v. 1173-1378

La mort et l’enterrement d’Aubert ; les miracles du fondateur du sanctuaire

 
De seint Michiel Molt ennoreir
 
Et de cel leu bien atorneir [1]
 1175
S’est seint Autbert penei tosdis
 
Tant cum vesquit poesteïs [2].
 
Nient il sols ne l’enorout,
 
Mais mainz autre qui Deu amout [3].
 
Plusors miracles Dex i fist
 1180
Par sa grace que lor tramist [4].
Saint Aubert s’était préoccupé d’entourer saint Michel d’honneurs et de bien mettre en valeur ce lieu, tous les jours de sa vie, tant qu’il en eut la force [1]. Il n’était pas seul à l’honorer, plus d’un s’y employait aussi, par amour pour Dieu. Et Dieu, leur accordant sa grâce, y accomplit plusieurs miracles.
 
Quant seint Autbert fut de grant tens,
 
Et li troubla del cors li sens [5],
 
A Avrenches, en sa cité,
 
Li prist seis mals et s’enferté [6].
 1185
Malade fut et angoissous ;
 
Morir se crient. Tot a estrous [7]
 
Ses clers manda communement :
 
Si lor preia molt dolcement [8]
 
Que ses cors fust au mont portez
 1190
Et sepeliz et enterrez [9]
 
En un mostier de seint Perron ;
 
Ancienz eirt, de grant reison [10].
 
Il saveit bien, et veir esteit,
 
Que Dex cel leu molt chier aveit [11],
 1195
Et ce esteit nis sa chapele
 
Quant il faiseit s’ouvre novele [12].
Quand saint Aubert eut atteint un âge avancé et que ses facultés physiques se dégradèrent [2], à Avranches, sa ville, la maladie et la faiblesse s’emparèrent de lui. Malade et plein d’angoisse, il fut saisi par la crainte de la mort. Aussitôt, il fit venir ses clercs, tous ensemble, et les pria avec une grande douceur de faire porter son corps au mont, de l’y mettre dans un linceul et de l’y enterrer dans une église dédiée à saint Pierre. Elle était ancienne et de grand renom [3]  : il savait bien, et c’était la vérité, que Dieu aimait particulièrement ce lieu ; en outre, c’était sa chapelle quand il travaillait à son nouvel ouvrage.
 
Il sout tres bien certeinement,
 
Qu’il ne guarreit de cest neient [13].
A-f. 21r 
21rA grant peine l’otrei li funt
 1200
Que, quant iert mort, la l’enforront [14].
 
Aprof requiert que il seit enoiz,
 
Quer sa mort seit que n’est pas loigz [15].
 
Les persones qui iluec furent
 
L’ont enoilié si cum il durent [16].
Il savait parfaitement bien qu’il ne se rétablirait pas. Les autres lui donnèrent avec peine leur consentement : ils l’y enterreraient après sa mort. Il leur demanda ensuite l’onction, sachant que sa mort était proche, et les dignitaires ecclésiastiques [4] présents la lui administrèrent, comme ils se devaient de le faire.
 1205
Ne demora, se petit non,
 
Emprof ceste peticion [17]  :
 
Cel enferté tant le greva
 
Que de cest siecle trespassa.
 
Es ciels en est l’ame portee ;
 1210
Seint Michiel l’a bien aloee [18]  :
 
Buen le servi, ce m’est avis,
 
Quer il l’a mis en paradis [19].
 
Rés et lavez et sepeliz
 
En est le cors ou molt grant criz [20].
 1215
Tuit si ami plorent forment
 
De pitied. D’els a plus de cent [21]  ;
 
En esteient li oil lermant.
 
De deul plorent neis li enfant [22].
 
Ja ne reïst qui iluec fust,
 1220
Por nule joie qu’il eüst [23]  :
 
Einz l’esteüst del doel plorer
 
Que il veïst la demener [24].
Il ne resta en vie que peu de temps après cette demande : très affaibli par la maladie, il quitta ce monde. Son âme fut emportée aux cieux où saint Michel la mit en bonne place : l’évêque l’avait bien servi, je pense, c’est pourquoi [5] il le reçut au paradis. Son corps fut rasé, lavé et placé dans un linceul avec force cris de douleur. Tous ses amis versèrent bien des larmes de pitié. Il y en avait là plus de cent, les yeux pleins de larmes. Même les enfants, gagnés par l’affliction, pleuraient. Personne dans l’assistance, quelle que fût la joie qu’il éprouvât, n’aurait pu rire : il lui aurait fallu pleurer, sous l’effet des manifestations de douleur dont il aurait été témoin.
 
Li chanoine ont le cors vestu
 
De toz les dras que ordres fu [25]  :
 1225
Rocheit, braies, cauces, sandales,
 
Albe et emit, pareiz de paile [26],
 
Fanum, estole et domatique,
 
Ganz, anel d’or, une tunique [27]  ;
A-f. 21v 
21vChasuble rout, mitre a orfreis ;
 1230
Croce li mistrent demaneis [28]
 
Desoz les mains que out croizies
 
Desus le peiz, dreites colchies [29]  ;
 
N’i out rien d’or, einz fut d’ivoire
 
Li crocerons tallié, trifiere [30].
Les chanoines avaient revêtu le corps de tous les vêtements selon l’ordre établi [6]  : rochet [7], culotte [8], bas, sandales [9], aube et amict [10], ornés d’étoffe précieuse, manipule [11], étole [12] et dalmatique [13], gants [14], anneau d’or, une tunique [15]. Il y avait aussi une chasuble [16] et une mitre brochée d’or [17]. On plaça aussitôt après une crosse [18] sous ses mains que l’on avait croisées sur sa poitrine, bien à plat [19]  ; elle n’avait aucun ornement d’or, mais son extrémité sculptée, ciselée [20], était d’ivoire.
 1235
Quant issi l’ourent revestu,
 
En la biere l’ont estandu [31]  ;
 
Vn paile mestent sor la biere,
 
Que nel descuivre vent qui fiere [32].
 
Et dedesoz fut li suaire,
 1240
D’un drap cired sor le viaire [33].
 
L’eve, la croiz sunt aportez
 
Et les cierges touz alumez [34].
 
L’encens est prest : encensei l’unt.
 
Emprof icen commencié unt [35]
 1245
Le servise qui apendeit
 
A seint Autbert qui mort esteit [36].
Après l’avoir ainsi revêtu, on l’étendit dans la bière sur laquelle on mit une étoffe précieuse pour éviter qu’un souffle de vent ne le découvrît. En dessous, le suaire, fait d’une étoffe enduite de cire, était placé sur son visage. On apporta l’eau bénite et la croix, on alluma tous les cierges ; l’encens était prêt : on l’encensa et l’on commença ensuite la cérémonie en l’honneur de saint Aubert qui était mort.
 
Quant li servise fut finez
 
Et li cors fut bien attornez [37]
 
Ordeinent la procession
 1250
Li major clerc et li clerjon [38]  :
 
Le cors metent fors de l’igliese
 
Tels persones que l’en molt priese [39]  ;
 
Et defors l’unt pris et porté
 
Quatre baron par la cité [40].
 1255
Par les rues, espessement,
 
Crient et plorent povre gent [41].
 
Molt par maldient icel jor
 
Que il perdent lor bon pastor [42].
A-f. 22r 
22rIl les gardout et defendeit ;
 1260
Quant il jugout, il jugout dreit [43].
 
Ja por loier ne desveast
 
De jugement que il jugast [44].
 
Il se teneit od verité,
 
Si eschivout la fausseté [45].
 1265
As malades, as enchartrez,
 
Esteit li suens tozdis privez [46].
 
Il meïsmes quant il saveit
 
Ou en langor pouvre geseit [47]
 
Visitout lei molt dolcement,
 1270
Sil confortaut benignement [48],
 
Et en aprof, quant se tornout,
 
De sa sustance li leissout [49].
Une fois la cérémonie terminée et le corps bien préparé, les clercs principaux et les petits clercs [21] réglèrent l’ordre de la procession. Des dignitaires ecclésiastiques très estimés firent sortir le corps de l’église ; une fois dehors, quatre barons s’en chargèrent et le portèrent à travers la ville. Les pauvres, massés dans les rues, se répandaient en cris et en pleurs, maudissant ce jour où ils perdaient leur bon pasteur : il les protégeait et les défendait, et quand il rendait la justice, son jugement était équitable ; jamais, contre de l’argent [22], il n’aurait dévié d’un jugement qu’il devait rendre. Il se rangeait du côté de la vérité [23] et fuyait l’hypocrisie. Pour les malades, les prisonniers, ses biens étaient toujours les leurs [24]. Et lui-même, quand il savait qu’il y avait quelque part un pauvre alité, malade, il lui rendait visite avec beaucoup d’affection et le réconfortait avec bonté. Ensuite, en partant, il lui laissait une somme prise sur sa fortune propre [25].
 
A tote gent eirt molt amables,
 
Simples et dolz et enorables [50].
 1275
Il esteit peire as orfenins,
 
Si rest ostes as pelerins [51]  ;
 
Il esteit piez as esclopez,
 
Et si eirt oil as essorbez [52].
Très amical avec tous, simple, doux et plein d’égards [26], il était le père des orphelins, et il est toujours l’hôte des pèlerins. Il était les pieds des éclopés et les yeux des aveugles.
 
La pouvre gent que il norrisseit,
 1280
Comme buens peires faire deit [53],
 
Aünez sunt entor la biere :
 
Torner la volent tuit ariere [54].
 
A grant peine l’ont retenue
 
Li chanoine que descendue
 1285
Ne l’a cil pueples od le cors.
 
A la parfin sunt eissu fors [55]
 
De la cité, puis si s’en vunt [56]
 
Le dreit chemin des ques au mont.
Les pauvres qu’il nourrissait, comme un bon père doit le faire, s’étaient rassemblés autour de la bière et voulaient tous lui faire faire demi-tour. Les chanoines eurent bien du mal à empêcher que la foule ne s’en empare [27] ainsi que du corps. Ils sortirent enfin de la ville et s’en allèrent tout droit jusqu’au mont.
A-f. 22v 
22vDe totes pars aloent gent
 1290
Apres le cors, espessement [57].
 
Vnc d’Israel ne fut graignors
 
Li dels jadis fait, ne li plors [58],
 
Que de cestui, quer cist de la
 
Seitante jorz et seit dura [59],
 1295
Mais cil de ça dura tozdis,
 
A la vie de ses amis.
 
Il out de la maint instrument,
 
Mais de cha n’out fors plourement [60].
 
Li deuls de la ressemblaut feste,
 1300
Mais cist de cha pareit tempeste [61].
Venue de toutes parts, une foule épaisse suivait le corps. Le deuil et l’affliction manifestés pour Israël [28] autrefois, ne furent en rien plus profonds que pour lui : ils durèrent là-bas soixante-dix-sept jours, mais ici ils durèrent toujours, toute la vie de ses amis. Il y eut là-bas bien des instruments de musique, mais ici il n’y eut que des pleurs. Le deuil de là-bas ressemblait à une fête, celui d’ici apparaissait comme une tempête.
 
Alei unt tant qu’aresteü
 
Prof del mont sunt et descendu [62].
 
Li clerc del mont, a grant enor,
 
Vienent receivre lor segnor [63]  :
 1305
Il en eirent si adolé
 
Que rien en haut n’i out chanté [64]  ;
 
Amont le portent tesaument ;
 
Qui chanta rien dist belement [65].
 
Dedenz l’igliese seint Perron
 1310
Metent la biere od le baron [66].
 
Defors esteit la presse espeisse ;
 
Li clerc, dedenz, chantent la messe [67].
 
Entretant est la fosse faite,
 
Fors l’igliese est la terre traite [68].
 1315
Quant li clerc unt dit le servise,
 
Enfoï l’unt en itel guise [69]
 
Comme l’en deit evesque faire.
 
Il ne fut pas mis emmié l’aire [70],
A-f. 23r 
23rAnciez fut mis enz el chancel,
 1320
En un sarcoul chevé, molt bel [71]  ;
 
Desoz l’autel enterrei l’unt ;
 
Li piez de lui dedefors sunt [72]  :
 
Issi fut mis que en sum estout
 
Li chapeleins quant il chantout [73].
Ils avaient avancé, s’étaient arrêtés aux abords du mont et avaient mis pied à terre. Les clercs du mont, en grande cérémonie, vinrent recevoir leur seigneur. Ils étaient si affligés de sa mort que pas un chant ne fut exécuté : ils le portèrent là-haut en silence, et les chanteurs se contentèrent de bien dire les prières. Ils mirent dans l’église Saint-Pierre la bière contenant le saint homme. À l’extérieur se massait une foule importante. Les clercs, à l’intérieur, chantaient la messe. Pendant ce temps, on avait creusé la fosse et retiré la terre de l’église. Après avoir célébré l’office, les clercs l’enterrèrent comme il se doit pour un évêque. On ne le plaça pas au centre de l’église, mais à l’intérieur du chœur, dans un très beau sarcophage évidé. On l’enterra sous l’autel, avec les pieds à l’extérieur : il fut placé de telle sorte que le chapelain, quand il chantait, se trouvait au-dessus de lui [29].
 1325
Quant seint Autbert fut enterreiz,
 
Tout li pueples s’en est aleiz [74].
 
Li chanoine unt lors esguardei
 
Que chascun jor i ait chantei [75]
 
Messe, matines et servise :
 1330
Establi l’unt par itel guise [76]
 
Que chascun d’els i aut son tor
 
Sa semeine faire ou son jor [77].
 
Par semeines graanté fu
 
Et encor est issi tenu [78].
Après l’enterrement de saint Aubert, la foule tout entière s’en alla. Les chanoines envisagèrent alors que soient chantés chaque jour dans l’église messe, matines et office. Ils instaurèrent l’usage suivant : chacun d’eux devait aller à son tour, y accomplir sa semaine ou son jour. L’organisation par semaine fut approuvée et est encore conservée telle quelle [30].
 1335
Miracle sunt maint avenu
 
Por seint Autbert puis que mort fu [79].
 
Li chanoine, qui cen veieient,
 
Porpensent sei que faire deient [80]  :
 
En une fiertre, honestement,
 1340
Qui couverte eirt d’or, et d’argent [81],
 
De l’evesque metront le cors
 
Que osteront del sarqeu fors [82].
 
Conseil en vunt et congié querre
 
A l’archevesque de la terre [83]
 1345
Et al segnor qui eirt en France,
 
Que faite en fust graignor oiance [84].
 
Aprof ont levei le cors seint
 
(Si i guarirent enfers maint) [85],
A-f. 23v 
23vPuis l’ont enclos enz en la chasse
 1350
Ou argent out et d’or grant masse [86]  ;
 
Mais ne le chief ne le braz destre
 
N’i voldrent il pas leissier estre [87],
 
Por porter as processions
 
Et por mostreir les as barons [88],
 1355
Qui vendreient a haute feste,
 
Et le pertus qu’ert en la teste [89].
De nombreux miracles se produisirent, du fait de saint Aubert, après sa mort. Les chanoines, qui en étaient témoins, réfléchirent à ce qu’ils devaient faire [31]  : ils décidèrent de mettre solennellement dans un reliquaire [32] recouvert d’or et d’argent le corps de l’évêque qu’ils ôteraient du cercueil. Ils allèrent demander leur avis et leur accord à l’archevêque de la région et au seigneur qui régnait sur la France pour faire connaître plus largement les faits. Puis ils retirèrent la relique (et à cette occasion plus d’un malade guérit) et l’enfermèrent dans la châsse pour laquelle on avait employé de l’argent et quantité d’or. Mais ils ne voulurent y laisser ni la tête ni le bras droit, souhaitant les porter aux processions et les montrer, avec le trou qui était sur la tête, aux nobles seigneurs qui viendraient pour une fête solennelle.
 
Quant le cors seint fut aloez [90],
 
A seint Michiel en fut portez :
 
Desus l’autel la chasse ont mise,
 1360
Molt richement l’i ont assise.
 
Espessement fut puis requis
 
De malades, jel vos plevis,
 
Et guaires nul n’enn’ i aveit [91]
 
Qui cen n’eüst que il quereit,
 1365
Se par bone devocion,
 
Il faiseient lor oreison
 
Par la preiere seint Autbert
 
Et seint Michiel qui a Deu sert.
Quand la relique fut mise en place, elle fut apportée auprès de saint Michel : on déposa la châsse sur l’autel et on l’y installa magnifiquement [33]. Saint Aubert fut depuis sollicité par des foules de malades, je vous le garantis, et il n’y en avait pratiquement aucun qui n’obtînt ce qu’il demandait, à condition de faire son oraison avec une foi sincère, en adressant sa prière à saint Aubert et à saint Michel, le serviteur de Dieu.
 
La merci Deu, de cest avum
 1370
Si trait a chief cum nos devum [92].
 
Or redirom, se Dex le veut,
 
De qui toz biens venir nos seut [93],
 
Com li chanoine ostez en furent,
 
De lor choses, qui encor durent,
 1375
Et comme i furent mis li moine,
 
Par cui main, par cui testemoine [94],
 
Qui conferma que il i fussent,
 
Qui mist les rentes qu’il eüssent.
Par la grâce de Dieu, voici que nous avons mené ce récit à son terme, comme nous le devons. Nous allons maintenant dire aussi, si Dieu le veut, lui dont nous vient toujours tout bien, comment les chanoines furent chassés du mont (et évoquer leurs biens [34], qui existent toujours), et comment les moines y furent installés, sur l’ordre de qui, qui en témoigne, qui confirma officiellement leur installation, et qui octroya les rentes dont ils devaient bénéficier.

~

1   Grande initiale également dans B : De saint michel molt enorer : atorner.

2   A : posteis ; B : Sest saint aubert penei toz dis : vescut posteis.

3    soul ne lanorout Mes maint.

4   A : il fist ; B : i fist ; par la grace.

5   Grande initiale dans B : Quant saint aubert fut de grant tens ; deu corps le sens.

6    En aurenches ; Li prinst ses maus.

7    angoissos ; se creint tot a estros.

8    mot docement.

9    son corps ; porte ; enterre.

10    monstier de saint ; Anciens ert de grant reson.

11    sauet ; ver ; deu.

12    Et ce esteit neis ; il feset seuure.

13    certainement ; ne garret de cest neent.

14    lotrei ; ert mort la len forront.

15    Apres ; quil seit en oinz ; loiginz.

16    illeuc ; Lont en lie si comme durent.

17   Grande initiale également dans B : Ne demora se petit non ; Empres.

18    Es ciex ; Saint michel.

19    Bon ; se mest.

20    Reis et leueiz et seueliz ; o molt grans criz.

21    Touz si amis ; De pitei deu a plus de cent . ~ (ponctuation)

22    li eul ; tot li enfant.

23    ne risist qui illeut fust Pour nulle ioie que il.

24    Ainz ; de deul ; Qui iueist.

25    touz ; ordre.

26   A : sçandales ; B : Rochet ; chauces sandales Aube ; parez.

27   A : Fanum . estole ; Ganz . anel dor . une ; B : Fanon estole ; Sans anel dor une.

28    ront ; a orfrais.

29    Desus les mains que ot croisees ; 1232 absent dans B.

30    ains fut diuiere Li croizerons tallie trefiere.

31   A : estadu ; Grande initiale également dans B : Quant einssi furent reuestu ; estendu.

32    metent sus la biere ; desquiure vent que i fiere.

33    le suaire ; cire sus le uiere.

34    les cirges.

35    encense lont Empres ice conmensei ont.

36    A saint aubert.

37   Grande initiale également dans B : Quant le seruise fut finez ; le cors ; atornez.

38    Or mainent ; Les greignors clers.

39    fors de liglese Tiex persones que len mot prise.

40    dehors lont prins ; barons.

41    espeissement Errenter plorent.

42    maudient ; Quer perdu ont lor bon seignor.

43    gardeit ; iuiout.

44    por loier ne desuoiast.

45    o uerite Si eschiuot la faucete.

46    le suen.

47    Li meimes ; Ou en languor poure geset.

48   A : Siel confortant ; B : Visetot le mot docement ; 1270 absent dans B.

49    Et empres quant sen tornot De sa substance lor lessot.

50    A totes genz ert mot amables Simples et douz et henorables.

51    pere es orfelins ; ert ostes es pelerins.

52    estet ; ert ieuz.

53    la poure gent quil norrisset Comme pere fere deueit.

54    la veulent tuit arrere.

55    cil peuple o le corps En la parfin ; iessu.

56    puis si cen vunt.

57    aloient gens Apres le corps espeissement.

58    Onc de israel ne fut gregnors Li deul iadis fet.

59   A : de cestui . quert cist ; B : de cetui . quer cil ; Septante iours et seipt.

60    Il ont dela ; Mes deca nont que ploremet.

61    Li deul ; resemblot feste Mes cest deca paret tampeste.

62    Alez sunt tant que arestuz Sunt pres deu mont et descenduz.

63    deu mont a grant honor ; lo seignor.

64    erent ; ni ot.

65    Au mont ; tesamment.

66    Dedens li glese de saint ; o le.

67   Grande initiale dans B : Dehors la presse fut espesse Li clers de dens.

68    fete Hors de liglese la terre est treite.

69    ont dite la messe Enfoy lont.

70    fere : mis en lere.

71    Ainses ; ens eu chansel En . I . sarqueul caue.

72    en terre lont Le piez ; de de hors.

73    Eissi fut mis desus cestout ; quant chantout.

74   Grande initiale dans B : Quant seint aubert fu en terrez tot le peuples se nest alez.

75    ont los esgarde ; checun ; chante.

76    Establi lont.

77   A : faire . ou ; B : Que checun deuls iaut sentor ; fere et.

78   B : vers 1333-1334 : Tant que conseil bon et leal I ot mostier parrochial.

79    Miracles sont mainz auenz Por saint aubert puis que mort fuz.

80   A : qui cen ueient Porpense sei ; B : qui ce veient Porpense se.

81   A : fiertre ; eirt dor . et dargent ; B : fierte ; ert dor et dargent.

82    le corps Que hosterent sarqueu hors.

83    Conceil en vont ; larceuesque.

84    au seignor qui ert ; feite ; greignor.

85    Apres ont leue le corps saint ; ygarirent en fer.

86    emmi la chace ; ot.

87    Mes ; detre Nu vodrent pas lesser etre.

88    as baros.

89    Qui uiendront.

90   Vers 1357 à 1368 absents dans B.

91   A : nen ni aveit.

92   Grande initiale absente dans B : La deu merci de cest auon ; treit ; deuon.

93    tot bien.

94   A : E comme il furent ; B : Et com i furent ; par qui ; par qui.

~

1    La correction poesteïs est suggérée par Graham R. Birrell, Le Roman du Mont-Saint-Michel by Guillaume de Saint-Pair, p. 25.

2    Sens signifie généralement « raison », mais aussi « perception ». L’auteur montrant saint Aubert particulièrement lucide dans la préparation de sa mort et de ses obsèques, il est difficile de traduire li sens li troubla par « ses facultés intellectuelles s’affaiblirent » ; on peut penser que ce sont ses facultés physiques qui se sont détériorées.

3    Les deux adjectifs peuvent s’appliquer aussi bien à Aubert qu’au mostier évoqué au vers précédent : « il était vieux et de grande réputation ».

4    Persones : cf. v. 909 et 1252.

5    Quer a ici son sens originel, celui de son étymon quare « pour cette raison, c’est pourquoi ».

6    Jacques-Paul Migne (éd.), Patrologiae latinae cursus completus, t. LXXVIII, Paris, Garnier, 1895, col. 985-986 donne dans l’Ordo romanus n° V, De missa episcopalis primus, au ch. « De vestimentis pontificalibus », les détails de la vestition d’un homme d’église.

7    Cf. Jean Favier, Dictionnaire de la France médiévale, p. 577-579 (s.v. liturgiques) : « Les simples clercs qui ne célèbrent pas portent une chemise de lin plus courte, le rochet, que les évêques portent sur l’aube ». Michel Feuillet, Vocabulaire du christianisme, p. 105, précise l’origine du terme, de l’allemand Rock « robe ».

8    Braies, du gaulois latinisé *bracas, sorte de culotte ou de caleçon ; cf. v.1558 braioel « ceinture de braies ».

9    Cf. Fernand Cabrol et Henri Leclercq, Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. III, 1 (1913), p. 1217 (s.v. chaussure) : les chaussures liturgiques sont des campagi, sorte de brodequins, ou des soleae, sandales découvertes.

10    Aube, du latin alba « blanche ». Jean Favier, Dictionnaire de la France médiévale, p. 577-579, s.v. liturgiques, note : « La base, pour les évêques et les prêtres est l’aube, sorte de longue tunique de lin blanc […]. Elle est complétée depuis l’époque carolingienne par l’amict, pièce de lin qui entoure le cou et peut constituer un capuchon… ».

11    Serviette portée par le prêtre sur le bras gauche pendant la célébration de la messe.

12    Jean Favier, ibid. : « C’est une longue bande de tissu, normalement analogue par sa couleur et son décor à la chasuble ou à son orfroi […]. L’étole est l’insigne des ordres majeurs, prêtrise et diaconat […]. Le prêtre la laisse pendre jusqu’à ses pieds, l’évêque la croise sur sa poitrine ».

13    Dalmatique : chasuble portée par les diacres ; ornement de soie porté par l’évêque sous la chasuble. Jean Favier, ibid., précise : « L’évêque porte sa chasuble sur une dalmatique et une tunicelle dérivée du rochet. Cette superposition rappelle la plénitude du sacerdoce dont il est investi ». Michel Feuillet, Vocabulaire du christianisme, p. 39 précise : « L’étoffe de laine de Dalmatie, avec laquelle elle était confectionnée, explique son nom ».

14    Jean Favier, ibid. : « C’est au XIIe siècle que se généralise l’usage d’ornements proprement épiscopaux comme les gants brodés d’une croix ou les chaussures de soie semblablement brodées, dont l’apparition dans le vêtement liturgique n’était, depuis les temps carolingiens, qu’épisodique… ».

15    Jean Favier, ibid. : « Par la suite, l’aube se porte sur une tunique de laine… ».

16    Jean Favier, ibid. : « Pour la messe, le célébrant revêt sur l’aube, depuis le VIIe s., une chasuble de laine ou de soie […]. C’est une pièce de forme ronde, avec une échancrure pour le cou. Les bords latéraux en sont relevés sur les poignets ». Cf. Michel Feuillet, Vocabulaire du christianisme, p. 26 : « Du latin casubula, issu de casula « vêtement de dessus ».

17    Orfrei, orfroi, de aurum phrygium, « or de Phrygie » : étoffe brodée ou brochée d’or. Cf. Jean Favier, ibid., à propos de la mitre : « C’est un bonnet de laine ou de tissu précieux, souvent brodé, orné d’un orfroi en tour de tête ».

18    Jean Favier, ibid. : « Comme signe de son autorité, l’évêque ou l’abbé, qui porte en tout temps son anneau pastoral, tient à la main, pour célébrer ou présider, dès le Ve s., un bâton pastoral […]. Ornée de métaux précieux dès l’époque carolingienne, la crosse devient au xiie s. un ouvrage d’orfèvrerie où se mêlent l’or, l’argent, les émaux et l’ivoire… ». Les dérivés croçon, crossillon, croceron désignent plus précisément l’extrémité recourbée de la crosse (cf. FEW XVI, 413 a, *krukja, substantif d’origine germanique).

19    Cf. Consuetudines Beccenses, Marie-Pascal Dickson (éd.), ch. XXVIII, « De abbate », § 531, l. 15-16, p. 219 (à propos de la mort de l’abbé et de la préparation de son corps pour la cérémonie funèbre) : … et baculo pastorali manibus supra pectus reverenter collocatis imposito… : « le bâton pastoral ayant été placé sur ses mains posées avec déférence sur sa poitrine ».

20    Trifiere est à rattacher au latin triforium « à trois portes ». L’ancien français avait l’adjectif trifoir « incrusté, ciselé » et « en forme d’arceau, à arcades » et le substantif trifoire « ciselure, ouvrage ciselé ». L’emploi du mot dans le vers semble plutôt adjectival. Pour sa forme et la rime avec ivoire, voir les points de phonétique abordés dans l’introduction.

21    Clerjon : cf. clerzon, clerzum, v. 883, 905 et 918.

22    Les leçons de A por loer, et de B por loier sont toutes deux compatibles avec le contexte : l’impartialité et l’honnêteté d’Aubert sont incontestables, qu’il s’agisse de résister à des flatteries (por loer) ou à des tentatives de soudoiement (por loier). Nous avons choisi la locution por loier, fréquente en ancien français et attestée au v. 2309, dans un contexte semblable de corruption envisagée.

23    Cf. FEW XIII, 210 a, tenere : soi tenir, « se fixer ; demeurer dans une certaine position, dans un certain état ; avoir telle attitude physique ou morale ».

24    Privez : « limité à un seul individu », « appartenant à un seul individu » (FEW IX, 396 b, privatus) a ici le sens de « personnel, qui appartient en propre » : ses biens étaient (comme) les biens personnels des pauvres et des prisonniers, il les mettait à leur disposition.

25    Sustance, sostance : « bien, fortune » (lat. substantia), à comparer avec sustance, v. 84 : « subsistance » (cf. sostenir).

26    Amable et enorable peuvent avoir un sens actif : « il aimait, il honorait tout le monde » ou passif : « il était digne d’être aimé et honoré de tous ».

27    Descendre décrit la tentative des petites gens de faire descendre la bière des épaules des porteurs.

28    Cf. Genèse 50, 1-14 : à la mort de Jacob ou Israël, père de Joseph, on observa un deuil de soixante-dix jours, suivi de sept jours supplémentaires.

29    À propos de ce récit des funérailles d’Aubert, qui sont celles d’un évêque du XIIe siècle, et de la disposition de sa tombe, cf. Marcel Lelégard, « Saint Aubert », p. 29-52.

30    v. 1333-1334, version de B : « [chacun d’eux devait, à son tour aller y accomplir sa semaine ou son jour] tant que l’église paroissiale eut un conseil honnête et probe ».

31    Correction veieient, porpensent suggérée par Graham R. Birrell, Le Roman du Mont-Saint-Michel by Guillaume de Saint-Pair, p. 28.

32    Fiertre, fierte, « châsse, reliquaire », du latin feretrum, « brancard ». Cf. François Neveux, « Les reliques du Mont-Saint-Michel », p. 245-269 : « Le chef de saint Aubert était conservé à part, dans un reliquaire datant du XIIe siècle. Le reliquaire fut fondu à l’époque révolutionnaire, mais le chef de saint Aubert fut sauvé : il est toujours conservé aujourd’hui dans le trésor de l’église Saint-Gervais [à Avranches] » (p. 251).

33    François Neveux, « Les reliques du Mont-Saint-Michel », p. 250, précise : « La plus grande partie du corps de saint Aubert reposait en 1396 dans une châsse située au-dessus du revestiaire et derrière l’autel de saint Michel » ; seint Michiel : l’archange ou l’abbaye ? La préposition a peut être suivie d’un nom de personne indiquant le but d’un mouvement. Cf. les v. 3190 et 3366. Lorsqu’il peut ainsi y avoir ambiguïté, nous avons choisi de traduire par le nom de l’archange.

34    Chose : le FEW II, 1, 541 a, causa, atteste pour chose ce sens de « propriété ».