v. 1567-1786

Richard Ier face au roi de France, face aux chanoines du Mont Saint-Michel

 
Tant out Richart puis anemis
 
Que sis peires li fut ocis [1],
 
Que ennoi sereit de l’escolter
 1570
Se jeis voloie toz numbrer.
 
Le ré de France Loouis
 
Ert sis plus riches ennemis [2].
 
Honte sereit a raconter
 
Comme il le fist prendre et garder [3]
 1575
Et toz les mals que fait li a
 
Et com li enfes s’en embla [4].
 
Li quens de Flandres le haiet
 
Qui par trestot mal li teneit :
 
Al rei loout qu’il l’oceïst
 1580
Ou essillast ou destruist [5] ;
 
Je l’espeir bien que creü fust
 
Si un petit al rei leüst [6],
 
Mais li enfes li fut emblez :
 
Par grant engien en fut portez [7].
 1585
Puis que li reis sout que Richart
 
Li ert emblez, d’ire tot art [8]  ;
 
De maltalent est si espris,
 
Por un petit n’errage vis [9].
A-f. 27v 
27vIl l’a mandé et remandé
 1590
Mais por nient s’en est pené [10]  :
 
« Ja ne l’aura meis em ballie »
 
Ce dient cil de Normendie [11].
 
Lors le guerreie fierement ;
 
Cil se defent hardiement [12]  :
 1595
De mainte part guerre li sort
 
Et Damledeu bien le secort [13].
Richard eut tant d’ennemis, après le meurtre qui lui avait ravi son père, qu’il serait fastidieux de m’écouter si je voulais les [1] énumérer tous ! Le roi de France, Louis, était son plus puissant ennemi [2]. Il serait déshonorant de raconter comment il le fit capturer et retenir prisonnier, tous les maux qu’il lui infligea, et comment l’enfant s’échappa [3]. Le comte de Flandres le haïssait ; il était particulièrement malintentionné à son égard : il conseillait au roi de le tuer, de le mettre à mort ou de le supprimer ! Je pense vraiment qu’il aurait convaincu le roi si celui-ci en avait eu quelque peu le loisir. Mais l’enfant lui fut ravi : on l’enleva très adroitement [4]. En apprenant que Richard lui avait échappé, le roi fut pris d’une violente colère : il brûlait d’un tel dépit qu’il en était presque mort de rage ! Il le réclama mainte et mainte fois, mais ce fut peine perdue : « Il ne l’aura jamais plus en son pouvoir » disaient ceux de Normandie. Le roi entreprit alors contre lui une guerre féroce. Richard se défendit avec courage : la guerre éclatait de tous côtés, mais le Seigneur le secourait efficacement.
 
De l’une part le quens Teibalt,
 
Cil de Chartres, forment l’asaut [14],
 
De l’autre part reis Loouis,
 1600
De la tierce sis enemis [15],
 
Le quens Ernol, par qui sordeit
 
Trestot cest mal et esmoveit [16].
 
Herbert, sis oncles, de Seint Liz,
 
Le guerrout, meis ce iert envis [17].
 1605
Quant entrepris se vit Richart,
 
Par le conseil de dan Bernart [18]
 
– Seneschaus ert de Normendie ;
 
Desoz le duc out la ballie [19]
 
Ad enveié ilnelement
 1610
Al rei Herout, un suen parent [20],
 
En Danemarche, la ou maint ;
 
De toz ses maus a lui se plaint [21]  ;
 
Secors mande qu’il li enveit,
 
Quer de guerre est forment destreit [22].
 1615
Herout i vint od bien grant gent,
 
Qu’onques n’i out demorement [23].
D’une part, il subissait les rudes attaques du comte Thibaut de Chartres [5], de l’autre, celles du roi Louis, et en troisième lieu de son ennemi, le comte Arnoul, qui était la source, le moteur de tous ces malheurs. Son oncle, Herbert de Senlis, lui faisait la guerre, mais c’était malgré lui. Quand Richard se vit ainsi cerné, sur les conseils de Monseigneur Bernard (le sénéchal de Normandie, celui qui, après le duc, détenait les pouvoirs [6]), il envoya en hâte des messagers au roi Harold [7], un de ses parents, au Danemark, où il résidait. Il se plaignait à lui de tous ses malheurs et lui demandait de lui envoyer des secours, car une guerre le mettait en grande difficulté. Harold vint avec une armée considérable et sans perdre de temps.
 
Li reis de France en Normendie
 
Esteit entrei o ost banie [24].
A-f. 28r 
28rFranceis, Daneis, tant sunt alé
 1620
Qu’a parlement sunt assemblé [25]  :
 
Meslee sort el parlement ;
 
Daneis i fierent durement [26]  :
 
Deiz et Vııj. contes ont ocis ;
 
Le reis meïsmes i fut pris [27].
 1625
Ainz que il eissist fors de prison,
 
Si a juré, et si baron [28],
 
Que ferme paiz d’ore en avant
 
Tendrunt mais toz dis a l’enfant [29].
 
Par ensummet rendu li a
 1630
Quant que Kalles a Rou donna [30]  ;
 
Encor rout il el serement
 
Quel defendra de tote gent [31].
Le roi de France était entré en Normandie avec une armée levée par ban [8]. Les Français et les Danois finirent par se réunir pour parlementer. Une querelle s’éleva au cours de la discussion, et les Danois y combattirent vigoureusement, tuant dix-huit comtes et faisant prisonnier le roi lui-même. Avant de sortir de prison, ce dernier jura, et ses barons avec lui, que dorénavant et pour toujours, ils maintiendraient solidement la paix vis-à-vis de l’enfant.
Il lui rendit en outre tout ce que Charles avait donné à Rollon. Le serment stipulait aussi qu’il le défendrait contre tout agresseur.
 
Asseiz tost puis le reis fina.
 
Lohier, sis filz, por lui regna [32].
 1635
Des couvenanz n’a nul tenu,
 
Anceis a guerre et mal meü [33].
 
Son franc home a grevei forment :
 
Guerreié l’a molt durement.
 
Bacheleirs ert li quens Richart,
 1640
Proz et hardiz comme leubart [34].
 
De l’autre part, le reis esteit
 
Jouvres asseiz et si creieit [35]
 
Malveis conseil que il aveit :
 
Vers son baron se malmeteit [36].
 1645
Od ses Normans, o ses Daneis,
 
Ad envaï li dux Franceis [37]  :
 
Si cruelment les envaïst,
 
Od feu, od fer, que tot destruist [38].
A-f. 28v 
28vPar bois, par viles, par champaignes,
 1650
Fierement vait od grant compagnes [39].
 
En France fait espessement
 
Pareir fumees, foïr gent [40]  ;
 
Par tot essille la contree :
 
Destruite l’a et malmenee ;
 1655
Glaive de gent si homme funt
 
Par tot les leus ou unques vunt [41].
 
Cinc anz dura continuels
 
Ceste guerre qui ert mortels [42].
 
Ne la voldreit plus endurer
 1660
Li reis de France ne li per [43]  :
 
Tant unt al duc fait et mandé
 
Que od Lohier s’est acordé [44]  ;
 
Il en fut ainz molt bel preié
 
Que por nul d’els l’eit otreié [45].
 1665
Par grant amor, senz contençon,
 
Acordé sunt tuit li baron [46].
 
La paiz fut ferme qui est faite,
 
La ou li dux au rei s’afaite [47].
 
Puis que en paiz si homme furent,
 1670
Daneis de lui grant dons reçurent [48]  :
 
Toz cels qu’il a fait baptizier
 
A lor aleuz fist reparier [49],
 
Et toz les autres, qui amoent
 
La lei paiene et coltivauent [50],
 1675
Par mié la mer, fors de sa terre,
 
Les enveia les Mors conquerre [51].
 
Por ce furent la enveiez
 
Que ne seient meis damagiez [52]
A-f. 29r 
29rFranceis par els ne destorbez,
 1680
Ne essilliez ne devilez [53].
Le roi mourut peu après et son fils Lothaire lui succéda. Il ne tint aucun de ces engagements ; bien au contraire, il provoqua guerre et malheur. Il fit grand tort à son noble vassal [9] en livrant contre lui une guerre acharnée. Le comte Richard était un jeune homme, vaillant et intrépide comme un léopard. En face, le roi était bien jeune [10] ; il accordait foi aux mauvais conseillers qui l’entouraient et se comportait mal vis-à-vis de son baron. Alors, avec ses Normands, avec ses Danois, le duc [11] attaqua les Français, menant contre eux une attaque si cruelle, par le feu, par le fer, qu’il détruisit tout sur son passage. Dans sa redoutable progression, avec des troupes importantes, par les bois, les villages, les campagnes, il fit s’élever en France un nombre considérable de fumées, fuir les populations : partout il ravagea le pays [12], lui infligeant destructions et dommages ; ses hommes passaient par l’épée la population de tous les lieux où ils allaient. Cette guerre meurtrière dura cinq ans, sans discontinuer : le roi de France et les pairs auraient bien voulu ne plus la subir ; ils multiplièrent les démarches et les missions auprès du duc, qui conclut enfin un accord avec Lothaire. Mais il se fit beaucoup prier avant de donner son accord à l’un d’entre eux. Dans un esprit très amical, sans querelle, tous les barons se réconcilièrent. Ce fut une paix solide que celle que le duc conclut alors avec le roi. Une fois ses hommes en paix, les Danois reçurent de sa part des dons importants. Il fit rentrer dans leurs domaines [13] tous ceux qu’il avait fait baptiser, et tous les autres, qui étaient attachés à la loi païenne et la pratiquaient, il les envoya par mer, hors de sa terre, conquérir les Maures [14]. S’il les envoya là-bas, c’est pour que les Français ne subissent plus de leur part d’autres préjudices, attaques, destructions ni outrages.
 
Crestienté a molt amee
 
Puis que sa guerre out afinee [54] :
 
A son poier Deu enora,
 
Moines et clers tozdis ama [55].
 1685
Les perechous, de lor servise,
 
Amonestout a mainte guise [56]
 
Et au prodome rediseit
 
Que mielz feïst qu’il ne faseit [57].
 
Les iglises a estorees
 1690
Qui par la guerre erent gastees [58]  :
 
Les unes fist et commença
 
Et les autres ameillora [59].
 
Entre les altres une en out
 
Que de son cuer forment amout [60]  :
 1695
Ja esteit ce cele del mont,
 
La seint Michiel, ou li clerc sunt [61].
 
Molt par eirt liez qu’en son païs
 
S’eirt herbegié cist Deu amis [62].
 
Il vit et sout certeinnement
 1700
Que n’ert servie honestement [63]
 
Cele iglise, si cum deveit
 
Et cum li leus le requereit [64],
 
Quer el païs la clers esteient,
 
Riches d’aveir, qui se faseient [65]
 1705
Del mont chanoines apeleir ;
 
Ententif eirent a veneir [66]
 
Molt plus assez que au mestier
 
Qui afereit a lor mostier [67].
A-f. 29v 
29vA lor aiese se deduieient
 1710
Quer molt granz rentes en aveient [68].
 
As povres clers servir faseient
 
Por els l’igliese et il aveient [69]
 
Totes les rentes, sis parteient
 
Eissi entre els cum il voleient [70].
 1715
Comme boviers les alooent
 
Et d’an en an les remuoent [71].
 
Vilainement les i meteient
 
Et cil vilment s’en conteneient [72].
Après avoir mis fin à sa guerre, il montra son attachement à la religion chrétienne : il honora Dieu le mieux possible et manifesta une constante affection aux moines et aux clercs. À ceux qui se montraient paresseux [15], il faisait toutes sortes de remontrances à propos de leurs obligations religieuses ; il exhortait aussi l’homme de bien à faire mieux encore. Il remit en état les églises endommagées par la guerre, commençant la construction des unes et réparant les autres. L’une d’entre elles était particulièrement chère à son cœur : c’était celle du mont, celle de saint Michel, où se trouvaient les clercs. Il était particulièrement heureux que cet ami de Dieu eût établi sa demeure dans son pays ; il constata et sut avec certitude que le service de cette église n’était pas dignement assuré, comme il le devait et comme le lieu l’exigeait, car dans ce pays-là se trouvaient des clercs, puissants de par leurs biens, qui se faisaient appeler « chanoines du mont » [16] et qui s’intéressaient à la chasse bien plus qu’au ministère attaché à leur église. Ils s’adonnaient aux plaisirs comme bon leur semblait, car ils bénéficiaient de rentes considérables. Ils faisaient assurer à leur place par des clercs sans ressources le service de l’église et c’est eux qui recevaient la totalité des rentes, qu’ils se répartissaient à leur guise. 
Ils les engageaient, comme de vulgaires bouviers [17], et en changeaient d’une année sur l’autre. Ils les utilisaient d’une manière déshonnête et le comportement de ces gens-là [18] était méprisable.
 
Quant ceste chose li quens sout
 1720
A merveille par li desplout [73]  :
 
Il esguarda et dist por dreit
 
Que qui chanoine estre voleit [74]
 
Sa provende bien deservist,
 
Altre por lui nul n’i meïst [75].
 1725
Por nient fist cest jugement,
 
Quer il ne l’ont tenu neient [76].
 
Quant le resout, si a mandez
 
Les chanoines et assemblez [77]  :
 
Preié lor a molt dolcement
 1730
Que vesquissent regulerment [78],
 
Et od preiere et od manace
 
A chescun dit que il le face [79]  ;
 
Mais quant qu’a dit, tot vait en vent,
 
Quer entre tot n’en funt neient [80]  :
 1735
Por preiere ne por manace,
 
N’i a nuls d’els qui rien en face [81].
 
A lor deduit ententif sunt :
 
Chacier en bois li un en vunt [82],
A-f. 30r 
30rLi autre aloent en riviere,
 1740
La ou la seivent bien pleniere [83]  ;
 
Beivre et mengier et altre chose,
 
De quei suere nuls ne s’alose [84],
 
Refaiseient espeisement,
 
Dont l’en parlout molt laidement [85].
 1745
Li dux Richarz marriz en fut ;
 
A merveille par l’enn’encrut [86]
 
Que le servise Damledé
 
Nen unt por lui point amendé [87]  ;
 
Anceis par l’unt tot deguerpi :
 1750
Quel merveille s’en est marri [88]  ?
Quand le comte apprit l’affaire, il en fut extrêmement mécontent. Après réflexion, il rendit ce jugement : si on voulait être chanoine, on devait bien mériter sa prébende et ne pas mettre un autre à sa place. Son jugement fut sans aucun effet, ils n’en tinrent aucun compte. Quand en fut informé, il convoqua les chanoines et les réunit pour les prier avec douceur de vivre selon la règle et, alternant prières et menaces, il enjoignit à chacun de le faire. Mais tout ce qu’il leur avait dit resta lettre morte, car en définitive ils n’en tinrent aucun compte : prières et menaces n’eurent d’effet sur aucun d’entre eux ; c’est leur plaisir qui les intéressait : les uns allaient chasser au bois, les autres pêcher en rivière, là où ils la savaient abondante en poissons [19]. Boire, manger… et une autre chose dont personne ne se vante, voilà leurs activités les plus fréquentes, ce qui provoquait bien des critiques ! Le duc Richard en fut fâché, et bien plus encore quand il apprit qu’ils n’avaient pas amélioré le service de Notre Seigneur pour le satisfaire. Au contraire, ils l’avaient totalement abandonné. Faut-il s’étonner de son mécontentement ?
 
Le gentil duc de Normendie,
 
Quant si malvaise vit lor vie [89],
 
A l’archevesque en a parlé :
 
Tot son conseil li a mostré [90],
 1755
Et a son frere le ra dit,
 
Qui quens esteit, ce truis escrit [91]  ;
 
Raoul out non, huens bien vallanz,
 
Sages asseiz et molt poanz [92].
 
A un conseil andous les traist :
 1760
« Seignors, fait il, malement vait [93]
 
Que seint Michiel est messerviz
 
Et que sil servent a enviz [94]
 
Li chanoine, clers orguellous.
 
Por mé ne funt rien, ne por vos ;
 1765
Enpensé ai ques osterai
 
Et en leu d’els moines metrai [95].
 
Loiez le vos a faire eissi ?
 
Li archevesque respondi [96]  :
A-f. 30v 
30v– Oïl, par fei, c’est honesté » ;
 1770
Li quens Raouls le ra loé [97]  :
 
Bien li dient qu’a Deu pleira
 
Cele chose se issi va [98].
 
Preié lor a n’en dient mot
 
De ci qu’il eit parquis trestot [99],
 1775
Moines et cen que aveir deit
 
A faire ce que il voleit [100].
Le noble duc de Normandie, constatant quelle vie dépravée ils menaient, en parla à l’archevêque [20] et lui exposa ses intentions. Il les confia aussi à son frère ; ce dernier, selon mes sources écrites, était un comte du nom de Raoul [21], un homme de valeur, bien avisé et très puissant. Il les fit venir tous deux pour les consulter ; « Messieurs, fit-il, cette question est préoccupante : saint Michel n’est pas servi comme il convient et les chanoines, ces clercs pleins d’orgueil, le servent à contrecœur. Ils ne font rien pour nous satisfaire, vous et moi. J’ai conçu le dessein de les renvoyer et de les remplacer par des moines. Approuvez-vous ce projet ? L’archevêque répondit : – Oui, par ma foi, il est estimable ». Le comte Raoul l’approuva aussi. Ils lui affirmèrent que cette entreprise, ainsi menée, plairait à Dieu. Le duc les pria de n’en dire mot jusqu’à ce qu’il eût tout trouvé : des moines et tout ce qui était nécessaire à son projet.
 
Li chanoine sourent assez
 
Que li dux eirt od els meslez [101]  :
 
De l’iglisie ount tot fors geté
 1780
Quanque il pourent, a celé [102]  ;
 
Cen que chescuns aveir en pout
 
A trestorné au mielz qu’il sout [103]  ;
 
A lor acointes unt livrez
 
Les ornemenz qu’enn’unt getez [104],
 1785
Quer mielz s’en volent tuit aler
 
Que prendre vie reguler [105].

~

1   Grande initiale également dans B : A son fiz fut grans anemis ; 1568-1570 absents dans B.

2   A : Louis ; B : Le rey de france loys.

3    seret a aconter Com il.

4    les max ; fet li a.

5   A : quil oceist ; B : Au rey ; quil locisist Ou les sillast ou destrusist.

6   1581-1582 absents dans B.

7    Mes ; li fu ; Par grans enginz et en portez.

8    le roy ; tout art.

9   1587-1588 absents dans B.

10    Mes por neient.

11    mes emballie.

12    Lor le guerroie ; Cil se desfent.

13    li so (? mot effacé) Mes damedeu.

14   Grande initiale également dans B : De latre part le quens tebaut.

15   A : louis ; B : De la tierce ses anemis En latre part le rei lois.

16    Li quens ; e esmoueit.

17   A : ceiert enus ; B : si oncle de saint liz Le guerreot mes sert en uinz.

18   A : Pa le conseil ; B : entre prins ; Par le conseil.

19   1607-1608 absents dans B.

20    A envoie isnelement Au rey herout vn sen.

21    En danemarche ou i maint De guerre a lui forment se plaint.

22   1613-1614 absents dans B.

23    Herout i vint o bien ; ni ot demorent.

24   Grande initiale absente dans B : Le roy de france o ost banie Esteit entre en normendie.

25    Quau pallement.

26    eu pallement.

27    Dez et ; Le rei meimes y fut prins.

28   A : for de ; B : Einz quil iessist hors de ; li baron.

29    pez dor en auant Tendront mes.

30    Par en somet ; Quanque challes ; dona.

31    ront il en serment Que le defendra.

32    Assez ; le rey ; son fiz por li rena.

33    Des couenanz ; Einces.

34   1637-1640 réduits à deux vers dans B : O son franc hom li quens richart Proz et hardiz comme lebart.

35    le rey ; Jeunes acez et si creiet.

36    Mauues ; le mal meteit.

37    O ses ; En vay a le li dus franceys.

38   A : cruement ; B : cruelment ; O fer o feu.

39    Par boys ; par champaigne ; 1650 absent dans B.

40    fet.

41   1653-1654 absents dans B : Glayue de gent ses homes font Par toz les lieus ou onques vont.

42    continuez : mortiex.

43    uoudrent ; Li rey.

44    au duc fet ; Que o Lohier cest.

45    mot ; Onc por nul deus leit otriee.

46    sans.

47    pez ; fete ; li dus au rey sa fete.

48    empez ses homes ; grans dons.

49    Touz ceus quil afet bautiser ; aleus ; repeirer.

50    qui amoient La ley paine et conteneient.

51    Par me ; hors ; Les en voie.

52    Por furent la en voiez ; mes.

53    Franceys par ieus ; Ne essillez ne deuiez.

54    amot amee ; fut finee.

55    A son pouer dex hennora ; toriors ama.

56    Les perecous ; Amonestot en.

57    Et as prodes homes ; Que mieuz feist quil na ueit feit.

58    Les ygleses arestorees.

59    comenca : amellora.

60   Grande initiale dans B : Entre les autres vne en out ; ceur ; amot.

61   A : La seint Michiel . ou ; B : estet ; celle du mont La saint michel ou.

62    mout par ert ; Sert herbergiez cil.

63    certainement.

64    Cel yglese ; Et con.

65   A : el pais la  (ponctuation ?) clers esteient Riches daueir . qui se faseient ; B : eu pais la clers esteient Riches dauer qui se feseient.

66    Deu mont ; apeler ; erent auener.

67   1707-1708 absents dans B.

68   A : deduient : aueient ; B : A lor eise se deduient Quer grans rentes en auoient.

69    Es poures ; feseient Por eus li glese. et il auoient.

70    Toutes ; si parteient ; entre eus.

71   A : les aloent ; B : Comme bourgeis les aloient ; les reueient.

72   A : uielment ; B : Vileinement les meinteneient Et cil vilement se teneient.

73   Grande initiale absente dans B : li quens sont ; A meruelles.

74    Il regarda et dist pour veir ; etre vodreit.

75    Autre.

76    Por neent ; neent.

77    ressout ; a mande : et a semble.

78    Proie ; docement : regulierement.

79    o preiere ; o menace A checun a dit quil.

80   A : quani qua ; B : Mes quanqua dit ert neent ; nen font neent.

81   A : Por preire ; B : Ne por preiere ; nul deus.

82    ententis sont Chacer eu bois les uns en vont.

83    aloient ; La ou la sauoient plainere.

84    Boire ; autre chose De quei suiuir nul nesalose.

85   1743-1744 absents dans B.

86   Grande initiale absente dans B : Li dus richart marri en fut A merueilles par le desplaist.

87    damedeu Norent por li point.

88   A : Quel merueille sen est marriz  (ponctuation) ; B : Ainces lont deu tot deguerpi A meruelles ce nest marri.

89    li gentil duc ; si mauuese.

90    larceuesque ; Tout son.

91    li adit.

92    Raul ot non hons bien vallant ; assez et molt puissant.

93    eus dous les treit ; feit il ; veit.

94    michel ; cil seruent a en viz.

95    Por mei ; En pensey ; metre.

96   A : Loiez le uos a faire eissi  (ponctuation) ; B : Loez le uos afere eissi ; Li arceuesque.

97    par foy ; raol.

98    plera Celle chose ce eissi va.

99    Proie ; De ce quil ait en quis partot.

100    et qua uer deit A fere ce quil vodreit.

101    sorent ; Que li dus ert o eus mellez.

102    De liglese ont tout hors gete.

103    Ce que checun auer ; A tres torne au miex quil pout.

104    ont liurez Les aurnemens que non.

105   1785-1786 absents dans B.

~

1    jeis : enclise de je + les. Cf. v. 2565 je es (où le e s’élide).

2    Cf. Dudon de Saint-Quentin, De moribus et actis…, livre IV, § 75, p. 230-231. Cf. aussi Pierre Bouet, « Richard Ier (935-996) duc de Normandie », Annales du Patrimoine de Fécamp, n° 8, 2001, p. 8-10 : « En 943, après l’assassinat de son père par les hommes du comte de Flandre, Arnoul, Richard fut emmené à Laon par le roi Louis d’Outre-Mer, son suzerain, qui voulait en assurer la garde et le former aux obligations de sa charge : mais le roi avait, semble-t-il, l’intention de récupérer le duché en éliminant le jeune duc… ».

3    À la forme réfléchie, embler, du latin involare, « voler, dérober » a, le sens de « se dérober, s’esquiver » (FEW IV, 804 b-805 a).

4    Engien, latin ingenium : « habileté, adresse ».

5    Pour le conflit entre Richard Ier et le comte de Chartres, Thibaud le Tricheur, second époux de Liégarde, veuve de Guillaume Longue Épée, voir François Neveux, La Normandie des ducs aux rois…, p. 48-51. Le récit fait par Guillaume de Saint-Pair est conforme à celui de Dudon de Saint-Quentin : Thibaud entendait soulever une vaste coalition bretonne, française et allemande contre la Normandie.

6    Cf. Dudon de Saint-Quentin, De moribus et actis…, livre IV, § 70, p. 225 : Bernardum, principem Northmannici exercitus… et § 77, p. 233, Bernardum Rotomagensem.

7    Cf. Pierre Bouet, « Richard Ier (935-996), duc de Normandie », p. 9-10 : « Face à une coalition française réunissant le roi Louis IV, le comte Arnoul de Flandre et le duc Hugues le Grand, les Normands, conscients du danger et privés de tout secours, firent appel à un « roi des Danois », nommé Hagrold, vraisemblablement un chef viking installé depuis peu dans le Cotentin ou le Bessin ».

8    Banni : dérivé de ban (du francique *ban, « loi dont la non-observance entraîne une peine »), qui « dénommait ou le territoire soumis à la juridiction seigneuriale ou toutes sortes de proclamations publiques émanant de cette autorité », dont les convocations de troupes militaires (Nelly Andrieux-Reix, Ancien français, fiches de vocabulaire, Paris, PUF, 1987, p. 25).

9    Franc, du germanique frank (« du peuple franc »), signifie « noble » ou « libre ». Rappelons que Rollon, selon le récit de Dudon de Saint-Quentin est devenu en 911 le vassal du roi, tout en recevant sa terre non pas en fief, mais en pleine propriété (in alodo et in fundo), avec la liberté de la léguer à ses héritiers, qui devaient « jouir de la quasi-totalité des droits régaliens sur la Normandie ». (François Neveux, La Normandie des ducs aux rois…, p. 23-24).

10    Dans jouvre, adjectif issu du latin tardif jŏ́venis (classique jū́venis), « jeune » (ancien français juene), le ou de la voyelle initiale implique un amuissement précoce (avant le IVe siècle) du e pénultième atone, provoquant l’entrave du o accentué et empêchant sa diphtongaison en [úo] au IVe siècle, ultérieurement [úe]. La substitution d’un r au n dans la finale jouvne est comparable à ce qui s’est produit dans pámpĭnupampnepampre ; cóphĭnucofnecoffre. Cf. v. 65 Estienvre.

11    Comte et duc désignent Richard. Cf. François Neveux, La Normandie des ducs aux rois…, p. 14 : « Le prince qui gouvernait la Normandie était d’abord comte de Rouen. Il s’intitula ensuite marquis, puis duc, en 1015 pour la première fois ». Marchis, au v. 2427, désigne Guillaume Longue Épée.

12    Essilier  : cf. v. 1396, 1403, 1513, 1580, 1653, 1680 ; contree : « terre, pays plus ou moins étendu et présentant une réelle unité géographique, économique, humaine ou politique » (TLF VI, 85 b, contrée et FEW II, 2, 1111 a, contra « vis à vis ») : « le pays qui est situé le plus près (de celui qui regarde ») ; cf. v. 2398 et 2516.

13    Aleuz, du francique al-ôd « propriété complète » : « domaine héréditaire, conservé en toute propriété, sans obligation de redevance », par opposition aux fiefs.

14    En Espagne.

15    Perechous, « paresseux », du latin pigritiósus, présente la palatalisation incomplète en [∫], graphié ch, d’un [k] suivi d’un e ou d’un i, ou d’un t suivi d’un yod, phénomène phonétique normano-picard ; et la diphtongaison incomplète en [u], graphié ou, d’un o fermé accentué et libre du latin, phénomène attesté dans les parlers de l’Ouest d’oïl. L’adjectif pereços et le substantif perece ont subi en moyen français l’influence ouvrante du r sur le e qui le précédait (comme dans escherpe devenu écharpe ou herde, du germanique *herda, devenu harde) d’où le français moderne paresseux, paresse.

16    Cf. Véronique Gazeau, « Abbayes bénédictines et abbés dans la Normandie ducale », Bulletin de l’OUEN, n° 10, juin 2000, p. 11 : « Quel que soit le type de clercs qui vécurent au Mont Saint-Michel avant l’introduction des bénédictins en 966, la vie religieuse s’y est maintenue » ; et dom Jacques Hourlier, « Le Mont Saint-Michel avant 966 », in Millénaire monastique du Mont Saint-Michel, t. I, Histoire et vie monastique, dom Jean Laporte (dir.), Paris, P. Lethielleux, 1966, p. 14-28 : « Elle [l’Introductio monachorum] se fera un devoir, le genre l’exige, de noircir ceux qui ont dû céder la place aux « bénédictins », aux « moines ». À sa suite, on qualifiera de chanoines les anciens religieux… ».

17    Au substantif bouvier « meneur de bœufs » s’attache une connotation péjorative, un autre sens du terme étant « être vulgaire ». Aloent dans A, aloient dans B, est l’imparfait du verbe aloer, « louer », « engager » (latin *allocáre) ; nous avons restitué dans le texte la forme de l’Ouest de ce verbe du premier groupe, alooent, attendue sur le plan morphologique et sur celui de la métrique. Comparer avec le v. 1709 où deduient est mis pour deduieient.

18    L’auteur fustige à la fois le comportement des chanoines et celui des clercs qui acceptent contre de l’argent d’accomplir à leur place leurs devoirs religieux.

19    Plenier, « complet, entier », a souvent une valeur presque superlative : « violent, vaste, complet, absolu » ; plenier de signifie « rempli de…, abondant en… », d’où l’emploi de plenier dans le passage : « plein (de poissons) ».

20    Hugues, archevêque de Rouen, 942 (ou 943)-989.

21    Raoul d’Ivry, frère de Richard Ier.

22    Acointe, du latin populaire *accognitum, de accognoscere, « reconnaître » : « ami », « familier ».

23    Cf. sur ce point dom Jacques Hourlier, « Le Mont Saint-Michel avant 966 », p. 27.