai. Le malade se nommait Bernier. Il résidait habituellement près de l’église, à cause de sa grande faiblesse. Il demanda au messager du duc la faveur, pour l’amour de Dieu, de le laisser résider en ce lieu : il était malade et ne savait à quel moment la mort le prendrait ; il craignait de mourir : qu’on le laisse reposer là ; pour pouvoir entendre entièrement son office, il souhaitait être là en permanence, nuit et jour, tant qu’il serait vivant ; il était bien faible et ne pouvait marcher : ce serait un péché de le déplacer ; il était affaibli et près de sa fin : s’il le déplaçait, ce serait le maltraiter, car il n’avait que de bonnes intentions, il ne fallait pas le soupçonner.
 
De quant que dit, del plus menteit ;
 
Trestoz soduire les voleit [83]  :
 1955
Par si fause religion
 
Couvrir voleit sa traïson [84],
 
Quer illuec out de seint Autbert
 
Le cors mucié, clos et covert [85].
 
Il l’en voleit porter od sei,
 1960
En larrecin et en segrei [86].
 
De tot icen que a preié
 
Ne li a cil rien otreié [87]  :
 
Anciez li dist que ne porreient
 
Soufrir li moine qui vendreient [88]
 1965
Que cele celle a enfers fust
 
Ne que hon malades i geüst [89].
 
Cel leu illuec que il diseit
 
Molt mielz as gardes coveneit [90]
 
Qui l’igliese deivent garder
 1970
Que a malades converser [91].
 
Moleste as moines grant fereit
 
Se il illueques se geseit [92].
Tout ce qu’il disait n’était en grande partie que mensonges. Il voulait les tromper tous : par une si feinte piété, il voulait masquer sa trahison ; car il avait caché, enfermé et dissimulé là le corps de saint Aubert. Il voulait l’emporter avec lui furtivement, en secret. Mais l’autre ne donna son accord à aucune de ses prières : au contraire, il lui dit que les moines qui allaient venir ne pourraient supporter que cette cellule revînt à un infirme ni qu’un homme malade y couchât. Le lieu en question convenait beaucoup mieux aux gardes qui devaient veiller sur l’église plutôt qu’au séjour de malades ; cela importunerait beaucoup les moines s’il y couchait.
 
Quant Bernier ot l’escusement
 
Si li a dit molt humlement [93]  :
 1975
« Or vos prié donc por amor Deu
 
Que me laissiez en icest leu [94]
 
Estre et gesir tant solement
 
Qu’esguardei aie a mon talent [95]
A-f. 34r 
34rVne maison ou puisse aler
 1980
Ma langor grande deporter [96].
 
Cil li a dit : – esliesiez la,
 
Quer par ma fei vos aurez ja [97]
 
Quele que unques eslierez :
 
A vostre chois une en prendrez [98].
 1985
Respont Bernier : – je nel ferai,
 
Anceis imais me soferrai [99]  ;
 
Por seint Michiel, sanz altre ennoi,
 
Laissiez mei ci ennuit et hoi [100],
 
Et si vos faire nel volez,
 1990
De meie part saveir poiez [101]  :
 
Je n’en istrai pas, par mon chief,
 
S’anceis nen ai traval molt grief [102]  ;
 
Ou par force m’en getereiz
 
Ou ennuit mais ci me lereiz [103]  ».
Bernier répondit très humblement à ce refus : « Alors, je vous prie [14], pour l’amour de Dieu, de me laisser vivre et résider ici seulement jusqu’à ce que j’aie trouvé une maison à ma convenance où je puisse aller abriter ma grande faiblesse. L’autre lui répondit : – Choisissez-la, car, par ma foi, vous aurez aussitôt celle que vous choisirez, quelle qu’elle soit. Vous en prendrez une à votre choix. Bernier répondit : – Je n’en ferai rien ; au contraire, pour l’instant, je patienterai. Au nom de saint Michel, sans autre tracas, laissez-moi ici aujourd’hui et cette nuit, et si vous ne voulez pas le faire, sachez, en ce qui me concerne, 
que je ne m’en irai pas, je le jure sur ma propre tête, à moins de subir d’insupportables tortures. Ou bien vous me jetterez dehors de force, ou vous me laisserez ici cette nuit ».
 1995
Tant ad Bernier dit et preié
 
Que le franc home a ennuié [104]
 
Que li dux out enveié la.
 
Bien espeire que illuec a [105]
 
Mucié tresor ou que que seit
 2000
Que cele noit embler voleit [106].
 
Ceste meïsme soupeçon
 
Aveient tuit si compaignon [107]  :
 
Il esperouent verité.
Bernier multiplia paroles et prières au point d’importuner le noble personnage que le duc avait envoyé là. Ce dernier pensait bien qu’il avait caché en ce lieu un trésor ou quelque chose qu’il voulait emporter cette nuit-là. Ce même soupçon [15] était partagé par tous ses compagnons. Leur supposition était juste.
 
Li riches hon ad commandé [108]
 2005
Que d’iluec seit tost remuez
 
Et en un altre leu portez [109].
 
Vne maison livrei li unt
 
Qui eirt assise el lez del mont [110]
A-f. 34v 
34vMeis bien li peist, illuec l’ont mis.
 2010
Commandei est puis, ce m’est vis [111],
 
Que trestot ait tant con vivra
 
Quancque mestier li estera [112].
Le noble seigneur ordonna de le déplacer aussitôt de ce lieu et de le transporter ailleurs. On lui donna une maison située sur le flanc du mont ; si pénible que cela lui fût, ils le mirent là. Ordre fut ensuite donné, je pense, qu’il ne manque de rien tant qu’il vivrait [16].
 
Li riches hons enz el mont mist
 
Bones gardes einz qu’en issist [113].
 2015
Quant ce fut fait, al duc ala
 
Por dire li ce que fait a [114].
Le noble seigneur mit le mont sous bonne garde avant de s’en aller. Quand ce fut fait, il se rendit auprès du duc pour lui rendre compte de ce qu’il avait fait.
 
Les persones de Normendie
 
Et d’evesquez et d’abeïe [115]
 
A Avrenches venues erent.
 2020
Li moine od els la s’asemblerent [116]
 
Dont je parlei premierement :
 
Molt i vindrent celeement [117]  ;
 
Isnelement erent venu
 
Quer commandé tres bien lor fu.
Les dignitaires ecclésiastiques [17] de Normandie, ceux des évêchés et ceux des abbayes, s’étaient rendus à Avranches où les moines, dont j’ai parlé en premier lieu, se joignirent à eux. Ils y étaient venus en grand secret et avaient fait vite, car on le leur avait bien recommandé.
 2025
Molt ert grande la baronnie
 
Qui venue ert de Normendie [118].
 
Puis que tuit furent assemblé,
 
Li dux Richarz a commandé [119]
 
Que il viengent od lui al mont.
 2030
En es le pas cil monté sunt [120]  :
 
Od lor seignor en sunt alé ;
 
Al mont vindrent, tant ont esré [121].
 
Quant il furent la parvenu,
 
A la porte sunt descendu :
 2035
Od chanz, od ymnes, haltement,
 
Meinent les moines liement [122],
 
Tant qu’el mostier furent entré.
 
Li dux Richarz lor ad livré [123]
A-f. 35r 
35rTote l’igliese et la ballie,
 2040
Neis les cleis od l’abeïe [124].
 
Totes les rentes lor donna
 
Et fors et enz puis commanda [125]
 
Que ne fust meis nus hons vivant
 
Quis descreüst del priés d’un gant [126].
Les barons venus de Normandie étaient particulièrement nombreux. Quand ils eurent tous été rassemblés, le duc Richard leur ordonna de venir avec lui au mont. Ils se mirent en selle aussitôt, partirent avec leur seigneur et parvinrent finalement au mont. Une fois arrivés, ils mirent pied à terre à la porte ; en chantant d’une voix forte des chants et des hymnes, ils conduisirent joyeusement les moines jusqu’à leur entrée dans le sanctuaire.Le duc Richard remit aux moines l’église tout entière et l’autorité qui s’y attachait, ainsi que les clés, avec l’abbaye. Il leur fit don de la totalité des rentes et interdit formellement [18] par la suite à quiconque au monde d’en diminuer le montant, ne serait-ce que du prix d’un gant.
 2045
Li archevesques i esteit :
 
De ceste ovre s’entremeteit [127]
 
Quer par son brief l’out commandé
 
Li apostoiles et mandé [128].
 
Li evesques d’Avrenches fut
 2050
De l’autre part si cum il dut [129]  :
 
A l’apostoile obeïsseit
 
Qui bien mandei le li aveit [130].
 
Tuit si chanoine illuec resunt
 
Qui bien otreient cen qu’il funt [131].
 2055
As moines ont tuit otreié
 
Genez, et Iz de l’evesquié [132]  ;
 
Sanz nule male volenté,
 
Ce que il funt lor ont graé [133].
L’archevêque était présent : il s’associait à cette entreprise, car, par sa lettre, le pape le lui avait recommandé et ordonné. L’évêque d’Avranches, d’autre part, se trouvait là, comme il le devait : il obéissait au pape qui le lui avait bien recommandé. Tous ses chanoines aussi étaient là, qui consentirent volontiers à ces dispositions. Tous accordèrent aux moines Genêts et Itier, pris sur les biens de l’évêché ; sans aucune mauvaise volonté ils donnèrent leur accord à ces dispositions.
 
Les costumes ont demandees,
 2060
Qui par amor furent trovees [134]  ;
 
Seint Autbert primes les trova
 
Et establi, et ordena [135]  :
 
Ce est de la procession
 
Que encor oié cest jor tenon [136]  ;
 2065
Li uns de nos as altres vunt
 
A dous termes qui posé sunt [137]  :
 
Li clerc premier viennent as moines
 
Et li moine puis as chanoines [138]  ;
A-f. 35v 
35vTuit revestu se recevrunt,
 2070
Et cha et la cels qui iront [139],
 
Messe dirront al mestre altel,
 
Li moine la tot altretel [140]  ;
 
Li chanoine deivent mengier,
 
Quant il auront fait lor mestier [141],
 2075
En l’abeïe, el refector,
 
Si cum li tens dorra del jor [142]  ;
 
Li moine la, tot ensement,
 
Que ne lor griet le junement [143]  ;
 
Ja li moine ne se movrunt
 2080
Se li clerc ainz a els ne vunt [144]  :
 
Entre els est bien cen confermé,
 
Quer ce esteit fraternité [145]  ;
 
Aliance semblout d’amor.
 
Encor le tienent oié cest jor [146]
 2085
Si cum il fut lors establi,
 
Fors del mangier que ont guerpi [147]  :
 
Tant est lor amor plus baissiez ;
 
Il n’a gaires que il fut laissiez [148].
Ils demandèrent les coutumes [19] dont l’élaboration avait été guidée par l’affection. C’est saint Aubert qui le premier les avait élaborées, établies et instaurées : il s’agit de la procession que nous organisons encore aujourd’hui [20] ; les uns rencontrent les autres à deux dates fixes : les clercs vont d’abord chez les moines, puis les moines chez les chanoines [21]. Ils se recevront, tous en vêtements de cérémonie, et ceux qui se déplaceront ici et là-bas devront dire une messe au maître-autel, les moines tout pareillement [22]. Les chanoines, après avoir célébré l’office, devront manger à l’abbaye, dans le réfectoire, selon ce que permettra ce jour-là l’époque liturgique, et les moines là-bas pareillement, à moins que le jeûne ne les en empêche [23]. Les moines ne se déplaceront pas s’ils n’ont pas d’abord reçu la visite des clercs. Tout cela fut bien établi entre eux car il s’agissait de fraternité : c’était le symbole d’un lien d’amitié. Ils continuent aujourd’hui encore de respecter ces coutumes telles qu’elles furent établies alors, à l’exception du repas qu’ils ont abandonné : voilà à quoi se limite leur diminution d’affection, et il n’y a pas si longtemps qu’on y a renoncé [24].
 
Aprof ceste peticion
 2090
Que confermerent li baron [149],
 
Esleü ont li moine abé
 
Si que li dux lor a greié [150]  :
 
Mainart out non, si fut normanz ;
 
Prodom esteit et bien vallanz [151].
 2095
Icel jor out grant joie al mont.
Après cette demande, que les barons approuvèrent, les moines élurent un abbé, et le duc approuva leur choix [25]. Il se nommait Mainard [26] et c’était un Normand [27], un homme de bien, de grande valeur. Ce jour-là, la joie fut grande au mont !
 
Quant cen fut fait, si s’en revunt [152]  :
 
Li dux s’en vait en Normendie
 
Et cil remaint en s’abeïe [153].
A-f. 36r 
36rComme buens peirres chastia
 2100
Et comme meirres toz ama [154]
 
Icels moines qui remés sunt
 
Dedenz l’igliese, od lui, del mont [155].
Cela fait, ils s’en retournèrent. Le duc partit en Normandie et Mainard resta dans son abbaye. Il corrigea comme un bon père et aima comme une mère tous ces moines qui étaient restés avec lui dans l’église du mont.
 
En la reule seint Beneeit
 
Est bien escrit, il le saveit [156],
 2105
Que li abes les ores gart
 
Ou a tel die de sa part [157],
 
Qui honestes et buens i seit [158],
 
Le mestier face cum il deit.
 
Cele meison ou dan Bernier
 2110
Soleit jesir, a cest mestier [159]
 
Avis li fut qu’ert convenable
 
Et aisiee et delectable [160]  :
 
As marrugliers l’abei l’eslut.
 
Il meïsmes souvent i jut [161].
 2115
Nuls des moines n’out sopeçon
 
Que soz les laz de la maison [162]
 
Mucié eüst alcune rien
 
Quer il n’i a, cen veient bien [163],
 
Tant de pertuis ou se cutast
 2120
Vne soriz, ne ne passast [164]  :
 
Nul n’enn’ i out, petit ne grant,
 
Ne es crevaces, tant ne quant [165],
 
N’i pareit rien, enz ne defors ;
 
Et nequeden, si ert le cors [166]
 2125
De seint Autbert illuec posez :
 
Vnc de trente anz n’i fut trovez [167].
 
Quant par miracle fut trové,
 
Aveit al mont segunt abé [168]  :
A-f. 36v 
36vIcil abes rout non Mainart,
 2130
Molt fut prodom et de Deu part [169]  ;
 
Bien redirom quant la vendra
 
Comment cil abes le trova [170]
 
Et cum portei fut el mostier
 
Que il fist faire et commencier [171].
Dans la règle de saint Benoît, il est bien écrit, et il le savait, que l’abbé doit se préoccuper des heures [28] ou qu’il doit dire à l’un des moines, qui en est digne et capable, d’assurer l’office à sa place [29], comme il convient [30]. Cette maison où dom Bernier avait l’habitude de résider, il estima qu’elle convenait à cette charge, pour laquelle elle serait commode et agréable : l’abbé la destina donc aux marguilliers et lui-même y dormit souvent. Aucun des moines ne soupçonna que quelque chose fût caché sous les lattes de la maison, car il n’y avait pas, ils le voyaient bien, de trou suffisant pour qu’une souris s’y cachât [31] ou y passât : il n’y en avait aucun, petit ou grand ; et dans les crevasses, en aucune façon, ne transparaissait absolument rien [32]. Et pourtant, le corps de saint Aubert était déposé là ! Il resta là trente ans sans jamais être découvert. Quand par miracle on le découvrit, il y avait au mont un second abbé. Cet abbé se nommait aussi Mainard [33] ; c’était un homme de Dieu, d’une grande vertu. Nous exposerons aussi en détail, le moment venu, comment cet abbé trouva le corps et comment celui-ci fut apporté dans le sanctuaire dont il avait entrepris et réalisé la construction [34].
 2135
Aprof icen, ce m’est avis,
 
Li nobles dux s’est entremis [172]
 
Del leu faire clorre de murs
 
Covenables, et forz, et durs [173]  :
 
Einz que il seit del mont tornez
 2140
Del suen les a tot aquitez.
 
D’or et d’argent fist faire tables
 
Que as altels mist covenables [174]  ;
 
Chapes de paile, vestimenz,
 
Pailes, dossels, tapiz molt genz [175],
 2145
Candelabres d’or et d’argent,
 
Croiz et calices ensement [176].
 
Viles as moines a donnees,
 
Rentes d’igliese confermees [177]
 
Par son seel en cire mis,
 2150
Li dux, ainz que isse del païs [178],
 
Et ce qu’il sout que boen esteit
 
Et qui a l’ordre aferir deit [179].
Ensuite, le noble duc s’était occupé, je pense, de faire clore le site de murs appropriés, solides, résistants : avant de quitter le mont, il en avait payé la construction sur ses propres finances. Il fit aussi faire et mettre en place des parements d’or et d’argent adaptés aux autels [35], des chapes d’étoffe précieuse, des vêtements, des tentures, de fort beaux tapis, des candélabres d’or et d’argent, des croix et des calices. Le duc, avant de quitter le pays, avait donné aux moines des domaines, confirmé les rentes des églises en apposant son sceau sur la cire des documents ; il leur avait accordé ce qu’il savait être utile et devoir convenir à l’ordre.
 
Li abes Mainarz, del mostier
 
Qui premiers out cure et mestier [180],
 2155
Par le conseil de son convent,
 
Qui l’otreierent bonement [181],
 
Funt de Durant lor chapelain,
 
Honeste clerc et non vilain [182].
A-f. 37r 
37rRendu li unt tot autretant,
 2160
Fors que ne fut el mostier grant [183]
 
Com il soleit aveir jadis,
 
Quant chanoines i fut ainz mis.
 
Tot altretel humanité
 
A Bernier funt par lor bonté [184]  :
 2165
Rendue li unt sa provende ;
 
Aprof li firent tel enmende [185]
 
Qu’o els beiveit puis et manjout,
 
A toz les jorz que il li plout [186],
 
Molt bien et bel, od honesté,
 2170
Meis por nient onc n’en sout gré [187].
 
Enprés sa mort, quant que il out,
 
Li moine donnent a Fulcout [188]  ;
 
Cist ert sis niez qui feelment
 
Les a serviz et lealment [189]  :
 2175
Il lor a dit et anseignié
 
Ou seint Autbert ourent mucié [190],
 
Il et sis uncles, quant viveit :
 
N’enn’i a nul qui liez n’en seit [191].
L’abbé Mainard, qui le premier eut la responsabilité et la charge de l’abbaye, après avoir consulté sa communauté [36], qui y consentit volontiers, fit de Durant leur chapelain [37] : c’était un clerc digne d’estime, qui ne manquait pas de qualités. Ils lui rendirent tous ses avantages, excepté ceux qui concernaient l’église majeure, dont il bénéficiait autrefois quand il y avait été installé comme chanoine [38]. Ils firent preuve, dans leur bonté, de la même humanité à l’égard de Bernier : ils lui rendirent sa prébende et l’autorisèrent, pour le dédommager, à boire et à manger avec eux tous les jours qu’il voulait, convenablement, dignement ; mais ce fut en vain, il ne leur en sut aucun gré. Après sa mort, les moines donnèrent tout ce qu’il avait à Foulques, son neveu, qui les servit fidèlement et loyalement. Il leur révéla et indiqua où ils avaient caché saint Aubert [39], son oncle et lui, du vivant de ce dernier, et tous, sans exception, s’en réjouirent !
 
Li dux Richarz, qui molt amout
 2180
Religiom et ennoraut [192],
 
Souventes feiz les visita
 
Et de ses choses lor donna [193].
 
Del leu, qu’il vit que amendout,
 
Dedenz son cuer grant leece out [194].
 2185
Il a ouvré comme huem sage :
 
Par le conseil de son barnage [195],
 
Privileges lor a donnez,
 
Que cen qu’a fait ne seit quassez [196].
A-f. 37v 
37vIl otreie de sa partie
 2190
Que abé n’eit en l’abeïe [197]
 
Se moine n’est de la meison :
 
Entre els facent l’election [198]  ;
 
Et, se illuec trovez n’esteit
 
Qui convenables a cen seit [199],
 2195
Esliesent le d’autre abeïe,
 
A lor pleisir, de bone vie [200].
 
Del deraien de la meison
 
Le voldreit mielz, cen dit par sun [201],
 
Que d’un qui fust d’antequité
 2200
En altre leu norri et né [202]  :
 
Ce est la somme de l’escrit
 
Que li dux fist que je ai dit [203]  ;
 
Desus l’autel cest presenta.
 
Puis dous altres parquis en a [204]  :
 2205
Por cen l’a feit que il voleit
 
Que ceste chose estable seit [205].
Le duc Richard, qui aimait et respectait beaucoup la religion, leur rendit souvent visite et leur donna de ses biens propres. Il éprouvait en son cœur une grande joie en voyant les améliorations apportées au lieu. Il agit en homme sage : après avoir pris conseil de tous ses barons, il accorda aux moines des privilèges pour éviter que ce qu’il avait fait ne soit annulé. Il consentit, pour sa part, à ce qu’on ne pût devenir abbé en l’abbaye si l’on n’était pas un moine de la maison. Ils devaient faire le choix parmi eux, et si l’on ne trouvait là personne qui convînt à la charge, qu’ils choisissent quelqu’un d’une autre abbaye, comme il leur plairait, à condition qu’il fût vertueux. Il préférerait, dit-il en outre, le dernier de la maison, plutôt que quelqu’un qui fût d’un autre lieu où il serait né et aurait été élevé depuis fort longtemps [40]. Voilà l’essentiel du document écrit établi par le duc, que je viens d’évoquer. Il le déposa en présent sur l’autel. Il en obtint ensuite deux autres [41] : il voulait, en agissant ainsi, assurer la solidité de sa décision.
 
Del rei Lohier de qui teneit
 
Tote la terre que aveit [206]
 
Privilege out et muniment
 2210
Tel com disrom ja ci briément [207].
Il obtint, de la part du roi Lothaire, dont il dépendait pour la totalité de sa terre, un privilège et un diplôme [42] dont nous allons donner ici brièvement la teneur.

~

1   Grande initiale également dans B : Entre tant aumont iouent Li quens fet.

2    De larceuesque huon ; Prines ; com iuout.

3    Deu rey ; Com il maimes.

4    ses bries ot.

5    message ; les en uoia.

6    Esplete ont tant et erre ; la posteile orent.

7    Li aposteile de cel temps Ot non iehan.

8    seelez Brisez les a et ergardez.

9    Escrit ens en vn brief La uie es.

10    en vn autre apres ; li dus li requereit.

11   1807-1808 absents dans B.

12   1810 absent dans B.

13    Quan que li dus requis lia Laposteile li ostria Et de sa part le conferma.

14   A : Loious ; B : Ioios.

15    Au duc ra bries tex envoiez ; li ot.

16   Grande initiale également dans B : Quant ; prins ; repeirie.

17    Cheuax orent a ; erre.

18    tout liez.

19    li ont ; Com feitement orent erre.

20    chapelein ; Vn brief li mist enmie sa main.

21    auoient ; Li clerc la tost desuelope.

22    esgarde Pui.

23    primerement.

24    Puis a tot leu ; I ni falli.

25   Grande initiale absente dans B : Li apostele ; 1836 absent dans B.

26    du mont ; deus imetent.

27    au mont : ont.

28    De hors et denz onque qu’il sont ; 1842 absent dans B.

29    et le maudit.

30    Veut.

31   A : Ilueques ; B : Illeuc.

32    le uale en la parfin ; ert escrit eu parchemin.

33    A larceuesque vn ; ce meimes conmandot.

34    Li euesque ; reconmandout.

35    Par abbaies en aprins Tex qui ; ce li.

36    priuement : priuement.

37   A : seuueit ; B : suient (ou siuent ?) la ou il ira ; puis.

38   A : et annez ; B : ase mandez De toutes pars et amenez.

39    Il nia plus. il meuz est Mes sen erre seu tost est.

40   Grande initiale également dans B : Avrenches vint belement ; de ce ; neent.

41   A : Semplant ; B : Semblant feset ; queist Tot autre.

42    Dautres.

43    Vn suen baron qui illeuc esteit Ses priuez et.

44    au mont ; loast.

45    Si ne lest pas qui ne.

46    ce uoleit ; moustier.

47    si que non il augent hors ; en porgent et lor corps.

48    neent ; o eus.

49    Toutes les cles cil les gardast.

50    autres.

51    au mont ; Manda ; sont.

52    amenez Segnors fet il or escutez.

53    li dus vous mande ; par moy.

54    esliesez ; voudrez ; vous.

55    seit briement.

56    toutes ; Et ses gardes.

57    Tout ot sesi einz ; Ne que nul deus.

58   Grande initiale également dans B : Respondent ; Nous ; neent.

59   A : deurendrons ; B : eu talent ; seion : deuendron.

60    auoient ; tout afferme.

61   A : ueient ; B : Quer deuine ; auoient ; ice ; veient.

62    Eissez trestoz hors de cest mont.

63    uous vodrez ; iames si.

64    sen uont Nemes ; remes.

65    Li vn ; li autre por se guarir.

66    Enfermete ; veuz hons.

67    deu mont ; lour plot.

68    Checun ; torne ; li semble que bon est.

69    lor aist ; sei.

70   Grande initiale également dans B : De deus chanoines qui eu mont ; acheson.

71   1929 absent dans B ; Prodons ; vallant.

72    ot chier langre ce ; 1932 absent dans B.

73   A : ueit ; B : ses euures ; ueir.

74    ot non ; pres deu monstier.

75    Au messagier.

76    por la mor de Quil le lest.

77    ert ; De quele ore.

78    se creint leist le.

79    Etre vodreit illeuc ; tan comme ert vis.

80    Fiebles est ne peut aler ; Peche.

81   A : Sil en oste ; B : Alangorez ; Se len en oste mal ert balliz.

82    ne veut fere ; Ne neitil pas sopecon.

83    quanque ; du plus ; deceuer les uoleit.

84    sa fauce religion ; Courir.

85   A : Le cors mucie . clos . et couert ; B : illeuc out de saint aubert Le corps muce clos et couert.

86    o sey : ou en segrey.

87   Grande initiale absente dans B : De tot ice que a preie : otrie.

88    Anceis ; Sofrir ; uiendreient.

89    celle chambre as enfers ; hons malade.

90    illeuc ; mout miez esgarges.

91    liglese deuent ; as malades.

92    illeuques.

93   Grande initiale également dans B : Quant ot oy lescusement : humblement.

94    uous pri ; por lamor deu Que me lessiez en cetui leu.

95   A : Estre . et gesir ; B : Etre et gesir ; Que garde aie.

96   meson.

97    esliesez ; par ma foy vous.

98    onques esleirez.

99   A : Bernir ; Grande initiale absente dans B : Respont bernier ie neu ferei ; Ainces imes me soufrerei.

100    Por saint michel sans autre ennui Lessez moy si en nui et hui.

101    Et se neu fere ; De moie part sauer poez.

102   A : Fanceis ; B : ystrai ; Se ainces nen ai traual grief.

103   A : meslereiz ; B : mengeterez Ou en nuit si me lerrez.

104   Grande initiale absente dans B : tant a bernier dit et preie (t minuscule) ; en a nuie (mue ?).

105    Que li dus a en uoie la ; espera ; illeuc.

106    ou que se seit Qui celle nuit.

107    Ceste meimes sopecon Auoient tuit li.

108    Ilespreuuent (esprennent ?) ; Li riches hons a comande.

109    dilleuc ; autre.

110    Vne meson liure li ont ; ert ; ez liez du.

111    Mes ; illeuc ; Commande ; se mest vis.

112    Quan que ; estora.

113   Grande initiale absente dans B : Li riches enz eu mont ; Bonnes ; ains.

114    feit au duc ; se que feit a.

115    deuesquiez.

116    Aurenches venues ; Li moines o eus la sa senblerent.

117   A : Molt uindrent ; B : Donc ie parle ; Molt i 
vindrent.

118   2023-2024 absents dans B. A : uenu ; Grande initiale également dans B : Mout esteit grant la baronie : venue.

119   2027 et 2028 absents dans B.

120    Quil viengent o lui au mont Isnele pas ; montez.

121    O lor segnor ; Au mont ; erre.

122   A : Od chanz . od ymnes ; B : O chant o hynes hautement Meine le moines.

123    Tant que el ; Li dus richart lor a.

124    Toute liglese et la beie Lor amis en lor ballie.

125    Toutes les rentes lor dona ; hors et enz puis comada.

126    mes ; Qui les descreut deu preis.

127   Grande initiale également dans B : Li arceuesque iesteit ; ceste euure.

128    Li apostolis.

129    Li euesque ; si com li duc.

130    la postolie ; mande.

131    li chanoine illeuc resont ; otrient se quil font.

132   A : Genez . et iz de leuesquie ; B : Es moines ont tot otrie Genez et iz de leueschie.

133    nulle ; font ; gree.

134    Les cotumes.

135   A : Et establi . et ordena ; B : Saint aubert prines les trouua Et establi et ordena.

136    Cest de la proression (?) ; hui cest iour.

137    es autres ; As dous termes ; poseiz.

138    Li clers primiers es moines viennent ; es chanoines.

139    ce receuront Et ca et la ceux.

140    diront au mestre autel Li moine referont 
autretel.

141   Grande initiale dans B : Li chanoine deiuet menger ; feit lour mestier.

142    eu refetor ; li temps durra deu ior.

143    le geunement.

144    mouuront ; li clers ains a eus ne uont.

145   A : Entres els ; B : Entre eus ice bien conferme.

146    semblant ; li tienent hui cest ior.

147    Fors de mengier.

148   2087-2088 absents dans B.

149   Grande initiale également dans B : Apres ceste peticion.

150    Eu leu ; abbe ; gree.

151    Menart ot non ; normant ; prodons ; vallant.

152    grant ioiee au mont ; ce fut si sen reuont.

153    sen veit ; en labbeie.

154   A : pierres ; B : Comme bon pere les chastia Et comme mere toz les ama.

155    Iceu moines ; remeis ; liglese olui deu mont.

156   A : saueieit ; B : saint beneit ; saueit.

157    li abbes ; a teil.

158    honeste et bon isseit.

159    Celle meson ; gesir en cel mostier.

160    couenable Et aesiee.

161    Li marrubliers labbe lesleut Li meimes souent yiut.

162   A : sor les laz ; B : Nul ; not soupecon ; soz les laz de la meson.

163    aucune rien ; se uoient bien.

164    pertus.

165    Nul nen iot ; es creuasses.

166   A : Nequeden ; B : riens ne de hors Et ne que deit ; le corps.

167   A : trentei ; B : De saint aubert illeuc ; Onc de trente anz.

168    trouez ; aumont segont abbez.

169    Icil abez ot non menart ; prodon de bone part.

170    abbes.

171    porte ; au mostier Quil fist fere.

172    Apres yce se ; cest.

173   A : couenables . et forz . et durs ; B : Deu leu fere ; couenables et fors et durs.

174   2139-2142 absents dans B.

175   A : uestimenz Pailes . dossels ; molt genz ; B : uestimens Pailes dorez ; moz genz.

176    Chandelabres ; galices.

177    Villes ; a donees ; de liglese.

178   A : queissie ; B : Li dus ains que isse deu pais.

179    bon.

180    menart deu mostier ; premier ot.

181    couent.

182    chapelein ; tlert et non vilein.

183    li ont ; ne fust eu mostier.

184    autretel ; font.

185    li out ; Apres ; tel amende.

186   A : As toz ; B : Quo eus beueit ; mengout A touz les iors.

187   A : on nen sout gre ; B : Mout bien ; o honeste Mes porneent onc nen sot gre.

188   A : donnet a fulcout ; B : Apres ; quan que il ot Li moine donent a folquot.

189    Cil ert son nies qui feaument ; leaument.

190    et ensaignie Ou saint aubert orent mucie.

191    Il et son oncle ; Nenia.

192   A : une grande initiale, signalée par un l minuscule dans la marge n’a pas été exécutée ; Grande initiale dans B : Li dux richart qui molt amot Religion et ennorot.

193    Souente foiz ; dona.

194    Deu lieu qui vit quamender tot De dens son cour grant leesse ot.

195    ourei com home sage : bernage.

196    donez ; ce qua feit.

197    Il otrie ; abbe.

198    meson Entre eus ; leslecion.

199    illeuc troue ; couenable a ce.

200    Esleisent ; plesir.

201    Deu desrein de la meson Le uodreit miex ce dist par son.

202    Que don qui vient dantiquite En autre leu norriz et nei.

203   A : que iai dit ; B : Cest la some ; que ie ai dit.

204    sest ; dous autres.

205    Por ce le feit.

206    Deu rei ; Toute ; que il aueit.

207    Priueleige ot ; diron ; briemen.

~

1    Hugues, archevêque de Rouen, 942 (ou 943)-989.

2    Le roi de France est le suzerain du duc de Normandie.

3    Jean XIII, pape de 965 à 972. Cf. les v. 2279-2322.

4    Comte et duc désignent Richard. Cf. supra les v. 1639 et 1646.

5    Lettres, au pluriel, comme le latin litterae, désigne, du XIe au XVe siècle, « une épître, une missive, ce qu’on écrit à quelqu’un pour l’informer d’une nouvelle, etc. » (FEW V, 377 b, littera). Le Dictionnaire du Moyen Âge de Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink, Paris, PUF (Quadrige), 2002, p. 829, art. « Lettre », précise que « le terme de lettre ne désigne pas seulement la missive privée ou ex officio, mais s’applique également à des actes en forme, des chartes, lesquelles ont ordinairement une rédaction épistolaire (avec adresse, salut, etc.) ».

6    Enz et fors, littéralement « à l’intérieur et à l’extérieur » (des adverbes latins de même sens, intus et foras / foris) signifie donc « partout », « sans limites, sans restrictions, totalement ». TL III, 738, cite ces vers d’un fabliau (Méon II, 3, 61) : « Bele fu [l’empereris] enz, bele fu fors, Bel ot lou cuer, bel ot lou cors : [l’impératrice] était belle à l’intérieur comme à l’extérieur (« totalement »). Son cœur était beau, son corps était beau ».

7    La lettre du pape est écrite en latin, comme l’indiquent le verbe entendre (« comprendre », au v. 1834) et la formule finale de la lettre : vale « porte-toi bien ». Le duc, qui ne connaît pas le latin, se fait aider d’un clerc, son chapelain . Cf. FEW II, 1, 286 a, cappella : « chapelain, prêtre chargé de dire la messe dans une chapelle particulière ». Cf. également TL II, 239-240, s.v. chapelain : La roïne prent en sa main La lettre et huce un capelain Qui li devise mot a mot. (Sarrazin, Histoire des Ducs de Normandie et des rois d’Angleterre, publiée en entier pour la première fois d’après deux manuscrits de la bibliothèque du roi, Francisque Michel (éd.), Paris, J. Renouard et Cie, 1840) : « La reine prend la lettre dans sa main et appelle un chapelain qui lui en expose le contenu mot pour mot ».

8    Véronique Gazeau, « Abbayes bénédictines et abbés dans la Normandie ducale », évoque (p. 11) « … la présence de clercs et peut-être de moines dispersés en Normandie… ».

9    Seuvent est une forme de P6 du subjonctif présent du verbe suere « suivre » (v. 1742 ; autres formes possibles en ancien français : pour l’infinitif sivre, suire, sieure, siuvre, sivir ; pour la P6 du présent du subjonctif : siuent, sieuent, ou sivent).

10    Estre bel, impersonnel : plaire, convenir ; qui est ici complément, sans antécédent exprimé : « ceux à qui ».

11    Ou cen que non, littéralement « ou cela à savoir que non », présente de façon elliptique la négation de la phrase précédente : moines deviengent.

12    Cf. supra, v. 1785-1786.

13    Il n’y a plus, locution bien attestée en ancien français, est glosée par Godefroy (VI, 235, plus) par « Il n’y a pas d’autre ressource ». Cf. aussi v. 1865.

14    Prié, P1 du présent du verbe prier est à prononcer [prje], « pryé » avec un e fermé et en une seule syllabe. Il s’agit de l’évolution dialectale d’un e bref du latin sous l’influence d’un yod. Cf. notre introduction.

15    Sospeçon est féminin en ancien français.

16    Mestier estera « cela lui sera utile » ; on attendrait estra, forme secondaire de futur, refaite sur l’infinitif estre, « être » ; la forme du texte, analogique des futurs du 1er groupe (chantera), s’explique par les besoins de la métrique. Il ne peut s’agir ici d’estera, futur du verbe ester « se tenir debout » (latin stare), dont le sens ne convient pas dans le contexte.

17    Cf. supra, v. 909.

18    Fors et enz : cf. supra, v. 1841.

19    Costumes : cf. FEW II, 2, 1091 a, consuetudo, « habitude » : af. costume : « manière d’agir établie par un long usage, soit chez un peuple entier, soit chez un individu (depuis le XIe s.). » ; « législation établie par l’usage par opposition au droit écrit » d’une communauté (depuis le XIIe s.). » ; « sorte d’impôt (depuis environ 1200) ». Il s’agit ici de règles régissant les relations entre le monastère et l’évêché d’Avranches.

20    La graphie oie pour l’adverbe le plus souvent attesté en ancien français sous la forme (h)ui « aujourd’hui », du latin hódie, de même sens (présente dans le manuscrit B aux v. 2064 et 2430), n’est pas isolée dans le manuscrit A du Roman : on la relève aux v. 2064, 2084, 2311 et 2504 ; la métrique indique qu’oie est monosyllabique. La rime Guerrnerie : oie (2503-2504) suggère une prononciation [je] de oie. Notre hypothèse est qu’il s’agit d’une évolution phonétique dialectale de la triphtongue [úoj] issue de la diphtongaison en [úo] du o bref accentué sous l’influence d’un yod subséquent avec lequel la diphtongue se combine. Ce cas de figure d’une rime en [je] incluant une telle triphtongue se présente à plusieurs reprises dans le texte ; cf. les v. 75-76 : noit : deliet et 155-156 : noit : liet et le détail de cette évolution dans notre introduction.

21    Cf. dom Joseph Lemarié, « La vie liturgique au Mont d’après les ordinaires et le cérémonial de l’abbaye », in Millénaire monastique du Mont Saint-Michel, t. I, p. 303-352 : « Une solennelle procession du clergé d’Avranches, évêque en tête, au Mont avait lieu chaque année le vendredi précédant la Pentecôte […]. Le mardi après l’octave de la Pentecôte, les moines rendaient aux chanoines d’Avranches leur politesse… » (p. 332-333). Cf. aussi Chroniques latines du Mont Saint-Michel (IXe-XIIe siècle), Pierre Bouet et Olivier Desbordes (éd.), Caen – Avranches, Presses universitaires de Caen – Scriptorial d’Avranches (Fontes et paginae – Les manuscrits du Mont Saint-Michel : textes fondateurs ; 1), 2009, qui, dans l’Annexe II de leur édition des textes latins du Mont Saint-Michel, présentent le texte et la traduction d’une « Convention entre l’abbé du Mont Saint-Michel et l’évêque d’Avranches (1061) », p.  375-378. Il y est fait état d’un déplacement annuel de l’évêque à l’abbaye pour y assurer l’office de la dédicace, le 16 octobre, et de celui des moines à Avranches, « à la cinquième férie (le jeudi) de la Pentecôte ».

22    Cela implique qu’il y ait dans la délégation des moines ordonnés prêtres, ce qu’admettait la règle de saint Benoît de Nursie (vers 540). Cf. sur ce point, La Règle de saint Benoît, Adalbert de Vogüe et Jean Neufville (éd.), Paris, Éditions du Cerf (Sources chrétiennes ; 181-186), 1971-1972, 6 vol., Introduction (t. I, p. 51). Cf. aussi les v. 2471-2472.

23    Sur la question du jeûne, cf. La Règle de saint Benoît…, LIII, 10-11 (t. II, p. 612-614), De hospitibus suscipiendis « L’hospitalité » : Ieiunum a priore frangatur propter hospitem nisi forte præcipuus sit dies ieiunii qui non possit frangari, fratres autem consuetudines ieiuniorum prosequantur : « Le supérieur rompra le jeûne à cause de l’hôte, sauf si c’est un jour de jeûne majeur que l’on ne puisse violer, tandis que les frères continueront à observer les jeûnes accoutumés ».

24    Le texte de la convention de 1061 ne mentionne pas de repas pris en commun par l’évêque et les moines.

25    Si que, au v. 2092, a la valeur consécutive de « si bien que, de telle sorte que ».

26    Mainard Ier (?-16 avril 991), premier abbé du Mont Saint-Michel en 966.

27    On considère généralement que Mainard Ier, originaire de Flandre et abbé (et réformateur) de Saint-Wandrille, fut contraint par le duc de Normandie d’aller fonder au Mont Saint-Michel une abbaye bénédictine. Pour Katherine Keats-Rohan (in François de Beaurepaire et Jean-Pierre Chaline (dir.), La Normandie vers l’an mil, Rouen, Société de l’Histoire de la Normandie, 2000, p. 4 et 6), ce Mainard ne doit pas être identifié à l’abbé Mainard de Saint-Wandrille, venu de Gand ; il était neustrien, et plus précisément originaire du Maine, où le nom de Mainart est souvent attesté aux Xe-XIe siècles ; et si Guillaume de Saint-Pair fait de cet abbé un Normand, c’est qu’à l’époque où il écrit, les termes de Neustrie et de Normandie pouvaient être « interchangeables pour un écrivain normand ». Elle précise son analyse dans « L’histoire secrète d’un sanctuaire célèbre. La réforme du Mont Saint-Michel d’après l’analyse de son cartulaire et de ses nécrologes », in Pierre Bouet, Giorgio Otranto et André Vauchez (dir.), Culte et pèlerinages à saint Michel en Occident. Les trois Monts dédiés à l’archange [actes du colloque international de Cerisy-la-Salle, 2000], Rome, École française de Rome (Collection de l’École française de Rome ; n° 316), 2003, p. 139-159. Cf. aussi l’acte daté de 1009 (in Marie Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie de 911 à 1066, Caen, Caron et Cie [Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie ; t. XXXVI, 4e série, 6e vol.], 1961, p. 85-86, n° 12), où Richard II est désigné par le titre de marchio totius Neustrie.

28    La Règle de saint Benoît a pour objectif « la glorification de Dieu à travers la liturgie et propose une vie partagée entre la prière et le travail manuel » (Michel Feuillet, Vocabulaire du christianisme, Paris, PUF [Que sais-je ? ; n° 3562], 2001, p. 101). Les heures sont donc pour les moines une activité essentielle : ce sont les sept séries de prières, de psaumes et de lectures de l’Office divin, auxquelles ils doivent assister à heures régulières, dans la journée et dans la nuit. Elles portent le nom de matines ou vigiles, laudes, tierce, sexte, none, vêpres et complies.

29    Le mestier face cum il deit : proposition conjonctive dépendant de die « dise » ; l’absence de la conjonction que, fréquente en poésie, est due à l’impératif de la métrique.

30    Au ch. XLVII, 1 de la Règle de saint Benoît (t. II, p. 596-597), De significanda hora operis Dei (« Du signal de l’œuvre de Dieu »), il est écrit : Nuntianda hora operis Dei dies noctesque sit cura abbatis : aut ipse nuntiare aut tali sollicito fratri iniungat hanc curam, ut omnia horis competentibus compleantur : « L’annonce de l’heure de l’œuvre de Dieu, jour et nuit, sera confiée aux soins de l’abbé, soit qu’il l’annonce lui-même, soit qu’il en remette le soin à un frère assez attentif pour que tout s’accomplisse aux heures voulues ».

31    Se cuter « se cacher », cf. FEW II, 2, 1461, *cuditare, latin d’origine gauloise. Le verbe est propre aux parlers de l’ouest d’oïl, où il est encore en usage avec le même sens, ainsi que le substantif cute, « cache, cachette ». L’auteur utilise aussi le participe passé recutei au v. 2688. Cf. notre introduction, p. 88.

32    Enz et defors : cf. v. 1841 (note) et 2042.

33    Mainard II (?-meurt un 14 juillet, avant 1019), deuxième abbé du Mont de 991 à 1009, neveu de Mainard Ier.

34    Guillaume de Saint-Pair, suivant le texte de l’Introductio Monachorum, annonce qu’il évoquera ultérieurement la découverte du corps de saint Aubert. Mais ce récit qui figure à la suite de l’Introductio (« De translatione et miraculis beati Autberti ») et qui lui est contemporain (vers 1080-1089), ne se trouve pas dans le texte du Roman tel qu’il nous est parvenu.

35    Table, latin ecclésiastique tabula « devant d’autel, parement ».

36    Convent, « communauté religieuse », cf. v. 14, 2286, 2329, 4099.

37    Cf. la définition de chapelain in FEW II, 1, 286 a, cappella : « prêtre chargé de dire la messe dans une chapelle particulière », définition nuancée par l’indication que dans de nombreux textes en ancien français le chapelain apparaît comme le secrétaire du roi, sans que l’on puisse savoir s’il exerçait d’autres fonctions, spirituelles, celles-là. La polysémie de chapelain et de son étymon cappellanus est liée à celle de cappella, « petite chape », qui désigne à l’origine (679) la relique du manteau de saint Martin, conservée dans un bâtiment construit pour l’abriter, puis par métonymie (710) le bâtiment lui-même et enfin, dès 783, une chapelle privée, se substituant dans ce sens à oratorium. Au VIIIe siècle, les cappellani veillent sur les reliques ; à partir du Xe siècle, ils sont chargés de la rédaction de la correspondance royale. Mais dès la fin du VIIIe siècle, cappellanus peut aussi désigner un « prêtre chargé de dire la messe dans une chapelle particulière ». On peut supposer que Durant exerce modestement la fonction de gardien des reliques de l’abbaye. À propos de Durant et des chanoines restés au Mont après l’introduction des moines, cf. le commentaire de Pierre Bouet et Olivier Desbordes du De translatione et miraculis beati Autberti (Chroniques latines…). La transposition en vers français de ce texte fondateur du sanctuaire, annoncée par Guillaume de Saint-Pair aux v. 2129-2134, ne figure pas dans la version du Roman dont nous disposons actuellement.

38    La phrase, peu claire, indique cependant une nette restriction des prérogatives de l’ancien chanoine.

39    Cf. à propos de la découverte de ces reliques au XIe siècle, dom Jacques Dubois, « Le trésor des reliques de l’abbaye du Mont Saint-Michel », in Millénaire monastique du Mont Saint-Michel, t. I, p. 501-593.

40    Voir sur ce point le jugement de dom Jean Laporte : « L’abbaye du Mont Saint-Michel aux Xe et XIe siècles », in dom Jean Laporte (dir.), Millénaire monastique du Mont Saint-Michel, t. I, p. 71 : « La liberté et l’indépendance dont jouit le monastère bénédictin a pour condition celle du choix de ses abbés. Les moines ont toujours tenu essentiellement à ce droit, et autant que faire se pouvait, à la nomination « e gremio », de l’un d’entre eux, pour les gouverner. En effet, ils sont ainsi sûrs d’être gouvernés selon leurs usages, quelquefois leurs routines…, alors qu’un supérieur appelé d’un autre monastère en apporte tout naturellement les habitudes et les us, d’où troubles et difficultés interminables. Il y a aussi une question d’amour-propre, car un assez grand monastère a toujours quelques sujets capables de prendre la crosse, et ne veut pas se laisser mettre les lisières. Enfin, dans le cas du Mont, il faut tenir compte de l’esprit d’indépendance et de séparatisme des « Bocains » vis-à-vis des ducs, que ceux-ci redoutaient fort et combattaient par tous les moyens ».

41    Cf. infra le texte des lettres du roi de France et du pape.

42    Muniment, dérivé de munir « protéger, garantir » (du latin munire de même sens) : « pièce justificative, diplôme ». Ce vers de Guillaume de Saint-Pair présente la première occurrence écrite du substantif, souvent attesté par la suite dans les chartes des XIVe et XVe siècles.